/ 2310
509. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Le comte de Fersen et la cour de France »

Les rois, ne croyant plus en Dieu, cessèrent d’être rois. […] Il portera ce chiffre marqué sur son cœur jusque devant Dieu, et devant Dieu même ce sera sa gloire ! […] Elle n’était plus la Main de Justice de Dieu sur le monde qu’elle avait été autrefois.

510. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXVI. Médecine Tessier »

Il appartient donc à ce groupe d’esprits qui pensent que la Renaissance et l’expérimentalisme de Bacon ont détourné les sciences, aussi bien que les lettres, de la voie qu’elles devaient suivre au sein d’une civilisation chrétienne, et qui sont décidés à mourir ou à ne jamais vivre dans la popularité de leur siècle, pour les y faire rentrer, si Dieu lui-même ne s’y oppose pas. […] Sans le chrétien Napoléon, qui se mit tout à coup à faire les affaires de Dieu, et quelques esprits du plus haut parage, comme le vicomte de Bonald, qui, par parenthèse, traita Cabanis dans ses Recherches philosophiques comme plus tard M. de Maistre traita Bacon, le Matérialisme passait presque à l’état d’institution politique. […] Il suit avec une longueur de vue et une implacabilité de logique, auxquelles rien n’échappe, les conséquences de ces doctrines dont la science est empoisonnée, et, Dieu merci ! […] Hippocrate, en effet, ce vieillard divin, — car l’Histoire, pour honorer ce grand observateur, n’a trouvé rien de mieux que de l’appeler comme le vieil Homère — avait reconnu l’immutabilité des maladies, quand il s’écriait avec le pressentiment d’une révélation : « Il y a là quelque chose de Dieu (quid divinum) », et quand aussi Démocrite, tenant de plus près la vérité, écrivait ce mot singulier : « L’homme tout entier est une maladie », comme s’il eût deviné ce dogme de la Chute, après lequel il n’y a plus rien à l’horizon de l’Histoire ni à l’horizon de l’esprit humain !

511. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre XII. »

C’est un demi-siècle après Alexandre, à travers les dominations tyranniques issues de sa grandeur, qu’un des fondateurs de cette école stoïque, sanctuaire de l’indépendance humaine survivant à la liberté, le philosophe Cléanthe, résumait son culte et sa foi dans un hymne au Dieu suprême. […] « Et il ne se fait pas sur la terre une œuvre, en dehors de toi, ô Dieu ! […] « Ainsi, tu as partout harmonisé le bien au mal, de sorte qu’il existe pour tous une seule loi, toujours la même, que désertent par leur fuite tous ceux des mortels qui deviennent méchants ; infortunés qui, désirant toujours la possession des biens, n’aperçoivent pas la loi générale de Dieu, n’écoutent pas cette loi, à laquelle s’ils obéissaient, ils auraient, avec l’intelligence, le bonheur et la vie ! […] Elle vient, pour célébrer les solennels mystères de sa fille : et lui, propice comme il sied à un Dieu, il apparaît souriant et beau.

512. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — H — Hollande, Eugène (1866-1931) »

Hollande imprime : J’ai connu que la vie est un rêve et fait peur, À moins d’y découvrir le Dieu qui la pénètre ; J’ai connu que ce Dieu c’est la Beauté, dont l’être Se dérobe aux cœurs froids indignes du bonheur.

513. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Jean Lahor (Henri Cazalis). »

Cette idée que nous sommes des parcelles de Dieu  qui est le monde  et qui n’est qu’un rêve  on en tire tout ce qu’on veut. Elle produit et justifie à la fois l’inertie voluptueuse, la charité, le détachement, — même l’héroïsme par la conscience de notre solidarité profonde avec l’univers, et par la soumission volontaire aux fins du Dieu insaisissable et immense dont nous sommes la pensée. […] Et ce cri vers Dieu : Tout affamé d’amour, de justice et de bien, Je m’étonne parfois qu’un idéal se lève Plus grand dans ma pensée et plus pur que le tien !

514. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — D — Desbordes-Valmore, Marceline (1786-1859) »

D’autres ont parlé dans leurs vers de Dieu, de Jésus-Christ et des anges, mais à titre de poésie, sans conséquence mauvaise ni bonne ; et cela même était triste. Les poésies de Mme Desbordes-Valmore sont remplies de ces grands noms ; le dernier surtout y est prodigué à un point qui frappe tout le monde et appliqué comme aucune femme ne s’en était encore avisée ; c’est que le ciel seul lui fournit des images proportionnées à une passion qui n’est qu’une perpétuelle apothéose : Dieu, c’est toi pour mon cœur ; j’ai vu Dieu, je t’ai vu !

515. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Le maréchal de Saint-Arnaud. Ses lettres publiées par sa famille, et autres lettres inédites » pp. 412-452

Est-ce que tu ne trouves pas qu’on élève mieux son âme vers Dieu en plein air que dans une église ? le vrai temple de Dieu, c’est la nature. […] La main de Dieu brise souvent les projets des hommes. […] J’ai lutté, et Dieu a fait changer le vent. […] Dieu ne me retirera pas sa grâce au moment où elle me sera le plus nécessaire.

516. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLVe entretien. Examen critique de l’Histoire de l’Empire, par M. Thiers (2e partie) » pp. 177-248

Jamais le pouvoir civil et l’autorité religieuse ne concluront un pacte appelé concordat sans qu’il y ait quelque chose de Dieu concédé au pouvoir civil, quelque chose de la sainte liberté des âmes concédé au pouvoir spirituel. Religion d’État veut dire partout oppression de Dieu ou oppression de l’homme : ou le citoyen possède le prêtre, ce qui est un sacrilège, ou le prêtre possède le citoyen, ce qui est une simonie. […] C’est l’intelligence qui découvre l’intelligence dans l’univers, et un grand esprit est plus capable qu’un petit de voir Dieu à travers ses œuvres. […] Il substitue la nation à Dieu et la loi de police des cultes à la conscience, siège unique de la foi. […] Ces vrais besoins des peuples étaient-ils de remettre Dieu dans la loi, le prêtre, magistrat de la foi, dans la dépendance du magistrat civil, le magistrat civil dans la dépendance du prêtre, le fidèle dans le citoyen, le citoyen dans le fidèle, une partie de la religion dans la loi, une autre partie hors la loi, et de rebâtir ainsi, au profit, non de la religion des peuples, mais à l’usage et au profit de la souveraineté civile, cette Babel de foi et de loi, de Dieu et de l’homme, de servitude et de révolte, de tolérance de l’erreur et d’intolérance de la vérité, qu’on appelle un concordat ?

