En Orient, la maison où descend un étranger devient de suite un lieu public.
Il est probable que l’idée des douze tribus d’Israël ne fut pas étrangère au choix de ce nombre 820.
Quelques étrangères [Gabrielle d’Annunzio] « Je ne sais parler que de moi-même », déclare le héros du Feu.
En Tauride, elle buvait le sang des étrangers échoués sur la côte.
Lorsque, la première fois, le brillant écrivain abordait ces portions d’étude si compliquées et parfois si sombres, il n’avait connu que les grâces de la vie, et il n’en avait recueilli que les applaudissements faciles : « Lecteur profane, disait-il, je cherchais dans ces bibliothèques théologiques les mœurs et le génie des peuples… » Pour bien apprécier le génie des Ambroise et des Augustin durant ces âges extrêmes de la calamité et de l’agonie humaine, il fallait avoir fait un pas de plus, et y revenir avec la conscience qu’on n’a été soi-même étranger à rien de l’homme.
Il se contentera de cette supériorité, & ne voudra pas se servir de celle que lui donne sa place, pour accabler un étranger qui l’a enseigné quelquefois, qui l’a chéri & respecté toujours. » Maupertuis passa pour être l’artisan de toute cette indignité, & pour en avoir ourdi la trame à Francfort, quelque tems avant que de venir en France.
Mademoiselle Le Couvreur estimoit Dumarsais, & avoit en lui la plus grande confiance, jusqu’à le consulter sur des choses étrangères au progrès de son art.
Nous pouvons, jusqu’à un certain point, parler une langue étrangère sans comprendre ce qu’on nous répond.
Il résulte de ces principes que tout ce qui est mode, caprice, tournure particulière d’imagination, esprit d’un temps, imitation factice, que tous ces éléments étrangers au beau, qui l’imitent ou qui le masquent, doivent être écartés par la critique littéraire, celle-ci ne devant s’attacher qu’à ce qui est humain, général et vrai.
Nous avons senti que la poésie étant un art d’agrément, c’était en diminuer le plaisir que d’y multiplier les licences, comme ont fait dans la leur la plupart des étrangers.
Il fallait cependant un aliment à l’inquiète activité de son esprit ; sa tragédie de Moustapha et Zéangir, commencée depuis longtemps, abandonnée et reprise vingt fois dans les alternatives de langueur et de force qu’éprouvait sa santé, fut achevée dans cette retraite : plusieurs scènes de cette pièce prouvent avec quelle attention Chamfort avait étudié la manière de Racine, et jusqu’où il en aurait peut-être porté l’imitation, s’il n’eût été sans cesse distrait par ses maux et par des travaux étrangers à ses goûts.
Ensuite ce mot a signifié, selon les progrès de l’ordre social, étranger, hôte, ennemi.
Cette bonne piocheuse d’Académie qui pourrait recommencer de traduire l’Iliade ; cette Dacier, à plusieurs pans, qui pourrait aussi traduire les Védas, ou le Talmud, ou les Poëmes scandinaves, ou tout autre livre de provenance étrangère et lointaine, est une de ces polyglottes dont Rivarol disait qu’elles ont quatre mots contre une idée… J’aimerais mieux l’idée !
Sera-ce le Chinois, le Chinois, le plus faible de tous les peuples, qui se multiplie par la polygamie et se consomme par l’infanticide ; dont les troupes innombrables n’ont pu résister, même avec de l’artillerie, à quelques hordes armées de flèches ; qui, même avec l’imprimerie et quatre-vingt mille caractères, n’a pas su encore se faire une langue que l’étranger puisse apprendre ; qui, avec quelques connaissances de nos arts et la vue habituelle de notre industrie, n’a pas fait un pas hors du cercle étroit d’une routine de plusieurs mille ans… peuple endormi dans l’ombre de la mort, cupide, vil, corrompu, et d’un esprit si tardif qu’un célèbre missionnaire écrivait qu’un Chinois n’était pas capable de suivre dans un mois ce qu’un Français pourrait lui dire dans une heure.
… N’est-elle pas pour nous une étrangère, une ennemie, — une belle ennemie, si l’on veut, mais une ennemie ?
