Sénèque revient quelquefois sur la même pensée ; mais la richesse de son expression y répand toujours une nuance délicate que nous sentons, et qui la diversifie ; c’est ainsi qu’à chaque ligne il fait le charme de l’homme de goût, et le tourment du traducteur. […] « Qu’on n’a jamais cité Montaigne en fait de goût. » Montaigne est riche en expressions, il est énergique, il est philosophe, il est grand peintre et grand coloriste. […] Alors, des expressions d’Ennius et d’Attius étaient surannées, comme plusieurs de Rabelais, de Montaigne, de Malherbe et de Régnier le sont aujourd’hui. […] 7° « Que l’auteur crée des expressions nouvelles…364 » Et pour le prouver, on en cite de vieilles. […] N’aurait-il pas été regretté par Voltaire et mis au nombre des expressions que cet homme de goût se proposait de restituer au Vocabulaire de l’Académie ?
L’expression se consolide, la maîtrise augmente, l’abondance croît. […] La plus admirable politesse tempérait l’expression de son avis. […] Le portrait qui en résulte pour nous s’augmente ainsi d’une expression nouvelle. […] Ils y voient une des plus belles et des plus complètes expressions sociales des temps modernes. […] Je crois donc qu’il ne serait pas inutile de nous arrêter un instant sur les moyens d’expression que se sont créés les poètes d’aujourd’hui.
D’ailleurs toute latitude n’est-elle pas laissée à qui tente les différents modes d’expression poétique ? […] Mallarmé sera-t-elle tenue pour ce qu’elle est réellement : l’expression de l’extrême décadence d’une période d’art, une curiosité de bibliothèque intéressante seulement pour quelques glossateurs. […] Cela lui permit de noter avec sobriété, avec même des trouvailles d’expression heureuses, sans invectives passionnées mais selon le dégoût le plus intense maintes péripéties de son esclavage. […] Mais il note, avec un grand bonheur d’expression, maints faits et gestes puérils, L’entreprise était malaisée. […] Cette folie eut une expression suprême chez M.
En applaudissant vivement à l’expression de ce reproche qui atteignait en partie la belle société, il est évident que le public académique prenait tout haut l’engagement de ne plus retomber dans pareille faute.
Quand Pascal s’abîme dans la méditation de l’immensité des espaces, quand son imagination est lasse et sa pensée impuissante, la langue lui fournit encore des signes capables de représenter l’inconcevable : « C’est une sphère infinie dont le centre est partout, la circonférence nulle part. » Formule vide de sens littéral, mais évidente et substantielle pourtant : sorte d’expression algébrique qui soumet l’infini à la même notation que le fini, et qui, par une combinaison de termes positifs et négatifs, arrive à donner la mesure de l’incommensurable.
M. de Laprade possède au plus haut degré ce qui manque trop à des poètes de ce temps, distingués, mais courts ; il a l’abondance, l’harmonie, le fleuve de l’expression ; il est en vers comme un Ballanche plus clair et sans bégayement, comme un Jouffroy qui aurait reçu le verbe de poésie.
Maintenant, il faut dire que cette technique de l’alexandrin, il est vrai, admettant des coupes diverses, a dû contribuer à fausser l’expression de quelques aspects de ses idées ; ses rimes, et comment pourrait-il en être autrement ?
Les bonnes plaisanteries, les tours heureux, les pensées courageuses, les expressions énergiques qu’on trouve sur-tout dans celle qu’il a intitulée Mon dernier mot, prouvent qu’il a un talent marqué pour ce genre de Poésie, & nous l’invitons à le cultiver.
Il seroit à souhaiter qu'on pût louer le sujet de toutes ses Epigrammes, comme on admire la maniere dont il l'a traité ; mais on ne doit pas oublier qu'il s'est reproché ces écarts ; & en ne considérant ces petites Pieces que du côté de la poésie, qui n'applaudira à la simplicité, à la briéveté, à la justesse & à l'énergie de l'expression, au sel piquant, au tour original, qui le rendent un Auteur presque unique en ce genre, sans excepter Martial, lequel, à beaucoup près, n'est ni aussi précis, ni aussi nerveux, ni aussi agréable que lui ?
À cet avant-dernier fascicule devait succéder, l’année suivante, un travail général sur la sculpture du temps, où se serait détachée, comme l’expression la plus originale de la sculpture rococo, la petite figure du sculpteur Clodion.
Il vaut mieux, à tout prendre, renoncer à l’expression d’une idée que de la formuler en patois.
Ce qu’il y a de hardi dans l’expression, d’une musette qui dort, devient simple et naturel, préparé par le sommeil du berger et du chien.
Ce n’est pas que vous dédaigniez la lecture des chefs-d’œuvres d’Athènes & de Rome, la meilleure école du goût & du génie ; mais né avec un tempérament aussi délicat que votre esprit, & ne voulant pas vous faire de l’étude un travail pénible, vous avez pensé, avec raison, qu’on éprouvoit toujours quelque fatigue en lisant des Livres écrits dans une langue morte, dont les tours variés, les expressions singulieres, les inversions fréquentes mettent l’esprit à la torture.
Un petit nombre peut apprendre cet art qui, pour me servir de l’expression d’Horace, fait vivre en amitié avec soi-même : quod te tibi reddat amicum.
