Ils s’aperçurent du ménagement judicieux que j’avais pour chacun d’eux ; ils m’en firent un crime ! […] Il avait fallu que Corneille vînt à Paris du fond de sa province, pour apprendre qu’il y avait des règles dramatiques et pour s’apercevoir, « que Mélite n’était pas dans les vingt-quatre heures ». […] … Elle le presse donc de s’en aller ; mais, au même instant, elle aperçoit de loin Chimène qui revient, et n’a que le temps de faire cacher Rodrigue : moyen de tragi-comédie, qui justifie le nom donné par l’auteur à sa pièce. […] Aujourd’hui encore, je crois, peu de spectateurs, à la représentation, s’aperçoivent de cette licence. […] Du reste ni Scudéry, ni l’Académie, tout en cherchant les défauts avec zèle, et même là où ils n’étaient point, ne s’aperçurent de l’entorse géographique, non plus que de l’entorse historique.
Si je recule plus loin, je n’aperçois, dans le naufrage et l’engloutissement irrémédiable de mes innombrables sensations antérieures, que de rares images surnageantes, mon arrivée dans la maison de campagne où j’habite, les premières pousses vertes du printemps, une soirée d’hiver chez telle personne, tel aspect d’une ville étrangère où j’étais il y a un an. […] À ce moment, je m’aperçois que l’auteur est debout devant moi, et je me sens obligé de louer tout haut la beauté de l’œuvre ; je tourne les pages, et les paysages me semblent de plus en plus mauvais, et tout d’un coup je me rappelle que l’année précédente j’ai eu déjà l’album entre les mains ; que même j’en ai parlé dans un journal ; que mon article, très peu louangeur, était de trente ou quarante lignes à la troisième colonne de la deuxième page ; devant ce souvenir, je me trouvai si penaud que je m’éveillai. […] Soumis à cette opération, les couples qui composent notre pensée animale prennent un nouvel aspect, et, sous le flot des événements passagers et compliqués, nous apercevons le monde des lois simples et fixes.
. — En somme, pour peu que l’on pousse l’analyse, on s’aperçoit que l’existence est, de sa nature, fragmentaire, perpétuellement répétée, composée d’un nombre indéfini de portions successives, semblable à la flamme d’une bougie, qui est une suite de vibrations éthérées, ou au cours d’un fleuve, qui est un écoulement d’eaux toujours nouvelles. […] Ce groupe est fort abondant ; on s’en aperçoit à la multitude des détails qu’on est obligé de donner quand on essaye de décrire une figure et une âme humaines. […] Or il n’y a pas d’individu naturel ni d’événement effectif qui n’y puisse entrer ; qu’il s’agisse d’un corps ou d’un esprit, d’un changement externe ou interne, sitôt que nous apercevons une chose ou un fait, nous le mettons dans sa classe, c’est-à-dire avec d’autres semblables ; bien mieux, dès que l’objet est pensé par nous, il évoque spontanément en nous, sans que nous le voulions et par la seule loi d’association des idées, d’autres objets plus ou moins semblables.
Après avoir suivi les détours de ce chemin pittoresque dont les moindres accidents réveillent des souvenirs et dont l’effet général tend à plonger dans une sorte de rêverie machinale, vous apercevez un renfoncement assez sombre, au centre duquel est cachée la porte de la maison à M. […] Par la petite grille, destinée à reconnaître les amis au temps des guerres civiles, les curieux pouvaient apercevoir, au fond d’une voûte obscure et verdâtre, quelques marches dégradées par lesquelles on montait dans un jardin que bornaient pittoresquement des murs épais, humides, pleins de suintements et de touffes d’arbustes malingres. […] Le bruit que chaque feuille produisait dans cette cour sonore, en se détachant de son rameau, donnait une réponse aux secrètes interrogations de la jeune fille, qui serait restée là pendant toute la journée sans s’apercevoir de la fuite des heures.