Quand la France aura un Shakespeare, nous saurons alors les affres de ce temps… On sortait des guerres civiles d’Armagnac contre Bourgogne, de la folie de Charles VI, des déportements d’Isabeau, mais on était entré dans une période non moins funeste : la guerre étrangère, l’invasion par les Anglais, et tous ces désastres et toutes ces incomparables misères invétérées depuis tant d’années, et qui allaient durer trente ans encore, « Quand le roi Charles VII commença la guerre pour son droit, — nous dit un vieux historien avec une expression tragique, — il y avait soixante-dix ans que la France était dans le sang et dans la misère… Il n’y avait de toutes parts que déchirements, confusions, frayeurs, solitude… Le paysan, dénué de chair et de graisse, n’avait que les os… encore étaient-ils foulés !
Il a la bonté de convenir pourtant que sans cette tolérance, dont l’heure n’était pas encore venue au xvie siècle, le Catholicisme, au début, s’il avait eu des principes dignes de lui, aurait pu l’emporter et fermer la France au Protestantisme étranger.
Jean Reynaud est entièrement étranger à la conception de l’éternité ; ou s’il la pose parfois, il l’oublie.
Les étrangers qui ont traduit Descartes n’ont jamais été accusés par les philosophes français de ne l’avoir pas compris, ni, en Angleterre, ceux qui ont traduit Locke non plus.
Allons-nous sortir de cet entrepôt de marchandises étrangères, — écossaises ou allemandes, — qu’on nous donne depuis tant d’années pour la philosophie d’un pays qui avait de l’originalité autrefois et qui produisait par le cerveau presque aussi énergiquement que par le sol ?
Il est beau, spirituel, riche, grandement né, étranger et bizarre, deux conditions de séduction essentielles pour les femmes françaises.
Elle aurait fait saigner cette ophtalmie… De peur de l’exposer à cela, Le Sage imita ces traducteurs (il en était un) qui francisaient, comme ils disaient, l’œuvre par trop étrangère, pour la faire mieux comprendre dans leur pays.
Quelques caricaturistes étrangers Hogarth — Cruikshank — Goya — Pinelli — Brueghel I Un nom tout à fait populaire, non-seulement chez les artistes, mais aussi chez les gens du monde, un artiste des plus éminents en matière de comique, et qui remplit la mémoire comme un proverbe, est Hogarth.
Livré à moi seul, sans amis, sans conseils, sans expérience, en pays étranger, servant une nation étrangère, au milieu d’une foule de fripons qui, pour leur intérêt et pour écarter le scandale du bon exemple, me tentaient de les imiter : loin d’en rien faire, je servis bien la France, à qui je ne devais rien, et mieux l’ambassadeur, comme il était juste, en tout ce qui dépendait de moi. […] Rousseau voudrait, par prudence, le faire imprimer et publier, comme la Julie, seulement à l’étranger. […] Par là, quelques-uns des écrivains de la seconde moitié du xviiie siècle nous paraissent plus éloignés de nous, plus étrangers, plus iroquois que les « précieux » ou les « burlesques » du xviie siècle ou les pédants du xvie . […] Saint-Preux, au cours d’une conversation, a dit tristement à Julie : « Madame, vous êtes épouse et mère, ce sont des plaisirs qu’il vous appartient de connaître. » Aussitôt, continue-t-il, M. de Wolmar, me prenant par la main, me dit en la serrant : Vous avez des amis ; ces amis ont des enfants ; comment l’affection paternelle vous serait-elle étrangère ? […] — Genève était un gouvernement démocratique, mais atténué. — En dehors des « habitants », c’est-à-dire les étrangers domiciliés dans la république, et des « natifs », ou fils d’« habitants » (deux classes qui comptaient peu) il y avait les « citoyens », fils de bourgeois et nés dans la ville, et les « bourgeois », fils de bourgeois ou de citoyens, mais nés à l’étranger, ou étrangers ayant acquis le droit de bourgeoisie.
Aussi les critiques étrangers sont-ils volontiers à son endroit d’une sévérité qui n’étonne qu’au premier regard. […] La trace des grands artistes étrangers, et des plus opposés au génie national, apparaît partout dans l’œuvre des maîtres et des disciples de cette école. […] Mais les romantiques essayaient de prendre aux littératures étrangères ce qui pouvait s’adapter au génie de notre race. Les poètes du Parnasse s’efforçaient au contraire de s’assimiler ce qu’il y a de plus rare dans l’originalité des génies étrangers. […] Le jour où la connaissance des littératures étrangères s’imposa aux Français, à la suite des grandes mêlées nationales du commencement du siècle, ce dogme tomba de lui-même.