Ainsi la réputation du peintre, dont le talent est de réussir dans le clair-obscur ou dans la couleur locale, est bien plus dépendante du suffrage de ses pairs, que la réputation de celui dont le mérite consiste dans l’expression des passions et dans les inventions poëtiques, choses où le public se connoît mieux, qu’il compare par lui-même, et dont il juge par lui-même.
Il a pris les devants, dirais-je, si toutefois ce puriste narquois permet cette expression. » Et il l’a dit, dans la préface de l’Art d’écrire : « Je n’ai pas appliqué mes préceptes en ce volume ; mais je les appliquerai dans un roman que je compte publier bientôt.
Quelques détails de toilette assez gracieux et vivement rendus, et qui révèlent une main de femme dans un temps où l’on ne décrivait pas, ne sont point assez pour qu’on nomme hardiment madame de la Fayette, cette platonicienne sans le savoir, qui ne voit absolument rien dans le monde que l’expression chaste des sentiments.
D’autres fois, cette littérature est l’expression et le résumé de toute la civilisation d’un long passé, et non plus, comme dans le cas précédent, le cri mélodieux d’une génération particulière ou l’expression d’une certaine période de la vie nationale. […] Feuillet me permettra-t-il de lui faire entendre l’expression d’un désir qui prend sa source dans la sympathie que m’inspire son talent ? […] Cherbuliez, peu d’expressions inattendues, inventées. […] Expression métaphorique pour expression métaphorique, celle qui prétend que la science nourrit l’esprit est plus près de la réalité que celle qui veut qu’elle le meuble ; car le savoir enrichit l’imagination, non comme une collection d’objets mobiliers enrichit une demeure, mais comme une nourriture succulente enrichit le corps. […] À ce caractère il vous est facile de reconnaître un talent qui est plutôt fait pour la satire sociale que pour l’expression pathétique des passion ?
Sophocle, tout fécond qu’il semble avoir été, tout humain qu’il se montra dans l’expression harmonieuse des sentiments et des douleurs, Sophocle demeure si parfait de contours, si sacré, pour ainsi dire, de forme et d’attitude, qu’on ne peut guère le déplacer en idée de son piédestal purement grec. […] Le xvie siècle eut pour mission de réparer ce désordre, de réorganiser la société, la religion, la résistance ; à partir d’Henri IV, il s’annonce ainsi, et dans sa plus haute expression monarchique, dans Louis XIV, il couronne son but avec pompe. […] Quoi qu’il en soit, on doit comprendre à merveille, d’après cet esprit général, libre, naturel, philosophique, indifférent au moins à ce qu’ils essayaient de restaurer, la colère des oracles religieux d’alors contre Molière, la sévérité cruelle d’expression avec laquelle Bossuet se raille et triomphe du comédien mort en riant, et cette indignation même du sage Bourdaloue en chaire après le Tartufe, de Bourdaloue, tout ami de Boileau qu’il était. […] Il était de la veine rapide, prime-sautière, de Régnier, de d’Aubigné ; ne marchandant jamais la phrase ni le mot, au risque même d’un pli dans le vers, d’un tour un peu violent ou de l’hiatus au pire ; un duc de Saint-Simon en poésie ; une façon d’expression toujours en avant, toujours certaine, que chaque flot de pensée emplit et colore. […] C’est alors que par la vérité des sentiments, par l’intelligence des expressions et par toutes les finesses de l’art, il séduisoit les spectateurs au point qu’ils ne distinguoient plus le personnage représenté d’avec le comédien qui le représentoit.
Plus de vingt ans de misère et de réclusion consacrés à l’expression d’elle-même devaient aboutir à une réalité littéraire si pleine et si rayonnante qu’un jour il était fatal que celle-ci se levât de la nuit et éclairât au loin autour d’elle. […] Ces dons extraordinaires, cette vigueur de saisissement intellectuel peuvent amener des excès ; ceux-ci, en tous cas, n’ont rien de commun avec la caricature et la bouffonnerie, simples grossissements des apparences ; il n’est pas d’outrance d’expression, chez Max Jacob, qui ne s’accompagne d’un poignant débordement intérieur, avide, sinueux, insinuant. […] Quand bien même personne, avant lui, n’aurait fait de poème en prose, quand bien même, pour employer ses expressions, il nous affirmerait qu’au milieu d’un grand nombre de « poètes en proses », il n’y a que quelques « auteurs de poèmes en prose »ag et qu’il est de ceux-là ; je ne me résignerai jamais à emprisonner son œuvre dans une cage si étroite. […] Il a déployé une adresse et un soin de métier extrêmes pour sauvegarder la possession et l’expression complètes de ses initiatives, prises sur le vif et sur le fait. […] L’expression renvoie à l’orientation conservatrice et militariste de l’Allemagne de cette époque.
Je m’imagine (que les mathématiciens me pardonnent si je m’égare), je m’imagine qu’il y a dans cet ordre de vérités, comme dans celles de la pensée plus usuelle et plus accessible, une expression unique, la meilleure entre plusieurs, la plus droite, la plus simple, la plus nécessaire. […] Or, tout style (la vérité de l’idée étant donnée) est un choix entre plusieurs expressions ; c’est une décision prompte et nette, un coup d’État dans l’exécution. Je m’imagine encore qu’Euler, Lagrange, avaient cette expression prompte, nette, élégante, cette économie continue du développement, qui s’alliait à leur fécondité intérieure et la servait à merveille. […] Ampère, en répondant, gardait de même, et auquel il ajoutait de plus une expression de respect, comme s’il eût été quelqu’un de moindre : noble contradiction de vues, ou plutôt noble échange, auquel nous avons assisté, entre deux grandes lumières trop tôt disparues !
