/ 2043
1278. (1890) Les princes de la jeune critique pp. -299

Mais, dans ce domaine, qui est le sien, qu’il sait bien saisir le détail, camper en pleine lumière un individu ou une œuvre isolée, les tourner et les retourner sous toutes leurs faces ! […] Sa connaissance des langues étrangères lui a permis de jeter des coups d’œil en Angleterre, en Espagne, en Italie, et de saisir au vol le perpétuel échange des idées entre pays voisins. […] L’article où l’on peut le mieux saisir sur le fait ce procédé est peut-être celui où il essaie de réfuter M.  […] « On oppose, écrit-il, la réalité à l’idéal, comme si l’idéal n’était pas la seule réalité qu’il nous soit permis de saisir. » Conclusion : l’idéalisme est la seule forme légitime de l’art. […] Qu’il soit donc bien entendu qu’en essayant de saisir et de reproduire M. 

1279. (1903) Le problème de l’avenir latin

Pour saisir toute la portée de ce fait immense, il faut constater que ce n’est pas seulement à la lettre, dans ses formes et ses apparences, que l’Eglise se substitue à l’Empire, mais également en esprit.‌ […] Ne pas saisir ces corrélations, c’est mécomprendre à la fois le sens de la Réforme et sa portée quant au présent.‌ […] Le spectacle de la Réforme allemande fait clairement saisir l’avantage essentiel pour un peuple de s’être conservé moralement pur et original. […] …  » Qu’était-ce que cette horreur dont la nation française fut saisie contre la Réforme ? […] Le froid nous a saisis.

1280. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — Chapitre I. La Restauration. »

Pendant de longues années, la sombre imagination anglaise, saisie de terreurs religieuses, avait désolé la vie humaine. […] Rochester commence par lui arracher toute sa parure ; pour être plus sûr de le saisir, il le réduit à un bâton. […] La comédie romanesque est hors de sa portée ; il ne peut saisir que le monde réel, et dans ce monde l’enveloppe palpable et grossière. […] Notre esprit fin et ordonnateur, le plus exact à saisir la filiation des idées, le plus prompt à dégager les idées de leur matière, le plus curieux d’idées nettes et accessibles, trouve ici son aliment avec son image. […] Qu’un homme d’esprit, adroit, exercé, se rencontre, il saisira les grotesques au passage ; il portera sur la scène quelque vice ou quelque travers de son temps ; le public accourra, et ne demandera pas mieux que de se reconnaître et de rire.

1281. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Les Mémoires de Saint-Simon » pp. 423-461

Est-ce à dire que son portrait par Saint-Simon en sera moins vrai, de cette vérité qui saisit, et qui d’ailleurs, se rapporte bien à ce que disent les contemporains, mais en serrant l’homme de plus près qu’ils n’ont fait ? […] Si l’on va au fond et qu’on dégage le système des mille détails d’étiquette qui le compliquent et qui le compromettent à nos yeux par une teinte de ridicule, on y saisit une inspiration qui, dans Saint-Simon, fait honneur sinon au politique pratique, du moins au citoyen et à l’historien publiciste.

1282. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « PARNY. » pp. 423-470

A considérer l’original de ce portrait, je songeais qu’il en est un peu pour nous du talent de Parny comme de ce profil, et qu’il a besoin d’être bien regardé pour qu’on en saisisse aujourd’hui le trait léger, le tour presque insensible. […] « Je te saisis, je t’atteignis enfin, ô Plaisir ; le long retard m’avait rendu comme insensé : je ne craignais pas dans ma fougue de déchirer les franges de ta tunique légère, d’arracher les fleurs de ta tète et de tes mains ; mais tout renaissait vite et se réparait comme sur la personne d’un Dieu.

1283. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLVIIIe entretien. Littérature latine. Horace (2e partie) » pp. 411-480

excepté de vivre avec ce qu’on aime à l’ombre de son figuier. » Une fois ce parti pris, l’excellente éducation d’Horace et l’atticisme de ses goûts poétiques lui font trouver le plaisir fade et la licence nauséabonde s’il ne les assaisonne de grâce littéraire et de poésie raffinée ; il saisit au vol toutes, les circonstances de sa vie épicurienne dans ses odes amoureuses et tous les scandales du jour dans ses vers satiriques, pour les fixer par quelques petits chefs-d’œuvre qui courent la ville et qui donnent de la célébrité à son nom. […] Attendez la saison d’hiver où un livre est une société toujours bienvenue au coin du feu ; attendez surtout la saison d’été, où un compagnon est agréable pour répercuter en vous les douces sensations du soleil, de l’ombre des bois, des eaux, de la montagne, de la mer ; achetez cette délicieuse miniature d’Horace illustrée par les Didot ; asseyez-vous à la lisière de vos bois au bord du ruisseau, sous les saules où les oiseaux gazouillent à l’envi de l’onde, et lisez, et prenez les heures comme elles viennent, et dites, comme Horace : Carpe diem, saisissez le jour, tout est pour le mieux, pourvu qu’on ait les pieds au soleil et la tête à l’ombre !

1284. (1860) Cours familier de littérature. IX « Le entretien. Les salons littéraires. Souvenirs de madame Récamier (2e partie) » pp. 81-159

Saisi plus qu’un autre de l’enthousiasme des nouveautés, toutes les fois que les nouveautés semblaient promettre une amélioration du sort du peuple, il sentait la nécessité et la gloire du sacrifice volontaire dans les classes privilégiées ; pressé de s’immoler lui-même, au nom de cette aristocratie dont il était le chef, ce fut lui qui monta à la tribune pour demander l’abolition de la noblesse ; il y avait prévoyance et générosité dans cette initiative, il n’y avait qu’un crime contre la vanité. […] J’ai saisi quelques-unes de mes chimères, d’autres m’ont échappé, et tout cela ne valait pas la peine que je me suis donnée.

1285. (1896) Les origines du romantisme : étude critique sur la période révolutionnaire pp. 577-607

Une sensible Malvina de 1801 qui s’habillait « de tissus légers, comme d’un nuage transparent, tellement que l’œil saisissait à la fois et la tendresse des chairs et la magnificence de l’étoffe argentée », aurait haussé les épaules à qui lui aurait demandé de sacrifier ses passions sur l’autel de la religion et aurait fredonné le refrain de la chanson qui avait été si populaire : On a bien fait d’inventer l’enfer Pour épouvanter la canaille. […] Une œuvre littéraire, alors même qu’elle n’aurait aucune valeur artistique, acquiert une haute valeur historique, du moment que le succès l’a consacrée ; le critique matérialiste peut l’étudier avec la certitude de saisir sur le vif les impressions et les opinions des contemporains.

1286. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre XIV : Récapitulation et conclusion »

Comme chaque espèce, en vertu de la progression géométrique de reproduction qui lui est propre, tend à s’accroître désordonnément en nombre, et que les descendants modifiés de chaque espèce se multiplieront d’autant plus qu’ils se diversifieront davantage en habitude et en structure, de manière à pouvoir se saisir de stations vastes et nombreuses dans l’économie de la nature, la loi de sélection naturelle a une tendance constante à conserver les descendants les plus divergents de quelque espèce que ce soit. […] L’entendement ne peut aisément saisir toute l’étendue de ce terme : cent millions d’année !

1287. (1919) L’énergie spirituelle. Essais et conférences « Chapitre V. Le souvenir du présent et la fausse reconnaissance »

Mais la conscience immédiate saisit tout autre chose. […] Ici encore le présent est aperçu dans l’avenir sur lequel il empiète, plutôt qu’il n’est saisi en lui-même.

1288. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Montluc — III » pp. 90-104

— Dans l’action enlin, il était prompt à saisir le joint et le moment, et à marquer l’instant décisif de donner sans perdre une minute.

1289. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Lettres sur l’éducation des filles, par Mme de Maintenon » pp. 105-120

Cependant une grande révolution allait s’opérer dans sa vie ; on en saisit une trace et un indice dans une de ses lettres de 1685 à Mme de Brinon : « Saint-Cyr et Noisy m’occupent fort ; mais, grâce à Dieu, je me porte fort bien, quoique j’aie de grandes agitations depuis quelque temps. » Ces agitations se rapportaient sans doute à la résolution du roi de l’épouser et au mariage secret qui se fit vers cette époque.

1290. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Le général Joubert. Extraits de sa correspondance inédite. — Étude sur sa vie, par M. Edmond Chevrier. — I » pp. 146-160

Ainsi, simple général de brigade quand il se définissait de la sorte la responsabilité, à peine sera-t-il général de division qu’il dira (22 novembre 1796) ; Avec mon avant-garde, j’étais joyeux ; avec une division, la tristesse me saisit, je crains les événements.

1291. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Le général Joubert. Extraits de sa correspondance inédite. — Étude sur sa vie, par M. Edmond Chevrier. — III » pp. 174-189

Bonaparte lui écrivait le 30 mai : « Tous les renseignements qui me viennent sur la discipline de votre division, ainsi que sur la bonne conduite des officiers qui la commandent, lui sont favorables : cela vient de l’exemple que vous leur donnez et de la vigilance que vous y portez. » En faisant connaître à ses troupes cette lettre d’éloges, Joubert y joignait l’expression de ses sentiments en des termes qui, pour avoir été souvent répétés depuis et un peu usés par d’autres, ne cessent pas d’être les plus honorables et d’avoir tout leur prix dans sa bouche : Je fais connaître avec plaisir la lettre que je viens de recevoir du général Bonaparte, et je saisis cette occasion de témoigner mes sentiments à mes braves camarades.

1292. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Lettres de Madame de Sévigné »

On saisit bien, ce me semble, dans cette phrase impétueuse et un peu tumultueuse, le bouillon de la source jaillissante.

1293. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Les Contes de Perrault »

Aristote et Descartes, avec leur méthode, viendront assez tôt ; assez tôt commencera la critique : qu’elle ne saisisse pas l’enfant au sortir du berceau.

1294. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Térence. Son théâtre complet traduit par M. le marquis de Belloy »

C’est à ce moment que cette sœur éplorée s’étant approchée imprudemment trop près de la flamme, Pamphile éperdu, hors de lui, s’élance, déclarant en cet instant tout cet amour si longtemps caché ; il accourt, il saisit la femme par le milieu du corps : « Ma chère Glycère, s’écrie-t-il, que fais-tu ?

1295. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Souvenirs d’un diplomate. La Pologne (1811-1813), par le baron Bignon. (Suite et fin.) »

Singulier mélange, en effet, que cet abbé de Pradt, instruit de tant de choses et qui croyait s’entendre à toutes ; homme d’Église qui l’était si peu, qui savait à fond la théologie, et qui avait à apprendre son catéchisme ; publiciste fécond, fertile en idées, en vues politiques d’avenir, ayant par moments des airs de prophète ; écrivain né des circonstances, romantique et pittoresque s’il en fut ; le roi des brochuriers, toujours le nez au vent, à l’affût de l’à-propos dans les deux mondes, le premier à fulminer contre tout congrès de la vieille Europe ou à préconiser les jeunes républiques à la Bolivar ; alliant bien des feux follets à de vraies lumières ; d’un talent qui n’allait jamais jusqu’au livre, mais qui avait partout des pages ; habile à rendre le jeu des scènes dans les tragi-comédies historiques où il avait assisté, à reproduire l’accent et la physionomie des acteurs, les entretiens rapides, originaux, à saisir au vol les paroles animées sans les amortir, à en trouver lui-même, à créer des alliances de mots qui couraient désormais le monde et qui ne se perdaient plus ; et avec cela oublieux, inconséquent, disparate, et semblant par moments sans mémoire ; sans tact certainement et sans goût ; orateur de salon, jaseur infatigable, abusant de sa verve jusqu’à l’ennui ; s’emparant des gens et ne les lâchant plus, les endoctrinant sur ce qu’ils savaient le mieux ; homme à entreprendre Ouvrard sur les finances, Jomini sur la stratégie, tenant tout un soir, chez Mme de Staël, le duc de Wellington sur la tactique militaire et la lui enseignant ; dérogeant à tout instant à sa dignité, à son caractère ecclésiastique, avec lequel la plupart de ses défauts ou, si l’on aime mieux, de ses qualités se trouvaient dans un désaccord criant ; un vrai Mirabeau-Scapin, pour parler comme lui, un archevêque Turpin et Turlupin.

1296. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Le comte de Clermont et sa cour, par M. Jules Cousin. (Suite et fin.) »

Et osera-t-on bien comparer aussi, du plus loin qu’on veuille s’y prendre, à cette dame plus que vulgaire de Tourvoie, Mme de Montesson, qui tenait dans les dernières années la Cour du duc d’Orléans et qui réussit à être épousée ; celle-ci, une vraie madame de Maintenon en diminutif, un parfait modèle de maîtresse de maison dans la plus haute société, faible auteur de comédies sans doute, mais actrice de salon excellente, ingénieuse dans l’art de la vie et dans la dispensation d’une fortune princière, personne « de justesse, de patience et de raison », qui ne pouvant, sur le refus du roi, être reconnue pour femme légitime, sut par son tact sauver une position équivoque, éviter le ridicule et désarmer l’envie, saisir et observer, en présence d’un monde malin et sensible aux moindres nuances, le maintien si délicat d’une épouse sans titre ?

1297. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Essai sur Talleyrand »

Jugeant les hommes avec indulgence, les événements avec sang-froid, il a cette modération, le vrai caractère du sage… « Amène ne songe pas à élever en un jour l’édifice d’une grande réputation ; parvenue à un haut degré, elle va toujours en décroissant, et sa chute entraîne le bonheur, la paix ; mais il arrivera à tout, parce qu’il saisira les occasions qui s’offrent en foule à celui qui ne violente pas la fortune.

1298. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « M. de Sénancour — Note »

Les gendarmes, qui venaient de saisir mon contrat de mariage, me conduisirent à Besançon, comme jeune prêtre déporté, mais rentré pour fanatiser les campagnes.

1299. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. BRIZEUX (Les Ternaires, livre lyrique.) » pp. 256-275

Il ne s’est pas contenté de saisir cet aperçu à l’état moral, il l’a voulu suivre sous forme théologique : il a chanté le sacré triangle, c’est trop.

1300. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Chapitre VII. De l’esprit de parti. »

Or, quand la pensée est une fois saisie de l’esprit de parti, ce n’est pas des objets à soi, mais de soi vers les objets que partent les impressions, on ne les attend pas, on les devance, et l’œil donne la forme au lieu de recevoir l’image.

1301. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre III. Les grands artistes classiques — Chapitre V. La Fontaine »

Il y a dans La Fontaine assez de quoi répondre à cette origine420 : par toute une partie de son humeur et de son génie, il plonge en quelque sorte dans le sol natal, et l’on saisit en lui le goût du terroir champenois.

1302. (1900) L’état actuel de la critique littéraire française (article de La Nouvelle Revue) pp. 349-362

Ils se souviennent de l’immense série de jugements faux portés par leurs prédécesseurs contre d’admirables artistes qu’ils saluent aujourd’hui avec respect, et devant toute tentative nouvelle, même s’ils n’y comprennent rien, ils sont saisis du scrupule très honorable de ne pas se préparer des mea culpa pour l’avenir.

1303. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre VIII. Les écrivains qu’on ne comprend pas » pp. 90-110

Soyez sûr qu’en ce dénûment mental elle ne saisit pas plus les finesses contenues d’Anatole France que les verbosités plantureuses de Huysmans : c’est lettre morte.

1304. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Deuxième partie. Ce qui peut être objet d’étude scientifique dans une œuvre littéraire — Chapitre II. L’analyse interne d’une œuvre littéraire » pp. 32-46

Mais la couleur n’est qu’une des qualités que la vue peut saisir dans les objets.

1305. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XIX. Cause et loi essentielles des variations du gout littéraire » pp. 484-497

Tarde193 a bien saisi, sans en tirer tout le parti possible, cette vérité indéniable : que dans une société l’affirmation crée la négation, la thèse l’antithèse, et qu’ainsi s’engagent en tous les domaines une quantité de « duels logiques », comme il les appelle.

1306. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Marie-Antoinette. (Notice du comte de La Marck.) » pp. 330-346

Son esprit, assez juste et prompt, « saisissait et comprenait rapidement les choses dont on lui parlait », mais n’avait ni une grande étendue ni une grande portée, rien en un mot de ce qui répare le défaut d’éducation ou de ce qui supplée à l’expérience.

1307. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Le cardinal de Retz. (Mémoires, édition Champollion.) » pp. 238-254

En 1675 pourtant, il fut saisi d’une idée qui parut extraordinaire et qui causa une grande admiration à ses contemporains : c’était de renoncer au chapeau, et, se dépouillant de la dignité de cardinal, d’aller vivre en Lorraine dans une retraite absolue.

1308. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre cinquième. Principales idées-forces, leur genèse et leur influence — Chapitre troisième. L’idée-force du moi et son influence »

Par la vision directe, la conscience se voit une actuellement, avec un cortège vague de représentations passées ou à venir que saisit la vision indirecte.

1309. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Seconde Partie. De l’Éloquence. — Éloquence de la chaire. » pp. 205-232

La mémoire manqua au premier ; la crainte saisit les deux autres, & leur fit éprouver le même sort, au point d’être longtemps à se remettre.

1310. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre douzième. »

C’est un faux rapport que celui qui a été saisi entre les deux écrevisses, et celui d’une mère vicieuse que sa fille imite.

1311. (1876) Du patriotisme littéraire pp. 1-25

Avec la Renaissance, avec la Pléiade les Rythmes se sont élancés du sol, comme les soldats de Cadmos, et tous agiles, dansants, ailés ; et de la France ils se sont répandus en Europe, appelés et saisis par les poètes de l’Espagne, de l’Italie et de l’Angleterre qui créèrent ou reforgèrent alors toute leur métrique d’après la nôtre.

1312. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Lawrence Sterne »

Avec l’admiration qu’il a pour Sterne et qui nous paraissait d’un heureux augure, nous aurions cru qu’il eût saisi l’occasion de nous donner sur ce rare génie que Jean-Paul appelle, je ne sais plus où « la rose bleu de ciel dans l’ordre des intelligences », quelques pages de critique humaine et profonde.

1313. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « III — Les deux cathédrales »

Mais à quoi bon lui donner un nom, alors qu’il est encore impossible d’en saisir l’ensemble ?

1314. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXXVIII et dernier. Du genre actuel des éloges parmi nous ; si l’éloquence leur convient, et quel genre d’éloquence. »

Méditez donc sur l’âme et le génie de celui que vous voulez louer ; saisissez les idées qui lui sont propres ; trouvez la chaîne qui lie ensemble ou ses actions ou ses pensées ; distinguez le point d’où il est parti, et celui où il est arrivé ; voyez ce qu’il a reçu de son siècle, et ce qu’il y a ajouté ; marquez ou les obstacles ou les causes de ses progrès, et devinez l’éducation de son génie.

1315. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre XIV. »

Pour en bien juger et les saisir à la source même, nous aurons à remonter un peu dans la chronologie littéraire.

1316. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre XVI. »

C’est un doux péril, ô Bacchus, de suivre le dieu qui ceint sa tête du pampre verdoyant. » Ce sont les fêtes, ou plutôt c’est la poésie de la Grèce qui respire dans ce caprice savant d’Horace ; c’est la veillée des bacchantes d’Euripide : on voit les mille bras qui ont saisi la tige du frêne et l’ont arrachée de la terre.

1317. (1814) Cours de littérature dramatique. Tome II

Tout le passé trouve ainsi son excuse ; et Pyrrhus rétablit sa réputation par ces vers : Mais que ma cruauté survive à ma colère ; Que, malgré la pitié dont je me sens saisir ! […] Adieu. » Tel est l’esprit de cette scène, qu’aucun traducteur n’a saisi. […] Elle n’a point cette pudeur grecque qui redoute l’aspect et l’approche d’un homme ; elle se jette sur Hippolyte, saisit son épée : tout cela est conforme aux idées françaises. […] La vérité est que nous ne valons pas mieux que nos pères, bien heureux si nous ne valons pas moins : mais cette vérité ne peut être saisie que par des esprits d’une trempe excellente, et mise au jour que par des philosophes francs, simples et droits, pour qui la littérature n’est pas une intrigue, et la philosophie l’art de faire des dupes. […] Notre esprit actuel est tout entier dans des jeux et des oppositions de mots : il ne faut aucun esprit pour le saisir et l’entendre.

1318. (1874) Portraits contemporains : littérateurs, peintres, sculpteurs, artistes dramatiques

J’avais attrapé une huitaine d’années, et l’on me mit au collège Louis-le-Grand, où je fus saisi d’un désespoir sans égal que rien ne put vaincre. […] Souvent même un mot dans la phrase suffisait pour lui en faire saisir le suc. […] Son large rire épanoui sur ses lèvres sensuelles était celui d’un Dieu bon-enfant qu’amuse le spectacle des marionnettes humaines, et qui ne s’afflige de rien parce qu’il comprend tout et saisit à la fois les deux côtés des choses. […] Mais il fallait les bien connaître tous les deux pour saisir cette nuance. […] Il est impossible de mieux saisir le caractère et l’art d’une époque injustement dédaignée.

1319. (1898) Politiques et moralistes du dix-neuvième siècle. Troisième série

Le vrai penseur écrit en ne songeant qu’à son idée, seul avec elle, les yeux sur elle, entêté seulement à la saisir, à la maîtriser et à l’exprimer au plus juste. […] Cet esprit affirmatif et tranchant, et même arrogant, produit le même effet que les esprits fuyants qui glissent sur les idées sans vouloir jamais les saisir. […] La misère la plus profonde du prolétariat et de l’esclavage, ce qu’ils ont de plus horrible, c’est l’absence absolue de propriété, parce qu’à ne posséder rien l’homme ne saisit plus sa personnalité, se sent comme un enfant ou un animal, n’est pas sûr d’être quelqu’un. […] Le grand seigneur, possesseur d’immenses domaines, ne se saisit pas plus lui-même dans ces royaumes qui portent son nom, mais où il n’a mis nulle part sa marque et son empreinte, n’y pouvant mettre son affection prochaine et intime, que le pauvre hère ne peut se saisir et se reconnaître dans quoi que ce soit au monde, ne possédant rien. […] J’y dis à peu près le contraire… » Cela signifie qu’il ne croyait jamais avoir trouvé le vrai et qu’il le cherchait sans fin, et qu’il le préférait à son amour-propre, et qu’il ne rougissait jamais de n’avoir pas saisi du premier coup l’insaisissable.

1320. (1865) La crise philosophique. MM. Taine, Renan, Littré, Vacherot

Cependant, pour fixer les idées, et sans attacher à une date plus d’importance qu’elle n’en mérite, on peut dire que la crise où nous sommes est devenue publique, intéressante pour tous, et a saisi l’opinion à peu près avec les premiers ouvrages de deux brillants esprits, M.  […] Suivant cette manière de voir (si je la comprends bien, car elle est très-subtile et très-difficile à saisir), il n’y a pas de vérité absolue, ou, s’il y en a une, elle est inaccessible à l’homme ; ce qui existe, ce sont des états successifs d’opinion, et ces états d’opinion sont eux-mêmes les effets de l’état perpétuellement changeant de l’humanité. […] Un fait est en quelque sorte un phénomène arrêté, précis, déterminé, ayant des contours que l’on peut saisir et dessiner : il implique une sorte de fixité et de stabilité relatives. […] Renan « l’infini » ou « l’idéal » ; mais ces agents transcendants jouent un rôle si vague et si obscur dans leurs doctrines, qu’il est difficile de bien saisir la part qui leur est faite, et qu’il est permis d’y voir des concessions à l’opinion et à l’habitude plutôt que de vrais principes sciemment et scientifiquement reconnus.

1321. (1923) Critique et conférences (Œuvres posthumes II)

On a dit tout, en une préface abominable que la Justice a châtiée, d’ailleurs, par la saisie, sur la requête d’un galant homme de qui la signature avait été escroquée, M.  […] Rimbaud qui ne savait supporter la boisson, et que l’on avait contracté, dans ces « agapes » pourtant modérées, la mauvaise habitude de gâter au point de vue du vin et des liqueurs — Rimbaud qui se trouvait gris, prit mal la chose, se saisit d’une canne à épée à moi qui était derrière nous, voisins immédiats, et, par-dessus la table large de près de deux mètres, dirigea vers M.  […] Il applaudit, et comment ne pas s’associer à son judicieux enthousiasme, au « plan simple, logique, aisé à saisir », aux « masses architecturales atteignant presque toujours à l’ampleur sans fatiguer l’esprit par une vaine recherche de la noblesse et du grandiose ». […] Je saisis cette occasion pour m’excuser auprès des innombrables personnes à qui je n’ai pas répondu depuis des années.

1322. (1902) La poésie nouvelle

Le premier exprimait spontanément sa vision des choses imprégnées de mystère, tandis que le second doit réagir contre la doctrine générale d’une humanité qui s’est trop accoutumée au spectacle quotidien des apparences pour en saisir l’étrangeté. […] Telle que nous la connaissons, cette œuvre, en cet état d’inachèvement tragique où la mort nous la laissa, elle est plus belle d’être plus émouvante, et comme nous la saisissons sur le vif, pour ainsi dire, elle nous est plus directement intelligible et elle nous touche plus immédiatement.‌ […] Les écritures idéographiques, dans lesquelles chaque phénomène est représenté par un signe unique, correspondent à une conception des choses qui n’a point encore saisi le rapport des phénomènes divers entre eux. […] L’art charmant du poète fut de saisir ces fugitives apparences et de les fixer sans que se fane leur beauté fragile, leur grâce qui leur vient d’être momentanées.‌ […] Plus souvent, il recherche le plus rapide signe de l’idée, le plus suggestif, et il crée cette poésie « cursive et notante » qu’il a toujours recherchée, et qui est la plus propre à saisir la pensée dans son essence même.‌

1323. (1882) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Deuxième série pp. 1-334

Mais il ne manque pourtant jamais à saisir l’occasion de les placer. […] Le livre est achevé, Le Prieur va le mettre en vente ; c’est à ce moment que Mme Denis entre en scène et que les lamentations de Voltaire viennent retentir jusque dans le cabinet de Malesherbes, et s’aidant de l’un, s’aidant de l’autre, on fait si bien que l’ordre est donné de saisir ! […] À mesure qu’ils avancent, ils s’aperçoivent que, si Voltaire demande la suppression de l’Épître du diable, c’est pour les dépister, et que, ce qui lui tient à cœur, c’est de rentrer en possession du manuscrit de ses Dialogues ; cependant, ils font fouiller la boutique de Rigollet et dressent un procès-verbal de saisie. […] Je ne vous parle pas des libelles abominables qu’ils ont publiés contre moi, de leur acharnement à saisir ces malheureuses feuilles, … de leurs efforts pour me rendre odieux au gouvernement, de leur satisfaction lorsqu’ils ont pu réussir à me faire interdire mon travail, et quelquefois même à me ravir la liberté de ma personne. […] Comme il s’en faut que ce soit une des bonnes toiles de Poussin, on y saisit à nu le procédé de composition.

1324. (1893) Des réputations littéraires. Essais de morale et d’histoire. Première série

La forme littéraire est, entre toutes les formes de l’art en général, celle qui fait briller aux yeux de l’individu la promesse d’immortalité la plus sûre et la plus facile à saisir en apparence. […] J’admets la possibilité d’une communication anticipée de l’âme avec un monde qu’elle devine, pressent, saisit déjà, et que ni les sens ni l’intelligence ne peuvent atteindre. […] Le littérateur qui s’abstrait du réel afin de mieux saisir l’idéal, manque l’un et l’autre, n’attrape qu’une forme vide, et la gloire se moque de lui. […] Ses œuvres sont autant de fenêtres à travers lesquelles nous saisissons une lueur du monde qui était en lui. […] Fonder sa gloire sur de telles assises, c’est plus que saisir l’occasion ; c’est s’insinuer au cœur même de la patrie et s’y faire à jamais sa place comme poète essentiellement national.

1325. (1826) Mélanges littéraires pp. 1-457

Qui saisit ainsi les plis de mon voile ? […] La Mort veut saisir Alceste tandis qu’elle est jeune, parce qu’elle ne se soucie pas d’une vieille proie, et comme traduit le père Brumoy, d’une proie ridée. […] Quiconque peint savamment le côté douloureux de l’homme, peut aussi représenter le côté ridicule, parce que celui qui saisit le plus, peut à la rigueur saisir le moins. […] Jeune insensé, qui crois pouvoir saisir le glorieux météore ! […] Bien plus, c’est par la seule imagination que l’on peut concevoir la spiritualité de l’âme et l’immatérialité des esprits : tant elle est loin de ne saisir que le côté matériel des choses !