Il n’est pas défendu d’éclairer un siècle par un autre, ni la littérature de notre pays par celle des pays étrangers. […] Il faut aimer tout ce qui est bon, soit parmi les modernes, soit parmi les anciens, soit parmi les nationaux, soit parmi les étrangers. […] Garni de petites échoppes très achalandées, il était alors la promenade à la mode, le rendez-vous des curieux et des étrangers. […] Toute la politique étrangère du Cardinal, ses alliances avec les protestants, y sont retracées en vers. […] On ne vit que le résultat définitif : l’expulsion des conquérants étrangers, des païens, des infidèles, la victoire de la Croix, du Christ.
Cet enseignement expérimental de Magendie, à ses débuts, était d’ailleurs unique en Europe : des élèves nombreux le suivaient, et parmi eux beaucoup d’étrangers qui s’y sont imbus des idées et des méthodes de la physiologie expérimentale. […] Pour obtenir ce résultat, les instituts physiologiques de l’étranger ont su s’imposer des sacrifices. […] Oui, nous commencerons comme eux, mais dans le but bien différent de prouver que la tentative est chimérique, étrangère et inutile à la science. […] Il y a constamment des agents extérieurs, des stimulants étrangers qui viennent provoquer la manifestation des propriétés d’une matière toujours également inerte par elle-même. […] Ainsi, non seulement les propriétés physiques, suivant Bichat, sont étrangères aux manifestations vitales et doivent être négligées dans l’étude, mais il y a plus, elles leur sont opposées.
Les uns ne pensent pas que soient conciliables l’amour de Racine et l’amour de notre poésie contemporaine ; les autres discutent au nom de principes politiques parfaitement étrangers à la vie indépendante de l’art. […] Hugo et les poètes de sa génération mêlaient à leurs poèmes des éléments étrangers au lyrisme. […] Or, pouvions-nous laisser élever sur notre sol une maison étrangère ? […] J’ajoute que toute la philosophie de Bergson, elle-même basée sur l’idée de temps, corrobore la théorie de l’auteur de l’Étranger. […] Parles heurts, les différences perçues en pays étranger, on saisit mieux sa propre réalité et à quelle âme commune on appartient vraiment.
Aucun d’eux ne se fie à l’autre ; ils ne se réunissent point librement, comme nous autres Allemands ; ils ne permettent point aux étrangers de parler publiquement à leurs femmes : comparés aux Allemands, ce sont tout à fait des gens cloîtrés. » Ces paroles si dures languissent auprès des faits321. […] Dans cette société qui est devenue un cirque, parmi tant de haines, et quand l’épuisement commence, l’étranger paraît ; tous plient alors sous sa verge ; on les encage, et ils languissent ainsi, dans des plaisirs obscurs, avec des vices bas322, en courbant l’échine. […] On n’a jamais vu de peuple qui se soit imbu si profondément d’un livre étranger, qui l’ait fait ainsi pénétrer dans ses mœurs et dans ses écrits, dans son imagination et dans son langage. […] Dès ce moment, il y a en lui comme un second être, souverain du premier, grandiose et terrible, dont les apparitions sont soudaines, dont les démarches sont inconnues, qui double ou brise ses facultés, qui le prosterne ou l’exalte, qui l’inonde de sueurs d’angoisse, qui le ravit de transports de joie, et qui par sa force, sa bizarrerie, son indépendance, lui atteste la présence et l’action d’un maître étranger et supérieur. […] « Faire usage des paroles d’une langue étrangère, avec un simple sentiment de dévotion, quand l’esprit n’en retire aucun fruit, ne peut être ni agréable à Dieu, ni salutaire à l’homme.