Sainte Thérèse l’inventait en sens inverse vers le même temps en Espagne, appliquant à l’amour divin les extases, les expressions, les images de l’amour terrestre. […] » On voit que les images et les expressions si contraires à la chaste pureté et à l’éternelle beauté des poésies antiques répugnaient à Pétrarque comme à Voltaire, comme à nous-même. […] Son amour devient génie par la constance de ce jeune poète à chercher dans deux langues qui luttaient alors, le latin et l’italien, les expressions, les rythmes, les images les plus capables d’honorer éternellement celle qu’il aime. […] Ses vers, sobres d’images, mais neufs d’expressions, sortent en petit nombre, non de sa plume, mais de son cœur, comme des palpitations cadencées de ce cœur qui se répercutent sur sa page ; la musique de ces sonnets ressemble aux majestueux et graves murmures de la grotte de Vaucluse, qui viennent de l’abîme, qui sonnent creux, qui remplissent l’âme, qui la troublent et qui l’apaisent comme des échos souterrains des mystères de Dieu.
Il passa en revue l’armée et la bande des carbonari calabrais, que le général Pepe lui présentait sous les armes, soit comme soutiens du trône transformé, soit comme expression de sa cour. […] Le passage inculpé est une imprécation poétique contre l’Italie en général ; imprécation que prononce Childe Harold au moment où, quittant pour jamais les contrées de l’Europe, contre lesquelles sa misanthropie s’exhalait souvent avec toutes les expressions de la haine, il s’élançait vers un pays où son imagination désenchantée lui promettait des émotions nouvelles. […] Rétablissons les faits : l’imprécation du cinquième chant de Childe Harold n’a jamais été l’expression des sentiments de M. de Lamartine sur l’Italie. […] Irréligieux jusqu’au scepticisme, fanatique de révolutions, misanthrope jusqu’au mépris le moins déguisé pour l’espèce humaine, paradoxal jusqu’à l’absurde, Childe Harold est partout et toujours, dans ce cinquième chant, le contraste le plus prononcé avec les idées, les opinions, les affections, les sentiments de l’auteur français ; et peut être M. de Lamartine pourrait-il affirmer avec vérité qu’il n’y a pas dans tout ce poème quatre vers qui soient pour lui l’expression d’un sentiment personnel.
Mais ce ne sera encore, selon l’expression de Delbœuf, qu’un organe adventice et momentané. […] En tout cas, loin de dire que les représentations de qualités et d’intensités se ramènent à des représentations de différences, il faut dire, au contraire, que les représentations de différences se ramènent elles-mêmes à des représentations spécifiques sous le rapport de la qualité et de l’intensité, à des représentations directes et immédiates, dont les jugements de différence ne seront que l’expression ultérieure dérivée, abstraite20. […] Puis il provoque des réactions motrices, qui, si elles sont faibles, demeurent moléculaires, et qui, si elles sont fortes (soit par l’énergie de la sensation même, soit par l’énergie de la diffusion émotionnelle), provoquent des mouvements visibles d’expression. […] Dans cette hypothèse, le mouvement serait une transposition des éléments sensationnels et appétitifs en langage visuel et tactile ; il serait un extrait des sensations mêmes et appétitions, et une expression spatiale de leurs rapports24.
je le dis avec une conviction qui n’emprunte rien au patriotisme et rien à l’illusion, pendant que la grande littérature, l’expression de l’esprit humain par la parole, baisse depuis quelques années en Europe, elle monte en France. […] Comme Gilbert, en poésie, il n’a jamais autant de génie d’expression que quand il délire ! […] Énumérez seulement quelques-unes des conditions innombrables de ce qu’on nomme style, et jugez s’il est au pouvoir de la rhétorique de créer dans un homme ou dans une femme une telle réunion de qualités diverses : Il faut qu’il soit vrai, et que le mot se modèle sur l’impression, sans quoi il ment à l’esprit, et l’on sent le comédien de parade au lieu de l’homme qui dit ce qu’il éprouve ; Il faut qu’il soit clair, sans quoi la parole passe dans la forme des mots, et laisse l’esprit en suspens dans les ténèbres ; Il faut qu’il jaillisse, sans quoi l’effort de l’écrivain se fait sentir à l’esprit du lecteur, et la fatigue de l’un se communique à l’autre ; Il faut qu’il soit transparent, sans quoi on ne lit pas jusqu’au fond de l’âme ; Il faut qu’il soit simple, sans quoi l’esprit a trop d’étonnement et trop de peine à suivre les raffinements de l’expression, et, pendant qu’il admire la phrase, l’impression s’évapore ; Il faut qu’il soit coloré, sans quoi il reste terne, quoique juste, et l’objet n’a que des lignes et point de reliefs ; Il faut qu’il soit imagé, sans quoi l’objet, seulement décrit, ne se représente dans aucun miroir et ne devient palpable à aucun sens ; Il faut qu’il soit sobre, car l’abondance rassasie ; Il faut qu’il soit abondant, car l’indigence de l’expression atteste la pauvreté de l’intelligence ; Il faut qu’il soit modeste, car l’éclat éblouit ; Il faut qu’il soit riche, car le dénûment attriste ; Il faut qu’il soit naturel, car l’artifice défigure par ses contorsions la pensée ; Il faut qu’il coure, car le mouvement seul entraîne ; Il faut qu’il soit chaud, car une douce chaleur est la température de l’âme ; Il faut qu’il soit facile, car tout ce qui est peiné est pénible ; Il faut qu’il s’élève et qu’il s’abaisse, car tout ce qui est uniforme est fastidieux ; Il faut qu’il raisonne, car l’homme est raison ; Il faut qu’il se passionne, car le cœur est passion ; Il faut qu’il converse, car la lecture est un entretien avec les absents ou avec les morts ; Il faut qu’il soit personnel et qu’il ait l’empreinte de l’esprit, car un homme ne ressemble pas à un autre ; Il faut qu’il soit lyrique, car l’âme a des cris comme la voix ; Il faut qu’il pleure, car la nature humaine a des gémissements et des larmes ; Il faut… Mais des pages ne suffiraient pas à énumérer tous ces éléments dont se compose le style.