1326. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre deuxième. La connaissance des corps — Chapitre II. La perception extérieure et l’éducation des sens » pp. 123-196

Le dix-huitième jour, « elle semblait encore éprouver la plus grande difficulté à découvrir la distance d’un objet ; car, lorsqu’un objet était tenu tout près de son œil, elle le cherchait en étendant sa main bien au-delà, pendant qu’en d’autres occasions elle faisait le geste de saisir tout près de son visage, alors que l’objet était très loin d’elle… ». — Lorsque au bout de six semaines elle quitta Londres, elle avait acquis une connaissance assez exacte des couleurs, de leurs nuances, de leur nom et aussi de beaucoup d’objets, « mais rien encore qui ressemblât à une connaissance précise de la distance ou de la forme. Elle avait encore beaucoup de difficulté, et il lui fallait une infinité de tentatives inutiles pour diriger son œil vers un objet ; de sorte que, lorsqu’elle essayait de le regarder, elle tournait sa tête en diverses directions, jusqu’à ce que son œil eût saisi l’objet à la recherche duquel il s’était mis ». […] Cela nous dispense d’imaginer en détail la longue sensation musculaire de vingt enjambées, la longue sensation tactile et musculaire de la main promenée sur tout le contour de la surface. — Grâce à cette vitesse des opérations optiques, nous pouvons saisir, en un temps très court et par une perception qui nous semble instantanée, un objet tout entier, une chaise, une table, un personnage, bien plus, si l’objet est éloigné, une prairie entière, tout un groupe d’arbres, un édifice, l’enfilade d’une rue. — Vous voilà à une fenêtre, vous ouvrez les yeux, et, tout d’un coup, au moyen d’un très petit mouvement des yeux et d’un imperceptible mouvement de la tête, tout le paysage vous apparaît, avec ses divers plans, terrains, verdures, ciel, nuages, avec les innombrables détails de leurs formes, de leur relief et de leurs creux.

1327. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre IV : Sélection naturelle »

Mais dans une île ou dans une contrée entourée de barrières naturelles, que d’autres formes mieux adaptées ne pourraient aisément franchir, il y aurait dans l’économie locale des places vacantes qui seraient mieux remplies si quelques-uns des habitants indigènes venaient à se modifier de quelque manière, puisque, si la contrée avait été ouverte, ces places vacantes auraient été saisies par des immigrants. […] Quoique la nature emploie de longs siècles à son travail de sélection, cependant elle ne laisse pas un laps de temps indéfini à chaque espèce pour se transformer ; car, tous les êtres vivants étant obligés de lutter pour se saisir des places vacantes dans l’économie de la nature, toute espèce qui ne se modifie pas à son avantage, aussi vite que ses concurrentes, doit être presque aussitôt exterminée. […] Elle se saisit seulement de toute variation qui se présente, lorsqu’elle est avantageuse à l’espèce ou à ses représentants par rapport à leurs relations mutuelles et complexes.

1328. (1881) La parole intérieure. Essai de psychologie descriptive « Chapitre premier. Aperçu descriptif. — Histoire de la question »

Après les nominalistes et tous les philosophes qu’avait frappés l’association des termes généraux avec les notions générales, Condillac avait insisté sur le même fait, mais en logicien plutôt qu’en psychologue, et sans songer à distinguer la parole intérieure de la parole extérieure : « Tout l’art de raisonner se réduit à l’art de bien parler ; — une science bien traitée n’est qu’une langue bien faite ; — toute méthode analytique de la pensée est une langue ; — nous pensons par les langues » tels sont ses principaux aphorismes ; Rousseau, lui, envisageant la pensée et ses expressions comme deux successions parallèles, esquissait une vraie description psychologique quand il disait : « L’esprit ne saisit (les idées dont l’objet n’est pas sensible) que par des propositions : car sitôt que l’imagination s’arrête, l’esprit ne marche plus qu’à l’aide du discours. » Sur la question des origines, Condillac avait soutenu, après l’oratorien Richard Simon29 3 et avec la grande majorité des philosophes du xviiie  siècle et des idéologues, l’invention humaine de la parole, ou, en d’autres termes, la création de l’expression de la pensée par les seules forces naturelles de la pensée : à quoi Rousseau répondait : « La parole paraît avoir été fort nécessaire pour établir l’usage de la parole. » D’autre part, et dès avant ses recherches sur le langage, de Bonald était d’instinct partisan des vérités immuables ; et, disposé comme il l’était à voir dans le progrès une illusion coupable, dans le devenir une forme inférieure de la réalité, une déchéance de l’être, il avait été facilement mis par le P. […] « L’esprit, dit-il, est tellement accoutumé à se servir de signes qu’il ne pense plus que par leur moyen, et que des vestiges de sons représentent seuls à l’âme toutes les choses, excepté dans le petit nombre de cas où une certaine affection (affectus aliquis) rappelle l’image même de l’objet. » Bonald semble n’avoir pas bien saisi le sens de cette phrase67. […] Il nous semble qu’on l’a généralement réfuté avant de l’avoir compris ; c’est qu’il était plus facile de prouver contre lui la possibilité de l’invention humaine du langage que de saisir la suite de ses idées avec leur vraie portée, leurs contradictions cachées, et ce qu’elles contenaient d’aperçus justes ou suggestifs.

1329. (1920) Action, n° 2, mars 1920

On y saisit la magie de Shakespeare et comment il peut, du même coup, soustraire le drame à la comédie et à la tragédie. […] Mais c’est surtout en lisant Les Œuvres burlesques et mystiques de Frère Matorelac , parus à peu près en même temps que les deux ouvrages précédents, que l’on saisit enfin l’entière portée, la pleine signification de cette nature sans cesse en jaillissements, en fusées, en éclaboussements d’expressions rapides dont chacune se suffit, forme un tout, source transparente emplie de lueurs et de forces. […] Apte à saisir, en bon reporter, tout ce qui caractérise un homme, une société, une ville ou un pays, René Arcos a peint des fresques étonnantes de fraîcheur, de vie et de sincérité.

1330. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. BALLANCHE. » pp. 1-51

Tandis qu’une moitié de la France se méfiait déjà et se voilait dans ses blessures, l’autre moitié était saisie d’une véritable ivresse ; et aujourd’hui, quand, après des années, on se raconte mutuellement ses impressions d’alors, il semble, à la contradiction des témoignages, qu’on n’ait vécu ni dans le même pays ni dans le même temps. […] Une doctrine de conciliation si haute en des instants si irrités ne fut que peu saisie, comme bien l’on pense, et, auprès du petit nombre de ceux qui la comprirent, elle ne fut accueillie ni dans un camp ni dans un autre.

1331. (1861) Cours familier de littérature. XI « LXIVe entretien. Cicéron (3e partie) » pp. 257-336

« Je le reconnus aussitôt, et je fus saisi d’un frémissement subit ; mais lui : Rassure-toi, Scipion, me dit-il ; bannis la crainte, et grave ce que je vais te dire dans ta mémoire. […] L’espace nous manque pour le commenter en entier devant vous ; il fut composé au bruit des tempêtes de Rome, pendant que César tombait et qu’Antoine agitait à Rome le manteau sanglant du dictateur, pour faire tomber la dictature et pour la saisir à l’aide de la popularité attendrie des soldats et du peuple ; et cependant quel calme dans l’âme et dans le style de Cicéron !

1332. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLIIIe entretien. Madame de Staël. Suite. »

Bernadotte, spirituel et ambitieux, était propre à briguer avec la même indifférence une dictature populaire ou un trône ; il n’avait cherché dans la révolution qu’une fortune, également prêt à la saisir dans une contre-révolution. […] Plusieurs hommes, qui tenaient des places de lui, étaient désignés pour servir la révolution qui devait briser son pouvoir, et il lui importait que désormais tous ses agents se crussent perdus sans ressources, si leur maître était renversé ; enfin, surtout, ce qu’il voulait, au moment de saisir la couronne, c’était d’inspirer une telle terreur que personne ne sût lui résister.

1333. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XVI. La littérature et l’éducation publique. Les académies, les cénacles. » pp. 407-442

Ce n’est pas trop d’une série de questions entrecroisées pour saisir à toute époque la tendance maîtresse (sans compter les autres) qu’avait l’éducation dans les divers organes qui ont eu mission de répondre à ce besoin social. […] Quelques exemples permettront de saisir le jeu de ce mécanisme qui se résume en une série de résistances volontaires et de concessions forcées.

1334. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 juin 1885. »

Il faut bien saisir, cependant, que, pour Schopenhauer, les Idées ont autant de réalité objective, que subjectîve ; ces deux ne sont qu’un pour lui. […] Schopenhauer retient du bouddhisme (comme du brahmanisme) la négation ascétique du vouloir-vivre, la compassion universelle et l’idée que seule l’intuition permet de saisir l’essence des choses.

1335. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « VI »

Ainsi, quand derrière Akëdyssërilad triomphale et fabuleuse, après les cortèges endiamantés des cohortes et des escortes et des prêtres et des amazones familières, au loin, dans une innumérabilité farouche comme des sables marins et des étoiles de deux, s’avancera l’année… « … De tous côtés, là-bas, l’immense vision d’un enveloppement d’armée… » sera-t-il dit ; et les mots, simples appels d’abstractions, n’auront suscité aux yeux nulles lignes, non plus que forme aucune suite sonore analysable de musique, en leur froide idéalité ; mais avec leur signification rigoureuse d’enchaînement rationnel, ils seront des mets, des mots, des mots, d’où émergera le vague de choses autrefois contemplées et de sentimentalités obscurément senties et saisies en des mots. […] (chant du matelot) en ce chant de naïve tristesse d’une âme que bercerait un doux amour éloigné et plein d’espérances ; puis, surgissante la passion, et ses cris où elle s’épanche, ses féroces silences, sa vie jubilante et désespérée… Oh, comme par les yeux de l’esprit je les vois, les âmes aimantes qu’attire et qu’emmène et qu’engouffre le gouffre du désir d’aimer, les pauvres âmes mortellement saisies et qui vainement se débattent sous le philtre spirituel de l’advenu irrévocable !

1336. (1856) Cours familier de littérature. II « VIIIe entretien » pp. 87-159

Ce n’est plus le récit, c’est le drame ; ce n’est plus la draperie, c’est le nu ; ce n’est plus le portrait, c’est l’homme ; l’homme avec tous ses traits vivants, calqués sur les beautés comme sur les difformités de sa nature ; la photographie du siècle ; un roi, une cour, des flatteurs, des courtisans, des ambitieux, des hypocrites, des hommes de bien, des méchants, des femmes, des pontifes, une nation tout entière saisie au passage dans son mouvement le plus accéléré, et reproduite, non pas seulement par l’art, mais par la passion. […] Les rhéteurs n’ont jamais pu l’enseigner ni le surprendre, pas plus que les chimistes n’ont pu saisir le principe de vie qui fuit sous leurs doigts dans les éléments qu’ils élaborent : on sait ce qu’il produit, on ne sait pas ce qu’il est.

1337. (1857) Cours familier de littérature. III « XIIIe entretien. Racine. — Athalie » pp. 5-80

Il n’eut qu’à le saisir et à le conserver. […] Enfin la troisième de ces causes, c’est que le poète dramatique ou tragique ne peut, par la concentration forcée de son drame, saisir ses héros ou ses personnages que dans un accès de passion extrême de leur vie et de leur destinée, au point culminant de leurs sentiments, au moment où leur âme éclate ou se déchire en larmes, en cris ou en sang, sous la main de la pitié ou de la terreur.

1338. (1857) Cours familier de littérature. III « XVIIIe entretien. Littérature légère. Alfred de Musset » pp. 409-488

La France a l’oreille nerveuse et délicate, prompte à saisir, prompte à délaisser même ce qui l’a charmée un moment. […] Pardon de cette image, mais il ne s’en présente pas d’autre sous ma main pour peindre cet attrait mêlé de répulsion qui me saisit en lisant ces poésies renversées qui placent l’idéal en bas au lieu de le laisser où Dieu l’a placé, dans les hauteurs de l’âme et dans les horizons du ciel.

1339. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XVIII. »

car tu ne saurais être saisi par aucune intelligence. […] Que si, plus tard, cette liberté illimitée de l’âme lui a trop pesé, si, dans ce vide et cette absence d’un culte positif, l’autorité croissante du christianisme a fini par l’entrainer, le charmer de ses merveilleux triomphes, le retenir par la grandeur même des problèmes qu’elle résolvait devant lui ; si enfin, au milieu de ses recherches et de ses progrès de croyance, en dépit même de ses réserves sur quelques points, la main d’un impérieux docteur, de l’archevêque Cyrille, est venue le saisir et l’enchaîner à la religion par les plus grands honneurs qu’elle puisse offrir, on le concevra sans peine, Synésius, ainsi parvenu à la chaire épiscopale, n’y portera pas les agitations et les souffrances du patriarche de Constantinople.

1340. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Le Roman de Renart. Histoire littéraire de la France, t. XXII. (Fin.) » pp. 308-324

Tiècelin saisit l’occasion et en prend un pour se restaurer ; la vieille sort et lui jette des pierres.

1341. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Marivaux. — II. (Fin.) » pp. 364-380

Les mœurs de la bourgeoisie, de la finance, y sont bien décrites ; celles de la noblesse et du grand monde m’y paraissent moins heureusement saisies et sont comme brusquées.

1342. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Fénelon. Sa correspondance spirituelle et politique. — I. » pp. 19-35

Or voilà qu’une disgrâce désagréable vient la saisir au front ; son visage se couvre de rougeurs ; des dartres (puisqu’il faut les appeler par leur nom) viennent l’éprouver : Dieu vous a donné, lui disait Fénelon, une rude croix par le mal que vous souffrez.

1343. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Bossuet. Lettres sur Bossuet à un homme d’État, par M. Poujoulat, 1854. — Portrait de Bossuet, par M. de Lamartine, dans Le Civilisateur, 1854. — I. » pp. 180-197

Il a couru après d’une course précipitée, sautant les montagnes, c’est-à-dire les ordres des anges, il a couru comme un géant à grands pas et démesurés, passant en un moment du ciel en la terre… Là il a atteint cette fugitive nature ; il l’a saisie, il l’a appréhendée au corps et en l’âme.

1344. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Eugénie de Guérin, Reliquiae, publié par Jules Barbey d’Aurevilly et G.-S. Trébutien, Caen, imprimerie de Hardel, 1855, 1 vol. in-18, imprimé à petit nombre ; ne se vend pas. » pp. 331-247

Son centaure, vieilli et contristé, déclare au visiteur humain qui le consulte que, pour être allé avec tant d’ivresse et de fougue et avoir tant pressé et tourmenté l’immense nature, il n’a pas surpris le grand secret et n’a rien arraché à la nuit des origines ; qu’il a senti seulement le souffle errer, sans saisir le sens ni les paroles, et que l’incompréhensible est pour lui le dernier mot comme le premier. — Mais je n’ai pas à analyser ici les productions de Guérin ; il me suffit d’en rappeler l’idée et d’en provoquer le réveil : ses œuvres complètes, on nous l’annonce enfin, vont paraître, prose et vers, lettres et fragments d’art, grâce aux soins des mêmes amis qui se sont voués à l’honneur de son nom et à la conservation de sa mémoire.

1345. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « La marquise de Créqui — III » pp. 476-491

Voltaire est un de ceux sur lesquels Mme de Créqui a laissé le plus au net son jugement, et l’on saisit bien les deux principes, les deux termes contraires qu’elle y fait entrer et qu’elle y maintient en présence.

1346. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Correspondance de Buffon, publiée par M. Nadault de Buffon » pp. 320-337

On n’avait point jusqu’ici un recueil des lettres de Buffon ; on n’en avait que des extraits qui avaient servi de pièces à l’appui dans des biographies ingénieuses et savantes ; mais le lecteur aime, en fait de correspondance, à se former lui-même un avis ; il prend plaisir, quand il le peut, à aborder directement les hommes célèbres et à les saisir dans leur esprit de tous les jours.

1347. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Correspondance diplomatique du comte Joseph de Maistre, recueillie et publiée par M. Albert Blanc » pp. 67-83

Mais tout cela était bien loin en 1811 ; de Maistre était redevenu irréconciliable, et, à le prendre pour tel, rien ne saurait être plus intéressant que de saisir ses vues, ses impressions de chaque jour dans la terrible partie qui se joue sous ses yeux et où lui-même est en cause. « Depuis vingt ans, dit-il, j’ai assisté aux funérailles de plusieurs souverainetés ; rien ne m’a frappé comme ce que je vois dans ce moment, car je n’ai jamais vu trembler rien de si grand. » On tremblait, en effet, à l’heure où il écrivait cela, on faisait ses paquets là où était de Maistre, et la joie bientôt, et l’ivresse fut en raison de cette première crainte.

1348. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire de mon temps. Par M. Guizot. »

On y sent se dessiner les formes d’esprit de l’auteur lui-même, confiance, espérance, certitude ; on y saisit ses origines intellectuelles et morales, son tour et son degré de libéralisme, ses limites distinctes et précises : « Je suis de ceux, dit-il, que l’élan de 1789 a élevés et qui ne consentiront point à descendre… Né bourgeois et protestant, je suis profondément dévoué à la liberté de conscience, à l’égalité devant la loi, à toutes les grandes conquêtes de notre ordre social.

1349. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Louis XIV et le duc de Bourg, par M. Michelet. (suite.) »

Or, c’est cette portée, que l’observateur a souci de déterminer et de saisir ; c’est le cran dans l’ordre des esprits, qu’il s’agit en définitive de marquer.

1350. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Le Poème des champs, par M. Calemard de Lafayette (suite et fin) »

Il ne s’attache pas au sol comme Hésiode, il ne borne dans aucun sens ses horizons ; le plus ferme et le plus affranchi des esprits, il pénètre dans les profondeurs et les origines des mondes ; il en saisit le principe, les métamorphoses, la succession éternelle ; il débarrasse la terre de ses trente mille dieux, et même (chose plus grave !)

1351. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Souvenirs de soixante années, par M. Etienne-Jean Delécluze »

s’écrie Étienne tout saisi à l’idée du contraste ; ce tableau de Virginius, commencé en 1796, en présence du petit élève de Moreau, devait, quarante ans après (lisez trente, c’est bien assez), lorsque l’artiste le termina en 1827, passer à l’Exposition du Louvre sous les yeux du critique Étienne, appelé à écrire sur les arts dans le Journal des Débats ! 

1352. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Les Saints Évangiles, traduction par Le Maistre de Saci. Paris, Imprimerie Impériale, 1862 »

Ce qui me frappe dans l’Évangile selon saint Matthieu, et qui, s’il n’est pas l’original même de cet apôtre, est traduit de l’hébreu et rédigé en grande partie d’après lui, c’est moins le récit des actions, l’encadrement des circonstances, que les discours, les dires et sentences de Jésus qu’on saisit ici dans tout leur jet primitif et toute leur fraîcheur.

1353. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Salammbô par M. Gustave Flaubert. (Suite.) » pp. 52-72

Bref, Mâtho, toujours poussé par les épaules, après avoir traversé en tremblant des scènes de fantasmagorie bizarre dignes de la franc-maçonnerie, se saisit du voile impossible appelé Zaïmph, que Spendius a osé décrocher le premier et qu’il a jeté à terre.

1354. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « La Grèce en 1863 par M. A. Grenier. »

Nous étions jeunes, nous avions besoin d’un objet public d’enthousiasme : il s’en présentait un devant nous, nous l’avons saisi.

1355. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Entretiens sur l’histoire, — Antiquité et Moyen Âge — Par M. J. Zeller. »

Au début, après quelques réflexions générales sur l’utilité de l’histoire, sur ce « qu’il est honteux non-seulement à un prince, mais à tout honnête homme, d’ignorer le genre humain » et les changements mémorables du monde dans le passé, Bossuet établit qu’indépendamment des histoires particulières, celle des Hébreux, la Grecque et la Romaine, l’histoire de France, il n’y a rien de plus nécessaire, pour ne pas confondre ces histoires et en bien saisir les rapports, que de se représenter distinctement, mais en raccourci, toute la suite des siècles.

1356. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « De la poésie en 1865. (suite et fin.) »

Ame simple et droite, sans un repli, avec les instincts les plus loyaux, mais toujours un peu de chimère, aucun des intérêts, aucune des ambitions qui d’ordinaire saisissent les hommes dans la seconde moitié de la vie n’eurent jamais sur lui action ni prise ; il y resta constamment étranger, innocent de toute compétition, de toute jalousie, ne se comparant pas, ne se plaignant pas, satisfait dans son coin, s’y tenant coi comme dans son nid, le même après comme avant l’orage, d’abord et toujours jusqu’à la fin l’homme de la muse, du rêve, de la rime, de la bagatelle enchantée.

1357. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Œuvres choisies de Charles Loyson, publiées par M. Émile Grimaud »

Sans doute, et je suis le premier à le reconnaître, la méthode de Maine de Biran, qui consiste proprement à saisir et à présenter dans un cours d’observations psychologiques la véritable histoire de l’âme, n’a pas attendu pour se produire « ces toutes dernières années » ; je n’ai garde d’oublier les Jouffroy, les Damiron, et M. 

1358. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Le général Jomini. [I] »

Il faut faire saisir l’ouvrage. » Maret eut quelque peine à l’apaiser et à lui montrer qu’une défense, loin d’étouffer le livre, éveillerait, au contraire, l’attention.

1359. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Racine — II »

La poésie de Racine élude les détails, les dédaigne, et quand elle voudrait y atteindre, elle semble impuissante à les saisir.

1360. (1902) L’observation médicale chez les écrivains naturalistes « Chapitre II »

Une respiration ronflante comme une basse, coupée d’une plainte continue et râlante qui vous déchire… Du milieu de cette plainte jaillissent des mots, des phrases qu’on ne peut saisir, et parmi lesquels il me semble entendre : “Maman, maman, à moi maman !”

1361. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Chapitre premier. De l’amour de la gloire »

La gloire des écrits ou celle des actions est soumise à des combinaisons différentes ; la première, empruntant quelque chose des plaisirs solitaires, peut participer à leurs bienfaits ; mais ce n’est pas elle qui rend sensibles tous les signes de cette grande passion ; ce n’est pas ce génie dominateur, qui, dans un instant, sème, recueille et se couronne ; dont l’éloquence entraînante, ou le courage vainqueur décident instantanément du sort des siècles et des empires ; ce n’est pas cette émotion toute puissante dans ses effets, qui commande en inspirant une volonté pareille, et saisit dans le présent, toutes les jouissances de l’avenir.

1362. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Conclusion. »

On dit, qu’en s’abandonnant à la pitié, les individus et les gouvernements peuvent être injustes ; d’abord les individus d’une condition privée ne sont presque jamais dans une situation qui commande de résister à la bonté ; les rapports avec les autres sont si peu étendus, les événements qui offrent quelque bien à faire, sont dépendants d’un si petit nombre de chances, qu’en se rendant difficiles sur les occasions qu’on peut saisir, on condamne sa vie à l’inutile insensibilité.

1363. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre deuxième. Les mœurs et les caractères. — Chapitre III. Inconvénients de la vie de salon. »

Pour trouver de ces lutteurs, ils font chercher trois ou quatre hommes de race ou d’éducation différente, tous ayant roulé et pâti, un plébéien brutal comme l’abbé Maury, un satyre colossal et fangeux comme Mirabeau, un aventurier audacieux et prompt comme ce Dumouriez qui, à Cherbourg, lorsque la faiblesse du duc de Beuvron a livré les blés et lâché l’émeute, lui-même hué et sur le point d’être mis en pièces, aperçoit tout d’un coup les clés du magasin dans les mains d’un matelot hollandais, crie au peuple qu’on le trahit et qu’un étranger lui a pris ses clés, saute à bas du perron, saisit le matelot à la gorge, arrache les clés et les remet à l’officier de garde en disant au peuple : « Je suis votre père, c’est moi qui vous réponds des magasins322 ».

1364. (1869) Cours familier de littérature. XXVII « CLXe Entretien. Souvenirs de jeunesse. La marquise de Raigecourt »

Je fus saisi et séduit au premier regard.

1365. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « Alphonse Daudet  »

Mieux que personne il saisit et dégage ces ironies, ces curiosités et comme ces lazzis de la grande comédie des hommes et des choses.

1366. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre XVI. Les derniers temps de la comédie italienne en France » pp. 311-338

Mon fils, attache-toi aux saisies réelles, aux préférences de deniers.

1367. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre IX. Inquiets et mystiques » pp. 111-135

Je me saisis de cette métaphore, et la veux compléter.

1368. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre onzième. »

Certaines vérités sont saisies à la première vue : nous y étions préparés, nous dépendions d’elles depuis longtemps, et nous vivions à notre insu sous leur empire ; un esprit supérieur nous en avertit, nous les reconnaissons.

1369. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « Oscar Wilde à Paris » pp. 125-145

Moréas y saisit l’occasion de démolir la poétique du xixe  siècle, estimant Hugo populacier, Baudelaire paradoxal.

1370. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. James Mill — Chapitre I : Sensations et idées. »

Elle n’a point le sentiment de ce qui est primitif, de cette époque lointaine ou les sens et l’imagination prédominaient, et ou l’âme ne saisissait que les choses vivantes et concrètes29.

1371. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Qu’est-ce qu’un classique ? » pp. 38-55

Il est vrai que, pour traiter de tels sujets qui sont toujours un peu abstraits et moraux, il convient de parler dans le calme, d’être sûr de son attention et de celle des autres, et de saisir un de ces quarts d’heure de silence, de modération et de loisir, qui sont rarement accordés à notre aimable France, et que son brillant génie est impatient à supporter, même quand elle veut être sage et qu’elle ne fait plus de révolutions.

1372. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Les Gaietés champêtres, par M. Jules Janin. » pp. 23-39

Celui-ci, dès l’abord, à la manière dont il saisit Louise qui s’est enfuie, et dont il l’introduit sous son toit, laisse deviner ce qui adviendra un jour.

1373. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Madame, duchesse d’Orléans. (D’après les Mémoires de Cosnac.) » pp. 305-321

Les lettres que Madame a écrites à Cosnac, et qui se publient pour la première fois, sont courtes, amicales, assez bien tournées, mais sans rien de remarquable : évidemment elle n’avait pas cette imagination qui se répand à distance ; ce sont de ces esprits légers et sacrés qu’il faut saisir et adorer à leur source.

1374. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Les regrets. » pp. 397-413

La Restauration tombe en 1830 ; les hommes de la Restauration disparaissent, et une nouvelle génération se saisit du gouvernement de la société dans toutes les directions et à tous les degrés.

1375. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Ducis. » pp. 456-473

Puis quand les émissaires du duc de Cornouailles arrivent, on essaie de le cacher, et Oswald, le chef de cette troupe, ne l’ayant point trouvé d’abord, dit au vieillard qui habite la caverne : « Si Léar vient te demander asile et un lit, refuse » ; ce qui dans le style de Ducis se traduit en ces incroyables vers : Si Léar, par ses pleurs, sous cette horrible voûte, Vient implorer tremblant, la nuit, saisi d’effroi, La grâce d’y fouler ces roseaux près de toi, Sois sourd à sa prière et demeure inflexible.

1376. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « L’abbé Barthélemy. — II. (Fin.) » pp. 206-223

) — Mais, là même encore, on sent le thème traité et caressé à tête reposée par une plume habile et polie, plutôt qu’un tableau embrassé par l’imagination, ou vivement saisi d’après nature.

1377. (1903) Zola pp. 3-31

Ainsi s’était déformé et comme avili le romantisme aux mains d’un homme qui n’était pas capable d’en comprendre les parties hautes et qui était trop prédisposé à en saisir comme avec ravissement les aspects vulgaires, ou bien plutôt qui n’en pouvait comprendre que les dehors et était parfaitement inapte à en pénétrer le fond.

1378. (1913) Le bovarysme « Troisième partie : Le Bovarysme, loi de l’évolution — Chapitre I. Le Bovarysme de l’individu et des collectivités »

Se concevoir autre par le moyen de l’éducation, subir la suggestion de la notion, c’est se déplacer et progresser, c’est se montrer capable de saisir la corde tressée par l’industrie de l’humanité, et de hisser, par un raidissement de l’effort, sa propre et frêle personnalité jusqu’au plateau conquis et aménagé par les meilleurs de l’espèce.

1379. (1888) La critique scientifique « La critique scientifique — Analyse psychologique »

La réponse à ce problème donnera, avec une vraisemblance considérable, une notion exacte, complète et définie de l’âme de l’artiste que l’on veut connaître, prise en pleine existence, en pleine activité, dans l’exercice même de ses facultés, saisie eu son ensemble avec tout ce qu’y auront déposé l’hérédité, l’éducation, le milieu, les hasards de la carrière, l’imitation, figurée en un mot, non pas comme une abstraction factice et après soustraction de certains éléments qu’on aurait tort de prétendre étrangers, mais en sa vie propre et dans l’ensemble des conditions qui l’ont constituée.