517. (1890) L’avenir de la science « III » pp. 129-135

Il reste un vaste champ, direz-vous, dans les vérités naturelles que Dieu a livrées à la dispute des hommes. […] quand vous prélevez Dieu, l’homme, l’humanité, les origines de l’univers. […] Les théologiens ont raison quand ils disent qu’il faut avant tout discuter le fait : cette doctrine est-elle la parole de Dieu ? […] Aux yeux de Dieu et de l’avenir, Russes et Français ne sont que des hommes. […] Le type de cet esprit, c’est bien Joseph de Maistre, un grand seigneur impatient des lentes discussions de la philosophie : Pour Dieu !

518. (1856) Cours familier de littérature. I « IVe entretien. [Philosophie et littérature de l’Inde primitive (suite)]. I » pp. 241-320

Ce n’est pas la poésie qui manque à l’œuvre de Dieu, c’est le poète, c’est-à-dire c’est l’interprète, le traducteur de la création. […] À talent égal, le son que rend l’émotion du bien et du beau est mille fois plus intime et plus sonore que le son tiré des passions légères ou mauvaises de l’homme ; plus il y a de Dieu dans une poésie, plus il y a de poésie, car la poésie suprême c’est Dieu. […] Jamais la conscience du genre humain n’écrivit avec plus d’autorité et d’évidence ces lois inspirées de Dieu, qui sont le code inné de l’être créé pour vivre de justice, de dévouement et de vertu en société. […] « Dieu ! […] La charité est plus que la justice, puisqu’elle est la divine bonté imitée de Dieu, autant que la créature peut imiter le créateur.

519. (1892) La vie littéraire. Quatrième série pp. -362

Que Dieu la juge après M.  […] Il est mort plein d’années, Dieu ait son âme ! […] Alors le roi s’agenouilla et pria Dieu. […] Il ne raisonnait pas de Dieu, ayant tout de suite connu que Dieu n’est pas sujet au raisonnement. Il ne donna pas sa créance à Dieu.

520. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — V — Veyrat, Jean-Pierre (1810-1844) »

Le recueil s’ouvre par une ode à Dieu. Il est toujours très difficile de parler à Dieu autrement que dans la prière, en disant son Pater ou en s’écriant : Altitudo !

521. (1867) Cours familier de littérature. XXIII « cxxxvie entretien. L’ami Fritz »

Dieu le sait ; quant à moi, je l’ignore. […]Dieu le veuille, monsieur Kobus, Dieu le veuille, pour son bonheur et pour le nôtre ! […] — Oui, Dieu merci, tout va bien. […] Quiconque aime les autres connaît Dieu. Celui qui ne les aime pas ne connaît pas Dieu, car Dieu est amour ! 

522. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre XVII, l’Orestie. — les Euménides. »

. — Dieu des pardons et des expiations. […] Pouvait-il résister à l’ordre d’un Dieu ? […] ne te dresse pas contre moi comme témoin, ne me charge point devant le Dieu grand !  […] De force ou de gré, le hardi Prophète convertit à la justice le Dieu foudroyant d’Israël. […] … — Et vous dites : La voie de Dieu n’est pas équitable !

523. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « M. Émile de Girardin. »

L’estime est la plus forte de toutes les sympathies. » La religion n’est pas absente dans Émile ; sans parler de l’abbé de La Tour qui la représente dignement par la plus pure morale, le nom de Dieu y revient souvent et y est invoqué par la bouche d’Émile : « Il est impossible à l’homme qui médite souvent sur lui-même de ne pas remonter à la cause qui l’a fait naître ; toutes les grandes pensées aboutissent à Dieu… « Dieu existe ! Quiconque a reçu la faculté de sentir et de penser ne peut nier cette mystérieuse assertion ; mais quiconque aussi voudra prouver l’existence de Dieu ne pourra l’expliquer qu’à l’aide d’arguments que je m’abstiens de qualifier, parce que toutes les croyances doivent être inviolables, et qu’elles sont toutes sacrées pour moi tant qu’elles ne me sont point imposées. » Les religions, on le voit, y sont respectées dans leur formes et honorées dans leur principe : « Je crois que toutes les religions sont bonnes, je crois que, hors le fanatisme, toutes les erreurs des cultes obtiendront grâce devant Dieu, car notre ignorance est aussi son ouvrage… J’adopte toutes les idées religieuses qui peuvent élever l’esprit, je rejette celles qui le rétrécissent ; et s’il fallait décider entre toutes les religions établies celle qui me paraîtrait la meilleure, je répondrais : — La plus tolérante. » À un endroit où le fils abandonné se suppose forçant enfin la destinée par sa vertu, parvenant à percer par ses œuvres, et méritant que sa mère revienne s’offrir à lui comme fit un jour la mère de D’Alembert au savant déjà illustre, il y a une apostrophe pieuse, un mouvement dans le goût de Jean-Jacques : « Dieu !

524. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Mémoires de madame Roland »

Qui vous permet de mutiler la créature de Dieu, de cacher l’infirmité, le défaut, le vice, la difformité, le malheur qu’a fait naître ou développer en lui telle passion, telle doctrine, telle habitude, tel milieu social ? […] Mutiler la créature de Dieu ! […] Dieu juste, reçois-moi ! […] Le Dieu juste avait disparu, et la suppression avait été maintenue depuis par Champagneux, en 1800. […] L’idée de Dieu était fort à la baisse en l’an iii ; il semblait que Robespierre l’eût compromise en la proclamant.

525. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE DURAS » pp. 62-80

Ce mal qui date de la Terreur, mais qui sort de bien d’autres causes, qui s’est transmis à toutes les générations venues plus tard, ce mal de Delphine, de René, elle l’a donc, elle le peint avec nuance, elle le poursuit dans ses variétés, elle tâche de le guérir en Dieu. […] Toutes ces passions humainement si nobles, ces zèles excessifs, soit politiques, soit maternels, ces préférences, ces fougues d’une âme qui aspire à trop étreindre, commencèrent de s’abattre peu à peu en prière et en larmes de paix devant Dieu. […] L’attrait d’un intérêt nouveau, le changement des cœurs, l’inconstance, l’ingratitude, la mort, dépeuplent peu à peu ce monde enchanté dont la jeunesse faisait son idole…Aimer Dieu, c’est adorer à leur source les perfections que nous espérions trouver dans les créatures et que nous y avons vainement cherchées. Ce peu de bien qui se rencontre quelquefois dans l’homme, c’est en Dieu que nous eussions dû l’aimer ! » Plus loin elle implore la crainte de Dieu comme un aiguillon de la paresse et de la langueur ; elle demande la force, car, dit-elle, ce manque de force est un des grands dangers des conversions tardives.