Ici, on part de choses étrangères les unes aux autres, comme le soleil et les planètes, et on établit une dépendance régulière entre ces choses. […] Mais les catégories de Kant les laissent, comme elles les prennent, extérieures et étrangères les unes aux autres. […] Nous n’observons jamais le mouvement exactement uniforme et rectiligne que prendrait un corps en mouvement soustrait à toute action étrangère, non plus que la persistance dans le repos d’un corps qui n’a pas reçu d’impulsion. […] Elles résultent de la collaboration de l’esprit et des choses ; elles sont des produits de l’activité de l’esprit, s’appliquant à une matière étrangère ; elles représentent l’effort qu’il fait pour établir une coïncidence entre les choses et lui. […] Et alors la partie inutile du corps étranger est expulsée par un processus inverse du processus d’introduction.
» Les étrangers nous achètent la toile à voile : « S’ils ont des navires, nous en avons les ailes. » Ce n’est rien : et c’est tout. […] et pourquoi « les étrangers, si curieux de nous introduire leurs manufactures, n’ont point encore mis les doigts à celle-ci » ? […] Aucun étranger n’a pu se vanter d’avoir pesé par corruption sur sa politique. […] Même il ne croit pas que la ruine de sa politique étrangère atteigne l’Espagne : les Pays-Bas, l’Italie lui coûtent plus qu’ils ne lui rapportent. […] Il veut l’unité d’action, et une action concentrée dans le temps et dans l’espace par l’élimination de tous les incidents étrangers ou inutiles.
La question n’est pas là, pour le moment du moins ; et tout ce que nous disons, c’est qu’il n’y a pas de littérature étrangère dont la connaissance importe plus à l’histoire de la nôtre. […] De là, l’originalité de sa littérature : c’est la seule qui se soit vraiment développée d’elle-même, sans interposition de modèle étranger, conformément à son libre génie. […] Telle est encore une décision relative aux péchés mortels des bibliopoles : « Un libraire pèche mortellement quand il vend des livres étrangers qui font concurrence à ceux d’un auteur national. » ( Ibid. […] On a dit de lui qu’il était une réponse vivante aux Provinciales, et on a eu raison, car il est difficile d’enseigner une morale plus sévère que la sienne, plus pure, plus étrangère à ces compromissions que Pascal avait éloquemment reprochées aux jésuites. […] Il leur parut enfin que ce poète franchissait les limites, qu’il étendait les droits de son art jusque sur des objets qui devaient lui demeurer étrangers, qu’il sortait insolemment de son rôle d’« amuseur public ».
A peine laissa-t-il deviner à ses plus chers son amour pour une étrangère de distinction, amour dont on peut parler, puisqu’il fut couronné par le mariage. […] La sonnette de la grille tinte comme un glas dans le silence ; aussitôt s’éveillent les aboiements furieux des chiens de garde, qui arrivent au pas de course, du fond du parc, sentant un étranger. […] Il n’était pas moins célèbre à l’étranger qu’en France, et les Russes étudiaient dans ses romans les mœurs parisiennes. […] Il saluait en passant les dieux étrangers qu’il trouvait peut-être un peu barbares, comme faisaient les Athéniens de tout ce qui n’était pas grec. […] Des instincts bizarres, au premier coup d’œil, viennent de ces souvenirs confus, de ces rappels d’une origine étrangère.
Il passe pour avoir empoisonné plusieurs femmes arabes qu’il vendait aux étrangers. […] gémissaient-ils, des sons étrangers troubleront les échos du Stade ! […] Cependant, il y avait écrit : boulangerie, boucherie, pâtisserie, modes, chaussures, etc., mais en langue étrangère. […] Mais tous les autres volontaires, qu’ils soient Grecs ou étrangers, sont curieux à observer. […] Évite l’endroit où l’eau et le miel se mêlent dans une coupe ; va-t’en, étranger infortuné… Quoi !