1380. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Th. Dostoïewski »

Des colères vésaniques le saisissent, dans lesquelles il crie, insulte, serre les poings et grince des dents avec des grondements de dogue ; puis il s’affaisse et se considère ; la misère de tout son pauvre être lui apparaît et il geint encore comme une bête domestique, et cherche avec des yeux lourds une main qui le flatte.

1381. (1765) Essais sur la peinture pour faire suite au salon de 1765 « Paragraphe sur la composition ou j’espère que j’en parlerai » pp. 54-69

Si la scène est une, claire, simple et liée, j’en saisirai l’ensemble d’un coup d’œil ; mais ce n’est pas assez.

1382. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Du Rameau » pp. 288-298

La fraude, qu’on reconnaît à son masque et à qui l’étendart de la révolte est tombé des mains, s’est saisie d’une des rênes du char.

1383. (1860) Ceci n’est pas un livre « Une croisade universitaire » pp. 107-146

Je l’ai entrevu hier soir, dans la rue d’Ulm, en compagnie de Philoxène Boyer (je saisis l’occasion de dénoncer Philoxène aux sévérités de M. de Suttières : un érudit croisé de fantaisiste, horreur !).

1384. (1912) L’art de lire « Chapitre IV. Les pièces de théâtre »

C’est là qu’il faut le chercher, et précisément, c’est en le cherchant là qu’on saisira les différences entre le style personnel et le style qu’il invente et qu’il crée à l’usage des personnages étrangers à lui et pour les peindre.

1385. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre IX. Seconde partie. Nouvelles preuves que la société a été imposée à l’homme » pp. 243-267

Ces dégoûts de la société, qui viennent, à de certaines époques et dans de certaines circonstances, saisir les hommes chagrins et mélancoliques, sont une vraie maladie morale qu’il faut guérir.

1386. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « M. Maurice Rollinat »

Mais tout cela flambe et se transfigure quand il est saisi par ces trois mains de la poésie, de la musique et de la mimique… et on ne le reconnaît plus !

1387. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Hippolyte Babou »

En effet, en ces deux-là, on trouve, avec ses qualités habituelles et dans le milieu ordinaire de l’observation de l’auteur, deux ou trois individualités, deux ou trois têtes, en profil, il est vrai, mais qui sont arrêtées et dont la fine originalité vous saisit au plus délicat de votre être.

1388. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre IV : M. Cousin écrivain »

L’un se saisit de notre admiration, l’autre gagne notre confiance.

1389. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre V : M. Cousin historien et biographe »

Les idées lui viennent sans qu’il les choisisse ou qu’il les ordonne, et elles ne se présentent pas sous la livrée commune de mots généraux ; elles accourent en métaphores, en expressions familières, en habits de folles ou de paysannes ; et dès l’abord, elles saisissent ; l’accent de la phrase est un chant.

1390. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre VIII : M. Cousin érudit et philologue »

Un peu plus loin, vous voyez l’orateur se lever subitement au milieu d’une citation, et s’interrompre pour exprimer avec une sorte de grandeur poétique l’émotion qui l’a saisi.

1391. (1920) Impressions de théâtre. Onzième série

Les plus beaux sont de La Bruyère : « Il faut des saisies de terre », etc… « Il y a des misères qui saisissent le cœur », etc… « L’on voit certains animaux farouches », etc… « Petits hommes, hauts de six pieds », etc… « Faut-il opter ? […] Elle était « médiocrement écrite, ridicule souvent et dégoûtante de platitude », mais cependant « elle avait encore ce mérite d’offrir au public une représentation de la vie, dont il saisissait le rapport avec la réalité ». […] — C’est vrai, répond d’Arnay-Lahutte ; mais comme mon amour pour elle est arrivé au plus haut point, il ne peut plus que diminuer. » Vous saisissez le ton. […] Si l’on y veut prendre garde, on saisit chez lui d’intéressants contrastes. […] Cela peut saisir les badauds par l’énormité même du contraste, mais cela me semble tout le contraire de la vérité.

1392. (1895) Nouveaux essais sur la littérature contemporaine

« Jeune, fait comme Adonis, un léger coton couvrait ses joues comme la pêche… On aimait sa bonne mine et sa taille légère… — c’est lui-même, sur ses vieux jours, qui se mire ainsi, comme une jolie femme, dans le souvenir de ses grâces un peu fanées alors ; — et habile d’ailleurs à saisir le temps, un mot, un soupir… il n’y avait point de femme qui ne fût jalouse de le subjuguer2. » Faut-il en croire les bruits de cour ? […] Si le charme de style en est délicatement senti dans le dernier de ces deux passages, l’idée maîtresse n’en est pas moins heureusement saisie dans le premier. […] c’est au nom de la raison, c’est en exaltant avec emphase ses droits imprescriptibles que vous condamnez hardiment plus des trois quarts du genre humain à être la dupe de l’imposture… Et vous vous imaginez qu’en jetant la religion au peuple, et en lui disant que c’est pour lui un frein nécessaire, il s’empressera de le saisir, en vous abandonnant les rênes ! […] Ne me pardonnera-t-on pas, si j’ai cru que cela valait mieux que de raconter une fois de plus l’histoire de sa vie ou de chercher dans son œuvre la trace, assez difficile à saisir, de son éducation et surtout de sa race ? […] déserts où l’âme ouvre une aile éperdue, Adieu, songe sublime impossible à saisir !

1393. (1927) Approximations. Deuxième série

Déterminer ce point de départ, ce serait saisir, par-dessous les moyens d’expression, l’organe même qui leur donne naissance. […] Or l’art de prédilection des Goncourt est celui où la grâce tremble au sein même de la beauté ; c’est le mouvement de la forme qu’en leur œuvre ils visent toujours, et ce mouvement même, ils prétendent à le saisir de telle manière que dans leur transcription son tourbillon léger ne soit jamais suspendu. […] Pour l’avoir saisi d’instinct, — avec cette sensibilité si jeune et si sûre qui dans tous ses rôles la guide, — Mme Ludmilla Pitoëff fut l’autre soir une inoubliable figure de la Chasteté, — petite-fille non indigne de ces figures allégoriques des Vertus que nous ont léguées les grands artistes italiens. […] D’où que lorsqu’on pense à Pascal écrivain on pense à lui séparément : son nom n’est guère de ceux qui se présentent, son autorité de celles qu’on invoque, lorsqu’on interroge les modèles pour mieux comprendre les styles : l’expression saisit, subjugue presque trop pour ne pas passer le point où un style condescend encore à instruire. […] À qui voudrait saisir cet esprit en son centre, — isoler le noyau résistant, — je conseillerais d’aborder Rivière par l’« Essai sur la sincérité envers soi-même » (La Nouvelle Revue française, janvier 1912).

1394. (1916) Les idées et les hommes. Troisième série pp. 1-315

Alors, faute d’une occasion très bonne, on saisit celle qu’on trouve. […] Polybe écrit chaque jour et sous le coup des événements : il en saisit la nouveauté. […] René Quinton publie L’Eau de mer, milieu organique, il y a là une authentique nouveauté que Rémy de Gourmont saisit tout de go. […] Il voudrait discuter aussi les bruits qui courent ; il s’efforce de les saisir et ne peut tous les attraper. […] Pourquoi, le 17 août, n’avons-nous pas saisi la victoire ?

1395. (1906) La rêverie esthétique. Essai sur la psychologie du poète

Après quelques minutes d’audition, quand elle nous a saisis tout entiers, elle ne nous donne plus l’impression d’un bruit réel que nous percevrions au dehors ; elle devient intérieure et toute psychique. […] À partir de ce moment, on est pris, saisi, entraîné. […] Quand par exemple, lisant une œuvre d’imagination, nous y trouvons exprimés des sentiments qui sont en concordance avec les nôtres, l’expression la plus discrète de ces sentiments est immédiatement saisie ; nous la comprenons à demi-mot ; elle trouve dans notre propre cœur un écho qui la prolonge et achève de la développer. […] L’important, dans cette recherche des idées, c’est de les saisir au seuil même de la conscience, quand elles y apparaissent encore indécises, et de les tirer à soi de force. […] Dans mainte période poétique, nous pouvons saisir sur le fait ce passage de la conception abstraite à la conception imaginative, qui caractérise la composition réfléchie.

1396. (1901) L’imagination de l’artiste pp. 1-286

Un geste saisi au vol, un pli heureux formé par une étoffe, rien n’est perdu ; tout cela pourra se retrouver dans une composition future. […] Avec quelle aisance cependant les artistes savent se reconnaître dans ces analogies, et nous les présenter de telle manière que nous-mêmes nous les saisissions du premier coup ! […] Il serait très intéressant de montrer, à côté des statues ou des tableaux de maîtres, le modèle dont s’est servi l’artiste : on pourrait ainsi faire la comparaison, et saisir sur le fait le travail de l’invention plastique. […] Dans l’Artémis du Louvre, la biche que la déesse semble saisir est bien petite. […] La forme décevante et mobile se dérobe à notre regard chaque fois que nous essayons de la saisir.

1397. (1922) Nouvelles pages de critique et de doctrine. Tome I

En même temps, ils sont matérialistes, parce que, soumis uniquement au fait, ils croient saisir dans le rapport du cerveau et de l’esprit, du tempérament et du caractère, un de ces faits par-delà lesquels ils ne cherchent rien. […] Il est saisi par la noble ivresse de l’intelligence, et cette fièvre de l’esprit le travaille d’aller à la véritable raison, à cette espérance très sereine de la raison bien assise. […] Elle explique pourquoi les plus lyriques de nos poètes, un Musset, un Hugo, un Vigny, un Lamartine ont été saisis, à une certaine heure de leur vie, par le besoin de composer des romans. […] Vous vous bornez à constater qu’il y a dans la réalité plus que n’en saisissent les sciences positives, de même qu’il y a dans l’esprit plus que n’en saisit la conscience. […] » Cette vérité sur la guerre, que les premiers acteurs du drame sont ceux qui en saisissent le moins les grandes lignes, Stendhal, dont je parlais, l’avait déjà démêlée, et, après lui, son élève Tolstoï.

1398. (1915) Les idées et les hommes. Deuxième série pp. -341

— ne saisit pas la réalité même : elle en saisit les signes. Plus il y a de réalité dans les signes qu’elle en attrape, et aussi plus elle saisit de réalité. […] Il est possible qu’on éprouve quelque peine à en saisir toutes les significations profondes. […] Bourget la débrouille ; et, leur logique, il la saisit dans la confusion, le tumulte et la multitude avec une maîtrise délicate et souveraine. […] Fauchon le saisit.

1399. (1901) Figures et caractères

Michelet est au centre de la ronde frénétique ; sa vue se brouille, une sorte de vertige le saisit. […] Où le saisir autrement qu’au passage ? […] Tout être a sa mimique individuelle comme tout esprit ses gestes alphabétiques dont il faut saisir la convention. […] Il voulut le bonheur, comme pour bien se prouver qu’il n’existait pas et qu’on n’en saisissait jamais que le fantôme éphémère, et la gloire, comme pour s’attester qu’elle n’est rien. […] C’est sur cet aspect physique que se règle la notion vulgaire de l’Anglais ; car, que saisit-on d’eux au passage ?

1400. (1925) Portraits et souvenirs

Il est précieux, ce catalogue que je feuilletais chez une amie à qui il appartient, car le subtil dessinateur Paul Helleu n’y a pas seulement représenté, en un portait fidèle et vivant, le visage si expressivement inquiet et beau d’Edmond de Goncourt, mais il a illustré les marges du volume de nombreux croquis pris durant la vente : profils attentifs ou sérieux de belles acheteuses, silhouettes d’amateurs ou de marchands, attitudes et gestes saisis sur le vif et qui rendent au naturel le mouvement d’une tête ou d’une main. […] Ou bien le sortilège n’a pas opéré, et alors tout l’intérêt se concentre sur le mécanisme technique de l’œuvre sans qu’on en ait saisi la véritable portée poétique. […] Le sujet traité est celui de la jalousie, ce qui n’a rien de neuf, mais tel est le singulier génie de Laurent Evrard que, dès les premières pages, vous serez saisi d’un sentiment d’attente qui croîtra jusqu’à l’angoisse la plus intense, la plus nouvelle ! […] A quelqu’un de doué comme il l’est de la faculté de saisir le ridicule en sa nuance la plus ténue, la vie, en son ordinaire, n’offre-t-elle point abondamment de quoi sourire à son spectacle. […] Barrès rencontra, lorsqu’il s’exerçait à saisir ce qu’il a appelé « le secret de Tolède ».Ce secret, que lui a révélé le vieux maître tolédan, M. 

1401. (1898) Manuel de l’histoire de la littérature française « Livre II. L’Âge classique (1498-1801) — Chapitre III. La Déformation de l’Idéal classique (1720-1801) » pp. 278-387

On en saisit peut-être maintenant la raison, qui est que les encyclopédistes ne se sont point souciés d’étudier l’homme, ni les hommes, mais seulement les « rapports des hommes » ; et quand on n’étudie que les « rapports des hommes », ce que l’on perd le plus promptement de vue, c’est la diversité de nature qui distingue les hommes entre eux. […] Mais la vérité, c’est qu’en s’emparant de cette idée de « nature » Rousseau en a saisi toutes les conséquences, y compris celles que l’imagination trop prompte et trop fuligineuse de Diderot n’avait point vues ; il l’a faite sienne, vraiment sienne, uniquement sienne à sa date ; et réchauffant alors de l’ardeur de ses rancunes, de ses haines, de son orgueil, l’enrichissant, pour ainsi parler, de sa propre substance, et lui communiquant la flamme de son éloquence et de sa passion, il lui a donné un degré d’importance et une vertu de contagion qu’elle n’avait jamais encore eus. […] Nous sommes donc à son égard dans une dépendance entière ; et par conséquent nous ne nous devenons intelligibles à nous-mêmes qu’autant que nous nous saisissons dans la complexité des rapports qui nous unissent à elle. […] Les dernières années de Rousseau. — Saisie, condamnation et brûlement de l’Émile à Paris [9 juin] ; — à Genève [19 juin] ; — et en Hollande [23 juin]. — Rousseau, obligé de quitter la France, — et expulsé du territoire de la république de Berne, — s’établit au Val de Travers, — et y fixe son séjour de 1762 à 1765. — Il y compose sa Lettre à l’archevêque de Paris, 1762 ; — son Projet de constitution pour la Corse [qui n’a paru qu’en 1861] ; — et ses Lettres de la Montagne, 1765. — Persécutions nouvelles que lui suscite ce livre. […] Il n’a d’ailleurs pas vu qu’il n’y a pas de « religion naturelle » ; — pas plus qu’il n’y a pas de « nécessité libre » ou de « hasard constant » ; — l’association même de ces idées étant contradictoire dans les termes ; — toutes les vérités qu’enseigne la religion naturelle lui venant d’une autre source qu’elle-même ; — et n’étant qu’une « laïcisation » des enseignements de quelque religion « révélée ». — Il n’a pas vu davantage que, — si la raison peut atteindre quelques-unes des vérités constitutives de la religion, — ce n’en sont point les plus hautes ; — ni surtout les plus efficaces ; — et que la croyance en un « Dieu rémunérateur et vengeur » ne pouvant être un principe ni surtout un mobile d’action, mais uniquement un motif de ne pas faire, — ne saurait suffire à fonder la morale ; — laquelle devient donc ainsi purement sociale ; — et conséquemment relative, diverse et changeante. — Qu’au surplus, dans sa polémique injurieuse et grossière contre le christianisme, — il a manqué non seulement de justice, mais de loyauté ; — en méconnaissant la supériorité du christianisme sur le mahométisme, par exemple, ou sur le paganisme ; — si, du point de vue purement historique ou humain, le christianisme a renouvelé la face du monde, — et si d’autre part l’intolérance et le « fanatisme » ne l’ont point attendu pour se déchaîner parmi les hommes. — Il ne semble pas en effet qu’une ardeur de prosélytisme ait précipité les Perses contre les Grecs ; — ni que les partisans de Marius ou de Sylla se soient entrégorgés pour une question de dogme. — Et ce qu’enfin il a vu moins clairement encore que tout le reste, — c’est que, dans cette société même, la raison toute seule n’a jamais rien fondé de vraiment durable ; — si même on ne peut dire qu’elle tend plutôt à l’anarchie qu’à l’union. — C’est ce qu’avaient fortement établi les Bossuet et les Pascal ; — que pour ce motif Voltaire a tant combattus, sans les avoir toujours compris. — Incomparable pour saisir avec rapidité les aspects superficiels et la ressemblance extérieure des grandes choses, — Voltaire n’a jamais eu la force de méditation ; — il ne s’est jamais donné les loisirs studieux qu’il faut pour les approfondir ; — et c’est ce que de bons juges veulent dire, — quand ils lui refusent le titre de philosophe ou de penseur, — et qu’ils appellent son œuvre « un chaos d’idées claires » [E. 

1402. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Madame de Verdelin  »

Chez les Romains, en ceci assez pareils aux Grecs, Calpurnie, la femme de Pline le Jeune, était assurément une femme lettrée et des plus cultivées par l’étude, mais à l’usage et en l’honneur de son mari seulement : à force de tendresse conjugale et de chasteté même, elle s’était faite tout entière à son image, lisant et relisant, sachant par cœur ses œuvres, ses plaidoyers, les récitant, chantant ses Vers sur la lyre, et, quand il faisait quelque lecture publique ou conférence, l’allant écouter comme qui dirait dans une loge grillée ou derrière un rideau, pour y saisir avidement et boire de toutes ses oreilles les applaudissements donnés à son cher époux. […] Il ne manque ni de pénétration ni de finesse, mais je ne lui ai vu jamais saisir une chose fortement ni (ou) extraordinairement pensée… Ouf !

1403. (1858) Cours familier de littérature. V « XXXe entretien. La musique de Mozart (2e partie) » pp. 361-440

« Maintenant, je suis plus maître de mes sensations, et je me sens en état, mon cher Théodore, de t’indiquer ce que j’ai cru saisir dans l’admirable composition de ce divin maître. […] une commotion électrique me saisit.

1404. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXXe entretien. Œuvres diverses de M. de Marcellus (3e partie) et Adolphe Dumas » pp. 65-144

Jamais de mes yeux je n’aperçus une personne semblable, ni parmi les hommes, ni parmi les femmes, et une respectueuse admiration me saisit à ton aspect. […] Une idée fatale le saisit : « Le ciel est beau, la température tiède, l’été des tropiques doit avoir réchauffé les flots qui nous viennent de là ; je voudrais me rajeunir en me retrempant dans la mer. » On craignit que l’énergie saline de la mer ne fût contraire à l’apaisement des douleurs névralgiques dont il avait toujours été affecté.

1405. (1864) Cours familier de littérature. XVII « XCVIIe entretien. Alfieri. Sa vie et ses œuvres (2e partie) » pp. 1-80

« Avec tout cela, écrit-il, inébranlable dans ma conviction du beau et du vrai, j’aime mieux (et je saisis toutes les occasions de renouveler à cet égard ma profession de foi), j’aime beaucoup mieux encore écrire dans une langue presque morte et pour un peuple mort, et me voir enseveli moi-même de mon vivant, que d’écrire dans ces langues sourdes et muettes, le français ou l’anglais, quoique leurs armées et leurs canons les mettent à la mode ; plutôt mille fois des vers italiens, pour peu qu’ils soient bien tournés, même à la condition de les voir pour un temps ignorés, méprisés, non compris, que des vers français ou anglais, ou dans tout autre jargon en crédit, lors même que, lus aussitôt par tout le monde, ils pourraient m’attirer les applaudissements et l’admiration de tous. […] Je la saisis, et je n’y pensai plus.

1406. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CVe entretien. Aristote. Traduction complète par M. Barthélemy Saint-Hilaire (3e partie) » pp. 193-271

« Les biches mangent les enveloppes de leurs petits aussitôt qu’elles ont mis bas : elles ne les laissent pas même tomber à terre, de sorte qu’il n’est pas possible de s’en saisir : vraisemblablement elles contiennent quelque vertu. […] ” Socrate lui répond : “Tout comme il vous plaira, si toutefois vous pouvez me saisir et que je ne vous échappe pas.”

1407. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre I — Chapitre troisième »

Celui-ci les reçoit bien touché par un sermon de Faux-Semblant, il se met à genoux pour se confesser ; mais, tandis qu’il baisse la tête avec contrition, Faux-Semblant le saisit à la gorge, l’étrangle, et, de son rasoir, lui coupe la langue. […] Pauvres et riches, sages et fous, nobles et vilains, dames de la cour « Mort saisit tout sans exception » ; Et meure Paris ou Hélène, Quiconques meurt, meurt à douleur.

1408. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1857 » pp. 163-222

Chaque semaine, tous les personnages de l’histoire et du roman, depuis la famille des Atrides jusqu’au monde de Rétif de La Bretonne, sont les têtes de Turc, par-dessus lesquelles il tape sur ses contemporains, et il se figure, avec une candeur qui étonne, que tout Paris, toute la France, toute l’Europe le comprend et saisit les masques. […] Là, dans la salle à manger d’hiver, Edmond a vu notre grand-père, le député du Bassigny en Barrois, à la Constituante, un petit vieillard bredouillant des jurons dans sa bouche édentée, et perpétuellement fumant une pipe éteinte, qu’il rallumait à chaque instant avec un charbon saisi au bout de petites pincettes d’argent, — une canne sur sa chaise à côté de lui.

1409. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Conclusions »

Bovary par exemple, et le Frédéric Moreau de L’Éducation sentimentale, peuvent paraître plus vraisemblables, d’une sorte de vérité banale mieux saisie que les comtesses d’Octave Feuillet ; mais ces dernières ont pu fort bien être faites et très exactement d’après nature, comme ont été peintes de même les vierges de Raphaël, les bacchantes de Rubens et les vieilles mères de Rembrandt. […] Il nous a paru que nous avions saisi ainsi, la condition même de cette tendance à la sur-analyse, et par suite à l’impuissance volitionnelle, qui se marque chez un grand nombre de travailleurs de l’esprit.

1410. (1885) La légende de Victor Hugo pp. 1-58

De 1817 à 1826 aucun événement heureux ou malheureux ne pouvait arriver à la famille royale, sans qu’il ne saisit aussitôt sa bonne plume d’oie : tantôt c’est une naissance, un baptême, une mort ; tantôt un avènement, un sacre, qui allume sa verve. […] Un bout de conversation saisi au vol dans la foule du premier juin : Premier bourgeois. — Hugo, devait être diantrement riche pour que l’État lui fasse de telles funérailles : ce n’est pas pour un génie pauvre qu’il ferait tant de dépenses.

1411. (1857) Cours familier de littérature. IV « XXIIIe entretien. I. — Une page de mémoires. Comment je suis devenu poète » pp. 365-444

Et mon cœur à l’étroit battait dans ma poitrine, Et mes larmes tombaient d’une source divine, Et je prêtais l’oreille, et je tendais les bras, Et comme un insensé je marchais à grands pas, Et je croyais saisir dans l’ombre du nuage L’ombre de Jéhovah qui passait dans l’orage, Et je croyais dans l’air entendre en longs échos Sa voix, que la tempête emportait au chaos ; Et de joie et d’amour noyé par chaque pore, Pour mieux voir la nature et mieux m’y fondre encore, J’aurais voulu trouver une âme et des accents, Et pour d’autres transports me créer d’autres sens. […] Saisie comme d’une étrange folie, elle marcherait d’éclipse en éclipse, ou, se roulant d’un flanc sur l’autre, elle découvrirait enfin cette autre face que la terre ne connaît pas.

1412. (1906) La nouvelle littérature, 1895-1905 « Deuxième partie. L’évolution des genres — Chapitre III. Le roman » pp. 135-201

Le héros n’écrit-il pas : « Cette pudeur soudaine à prononcer un nom est une nuance sentimentale que les enfants saisissent très bien, etc… » (p. 189). […] Nous les connaissons soudain par une description rapide qui saisit les traits principaux du visage, l’aspect sain ou maladif des individus, et qui est la commentaire d’un diagnostic.

1413. (1926) L’esprit contre la raison

Mais qui donc osera se vanter d’avoir saisi les procédés d’un Baudelaire, d’un Lautréamont, d’un Rimbaud ? […] C’est au milieu de considérations bien particulières au cours de la résolution d’un problème poétique, à l’heure, il est vrai, où la trame morale de ce problème se laisse apercevoir, qu’André Breton, en 1919, en s’appliquant à saisir le mécanisme du rêve, retrouve au seuil du sommeil le seuil et la nature de l’inspiration.

1414. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Le prince de Ligne. — II. (Fin.) » pp. 254-272

Mais, au milieu des couleurs brillantes dont il l’entoure, on saisit quelques ombres.

1415. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Gabrielle d’Estrées. Portraits des personnages français les plus illustres du XVIe siècle, recueil publié avec notices par M. Niel. » pp. 394-412

On dirait d’humbles compagnons et suivants de nos chroniqueurs, et qui ne songent en leurs traits rapides qu’à saisir les physionomies telles qu’ils les voient, avec vérité et candeur ; la seule ressemblance les occupe ; les imitations étrangères ne les atteignent pas.

1416. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Massillon. — I. » pp. 1-19

Ses exordes avaient quelque chose d’heureux et qui saisissait aisément, comme le jour où il prononça l’Oraison funèbre de Louis XIV, et où, après avoir parcouru en silence du regard tout ce magnifique appareil funéraire, il commença par ces mots : « Dieu seul est grand, mes frères !

1417. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Massillon. — II. (Fin.) » pp. 20-37

Créatures fragiles, êtres d’un jour, malgré les hautains progrès dont ils se vantent, malgré les ressources croissantes dont ils disposent, la mort est là qui les déjoue aujourd’hui comme au lendemain d’Adam, et qui les saisit dans leurs plans d’ambition, d’accomplissement ou d’attente, dans leurs rivalités, dans leurs espoirs de revanche et de représailles sur la fortune : « Nous nous hâtons de profiter du débris les uns des autres : nous ressemblons à ces soldats insensés qui, au fort de la mêlée, et dans le temps que leurs compagnons tombent de toutes parts à leurs côtés sous le fer et le feu des ennemis, se chargent avidement de leurs habits… » Mais ceci ne vient qu’après un grand et inépuisable mouvement d’éloquence sur la fuite et le renouvellement perpétuel des choses, un des plus beaux exemples de la parole humaine.

1418. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Le marquis de Lassay, ou Un figurant du Grand Siècle. — I. » pp. 162-179

En m’éveillant, il vient se saisir de moi, et me serre le cœur avant que ma raison soit encore éveillée et m’ait appris la cause de ma douleur. » Tout cela est très vrai, d’un accent très senti, et vaut mieux que toutes les railleries du monde qui a commencé par en sourire, et qui a triomphé ensuite quand cette grande résolution n’a pas duré.

1419. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Agrippa d’Aubigné. — I. » pp. 312-329

D’Aubigné n’avait pas vingt ans qu’il fut saisi du démon de la poésie, de cette poésie française qui était alors en vogue, et qui régnait par Ronsard et ses amis.

1420. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Journal du marquis de Dangeau — II » pp. 18-35

Il aura à combattre l’empire et l’Espagne, les princes d’Allemagne protestants, la Hollande ; il perd ses alliés, la Suède, le Danemark ; il perd l’Angleterre dont le prince d’Orange va saisir le gouvernail en renversant Jacques II.

1421. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Préface pour les Maximes de La Rochefoucauld, (Édition elzévirienne de P. Jannet) 1853. » pp. 404-421

Les grandes choses, et qui sont simples à la fois, ont été dites de bonne heure : les anciens moralistes et poètes ont dessiné et saisi la nature humaine dans ses principaux et larges traits ; il semble qu’ils n’aient laissé aux modernes que la découverte des détails et la grâce des raffinements.

1422. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Santeul ou de la poésie latine sous Louis XIV, par M. Montalant-Bougleux, 1 vol. in-12. Paris, 1855. — II » pp. 39-56

Arnauld eût triomphé des jésuites, ni en général de ceux qui l’avaient fait sortir de France, mais bien de Claude et Jurieu et des protestants ; cela n’avait pas été saisi par le traducteur en vers français, et le scandale venait de cette traduction vraiment séditieuse. « Veri defensor » ne se rapportait également qu’à l’ouvrage d’Arnauld De la perpétuité de la foi ; « arbiter aequi » n’était qu’un pléonasme poétique dont il ne fallait pas trop demander compte.

1423. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Œuvres inédites de P. de Ronsard, recueillies et publiées par M. Prosper Blanchemain, 1 vol. petit in-8°, Paris, Auguste Aubry, 1856. Étude sur Ronsard, considéré comme imitateur d’Homère et de Pindare, par M. Eugène Gandar, ancien membre de l’École française d’Athènes, 1 vol. in-8°, Metz, 1854. — I » pp. 57-75

Chacun alors prenait donc l’initiation où il le pouvait ; l’un entrait dans le sentiment de la haute poésie par Byron, l’autre par Shakespeare, un autre de préférence par Dante ; on saisissait un point, et l’on devinait le reste : tout cela se rejoignait dans une noble fièvre et une émulation commune.