526. (1864) William Shakespeare « Première partie — Livre III. L’art et la science »

Si quelque chose est plus grand que Dieu vu dans le soleil, c’est Dieu vu dans Homère. […] Dans le rythme, loi de l’ordre, on sent Dieu. […] Chose mauvaise envers Dieu, dit Pline. […] Compter les étoiles, c’est faire une méchanceté à Dieu. […] Écartons tout ce qui peut déconcerter les audaces et casser les ailes ; l’art est un courage ; nier que les génies survenants puissent être les pairs des génies antérieurs, ce serait nier la puissance continuante de Dieu.

527. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre VI. Daniel Stern »

croyez-moi, ne méconnaissez pas ainsi le pur idéal que Dieu a mis dans votre âme ! […] Après l’homme, on trouve aussi des vues sur Dieu dans le livre de Mme Stern. Ce mot-là (Dieu) recouvre, dit-elle, pour la plupart de ceux qui l’emploient, par son ampleur, le vide de la pensée. Elle répète avec Spinoza « que la volonté de Dieu est l’asile de l’ignorance ». […] » Je ne suis ni eunuque, Dieu merci !

528. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Saint-Bonnet » pp. 1-28

Puisque, comme Dieu, la pensée est éternelle, elle doit être patiente comme lui. […] Dans ce livre métaphysico-théologique, la beauté du style qu’il s’y permet est adéquate à la beauté de la pensée, et le tout tremble d’une émotion adorable, que ceux qui n’aiment pas Dieu comme cette âme privilégiée comprendront, s’ils sont capables d’un autre amour. […] Ensuite, c’est que même sa métaphysique sort à brûle-pourpoint d’une théodicée, et qu’elle n’est, en dernière analyse, qu’une théologie, dans une époque qui n’admet plus Dieu et où le naturalisme le plus grossier est toute la réalité, en philosophie, et tout l’idéal, en littérature ! […] Le mérite est la forme qui rend l’homme visible au milieu de la gloire, et l’amour est le signe de race qui doit le réunir à Dieu… » Est-ce assez plein, assez carré, assez cubique, pour qui sait comprendre ? […] L’auteur de la Douleur a souvent des élancements vers ce qu’il appelle l’Infini, qui ressemblent aux Exclamations de sainte Thérèse vers Celui qu’elle appelait « son Dieu ».

529. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « J. de Maistre » pp. 81-108

Principe qui fait d’eux bien moins des créatures humaines que des créations divines, — des outils de Dieu ! […] Vous avez dit à Dieu : “Sortez de nos lois, de nos institutions, de notre éducation ! […] Nous voulons seulement prouver que le comte de Maistre n’est pas plus un utopiste en arrière qu’il n’est un utopiste en avant et que sa rigueur politique, dont on a tant parlé et dont tant de gens parlent encore, n’est pas plus inflexible que celle de Dieu et de l’Histoire, des mains desquels il prend pieusement tous les faits, sans leur demander rien de plus que ce que l’ordre de la Providence et la conduite de l’homme y ont mis ou en ont ôté. […] Que le souverain favorise alors ce mouvement naturel, ce sera son droit et son devoir, mais Dieu nous garde qu’il l’excite lui-même !  […] J. de Maistre cédant au temps comme Talleyrand lui-même, mais pour des raisons que n’avait pas Talleyrand, dans cette tête où l’athéisme en toute chose avait fait un vide silencieux ; de Maistre se pliant à la circonstance au lieu de se faire misérablement briser par elle, ce qui serait le suicide politique, aussi criminel que l’autre aux yeux de Dieu !

530. (1854) Nouveaux portraits littéraires. Tome I pp. 1-402

Mais Julie, qui ne croit pas en Dieu, et qui ne conçoit pas la morale sans la religion, Julie ne croit pas au devoir. […] Interrogé par Dieu même, Toussaint ne répondrait pas. L’intervention de Dieu dépasse un peu, je l’avoue, les exigences d’une donnée musicale. […] Frédérick est désormais fils de Dieu, et comme Ruy Blas est fils de M.  […] Hugo monte nécessairement au rang de Dieu le père, et s’appelle : Jehovah.

531. (1907) Le romantisme français. Essai sur la révolution dans les sentiments et dans les idées au XIXe siècle

I), notamment en ce qu’il remplace la figure de Dieu par celle de l’humanité : « […] la Révolution française […] est une révélation et un miracle, mais une révélation sans Dieu […]. Ou plutôt, le Dieu […] c’est ici l’humanité elle-même […] » (id. […] Suis-je un Dieu ? […] Il faut « Dieu » de la partie. […] Vends ton Dieu, vends ton âme !

532. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Une âme en péril »

D’ailleurs on flairait dans ces Pensées je ne sais quel manque de résignation qui semblait piquant chez un ministre de Dieu. […] Vous avez tous connu de ces abbés lauréats, sensibles aux prix académiques et aux récompenses officielles ; enclins à respecter, en littérature comme ailleurs, les jugements qui se formulent par voie d’autorité ; d’un amour-propre littéraire à la fois très éveillé et très ingénu, et où se révèle un fond de docilité chrétienne, de soumission aux puissances constituées, car toutes, et même celles que signalent les palmes vertes, émanent en quelque sorte de Dieu lui-même. […] C’est égal, je voudrais entendre la prière qu’il adresse à Dieu, de sa stalle de chanoine.

533. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Merrill, Stuart (1863-1915) »

Son inspiration, apparaît-il, se recueillit en une maison de bon accueil, sise sur la lisière d’un menu village et que veille la gloire sonore, aromatique et ténébreuse d’une forêt : C’est ici la maison de douce solitude Dont le vantail de bois ne s’entr’ouvre, discret, Comme à l’appel de Dieu, qu’au cri d’inquiétude Du vagabond venu du fond de la forêt. […] Sans doute, est-il, là-bas, des tâches nécessaires — révolte, gestes de justice — qu’il ne faut point délaisser : Ô mon Dieu, je m’agenouille au coin du feu ; Et j’ose vous demander où est mon vrai devoir : Est-ce dans la joie de votre création, ô Dieu, Ou là-bas dans la ville où le soleil est noir ? […] Stuart Merrill ; la dernière altitude idéale qu’il a gravie et où il veut se maintenir : J’irai, heureux de croire à mon âme, Sous le signe céleste de ténèbres et de flammes, Qui annonce la vie ou la mort aux veilleurs, Détruire, pour les rebâtir, les remparts trop vieux, Où se déferleront, demain, les étendards de Dieu.

534. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « Préface » pp. -

Cousin, cette pie voleuse philosophique ; — il parlait apparemment de la sienne prise à Descartes, à Reid, à Hegel, et il oubliait ces grands théologiens qui ne désossaient pas la leur de l’idée de Dieu, — non, ce n’est pas la philosophie, mais c’est le Roman qui est d’hier dans l’histoire littéraire. […] Non-seulement le génie du romancier crée des types, des situations, des caractères, des dénouements, et à sa manière, fait de la vie, comme Dieu, — de la vie immortelle, — mais ces types, ces caractères, ces situations sont des découvertes dans l’ordre de l’imagination et de l’observation combinées ; ce sont des faits qui doivent rester acquis à l’inventaire humain, comme les faits de la Science. […] Fidèle au plan que s’est tracé l’Auteur des Œuvres et des Hommes (voir la Préface générale de l’ouvrage), il ne peut publier dans un seul volume que la première série des Romanciers contemporains, mais on y verra déjà très-clairement ce que Dieu donne pour remplacer un grand homme tombé !

535. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « Introduction »

Une confiscation du monde au profit de Dieu, de l’homme au profit des représentants de Dieu ici-bas. […] Il fallait souffrir pour mériter la récompense posthume, puisque Dieu avait voulu son humanité telle qu’elle était.‌

536. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre II. Quelques traditions sur Pindare. »

Le soir, disait-on, le prêtre, au moment où il fermait les portes du temple de Delphes, l’appelait à haute voix par ces mots : « Pindare le poëte est invité au souper du Dieu. » Cette vocation religieuse semblait attachée de naissance il la personne du poëte, venu au monde durant une des fêtes du Dieu, comme l’attestent quelques mots d’un de ses hymnes perdus29 : « C’était la fête qui revient tous les cinq ans, où, pour la première fois, je fus nommé, enfant chéri dans les langes. » Et, selon le commentaire ancien qui cite ces paroles, elles rappellent le cri Évoé, qui commençait les mystères d’un autre Dieu.

537. (1829) Tableau de la littérature du moyen âge pp. 1-332

Plût à Dieu que chacun d’eux fût dans les fers des Saladins, puisqu’ils se moquent ainsi de Dieu ; puisqu’étant croisés, ils ne se disposent point à partir. […] Quant à moi, Rome, il me plaît fort que Dieu se souvienne de tes grands torts ; qu’il plaise à Dieu d’arracher le comte à toi et à la mort ! […] « Sénéchal, lui dit-il un jour, quelle chose est-ce que Dieu ? […] Et en chantant, les mariniers firent voille de par Dieu. […] Puis il se demande en quelle langue Dieu a parlé à l’homme.

538. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — G — article » pp. 463-464

On y releve avec force les erreurs, les méprises, les contradictions, les bévues, les absurdités dans lesquelles il est tombé, lorsqu’il a voulu disserter sur l’ancien Peuple de Dieu & sur les Livres sacrés. […] En effet, dès que les parfums cessoient de brûler sur ses Autels, dès qu’un profane venoit entamer son offrande, dès qu’on osoit douter de la vérité de ses oracles, on voyoit alors ce Dieu se fâcher, se trahir, & se ravaler au dessous de l’homme.

539. (1898) La poésie lyrique en France au XIXe siècle

Car ce Dieu de bonté, Lamartine sait très bien quelles sont les objections qu’on peut faire contre la bonté de Dieu. Pourquoi est-ce que Dieu nous a imposé la souffrance ? pourquoi est-ce que Dieu nous permet le péché ? […] afin que Dieu vous récompense. […] Ce mal, ce malheur, cette souffrance, c’est Dieu même qui l’y a condamné.

540. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « M. Jules Soury. Jésus et les Évangiles » pp. 251-264

Soury s’est cru tenu d’exagérer et de pousser au noir, comme disent les peintres, la tête rayonnante de notre Dieu, ne se contentant pas d’en faire platement un homme, comme M.  […] Sur la croix que son sang inonde, Un fou qui meurt nous lègue un Dieu ! […] Il a dit : le Diable ; il n’a pas dit : Dieu ! […] C’est que les Juifs ont été pendant des siècles le peuple de Dieu !

541. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « L’abbé Maynard »

Eh bien, grâce à Dieu ! […] Cette omniprésence du saint à toutes ses œuvres, le soin infatigable qu’il y donnait, les lettres, instrumenta regni, par lesquelles il les gouvernait des distances les plus éloignées, toutes ces fortes qualités, incessamment appliquées, de direction, d’influence et d’irrésistible commandement, frappent plus encore que sa charité, et tout cela est d’une telle proportion en saint Vincent de Paul, qu’il est impossible de bien comprendre son action souveraine sur tout ce monde immense dont il ne cessa d’être, jusqu’à la mort, le père de famille et la providence, sans l’aide personnelle, directe et surnaturelle de Dieu ! Ôtez par hypothèse cette aide surnaturelle, mais évidente, d’un Dieu qui versait en son serviteur ce qui abrège tout en faisant voir tout, Vincent certainement ne suffira plus aux choses prodigieuses qu’il a accomplies, et ces choses, trop grandes ou trop nombreuses, déborderont de toutes parts, sans pouvoir y tenir, la coupe profonde des quatre-vingts ans qu’il vécut ! […] Langue sans nom d’humilité volontaire, que Vincent, ce grand artiste en abaissements, s’était faite, et dont il nous a donné toute la rhétorique dans un seul précepte ravissant : « Entre deux expressions, — disait-il, — retenez toujours la plus brillante pour en faire un sacrifice à Dieu dans le fond de votre cœur, et n’employez que celle-là qui, moins belle, ne plaît pas tant, mais édifie. » L’humilité est, je crois, en effet, le caractère de sainteté de Vincent de Paul encore plus que l’amour ; personne, même parmi les saints, n’a eu cette soif de bassesse ; personne n’a dit comme cet homme : « Donnez-moi encore ce verre de mépris ! 

542. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Victor Cousin »

Il alla de l’homme à Dieu, puis de Dieu au monde, du monde aux idées que le monde exprime dans sa configuration immuable et providentielle. […] Non content de l’être dans ses idées sur la création, les grands hommes, la guerre, etc., etc., n’a-t-il pas écrit la phrase suivante : « Supposer que le monde est vide de Dieu et que Dieu est séparé du monde, c’est une abstraction insupportable et presque impossible. » Ainsi, il aura été panthéiste comme il aura été tout !

543. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXX. De Fléchier. »

Il va retracer dans notre mémoire les grâces que Dieu leur a faites, pour qu’on loue la miséricorde qu’il vient de leur faire. Il cherche à édifier plutôt qu’à plaire ; il vient annoncer que tout est fini, afin de ramener à Dieu qui ne finit point ; il nous fait souvenir de la fatale nécessité de mourir, pour nous inspirer la sainte résolution de bien vivre71. […] Il y a des mots qui disent plus que vingt pages, et des faits qui sont au-dessus de l’art de tous les orateurs ; par exemple, le mot de Saint-Hilaire à son fils : Ce n’est pas moi qu’il faut pleurer, c’est ce grand homme  ; et ce trait du fermier de Champagne qui vint demander la résiliation de son bail, parce que, Turenne mort, il croyait qu’on ne pouvait plus ni semer, ni moissonner en sûreté ; et cette réponse, si grande et si simple, à un homme qui lui demandait comment il avait perdu la bataille de Rhétel, par ma faute  ; et cette lettre qu’il écrivit au sortir d’une victoire : « Les ennemis sont venus nous attaquer, nous les avons battus ; Dieu en soit loué. […] Ne pouvant encore s’autoriser contre l’usage, il fit connaître à ses amis qu’il allait à l’armée faire sa cour qu’il lui coûtait moins d’exposer sa vie que de dissimuler ses sentiments, et qu’il n’achèterait jamais ni de faveurs, ni de fortune aux dépens de sa probité. » Je pourrais encore citer d’autres endroits qui ont une beauté réelle ; mais le discours en général est au-dessous de son sujet ; on y trouve plus d’esprit que de force et de mouvement ; on s’attendait du moins à trouver quelques idées vraiment éloquentes sur l’éducation d’un dauphin, sur la nécessité de former une âme d’où peut naître un jour le bonheur et la gloire d’une nation ; sur l’art d’y faire germer les passions utiles, d’y étouffer les passions dangereuses, de lui inspirer de la sensibilité sans faiblesse, de la justice sans dureté, de l’élévation sans orgueil, de tirer parti de l’orgueil même quand il est né, et d’en faire un instrument de grandeur ; sur l’art de créer une morale à un jeune prince et de lui apprendre à rougir ; sur l’art de graver dans son cœur ces trois mots, Dieu, l’univers et la postérité, pour que ces mots lui servent de frein quand il aura le malheur de pouvoir tout ; sur l’art de faire disparaître l’intervalle qui est entre les hommes ; de lui montrer à côté de l’inégalité de pouvoir, l’humiliante égalité d’imperfection et de faiblesse ; de l’instruire par ses erreurs, par ses besoins, par ses douleurs même ; de lui faire sentir la main de la nature qui le rabaisse et le tire vers les autres hommes, tandis que l’orgueil fait effort pour le relever et l’agrandir ; sur l’art de le rendre compatissant au milieu de tout ce qui étouffe la pitié, de transporter dans son âme des maux que ses sens n’éprouveront point, de suppléer au malheur qu’il aura de ne jamais sentir l’infortune ; de l’accoutumer à lier toujours ensemble l’idée du faste qui se montre, avec l’idée de la misère et de la honte qui sont au-delà et qui se cachent ; enfin, sur l’art plus difficile encore de fortifier toutes ces leçons contre le spectacle habituel de la grandeur, contre les hommages et des serviteurs et des courtisans, c’est-à-dire contre la bassesse muette et la bassesse plus dangereuse encore qui flatte.

544. (1891) La vie littéraire. Troisième série pp. -396

Et Dieu l’exauce en la faisant mourir. […] Dieu merci ! […] Dieu gard le demourant ! […] Dieu le conserve pour la poésie ! […] Pour moi, j’attends que Dieu m’instruise.

545. (1862) Cours familier de littérature. XIII « LXXVIIe entretien. Phidias, par Louis de Ronchaud (2e partie) » pp. 241-331

Le Dieu infini et invisible, qui remplit le sanctuaire de sa présence, n’a pas besoin d’apparaître sous des traits mortels. […] Je ne veux voir que ce que Dieu ou l’homme ont fait de beau ; la beauté présente, réelle, palpable, parlante à l’œil et à l’âme, et non la beauté de lieu et d’époque, la beauté historique ou critique, celle-là aux savants. […] ils meurent, mais ils ont prouvé à l’homme ce que peut être l’homme ; et Dieu les rappelle à lui pour le célébrer ailleurs dans une langue plus puissante encore ! […] Ces pensées sont de la nature même de la scène où on les respire : elles sont graves comme ces ruines des temps écoulés, comme ces témoins majestueux du néant de l’humanité ; mais elles sont sereines comme le ciel qui est sur nos têtes, inondées d’une lumière harmonieuse et pure, élevées comme ce piédestal de l’Acropolis, qui semble planer au-dessus de la terre ; résignées et religieuses comme ce monument élevé à une pensée divine, que Dieu a laissé crouler devant lui pour faire place à de plus divines pensées ! LXVI Je ne sens point de tristesse ici ; l’âme est légère, quoique méditative ; ma pensée embrasse l’ordre des volontés divines, des destinées humaines ; elle admire qu’il ait été donné à l’homme de s’élever si haut dans les arts et dans une civilisation matérielle ; elle conçoit que Dieu ait brisé ensuite ce moule admirable d’une pensée incomplète ; que l’unité de Dieu, reconnue enfin par Socrate dans ces mêmes lieux, ait retiré le souffle de vie de toutes ces religions qu’avait enfantées l’imagination des premiers temps ; que ces temples se soient écroulés sur leurs dieux : la pensée du Dieu unique jetée dans l’esprit humain vaut mieux que ces demeuras de marbre où l’on n’adorait que son ombre.

546. (1869) Cours familier de littérature. XXVII « CLVIIIe Entretien. Montesquieu »

La connaissance et la reconnaissance d’un Dieu, source et principe de toutes les lois et portant en soi-même la raison et la sanction de toutes les lois. […] Il admettait la nature des choses comme basede toute législation ; et nature des choses, qu’est-ce autre chose que Dieu ? […] Comme être intelligent, il viole sans cesse les lois que Dieu a établies, et change celles qu’il établit lui-même. […] Un tel être pouvait à tous les instants oublier son Créateur ; Dieu l’a rappelé à lui par les lois de la religion. […] L’absolu n’est qu’à Dieu, le relatif est à l’homme.