« Recevez, Monsieur et illustre Acteur, l’expression de mon respect, « Alphonse de lamartine. » Grand hôtel de Richelieu, rue Neuve-Saint-Augustin, 15, à Paris. […] Ses traits étaient imposants de forme, mais bons d’expression ; ses regards répandaient comme des ombres de velours noir sur ses joues. […] L’ensemble de cette physionomie était imposant, l’expression simple et attirante. […] Comme conception, ce drame est simple comme l’histoire, grand comme l’empire qu’on s’y dispute et que Dieu transporte d’une branche à l’autre de la maison de David pour que cette branche produise un jour un fruit de salut pour son peuple, Et que la terre enfante son sauveur, selon l’expression de Racine.
La philosophie suit la même fortune, puisque la philosophie n’est tantôt que la base secrète, et tantôt le faîte de ces trois grands développemens de l’esprit, et leur expression la plus pure et la plus élevée. […] Si l’on veut bien se rappeler la marche des sciences et réduire le principe de leurs progrès à sa plus simple expression, on trouve qu’elles avancent à condition de négliger la partie extérieure et variable des choses sur lesquelles elles travaillent, et d’en considérer exclusivement la partie invariable et constante, c’est-à-dire la partie que l’esprit humain met dans toutes ses connaissances. […] Kant, dans sa passion pour la rigueur et l’exactitude de l’expression comme des idées, l’a marquée par deux mots bizarres, mais énergiques, renouvelés du péripatétisme et de la scholastique. […] Kant exprime cette distinction en appelant analytiques les jugemens qui affirment le même du même, parce qu’en effet il suffit d’analyser un des termes du rapport qu’ils expriment, pour en tirer l’autre terme, et pour avoir par conséquent et le rapport et le jugement, expression du rapport ; et il appellesynthétiques les jugemens qui affirment d’un sujet un attribut qui n’y est pas contenu logiquement, parce que, pour trouver le rapport, il ne s’agit plus d’analyser un des termes, mais il faut joindre ensemble deux termes logiquement indépendans, et faire par conséquent un assemblage, une synthèse de deux notions auparavant isolées (analytischer und synthetischer Urtheile.
L’expression en est grave et noble, et rachète un moment les doutes du poëte épicurien et les puériles crédulités de la foule. […] Voici ce langage nouveau : « L’âme est un souffle de Dieu ; elle a, quoique céleste, admis le mélange de l’élément terrestre, lumière enfouie dans un antre obscur, mais divine et immortelle. » Parmi bien d’autres effusions poétiques de Grégoire de Nazianze, toutes pleines de l’esprit, souvent des expressions littérales de l’Écriture sainte, se rencontrent aussi de véritables hymnes, offrandes de l’évêque à son église, ou pieuses exclamations de sa solitude. […] Par le langage même, par une couleur d’expression toute païenne, Synésius, sous une réminiscence involontaire, s’éloigne encore plus du christianisme qu’il professe. […] » Ici vient un torrent d’expressions abstraites, où se laisse emporter le poëte pour atteindre jusqu’au Dieu qu’il adore, père et fils de lui-même, unité antérieure à l’unité même, origine et centre de tous les êtres.
Fauriel, en citant tout ce passage, a dit : « Ce qui me frappe le plus dans ce discours, ce n’est pas d’être pathétique et naturel, c’est d’être, et d’être éminemment ce que nous ne saurions mieux exprimer que par l’épithète d’homérique. » L’expression est si juste que, dans ce qui suit, on est forcé encore de se ressouvenir de Virgile et surtout d’Homère, et des noirs sourcils du roi des dieux, dont un mouvement fait trembler tout l’Olympe. […] … » Nos fabulistes épiques du Moyen Âge, dont quelques-uns sans doute allaient en récitant, comme les rapsodes, par les villages et les bourgs, n’ont jamais de ces mouvements touchants ou élevés ; mais ils entendent la fable en elle-même et la développent souvent avec une grâce, une invention et une fertilité de détail, avec un riant d’expression qui serait encore aujourd’hui d’un vif agrément s’ils ne tombaient pas tout aussitôt dans la prolixité.