1424. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Le duc de Rohan — I » pp. 298-315

Rohan, qui y admire l’arsenal et qui en dénombre l’artillerie (370 pièces de fonte), ajoute : « Ils n’ont point de canon de batterie : leur raison tient fort du roturier ; car, à ce qu’ils disent, ils ne veulent attaquer personne, mais seulement se défendre. » Venise le saisit vivement par son originalité d’aspect, son arsenal, sa belle police, ses palais, ses tableaux même et ses bizarres magnificences : Pour le faire court, dit-il, si je voulais remarquer tout ce qui en est digne, je craindrais que le papier me manquât : contente-toi donc, ma mémoire, de te ressouvenir qu’ayant vu Venise, tu as vu un des cabinets de merveilles du monde, duquel je suis parti aussi ravi et content tout ensemble de l’avoir vue, que triste d’y avoir demeuré si peu, méritant non trois ou quatre semaines, mais un siècle, pour la considérer à l’égal de ce qu’elle mérite.

1425. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Le duc de Rohan — III » pp. 337-355

Il n’y en peut avoir autre raison, sinon qu’il craignait qu’on ne se saisît de sa personne ; c’était sa conscience qui le jugeait.

1426. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Madame Bovary par M. Gustave Flaubert. » pp. 346-363

Elle le montrera encore plus tard, lorsque délaissée par Rodolphe qui veut bien avoir une jolie voisine, mais qui ne tient pas du tout à l’enlever, ayant trouvé dans un voyage à Rouen Léon très gâté et qui n’est plus timide, livrée elle-même à d’ignobles entraînements, ayant ruiné son intérieur et contracté des dettes à l’insu de son mari, un jour qu'elle ne sait plus où donner de la tête et où la saisie la menace, elle dit à Léon en lui demandant de lui procurer 3000 francs à l’instant même : « Si j’étais à ta place, moi, je les trouverais bien. — Où donc ?

1427. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Charles-Victor de Bonstetten. Étude biographique et littéraire, par M. Aimé Steinlen. — II » pp. 435-454

Le caractère français, parisien, en tant qu’il diffère essentiellement du génie anglais, est parfaitement saisi et présenté par lui.

1428. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Journal d’Olivier Lefèvre d’Ormesson, publié par M. Chéruel » pp. 35-52

On y saisit à merveille la naissance, le mode de formation et d’accroissement de ces saines familles parlementaires.

1429. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Madame Swetchine. Sa vie et ses œuvres publiées par M. de Falloux. »

La pensée lui naît tout ingénieuse, tout ornée, parfois très heureuse, d’autres fois recherchée, un peu bizarre et demandant de la réflexion pour être saisie.

1430. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Œuvres complètes d’Hyppolyte Rigault avec notice de M. Saint-Marc Girardin. »

Veuillot, l’homme au crayon moqueur, a très-bien saisi (n’en déplaise à ceux qui ne voient qu’un côté) la physionomie, la pétulance, le petillement, le geste et toute la mimique de l’adversaire.

1431. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Une monarchie en décadence, déboires de la cour d’Espagne sous le règne de Charles II, Par le marquis de Villars »

L’État ne pouvait faire face à ses engagements, et l’Électeur de Brandebourg, à qui l’on refusait le payement d’une dette, dut retirer de Madrid son envoyé, et se payer de ses propres mains en faisant saisir un vaisseau espagnol chargé de marchandises, en vue d’Ostende.

1432. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Madame de Staël. Coppet et Weimar, par l’auteur des Souvenirs de Mme Récamier »

J’avais une part beaucoup plus active dans la conversation que je n’ai chez Mme de Staël ; j’animais les autres, je les faisais parler, et sentant qu’on était content de moi, je l’étais aussi. » Rien n’est plus naïf ; on voit jouer le fil de l’amour-propre, on saisit à nu le motif du jugement.

1433. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « M. Ernest Renan »

Je ne lui donne ni tort ni raison ; je poursuis chez lui une intime et délicate nuance, je la saisis dans sa ligne originelle et dans son pli, et je me demande si elle gagne ou si elle diminue avec les années.

1434. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Connaissait-on mieux la nature humaine au XVIIe siècle après la Fronde qu’au XVIIIe avant et après 89 ? »

Non ; si inférieurs aux Retz et aux La Rochefoucauld pour l’ampleur et la qualité de la langue et pour le talent de graver ou de peindre, ils connaissaient la nature humaine et sociale aussi bien qu’eux, et infiniment mieux que la plupart des contemporains de Bossuet, ces moralistes ordinaires du xviiie  siècle, ce Duclos au coup d’œil droit, au parler brusque, qui disait en 1750 : « Je ne sais si j’ai trop bonne opinion de mon siècle, mais il me semble qu’il y a une certaine fermentation de raison universelle qui tend à se développer, qu’on laissera peut-être se dissiper, et dont on pourrait assurer, diriger et hâter les progrès par une éducation bien entendue » ; le même qui portait sur les Français, en particulier ce jugement, vérifié tant de fois : « C’est le seul peuple dont les mœurs peuvent se dépraver sans que le fond du cœur se corrompe, ni que le courage s’altère… » Ils savaient mieux encore que la société des salons, ils connaissaient la matière humaine en gens avisés et déniaisés, et ce Grimm, le moins germain des Allemands, si net, si pratique, si bon esprit, si peu dupe, soit dans le jugement des écrits, soit dans le commerce des hommes ; — et ce Galiani, Napolitain de Paris, si vif, si pénétrant, si pétulant d’audace, et qui parfois saisissait au vol les grandes et lointaines vérités ; — et cette Du Deffand, l’aveugle clairvoyante, cette femme du meilleur esprit et du plus triste cœur, si desséchée, si ennuyée et qui était allée au fond de tout ; — et ce Chamfort qui poussait à la roue après 89 et qui ne s’arrêta que devant 93, esprit amer, organisation aigrie, ulcérée, mais qui a des pensées prises dans le vif et des maximes à l’eau-forte ; — et ce Sénac de Meilhan, aujourd’hui remis en pleine lumière40, simple observateur d’abord des mœurs de son temps, trempant dans les vices et les corruptions mêmes qu’il décrit, mais bientôt averti par les résultats, raffermi par le malheur et par l’exil, s’élevant ou plutôt creusant sous toutes ; les surfaces, et fixant son expérience concentrée, à fines doses, dans des pages ou des formules d’une vérité poignante ou piquante.

1435. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Le Mystère du Siège d’Orléans ou Jeanne d’Arc, et à ce propos de l’ancien théâtre français »

Le vieil auteur, en étant si près d’un grand effet dramatique sans le saisir, a prouvé qu’il ne savait pas encore son métier.

1436. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Le Mystère du Siège d’Orléans ou Jeanne d’Arc, et à ce propos de l’ancien théâtre français (suite.) »

Même dans le cadre resserré où je me suis tenu ; on a  pu saisir parfaitement la marche et le progrès naturel du Mystère ou jeu dialogué, et par personnages, des sujets religieux et sacrés.

1437. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Térence. Son théâtre complet traduit par M. le marquis du Belloy (suite et fin.) »

Pour bien saisir le comique de la situation, il est bon de savoir que tous les désordres contre lesquels il va éclater, et dont Eschine s’est rendu coupable, ne sont que pour le compte du vertueux frère, ce frère si surveillé et que le père morigène si bien ; c’est le plus sévèrement élevé qui est le plus mauvais sujet des deux : l’autre n’a rien fait que par complaisance pour son cadet.

1438. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Anthologie grecque traduite pour la première fois en français, et de la question des anciens et des modernes, (suite et fin.) »

Le trait saillant me paraît saisi ; vous avez, par quelques mots, traduit pour des Français la situation respective des deux poètes dans la première phase de leur vie.

1439. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Corneille. Le Cid. »

Selon lui, l’intention première de la pièce qu’on vient de lire était toute différente ; pour la bien saisir, il suffit de supprimer la dernière stance où il est parlé du grison, et qui lui semble « visiblement plaquée. » En lisant la pièce ainsi épurée et réduite, il devient, selon lui, évident que ces vers ne peuvent avoir été adressés que par une femme à une autre femme.

1440. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « M. Émile de Girardin. »

Mais, vers 1844-1846, il devint une plume active, — cette plume nette, vive, courte et fréquente, qu’on a sans cesse rencontrée depuis, — avec des titres d’articles qui saisissent l’attention, des formules qui piquent et qu’on retient : Les Faiseurs. — Les hommes et les choses. — Changer les choses sans changer les hommes. — Pas de concessions, des convictions., etc.

1441. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Jean-Bon Saint-André, sa vie et ses écrits. par M. Michel Nicolas. »

Voilà, va-t-on dire, bien de l’appareil et des préparations pour de simples articles ; mais quand une idée nous a une fois saisis, nous autres gens de pensée et de caprice, elle nous mène plus loin souvent que nous ne voudrions ; elle nous tient et nous obsède jusqu’à ce que nous l’ayons conduite à bonne fin et mise au jour.

1442. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Entretiens sur l’histoire, — Antiquité et Moyen Âge — Par M. J. Zeller. (Suite et fin.) »

Il s’est attaché à y bien saisir et à y marquer la nuance de caractère de chacun des premiers empereurs : cette diversité de caractères personnels décide, en effet, du degré de transformation dans le gouvernement, qui est surtout alors le gouvernement d’un seul.

1443. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Marie-Thérèse et Marie-Antoinette. Leur correspondance publiée, par M. le chevalier Alfred d’Arneth et à ce propos de la guerre de 1778 »

C’est alors que Frédéric avertissant à temps le duc des Deux-Ponts, héritier présomptif après l’Électeur palatin, et qui lui-même était près de céder, saisit le beau rôle, l’occasion propice qui s’offrait à lui, de prendre en main la cause des princes lésés, de soutenir les stipulations formelles, les articles du traité de Westphalie, qui réglaient ou confirmaient cette succession de Bavière, et de faire respecter les immunités, les libertés et les droits du Corps germanique.

1444. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Observations sur l’orthographe française, par M. Ambroise »

» Ce que cet ancien ministre, homme d’esprit, a observé là à l’occasion d’un mot spécial, l’Académie, avec son sens délicat, aura à le faire à l’occasion de bien des mots nouveaux : elle aura à indiquer le point et le temps d’arrêt, le degré d’innovation possible et permis ; mais qu’elle ne l’oublie pas, ce point à déterminer n’est point fixe, ni donné par les livres ou par les anciens vocabulaires : il est mobile, et c’est à l’usage et au goût combinés à le saisir et à l’indiquer.

1445. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Mémoires de Malouet »

Pour des choses neuves il n’a jamais d’expressions créées ; il n’a jamais la couleur qui saisit ni le trait qui grave.

1446. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Essai sur Talleyrand (suite.) »

Il est donc très-certain encore, pour ne s’en tenir qu’à ce qui a éclaté, que Talleyrand, ministre des relations extérieures sous le Directoire, profita de la saisie des navires américains à la suite du traité de commerce des États-Unis avec l’Angleterre, pour attirer à Paris les commissaires de cette république munis de pleins pouvoirs et tâcher de les rançonner19.

1447. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre II. Distinction des principaux courants (1535-1550) — Chapitre I. François Rabelais »

Non, mais Rabelais a conscience de la force infinie de la nature : telle qu’il la saisit en lui, puissante, active, voulante, telle il la sent partout ; à quoi bon chiffres et mesures ?

1448. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre I. La littérature pendant la Révolution et l’Empire — Chapitre II. L’éloquence politique »

Mais, séparée des faits de l’histoire, saisie seulement dans ses formes littéraires, l’éloquence révolutionnaire perd singulièrement de sa valeur.

1449. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Pierre Loti »

J’ai dit que l’humanité supérieure n’avait commencé que depuis un siècle à bien saisir la merveilleuse diversité de son habitacle.

1450. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre I — Chapitre quatrième »

Il est vif, naturel ; il saisit finement un assez grand nombre de rapports et de vérités subalternes ; mais il manque d’élévation et de profondeur.

1451. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « Stéphane Mallarmé » pp. 146-168

André Gide quand il écrit : Leconte de l’Isle était mort, Rimbaud perdu, Verlaine hagard, impossible à saisir.

1452. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — Chapitre XIII »

Le vertige d’en bas l’a saisie : elle trouve une joie poignante à avilir l’amour qu’il avait brisé dans son cœur.

1453. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Mémoires de Philippe de Commynes, nouvelle édition publiée par Mlle Dupont. (3 vol. in-8º.) » pp. 241-259

« J’ai peu vu de gens en ma vie, dit Commynes, qui sachent bien fuir à temps. » Commynes était de ce petit nombre qui savent saisir l’heure et le moment.

1454. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Des lectures publiques du soir, de ce qu’elles sont et de ce qu’elles pourraient être. » pp. 275-293

L’accent qui insiste, qui souligne, pour ainsi dire, en lisant ; quelques remarques courantes, et comme marginales, qui se glissent dans la lecture, et s’en distinguent par un autre ton ; quelques rapprochements indiqués comme du doigt, suffiront pour mettre l’auditeur à même de bien saisir la veine principale et de se former une impression.

1455. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Éloges académiques de M. Pariset, publiés par M. Dubois (d’Amiens). (2 vol. — 1850.) » pp. 392-411

Si l’on ne composait ces notices que pour les lire devant des confrères et des connaisseurs, gens du métier, on pourrait s’en tenir aux traits simples et rester dans un parfait accord avec le sujet ; mais les séances publiques amènent le désir et le besoin des applaudissements, et les applaudissements s’obtiennent rarement par des traits fins et justes, par des nuances bien saisies, ou même par des vues simplement élevées.

1456. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Histoire de la Restauration, par M. de Lamartine. (Les deux premiers volumes. — Pagnerre.) » pp. 389-408

Les premiers tâtonnements du gouvernement royal et les premiers balbutiements du régime de publicité et de discussion sont également saisis et rendus avec une justesse pleine de largeur.

1457. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mémoires et correspondance de Mallet du Pan, recueillis et mis en ordre par M. A. Sayous. (2 vol. in-8º, Amyot et Cherbuliez, 1851.) — II. » pp. 494-514

Nul n’a mieux saisi et noté que Mallet du Pan les diverses étapes et les temps d’arrêt de la Révolution : à Paris dans le Mercure, et à Bruxelles dans sa brochure publiée en 1793, il n’avait cessé de l’étudier, de la caractériser dans sa marche d’invasion et dans sa période croissante : après le 9 Thermidor et depuis la chute de Robespierre, il va la suivre pas à pas dans sa période de décours, absolument comme un savant médecin qui suit et distingue toutes les phases d’une maladie.

1458. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Le surintendant Fouquet. (Article Fouquet, dans l’Histoire de Colbert, par M. P. Clément.) 1846. » pp. 294-312

L’abbé d’Effiat a été si saisi de tendresse qu’il n’en pouvait plus.

1459. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Portalis. Discours et rapports sur le Code civil, — sur le Concordat de 1801, — publiés par son petit-fils — II. » pp. 460-478

Mais Portalis nous met à même, par son exemple, d’en saisir le rapport et d’en toucher le lien.

1460. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « L’abbé Gerbet. » pp. 378-396

C’est le sentiment vif de cette incomparable et idéale agonie qui lui inspira un Dialogue entre Platon et Fénelon, où celui-ci révèle au disciple de Socrate ce qu’il lui a manqué de savoir sur les choses d’au-delà, et où il raconte, sous un voile à demi soulevé, ce que c’est qu’une mort selon Jésus Christ : Ô vous, qui avez écrit le Phédon, vous, le peintre à jamais admiré d’une immortelle agonie, que ne vous est-il donné d’être le témoin de ce que nous voyons de nos yeux, de ce que nous entendons de nos oreilles, de ce que nous saisissons de tous les sens intimes de l’âme, lorsque, par un concours de circonstances que Dieu a faites, par une complication rare de joie et de douleurs, la mort chrétienne, se révélant sous un demi jour nouveau, ressemble à ces soirées extraordinaires dont le crépuscule a des teintes inconnues et sans nom !

1461. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Monsieur Étienne, ou une émeute littéraire sous l’Empire. » pp. 474-493

Étienne ne l’empêcha jamais de saisir l’à-propos et l’occasion quand elle le vint chercher soit dans les Chambres dont il faisait partie, soit dans les solennités académiques.

1462. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Les Faux Démétrius. Épisode de l’histoire de Russie, par M. Mérimée » pp. 371-388

En attendant, au milieu de ces incertitudes et de ces caprices, il y a des heures délicieusement saisies et enlevées comme en courant.

1463. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « La Fontaine. » pp. 518-536

Le Lac, si admirable d’inspiration et de souffle, n’est pas lui-même si bien dessiné que Les Deux Pigeons ; et, quand j’entends réciter aujourd’hui, à quelques années de distance, quelqu’une de ces belles pièces lyriques qui sont de Lamartine ou de son école, j’ai besoin, moi-même qui ai été malade en mon temps de ce mal-là, d’y appliquer toute mon attention pour la saisir, tandis que La Fontaine me parle et me rit dès l’abord dans ses peintures :         Du palais d’un jeune Lapin         Dame Belette, un beau matin,         S’empara ; c’est une rusée.

1464. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre II : La littérature — Chapitre III : La littérature du xviiie et du xixe  siècle »

Il a eu de mauvais imitateurs, soit ; mais nos plus grands écrivains modernes ne viennent-ils pas de lui en droite ligne et par une filiation facile à saisir ?

1465. (1912) L’art de lire « Chapitre VIII. Les ennemis de la lecture »

Ils l’ont saisi d’abord et, avant qu’il ait eu le loisir de les trouver mauvais, il les a loués modestement en ma présence et il ne les a pas loués depuis devant personne.

1466. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Alfred de Vigny »

C’est une conception de la vie humaine : « Je me figure — dit Vigny — une foule d’hommes, de femmes et d’enfants, saisis dans un sommeil profond.

1467. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « I — La banqueroute du préraphaélisme »

Robert de la Sizeranne en a très bien saisi le caractère, en ces quelques lignes : « Les chevaliers, nous dit-il36, s’avancent dans la toile avec des demi mouvements jolis, mais gauches comme s’ils marchaient sur des pointes d’épées et s’ils avaient peur d’être contaminés par tous les objets qui les entourent.

1468. (1911) Lyrisme, épopée, drame. Une loi de l’histoire littéraire expliquée par l’évolution générale « Chapitre premier. Le problème des genres littéraires et la loi de leur évolution » pp. 1-33

. — Il faudrait se résoudre à bouleverser beaucoup de nos catégories ; pour cela il faut s’habituer d’abord à voir autrement, à embrasser d’un coup d’œil la ligne d’ensemble (esprit général) et le cas individuel, et surtout à saisir, derrière la forme souvent trompeuse, l’état d’âme.

1469. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre XIII : De la méthode »

Ayant considéré la vie d’un homme, d’un peuple, d’un animal, j’ai trouvé que le mot destinée me venait aux lèvres, lorsque je saisissais les faits principaux qui composent la vie de chacun d’eux, et que je les jugeais nécessaires.

1470. (1788) Les entretiens du Jardin des Thuileries de Paris pp. 2-212

Elle chanta lorsqu’elle fut lasse de jaser, & sans ce brouhaha qu’emploient les Anglais pour se réjouir, sans cette musique affectée, dont les italiens sont si prodigieusement amateurs, sans ces efforts qui remuent les Allemands, nous jouîmes le plus agréablement du monde de la sérénité de notre ame, & de celle du jour, avec l’intention de recommencer la même partie, & l’assurance d’en saisir au plutôt l’occasion. […] On rapporte qu’un évêque étant à Paris, & disant son bréviaire dans un jardin, une de ces lettres de cachet qui lui servoit de marque, se trouva transportée par le vent chez un voisin, que la femme qui n’aimoit point son mari s’en saisit, la fit remplir du nom de son époux, & que ce pauvre malheureux, par le moyen d’un exempt de police, se vit arrêté, & qu’il resta en prison jusqu’à ce que l’iniquité fut enfin reconnue… Eh bien ! […] Mais pour le bien connoître & le bien saisir, ce ridicule que chacun craint, & dont chacun s’affuble, observa la marquise, il faut ouvrir les livres du temps. […] On se bat les flancs pour en trouver d’extraordinaires ; & lorsqu’on les a saisis, le livre est à demifait. […] On y court après l’esprit sans l’attrapper, & si par hasard on vient à le saisir, on le calamistre de maniere qu’il devient ridicule.

1471. (1927) Les écrivains. Deuxième série (1895-1910)

Il saisit sur son bureau une vieille couronne ducale, qui lui servait de presse-papier, la soupesa dans sa main droite, et, le front tristement appuyé à sa paume gauche, il appela à lui les pensées profondes et les sublimes symboles. […] J’ai appris, par une brève dépêche du Journal et par une lettre pas beaucoup plus explicative d’un ami, que mon livre : Le Jardin des supplices, avait été saisi dans toutes les librairies de Bruges, en compagnie des livres de Camille Lemonnier et de Georges Eekhoud, bons camarades d’infortune. […] Pourquoi fut-il saisi à Bruges ? […] … Est-ce que tu vas, dans leurs laboratoires, saisir leurs bistouris, leurs cornues et leurs livres, et les offrir en holocauste, à la vertu bourgeoise outragée par eux ? Alors, pourquoi saisis-tu mon livre ?

1472. (1863) Histoire de la vie et des ouvrages de Molière pp. -252

Ce voyage, dont la durée fut de près d’un an, lui fournit l’occasion de saisir les ridicules des provinces, et d’étudier les mœurs de la cour et des gouvernants. […] Le chef de troupe avait donc saisi le dernier moment qu’il pût mettre à profit. […] Un jour Boileau, le rencontrant dans la rue, saisit cette occasion pour lui reprocher de nouveau son insurmontable penchant. […] Molière, sans songer qu’il était au lait, saisit avec fureur le moment de rétorquer les arguments de Chapelle. […] Saisissons le moment qui nous fasse le plus d’honneur, et qui réponde le mieux à notre conduite.

1473. (1859) Moralistes des seizième et dix-septième siècles

Non seulement ils sont vivement saisis des aspects de la surface, mais ils percent jusqu’à l’idée dont les faits sont la réalisation. […] Mais, plus on avance dans la lecture de son livre, plus on doute qu’il ait saisi toute la portée de cette idée juste et profonde. […] L’Évangile saisit l’homme par les deux éléments constitutifs de son être, le moi et le non-moi. […] Dans le germe caché et fécond contemplé ou conçu par le génie poétique, celui-ci saisit l’individualité riche, puissante, variée, toujours concrète, des êtres qu’il met en scène. […] En revanche, La Bruyère possède ce que nous avons vainement cherché auprès de La Rochefoucauld, le talent de saisir le côté dramatique des caractères.

1474. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre III. La critique et l’histoire. Macaulay. »

Ils trouvent les maisons fermées, les communications suspendues, les malades abandonnés, les mères saisies de terreur et pleurant sur leurs enfants. […] Toujours, dans ses livres, la discussion saisit et emporte le lecteur ; elle avance d’un mouvement égal, avec une force croissante, en ligne droite, comme ces grands fleuves d’Amérique, aussi impétueux qu’un torrent et aussi larges qu’une mer. […] Mais malheur à ceux qui, saisis de dégoût, essayeront de l’écraser !

1475. (1928) Les droits de l’écrivain dans la société contemporaine

Le ministre une fois arrêté, la police a ouvert ses coffres-forts, et a saisi des notes personnelles qu’il avait jetées librement sur le papier à des moments perdus. […] Chapitre III Si j’en avais le pouvoir discrétionnaire, je ferais saisir par la force armée et publier par l’Imprimerie Nationale les écrits de grands écrivains que d’étroites préventions risquent de perdre à tout jamais. […] Mais si j’en avais le pouvoir discrétionnaire, je ferais saisir par la force armée et publier par l’Imprimerie nationale les écrits de grands écrivains que d’étroites préventions risquent de perdre à tout jamais.

1476. (1887) Journal des Goncourt. Tome II (1862-1865) « Année 1863 » pp. 77-169

Ainsi il attrape, ainsi il saisit, ainsi il happe au vol, sans rien digérer, vos idées, vos notions, votre science… Et je pensais, en riant dans ma barbe, à l’espèce de dévotion religieuse, avec laquelle un certain nombre de gens allaient lire cette étude… Tout de même, je crois que Sainte-Beuve fera bien de renoncer aux articles d’art ! […] Louis XV, un homme d’esprit, mais un néant, un néant… Les grandes choses de ce temps-ci saisissent moins, elles échappent… On ne voit pas l’isthme de Suez, on ne voit pas le percement des Alpes… Un chemin de fer, on n’aperçoit qu’une locomotive qui passe, un peu de fumée… et ce chemin de cent lieues ? […] — C’est cela, et c’est cela que Sainte-Beuve ne saisit pas.

1477. (1898) Manuel de l’histoire de la littérature française « Livre II. L’Âge classique (1498-1801) — Chapitre premier. La Formation de l’Idéal classique (1498-1610) » pp. 40-106

La différence est en effet profonde entre la disposition d’esprit qui consiste à chercher, dans les Tusculanes ou dans le sixième chant de l’Énéide, les signes avant-coureurs du christianisme déjà prochain, et celle qui consiste à n’y vouloir uniquement saisir, pour en jouir, que les témoignages du génie mélancolique de Virgile ou de l’éloquence de Cicéron. […] XXV, p. 261]. — Son intention déclarée de réagir contre le paganisme ambiant. — La Première Sepmaine, 1579, et La Seconde, 1584. — La Première est une adoration de Dieu dans les merveilles de la nature ; — la Seconde est une sorte d’histoire universelle. — La description et l’éloquence dans les poésies de Du Bartas. — Du style de Du Bartas et de l’absence d’art qui le caractérise. — Qu’il est responsable avec Baïf du discrédit où est tombé Ronsard. — De Du Bartas comme caricature de Ronsard. — Efforts inutiles de la critique pour le relever. — Son influence est aussi difficile à saisir que son œuvre a été populaire en son temps. — Explication de cette singularité. […] — Mais Pascal l’a sûrement beaucoup pratiqué ; — et à ce propos que les annotateurs de Pascal ont trop oublié Charron. — On sait comme il est facile et difficile à la fois de passer de Montaigne à Pascal ; — mais c’est vraiment Charron qui fait entre eux le pont. — Il n’a pas cru d’ailleurs qu’il pût être mauvais à la religion d’en fonder l’empire sur les bases de la raison ; — c’est ce qu’il a loyalement essayé de faire ; — et ainsi ses contradictions ne viennent que de ce qu’il n’a pas saisi la portée de quelques-unes de ses assertions.

1478. (1889) Impressions de théâtre. Troisième série

Là il apprend que l’aubergiste est mal dans ses affaires et va être saisi, et que la fille de l’aubergiste aime un garçon qu’elle ne peut épouser, parce qu’ils sont pauvres tous deux. Jack empêche la saisie, dote la fille et la marie avec son amoureux. […] On ne saisit plus bien le sens des mots qu’on entend, ni de ceux qu’on prononce ; d’autant mieux que, même quand on parle, on croit encore écouter, et que notre voix nous devient comme étrangère. […] La pièce est connue ; mais elle est, je crois, de celles qui gagnent en vieillissant, et il m’a semblé que je saisissais mieux, l’autre jour, en quoi elle est originale et forte. […] Non qu’on ne puisse saisir, chez M. 

1479. (1890) La vie littéraire. Deuxième série pp. -366

Comme Raskolnikof encore, il est saisi, possédé par son crime. […] Si le passé nous échappe, pouvons-nous saisir le présent ? […] Au nom de Jésus-Christ, ces malins esprits, saisis de fureur, s’entre-frappaient les uns les autres. […] Il n’est point épris de cette folie de gloire et d’amour qui va saisir les enfants de la Révolution. […] Le plus habile artiste ne peut comprendre, saisir, exprimer que ce qu’il a en commun avec ses modèles ; ou pour mieux dire il ne peint jamais que lui-même.

1480. (1880) Une maladie morale : le mal du siècle pp. 7-419

Un orgueil chagrin saisissait donc avec empressement l’espoir de se délivrer à volonté de ce fardeau, dès qu’il deviendrait trop pesant. […] Il se saisit d’un fusil de chasse qu’il trouva sous sa main ; heureusement l’arrivée d’un témoin déjoua cette tentative. […] « Je me hâterai, dit-il, de saisir la bêche ou le rabot : je ne les quitterai pas avant d’y être contraint par le sommeil. […] Qui ne se sentirait surtout saisi d’émotion en face de ce tableau où le jeune prince contemple le crâne d’Yorick d’un air indécis, qui tient le milieu entre les apparences de la méditation philosophique et celles de la folie ? […] Par une funeste infirmité, déjà souvent observée dans le cours de ce travail, il ne sait pas saisir le bonheur qui s’offre à lui, il ne jouit que par l’imagination.