Enfin nous aperçûmes sous d’épais halliers une troupe d’hommes et de femmes qui, les mains levées au ciel et la tête haute, poussaient en chœur et d’un air frénétique ces gémissements, ces hurlements, ces hourras barbares. […] Le poisson m’avait aperçu, et, quand le ver eut envahi son enceinte, il nagea jusqu’au bord opposé, où il resta quelque temps à se balancer ; enfin, se hasardant, il se rapprocha du ver, le prit dans sa gueule et le repoussa de mon côté si gentiment et avec tant de précaution, qu’en vérité c’était à en demeurer confondu. […] Alors, je pus connaître tout le dommage que je lui avais causé, car je l’aperçus qui s’employait de son mieux à nettoyer et lisser son nid ; mais, pour le moment, je ne jugeai pas à propos de pousser plus loin mes expériences.
J’ajoutai encore quelques mots sur le respect qu’on devait à la liberté des opinions dans un corps législatif, mais il me fut aisé de m’apercevoir qu’il ne s’intéressait guère à ces considérations générales ; il savait déjà très-bien que, sous l’autorité de l’homme qu’il voulait servir, il ne serait plus question de principes, et il s’arrangeait en conséquence. […] Le style est un reflet brûlant du ciel d’Italie, aperçu par-dessus les cimes des Alpes. […] Il s’est dit : — Je ferai des vers sur ce sujet, puis sur celui-ci, puis sur celui-là. — Et, sans s’en apercevoir, il nous met dans la confidence de sa manière de travailler.
Ce sont de délicats aperçus, des vues fugitives et indéfinissables, des manières de cadrer sa pensée plutôt que des données positives, des façons d’envisager les choses, une culture de finesse et de délicatesse plutôt qu’un dogmatisme positif Mais au fond telle est la véritable forme des vérités morales : c’est les fausser que de leur appliquer ces moules inflexibles des sciences mathématiques, qui ne conviennent qu’à des vérités d’un autre ordre, acquises par d’autres procédés. […] Des vues, des aperçus, des jours, des ouvertures, des sensations, des couleurs, des physionomies, des aspects, voilà les formes sous lesquelles l’esprit perçoit les choses 41. […] Ses aperçus sont complètement individuels et intraduisibles.
Le Théâtre est à quelques distance de la ville, sur une petite colline, au milieu d’un parc : une large route, en pente douce, bordée d’arbres, y mène, traversant le parc ; et, des portes du Théâtre, on aperçoit, par tous côtés, l’horizon : en face, la vieille ville de Bayreuth, et, au loin, la campagne ; par derrière, les chaînes montagneuses du Sophienberg. […] L’œil intérieur du Maître aperçoit, alors, l’apparition consolante, à lui seul reconnaissable (Allegro 6/8), où le désir arrive à un jeu attendri et gracieux avec lui-même ; l’image du rêve intérieur se réveille, dans le plus aimable souvenir. […] 6 — Au réveil, j’aperçus la.
On peut imaginer qu’en quelqu’un de ces jours anciens, parmi les fêtes qui remplissaient la cité de splendeurs, quelque divin philosophe isolé dans la multitude sur les gradins de marbre d’un Panathénée, ayant été subitement étonné par la magnificence de quelque maxime qu’énonçait le protagoniste, une fois ferma les yeux aux merveilles des décorations et des chorégraphies ; et, comme l’on dit, il ferma les yeux pour mieux entendre ; en effet, aveugle aux tableaux du théâtre, il s’aperçut qu’il entendait mieux, qu’il comprenait mieux, qu’il se faisait plus fortes, plus profondes, plus belles, les sentences qui arrivaient à son oreille ; et supposons qu’à ce moment, par quelque bizarre incident, les musiques accompagnatrices des paroles et des mimiques se soient tues, alors le philosophe, n’ayant plus en son esprit que la sensation des paroles récitées et donnant à ces paroles toute l’attention de son esprit auparavant divisée aux visions et aux harmonies, médita qu’il jouissait, plus intensément de ces littératures que seules il percevait ; ainsi pouvait-il conclure que l’œuvre d’art serait plus puissante à l’émouvoir qui, au lieu d’occuper tous les moyens de perception, en occuperait un seul et, de ce fait, avec une triple intensité. […] et parmi ces langueurs agonisantes, c’est déjà le très océaneux aperçu, le lent sublime immensément distant vers où l’on avait rêvé, le fuyant idéal, ah, par le désir de qui l’on est damné : et une force juvénile a brisé la force massive ; encore les gémissements, profonds, souterrains, décroissants et implorants, et des lamentations, les lentes plaintes des destinées évanouies : hélas, j’eus des jours victorieux, je fus puissant, je fus un regard levé au ciel, je fus heureux, je meurs, hélas, hélas ; plaintes, lamentations et gémissements, qui se traînent à terre et s’affaissent, en la vision de l’idéal et du désir qui l’a perdu ; car voilà qu’une commisération s’est élevée, large comme les sanglots mourants, comme l’éloignement des entrevus effacés, et qu’une intime commisération monte envers la brillant Siegfried des Victoires pour l’Or, et l’âme avec tant de regrets périe s’exalte en une charité, oh Fafner, âme simple, et tu dis en ta mort la pitié des quelconques chercheurs d’idéal. […] Un jour, comme le roi très malaisé sortait du bain, les servants aperçurent qu’un des cygnes du Mont-Salvat était tué d’une flèche en l’air ; les cygnes du Mont-Salvat étaient consacrés ; on appréhenda le meurtrier ; c’était un jeune garçon… Ah !