Après cela, je n’ai voulu dans les pages qui précèdent que montrer combien le sage et prudent Vinet était demeuré étranger à cette mirifique histoire d’un faux qui n’en est pas un. […] mais, cher Monsieur, si vous saviez ce que coûte de pénible au cœur cette insertion, comme il faut expliquer à ces indifférents et à ces étrangers ce que c’est que l’homme éminent qu’on pleure, comme il faut leur épeler ce nom si connu, essuyer le sourire du dédain et n’accepter que de la complaisance, ce qui semblerait devoir être pour nous un devoir et une satisfaction dernière, une piété ! […] Là commence l’histoire de ses chutes, étrangères à son amour, étrangères à tout sentiment du cœur, avilissantes. […] Que nous ayons pris mal à propos pour des soupirs les cris d’espérance d’Ahasvérus à l’entrée de son second et immense pèlerinage à travers les mondes, que nous n’ayons pas compris que l’Éternité, qui survit au néant et clôt finalement l’action, est Dieu lui-même dépouillé de ses attributs humaine, cela ne retranche rien de notre critique essentielle : le livre est étranger à la vraie morale, il la méconnaît, il la froisse ; et c’est de ce point de vue, peu élevé si l’on veut, mais solide et pratique, que nous avions à cœur de juger l’ouvrage. […] Il y aurait un Esprit du genre humain, inhérent et propre à l’espèce, absolument étranger aux individus, qui n’en possèdent pas même le germe, puisque d’aucune façon le surnaturel ne peut émaner du naturel, pas plus que la perle, cette fleur de*, mers, ne saurait s’épanouir sur la tige de la rose.
Ce tableau lui était fourni soit par le spectacle immédiat des choses, soit par sa mémoire, soit par des notes de carnet, soit par un texte étranger. […] Bédier ajoute que ces divers remaniements représentent autre chose que le travail préparatoire auquel doit se livrer tout écrivain qui veut peindre des mœurs étrangères, décrire des paysages exotiques. […] Brunot47, mais tous en sont atteints ; l’esthétique leur est étrangère, ainsi que toute considération d’ordre littéraire ou traditionnel. […] Curieux pour tout lecteur françaisqui s’intéresse à sa langue, il sera précieux pour tous les étrangers qui veulent affiner leur prononciation et acquérir cette absence d’accent, si appréciée en France chez les étrangers. […] On a dit sa crainte du mot étranger ; il revient à cette question dans la seconde partie de la Deffence.
Il était Alsacien d’origine, il avait appris cette langue étrangère au seul âge où on les apprend bien, en ses premières années d’enfance. […] Réfugiée comme elle sur la terre d’exil, Dorothée n’a jamais le ton d’une suppliante ; elle implore le secours de l’étranger avec une sorte de fierté contenue qui ne se croit nulle part déplacée. […] Hettner, quand il sera achevé, prouvera, une fois de plus, que si les étrangers risquent toujours beaucoup à vouloir se faire nos imitateurs trop fidèles, ce n’est jamais du moins sans profit pour eux-mêmes qu’ils nous étudient et nous rendent justice. […] Rien ne sera bientôt plus étranger à une certaine fraction du clergé protestant que l’esprit même du protestantisme. […] C’est ainsi qu’Antoine devient de plus en plus étranger à ceux pour lesquels il se dévoue.
A cette époque il se maria, et désespérant de voir une guerre, n’ayant pu même assister à l’expédition d’Espagne que du haut des Pyrénées qu’il ne franchit pas, capitaine d’infanterie, comme Vauvenargues, et aussi étranger que lui à toute faveur, il se retira du service actif ; un an après, il donnait définitivement sa démission. […] Oui, dans cette muse si neuve qui m’occupe, je crois voir, à la Restauration, un orphelin de bonne famille qui a des oncles et des grands-oncles à l’étranger (Dante, Shakspeare, Klopstock, Byron) : l’orphelin, rentré dans sa patrie, parle avec un très-bon accent, avec une exquise élégance, mais non sans quelque embarras et lenteur, la plus noble langue française qui se puisse imaginer ; quelque chose d’inaccoutumé, d’étrange souvent, arrête, soit dans la nature des conceptions qu’il déploie, soit dans les pensées choisies qu’il exprime.
De nobles patronages, de hautes amitiés, qui ne sont pas étrangères à ce grand nom des Stuarts, agirent-elles en effet sur elle pour la fixer dans ce choix ? […] On aurait pu y voir aussi la malédiction patriotique contre l’intrusion étrangère : Mon héritage est las de se voir votre proie, s’écriait Télémaque à la face des prétendants84.
Il est fort bien disposé pour sa conscience ; voilà qui est fait… Croyez-moi, ma fille, ce n’est pas inutilement qu’il a fait des réflexions toute sa vie ; il s’est approché de telle sorte de ses derniers moments, qu’ils n’ont rien de nouveau ni d’étranger pour lui. » Il est permis de conclure de ces paroles, ajoute M. […] Dans l’amour même, à le prendre au vrai, et si quelque vanité étrangère ne s’y mêle, on est beaucoup plus sensible à ce qu’on y porte qu’à ce qu’on y trouve.