547. (1927) André Gide pp. 8-126

Qu’avions-nous fait à Dieu, vous et moi, l’un pour avoir cet organe, l’autre pour en être privé » ? […] Il y a le vieux musicien La Pérouse, qui croit à un Dieu cruel et en donne comme preuve que ce Dieu a exigé le sacrifice de son fils unique sur la croix, comme s’il n’avait pu faire grâce aux hommes sans cela. […] C’est bien là où il tend et ce qu’il désire… Tenez, je crois que j’appelle lyrisme l’état de l’homme qui se laisse vaincre par Dieu… » C’est où l’on voit les affinités de M.  […] Pourquoi Dieu serait-il vague ? […] Pour lui, il ne s’agit pas de croire aux paroles du Christ parce que le Christ est Fils de Dieu, mais de comprendre qu’il est Fils de Dieu parce que sa parole est belle au-dessus de toute parole humaine, par conséquent divine… C’est le point de vue du Vicaire savoyard : « … La sainteté des Evangiles parle à mon cœur… Si la vie et la mort de Socrate sont d’un homme, celles de Jésus sont d’un Dieu. » Mais « un Dieu » n’est pas synonyme de Dieu ; c’est presque le contraire.

548. (1913) Les livres du Temps. Première série pp. -406

telle — que, fatale, — t’a pétrie la main de Dieu. […] À l’heure de la mort, quel fut notre Dieu ? […] Peut-être est-il déjà mort et devant Dieu face à face. […] Dieu n’a pas besoin de faire preuve de son pouvoir. […] Panégyrique de saint Louis, par Dieu.

549. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Montluc — III » pp. 90-104

Nous sommes perdus : toute notre fiance, après Dieu, est en lui ; il n’est possible qu’il en échappe. » Montluc avait donc à persuader d’abord qu’il était guéri et le mieux portant des gouverneurs. […] Je vous jure que je ne me connaissais pas moi-même, et me semblait, que j’étais encore en Piémont amoureux, comme j’avais été ; je ne me pus contenir de rire, me semblant que tout à coup Dieu m’avait donné tout un autre visage. […] Messieurs mes compagnons, quand vous vous trouverez en telles noces, prenez vos beaux accoutrements, parez-vous, lavez-vous la face de vin grec, et la faites devenir rouge ; et marchez ainsi bravement parmi la ville et parmi les soldats, la care levée (la face levée), ne tenant jamais autre propos sinon que bientôt, avec l’aide de Dieu et la force de vos bras et de vos armes, vous aurez en dépit d’eux la vie de vos ennemis, et non eux la vôtre… Mais si vous allez avec un visage pâle, ne parlant à personne, triste, mélancolique et pensif, quand toute la ville et tous les soldats auraient cœur de lions, vous le leur ferez venir de moutons. […] Au milieu de tous ses défauts et de ses excès de nature, il était religieux ; il ne s’était jamais trouvé dans aucune entreprise sans invoquer Dieu à son aide, et il nous a laissé la formule de l’oraison qu’il prononçait dans les périls, et qui, lui rendant la netteté de l’entendement, chassait de lui toute crainte. […] C’est alors que le désir d’une plus absolue retraite le venait prendre quelquefois et le tentait de se vouer à une entière solitude : Il me ressouvenait toujours d’un prieuré assis dans les montagnes, que j’avais vu autrefois, partie en Espagne, partie en France, nommé Sarracoli : j’avais fantaisie de me retirer là en repos ; j’eusse vu la France et l’Espagne en même temps ; et si Dieu me prête vie, encore je ne sais que je ferai.

550. (1887) Essais sur l’école romantique

D’un côté, le vrai Dieu ; de l’autre, Baal : choisissez. […] La voici suspendue sur le grand désert, dont les solitudes sont à Dieu. […] La colère de Dieu est grande et effrayante ; elle ne frappe pas en détail ; elle anéantit, elle efface. […] Au reste, je ne compare pas, à Dieu ne plaise ! […] Triste résultat, prédit par les gens graves, mais qui, Dieu le veuille, n’est pas irrémédiable.

551. (1912) Chateaubriand pp. 1-344

Périsse le Dieu qui contrarie la nature ! […] « Imploré par le Dieu de mansuétude et de paix en faveur de l’Église menacée, le Dieu fort et terrible fit connaître aux cieux ses desseins pour les fidèles. […] Elle le prend pour le chasseur Endymion, ou pour un Dieu. […] Dieu sait si j’en oublie ! […] Que ces sept hommes-là soient à Dieu et au roi, je réponds du reste.

552. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Corneille. Le Cid, (suite.) »

La question du Cid a pu paraître, à un moment, aussi embrouillée que l’était pour nous dans ces derniers temps la question du Schleswig-Holstein ; mais, grâce à Dieu et à de savants critiques et défricheurs, elle est maintenant éclairée et à jour. […] » Le roi, en effet, à qui cette demande imprévue tire une terrible épine du pied, se hâte de consentir ; il envoie des lettres à don Diègue et à Rodrigue par un messager pour les mander incontinent auprès de lui, et sans faire dire autre chose, sinon que Rodrigue, si Dieu le permet, sera bientôt en haut rang. […] Le Cid les fait avertir qu’il est là en personne à la porte : « Dieu ! […] Plaise à Dieu et à sainte Marie que je puisse encore de ma main marier ces miennes filles, et qu’il m’accorde du bonheur et quelques jours de vie, et que vous, femme honorée, vous soyez de moi servie !  […] que Dieu me veuille conseiller !

553. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre x »

Sans doute, si Dieu me prête vie, l’année qui marquera le plus dans mon existence. […] Je crois en Dieu, en la France, en la victoire. […] Puisse Dieu me protéger jusqu’au bout. […] Je combattrai pour la France, offrant mon cœur à Dieu, et le soir, lorsque la lutte terminée, je jouirai de quelques minutes de repos, ma pensée s’envolera vers vous, qui m’aimez tant et que j’aime plus encore. […] Avez-vous observé qu’ils parlent de Dieu continuellement et qu’ils prient ?‌

554. (1860) Cours familier de littérature. IX « LIIIe entretien. Littérature politique. Machiavel (2e partie) » pp. 321-414