Il regarde, il cherche, il s’aperçoit que c’est devenu un bazar de jouets, et que le premier est occupé par un coiffeur. […] Et toute la table de lui crier que c’est de la récréation de bagne, du Poulman en goguette… enfin toute une série d’aperçus supérieurs sur ce que cela doit produire sur les cervelles de gandins, sur ces têtes qui ont une raie qui va jusque dans le crâne. […] Nous nous sauvons de là, et nous nous apercevons que notre système nerveux, dont l’état nous avait à peu près échappé dans la contention de toutes nos facultés d’observation, ce système nerveux secoué et émotionné de tous les côtés à notre insu, a reçu le coup de tout ce que nous avons vu.
L’aurore se levait au loin sur une longue lisière de forêts monotones et sombres que j’apercevais en m’éveillant par ma fenêtre ouverte, à cause de la chaleur d’été. […] Je l’apercevais de temps en temps par-dessus les tiges de bruyères, dressant les oreilles, frappant de la corne, flairant le rayon, réchauffant au soleil levant sa tiède fourrure, broutant les jeunes pousses, jouissant de sa solitude et de sa sécurité. […] « Ceux qui, par les yeux de la sagesse, aperçoivent que le corps et l’esprit sont distincts, et qu’il y a pour l’homme une séparation finale qui l’émancipe de la nature animale, ceux-là entrent par l’intelligence dans l’état des êtres. » Vous voyez que cette sublime philosophie, comme la philosophie du christianisme, ne place pas la perfectibilité indéfinie dans ce monde des sens et de la mort, mais dans le monde supérieur de l’âme et de l’immortalité !
Le rideau qui nous dérobait la Chine, ses religions, sa philosophie, son histoire, sa prodigieuse civilisation à peine soupçonnée des Grecs et des Romains, comme une de ces planètes lointaines dont les astronomes aperçoivent, à travers des distances infinies, quelques lueurs. […] « Pourrai-je faire », dit-il à voix basse, « deux parts de ce manteau qui nous recouvre, sans que Damayanti, mon amour, s’en aperçoive ? […] Dans son trouble et dans son impatience, elle monte les degrés de la plate-forme de la forteresse, pour apercevoir de plus loin celui en qui elle soupçonne son époux.
Quelque variété apparente qu’il y ait entre les langues, si l’on examine leur objet d’être la contre-épreuve de tout ce qui se passe dans l’entendement humain, on s’apercevra bientôt que c’est une même machine soumise à des règles générales, à quelques différences près, de pure convention, dont une langue par gestes trouverait les équivalents. […] Ce sont les lettres et les monuments qui marquent les intervalles des siècles qui se projetteraient les uns sur les autres, et ne formeraient qu’une nuit épaisse à travers laquelle l’avenir n’apercevrait plus que des fantômes exagérés, sans les écrits des savants qui distinguent les années par le récit des actions qui s’y sont faites. […] Un écolier aura à rendre cette expression, maison Cornélienne, qu’après avoir cherche dans son Dictionnaire le mot maison, entre les différentes traductions de ce mot, il s’arrête au mot domus ; son travail de recherche lui aura été fort peu utile : rien ne le choquera dans la phrase où il insérera ce mot, rien ne l’avertira du ridicule de son choix ; comment, avant de savoir le latin, s’apercevra-t-il de la bizarrerie d’une phrase latine de sa composition ?