1481. (1905) Propos de théâtre. Deuxième série

Avec le don seul de bien saisir et de traduire spirituellement les travers des hommes qui nous entourent, on est un Dancourt ou l’on fait Les Précieuses ridicules. […] Sainte-Beuve, bien entendu, a parfaitement saisi ce trait : « Il croit avoir renfermé dans son poème La Sauvage toute la quintessence de la philosophie de l’histoire et le produit net de la pensée politique de ce siècle et de tous les siècles. […] Voyez-vous, ainsi que je l’ai dit quelque part, d’ailleurs sans avoir lu un mot de Casimir Bonjour, mais d’après les journaux du temps que j’ai beaucoup pratiqués, comme Bonjour saisit vers 1825 tous les sujets qui seront repris plus tard par plus glorieux que lui ? […] Il mourut en la remaniant, ou plutôt, avec la timidité qui saisit quelquefois les vieillards, il l’avait bien finie ; mais, sans doute, il n’osa pas la présenter. […] La société actuelle offre des points de vue plus riants que, sans doute, je saisirai plus tard… Je crois être dans la vérité, j’ai peint ce que j’avais sous les yeux, ce qu’on rencontre à chaque pas.

1482. (1876) Romanciers contemporains

Là où l’écrivain est impuissant à mettre un ordre véritable dans ses idées, à dégager clairement ses doctrines, à voir nettement lui-même l’unité du but qu’il poursuit, le lecteur est excusable de ne point saisir l’ensemble de l’œuvre. […] Il faut toujours, quand on tient une plume, s’adresser aux esprits capables de saisir les railleries fines, et, quant aux autres, les élever à soi, et non descendre à leur vulgarité. […] About était aussi capable de faire naître l’émotion que de saisir promptement les traits essentiels des pays qu’il visitait. […] Le poète a pour mission de servir d’interprète entre nous et la nature dont il perçoit les voix, dont il saisit les beautés, dont il sent les harmonies autrement et mieux que personne. […] Ils auraient saisi et fusillé comme traître quiconque leur aurait dit, à cette heure, que seuls ils avaient le courage du devoir, tandis que le reste du pays, écrasé de terreur, se laissait lâchement garrotter.

1483. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Sully, ses Économies royales ou Mémoires. — II. (Suite.) » pp. 155-174

Rosny s’arrangea si bien qu’il saisit ce précieux bateau qui ne devait pas renfermer moins de cinquante mille écus.

1484. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Sully, ses Économies royales ou Mémoires. — III. (Fin.) » pp. 175-194

Pour ces sièges « entrepris, comme on disait, à la racine des Alpes », il fait transporter, au temps voulu, pièces et munitions ; il étudie et saisit le côté faible des places, le point unique où le canon y peut mordre ; il pronostique le jour et l’heure de la prise ; il ne s’en fie qu’à ses yeux et se risque de sa personne, seul, dans des reconnaissances jusqu’au pied des bastions ennemis ; sur quoi il mérite que Henri IV lui écrive, à la fin de ce siège de Montmélian : Mon ami, autant que je loue votre zèle à mon service, autant je blâme votre inconsidération à vous jeter aux périls sans besoin.

1485. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Mézeray. — II. (Fin.) » pp. 213-233

Henri III, qui n’était pas toujours cruel, résista, dès le commencement de l’émeute, aux conseils de plusieurs capitaines (et notamment de Crillon) qui voulaient en avoir raison et qu’on la réprimât avec vigueur : Le roi, dit Mézeray, n’avait envie que de se saisir des principaux de la Ligue et voulait, par un procédé sans violence, désabuser le peuple des bruits qu’on avait semés… Il était d’ailleurs persuadé de cette opinion que la moindre goutte de sang qui se répandrait serait capable d’irriter la populace et de mettre le feu dans cette grande ville.

1486. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Le prince de Ligne. — I. » pp. 234-253

Il a écrit quelque part : « J’aime mieux une chanson d’Anacréon que l’Iliade, et le chevalier de Boufflers que le Dictionnaire encyclopédique. » J’ai noté (car j’aime jusque dans les gens aimables à saisir les côtés élevés ou sérieux) ce culte de religion militaire, qui transportait tout enfant le prince pour la gloire des Eugène et des Maurice de Saxe.

1487. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Duclos. — I. » pp. 204-223

Aujourd’hui encore, il nous semble saisir au passage, dans le portrait de Mme de Tonins et de sa société de beaux esprits, un tableau composé du monde de Mme de Tencin et de Mme de Lambert, ou plutôt de leurs imitatrices.

1488. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Bourdaloue. — I. » pp. 262-280

On voudrait savoir, deviner ; c’est un curieux qui en éveille d’autres ; moraliste fin, piquant, satirique, on le cherche lui-même derrière ses descriptions ; exquis et délicat dans ses maximes, on voudrait saisir l’occasion où elles sont nées, et connaître la part de son cœur qui est entrée dans son expérience.

1489. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « M. Daru. Histoire de la république de Venise. — II. (Suite.) » pp. 434-453

Assistant à la conception des plans les plus étendus et les mieux enchaînés, les écrivant le premier de sa main au moment où ils se produisaient au jour, les recueillant dans l’impétuosité du premier jet, devant à l’instant les embrasser avec développement et les saisir, s’associer en tout à la pensée qui les avait conçus et pourvoir sur les moindres points à l’exécution, M. 

1490. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) «  Œuvres de Chapelle et de Bachaumont  » pp. 36-55

On appela les charpentiers… Comme le roulis m’empêchait de dormir, je m’étais jeté sur mon lit en bottes et en robe de chambre : mon chien paraissait saisi d’un effroi extraordinaire.

1491. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « De la poésie de la nature. De la poésie du foyer et de la famille » pp. 121-138

Après avoir relevé la fadeur et le vague des tons, quelques beaux vers perdus dans une foule de vers communs, la vie champêtre vue de trop loin, regardée de trop haut, sans étude et sans connaissance assez précise, il se demande comment M. de Saint-Lambert, qui passe une partie de sa vie à la campagne, n’a pas mieux vu, n’a pas mieux saisi et rendu tant de scènes réelles, de circonstances familières et frappantes : Pourquoi M. de Saint-Lambert n’a-t-il pas trouvé tout cela avant moi ?

1492. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Une Réception Académique en 1694, d’après Dangeau (tome V) » pp. 333-350

Puis ne perdons rien du jeu de scène : pendant que l’un pique, joue et enfonce, l’autre, qui se croit loué, se rengorge et jouit ; et l’auditoire, — cet auditoire qui se compose de la fleur de la ville et de la Cour, de témoins de la qualité des Hamilton, des Coulanges et des Caylus, saisit chaque nuance, achève chaque intention, et la redouble en applaudissant63.

1493. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « [Chapitre 5] — I » pp. 93-111

Dès que j’appris cela, je saisis cette occasion de faire ma cour ; je fis bien vite informer par enquêtes, certificats, etc., etc. ; je n’épargnai pas les courriers et les lettres au subdélégué pour être promptement servi, et j’envoyai cela tout musqué au petit bonhomme La Vrillière (secrétaire d’État de la province), qui me répondit sèchement que voilà qui était bien, et que personne ne révoquait en doute le don qu’avaient nos rois d’opérer ces prodiges (février 1723).

1494. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Divers écrits de M. H. Taine — I » pp. 249-267

Ce qu’il faut lui répondre quand il s’exprime avec une affirmation si absolue, c’est que, entre un fait si général et aussi commun à tous que le sol et le climatu, et un résultat aussi compliqué et aussi divers que la variété des espèces et des individus qui y vivent, il y a place pour quantité de causes et de forces plus particulières, plus immédiates, et tant qu’on ne les a pas saisies, on n’a rien expliqué.

1495. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Correspondance inédite de Mme du Deffand, précédée d’une notice, par M. le marquis de Sainte-Aulaire. » pp. 218-237

Mme de Choiseul a été saisie et crayonnée par Horace Walpole en quelques traits qui sont bien d’un peintre compatriote de Spencer et de Shakespeare : Ma dernière nouvelle passion, et aussi, je pense, la plus forte, écrivait-il pendant un séjour à Paris (janvier 1766), est la duchesse de Choiseul.

1496. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Le journal de Casaubon » pp. 385-404

S’il n’en était ainsi, et si quelque raison plausible pouvait me décider à faire le transfuge, tu sais, ô mon Dieu, quelles études me seraient le plus à cœur : car il y a longtemps qu’un violent désir m’a saisi de m’adonner tout entier à ces lettres dans lesquelles seules toute vérité est contenue, et qui seules immortalisent ceux qui s’y vouent et les unissent à Dieu.

1497. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Histoire de Louvois et de son administration politique et militaire, par M. Camille Rousset, professeur d’histoire au lycée Bonaparte. »

Entre tant de personnages qui, vus de près et saisis en pleine action, tantôt y gagnent et tantôt y perdent, et dont quelques-uns n’accroissent pas leur réputation, ou même la déshonorent, il en est un du moins qui, en chaque rencontre, ne fait que gagner à être de plus en plus connu et mis en lumière, et qui mérite, plus encore que Turenne peut-être, qu’on dise de lui qu’il fait honneur à la nature humaine : c’est Vauban.

1498. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Histoire de Louvois et de son administration politique et militaire, par M. Camille Rousset, professeur d’histoire au lycée Bonaparte. (Suite et fin) »

Y a-t-il du regret à avoir, en effet, que Louis XIV n’ait obtenu que la gloire des sièges et non celle d’une victoire en bataille rangée, cette gloire que son frère, si peu aguerri d’ailleurs, rencontra et saisit vaillamment à la journée de Cassel ?

1499. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Souvenirs de soixante années, par M. Étienne-Jean Delécluze, (suite et fin) »

« Le mérite de Manzoni (en 1819) est d’avoir saisi la saveur de l’eau dont le public italien avait soif. » Usons du libre conseil pour la France.

1500. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Charles-Quint après son abdication, au monastère de Saint-Just »

Ce qui est certain, c’est que les papiers de Van Male, de celui qui aurait servi de secrétaire à l’empereur pour ce genre de travail, furent saisis après la mort du maître pour être remis à Philippe II, lequel était peu ami de la publicité en telle matière, et qui, une fois qu’il la tenait, ne lâchait pas sa proie.

1501. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Les frères Le Nain, peintres sous Louis XIII, par M. Champfleury »

On croit saisir une de ces chansons au vol, on la prend par le bout de l’aile, et l’on se trouve n’avoir ramené qu’un oiseau envolé de Paris, ou encore le couplet d’un bel esprit de l’endroit.

1502. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Ducis épistolaire. »

Mais cet honneur qui vient le saisir ne l’enivre pas ; il le sait et il le dira à merveille dans la première phrase, restée célèbre, de son discours de réception : « Il est des grands hommes à qui l’on succède et que personne ne remplace ! 

1503. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Œuvres complètes de Molière »

Il y a des actes notariés  : il est impossible que Molière et ses proches n’en aient pas contracté de tels ; mais où les saisir ?

1504. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Gavarni (suite et fin.) »

L’observateur en lui fut saisi par la vue de la nature anglaise, si particulière, si forte, si crûment grossière, si finement élégante là où elle l’est.

1505. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Théophile Gautier (Suite et fin.) »

C’est ainsi qu’un jour, étant allé à Fontainebleau pour assister aux funérailles du peintre Decamps, Théophile Gautier, peintre lui-même, s’oublia un peu ; il fut comme saisi du paysage, et le deuil fit place insensiblement sous sa plume à une charmante matinée de soleil dans la forêt.

1506. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « M. Émile de Girardin. »

. — « J’ai donc des parents, repris-je vivement avec un mouvement qui ressemblait à de la joie, mais qui dura moins de temps qu’il n’en fallut pour l’exprimer. » —    Ceci est beau, beau de nature ; car, au moment même où cette joie le traverse, une angoisse cruelle a saisi l’âme d’Émile : il avait déjà provoqué Édouard, déjà le duel est réglé, c’est le lendemain malin qu’il doit se battre, et il apprend que c’est contre un frère !

1507. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Le mariage du duc Pompée : par M. le comte d’Alton-Shée »

On aurait ainsi, à leur moment de délire et d’abandon, le signalement des générations si nombreuses que de loin l’on confond, et à qui l’on ne peut plus que dire avec le poète : Passez, passez, Ombres légères, Allez où sont allés vos pères Dormir auprès de vos aïeux… On saisirait en quelques traits leur physionomie distincte.

1508. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Histoire de la littérature anglaise, par M. Taine, (suite et fin.) »

Cette Épître nous montre par une suite d’exemples ou de remarques habilement choisies que pour qui veut connaître à fond un seul homme, un individu, tout trompe, tout est sujet à méprise, et l’apparence et l’habitude, et les opinions et le langage, et les actions même qui souvent sont en sens inverse de leur mobile : il n’y a qu’une chose qui ne trompe pas, c’est quand on a pu saisir une fois le secret ressort d’un chacun, sa passion maîtresse et dominante (the ruling passion), dans le cas où chez lui une telle passion existe.

1509. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Mémoires de madame Roland »

On y parvient pendant quelques pages ; il y a un tour, un procédé, une entorse vigoureuse de pensée qu’il s’agit de saisir ; mais, à la longue, cela devient bien lassant.

1510. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Marie-Antoinette (suite.) »

Il y avait déjà une saisie opérée à la poursuite du ministère public pour ce volume et quelques autres d’une même collection, sous l’imputation d’outrage à la morale publique.

1511. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Catinat. »

Mattioli le croyait seul ; on s’enferma à trois dans une chambre ; on parut traiter sérieusement de l’affaire, et, à un moment, l’abbé d’Estrades étant sorti sans affectation, donna le signal : des dragons qui étaient apostés entrèrent brusquement, se saisirent de Mattioli, le bâillonnèrent, le garrottèrent, et une demi-heure après il était dans la citadelle de Pignerol.

1512. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Exploration du Sahara. Les Touareg du Nord, par M. Henri Duveyrier. »

Les habitants, au nombre de sept mille environ, sans compter la population flottante, sont de race berbère, c’est-à-dire autochtone, et non arabe ; ils sont ainsi parents des Touareg, mais civilisés, assis et d’humeur citadine, tandis que les autres sont restés obstinément nomades : « Comme les nomades Touâreg, les Ghadamésiens sont souvent sur les routes pour leurs affaires ; mais rencontre-t-on une ville, ces derniers saisissent, en vrais citadins, l’occasion qui leur est offerte d’aller chercher un abri sous un toit protecteur, tandis que les Touâreg semblent tenir à honneur de ne jamais accepter l’hospitalité dans l’enceinte d’une ville, dans l’intérieur d’une maison.

1513. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Histoire de la Grèce, par M. Grote »

Les fatales conséquences de la colère d’Achille ne paraissent pas avant la fin du VIIIe livre et ne se déclarent qu’au moment où les Troyens, favorisés de Jupiter, se saisissent décidément de la victoire.

1514. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Les fondateurs de l’astronomie moderne, par M. Joseph Bertrand de l’académie des sciences. »

Joseph Bertrand voulant écrire pour le public, c’est-à-dire pour la moyenne des gens instruits, a éludé ce genre de difficulté autant que possible : il eût pu trancher davantage et mettre plus en relief et en vedette les résultats scientifiques, sauf au lecteur à ne prendre que ce qu’il en pourrait saisir ; il a mieux aimé accuser moins à nu les côtés sévères pour fondre plus couramment le ton de l’ensemble.

1515. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Saint-Simon considéré comme historien de Louis XIV, par M. A. Chéruel »

Elle a sa manière de composer, de grouper, non seulement de saisir et de faire saillir les détails, mais d’embrasser et de gouverner les ensembles : Saint-Simon en possède toutes les parties.

1516. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Marie-Thérèse et Marie-Antoinette. Leur correspondance publiée par le chevalier d’Arneth »

Dans l’Antiquité la poésie s’en fût saisie aussitôt ; elle l’eut chantée, idéalisée à l’envi et fixée sous des traits déterminés, dans un type immuable.

1517. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Idées et sensations : par MM. Edmond et Jules de Goncourt. »

MM. de Goncourt, qui sont des hommes de nuances, ont manqué là une nuance qu’ils étaient dignes de saisir.

1518. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Essai sur Talleyrand (suite.) »

À son âge, pensai-je, on tient un peu de la vieille femme ; il doit être bavard au réveil : voilà le moment qu’il faut saisir.

1519. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « JASMIN. » pp. 64-86

Nous sommes trop incompétent au sujet de cette langue, que nous n’avons saisie qu’à l’aide d’amis obligeants, pour avoir un avis sur ce que peut être le bon style en patois ; mais il paraît bien que Jasmin a ce bon style.

1520. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « THÉOPHILE GAUTIER (Les Grotesques.) » pp. 119-143

Gautier sur sa réhabilitation de Saint-Amant, dont il reprend en sous-œuvre et nous traduit en prose brillante et colorée les peintures, car on croirait voir des peintures sous la plume, tant il les flatte, au lieu de charges dessinées au charbon sur la muraille ; il se plaît à y saisir des traits, des reflets de ressemblance à l’infini avec nos principaux contemporains.

1521. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE SÉVIGNÉ » pp. 2-21

Le monde va si vite de nos jours, et tant de choses sont tour à tour amenées sur la scène, que nous n’avons pas trop de tous nos instants pour les regarder et les saisir.

1522. (1861) Cours familier de littérature. XII « LXVIIIe entretien. Tacite (1re partie) » pp. 57-103

Un homme populaire par ses intrigues, candidat du vice, comme Pison était candidat de l’honnêteté, Othon, sent chanceler le pouvoir entre les légions qui s’avancent d’Allemagne, et Galba, qui dédaigne de saisir Rome par ses corruptions.

1523. (1866) Cours familier de littérature. XXII « CXXXe entretien. Fior d’Aliza (suite) » pp. 193-236

Un soir, cependant, le chagrin me saisit tellement dans la nuit, que les douleurs me prirent.

1524. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre IV. Ordre d’idées au sein duquel se développa Jésus. »

Jamais l’homme n’avait saisi le problème de l’avenir et de sa destinée avec un courage plus désespéré, plus décidé à se porter aux extrêmes.

1525. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre IV. Précieuses et pédantes »

» L’incohérence n’est pas rare : « Jamais je n’y consentirai en ce moment. » Ni l’incorrection la plus ignorante ou la plus étourdie : « Ils nous ont dit qu’il ne fallait pas convoiter le bien d’autrui, se montrer charitables, ne pas tenir aux choses. » Partout flottent des ombres d’idées banales et l’expression, qui n’est pas plus vivante, ne parvient pas à saisir un seul de ces fantômes.

1526. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — Chapitre V »

C’est du pathétique spontané, si rare au théâtre, la nature saisie sur le fait et dans son élan.

1527. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « La Mare au diable, La Petite Fadette, François le Champi, par George Sand. (1846-1850.) » pp. 351-370

Le moment où, des deux jumeaux, celui qui passe pour le cadet, Landry, se détache, prend le dessus, et se met décidément à devenir l’aîné, à voler de ses propres ailes et à se faire homme, est admirablement saisi.

1528. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Mémoires d’outre-tombe, par M. de Chateaubriand. Le Chateaubriand romanesque et amoureux. » pp. 143-162

Ainsi, à côté de la jeune miss Ives, il est trop question de cette mère presque aussi belle que sa fille, de cette mère qui, lorsqu’elle est près de confier au jeune homme le secret qu’elle a saisi dans le cœur de son enfant, se trouble, baisse les yeux et rougit : « Elle-même, séduisante dans ce trouble, il n’y a point de sentiment qu’elle n’eût pu revendiquer pour elle. » C’est une indélicatesse de tant insister sur cette jolie maman.

1529. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Vauvenargues. (Collection Lefèvre.) » pp. 123-143

Il me semble qu’en ayant sous les yeux ce premier petit volume sans les additions incohérentes et un peu confuses qu’on a faites depuis, on saisit mieux dans ses justes lignes la génération des idées et la formation du talent.

1530. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Œuvres de Frédéric le Grand. (Berlin, 1846-1850.) » pp. 144-164

Voulant caractériser le génie trop vaste, trop remuant, du cardinal Alberoni, et son imagination trop fougueuse : « Qu’on eût donné deux mondes comme le nôtre, dit-il, à bouleverser au cardinal Alberoni, il en aurait encore demandé un troisième. » Les portraits des personnages qu’il a connus et maniés sont emportés de main de maître, et comme par un homme qui était habile ou même enclin à saisir les vices ou les ridicules.

1531. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Frédéric le Grand littérateur. » pp. 185-205

Il faut tout dire : quelques années après, Frédéric communiquait, un soir, de ses vers au professeur Thiébault, bon grammairien et académicien que lui avait procuré d’Alembert, et il se laissa aller par mégarde à montrer une épigramme très mordante qu’il avait faite contre d’Alembert lui-même : ce roi caustique n’avait pu se refuser au malin plaisir de noter quelque ridicule qu’il avait saisi dans ce caractère honorable.

1532. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Florian. (Fables illustrées.) » pp. 229-248

Florian, pour réussir dans le monde et saisir la veine du moment, avait eu à choisir dans ses propres goûts ; il y avait en lui un coin de pastoureau et de troubadour langoureux, qu’il s’était plu à développer exclusivement, plume en main : sa réalité, plus mêlée et plus vive, valait mieux que cet idéal-là.

1533. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Madame de Maintenon. » pp. 369-388

Elle était le point de mire de toutes les demandes, de toutes les sollicitations : elle éludait tant qu’elle pouvait ; elle se disait nulle, petite, sans crédit, une Agnès en politique ; on ne la croyait pas, et les importunités arrivaient de toutes parts, la saisissaient au passage, malgré le soin qu’elle avait de se rendre rare et comme inaccessible : « En vérité, la tête est quelquefois prête à me tourner, disait-elle au moment où elle n’y tenait plus, et je crois que, si l’on ouvrait mon corps après ma mort, on trouverait mon cœur sec et tors comme celui de M. de Louvois. » Ne soyons donc pas trop sévère en jugeant son pauvre cœur, qu’elle nous étale à nu ainsi.

1534. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Paul-Louis Courier. — I. » pp. 322-340

La science et l’éloquence sont peut-être incompatibles… Ici l’on saisit le témoignage net et hardi de ce goût pur qui ne transige pas, de ce goût exclusif comme tous les goûts très sincères et très sentis.

1535. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Le cardinal de Richelieu. Ses Lettres, instructions et papiers d’État. Publiés dans la Collection des documents historiques, par M. Avenel. — Premier volume, 1853. — II. (Fin.) » pp. 246-265

Il y a, dans tout ce qu’il nous expose de sa vie aux diverses époques, un dessous de négociations qui échappe : qu’il nous suffise de saisir sa ligne générale de conduite.

1536. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Saint François de Sales. Son portrait littéraire au tome Ier de l’Histoire de la littérature française à l’étranger par M. Sayous. 1853. » pp. 266-286

Comme la plupart des ouvrages vrais et qui saisissent le plus la société à leur moment, il ne fut point écrit de propos délibéré : il sortit d’une inspiration naturelle et toute particulière.

1537. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Marguerite, reine de Navarre. Ses Nouvelles publiées par M. Le Roux de Lincy, 1853. » pp. 434-454

Dans ce dernier trait sur les moines, on saisit la pointe légèrement railleuse du Voltaire d’alors.

1538. (1864) William Shakespeare « Première partie — Livre III. L’art et la science »

Un homme, un mort, une ombre, du fond du passé, à travers les siècles, vous saisit.

1539. (1911) Jugements de valeur et jugements de réalité

Non certes qu’elle puisse jamais l’épuiser, pas plus qu’elle n’épuise aucune réalité ; mais elle peut s’y appliquer avec l’espérance de s’en saisir progressivement, sans qu’on puisse assigner par avance aucune limite à ses progrès indéfinis.

1540. (1860) Ceci n’est pas un livre « Une préface abandonnée » pp. 31-76

» il n’a pas fait pratiquer, soyez-en sûrs, une seule saisie chez son débiteur insolvable.

1541. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « IX. Mémoires de Saint-Simon » pp. 213-237

Laissons pour un moment ses vices, qu’il laissa lui-même quand il fut ministre et cardinal, et demandons-nous s’il n’y a pas quelque chose qu’estimerait le cardinal de Richelieu dans ce petit homme bègue de soixante ans, à la santé en ruine, traînant après lui, a dit un historien, « une réputation telle que l’envie elle-même n’aurait pu rien y ajouter », et qui, sans être écrasé par la honte de ses premières années, met aux affaires une main assez vaste pour les embrasser et meurt dans le feu du pouvoir saisi, tué par toute sa vie d’avant le pouvoir.

1542. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Macaulay »

Doué de l’imagination la plus opulente, qui saisit et reproduit avec éclat toutes les analogies et toutes les différences, puissant par la vaste étendue de l’esprit et par une étendue non moins vaste de connaissances, Macaulay pourrait être regardé comme un critique complet s’il avait le jugement souverain, qui est le coup de hache définitif et mérité par lequel le critique ressemble à l’homme d’État, et dont l’un ne peut pas plus se passer que l’autre.

1543. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Charles Baudelaire  »

Telle est la moralité, inattendue, involontaire peut-être, mais certaine, qui sortira de ce livre, cruel et osé, dont l’idée a saisi l’imagination d’un artiste.

1544. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre iii »

Même en me bornant, comme je viens de faire, aux citations pour croix de guerre avec palme, pour médaille militaire et pour légion d’honneur, ces preuves rempliraient un volume…‌ Ces textes officiels, d’ailleurs, sont immobiles comme des pierres tombales, et c’est dans leur passion et leur frémissement que nous voudrions saisir ces prêtres animateurs.‌

1545. (1914) L’évolution des genres dans l’histoire de la littérature. Leçons professées à l’École normale supérieure

Que ce soit bien là l’une des origines de la critique moderne, on n’en saurait douter, quand on a bien saisi, dans le livre de Burckhardt, le rapport qui lie ces trois termes entre eux : Esprit critique, Désir de gloire et Réveil ou Développement de la personnalité. […] On sait moins, qu’après deux cent cinquante ans passés sur cette vieille querelle, Sainte-Beuve exprimait le regret que, depuis Chapelain et à son exemple, l’Académie française n’eût pas saisi plus souvent l’occasion de « faire acte de jugement et de sincérité ». […] Rappelez-vous encore l’esprit du Commentaire sur Corneille, de Voltaire, et ses suprêmes injures à Shakespeare : J’avoue qu’on ne doit pas condamner un artiste qui .a saisi le goût de sa nation ; mais on peut le plaindre de n’avoir contenté qu’elle. […] Et quand même on a tenté de saisir les résultats généraux, quand même on a voulu se former une idée complète du développement de l’humanité, c’est sur une base toute spéciale qu’on a élevé l’édifice. […] Théologien et théologien protestant, philosopher et homme politique, n’ayant d’ailleurs jamais écrit que des articles de Revues et de journaux, dont le caractère fragmentaire ne permet pas de saisir aisément l’unité de son œuvre, je dirais volontiers qu’Edmond Scherer s’est donné pour tâche d’entretenir les communications de la pensée française avec les littératures étrangères.

1546. (1895) Le mal d’écrire et le roman contemporain

Spontanéité, accent de terroir, parfum de province, tout cela s’évanouit pour faire place au besoin de saisir, ce ton parisien qui caractérise tant de chroniqueurs à la mode. […] Le génie même ne serait qu’une adaptation plus rapide, plus de promptitude à saisir ce que les autres ne voient pas. […] Comment son imagination et son goût n’ont-ils pas été saisis par la prodigieuse plasticité de Flaubert ? […] Il est plus saisi par la physionomie et le caractère de l’homme que par la signification de l’œuvre. […] Elle redoutait et désirait les visites de son frère. « Je fus saisie d’aise, hier, de te sentir près de moi.

1547. (1856) Réalisme, numéros 1-2 pp. 1-32

Ce qui est saisi avec ardeur par le public, c’est ce qui tend à se rapprocher le plus possible de la vie, des sentiments du grand nombre. […] Dans cet ordre d’idées, on ne fait peut-être pas assez attention aux récits et aux dessins des voyageurs, qui doivent être naturellement saisis par les scènes sociales, générales des pays qu’ils visitent et où ils ne peuvent être sollicités par des détails spéciaux, n’étant pas assez initiés aux mœurs et usages pour y devenir indifférents et se mettre à chercher des étrangetés. […] Une chose dont on ne peut dire nettement : elle est bonne ou elle est mauvaise, est une chose de nulle valeur qui n’a une raison d’être qu’autant qu’elle établit la gradation entre le bon et le mauvais et qui joue le rôle de ces teintes neutres qu’emploient les peintres pour passer insensiblement de l’ombre à la lumière : on ne les voit pas, on les sent passer, mais on ne peut les saisir, et si l’œuvre du peintre est parfaite on se prend à douter de leur existence. […] » Et voilà toujours cette étrange fureur de gosier qui les saisit tous. […] C’était un homme avide qui a voulu tout saisir, et pouvoir dire j’ai touché à tout ; on peut considérer cela comme une faiblesse, mais que de richesses données à entrevoir aux autres !