Les expressions, sous sa plume, continuent d’être fines, fraîches, galantes ou raisonnées ; jamais elles ne sont émues ni douloureuses. […] Le vieil officier cherche à le détromper : il lui montre la différence qu’il y a entre un homme peu scrupuleux qui, dans la réalité, dans la conversation, se laisse animer et accepte les choses les plus fortes, et ce même homme, devenu tranquille, qui les apprécie en les lisant : « Il est vrai, dit-il, que ce lecteur est homme aussi : mais c’est alors un homme en repos qui a du goût, qui est délicat, qui s’attend qu’on fera rire son esprit, qui veut pourtant bien qu’on le débauche, mais honnêtement, avec des façons et avec de la décence. » C’est un éloge à donner à Marivaux que, venu à une époque si licencieuse, et lui qui a si bien connu le côté malin et coquin du cœur, il n’a, dans l’expression de ses tableaux, jamais dépassé les bornes.
Pourtant, plume en main (si tant est que lui-même il tînt la plume), ou en se disant qu’il allait dicter et composer, il était quelque peu gêné dans l’expression de ses pensées, et, bien qu’il en produisît le principal, il n’en donnait et n’en fixait qu’une partie : de vive voix, dans les occasions et en présence des gens, il était, on doit le croire, bien autrement large et abondant. […] Rappelons-nous toutefois, en lisant ces vieux auteurs peu accoutumés aux lettres et à ce mode d’expression par l’écriture, que nous n’avons que des signes incomplets de leur force même d’esprit et de leurs ressources en ce genre.
Si j’y réussis et que l’expression de mes figures soit en rapport, mon tableau aura quelque mérite. […] Vers la fin, il semble avoir tenté quelque chose d’impossible ; il exigeait trop de lui-même, il voulait mettre à des tableaux de nature une expression tirée du plus profond de l’âme, et qu’il faut rencontrer plutôt que l’aller chercher si loin.
Dorat, en convenant qu’il avait dû corriger beaucoup dans le drame nouveau, qu’il avait francisé autant qu’il l’avait pu l’expression parfois extraordinaire, soutenait pourtant que, dans ce siècle où il n’y avait plus de genres, la pièce accommodée à la scène pourrait plaire et faire tourner les têtes : On les a vues tourner pour beaucoup moins, ajoutait-il. […] Son récit de voyage dans les parties supérieures du Hasly offre des passages admirables, et plus simples peut-être d’expression qu’il n’en trouvera plus tard lorsque son talent, d’ailleurs, aura acquis sa plus entière originalité.
Chaque historien a sa glace et aussi son diorama du fond25, ou plutôt glace et diorama ne font qu’un, et il est des historiens, tels que Tacite, chez qui l’expression et la couleur sont tellement inhérentes à la pensée et la pensée tellement inhérente au fait, que l’on ne peut les séparer ni concevoir l’un sans l’autre : ce n’est qu’un tableau. Mais aussi il y a un historien des plus heureusement doués dont le procédé est autre : il lit, il étudie, il se pénètre pendant des mois et quelquefois des années d’un sujet, il en parcourt avec étendue et curiosité toutes les parties même les plus techniques, il le traverse en tous sens, s’attachant aux moindres endroits, aux plus minutieuses circonstances ; il en parle pendant ce temps avec enthousiasme, il en est plein et vous en entretient constamment, il se le répète à lui-même et aux autres ; ce trop de couleur dont il ne veut pas, il le dissipe de la sorte, il le prodigue en paroles, en saillies et en images mêmes qui vaudraient souvent la peine d’être recueillies, car, plume en main, il ne les retrouvera plus : et ce premier feu jeté, quand le moment d’écrire ou de dicter est venu, il épanche une dernière fois et tout d’une haleine son récit facile, naturel, explicatif, développé, imposant de masse et d’ensemble, où il y a bien des négligences sans doute, bien des longueurs, mais des grâces ; où rien ne saurait précisément se citer comme bien écrit, mais où il y a des choses merveilleusement dites, et où, si la brièveté et la haute concision du moraliste font défaut par moments, si l’expression surtout prend un certain air de lieu commun là où elle cesse d’être simple et où elle veut s’élever, les grandes parties positives d’administration, de guerre, sont si amplement et si largement traitées, si lumineusement rapportées et déduites, et la marche générale des choses de l’État si bien suivie, que cela suffit pour lui constituer entre les historiens modernes un mérite unique, et pour faire de son livre un monument.
Je me repens, dans tout ce qui précède, d’avoir l’air de critiquer seulement un ouvrage plein de mérite, d’intérêt, où, sauf la veine trop prononcée qui le traverse, tout est instructif, agréable même, d’une science exacte, d’une forte pensée, d’une expression frappante et qui se grave. […] Je néglige les expressions, je ne fais jamais une phrase dans ma tête : j’étudie, j’approfondis les idées pour elles-mêmes, pour connaître ce qu’elles sont, ce qu’elles renferment, et avec le plus entier désintéressement d’amour-propre et de passion.