» — « Soyez tranquille, répondit affectueusement le monarque ; vous apercevrez aux premières occasions à quel point je suis content de vous. », La guerre recommençait, et Villars allait retrouver son véritable élément. […] Je sais que vous n’avez pas un corps de troupes suffisant pour présenter la bataille au prince de Bade, s’il est en plaine devant vous ; mais vous n’êtes point assez faible pour lui laisser prendre Landau sans y mettre quelque obstacle, ce qui se peut par plusieurs moyens différents… (Et après un aperçu de ces moyens :) Tout ce que je vous mande n’est que pour vous donner différentes vues, et vous mettre en état de faire un plan qui ne peut être autre que de secourir Landau en cas que je vous envoie suffisamment de troupes… Mais, supposé que je ne le puisse pas faire et que je sois obligé d’abandonner cette place à sa propre défense, ne pourriez-vousc, en ce cas, faire quelque entreprise qui puisse donner lieu à une diversion, ou du moins empêcher le mauvais effet que produirait l’inaction dans laquelle vous demeureriez ?
Bonstetten y part de ce principe que « la poésie chez les anciens était si peu faite pour mentir qu’elle était au contraire comme une révélation de faits trop éloignés pour être aperçus par les yeux du vulgaire » ; elle les ressaisissait en vertu d’une double vue et avec un caractère plus intime de vérité. […] Elle ne paraît grande que pour faire apercevoir l’immensité de l’empire de la mort. » Vingt-cinq ans après, écrivant à une jeune et brillante amie qui faisait ce voyage : « Que je voudrais voir l’Italie avec vous !
J’aperçois chez lui le temple de la Grèce jusque sur le rivage de la Tauride. […] Vous me ferez croire, avec le temps, que je puis pour ma part vous être bon en quelque chose, et, généreux comme on l’est à votre âge, vous me rendrez en ce seul sentiment moral bien plus que je ne saurais vous donner en directions de l’esprit ou en aperçus littéraires.
La grammaire, la philologie française lui durent aussi d’utiles aperçus. […] Tout ce qui n’était pas sentiment immédiat, aperçu d’un goût rapide, n’était pas son propre.
On s’aperçoit que Marais n’a pas tenu ce Journal pendant toutes les années (1715-1727) du même train ni avec le même zèle ; il y a des abandons et des reprises ; le chroniqueur a ses découragements. […] Parmi les auteurs modernes qui se sont occupés de l’histoire de l’Académie, il n’en est aucun jusqu’ici qui se soit aperçu de ce compétiteur incognito qu’avait eu Montesquieu.
Elle s’aperçut de bonne heure que de toutes les privations que la maladie révèle dans ces existences pauvres, la plus fréquente de toutes, c’est le défaut de linge, si nécessaire pourtant en pareil cas. […] J’ai dit le côté de sentiment qui n’est pas étranger à la loi et qu’il est permis d’y apercevoir ; mais la loi est une œuvre non de sentiment, mais d’équité.
Et puis une nouvelle culbute me paraît tellement inévitable, qu’il me paraît plus prudent de faire son paquet que de faire des livres. » Il était retourné à La Chesnaie au moment où il parlait ainsi, et il ne faisait pas plus grâce aux gens du pays qu’à ceux de Paris : « Je n’ai encore vu, Dieu merci, personne, si ce n’est un lièvre pour qui j’ai conservé beaucoup d’estime, car il s’en alla dès qu’il m’aperçut, sans chercher à entrer en conversation. […] Pour moi, de quelque côté que je jette les yeux, je n’aperçois que des sujets de trembler, de gémir et de frémir.