1548. (1899) Arabesques pp. 1-223

Je n’ai rien à leur répondre puisqu’ils n’ont pas saisi le sens de ma marche vers la lumière. — Aux uns comme aux autres, je conseille de relire la fable de La Fontaine intitulée : le Meunier, son Fils et l’Âne. […] Les idées de Michelet n’ayant rien de commun avec les instincts rapaces des gens de gouvernance, son art étant fort au-dessus de la compréhension d’un conseil municipal, même collectiviste, on ne saisit pas trop l’à-propos des fêtes données pour célébrer le centième anniversaire de sa naissance… À moins qu’il ne s’agisse de lui attribuer — sous couleur d’apothéose — des opinions conformes à celles des saltimbanques que le suffrage universel hissa sur le pavois. […] Ce qui attire ces jeunes gens à Wagner, c’est que son art est si riche en charades, c’est qu’il y joue à cache-cache sous cent symboles ; c’est la polychromie de son idéal ; c’est son génie nuageux, sa manière de saisir, de glisser, d’errer dans les airs, son partout et nulle part, exactement les mêmes choses avec lesquelles Hegel les attirait et les égarait de son temps. […] Fut-il touché en lisant les papiers saisis chez quelqu’un des révolutionnaires que son gouvernement envoie mourir dans les mines de la Sibérie ? […] » Saisissez l’occasion, démontrez-lui que, dès toujours, les gouvernements servent uniquement à garantir aux Gros une digestion tranquille et à imposer silence aux Petits, il abondera dans votre sens… Puis, tout de suite, — selon le journal dont il s’empoisonne l’intellect, — il attribuera la baisse aux Juifs ou aux Prêtres, aux Anglais ou aux Russes.

1549. (1932) Les idées politiques de la France

La multitude n’a pas d’autre fonction que de se laisser conduire, et, troupeau docile, de suivre les pasteurs. » On sait que la crosse épiscopale dérive du long bâton des pâtres orientaux, avec l’extrémité recourbée par où ils attrapaient la patte du mouton à saisir. […] Comités et sociétés populaires, légaux ou spontanés, ont été la seule force locale organisée, pendant de longs mois, dans un pays centralisé où les fameux leviers étaient au premier qui pouvait les saisir. […] Nous saisissons alors comme une réalité authentique et forte cette laïcité qui tout à l’heure nous fuyait, et que nous étions tentés d’abandonner aux facéties de la presse tortonisante. […] Il y a dans un conte de Mark Twain un bouledogue qui est invincible, parce qu’il a un coup foudroyant pour saisir son adversaire au gras de la patte gauche de derrière. […] Mais en le comparant aux Politiques et Moralistes de Faguet, livre d’ailleurs éminent, au Proudhon de Faguet si l’on veut, on saisit la différence entre cette vertu de sympathiser par le dedans, proche parente de l’histoire naturelle et du roman, chez l’auteur de Port-Royal, et la descente sans sympathie (voyez Lemaître chez Verlaine) de certaine critique d’en haut (du haut comme on disait à Genève) chez les irréguliers.

1550. (1908) Après le naturalisme

Avant d’en finir sur ce point, disons que pour notre part, nous saisissons très bien pourquoi les premières tentatives revêtirent cette forme essentiellement poétique. […] Saisissons plutôt dans ses méthodes le fonctionnement de l’esprit. […] Mais une impérieuse obligation nous contraint de l’étudier d’assez près, justement parce qu’elle a été saisie sous un sens contraire à la vérité et au bien.

1551. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre IV. L’âge moderne. — Chapitre II. Lord Byron. » pp. 334-423

Il entra dans une de ses rages silencieuses, saisit la cotte avec ses deux mains, la déchira du haut en bas, et se planta debout, fixe et morne, devant l’autre qui tempêtait, afin de la mieux braver. […] S’il s’est enfoncé dans les arts magiques, ce n’est point par curiosité d’alchimiste, c’est par audace de révolté. « Dès ma jeunesse, mon âme n’a point marché avec les âmes des hommes, —  et n’a point regardé la terre avec des yeux d’homme. —  La soif de leur ambition n’était point la mienne. —  Le but de leur vie n’était pas le mien. —  Mes joies, mes peines, mes passions, mes facultés — me faisaient étranger dans leur bande ; je portais leur forme, —  mais je n’avais point de sympathie avec la chair vivante… —  Je ne pouvais point dompter et plier ma nature, car celui-là — doit servir qui veut commander ; il doit caresser, supplier, —  épier tous les moments, s’insinuer dans toutes les places, —  être un mensonge vivant, s’il veut devenir — une créature puissante parmi les viles, —  et telle est la foule ; je dédaignais de me mêler dans un troupeau, —  troupeau de loups, même pour les conduire1290… —  Ma joie était dans la solitude, pour respirer — l’air difficile de la cime glacée des montagnes, —  où les oiseaux n’osent point bâtir, où l’aile des insectes — ne vient point effleurer le granit sans herbe, pour me plonger — dans le torrent et m’y rouler — dans le rapide tourbillon des vagues entre-choquées, —  pour suivre à travers la nuit la lune mouvante, —  les étoiles et leur marche, pour saisir — les éclairs éblouissants jusqu’à ce que mes yeux devinssent troubles, —  ou pour regarder, l’oreille attentive, les feuilles dispersées, —  lorsque les vents d’automne chantaient leur chanson du soir. —  C’étaient là mes passe-temps, et surtout d’être seul ; —  car si les créatures de l’espèce dont j’étais, —  avec dégoût d’en être, me croisaient dans mon sentier, —  je me sentais dégradé et retombé jusqu’à elles, et je n’étais plus qu’argile1291. » Il vit seul, et il ne peut pas vivre seul. […] Voyez aussi dans Corinne cette opposition très-bien saisie.

1552. (1866) Cours familier de littérature. XXII « CXXXIIe entretien. Littérature russe. Ivan Tourgueneff (suite) » pp. 317-378

Dans un meilleur moment, il n’eût peut-être fait aucune attention à une affaire aussi peu importante ; mais il avait depuis longtemps une dent contre son fils, et il saisit avec bonheur l’occasion de confondre l’élégant philosophe pétersbourgeois. […] Il se souvint qu’un jour, à table, dans les fumées du vin, le vieillard s’était mis à rire tout à coup et à parler de ses conquêtes, en prenant un air modeste et en clignant ses yeux privés de lumière ; il se souvint de Barbe, et ses traits se crispèrent comme chez un homme saisi d’une subite douleur. […] Ce n’est pas que toute cette jeunesse se réjouît beaucoup de l’arrivée d’un parent éloigné et presque oublié, mais elle saisissait avec empressement la moindre occasion de s’agiter et de manifester sa joie.

1553. (1896) Journal des Goncourt. Tome IX (1892-1895 et index général) « Année 1894 » pp. 185-293

Et, comme il est question de l’excentricité du peintre, Duret raconte qu’il a été saisi à Londres, un jour où il donnait un déjeuner, où il avait pour convives la duchesse de Westminster, et je ne sais plus quel autre Anglais : tous deux les deux plus grandes fortunes d’Angleterre : convives près desquels, — il avait trouvé drôle de faire asseoir à sa table du déjeuner, les deux exécuteurs de la saisie. Et Whistler, à la suite de ce déjeuner, où il abandonnait Londres, disait en parlant de ces deux richissimes invités qui l’avaient laissé saisir, que ce n’était pas par cochonnerie, même par complète indifférence, mais parce que leur imagination ne leur avait pas fourni l’idée, qu’il y avait de quoi acheter pour payer ses dettes.

1554. (1908) Jean Racine pp. 1-325

C’est un des miroirs où le Faune Vient voir si son teint cramoisi, Depuis que l’amour l’a saisi, Ne serait point devenu jaune. […] Un jour pourtant il saisit une occasion de lui parler. […] Songez qu’il faut une rude application et quelque littérature pour suivre la plupart des tragédies des deux Corneille, et seulement pour en saisir le sens à l’audition. […] Il ne pourra pas le saisir et l’étreindre avec amour, y souffler toute son âme (comme il le fera, plus tard, pour Andromaque). […] Racine les a exprimés tout entiers dans le moment où il les a saisis.

1555. (1894) La bataille littéraire. Cinquième série (1889-1890) pp. 1-349

Elle les saisissait, et, la raquette entre les genoux, en quelques secondes, avec des mouvements impatients, les rattachait en piquant des épingles, par grands coups, dans la masse de la chevelure. […] On le lança à l’eau, et les hommes de l’équipage, ceinturés de liège, couverts du suroît et de leurs cirés, empoignaient les avirons, tandis que Tonton Corentin, debout à l’arrière, le porte-voix d’une main, saisissait la barre de l’autre. […] Cet état durait plus ou moins longtemps et nous entrions si bien dans notre rôle d’insecte en métamorphose, qu’une oreille indiscrète eût pu saisir des phrases de ce genre, échangées entre nous sur un ton de conviction complète : — Penses-tu que tu t’envoleras bientôt ? […] Au moment où les aides attachaient M. de Louverchal sur la planchette, Samson, qui s’était approché, sentit une main chercher la sienne, la saisir, malgré les liens des poignets, et la serrer fortement. […] Cela contente en général l’écrivain du registre, il saisit la syllabe que je lui livre, et il brode ce simple thème avec plus ou moins d’imagination, selon qu’il est ou n’est pas homme de goût.

1556. (1912) Pages de critique et de doctrine. Vol I, « I. Notes de rhétorique contemporaine », « II. Notes de critique psychologique »

 » Nous saisissons là, en un raccourci très net, l’origine de cet ascétisme qui fut celui de M.  […] Je comprends cet enchantement à me rappeler l’hypnotisme dont la conversation de Barbey me saisissait à cette époque. […] Sainte-Beuve, et après lui Taine, ont saisi la liaison entre les œuvres d’art et les tempéraments, les milieux, les races. […] Nous saisissons sur place, et non par hypothèse, les fils ténus qui rattachent cette magique plante au terreau vivant où elle a grandi. […] Dans ces pages écrites par ceux qui entraient alors dans le vaste monde, nous saisissons la dernière lueur et comme le suprême reflet des espérances, des passions, des idées dont vécurent nos pères.

1557. (1814) Cours de littérature dramatique. Tome III

Un esprit aussi frivole et aussi superficiel que celui de Voltaire, n’était pas capable de saisir la différence qu’il y a entre un peuple de marchands et une nation telle que la nôtre ; il ne voyait pas qu’il se mêle toujours dans la profession du commerce un intérêt sordide très opposé à l’honneur, qui était le principe de la monarchie. […] un bon drame est bon. » Voltaire n’était pas capable d’une pareille niaiserie, et ses commentateurs n’ont point saisi sa pensée. […] Le froid vous saisit au milieu de cet attirail tragique qui n’est qu’un vain échafaudage ; c’est une espèce de centon de tous les vieux lambeaux qui traînent dans la garde-robe de Melpomène. […] Il court : c’était Égisthe ; il s’élance aux autels, Il monte, il y saisit, etc. Observez toujours cette stérile abondance, ce verbiage intarissable, cette prodigalité de mots : il s’avance, il court, il s’élance, il monte, il saisit.

1558. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Gabriel Naudé »

J’allais ajouter qu’il y a une chose à laquelle il n’a rien compris et dont il ne s’est jamais douté, pour peu qu’elle existe encore, c’est l’autre science, celle du Saint et du Divin ; et qu’il semble tout à fait se ranger à cet axiome volontiers cité par lui et emprunté des jurisconsultes : Idem judicium de iis quae non sunt et quae non apparent, Ce qu’on ne peut saisir est comme non avenu et mérite d’être jugé comme n’existant pas232. […] Il ne craint pas d’alléguer l’exemple de la république de Venise qui, pour empêcher qu’on enlevât de Padoue la fameuse bibliothèque de Pinelli, la fit saisir au moment du départ, sous prétexte qu’il y avait dans les manuscrits du défunt des copies de certains papiers d’État.

1559. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Le Chevalier de Méré ou De l’honnête homme au dix-septième siècle. »

On s’y connoissoit alors à peu près comme aujourd’hui, tantôt plus, tantôt moins, selon les cours et les personnes ; car le monde ne va ni ne vient, et ne fait que tourner. » L’erreur du chevalier se saisit bien nettement dans ce passage. […] La lettre du chevalier nous le montre devisant et moralisant dans l’intimité ; si fidèle qu’ait voulu être le secrétaire, on sent, à le lire, qu’il n’a pu tout rendre, et l’on découvre bien par-ci par-là quelque solution de continuité dans ce qu’il rapporte : « Il y a, dit La Rochefoucauld, des tons, des airs, des manières qui font tout ce qu’il y a d’agréable ou de désagréable, de délicat ou de choquant dans la conversation. » Mais, quoique tout cela s’évanouisse dès qu’on écrit, on croit saisir dans le mouvement prolongé du discours quelque chose même de ces tons qui faisaient de ce penseur amer un si doux causeur, et qui attachaient en l’écoutant.

1560. (1860) Cours familier de littérature. X « LIXe entretien. La littérature diplomatique. Le prince de Talleyrand. — État actuel de l’Europe » pp. 289-399

XXVI Voici ces actes, exprimés en paroles dignes de leur grandeur : Les honneurs de la sépulture rendus à l’infortuné souverain pontife Pie VI, mort dans la captivité en France, et resté jusque-là sans sépulture royale ou pontificale à Valence : « Il est de la dignité de la nation française et conforme à son caractère de donner des marques de considération à un homme qui occupa un des premiers rangs sur la terre, des honneurs funèbres et un monument conforme au caractère du prince enseveli sans décrets. » Des envoyés dans toutes les cours où ils peuvent être reçus avec dignité sont nommés pour saisir et renouer les fils rompus des relations internationales : le général Bournonville à Berlin, M.  […] L’esprit monarchique de M. de Talleyrand ne résistait certainement pas au rétablissement du trône ; au contraire, tout atteste que le ministre trouvait le consul trop lent ou trop timide à se saisir du pouvoir dynastique : « La paix n’est solide, disait-il, qu’entre puissances qui ont les mêmes formes et les mêmes mœurs.

1561. (1864) Cours familier de littérature. XVII « XCIXe entretien. Benvenuto Cellini (1re partie) » pp. 153-232

Andrea, qui voulait son évêché, alla tout découvrir au pape, qui m’envoya saisir sur-le-champ, et me fit mettre dans une prison séparée. […] sautez-lui sur le dos, et saisissez-le, serrez-le bien fort !

1562. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CIIIe entretien. Aristote. Traduction complète par M. Barthélemy Saint-Hilaire (1re partie) » pp. 5-96

Quinte-Curce dit la même chose ; mais il ajoute plusieurs circonstances et ne manque pas de saisir cette occasion pour mettre dans la bouche d’Hermolaüs et dans celle d’Alexandre des discours où il cherche à faire briller son éloquence. […] Comme il n’est que le prix du combat, le vainqueur qui le saisit en fait nécessairement un des deux gouvernements extrêmes, démocratie ou oligarchie.

1563. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome I « Bibliotheque d’un homme de goût. — Chapitre I. Des poëtes anciens. » pp. 2-93

Juvenal méprise l’arme légére du ridicule ; il saisit le glaive de la satyre, & courant du trône à la taverne, il en frappe indistinctement quiconque s’est éloigné des sentiers de la vertu. […] nous donne lui-même de sa version, & nous la reconnoissons juste en général, dit M. de Querlon, sans adopter, quant au détail, beaucoup d’interprétations dans lesquelles il nous paroît n’avoir pas saisi le sens de Lucain.

1564. (1922) Durée et simultanéité : à propos de la théorie d’Einstein « Chapitre IV. De la pluralité des temps »

S’il se plaçait en n’importe quel point équidistant des deux horloges, et s’il avait d’assez bons yeux, il saisirait dans une intuition instantanée les indications données par les deux horloges optiquement réglées l’une sur l’autre, et il les verrait marquer à ce moment la même heure. […] Nous saisissons cette occasion de dire que c’est la communication de M.

1565. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Discours sur le système et la vie de Vico » pp. -

Chaque ouvrage était lu trois fois ; la première pour en saisir l’unité, la seconde pour en observer la suite et pour étudier l’artifice de la composition, la troisième pour en noter les expressions remarquables, ce qu’il faisait sur le livre même. […] Vico n’a point laissé d’école ; aucun philosophe italien n’a saisi son esprit dans tout le siècle dernier ; mais un assez grand nombre d’écrivains ont développé quelques-unes de ses idées.

1566. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « L’abbé de Bernis. » pp. 1-22

Et puis l’ambition lui est venue : du moment qu’il n’est plus un simple particulier, jouissant à son gré des douceurs et des agréments de la société, il n’y a plus qu’à être un homme public occupé et utile ; il résume en termes parfaits cette alternative : « Être libre et maître de son loisir, ou remplir son temps par des travaux dont l’État puisse recueillir les fruits, voilà les deux positions qu’un honnête homme doit désirer ; le milieu de cela ressemble à l’anéantissement. » De Versailles, certains ministres, qui craignaient son retour, lui tendaient des pièges ; on employait toutes sortes de manèges dont le détail nous échappe, pour l’immobiliser là-bas dans ses lagunes : « Je vois clairement, disait-il, que, par ces artifices, on trouvera le secret de me faire rester les bras croisés dans mon cul-de-sac. » Duverney le conseillait et le calmait dans ces accès d’impatience, qui sont toujours tempérés de philosophie chez Bernis, et qui ne vont jamais jusqu’à l’irritation : Tout ici-bas dépend des circonstances, lui écrivait Duverney, et ces circonstances ont des révolutions si fréquentes, que ce que l’on peut faire de plus sage est de se préparer à les saisir au moment qu’elles tournent à notre point.

1567. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « De l’état de la France sous Louis XV (1757-1758). » pp. 23-43

Le point précis que Bernis avait cru pouvoir saisir pour rentrer dans la voie des négociations pacifiques, avant de plus grands revers qu’il prévoyait, était donc vers janvier et février 1758 ; il avait cru trouver je ne sais quel instant unique « que la sagesse lui montrait du bout du doigt », et qui fut manqué, il commençait cette année 1758 avec les plus noires prévisions, trop tôt justifiées : Nous allons jouer le plus gros jeu du monde.

1568. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Malherbe et son école. Mémoire sur la vie de Malherbe et sur ses œuvres par M. de Gournay, de l’Académie de Caen (1852.) » pp. 67-87

Les meilleurs critiques ont repoussé l’idée que, même en étant averti, on pût y saisir de l’ironie jusqu’au dernier instant où seulement elle éclate.

1569. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Roederer. — I. » pp. 325-345

Ils montraient aux prolétaires la France comme une proie qui leur était assurée s’ils voulaient la saisir.

1570. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Nouvelles lettres de Madame, mère du Régent, traduites par M. G. Brunet. — I. » pp. 41-61

Je n’en finirais pas si je voulais énumérer toutes les raisons graduelles et insensibles qui ont amené l’espèce de déraison finale dont Madame est saisie toutes les fois qu’elle a à parler de Mme de Maintenon ; car il n’est pas de termes qu’elle n’emploie à son égard.

1571. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « M. Daru. Histoire de la république de Venise. — I. » pp. 413-433

Il en est tiré d’abord, et peut-être il s’en plaint tout bas ; il est saisi d’une main sévère et appliqué avec toutes ses forces à des labeurs qui semblent longtemps ingrats et durs.

1572. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « William Cowper, ou de la poésie domestique (I, II et III) — I » pp. 139-158

Je m’arrangeai pour leur donner une chaleur de foyer, et j’ai, bien des nuits consécutives, trotté à travers la neige avec le soufflet sous mon bras au moment de m’aller coucher, pour aller donner le dernier coup de feu à la braise, de peur que la gelée ne les saisit avant le matin.

1573. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Le président Hénault. Ses Mémoires écrits par lui-même, recueillis et mis en ordre par son arrière-neveu M. le baron de Vigan. » pp. 215-235

Hénault avait quinze ans au moment des débuts de Massillon à Paris et de son premier éclat dans les chaires : ce fut son premier enthousiasme ; l’ambition de l’éloquence le saisit, et il voulut entrer à l’oratoire.

1574. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « L’abbé de Marolles ou le curieux — II » pp. 126-147

. — Ce serait un bonhomme, disait-il encore, s’il n’était point si cupide de gloire et si jaloux de tous ceux qui en ont acquis par leurs ouvrages, surtout en fait de traduction. » Dans tous ces passages, et dans d’autres que je supprime, Chapelain n’a pas manqué de bien saisir et de noter cette faculté (dirai-je heureuse ?)

1575. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Madame Swetchine. Sa vie et ses œuvres, publiées par M. de Falloux. »

De toute manière, j’aurais sauté à pieds joints sur la zone tempérée, car je n’ai jamais pu, en rien, saisir le milieu… » C’est alambiqué en diable, c’est subtil, mais c’est curieux.

1576. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Merlin de Thionville et la Chartreuse du Val-Saint-Pierre. »

C’est le même qui, au 10 août, apercevant le duc de Choiseul qui se défendait dans une allée des Tuileries, l’épée à la main, contre les assaillants furieux, le saisit, l’entraîne jusque dans l’Assemblée, et, pour être plus sûr de l’avoir sauvé, le fait asseoir à côté de lui.

1577. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « La comtesse de Boufflers. »

Je me rappelle que dès les premiers jours que j’eus l’honneur d’être admis auprès de lui, si je me trouvais assis et que le prince de Conti, en se promenant de long en large dans la chambre, s’approchât pour me parler, je me levais sur-le-champ pour l’écouter, et il me faisait signe de me rasseoir ; enfin, à la quatrième fois, fatigué de voir que je ne saisissais pas assez son humeur, il me dit d’un air à moitié fâché : « Mais, mon « Dieu !

1578. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « La comtesse d’Albany par M. Saint-René Taillandier (suite et fin.) »

Ce caractère est le plus souvent délicat à saisir et à déterminer.

1579. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Sismondi. Fragments de son journal et correspondance »

Enfin, les nombreux villages placés comme l’aire d’un d’un aigle entre des rochers ou sur le penchant rapide des monticules, et les habitations rapprochées qui semblent les couvrir, animent la perspective et lui donnent le coup d’œil le plus romantique… » Romantique, je saisis le mot au passage ; il donne bien la date et trahit aussi la légère intention littéraire qui venait se mêler à ces instructions d’une économie rurale positive.

1580. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Dominique par M. Eugène Fromentin (suite et fin.) »

Fromentin dans ses tableaux et dans ses deux premiers ouvrages, il ne l’est point en vertu d’un choix et d’une prédilection particulière : il a vu l’Afrique tout d’abord et par occasion ; il en a été saisi et en a rapporté de vives images ; il nous l’a rendue sous toutes les formes.

1581. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Corneille. Le Cid(suite et fin.)  »

» C’est que Corneille sentait son public français, ce public si pressé, si impatient, avec lequel il faut saisir aux cheveux l’occasion, — l’occasion, cette déesse fugitive et si française elle-même, et qui, seule, donne la victoire.

1582. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Collé. »

Saisissez, que dis-je ?

1583. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Catinat (suite.). Guerre des Barbets. — Horreurs. — Iniquités. — Impuissance. »

» La stupeur dont fut saisie l’assemblée à cette proposition ne saurait se dépeindre : les Vaudois demandaient du secours, s’attendaient à la lutte, espéraient la victoire, et avant même qu’ils eussent combattu, on leur parlait d’accepter toutes les conséquences de la défaite.

1584. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Marie-Thérèse et Marie-Antoinette. Leur correspondance publiée par. M. le Chevalier Alfred d’Arneth »

Pour Madame, elle a plus d’esprit, mais je ne voudrais pas changer de réputation avec elle. » Il reste évident et plus qu’évident, par ces citations surabondantes, que Marie-Thérèse a parfaitement saisi le faible de sa fille et ce qui a annulé chez elle tant de nobles et charmantes qualités.

1585. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Mémoires de Malouet (suite.) »

Jean de Muller qui le vit à Berne a dit de lui : « Il aime à parler, sa conversation est instructive, et c’est un honnête homme. » (Études sur l’histoire littéraire de la Saisie française, par E.

1586. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Essai sur Talleyrand (suite.) »

Avait-il raison, au contraire, comme le soutient sir Henry Bulwer, de saisir avec habileté le joint et de ne pas manquer l’occasion de diviser tes grandes puissances ?

1587. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « DU ROMAN INTIME ou MADEMOISELLE DE LIRON » pp. 22-41

Ce sont des livres qui ne ressemblent pas à des livres, et qui quelquefois même n’en sont pas ; ce sont de simples et discrètes destinées jetées par le hasard dans des sentiers de traverse, hors du grand chemin poudreux de la vie, et qui de là, lorsqu’en s’égarant soi-même on s’en approche, vous saisissent par des parfums suaves et des fleurs toutes naturelles, dont on croyait l’espèce disparue.

1588. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME ROLAND — II. » pp. 195-213

La jeune fille forte, sensée, de l’imagination la plus droite et la plus sévère qui fût jamais, distingue du premier jour un être qui est l’assemblage de toutes les fadeurs et les niaiseries en vogue, et elle croit saisir en lui le type le plus séduisant de son rêve.

1589. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Boileau »

« La raison, dit Vauvenargues, n’était pas en Boileau distincte du sentiment. » Mademoiselle de Meulan (depuis madame Guizot) ajoute : « C’était, en effet, jusqu’au fond du cœur que Boileau se sentait saisi de la raison et de la vérité.

1590. (1861) La Fontaine et ses fables « Troisième partie — Chapitre II. De l’expression »

Quand La Fontaine vous dit que le « coq fut grippé », involontairement vous écartez les doigts et vous en faites des crochets comme pour saisir.

1591. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXVIIe entretien. Sur la poésie »

et quand la contemplation extatique de l’être des êtres lui fait oublier le monde des temps pour le monde de l’éternité, enfin quand, dans ses heures de loisir ici-bas, il se détache sur l’aile de son imagination du monde réel pour s’égarer dans le monde idéal, comme un vaisseau qui laisse jouer le vent dans sa voilure et qui dérive insensiblement du rivage sur la grande mer, quand il se donne l’ineffable et dangereuse volupté des songes aux yeux ouverts, ces berceurs de l’homme éveillé, alors les impressions de l’instrument humain sont si fortes, si inusitées, si profondes, si pieuses, si infinies dans leurs vibrations, si rêveuses, si extatiques, si supérieures à ses impressions ordinaires, que l’homme cherche naturellement pour les exprimer un langage plus pénétrant, plus harmonieux, plus sensible, plus imagé, plus crié, plus chanté que sa langue habituelle ; et qu’il invente le vers, ce chant de l’âme, comme la musique invente la mélodie, ce chant de l’oreille, comme la peinture invente la couleur, ce chant des yeux, comme la sculpture invente les contours, ce chant des formes ; car chaque art chante pour un de nos sens, quand l’enthousiasme, qui n’est que l’émotion de sa suprême puissance, saisit l’artiste.

1592. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série «  Paul Bourget  »

Il ne saisit expressément aucun lien de nécessité entre les œuvres et les producteurs, entre ceux-ci et les milieux sociaux, ni entre les époques successives.

1593. (1890) La fin d’un art. Conclusions esthétiques sur le théâtre pp. 7-26

À la porte du Grand Café, tout l’été, stationne une foule avide de saisir les notes aigrelettes d’approximatives tziganes ; — en face du passage des Panoramas, un autre groupe approuve chaque soir la succession d’annonces d’un transparent ; — place du Théâtre-Français, à minuit, une haie respectueuse admire la sortie des sociétaires ; — dans la rue, un cheval glisse, deux cochers se querellent, un agent paraît : c’est assez pour retenir les passants amusés… D’abord, on aime les spectacles et leur cuisine (à preuve, dans les journaux obséquieux, le développement de la rédaction théâtrale : critiques, soireux, échotiers, indiscrétionistes) : au besoin, on se contente du spectacle de tout ce qui se laisse écouter ou regarder.

1594. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre XX. La fin du théâtre » pp. 241-268

À la porte du Grand Café, tout l’été, stationne une foule avide de saisir les notes aigrelettes d’approximatifs tziganes ; — en face du passage des Panoramas, un autre groupe approuve chaque soir la succession d’annonces d’un transparent ; — place du Théâtre-Français, à minuit, une haie respectueuse admire la sortie des sociétaires ; — dans la rue, un cheval glisse, deux cochers se querellent, un agent paraît : c’est assez pour retenir les passants amusés… D’abord, on aime les spectacles et leur cuisine (à preuve, dans les journaux obséquieux, le développement de la rédaction théâtrale : critiques, soireux, échotiers, indiscrétionistes) : au besoin, on se contente du spectacle de tout ce qui se laisse écouter ou regarder.