Aucun d’eux n’a su, je ne dis pas peindre la nature, mais même présenter un seul trait bien caractérisé de ses beautés les plus frappantes. » Là encore, à ceux même qui n’aimeraient ni la grenouille ni le hanneton, je dirai : « Je passe condamnation sur le peu d’élégance de l’expression, mais trouvez-moi dans le siècle un jugement de plus de bon sens. […] les expressions lui manquent, et la langue elle-même, qu’il possède si bien, lui fait défaut : Je n’écris jamais de sang-froid, s’écrie-t-il, dès qu’une fois mon cœur a prononcé le nom de ma grande amie ; mais aujourd’hui c’est une émotion, un transport, par l’espérance qu’elle me donne d’une faveur prochaine qui mettrait le comble à mon bonheur. « J’irai en pèlerinage à cette tour.
Il dit qu’il est le plus malheureux des hommes, qu’il est décidé à quitter son pays, c’est-à-dire à venir passer le prochain hiver en Angleterre, qu’il ne peut supporter la morgue de l’aristocratie et l’orgueil, armé des lois ; bref, dans l’expression de son ennui et de sa confusion d’esprit, il va jusqu’à parler de pistolet et de courage, et le tout sans ombre de raison précise à l’appui. […] En regard du Bonstetten de vingt-quatre ans que Gray vient de nous montrer dans toute sa fougue et sa gentillesse, et dont il a peur en même temps qu’il en est charmé, représentons-nous celui que Zschokke a dépeint à bien des années de là, « d’une taille un peu au-dessous de la moyenne, mais fortement constitué, trahissant par la grâce et la noblesse de ses manières l’habitude d’une société choisie, le visage plein d’expression, d’un coloris frais et presque féminin, le front élevé et d’un philosophe, les yeux pleins d’une souriante douceur, tout à fait propre à captiver, et tel, en un mot, qu’après l’avoir vu une fois, on ne l’oubliait plus ».
Il s’aperçut tout à la fois de combien on était en arrière dans la maison de ses parents sur la marche qu’avaient suivie les arts depuis dix ans, et pressentit tout ce qu’il fallait qu’il connût et qu’il étudiât pour rattraper le gros de l’armée dans laquelle il se trouvait enrégimenté tout à coup. » La remarque est juste, et l’expression aussi : voilà Étienne enrégimenté et enrôlé dans l’armée de David ; c’est là son premier groupe et son premier milieu ; c’est ce qu’il va entendre, embrasser, admirer et puis commenter à merveille : mais que les années s’écoulent, que de nouveaux courants s’élèvent dans l’air, que l’École de David, en se prolongeant, se fige comme toutes les écoles, qu’elle ait besoin d’être secouée, refondue, renouvelée, traversée d’influences rafraîchissantes et de rayons plus lumineux, lui, il ne voudra jamais en convenir ; il y est, il y a été élevé, nourri ; il y a pris son pli, le premier pli et le dernier ; il n’en sortira pas. […] Cependant, si j’approuve l’idée et l’expression de l’idée puisqu’elle est franche et fidèle, j’aipeine à comprendre que M.
Un homme estimable et savant, qui a récemment travaillé sur les Évangiles, et qui n’a porté dans cet examen, quoi qu’on en ait dit, aucune idée maligne de négation, aucune arrière-pensée de destruction, qui les a étudiés de bonne foi, d’une manière que je n’ai pas qualité pour juger, mais certainement avec « une science amoureuse de la vérité », a qualifié heureusement en ces termes la mission et le caractère de Jésus, de la personne unique en qui s’est accomplie la conciliation la plus harmonieuse de l’humanité avec Dieu : « Celui qui a dit : Soyez parfaits comme Dieu, et qui l’a dit non pas comme le résultat abstrait d’une recherche métaphysique, mais comme l’expression pure et simple de son état intérieur, comme la leçon que donnent le soleil et la pluie : celui qui a parlé de la sainteté supérieure qu’il exigeait des siens comme d’un “fardeau doux et léger” ; celui qui, révélant à nos yeux une pureté sans tache, a dit que “par elle on voyait Dieu…”, celui qui, enfin, renonçant à la perspective du trône du monde, a senti qu’il y avait plus de bonheur à souffrir en faisant la volonté de Dieu qu’à jouir en s’en séparant… celui-là, c’est Jésus de Nazareth. » Lui seul, et pas un autre au monde42 ! […] Il n’y a pas d’art exactement contemporain de cette prédication simple et qui en soit l’expression fidèle.
Viollet-Le-Duc eut de bonne heure une organisation très déliée et très vibrante aux diverses expressions de l’art, une faculté de transposition d’un art et d’un sens à l’autre. […] Viollet-Le-Duc comme un adversaire et un ennemi, ont eu un art à part et, selon lui, incomparable, un talent unique, délié, fin, composé d’instinct et de réflexion, qui les a conduits dans tout ce qu’ils ont fait à choisir, à corriger, à rectifier, à épurer ; à s’approprier les emprunts mêmes, à les convertir, à les transformer ; à trouver l’expression la plus noble, la plus élégante ; à deviner, par la perfection des sens, des combinaisons de lignes que l’expérience a converties plus tard en lois de stabilité.
Loyson, spiritualiste et même expressément chrétien, est tout voisin de cette muse prochaine des Méditations ; il l’est par l’élévation de la pensée, par le sentiment ; mais l’imagination n’est pas à la hauteur, et trop nourri de l’ancien goût, trop plein des formes classiques un peu usées, il n’atteint pas à l’expression puissante. […] Loyson faisait preuve en cela d’un scrupule politique non moins que littéraire ; il craignait sans doute, en laissant telle ou telle expression trop vive du grand orateur ministre, de porter de la flamme à l’incendie.