Enfin, dans les obscurs sentiers du Perche, il s’opérait je ne sais quoi d’angélique et qui sentait son premier printemps : « On s’aperçut, dit M. de Chateaubriand, qu’il venait des parfums d’une terre inconnue ; on s’y tournait pour les respirer : l’île de Cuba se décèle par l’odeur des vanilliers sur la côte des Florides. » De son temps toutefois, Rancé eut aussi ses détracteurs, et il fut contredit par plus d’un adversaire. […] Le souffle et le parfum de l’amour expirent dans ces pages de la jeunesse, comme une brise le soir s’alanguit sur des fleurs : on s’en aperçoit et l’on ne veut pas se l’avouer.
Sue a très-bien démêlé ou construit ce caractère, qui passe à un certain moment du sincère à l’ambitieux, que la vanité et la gloire exaltent, qui, à peine à la tête des siens, s’aperçoit qu’il n’est pas là à sa place, et qui fait tout pour la gagner. […] Sue s’aperçoit qu’il est allé trop loin en un sens, vite il fait chanter les oiseaux de Rigolette. » — Je ne prétends pas que l’homme de talent, une fois lancé dans l’exploitation de cette veine socialiste et humanitaire, n’ait pas trouvé en effet des scènes dramatiques et pathétiques, n’ait pas touché avec l’habileté dont il est capable quelque fibre vive et saignante ; cela seul peut expliquer l’étendue de son succès.
On apporte Hippolyte brisé sur un brancard, on le dépose devant le palais, et, Diane ayant dit un mot de pitié, le malheureux jeune homme s’aperçoit, à un certain soulagement qu’il éprouve, de la présence de la déesse. […] Tu n’as plus ton chasseur, ton fidèle serviteur… Et le dialogue continue sur ce ton ; Thésée s’y mêle, et la déesse réconcilie le père désolé avec son fils : « Je ne connais point, dit M e Schlegel, de scène plus touchante dans aucune tragédie ancienne ou moderne. » Au moment où elle profère les nobles et clémentes paroles, Diane, qui s’aperçoit qu’Hippolyte va trépasser, termine ainsi : « … Et toi, Hippolyte, je t’exhorte à ne point détester ton père ; c’est ta destinée qui t’a fait périr.
M ignet en eut surtout la vigueur, qu’il appliqua aussitôt dans toute son intégrité ; il ne laisse apercevoir aucun tâtonnement, aucune dispersion : c’est là un des traits qui lui appartiennent le plus en propre. […] Si habilement et si artistement tissu que soit le filet, les hommes et leurs intentions, et les mille hasards de leur destinée passent de toutes parts au travers, et la présence même du réseau d’airain ne sert qu’à faire mieux apercevoir ce qu’il ne parvient pas à enserrer.
Je n’aperçois que trop tous les jours de quoi je redeviendrois capable, si je perdois un moment de vue la grande règle, ou même si je regardois avec la moindre complaisance certaines images qui ne se présentent que trop souvent à mon esprit, et qui n’auroient encore que trop de force pour me séduire, quoiqu’elles soient à demi effacées. […] Il ressuscite avec ampleur, après Louis XIV, après cette précieuse élaboration de goût et de sentiments, ce que d’Urfé et mademoiselle de Scudery avaient prématurément déployé ; et bien que chez lui il se mêle encore trop de convention, de fadeur et de chimère, il atteint souvent et fait pénétrer aux routes secrètes de la vraie nature humaine ; il tient dans la série des peintres du cœur et des moralistes aimables une place d’où il ne pourrait disparaître sans qu’on aperçût un grand vide.
. — « Au milieu de ma fièvre, dit Mme C…8, j’aperçus une araignée, qui, au moyen de son fil, s’élançait du plafond sur mon lit. […] J’aperçois vêtu d’une sorte d’uniforme un homme auquel j’adresse la parole en lui demandant son nom.
Mais comme Tristan s’agite, impatient, sur son lit et demande si l’on aperçoit le vaisseau qu’il attend, sa femme, torturée de jalousie, lui annonce un navire aux noires voiles : et il meurt, au moment où débarque la seule, la toujours aimée Yseult, qui se précipite et prie pour lui : « Ami Tristan, quand vous vois mort, Je n’ai droit ni pouvoir de vivre ; Vous êtes mort pour mon amour, Et je meurs, ami, de tristesse, De n’avoir pu venir à temps. » Auprès de lui se va coucher ; Elle l’embrasse, et puis s’étend : Et aussitôt rendit l’esprit. […] Avec leur esprit positif, ils aperçoivent tout de suite les actes, l’adultère, ses profits, ses tracas56 ; son comique : ils esquissent volontiers des silhouettes comiques de maris.