1595. (1887) Discours et conférences « Réponse au discours de M. Louis Pasteur »

que d’efforts elle fait pour saisir l’insaisissable !

1596. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. Herbert Spencer — Chapitre I : La loi d’évolution »

Entre les divers exemples que l’auteur emprunte à la géologie, à la linguistique, à l’ethnologie, à la chimie, à l’industrie, au commerce, en voilà assez pour faire saisir sa pensée.

1597. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — Chapitre IV »

Augier ne remplit point — c’était impossible — ce sujet immense ; mais elle en indique vivement le trait distinctif, à savoir la prudence anticipée, le souci précoce, le froid hors de saison, dont est saisie la jeunesse, qui, dès le printemps, entrevoit l’hiver, et tremble d’avance.

1598. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Œuvres de Barnave, publiées par M. Bérenger (de la Drôme). (4 volumes.) » pp. 22-43

Ici, dans ces Œuvres, c’est l’homme au contraire qu’on saisit, c’est la nature et la qualité de l’esprit encore plus que celle du talent, c’est la personne morale.

1599. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) «  Mémoires et correspondance de Mme d’Épinay .  » pp. 187-207

Ce caractère de Mlle d’Ette est admirablement saisi et rendu ; c’est par la peinture des caractères, par le développement et le naturel des conversations que les Mémoires de Mme d’Épinay sont un livre unique.

1600. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Madame Geoffrin. » pp. 309-329

Plus d’un grand politique se serait bien trouvé, même de nos jours, d’avoir présente cette maxime, qu’elle avait coutume de répéter : « Les gens d’esprit font beaucoup de fautes en conduite, parce qu’ils ne croient jamais le monde aussi bête qu’il est. » Les neuf lettres d’elle qu’on a publiées, et qui sont adressées au duc de Richelieu pendant la campagne de 1743, nous la montrent en plein manège d’ambition, travaillant à se saisir du pouvoir pour elle et pour son frère le cardinal, dans ce court moment où le roi, émancipé par la mort du cardinal de Fleury, n’a pas encore de maîtresse en titre.

1601. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Procès de Jeanne d’arc, publiés pour la première fois par M. J. Quicherat. (6 vol. in-8º.) » pp. 399-420

Michelet a bien saisi la pensée même du personnage, qu’il a rendu avec vie, avec entrain et verve, le mouvement de l’ensemble, l’ivresse de la population, ce cri public d’enthousiasme qui, plus vrai que toute réflexion et toute doctrine, plus fort que toute puissance régulière, s’éleva alors en l’honneur de la noble enfant, et qui, nonobstant Chapelain ou Voltaire, n’a pas cessé de l’environner depuis.

1602. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Diderot. (Étude sur Diderot, par M. Bersot, 1851. — Œuvres choisies de Diderot, avec Notice, par M. Génin, 1847.) » pp. 293-313

Goethe, toujours plein d’une conception et d’une ordonnance supérieures, a essayé d’y trouver un dessin, une composition, une moralité : j’avoue qu’il m’est difficile d’y saisir cette élévation de but et ce lien.

1603. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Essai sur Amyot, par M. A. de Blignières. (1 vol. — 1851.) » pp. 450-470

Il saisit une occasion que lui offrait M. de Morvilliers, de Bourges, nommé ambassadeur à Venise, et il le suivit au-delà des monts63.

1604. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Mémoires du cardinal de Retz. (Collection Michaud et Poujoulat, édition Champollion.) 1837 » pp. 40-61

Lorsque Saint-Simon, de son côté, nous peint les délices et le chatouillement qu’il éprouve à pouvoir observer les visages et les physionomies de la Cour dans les grandes circonstances qui mettent les passions et les intentions secrètes à nu, il ne s’exprime pas avec un sentiment plus vif de délectation que Retz nous rendant sa jouissance à l’idée de se saisir du rôle tant souhaité : on en pourrait conclure que l’un était dans son centre comme observateur, et l’autre comme agitateur, artistes tous deux en leur sens, et consolés après tout par leur imagination, quand il leur est donné de raconter leur plaisir passé et de le décrire.

1605. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Le Brun-Pindare. » pp. 145-167

Le Brun, qui avait dans le talent des côtés grandioses, et de qui l’instinct lyrique cherchait partout autour de lui des sujets, saisit avidement celui qui lui permettait d’évoquer l’Ombre de Corneille, et de la mettre en face de Voltaire.

1606. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Œuvres de Louis XIV. (6 vol. in-8º. — 1808.) » pp. 313-333

Mazarin, qui l’avait démêlé dans les dernières années, lui avait donné en conversant des conseils d’homme d’État, que le jeune homme avait saisis aussitôt mieux que n’auraient fait bien des esprits réputés plus cultivés et plus fins.

1607. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « M. Necker. — II. (Fin.) » pp. 350-370

Chacun de ces instants est gravé dans ma mémoire… J’avais obtenu le retour de la paix, je l’avais obtenu sans autre moyen que le langage de la raison et de la vertu : cette idée me saisissait par toutes les affections de mon âme, et je me crus un moment entre le ciel et la terre.

1608. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Monsieur Arnault, de l’Institut. » pp. 496-517

Il avait mieux que de l’esprit ; mais il ressemblait en cela à ces figures qui, pour paraître belles, veulent être placées à une certaine hauteur et vues en perspective ; de près, l’œil qui ne peut en saisir l’ensemble leur accorde moins d’attention qu’à une miniature.

1609. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre cinquième. Principales idées-forces, leur genèse et leur influence — Chapitre sixième. Genèse et action des idées de réalité en soi, d’absolu, d’infini et de perfection »

Bref, nous ne saurions nous abstraire entièrement, nous, notre sensibilité et nos formes intellectuelles, des objets de notre connaissance ; nous ne pouvons jamais les saisir que par rapport à nous et en nous.

1610. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Ivan Tourguénef »

Ses femmes passent par toutes les dégradations variables de leur nature, et chacune, de la jeune fille à l’aïeule, possède quelque particularité originale et illogique, quelque trait réellement vivant, qu’aucune classification ne peut saisir, M. 

1611. (1886) Quelques écrivains français. Flaubert, Zola, Hugo, Goncourt, Huysmans, etc. « Émile Zola » pp. 70-104

La Mme Lerat, de L’Assommoir, le sous-préfet de Poizat, le louche et gai bohème Gilquin, Lantier pâle, lent et ravageur, le marquis de Chouard, Trublot, sont tous admirablement saisis et jetés dans la vie commune, parlent et agissent avec des façons, des physionomies uniques.

1612. (1913) Essai sur la littérature merveilleuse des noirs ; suivi de Contes indigènes de l’Ouest-Africain français « Essai sur la littérature merveilleuse des noirs. — Chapitre I. »

Il ne peut saisir pour quelle raison l’Européen, qui affiche souvent l’incrédulité, peut s’intéresser à des récits de vieillards ou d’enfants.

1613. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Ernest Hello » pp. 207-235

Il repart : « Il y a en Hello — continue-t-il — des hauteurs que je ne puis mesurer et des abîmes sur le bord desquels le vertige me saisit.

1614. (1868) Curiosités esthétiques « VI. De l’essence du rire » pp. 359-387

Le comique significatif est un langage plus clair, plus facile à comprendre pour le vulgaire, et surtout plus facile à analyser, son élément étant visiblement double : l’art et l’idée morale ; mais le comique absolu, se rapprochant beaucoup plus de la nature, se présente sous une espèce une, et qui veut être saisie par intuition.

1615. (1922) Durée et simultanéité : à propos de la théorie d’Einstein « Chapitre I. La demi-relativité »

C’est d’elle que le philosophe doit partir, c’est à elle qu’il devra constamment se reporter, s’il veut saisir le sens véritable des considérations de temps dans la théorie de la Relativité.

1616. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre X. »

Désormais, quelle que soit la gloire des Hellènes, quelles que soient les allusions qu’il y fait encore, on sent comme une sorte de réserve et une pudeur douloureuse mêlées à l’enthousiasme dont il est saisi.

1617. (1889) La littérature de Tout à l’heure pp. -383

George Ohnet et j’avoue pourtant mal saisir les différences, être même exposé, un jour que je serais pressé, trop pressé pour évaluer un plus ou moins d’adresse, à classer sous la même étiquette ces deux romanciers ; pourtant les lecteurs de M.  […] Pausanias, éveillé en sursaut, craignant une attaque de quelque meurtrier, saisit son épée et tua sa maîtresse. […] Peut-être la nature même de son talent, si souple, si divers, ingénieux à saisir tous les procédés, ne lui permettait pas cette unité de vues où il faut se réduire pour l’unité de l’œuvre. […] Il en a suivi sur cette physionomie jamais immobile la multiple et fuyante expression, il en a saisi l’insaisissable. […] De loin toujours, on croirait que c’est l’empire du repos et de l’indifférence ; et sitôt qu’on y regarde on voit bien que c’est un centre de terrible activité : seulement, de cette activité on ne saurait saisir le but.

1618. (1939) Réflexions sur la critique (2e éd.) pp. 7-263

Il est de ceux qui peuvent fondre en un personnage les sentiments qu’une froide logique apercevra comme les plus contradictoires : la ligne de vie, saisie par l’intuition du romancier, n’en déploie que plus de souplesse et de joie à tout réunir par une courbe unique, à dresser devant nous une figure qui demeure. […] Or, dans sa thèse sur la Jeunesse de Constant, arrivé aux rapports de Constant et de son père, il écrit : « On saisit mal comment Juste Constant, qui ne vécut pas beaucoup avec son fils durant ses vingt premières années, et qui n’eut jamais avec lui de conversation suivie, put avoir une influence à la fois si intermittente et si décisive. […] Un bon enquêteur doit faire son petit Socrate, savoir accoucher les esprits, discerner les boniments, les intérêts, les vanités, laisser voir au lecteur qu’il les discerne, saisir les enquêtés tout vifs dans leur robe de chambre, répandre sur le tout une poudre légère d’ironie. […] Le mot immédiation naît des problèmes mêmes de la vie intérieure ; aperception nous rappelle le courant leibnizien et l’atmosphère où pense Biran ; et le problème éternel de la philosophie, c’est l’effort du philosophe pour saisir l’absolu en lui, ce qui apparaît clairement dans la phrase de Biran et disparaît de celle de Taine. […] Balzac a saisi, avec une somme d’intuition unique dans l’histoire littéraire, la France de son temps, son élan, sa marche à la vie.

1619. (1856) Articles du Figaro (1855-1856) pp. 2-6

Si vous ne savez pas la saisir et la fixer dans votre œuvre, c’est que le côté interne des choses et des hommes vous échappe ; vous n’êtes réaliste qu’à demi, vous calquez, vous ne peignez pas ; vous êtes un faiseur de procès-verbaux et de croquis, non un jugeur d’hommes et un penseur, vous n’êtes pas l’héritier de Balzac, vous êtes l’élève de Daguerre. […] » Enfin, tu as été témoin de la manière dont l’avoué traite sa femme, avec quel sans-façon il lui répond, et les moindres occasions qu’il saisit pour l’humilier. […] Tandis qu’il y montait en murmurant avec reconnaissance : — « L’amitié d’un grand homme est un bienfait des dieux… » — il fut saisi d’un vertige inexplicable, et commit la faute énorme — le malheureux !  […] De cette hauteur, il ne saurait saisir qu’un murmure de voix confuses ; aussi, la société a-t-elle en lui un écho puissant, mais incomplet.

1620. (1856) À travers la critique. Figaro pp. 4-2

Essayez de soumettre au crible de la pensée ce style fabriqué avec des couleurs reposant sur un nuage, votre entendement ne saisira que le vide. […] Je m’empresse de garnir ma palette, de saisir mes pinceaux et de peindre, — au lieu du front puissant de M.  […] Fiorentino est souvent de l’eau claire, qui filtre entre les doigts de qui s’efforce de la saisir), mais entre les répugnances d’Adolphe Adam et l’approbation de M.  […] La vérité est que ce soir-là, soit émotion bien naturelle après une absence assez longue, soit fatigue ou enrouement qui avait saisi le chanteur à la gorge, jamais Roger ne fut moins le maître d’une voix momentanément altérée.

1621. (1907) Le romantisme français. Essai sur la révolution dans les sentiments et dans les idées au XIXe siècle

Au premier contact de l’humanité et de la vie vraies, un effroi doit saisir le malheureux enivré d’une présomption aussi fabuleuse. […] Où te saisir, Nature infinie ! Où vous saisir, mamelles, sources de toute vie, auxquelles terre et ciel sont suspendus, vous, vers qui se presse la poitrine flétrie ? […] Sous les personnages qu’il a figurés et les vicissitudes de sa vie, on retrouve un fond constant d’indépendance effrénée, un quant à soi impérieux et tenace, une joie d’oiseau sauvage à se saisir à tout pour s’évader de tout. […] Des scélérats qui demeurent saisis devant leur scélératesse et qui disent Voyez !

1622. (1857) Causeries du samedi. Deuxième série des Causeries littéraires pp. 1-402

C’était là le texte, le point de départ, l’occasion à saisir pour rendre à Dieu ce qui est à Dieu, et pour forcer le fier Sicambre, — qui n’était pas fier du tout dans ce moment-là, — à adorer, ce qu’il avait brûlé, et à brûler ce qu’il avait adoré. […] Comment un talent si excessif, si naturellement porté à tout voir à travers un verre grossissant, aurait-il pu saisir et rendre ces délicatesses exquises, ces demi-teintes impalpables, auxquelles un homme du monde, à talent égal, oserait à peine toucher ? […] Je fus saisi d’horreur à la vue de cette feuille, qui insulte avec autant d’insolence que de platitude à tout ce qu’il y a de plus sacré. […] Et, si l’on parvient à saisir ce trait d’union, cette soudure, ces enclaves entre ce qui tombe et ce qui commence, n’y aura-t-il pas, dans cette étude, un sujet de réflexions fécondes, applicables aux époques suivantes et même à la nôtre ? […] Voilà ce que M. d’Haussonville a saisi et indiqué avec un tact infini, et ce qui prouve que, dans cette façon d’écrire l’histoire, la liberté des jugements se concilie fort bien avec l’élévation et le respect.

1623. (1898) Impressions de théâtre. Dixième série

Je dois confesser aussi que, si je puis lire l’italien, je ne suis pas capable, non plus que les neuf cent quatre-vingt-dix-neuvièmes des Parisiens, de le saisir à l’audition, sinon par bribes ou, à tout mettre au mieux, par lambeaux. […] Mais, d’être réduits, sur ce point, à deviner son talent, cela nous la rend plus intéressante encore et plus chère, par une sorte de complicité et de quasi-collaboration Et enfin, si nous ne pouvons concevoir dans le détail l’intelligence et la finesse de sa diction, il nous reste le son de sa voix, la qualité émotive de ses intonations, dont nous saisissons du moins le rapport avec le sens général de ses discours ; il nous reste sa mimique, et il nous reste sa figure. […] Charles-Marc Des Granges vient de donner sur Geoffroy, le fondateur du feuilleton et presque de la critique dramatique, un livre extrêmement consciencieux, pénétrant, plein d’idées, tout à fait intelligent, mais si minutieux, si inexorablement complet et, comme la plupart des thèses de doctorat, d’une étendue si disproportionnée avec son objet, que, l’ayant lu, et avec le plus vif plaisir, j’ai finalement quelque peine à y bien saisir Geoffroy lui-même, à cause de la quantité des angles sous lesquels on me l’a montré, et que je ne sais plus comment dégager sa vraie figure de ces innombrables chapitres analytiques où on me l’a débitée en petits morceaux. […] Il y a là, fort bien saisi par M.  […] On les a laissés seuls ; et Julie, comme par hasard, se trouve, avant le diner, décolletée et les bras nus, sous prétexte d’un bal où elle doit aller le soir ; et Antonin, qui ne l’aime pas, mais qui a du sang, est troublé par ces bras : il en saisit un, qu’il baise goulûment et que Julie, révoltée d’abord, puis complaisante par réflexion, revient elle-même lui poser sous la moustache… Du coup, le garçon se décide à la demande officielle… Le mariage se fait, — pour se défaire bientôt, ne reposant que sur le mensonge.

1624. (1910) Propos de théâtre. Cinquième série

Les femmes d’un roi nègre à la vue des menus objets d’art qu’on leur apportait en présent furent saisies d’une hilarité orageuse. […] Après tout, je suis assez ignorant ; Georges Brandès est peut-être un contemporain de Shakespeare. « Quelque chose comme de la vénération nous saisit au seuil de cette tragédie ; un sentiment semblable à celui qu’on éprouve au seuil de la Chapelle Sixtine avec ses peintures de Michel Ange. […] 2° A-t-il de lui-même saisi au vol le sujet, qu’il savait que Corneille avait adopté? […] Il conçoit un idéal et ne le saisit jamais. […] Mais quand on lit des articles de critique de George Sand, il faut user d’un procédé analogue : saisir les idées principales et les remettre dans l’ordre naturel et logique qu’elles devraient avoir.

1625. (1904) Propos littéraires. Deuxième série

. — Et voyez comme, dans cet exemple récent, partant plus clair et plus facile à saisir, l’art et la science concourent sans se concerter, et se donnent mutuellement appui et secours. […] La lecture de l’Encyclopédie est donc chose extrêmement utile pour mettre au point, si l’on peut ainsi dire, le xviiie  siècle, et pour en saisir l’esprit général, l’esprit commun, l’esprit courant. […] Professeur de « logique », il fit en 1856, dans un lycée, un cours de philosophie… Les jeunes gens ne peuvent pas saisir ce que ces mots, qui paraissent simples, contiennent d’énormités. […] Dans tout ce qu’il lisait, dans tout ce qu’il voyait, dans ce qu’il entendait autour de lui, il saisissait immédiatement « l’article à faire » et qui était toujours celui que le public attendait. […] S’il a saisi l’évolution de l’abstraction considérée en sa généralité, l’évolution de la faculté abstractive, il a fait plus, plus intéressant peut-être encore.

1626. (1890) Nouvelles questions de critique

Saisissons donc cette occasion de renvoyer M.  […] Je voudrais seulement que son dessein fût quelquefois encore plus net, que les grandes lignes en fussent plus faciles à saisir, et surtout que son style, moins monotone, moins froid, moins triste, fût moins constamment le style de la dissertation. […] Pellissier la saisît, et qu’il écrivit, qu’il esquissât du moins un chapitre de notre histoire littéraire qui nous manque. […] Et le talent consistera, sous la mobilité des apparences, à saisir d’abord, et à fixer ensuite, ce qui ne s’atteint, comme étant caché, qu’à force d’observation, de patience, et de désintéressement. […] Ou, en d’autres termes encore, plus généraux, cela veut dire qu’entre la nature et nous il y a des « correspondances », des « affinités » latentes, des « identités » mystérieuses, et que ce n’est qu’autant que nous les saisissons, que, pénétrant à l’intérieur des choses, nous en pouvons vraiment approcher l’âme.

1627. (1913) Poètes et critiques

Cette édition est épuisée, et l’exemplaire vaut déjà quatre fois son prix ; les exemplaires de l’édition saisie sont introuvables. […] Charles IX, Gustave-Adolphe, Christine passent ainsi devant l’imagination avec des expressions de visage qui la saisissent, avec des traits de physionomie morale si expressifs et si parlants que la mémoire en demeure hantée. […] Même, lorsque l’ouvrage avait tout d’abord paru dans un journal ou dans une Revue, je me suis reporté le plus souvent que j’ai pu au texte primitif, afin de saisir, tout près de la source, la pensée de Taine. […] À quelques traits, d’une fidèle et expressive précision, saisis au vol par des yeux ravis : En robe grise et verte avec des ruches, ou par une oreille charmée : Sa voix était de la musique fine, on peut déjà prévoir ce que deviendra cet art, quand le poète aura été vraiment bouleversé par ses émotions et qu’ayant bu la plus amère lie de la tristesse humaine ou savouré le vin miraculeux de la divine charité, il laissera monter uniquement les cris du cœur, dans leur naïveté que rien n’imite, n’embellit, ne remplace, n’égale. […] Dans tous les cas, c’est aux chansons des fées d’Obéron et de Titania, au chant du coucou de Love’s labour’s lost, aux gémissements merveilleux d’Amiens dans la pièce As you like it, à la chanson d’Autolycus dans Winter’s tale qu’il songe en répétant ce cri shakespearien : « De la musique encore et toujours » et en transposant, avec son goût si fin, cette image de Twelfth Nigth : « le souffle doux du vent qui a passé sur une rangée de violettes » : Que ton vers soit la bonne aventure Éparse au vent crispé du matin Qui va fleurant la menthe et le thym… Mais si Verlaine a mieux saisi, s’il a pu définir la pure ligne de son art, en relisant Shakespeare, c’est que les déchirures de son cœur avaient ravivé et exalté au plus haut point sa sensibilité, c’est que la destinée, en infligeant à sa jeunesse dévoyée le bienfait du malheur, lui avait révélé son âme.

1628. (1928) Quelques témoignages : hommes et idées. Tome II

Permettez-moi d’ajouter encore quelques mots pour vous dire qu’un autre sentiment, d’ordre général et philosophique celui-là, me saisit devant votre assemblée, celui de me trouver en présence des représentants d’une des plus hautes éthiques intellectuelles que nous possédions. […] Ces lois de l’enfer mental, Dupré en saisissait le jeu, il avait, devant elles, cette sensation de la découverte qui faisait crier au savant grec l’Eurêka de la légende. […] Les différences entre un soldat, un ouvrier, un administrateur, un avocat, un oisif, un savant, un homme d’État, un commerçant, un marin, un prêtre, sont, quoique plus difficiles à saisir, aussi considérables que celles qui distinguent le lion, l’âne, le corbeau, le requin, la brebis, etc. […] En 1918 l’a saisi à la gorge, a pris une part prépondérante à la victoire. […] Une équipe se recruta de la sorte où il s’accomplit, à l’insu de ses bénéficiaires, un travail de correction par le voisinage, dont nous saisissons à distance l’heureuse issue, qui ne fut sans doute voulu que d’instinct par Buloz, l’animateur du groupe.

1629. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre II. Le théâtre. » pp. 2-96

Tout inconnu est saisi, interrogé ; s’il ne peut rendre bon compte de lui-même, les stocks 23 de la paroisse sont là pour meurtrir ses jambes ; comme dans un régiment, il passe pour un espion et pour un ennemi. […] Les puissantes voix tendues grondent : jamais ils ne souffriront qu’un chien accapare leur prince, les dépossède de leur rang48. « Pour voir sa charogne naufragée sur la côte, il n’y a pas un de nous qui ne crevât son cheval. » « Nous le traînerons par les oreilles jusqu’au billot. » Ils l’ont saisi, ils vont le pendre à une branche ; ils refusent de le laisser parler une seule minute au roi. […] Dans l’enchevêtrement et la complexité infinie des choses, ils saisissent un petit nombre d’idées simples qu’ils assemblent en un petit nombre de façons simples, en sorte que l’énorme végétation embrouillée de la vie s’offre désormais à l’esprit tout élaguée et réduite, et peut être embrassée aisément d’un seul regard.

1630. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Gui Patin. — I. » pp. 88-109

En avançant dans la lecture de Gui Patin, nous verrons qu’il n’avait point sans doute l’esprit philosophique et méthodique dans le sens général du mot ; il n’est point à cet égard de la famille de Descartes, il est de ces esprits à bâtons rompus, si je puis dire, et qui ne vont pas jusqu’au bout d’une conséquence ; mais il a tout ce que le bon sens à première vue saisit et appréhende, et il le rend avec des jets de verve, avec des éclats de causticité qui sont amusants.

1631. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Étienne de La Boétie. L’ami de Montaigne. » pp. 140-161

Au premier signal des discordes et des déchirements civils, l’horreur et le dégoût le saisissent ; il veut fuir, il ne peut habiter dans le désordre et dans le sang ; il est prêt à renoncer même à la patrie pour retrouver la paix, la règle, la sécurité et la décence de la vie.

1632. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Sénac de Meilhan. — II. (Fin.) » pp. 109-130

Voici sous quel profil assez imposant il aime à s’offrir à nous, et, dans sa prétention soit à se montrer, soit à se dérober, on peut encore saisir les défauts : Mon esprit est un terrain très inégal ; il est de plusieurs côtés borné à un point qu’on n’imaginerait pas ; il est dans d’autres parties très étendu.

1633. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « [Chapitre 5] — III » pp. 132-153

Il discutait peu, il discutait mal ; mais il saisissait le bon et le grand : faible de raisons, fort de persuasion.

1634. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Histoire de la querelle des anciens et des modernes par M. Hippolyte Rigault — II » pp. 150-171

En un endroit, à propos d’un passage d’Horace (« pallida Mors aequo pulsat pede… »), il raille le plus joliment du monde les traducteurs de son temps, les oppose les uns aux autres, leur soutient qu’ils ne sont jamais bien sûrs de saisir la nuance exacte et vraie de ce qu’ils admirent si fort chez les anciens, et conclut qu’ils ne font le plus souvent que la soupçonner et la deviner.

1635. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) «  Essais, lettres et pensées de Mme  de Tracy  » pp. 189-209

Évidemment, tout l’art de vieillir est de quitter, quand l’heure est venue, les désirs et les passions qui nous quittent ; de ne pas se faire une passion unique et fixe de celle qui n’a qu’un temps et ne doit avoir qu’une ou deux saisons ; de ne point opiniâtrer son imagination en arrière ; d’adoucir par degrés quelques-unes de nos passions, et de les terminer en goûts ; de saisir à propos, d’avancer, s’il se peut, quelques-uns de nos goûts derniers et durables et d’en faire presque des passions.

1636. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Œuvres de Louise Labé, la Belle Cordière. »

J’y lis tout à côté de belles et dignes Stances à Alfred de Musset, ce frère puîné de Louise Labé ; écrites au lendemain même de sa mort, elles sont toutes pénétrées de son immortel sanglot ; en voici quelques notes vibrantes : Parmi nous maint poëte à la bouche inspirée Avait déjà rouvert une source sacrée ; Oui, d’autres nous avaient de leurs chants abreuvés ; Mais le cri qui saisit le cœur et le remue, Mais ces accens profonds qui d’une lèvre émue Vont à l’âme de tous, toi seul les as trouvés.

1637. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Entretiens sur l’architecture par M. Viollet-Le-Duc (suite et fin.) »

On le sait, le grand roi se flattait d’avoir le compas dans l’œil ; il se piquait, à la simple vue, de saisir la moindre irrégularité dans la pose d’une pierre, dans le tracé d’une fenêtre : il était esclave de la symétrie.

1638. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Jean-Bon Saint-André, sa vie et ses écrits. par M. Michel Nicolas. (suite et fin.) »

J’ai essayé de les apprécier équitablement, d’y saisir et de faire toucher le lien qui les unit à distance, de dégager l’unité de l’homme à travers les disparates de la vie, et, bien que sans aucun goût (tant s’en faut !)

1639. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Madame Roland, ses lettres à Buzot. Ses Mémoires. »

La réaction, comme on dit, l’avait saisie, sans secousse d’ailleurs et d’un mouvement insensible.

1640. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Maurice comte de Saxe et Marie-Josèphe de Saxe, dauphine de France. »

Et puisque le nom de Denain se présente, je saisis l’occasion de protester contre une singulière découverte que vient de faire un récent historien, secondé et suivi par le secrétaire perpétuel de l’Académie française.

1641. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Le Général Franceschi-Delonne : Souvenirs militaires, par le général baron de Saint-Joseph. »

Le médecin, le visitant l’avant-veille de sa mort, eut l’imprudence de dire en espagnol à l’aide de camp Bernard, assez haut pour être entendu : « Il est perdu : déjà les extrémités sont mortes. » Le général avait saisi les fatales paroles, et, avec le sourire le plus doux et le plus gracieux, il répondit au médecin par le vieil adage du pays : « Asi s’accavi la cuenta ! 

1642. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Œuvres françaises de Joachim Du Bellay. [I] »

Une noble idée d’émulation le saisit aussitôt.

1643. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « LE COMTE XAVIER DE MAISTRE. » pp. 33-63

» — Mais pour saisir ces choses véritables, comme M. de Maistre l’a fait dans son récit, pour n’en pas suivre un seul côté seulement, celui de la foi fervente qui se confie et de l’héroïsme ingénu qui s’ignore, pour y joindre, chemin faisant et sans disparate, quelques traits plus égayés ou aussi la vue de la nature maligne et des petitesses du cœur, pour ne rien oublier, pour tout fondre, pour tout offrir dans une émotion bienfaisante, il faut un talent bien particulier, un art d’autant plus exquis qu’il est plus caché, et qu’on ne sait en définitive si, lui aussi, il ne s’ignore pas lui-même.