Il y a, en effet, deux hommes parfaitement distincts dans un pape : celui qui ne distingue pas entre ces deux hommes dans un ne peut parler ni de l’un ni de l’autre avec bon sens et avec respect ; car, s’il attribue au pontife inspiré de Dieu les erreurs, les vices, les crimes de l’individu appelé pape, il offense Dieu, il est absurde et sacrilège envers la souveraine Sagesse ; et s’il attribue au pape, chef électif d’une république italienne, l’infaillibilité, la perpétuité et l’autorité du pape, pontife et oracle de Dieu, il offense la raison et la liberté, il sacre la tyrannie, il est sacrilège aussi envers l’espèce humaine. […] La foi révélée n’est pas comme la foi raisonnée ; elle n’a ni plus ni moins, ni hésitation, ni tolérance, ni doute ; elle est conquérante comme l’ambition du ciel, elle est absolue comme la volonté de Dieu sur les choses et sur les âmes ; tous les moyens lui sont bons comme à Dieu, parce qu’elle se sent ou se croit divine, et que la Divinité, étant le bien suprême, ne peut faire le mal même en employant des moyens violents ; elle veut et elle croit avoir droit de vouloir soumettre tout ce qu’elle ne peut convaincre. C’est le compelle intrare mal entendu de l’Évangile ; c’est le glaive fauchant comme une ivraie du monde tout ce qui adore Dieu autrement qu’elle ; c’est la foudre du pape-pontife lancée sur toute âme qui s’insurge contre l’autorité de sa foi. […] Ce serviteur des serviteurs de Dieu imprime d’avance un respect surnaturel aux barbares ; ils fléchiront d’autant plus le genou devant lui qu’ils le trouveront pauvre et désarmé ; ils verront un Dieu dans ce vieillard bénissant tout le monde au nom d’un maître supérieur aux vicissitudes des empires ; il nommera ces barbares ses enfants, et ces barbares verront dans ce vieillard leur père ; ils se convertiront peu à peu à une foi qui leur laisse posséder le monde, qui n’a que des armées d’anges, et qui n’a d’ambition qu’au ciel ; ils lui concéderont sur la capitale de l’Italie, que ce vieillard habite, un empire des ruines ; ils y laisseront éclore lentement l’œuf du christianisme couvé par les barbares dans le nid abandonné de l’aigle romaine. […] Sa conscience lui disait que la guerre n’était pas chrétienne, et qu’il valait mieux être un pontife de paix irréprochable devant Dieu qu’un grand tribun armé de l’Italie devant les hommes.

555. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre I — Chapitre troisième »

Le Dieu d’amour. […] Le Dieu d’amour. […] … Hé Dieu ! […] Son père est mort Dieu ait son âme ! […] Tel lui soit Dieu qu’il m’a esté.

556. (1885) La légende de Victor Hugo pp. 1-58

Baudelaire, cet esprit mal venu dans ce siècle de mercantilisme, ce mal appris qui abominait le commerce, se lamentait de ce que lorsque : Le poète apparaît en ce monde ennuyé, Sa mère épouvantée et pleine de blasphèmes, Crispe ses poings vers Dieu qui la prend en pitié. […] Ils n’avaient qu’à rester les maîtres du pouvoir, pour que Hugo conservât jusqu’à sa quatre-vingt-troisième année, la foi au Dieu des prêtres : mais il dût se rendre à l’évidence et suspendre son culte pour ce Dieu qui cessait de révéler sa présence réelle par la distribution de pensions. […] Il adora le Dieu des bonnes gens de Béranger et brûla Jéhovah, le Dieu farouche et sombre, qui cependant convenait mieux à son cerveau romantique. […] Il lui fallait à tout prix un Dieu ; il en avait besoin pour son usage personnel, pour être un prophète, pour être un trépied25. […] Il est le trépied de Dieu. » William Shakespeare, par V. 

557. (1767) Salon de 1767 « Dessin. Gravure — Demarteau » p. 335

Dieu soit béni ! […] Mais quand je pense que j’ai moins employé de temps à examiner deux cents morceaux, qu’il n’en faudrait accorder à trois ou quatre pour en bien juger ; quand j’apprécie scrupuleusement la petite dose de mon expérience et de mes lumières avec la témérité dont je prononce, et surtout lorsque je vois que moins ignorant d’un sallon à un autre, je suis plus réservé, plus timide, et que je présume avec raison qu’il ne me manque peut-être que d’avoir vu davantage pour être plus juste, je me frappe la poitrine, et je demande pardon à Dieu, aux hommes et à vous, mon père, et de mes critiques hasardées et de mes éloges inconsidérés.

558. (1803) Littérature et critique pp. 133-288

Ainsi, l’idée d’un Dieu peut seule féconder les arts, comme elle anime le spectacle de la nature. […] La Religion n’a pas voulu que le jour où l’on demande à Dieu les biens de la terre fût un jour d’oisiveté. […] Le patriarche sort pour aller lui-même au-devant de son hôte ; il le salue, et puis adore Dieu. […] que le poète chrétien est bien plus favorisé dans la solitude où Dieu se promène avec lui ! […] Le Dieu qu’adoraient Fénelon et Racine a consolé sur le lit de mort leur éloquent panégyriste et l’héritier de leurs leçons.

559. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXIe entretien. Conversations de Goethe, par Eckermann (3e partie) » pp. 5-96

L’homme qui s’est appelé Goethe dans Faust et dans Werther a joué du cœur humain comme d’un instrument sacré devant l’autel de Dieu ; Voltaire n’a joué que de l’esprit humain pour amuser les hommes de bon sens. […] me répondit-il avec un sourire significatif, si vous croyiez à Dieu, vous ne seriez pas étonné. […] Si Dieu ne donnait pas à l’oiseau cet instinct pour ses petits, si un instinct pareil n’était pas répandu dans toute la nature vivante, le monde ne se soutiendrait pas ; mais partout est répandue la force divine, partout agit l’amour éternel !  […] « Dieu ne s’est pas du tout consacré au repos ; il agit toujours, et maintenant comme au premier jour. […] Byron est aussi poète, mais moins sensé ; c’est le délire de la versification à qui la lyre sert de jouet, le cœur humain de victime, et Dieu lui-même de dérision.

560. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Shakespeare »

L’un, c’est la Pensée assez intense pour arriver à la folie ; — l’autre, la Sensation assez passionnée pour arriver à la souffrance ; car Dieu ne veut pas plus qu’on s’enivre avec sa pensée qu’il ne veut qu’on s’enivre avec son bonheur ! […] Inconscient de son art, grand Dieu ! […] Mais François-Victor Hugo, qui ne croit pas certainement à l’infaillibilité du Pape, trouve bien plus aisé de croire à l’infaillibilité de Shakespeare, et il y croit comme je crois au Pape et à Dieu. […] que trente mille chevaliers français sont tombés massacrés sous les haches d’une poignée d’Anglais, Henri V dit ces grandes paroles, aussi peu anglaises que le génie de Shakespeare qui les lui met sur les lèvres : « Ô Dieu ! […] Prends-en l’honneur, ô Dieu !

561. (1910) Études littéraires : dix-huitième siècle

Montesquieu ne songe pas à Dieu. […] — Croit-il à Dieu ? […] Dieu n’est-il point ? […] C’est dire : Je crois en Dieu. […] Un pessimiste qui croit en Dieu tire l’idée de Dieu du pessimisme même.

562. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — S. — article » pp. 188-189

La premiere, selon lui, est celle qui éleve l’homme au Dieu qui l’a créé, le rend docile à sa voix, ferme dans le malheur, modeste dans la prospérité, sensible pour ses pareils, sévere à lui-même. La seconde n’est, à ses yeux, qu’un esprit d’incertitude, de vertige, de révolte, qui tremble à l’idée d'un Dieu vengeur, qui voudroit se soustraire à son existence pour briser ensuite tous les liens de la Societé, vivre dans l’indépendance de tout devoir, & ne respirer que pour soi dans l’Univers.

563. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « William Cowper, ou de la poésie domestique (I, II et III) — I » pp. 139-158

L’idée religieuse s’éveilla alors dans son âme ; il recourut à Dieu par la prière ; se trouvant à Southampton, où les médecins l’avaient envoyé pour changer d’air et se distraire, il y eut une heure, un moment, où dans une promenade qu’il faisait aux environs avec quelques amis, par une brillante matinée, s’étant assis sur une hauteur d’où la vue embrassait la mer et les coteaux boisés du rivage, il sentit tout d’un coup comme si un nouveau soleil s’était levé dans le ciel et lui éclaircissait l’horizon : « Je me sentis soulagé de tout le poids de ma misère ; mon cœur devint léger et joyeux en un instant ; j’aurais pleuré avec transport si j’avais été seul. » On a souvent noté, dans les conversions qui tardèrent longtemps à s’accomplir, ces signes avant-coureurs et comme ces premières atteintes, ces premiers coups de soleil de la grâce. […] Il y vécut quelques mois à peu près seul, évitant les visites, éludant les relations de voisinage, et « ne voulant de commerce, disait-il, qu’avec son Dieu en Jésus Christ. » Pauvre oiseau blessé ; il cherchait à s’y blottir, à s’y refaire peu à peu, à s’y guérir en silence de sa plaie, et à y apaiser ses trop longues et trop poignantes épouvantes. […] La maladie de Cowper continuait encore sous une forme religieuse, et il ressentait souvent des terreurs que ses amis faisaient tout pour combattre et pour guérir, mais que pourtant leur doctrine rigide sur la prédestination et sur la grâce n’était que trop propre à fomenter : « Il se présente à moi toujours formidable, disait-il de Dieu, excepté quand je le vois désarmé de son aiguillon pour l’avoir plongé comme en un fourreau dans le corps de Jésus-Christ. » Ces terribles images du Jugement et de la réprobation, même au moment où il croyait en avoir triomphé, le poursuivaient donc et dominaient encore sa pensée. […] Voici une traduction ou imitation en français d’une des plus citées, et dans laquelle on verra qu’il essaye de combattre et de réfuter sa propre terreur, de se rassurer contre ses craintes habituelles : Dans un chemin mystérieux     L’esprit de Dieu voyage, Sur les flots, dans l’ombre des cieux,     Tout voilé par l’orage. […] Une pensée se présente naturellement dans l’étude de cette maladie religieuse de Cowper : c’est qu’il eût été à souhaiter pour lui qu’entre un Dieu si puissant et si mystérieux jusque dans ses miséricordes et la créature si prosternée, il eût su voir encore, et se donner quelques points d’appui rassurants, soit dans une Église visible ayant pour cela autorité et pouvoir, soit dans des intercesseurs amis comme le sont pour des âmes pieuses la Vierge et les saints ; mais, lancé seul, comme il l’était, sur cet océan insondable des tempêtes et des volontés divines, le vertige le prenait malgré lui, et il avait beau adorer l’arbre du salut, il ne pouvait croire, pilote tremblant et timide, qu’il ne fût point voué à un inévitable naufrage.

564. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre II. Littérature bourgeoise — Chapitre II. Le lyrisme bourgeois »

Il n’est pas ami des moines et des nonnes, et il faut l’entendre dénombrer, avec une indignation qui s’échappe en mordantes épigrammes, tous les ordres que la protection royale a installés dans la bonne ville de Paris, dotés de privilèges et de riches revenus : Barrés, Béguines, Frères du sac, Quinze-Vingts, Filles-Dieu, la Trinité, le Val des Écoliers, Chartreux, Frères prêcheurs, Frères mineurs, Frères Guillemins, moines blancs, moines noirs, chaussés et deschanx, avec ou sans chemise, dont les uns assiègent les mourants, pour leur arracher des testaments, et les autres s’en vont criant par les rues : Donnez, pour Dieu, du pain aux frères ! […] Ce mécontent du règne de saint Louis, ce « mangeur » de moines, qui n’a laissé à inventer aux pamphlétaires de l’avenir ni une supposition outrageante ni une plaisanterie grivoise, était un homme dévot, craignant Dieu, qui humblement s’accuse, en sa vie pécheresse, d’avoir « fait au corps sa volonté », qui, tout contrit, recommande à Notre-Dame « sa lasse d’âme chrétienne », qui trouvé d’étrangement tendres, ardentes, pénétrantes paroles pour dire les louanges de la mère de Dieu : Tu hais orgueil et félonie Sur toute chose. Tu es le fis où Dieu repose : Tu es rosier qui porte rose Blanche et merveille… Ha ! […] Ses fils sont endormis, pour elle nul ne veille : Elle est en grand péril, si Dieu ne la conseille.

565. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. John Stuart Mill — Chapitre III : Théorie psychologique de la matière et de l’esprit. »

Elle est accusée, dit-il, de ruiner notre croyance à l’existence de nos semblables, à l’existence d’un monde suprasensible ou de Dieu, et à l’immortalité. […] La théorie psychologique de l’esprit laisse ma certitude de l’existence de mes semblables exactement ce qu’elle était auparavant : il en est de même pour l’existence de Dieu. Supposez que je considère l’Esprit divin simplement comme la série des pensées divines prolongée pendant l’éternité, ce serait assurément considérer l’existence de Dieu comme aussi réelle que la mienne ; ce serait faire ce qu’au fond on fait toujours, c’est-à-dire se fonder sur la nature humaine pour en inférer la nature divine. La croyance en Dieu n’a donc rien ni à gagner ni à perdre, si l’on admet la présente théorie.

566. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XXV. Mme Clarisse Bader »

» Contrairement à la parole de Notre-Seigneur aux Sadducéens, tendeurs de pièges : « Vous ne savez ni les Écritures ni la puissance de Dieu ; car, au jour de la résurrection, les hommes n’auront pas de femmes, ni les femmes de maris. […] La femme est l’égale de l’homme devant Dieu, dit Mme Bader, avec une naïveté qui n’a pas compris la portée du texte pieux qu’elle invoque. […] C’est une égalité, devant Dieu, de responsabilités et de devoirs. […] « L’homme, dit-il, est le souverain ; la femme, le ministre ; l’enfant, le sujet » ; ce qui fait une hiérarchie devant Dieu, et non pas une égalité.

/ 2310