Les sons (voyelles et, consonnes), d’abord fort vagues et difficiles à noter, se sont de plus en plus rapprochés de ceux que nous prononçons, et la série des simples cris est devenue presque semblable à ce que serait pour nos oreilles une langue étrangère que nous ne comprendrions pas. — Elle se complaît à son ramage, comme un oiseau ; on voit qu’elle en est heureuse, qu’elle sourit de plaisir ; mais ce n’est encore qu’un ramage d’oiseau, car elle n’attache aucun sens aux sons qu’elle émet. […] Du douzième au dix-septième mois et jusqu’aujourd’hui (vingt et unième mois), il a continué à jacasser incessamment dans un langage qui est à lui, avec les inflexions les plus nuancées, et en nous regardant comme pour nous parler, absolument comme un étranger tombé d’une autre planète qui apporterait avec lui un langage complet et tâcherait de se faire entendre de nous.
Des éléments nouveaux sont venus se mêler aux éléments anciens ; de grandes forces étrangères sont venues contrarier les forces primitives. […] Quoique nous ne puissions suivre qu’obscurément l’histoire des peuples aryens depuis leur patrie commune jusqu’à leurs patries définitives, nous pouvons affirmer cependant que la profonde différence qui se montre entre les races germaniques d’une part et les races helléniques et latines de l’autre, provient en grande partie de la différence des contrées où elles se sont établies, les unes dans les pays froids et humides, au fond d’âpres forêts marécageuses ou sur les bords d’un océan sauvage, enfermées dans les sensations mélancoliques ou violentes, inclinées vers l’ivrognerie et la grosse nourriture, tournées vers la vie militante et carnassière ; les autres au contraire au milieu des plus beaux paysages, au bord d’une mer éclatante et riante, invitées à la navigation et au commerce, exemptes des besoins grossiers de l’estomac, dirigées dès l’abord vers les habitudes sociales, vers l’organisation politique, vers les sentiments et les facultés qui développent l’art de parler, le talent de jouir, l’invention des sciences, des lettres et des arts. — Tantôt les circonstances politiques ont travaillé, comme dans les deux civilisations italiennes : la première tournée tout entière vers l’action, la conquête, le gouvernement et la législation, par la situation primitive d’une cité de refuge, d’un emporium de frontière, et d’une aristocratie armée qui, important et enrégimentant sous elle les étrangers et les vaincus, mettait debout deux corps hostiles l’un en face de l’autre, et ne trouvait de débouché à ses embarras intérieurs et à ses instincts rapaces que dans la guerre systématique ; la seconde exclue de l’unité et de la grande ambition politique par la permanence de sa forme municipale, par la situation cosmopolite de son pape et par l’intervention militaire des nations voisines, reportée tout entière, sur la pente de son magnifique et harmonieux génie, vers le culte de la volupté et de la beauté. — Tantôt enfin les conditions sociales ont imprimé leur marque, comme il y a dix-huit siècles par le christianisme, et vingt-cinq siècles par le bouddhisme, lorsque autour de la Méditerranée comme dans l’Hindoustan, les suites extrêmes de la conquête et de l’organisation aryenne amenèrent l’oppression intolérable, l’écrasement de l’individu, le désespoir complet, la malédiction jetée sur le monde, avec le développement de la métaphysique et du rêve, et que l’homme dans ce cachot de misères, sentant son cœur se fondre, conçut l’abnégation, la charité, l’amour tendre, la douceur, l’humilité, la fraternité humaine, là-bas dans l’idée du néant universel, ici sous la paternité de Dieu. — Que l’on regarde autour de soi les instincts régulateurs et les facultés implantées dans une race, bref le tour d’esprit d’après lequel aujourd’hui elle pense et elle agit ; on y découvrira le plus souvent l’œuvre de quelqu’une de ces situations prolongées, de ces circonstances enveloppantes, de ces persistantes et gigantesques pressions exercées sur un amas d’hommes qui, un à un, et tous ensemble, de génération en génération, n’ont pas cessé d’être ployés et façonnés par leur effort : en Espagne, une croisade de huit siècles contre les Musulmans, prolongée encore au-delà et jusqu’à l’épuisement de la nation par l’expulsion des Maures, par la spoliation des juifs, par l’établissement de l’inquisition, par les guerres catholiques ; en Angleterre, un établissement politique de huit siècles qui maintient l’homme debout et respectueux, dans l’indépendance et l’obéissance, et l’accoutume à lutter en corps sous l’autorité de la loi ; en France, une organisation latine qui, imposée d’abord à des barbares dociles, puis brisée dans la démolition universelle, se reforme d’elle-même sous la conspiration latente de l’instinct national, se développe sous des rois héréditaires, et finit par une sorte de république égalitaire, centralisée, administrative, sous des dynasties exposées à des révolutions.