Jamais ils ne donnent la sensation d’un art qui s’efforce pour ne rien laisser du caractère ou de la beauté qu’il aperçoit dans la nature. […] Ce n’était plus là, en effet, une société provisoirement instituée ou s’appliquant momentanément en vue d’une représentation unique, sans précédents directs et sans suite immédiate : lorsque la Confrérie de la Passion, qu’on aperçoit déjà à Paris en 1380, a obtenu la fameuse ordonnance royale de 1402 qui confirme et étend ses privilèges, un théâtre permanent est fondé, et une tradition artistique.
À cette fécondité contribuent trois ou quatre générations d’écrivains : et l’on aperçoit parmi les jeunes génies qui surgissent des esprits mûrs, lentement formés et fortifiés dans les troubles efforts de l’âge précédent. […] Les érudits bénédictins La plus grande partie de ce chapitre nous fait apercevoir la société polie des salons et de la cour.
Il aimait trop les lettres pour ne pas s’apercevoir qu’il y avait là une grande littérature : il découvrit Shakespeare, et Milton, et les comiques de la Restauration, Wycherley, Congreve. […] Derrière les aimables groupes des sceptiques mondains, il n’aperçut pas les masses compactes, inentamées, de l’Angleterre brutale, grave, puritaine : ce qu’il en entrevit, ce furent les contradictions et le fanatisme des sectes protestantes.
En somme, nous apercevons dans la théorie du drame romantique un double caractère : 1° les barrières des genres dramatiques sont retirées ; tragédie, comédie, drame, tout se mêle ; 2° les barrières qui séparent le genre dramatique des autres genres, sont abattues aussi ; et l’épique, le lyrique, l’histoire, le symbole envahissent le théâtre. […] Ils ne s’aperçoivent pas de l’absurdité qu’il y a à loger ce type poétique dans une époque historique connue et caractérisée.
L’abbé Jourfier, qui n’a que des vertus humaines, est placé par sa profession dans des circonstances telles qu’il s’aperçoit que ces vertus vont contre les fondements mêmes de la foi, car elles impliquent toutes la confiance aux lumières naturelles et, plus ou moins, l’orgueil de l’esprit (superbia mentis). […] Jourfier s’en aperçoit peu à peu, et l’histoire de cette douloureuse découverte est tout le roman.
Le tour de telle phrase ou le lac d’un distique, copiés sur notre conformation, aident l’éclosion, en nous, d’aperçus et de correspondances. […] Maintenant que je respire dégagé de l’inquiétude, moindre que mon remords pour vous y avoir initiés, celle, en commençant un entretien, de ne pas se trouver certain si le sujet, dont on veut discourir, implique une authenticité, nécessaire à l’acceptation ; et que, ce fondement, du moins, vous l’accordâtes, par la solennité de votre sympathie pendant que se hâtaient, avec un cours fatal et quasi impersonnel des divulgations, neuves pour moi ou durables si on y acquiesce : il me paraît qu’inespérément je vous aperçois en plus d’intimité, selon le vague dissipé.
Il n’aime pas la décadence il en détourne la vue ; mais de ce regard détourné et fugitif il n’en aperçoit pas moins les causes principales. […] Le même d’Alembert, au dire de qui les obscurités de ce livre sont « des vérités importantes voilées pour ceux qu’elles auraient pu blesser, mais claires pour les sages », estime que le désordre n’y est qu’apparent, et qu’aux yeux de ces mêmes sages, l’ordre « qui se fait apercevoir dans les grandes parties de l’Esprit des lois ne règne pas moins dans les détails.
La dame pourrait s’éclipser à certaines heures sans que l’amant s’en aperçoive et interrompe le cours de sa rêverie. […] ces mois passés à prendre son élan, pour ne jamais sauter. » Il s’engage pourtant, vaille que vaille, mais, tandis que le flirt se poursuit, il s’aperçoit de l’accord impossible et que tous deux chantent le même air sur un ton différent.