Sainte-Beuve au Temps incompréhensible, inexplicable (pour me servir des expressions les plus douces) de la part d’un écrivain dont la plume devait être et rester avant tout inféodée (c’est presque le mot qui a été employé) à la littérature officielle de l’Empire. — M. […] Une expression de lui, bien douloureuse à présent, et qui nous revient : « il tenait, disait-il, ses bagages prêts » ; il appelait encore cela faire ses paquets.
Je disais tout à l’heure que le rôle le plus indiqué de l’Académie en ce moment était de maintenir, au milieu de la ruine des procédés et à travers les violations courantes du droit des gens dans les lettres, une certaine politesse, une conciliation dans son sein, une douceur enfin de civilisation à l’aide de ce qui en a été toujours considéré comme l’expression et la fleur. […] Son expression comme orateur est surtout simple.
Cette pièce que chacun sait par cœur, et qui est l’expression délicieuse d’une mélancolie toujours sentie, suffit à sauver le nom poétique de Millevoye, comme la pièce de Fontenay suffit à Chaulieu, comme celle du Cimetière suffit à Gray. […] Parmi les romances de Millevoye, les amateurs distinguent, pour la tendresse du coloris et de l’expression, celle de Morgane (dans le poëme de Charlemagne) ; la fée y rappelle au chevalier la bonheur du premier soir : L’anneau d’azur du serment fut le gage : Le jour tomba ; l’astre mystérieux Vint argenter les ombres du bocage, Et l’univers disparut à nos yeux.
Dans ses yeux, une expression de souffrance et de misère indicible… Créer un être comme celui-ci, si intelligent, si personnel, si original, et le briser à trente-neuf ans ! […] Aujourd’hui que l’on s’occupe beaucoup de cette question dans notre monde médical, j’ai trouvé intéressant de signaler ce fait, auquel n’ont probablement pas songé les auteurs du roman, ils ont fait mourir leur héroïne d’un rhume négligé, mais ils ont tracé les caractères et la marche du mal d’une manière que ne renierait pas l’auteur du meilleur Traité de clinique médicale que nous possédions. » Questionné à ce sujet précis par le Dr Cabanès, Ed. de Goncourt répondit textuellement dans une lettre : « Pour Germinie38 ça s’est passé ainsi dans la nature, la pleurésie a précédé la tuberculose », et une autre fois « … j’ai décrit un cas de pleurésie prétuberculeuse, c’est bien l’expression technique ?
L’amour espagnol, la jalousie espagnole ont un tout autre caractère que les sentiments représentés dans les pièces italiennes ; il n’y a ni subtilité, ni fadeur dans leurs expressions ; ils ne représentent jamais ni la perfidie de la conduite, ni la dépravation des mœurs ; ils ont trop d’enflure dans le style ; mais tout en condamnant l’exagération de leurs paroles, l’on est convaincu de la vérité de leurs sentiments. […] Les Italiens ont de l’invention dans les sujets, et de l’éclat dans les expressions ; mais les personnages qu’ils peignent ne sont point caractérisés de manière à laisser de profondes traces, et les douleurs qu’ils représentent arrachent peu de larmes.
Seulement il ne pouvait sortir du pur rationalisme qu’une littérature scientifique, une sorte de positivisme littéraire, sans caractère esthétique, réduisant l’expression à la notation pour ainsi dire algébrique de l’idée : ni poésie, ni éloquence, ni forme d’art ; un langage sec, abstrait, logique. […] C’est à quoi travaillèrent tous ceux qui eurent le culte de l’antiquité ; et ainsi de Ronsard, par Malherbe, Balzac et même par Chapelain (malgré l’inintelligence artistique de celui-ci) se prolongea, jusqu’à Boileau et jusqu’aux grands écrivains, la tradition antique d’un art littéraire, qui neutralisa ou restreignit pendant le cours du siècle les effets du rationalisme dont la doctrine cartésienne est l’expression philosophique.
Weiss, nous retranchons de l’expression de ses jugements ce qui s’y mêle toujours de fantaisie, d’outrance et d’humeur, notre sentiment total sur l’œuvre qu’il a étudiée ne s’en trouve pas moins modifié et enrichi. […] Le Verre d’eau lui semble inspiré par « une vue supérieure des choses humaines » ; et il appelle enfin la « mixture Auber-Scribe » un « ferment divin où Scribe fournissait la magie des situations et Auber la magie de l’expression ».
Cette lettre renferme encore l’expression d’une douleur bien sensible pour une mère. […] Son teint était blanc et uni au-delà de toute expression, sa taille médiocre mais fine38.
On ne s’arrêta pas au non-sens de l’expression qui suppose que l’on peut faire des expériences sur les caractères des hommes, alors qu’on ne peut faire sur eux que des observations ; et l’on comprit que M. […] On ne peut aller trop loin, en France, dans l’expression du mépris à l’égard du peuple français.