« Abordons franchement la question. » XX « Ces deux états, l’un de pure matière, l’autre de pur esprit, sont aussi étrangers l’un que l’autre à la nature humaine, formée de leur concours et non de leur exclusion. […] Je ne cherche en ce moment ni par qui, ni par quoi, ni comment ; je saisis au passage le fait irrécusable de la dualité, là où était la simplicité ; je constate le flagrant délit des vertus au sein même de l’incapacité de toute vertu ; par conséquent, l’intervention d’un supérieur dans le sein même de l’inférieur, et je dis, avec l’autorité de l’évidence : Les propriétés ultérieures de la matière sur lesquelles vous vous appuyez pour repousser tout principe étranger à la matière, sont la chose même que vous niez, sont les manifestations logiques de ce principe même que vous essayez vainement de dissimuler, d’absorber dans la matière, croyant par là vous éviter de le reconnaître.
L’idée de dépayser ma fille de la cabane où elle ne faisait qu’une avec nous trois ; l’idée de la séparer d’Hyeronimo, dont elle n’avait jamais été désunie depuis la mamelle qui les avait nourris l’un et l’autre ; l’idée de jeter cette âme, qui rayonnait semblable au soleil de tous nos matins sur notre fenêtre, comme un misérable tas de baïoques de cuivre à un étranger, en échange de la place qu’il nous laisserait ainsi pour végéter sur la montagne, lui souleva le cœur. […] CXXIII — Faut-il tout dire au seigneur étranger ?
Toutes les fois qu’on frappait du dehors à la porte de fer de la prison, je laissais le piccinino aller tirer le verrou aux étrangers, et, sous un prétexte ou l’autre, je montais dans ma tour pour éviter les regards des sbires ou des curieux. […] Quels hasards dangereux rencontrerait Fior d’Aliza sur ces chemins inconnus et dans une ville étrangère, au milieu d’hommes et de femmes acharnés contre l’innocence, si l’on venait à découvrir son déguisement ?
Pour hâter la décomposition de la société et de l’âme féodales, la peste noire, qui en 1348 enlève au monde connu le tiers de ses habitants, la guerre de Gent Ans, guerre étrangère, guerre civile, crises aiguës des invasions, ravages endémiques des routiers : tous les fléaux, toutes les souffrances oppressent les âmes, mais en somme les délivrent avec douleur, les arrachent à leurs respects, à leurs habitudes, à leur forme d’autrefois, remettent tout violemment dans l’indétermination, qui seule rendra possible une détermination nouvelle. […] D’où vient cependant que Froissart, si étranger aux haines de race, ne puisse souffrir les Allemands ?
Il s’était hautement déclaré pour le comité de Salut public, dont, admirablement guidé cette fois par sa logique, il avait aperçu le grand rôle historique : conserver la France, indépendante et une, contre les convoitises de l’étranger et les factions de l’intérieur. […] Il n’eut jamais le sens du style : toutes les qualités de propriété, de sobriété, de finesse, de couleur, de proportion dans le maniement des mots, lui sont étrangères.
Les fils de Pandou, pendant leur séjour à la forêt, vont à la chasse, et leur femme Draupadi offre aux étrangers qu’elle reçoit dans son ermitage du gibier que ses époux ont tué. […] Semblable à ces roches granitiques qui se sont prises en englobant dans leur masse encore liquide des substances étrangères, qui éternellement feront corps avec elles, le catholicisme s’est modifié une fois pour toutes, et nulle épuration n’est désormais possible.