Il y a à peine cinquante ans que l’humanité a aperçu le but qu’elle avait jusque-là poursuivi sans conscience. […] Ceux qui rient de ces naïfs croyants ou qui les injurient sont bien moins excusables encore ; car ils n’en savent pas plus qu’eux et ils sont moins avancés peut-être, car ils n’ont pas aperçu le problème.
« Ce ne sont là que des aperçus ; ils ont leur vraisemblance, et je ne les crois pas dénués de vérité. […] Les heures s’écoulent, la nuit s’avance ; la pendule seule s’en aperçoit : et quand ses coups réitérés donnent, comme avec impatience, le signal du départ, on quitte ou pour le repos ou pour le travail solitaire cette conversation, qui est elle-même le délassement le plus délicieux et le plus fécond des travaux.
. — Vers l’âge de quinze ans, l’abbé de Pons s’aperçut que sa taille se déformait ; il se mit entre les mains d’un chirurgien malhabile qui le tortura ; la difformité ne fit qu’augmenter et fut irréparable.
Les Conseils en permanence destituèrent Treilhard, parce qu’on s’aperçut alors pour la première fois qu’il n’y avait pas eu, suivant la lettre de la Constitution, un an complet révolu entre ses fonctions législatives et directoriales.
Comme il se trouvait dans cette attente chez le comte Leloureux, commissaire royaliste pour ces parages, il aperçut un livre qu’il commença à feuilleter négligemment, puis il s’y attacha.
La ville où l’on séjourne a beau être embrouillée, inégale, tortueuse, sans ordre et sans plan, pleine de carrefours, de tréteaux de charlatans, de passages et de ruelles, de monuments inachevés dont les pierres encombrent les places, d’arcs de triomphe sans chars ni statues de vainqueurs, de clochers et de coupoles sans croix : quand le soleil est couché, quand, du haut des collines prochaines, le voyageur qui n’est pas entré dans cette ville et qui n’y a pas vécu, l’aperçoit à l’horizon dessinant sa silhouette déjà sombre sur le ciel encore rougi du couchant, il la voit toute différente ; il y distingue des étages naturels, des accidents dominants, des masses imposantes et combinées ; les édifices que la distance et l’obscurité achèvent et idéalisent à ses yeux, lui apparaissent selon des hauteurs bien diverses.
S’affranchissant des liens étroits d’une nationalité égoïste, il admirait et glorifiait aux yeux de la France les grands poëtes de l’Angleterre et de l’Allemagne ; il généralisait les idées d’art, les tirait de l’ornière des derniers siècles, provoquait des œuvres, applaudissait sans flatterie aux essais nationaux et méritait que Goethe déclarât apercevoir dans cet ensemble de travaux et d’efforts les symptômes d’une littérature européenne nouvelle.
Saisi à chaque moment de la vérité de ce qu’il exprime, il poussera devant lui ; il s’enfoncera dans les affirmations de plus en plus absolues, et il ne s’apercevra pas que ce qu’il dit maintenant contredit ce qu’il a dit tout à l’heure, que ce sont des vérités partielles et relatives, qui doivent se tempérer et se limiter mutuellement L’humeur du moment donnera le ton à son œuvre, et l’on y lira toutes les lassitudes, tous les caprices, toutes les faiblesses de son esprit pendant l’exécution.
Le temps ne se prêtait guère à réaliser ses rêves ; et il ne s’en aperçut pas.
Perrichon (1860) ; tantôt derrière les gestes, les attitudes, les propos des plus grotesques bonshommes, on aperçoit nettement les mouvements des pantins réels que la caricature amplifie comme dans Célimare le bien-aimé (1863), et tantôt — ce qui est le mieux — la charge s’amortit, s’affine en un joli tableau de mœurs, comme dans cette soirée sous la lampe, en province, qui fait le premier acte de la Cagnotte (1864).