On adopta alors cette définition qui limitait le phénomène à son expression pathologique : Le Bovarysme est la faculté départie à l’homme de se concevoir autre qu’il n’est en tant que l’homme est impuissant à réaliser cette conception différente qu’il se forme de lui-même. […] C’est de cet état de fait qu’il déduit le conseil qu’il se donne à lui-même : « Sois en harmonie avec toi-même. » Cette maxime en effet, si on ne. la prend pas comme un frein trop fort de nature à paralyser le mouvement nécessaire à la vie, peut être utile à distinguer la limite où le Bovarysme cesse d’être l’expression d’un progrès normal pour dévier vers la pathologie : « Sois en harmonie avec toi-même », cela signifie avec plus de détail : Sache parmi le grand nombre de notions qui sont proposées à l’admiration de ton esprit, sache distinguer celles qui doivent demeurer pour toi de simples objets de connaissance, de celles qui peuvent être des buts pour ton activité.
et la beauté elle-même n’est-elle pas l’expression d’une chose toute morale ? […] Montesquieu était parti de l’existence de la société pour en étudier les lois : Rousseau était parti, au contraire, de l’hypothèse d’un état de nature pour arriver à la fiction d’un contrat primitif ; mais il sapait les bases de son édifice, en proclamant cet axiome antisocial : « L’homme est bon, et les hommes sont mauvais. » Fénelon a fait contre la doctrine d’un contrat primitif des arguments qui sont restés sans réponse, parce qu’ils sont l’expression même de la vérité.
À eux deux, en attendant le troisième, qui viendrait ou qui ne viendrait pas, ils étaient devenus la plus éclatante expression de la poésie moderne. […] Quand Baudelaire et Poe sont à bout d’inspiration et d’expression diaboliques, ils s’appliquent des espèces de traitements atroces, et ils remuent, à l’aide des moyens les plus grossièrement meurtriers, leur punch infernal, pour que la flamme bleuâtre ne s’en éteigne pas.
Shakspeare n’a pas fait un seul discours concluant et éloquent, et toutes ses figures ont le relief, la vérité, l’animation, l’originalité, l’expression des physionomies réelles. […] Les idées lui viennent sans qu’il les choisisse ou qu’il les ordonne, et elles ne se présentent pas sous la livrée commune de mots généraux ; elles accourent en métaphores, en expressions familières, en habits de folles ou de paysannes ; et dès l’abord, elles saisissent ; l’accent de la phrase est un chant.
le scepticisme en toutes choses : l’amour du plaisir dans la vie ; en politique, des goûts démocratiques et des mœurs serviles ; dans l’art, la prédominance de la grâce ; dans la religion, l’anthropomorphisme ; dans la philosophie, qui est l’expression la plus générale de l’esprit d’un peuple, un empirisme plus ou moins ingénieux, une curiosité assez hardie, mais toujours dans le cercle et sous la direction de la sensibilité. […] Lorsque plus tard il écrivit, il se figurait toujours qu’il avait pour auditeurs ces esprits si délicats, si ennemis de toute affectation, si amateurs du style clair et des termes simples, et cette pensée le préserva des expressions abstraites ou vagues sur lesquelles les métaphysiciens chevauchent dans leurs promenades fantastiques, dont l’obscurité prétentieuse pouvait plaire à des écoliers, à des bourgeois, à des poètes, mais qui auraient exclu l’auteur du salon de Mme de la Fayette, et l’auraient relégué dans la société des sulpiciens.
C’était du moins l’expression de ses réflexions habituelles, de ses agitations morales, d’une partie de ses souffrances réelles ou factices ; ce n’était pas sa vie, soit, c’était le roman ou le drame de sa vie, tel qu’elle l’avait conçu sous les ombrages de Nohant. […] Mme Sand a voulu en faire la plus brillante expression de l’idéalisme dans la passion. […] Certes on ne peut pas dire qu’elle n’ait pas fait, pendant un aussi long intervalle de temps, son éducation d’écrivain, et qu’elle n’ait pas modifié son instrument d’expression et ses ressources. […] Transformer la réalité des caractères et des passions en l’élevant au-dessus des vulgarités et des laideurs, craindre avant tout de l’avilir dans le hasard des événements, qu’est-ce que cela, sinon chercher par tous les moyens l’expression la plus complète et la plus saisissante du rêve de la vie, verser quelques rayons d’idéal dans notre triste et pâle existence ? […] Hospitalière, mais gravement et silencieusement, si l’on s’en était tenu à cette première impression, on aurait pu la juger assez sévèrement ; il ne fallait pas s’y tenir, et, selon son expression, elle et son pays avaient du bon quand on les connaissait.
L’expression « peuples latins » a besoin d’être expliquée, car elle contient une équivoque. […] Prise au sens psychologique, l’expression est empreinte d’une réelle signification. […] L’expression doit en ce cas être prise au figuré, où elle devient aussi vraie qu’elle est fausse au propre. […] Voilà pourquoi j’ai employé cette expression inscientifique, populaire et simpliste qui, à condition d’être expliquée, me paraît absolument légitime. […] Loin de nous certes la pensée de mépriser le don de l’expression et de nier la valeur oratoire.
Huet en a profité d’avance ; dans sa manière d’envisager et de peindre la nature, il serait tombé tout à fait d’accord avec Hoffmann et avec le petit Maltais ; voici le passage : « Saisir la nature dans l’expression la plus profonde, dans le sens le plus intime, dans cette pensée qui élève tous les êtres vers une vie plus sublime, c’est la sainte mission de tous les arts.