Tout à fait étranger à la philosophie naturelle et à l’esprit scientifique, dont la première condition est de n’avoir aucune foi préalable et de rejeter ce qui n’arrive pas, il resta dans cet équilibre où une conviction moins ardente eût trébuché. […] Je partis donc pour Paris sans leur laisser entrevoir autre chose que des voyages à l’étranger et une interruption possible dans mes études ecclésiastiques.
. — « C’est à tous que je parle, à cet étranger assis au pied de ma statue, et à vous qui ne ressemblez a personne, que les dieux n’ont jamais vues parmi les déesses, et qui n’avez point de figure humaine. […] Étrangère à la femme par sa naissance insexuelle, les tendresses des entrailles qui portent, du sein qui nourrit, lui sont inconnues.
Sa Majesté qui donne des royaumes à des étrangers, pourrait bien faire présent d’une île à un de ses anciens serviteurs83, quoique, à vous dire vrai, j’en sois aussi dégoûté que Sancho après son gouvernement. […] Ainsi Dieu me fera la grâce de m’acquitter envers vous de l’argent prêté seulement, car je vous resterai redevable toute ma vie de la bonne grâce, amitié, désintéressement, générosité, avec lesquels vous avez obligé en moi un étranger et un inconnu que vous ne comptiez jamais revoir.
Laissant à sa femme le soin de commander le souper, étranger aux choses qui se disent, le front pâle, penché sur son assiette, Zola fait tourner machinalement dans son poing fermé, son couteau de table, la lame en l’air. […] * * * — En ces rues à l’intersection brutale, par ces clartés aveuglantes du nouvel éclairage, au milieu du charabia de toutes les bouches étrangères, Paris ne me semble plus mon Paris.
Un des caractères du vrai talent, et surtout du talent dramatique, est de passer d’un genre à un autre sans s’y trouver étranger, et d’être toujours le même sans se ressembler jamais. […] Cette recherche n’est point étrangère à la gloire de Racine, ni aux objets qui doivent nous occuper dans son éloge.
Elle était à demi assise sur un tronc d’arbre que les enfants des chaumières voisines avaient roulé là pour les étrangers ; son bras, admirable de forme et de blancheur, était accoudé sur le parapet. […] Peu de temps après, j’étais retourné à mon poste, à l’étranger ; j’appris, hors de France, que la charmante apparition de la cascade était devenue madame Émile de Girardin.
Théophile Gautier disait : « C’est une tradition dans les bonnes familles françaises, aussi bien qu’étrangères, du reste, d’avoir la terreur d’un fils qui se destine à la littérature, et c’est une tradition de réprimer cette prétendue vocation naissante de tout le pouvoir que l’on a. […] Les étrangers doivent te craindre, Tes sujets te veulent aimer.
Les nations encore barbares sont impénétrables ; au-dehors, il faut la guerre pour les ouvrir aux étrangers, au-dedans l’intérêt du commerce, pour les déterminer à les admettre. […] Ces trois axiomes nous donnent le principe d’un autre système d’étymologie pour les mots dont l’origine est certainement étrangère, système différent de celui dans lequel nous trouvons l’origine des mots indigènes.
Je ne parlerai donc pas de vous cette fois, Armand Renaud, auteur des Poëmes de l’amour 25, des Caprices de boudoir 26, et en dernier lieu des Pensées tristes 27, vous qui avez déjà eu trois manières ; qui, après avoir commencé par vous inspirer aux hautes sources étrangères et par moissonner la passion en toute littérature et en tout pays ; — qui, après vous être terriblement risqué ensuite aux ardentes peintures d’une imagination aiguë et raffinée, en êtes venu à vous interroger vous-même plus à fond, à vous sentir, à fouiller en vous, à chanter vos propres chants, à pleurer vos propres larmes.
C’est, au reste, la même J…, qu’après diverses rencontres Casanova retrouvait, six ou sept ans plus tard, dans la galerie de Fontainebleau, devant être présentée au roi Louis XV le lendemain ; mais sa majesté étant venue à passer avec M. le maréchal de Richelieu, lorgna la galante étrangère un peu dédaigneusement, et dit au maréchal assez haut pour que J… pût l’entendre : « Nous en avons ici de plus belles. » L’iris fascinateur avait manqué son triomphe, et la présentation n’eut pas lieu.