Comment Olivier se met à aimer la jeune fille sans le savoir, et comment la comtesse s’en aperçoit et prend le parti désespéré d’en avertir son ami ; comment Bertin souffre d’aimer cette enfant — lui, un vieil homme — et comment la comtesse souffre de n’être plus aimée de ce vieil homme parce qu’elle n’est plus une jeune femme ; la lutte d’Olivier contre cette passion insensée et de la comtesse contre les premières flétrissures de l’âge ; et comment la jeune fille traverse tout ce drame (qu’elle a déchaîné) sans en soupçonner le premier mot ; et comment enfin les deux vieux amants assistent, impuissants, au supplice l’un de l’autre, jusqu’à ce qu’Olivier se réfugie dans une mort à demi volontaire : voilà tout le roman.
Ne quittons pas le Scapin sans un aperçu des vers qu’y publiait René Ghil.
La jeune fille alors lit, au déclin du jour, Cette lettre éloquente où brûle ton amour : Son trouble est aperçu de l’amant qu’elle adore, Et des feux que tu peins, son feu s’accroît encore.
La pensée doit se présenter, et c’est sa façon d’attirer à elle, de manière à être entendue, du premier abord, en son ensemble, de manière à être apparemment et même partiellement accessible ; il faut ensuite qu’à la reprendre on s’aperçoive qu’on ne l’avait pas entièrement entendue et qu’elle est digne d’être creusée, et qu’on la creuse en effet, et qu’on la trouve toujours plus riche ; et s’il se peut, il faut enfin qu’elle soit pour ainsi dire inépuisable.
Bacon le premier a aperçu, dans la Némésis des anciens, l’empreinte du dogme de la Providence.
Cela nettoierait un peu l’atmosphère des immenses bourdes contemporaines qui y circulent et que nous avalons tous, Gargantuas de l’emphase, sans même nous en apercevoir !
Après avoir tâté l’opinion sur son ami Carrel, il l’a prudemment remise, cette édition, dans sa poche… Chose mélancolique, d’ailleurs, qu’après quelques années, en se retournant, on s’aperçoive que ce qu’on Croyait du talent n’était que de l’influence, et l’influence, de l’illusion !
Cette publication, après nous avoir découvert dans le grand Écrivain, comme ses amis l’appellent encore, le prosaïsme fondamental sous la poésie de la surface le sans esprit absolu, la nullité ou la médiocrité des aperçus, le commun insupportable de ces lettres qui tuent le poète plus ou moins artificiel qui est dans ses ouvrages, mais qui ne sort jamais ni du fond de l’âme ni du fond de la vie, cette publication met à bas, tout à coup et du même coup, le masque poétique et grandiose que Madame Sand s’était composé et sous lequel on la voyait, fantaisie errante et féconde, imagination désintéressée !
Aujourd’hui les connaissances que son livre atteste sont comme toujours des importations d’Allemagne sur lesquelles ne rayonne jamais l’aperçu qui les nationaliserait.
C’est la poésie de la pensée, bien supérieure à toutes les ciselures… que nous ne méprisons pas et qui y sont, mais tellement légères qu’on n’en aperçoit le travail qu’à la réflexion.
Que si, au contraire, ce titre d’Aventures parisiennes donné à un livre d’observation d’intérieur, de coin du feu, de sentiment raffiné, est une ironie détournée contre cette société devenue si uniformément plate à force de civilisation, et dans laquelle chacun de nous n’a plus d’autres aventures à courir que dans les deux pouces cachés de son propre cœur, elle est vraiment trop détournée, cette ironie ; c’est là une intention qui ne sera pas aperçue, et l’auteur aura manqué son trait, comme le joueur au billard manque la bille pour avoir voulu la prendre trop fin.
Et si c’est toujours la même chose, si rien, dans cette promenade qu’on nous raconte, ne modifie en quoi que ce puisse être l’état des connaissances générales et des aperçus sur l’Amérique, le grand pays en question, dont la solution déconcertera peut-être bien des prophéties et des calculs, il ne reste plus au voyageur pour tout mérite que d’avoir montré les grâces de son esprit en prenant l’air.
Entre ces modes de groupement et l’idée de l’égalité vous avez justement aperçu un rapport, mais vous en avez faussement déterminé le sens : ils sont l’effet, elle est la cause.