1644. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. CHARLES MAGNIN (Causeries et Méditations historiques et littéraires.) » pp. 387-414

Tel, dans les portraits qu’il trace, se mire toujours un peu ; sous prétexte de peindre quelqu’un, c’est souvent un profil de lui-même qu’il cherche à saisir.

1645. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « LES JOURNAUX CHEZ LES ROMAINS PAR M. JOSEPH-VICTOR LE CLERC. » pp. 442-469

On en saisit mieux certaines masses et certains points isolés, et l’on croit d’autant mieux les tenir que le reste se dérobe davantage.

1646. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « HISTOIRE DE LA ROYAUTÉ considérée DANS SES ORIGINES JUSQU’AU XIe SIÈCLE PAR M. LE COMTE A. DE SAINT-PRIEST. 1842. » pp. 1-30

Mais saint Colomban, arrivé tout exprès d’Irlande en France, y saisit en main l’influence religieuse, contrarie les directions romaines et se pose en ennemi mortel de Brunehaut.

1647. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « M. DE BARANTE. » pp. 31-61

Ce dernier, plus jeune, moins engagé, fut aussi celui qui résuma le plus nettement. « L’auteur du Discours dont il s’agit, écrivait Mme de Staël, est peut-être le premier qui ait pris vivement la couleur d’un nouveau siècle. » Cette couleur consistait déjà à réfléchir celle du passé et à la bien saisir plutôt qu’à en accuser une à soi.

1648. (1862) Cours familier de littérature. XIII « LXXVe entretien. Critique de l’Histoire des Girondins (6e partie) » pp. 129-176

Quand les exécuteurs voulurent saisir Camille pour le lier comme les autres, il lutta en désespéré contre ces préparatifs qui ne lui laissaient plus de doute sur la mort.

1649. (1869) Cours familier de littérature. XXVII « CLXIe Entretien. Chateaubriand »

Mais après avoir passé trente lunes à Saint-Augustin, Chactas fut saisi du dégoût de la vie des cités : « Je dépérissais à vue d’œil : tantôt je demeurais immobile pendant des heures à contempler la cime des lointaines forêts ; tantôt on me trouvait assis au bord d’un fleuve que je regardais tristement couler.

1650. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXVIIIe entretien. Fénelon, (suite) »

XL Une fièvre, dont la cause était l’âme, saisit Fénelon le premier jour de l’année 1715 ; elle consuma en six jours le peu de vie que les années, le travail et la douleur avaient épargné dans ce cœur qui avait tout prodigué aux hommes.

1651. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre I. Littérature héroïque et chevaleresque — Chapitre III. L’Histoire »

Très proche encore des chansons de geste, il en a le ton, les formules, la couleur : mais, à l’exemple des traducteurs du faux Turpin, il allège le genre du poids inutile des rimes, simple embarras quand elles ne sont pas moyen d’art et forme de poésie ; d’autre part, suivant les premiers narrateurs des croisades, et plus rigoureux qu’eux encore, il saisit les événements avant toute déformation, tels que ses yeux, et non son imagination, les lui donnent : enfin, de la même épopée qui achevait en ce temps-là de dégénérer en roman, il dégage définitivement l’histoire.

1652. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre I. Renaissance et Réforme avant 1535 — Chapitre II. Clément Marot »

Il avait parmi les livres qu’on saisit en 1534 un Boccace, la Célestine, les Églogues de Virgile.

1653. (1765) Articles de l’Encyclopédie pp. 7761-7767

Les ouvrages de Raphael frappent peu au premier coup-d’oeil ; il imite si bien la nature, que l’on n’en est d’abord pas plus étonné que si l’on voyoit l’objet même, lequel ne causeroit point de surprise : mais une expression extraordinaire, un coloris plus fort, une attitude bisarre d’un peintre moins bon, nous saisit du premier coup-d’oeil, parce qu’on n’a pas coûtume de la voir ailleurs.

1654. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre premier »

Les rapports qu’il saisit et qu’il exprime, à la différence de ceux que perçoit le génie et dont l’homme en général est l’objet, ne sont-ils pas plus propres à un pays particulier, à une certaine forme de société, à des mœurs locales ?

1655. (1887) Discours et conférences « Rapport sur les prix de vertu lu dans la séance publique annuelle de l’Académie française »

À eux deux, ils saisissent le tuyau de la pompe, visent le foyer ardent, le maîtrisent.

1656. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XI. La littérature et la vie mondaine » pp. 273-292

Sans compter que les réunions du monde sont les endroits où le ridicule est le mieux senti, le mieux saisi, le mieux raillé !

1657. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXXVII et dernier » pp. 442-475

Je ne songe plus à me retirer. » La dévotion de madame de Montespan n’était pas si profonde qu’elle ne saisit toutes les occasions de nuire à madame de Maintenon.

1658. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre IV, Eschyle. »

L’Etna fut le titre de son dernier drame : autre rêve qui saisit l’imagination.

1659. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — Chapitre II »

Néron — s’il m’est permis de passer du maraud au tyran et des petites maisons de la comédie à la ménagerie de l’histoire — Néron empoisonnera son frère, tuera sa mère, brûlera Rome, mais il jouera de la flûte sur cet amas monstrueux de ruines et de crimes, et le seul remords qu’il éprouvera lorsqu’il saisira, d’une main énervée, l’épée du suicide, ce sera celui de priver le monde d’un virtuose tel que lui : Qualis artifex pereo !

1660. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — CHAPITRE XIV »

A peine est-il au fond de la chambre, qu’elle saute sur le coffre-fort et y saisit les papiers de Claude.

1661. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Chansons de Béranger. (Édition nouvelle.) » pp. 286-308

Le mouvement du refrain enlevait et sauvait tout ; mais, dès que le ballon n’est plus lancé et qu’il ne nage plus dans la lumière, on saisit de l’œil les défauts, les fissures et les coutures.

1662. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Lettres de Goethe et de Bettina, traduites de l’allemand par Sébastien Albin. (2 vol. in-8º — 1843.) » pp. 330-352

Il n’était pas un homme, pas une branche d’étude dont il ne s’enquit avec une curiosité, une précision qui voulait tout en savoir, tout en saisir, jusqu’au moindre repli.

1663. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Gil Blas, par Lesage. (Collection Lefèvre.) » pp. 353-375

Quand on vient de lire René pour la première fois, on est saisi d’une impression profonde et sombre.

1664. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « La duchesse du Maine. » pp. 206-228

L’admiration, l’enthousiasme dont il était saisi, lui inspirait des expressions qui répondaient à la mâle et harmonieuse énergie des vers grecs, autant qu’il est possible d’en approcher dans la prose d’une langue à peine tirée de la barbarie… Cependant M. de Malezieu, par des efforts que produisait un enthousiasme subit, et par un récit véhément, semblait suppléer à la pauvreté de la langue, et mettre dans sa déclamation toute l’âme des grands hommes d’Athènes.

1665. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « La Grande Mademoiselle. » pp. 503-525

Je ne la suivrai pas dans ses diverses compositions et rapsodies littéraires (portraits, romans de société), et j’arrive au grand événement de sa vie pour achever de la saisir.

1666. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mademoiselle de Scudéry. » pp. 121-143

Ce costume de mascarade était d’emprunt : ce qui lui était essentiel et propre, c’était la façon d’observer et de peindre le monde d’alentour, de saisir au passage les gens de sa connaissance, et de les introduire tout vifs dans ses romans, en les faisant converser avec esprit et finesse.

1667. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Lettres et opuscules inédits du comte Joseph de Maistre. (1851, 2 vol. in-8º.) » pp. 192-216

La nature a donné à son esprit ce coup d’œil à distance, cette prévision merveilleuse qui saisit et devance les moments décisifs, et il en abuse.

1668. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mémoires de Marmontel. » pp. 515-538

On y saisit à l’origine une nature prompte, facile, assez riche et très malléable, une nature très naturelle si je puis dire, ouverte, franche, assez fière sans orgueil, sans fiel et sans aucun mauvais levain.

1669. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Armand Carrel. — II. (Suite.) Janvier 1830-mars 1831. » pp. 105-127

Défiguré en plein visage à vingt-six ans par une horrible maladie qui sentait son Moyen Âge ou son xvie  siècle, il vivait à Paris de sa plume, nécessiteux, fier, ulcéré, s’échappant du milieu de ses besognes commandées en tirades éloquentes, saisi fréquemment d’accès de violence et de rage, envieux, misanthrope, et pourtant généreux par retours, applaudissant encore du fond de son malheur à ce qui annonçait quelque vigueur mêlée d’amertume.

1670. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Rollin. » pp. 261-282

Les générations d’aujourd’hui sont positives, sans rêverie, sans tristesse ; radicalement guéries du mal de René, elles ont en elles l’empressement d’arriver, de saisir le monde, de s’y faire une place, et d’y vivre de la vie qui leur semble due à chacun à son tour : générations scientifiques ou industrielles, peu idéales, avides d’application, estimables pourtant en ce que la plupart font entrer le travail dans leurs moyens et ne reculent point devant les études spéciales qui mènent au but.

1671. (1888) Préfaces et manifestes littéraires « Histoire » pp. 179-240

Mais les livres, les lettres, la bibliothèque et le cabinet noir du passé, ne seront point encore assez pour cet historien : s’il veut saisir son siècle sur le vif et le peindre tout chaud, il sera nécessaire qu’il pousse au-delà du papier imprimé ou écrit.

1672. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1881 » pp. 132-169

Les chapitres documentés de l’humanité la plus saisie sur le vif, n’ont pas l’air de porter.

1673. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre premier. La solidarité sociale, principe de l’émotion esthétique la plus complexe »

On le voit,, le beau est un agréable plus complexe et plus conscient, plus intellectuel et plus volontaire ; le sentiment du beau, c’est la jouissance immédiate d’une vie plus intense et plus harmonieuse, dont la volonté saisit immédiatement l’intensité et dont l’intelligence perçoit immédiatement l’harmonie.

1674. (1864) William Shakespeare « Deuxième partie — Livre II. Shakespeare — Son œuvre. Les points culminants »

Alcibiade n’est qu’Alcibiade, Pétrone n’est que Pétrone, Bassompierre n’est que Bassompierre, Buckingham n’est que Buckingham, Fronsac n’est que Fronsac, Lauzun n’est que Lauzun ; mais saisissez Lauzun, Fronsac, Buckingham, Bassompierre, Pétrone et Alcibiade, et pilez-les dans le mortier du rêve, il en sort un fantôme, plus réel qu’eux tous, don Juan.

1675. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Introduction »

Le champ de la vérité est immense, et nul ne peut l’embrasser tout entière ; nous n’en atteignons que quelques degrés, nous n’en saisissons que quelques parcelles.

1676. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre III : La science — Chapitre II : De la méthode expérimentale en physiologie »

Le corps humain est encore du domaine de l’objectif : c’est un objet extérieur susceptible d’être étudié comme tous les objets extérieurs ; ce qui se passe au contraire dans l’intérieur du sujet ne peut être saisi que par le sujet lui-même.

1677. (1694) Des ouvrages de l’esprit

L’on m’a engagé, dit Ariste , à lire mes ouvrages à Zoïle , je l’ai fait, ils l’ont saisi d’abord, et avant qu’il ait eu le loisir de les trouver mauvais, il les a loués modestement en ma présence, et il ne les a pas loués depuis devant personne : je l’excuse, et je n’en demande pas davantage à un auteur, je le plains même d’avoir écouté de belles choses qu’il n’a point faites.

1678. (1906) La nouvelle littérature, 1895-1905 « Deuxième partie. L’évolution des genres — Chapitre I. La critique » pp. 45-80

« Soyons simples, soyons clairs, ne raffinons ni notre esprit ni notre sensibilité ; ne nous appliquons jamais à éprouver ce que les autres n’éprouvent point, car nos ouvrages échapperaient à la compréhension, et une œuvre d’art est destinée à être saisie pour être aimée.

1679. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — Plan, d’une université, pour, le gouvernement de Russie » pp. 433-452

Je suppose que son esprit n’est pas assez avancé, et que la porte de l’université ne lui sera pas encore ouverte, s’il n’est pas en état de saisir les premiers principes de l’arithmétique, de toutes les sciences la plus utile et la plus aisée.

1680. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Le Prince » pp. 206-220

L’homme le plus sujet aux accès de l’inspiration pourrait lui-même ne rien concevoir à ce que j’écris du travail de son esprit et de l’effort de son âme, s’il était de sens froid, j’entends ; car si son démon venait à le saisir subitement, peut-être trouverait-il les mêmes pensées que moi, peut-être les mêmes expressions, il dirait, pour ainsi dire, ce qu’il n’a jamais su ; et c’est de ce moment seulement qu’il commencerait à m’entendre.

1681. (1759) Réflexions sur l’élocution oratoire, et sur le style en général

L’obscurité consiste à ne point offrir de sens net à l’esprit, la finesse à en présenter deux, un clair et simple pour le vulgaire, un plus adroit et plus détourné que les gens d’esprit aperçoivent et saisissent ; et pourquoi n’y aurait-il pas dans un discours d’éloquence des traits uniquement réservés aux seuls hommes dont l’orateur doit réellement ambitionner l’estime ?

1682. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « V. M. Amédée Thierry » pp. 111-139

L’éclat de rire va vous saisir avant que l’explication soit finie !

1683. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Pommier. L’Enfer, — Colifichets. Jeux de rimes. »

Ils se traînent, livides troupes, Saisis d’effroi, comme ces groupes De bœufs pesants aux fauves croupes, Menés de force à l’abattoir, Et, si quelqu’un d’entre eux s’attarde, Le rude argousin qui les garde Vient hâter sa marche — et lui larde Les flancs d’où jaillit un sang noir !

1684. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « III — La rentrée dans l’ordre »

Le hors nature veut dominer l’homme de nature, l’atrophié veut être plus fort que le sain, le serf plus véridique que le libre, le stérile plus riche que le fécond, le malade plus sain que le vivant… Il suffirait, semble-t-il, d’un moment de réflexion dans une humanité moins enténébrée de tradition, pour saisir immédiatement l’absurdité d’une telle prétention.

1685. (1919) L’énergie spirituelle. Essais et conférences « Chapitre IV. Le rêve »

Voilà l’instant à saisir.

1686. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Première partie — Chapitre II. Réalité des idées égalitaires »

Toutefois, élevons-nous au-dessus de notre temps, et comparons en bloc les théoriciens de notre civilisation avec ceux des civilisations archaïques, ou seulement nos écrivains du xixe  siècle avec ceux du xviie , nous mesurerons plus aisément le chemin parcouru par les sociétés : nous saisirons le mouvement d’ensemble par lequel des contemporains différents, et souvent ennemis, sont entraînés du même pas.

1687. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Deuxième partie — Chapitre I. La quantité des unités sociales : nombre, densité, mobilité »

À vrai dire, les voies et moyens de cette influence, il est souvent malaisé de les saisir ; mais que tout le monde ait de ses effets une conscience plus ou moins vague, les proverbes courants, les remarques banales, les conseils de la sagesse populaire suffiraient à le prouver.

1688. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXVIII. Des obstacles qui avaient retardé l’éloquence parmi nous ; de sa renaissance, de sa marche et de ses progrès. »

De là, souvent notre espèce d’incrédulité pour les mouvements extraordinaires et passionnés de l’âme ; de là, surtout, dans l’éloquence comme au théâtre, cette facilité à saisir les petites teintes de ridicule qu’une circonstance étrangère mêle quelquefois aux grandes choses, et qui, surtout, sont si voisines du pathétique que l’on cherche.

1689. (1908) Esquisses et souvenirs pp. 7-341

Enfin, un vertige de tourner nous saisit et nous nous mîmes à marcher très vite, en suivant d’autres ruelles de plus en plus à angle, et très noires, et qui, souvent, ne menaient à aucune issue. […] Soudain, je vis le Dieu saisir une de ces syrinx et l’approcher de ses lèvres. […] George a saisi d’un coup d’œil tout le côté extérieur de cette physionomie. […] Là, un soupçon le saisit et il jeta ses regards douloureux sur les belles ruines qu’il avait aidé à faire autour de lui. […] Le sublime, dans la nature comme dans les arts, pourrait être défini : ce qui incite à saisir tout d’une idée générale.

1690. (1903) Légendes du Moyen Âge pp. -291

Quand on les a passés, on arrive sur « une petite placette carrée », devant deux portes de métal qui « jour et nuit battent sans cesse », si bien qu’il semble qu’on n’y pourrait passer sans être saisi et mis en morceaux. […] La Légende du Tannhaüser58 Quand Richard Wagner, en 1842, composa son drame musical de Tannhäuser, il n’était pas encore en pleine possession de toutes les idées qu’il devait plus tard saisir et réaliser avec tant de force, mais elles flottaient déjà dans son esprit, et il avait au moins indiqué, dans le Vaisseau fantôme, celle qui les domine et les résume toutes et qu’il devait plus puissamment incarner dans le Tannhäuser. […] Écoute donc le conseil que je te donne : N’ajoute plus foi à des paroles extravagantes, et ne dors pas auprès d’une muraille chancelante. » Le renard lui répondit : « Dieu te jugera, puisque tu m’as trompé. — Il est des mensonges qui sont louables », répliqua le moineau ; « Dieu donne de grandes récompenses pour le mensonge qui préserve de la mort et du danger, ou qui sauve les autres hommes. » Le renard se cacha alors tout auprès et se mit à grimper pour saisir le moineau ; mais celui-ci lui lança de sa fiente aux yeux, en lui disant : « Ô insensé ! […] Le latin donne : Quod tuum est semper habe 191 ; cela manque un peu de clarté, mais le premier traducteur a assurément mieux saisi en traduisant : « Garde bien ce que tu auras. » De même que le conte du Barlaam, celui de la Disciplina a été séparé de l’ouvrage où il se trouve et recueilli isolément. […] (v. 212 à 213) « Le rien qui vaille, le misérable, monte en haut, saisit l’oiseau. » 256.

1691. (1888) Portraits de maîtres

Il fut dérobé de la sorte à ces accablements qui saisirent les écrivains de cet âge et qu’ont exprimés avec tant de profondeur Chateaubriand, Sénancour, Nodier à ses débuts et Mme de Staël, malgré ses retours à l’invincible espérance. […] À peine a-t-on ouvert le livre que l’invocation nous a saisis tout entiers, ravis sans retour possible. […] Je m’appris à couver longtemps une pensée, à en attendre l’éclosion pour la saisir du côté le plus favorable. […] L’antithèse est facile à saisir. […] Quoique plutôt nourri du génie latin, comme tous les hommes de sa génération, il était déjà saisi par cette nostalgie de la divine Hellade qu’éprouvent tous les artistes dignes de ce nom.

1692. (1885) Les étapes d’un naturaliste : impressions et critiques pp. -302

Quand les Girondins furent tombés sous le couteau, royalistes et modérés, d’une commune entente, saisirent le pouvoir et faillirent donner l’exemple d’une lutte intestine trop justifiée. […] En est-il de cette mélodie comme de ces assonances de la poésie espagnole que saisissent seules les oreilles du terroir ? […] Bien que chaque phrase rythmée doive former un tout, il y a un lien bien facile à saisir, un lien qui est dans l’idée extraite, pour ainsi dire, de l’idée de la phrase première, ou pour mieux dire, qui est l’expression seconde de cette idée.

1693. (1901) Des réputations littéraires. Essais de morale et d’histoire. Deuxième série

Depuis le jour où l’universelle fièvre m’a saisi, j’ai constaté chez moi une lamentable impuissance de mes facultés critiques. […] Il faut nous jeter dans la mêlée, veiller, courir, avoir l’œil à tout, ne point manquer le coche et saisir au vol l’occasion. […] Poussin disait : « La fin de la peinture est la délectation ; il me suffit bien de me pouvoir contenter moi-même », et Roll, notre grand contemporain : « L’idée d’un tableau me vient malgré moi, me saisit, m’empoigne ; il faut que je me mette à l’œuvre, coûte que coûte, quand même je saurais d’avance que personne ne comprendrait mon idée, ne partagerait mon sentiment. » Je vais conter trois anecdotes et produire trois cas psychologiques, où les fins connaisseurs du cœur humain verront, je crois, avec un intérêt profond, le même sentiment délicat, inconnu du vulgaire, particulier à l’âme des auteurs, s’élever progressivement, de l’ordre naturel, à la plus haute sublimité morale. […] Saisir la balle au bond ; flatter le goût régnant, qu’il fût bon ou mauvais ; exploiter la curiosité du public et même, une fois, le scandale du jour ; se ménager un appui auprès des puissances ; spéculer sur la vanité et sur la badauderie des hommes ; employer les trucs et la réclame ; rester cependant modeste et poli et ne jamais attaquer personne, pour demeurer, comme Sosie, « ami de tout le monde » : telles furent les habiletés par lesquelles Thomas Corneille sut être, de tous les auteurs dramatiques du xviie  siècle, celui qui obtint les plus grands succès et qui gagna le plus d’argent. […] J’en ai peur, à cause de l’ivresse qui va nous saisir, misérables plumitifs que nous sommes, quand nous nous croirons revêtus des insignes de la royauté, la couronne et le sceptre, n’ayant dans notre main qu’une vessie et sur la tête qu’un bonnet d’âne.

1694. (1836) Portraits littéraires. Tome I pp. 1-388

Il est peut-être difficile de saisir ce qu’il pense du type de ces monuments gigantesques. […] Les pensées de M. de Lamartine sur la Turquie ont un caractère plus direct et plus facile à saisir. […] Jusqu’ici le poète, uniquement occupé de ses sentiments personnels, n’avait saisi dans la nature extérieure que les traits les plus généraux, et ne s’était jamais arrêté à l’étude et à la peinture des détails. […] Le sujet lui-même, indépendamment de l’exécution, est neuf et bien saisi. […] Adolphe est comme une savante symphonie qu’il faut entendre plusieurs fois, et religieusement, avant de saisir et d’embrasser l’inspiration de l’artiste.

1695. (1891) La bataille littéraire. Quatrième série (1887-1888) pp. 1-398

C’est en s’éloignant de son tableau que le peintre en saisit mieux l’ensemble, en voit mieux saillir les défauts. […] … » J’étendis le bras, je saisis le poignard qu’il venait de poser sur la table. […] On conduisit Pœuf au poteau, à ce poteau d’aspect irrésolu dont je n’avais d’abord point saisi l’opportunité ; et, s’approchant, un officier, un jeune homme, déploya un papier, le lut à haute voix. […] Alors, Monseigneur fut saisi d’un grand tremblement. […] Une odeur forte de maladie et d’humidité, de fièvre et de moisissure, d’hôpital et de cave, nous saisit à la gorge.

1696. (1863) Causeries parisiennes. Première série pp. -419

De la dernière traduction de Platon il passait au vaudeville nouveau, sans que le lecteur vigilant pût saisir le moment précis où il commençait à préparer sa transition. […] Il n’est pas un incident de la politique étrangère, pas un crime domestique, pas une opération financière, pas une critique littéraire qui ne fournisse à l’autorité et à la presse une occasion, toujours saisie avec empressement, de m’adresser, sous une forme collective, les choses les plus flatteuses. […] Il saisit l’occasion d’un instant de silence, et par un effort désespéré, au risque de passer pour un original, il transporte d’un seul bond tout l’auditoire si loin, si loin de l’ornière, qu’il lui est impossible d’y retomber. […] Il était quelquefois saisi d’un désir si ardent de la revoir, qu’il eût tout donné, qu’il lui eût pardonné peut-être, pour entendre encore sa voix caressante et sentir sa main dans les siennes. […] IV Un moraliste chagrin a dit, non sans raison, que l’opportunité surtout est difficile à saisir pour ceux qui font métier de consolateurs.

1697. (1864) Histoire anecdotique de l’ancien théâtre en France. Tome I pp. 3-343

Son esprit fin, délicat, plein de noblesse et d’élévation, saisissait avec un grand bonheur les nuances du sentiment. […] Tout à coup il fut saisi d’admiration, et, le lendemain, il déclara qu’Athalie était le chef-d’œuvre du grand poëte ; on crut qu’il voulait plaisanter ; il affirma qu’il parlait sérieusement et demanda la permission de lire tout haut la pièce entière. […] Le public de Paris, si prompt à saisir les à-propos, applaudit avec force ces vers : Voilà donc votre roi, votre unique espérance ? […] Il se trouvait dans cette ville, lorsque, trahi par un officier réfugié, et attiré hors des limites, il fut saisi et mené aux îles Sainte-Marguerite et mis en prison pendant une année entière.

1698. (1904) En lisant Nietzsche pp. 1-362

Ce n’est certes pas là qu’il faut chercher et qu’il faut tâcher à saisir et à surprendre votre personnalité. […] Lorsque nous voyons quelqu’un souffrir, nous saisissons volontiers cette occasion qui nous est offerte de nous emparer de quelqu’un, de le faire nôtre. […] Un attendrissement qui vous saisit en présence des malheurs où vous pouvez tomber vous-mêmes. […] Ce qu’ils craignent plus que tout, c’est, le lendemain de la tâche finie, cette morne tristesse qui saisit le bon Gibbon quand il eut écrit la dernière ligne de son énorme Histoire romaine. […] Et, soit dit en passant, une chose demeure-t-elle vraiment incompréhensible et inconnue par le fait qu’elle n’est touchée qu’au vol, saisie d’un regard, en un éclair ?

1699. (1902) La politique comparée de Montesquieu, Rousseau et Voltaire

On voit à quel point Rousseau est libéral à ses heures et qu’on peut saisir dans le Contrat Social l’origine même de la Déclaration des Droits de l’homme.Je reconnais du reste que le plus souvent cet ouvrage n’est pas autre chose que la Bible du despotisme démocratique. […] A la mort de Henri IV le Parlement saisit avec empressement l’occasion qui lui était assez inconsidérément offerte par la Cour de faire acte de souveraineté. […] Le curé de Saint-Etienne, de nouveau coupable, selon les idées du Parlement, fut mandé à la barre, défense fut faite à lui et aux autres curés de recommencer sous peine de saisie du temporel, et invitation fut adressée à l’archevêque de Paris de faire cesser ces pratiques. […] Les Parlements de France saisirent cette occasion pour examiner les institutions des Jésuites et pour les trouver incompatibles avec les lois fondamentales de l’Etat. […] s’est répandue en Europe ; elle a saisi nos princes et leur a fait entretenir un nombre désordonné de troupes.

1700. (1891) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Quatrième série

On a peine à saisir la différence que Hardy a mise ou cru mettre entre ses tragédies et ses tragi-comédies. […] Elle permettrait, en effet, de saisir comme d’un seul coup d’œil tout l’ensemble de la polémique, et les rapports très étroits qui lient, dans les Provinciales, la question morale à la question de la grâce. […] La renaissance du cartésianisme Si l’on ne saisit pas, en effet, tout d’abord, les liaisons du xviiie  siècle avec le xviie , c’est qu’en général on ne reprend pas la question d’assez haut, ou d’assez loin. […] Et, nous, pour parler de l’Esprit des lois et de Montesquieu, ne pouvant assurément souhaiter des guides plus sûrs, un secours plus utile, une occasion plus favorable, nous la saisissons avec empressement. […] L’Essai sur les mœurs, ou le Discours sur l’histoire universelle, voilà qui est, clair, qui est lumineux, dont l’objet et l’idée générale, faciles à saisir, faciles à retenir, n’ont jamais fait hésiter personne.

1701. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Mademoiselle Aïssé »

» — Sans donc nous étendre davantage ni anticiper sur les années moins brillantes, on saisit bien, ce me semble, la physionomie du chevalier à cet âge où il est donné de plaire : brave, loyal, plein d’honneur, homme d’épée sans se faire de la gloire une idole, homme de goût sans viser à l’esprit, cœur naturel, il était de ceux qui ne sont tout entiers eux-mêmes et qui ne trouvent toute leur ambition et tout leur prix que dans l’amour. […] Le lendemain, le sieur Belin, en qualité de chancelier, assembla la nation, les drogmans et quelques religieux, et fit signer une délibération par laquelle on me dépouilloit de mes fonctions pour en revêtir ledit sieur Belin, lequel, se voyant le maître avec le chevalier Gesson, se saisirent de ma personne le 27e, me mirent en prison dans une chambre, chassèrent mes domestiques affectionnés, et s’emparèrent de mes papiers et de mes effects, ne me donnant la liberté de voir personne que quelques religieux affidés.

1702. (1858) Cours familier de littérature. V « XXVIe entretien. Épopée. Homère. — L’Iliade » pp. 65-160

» III Achille, saisi d’une douleur poignante, veut tirer son glaive. […] Hector saisit une pierre énorme, «  large à la base, conique au sommet ; deux hommes forts, tels qu’ils existent aujourd’hui, ne pourraient l’arracher du sol pour la placer sur un chariot ».

1703. (1861) Cours familier de littérature. XI « LXIIIe entretien. Cicéron (2e partie) » pp. 161-256

Il fut saisi, dans l’assemblée même, d’une douleur de côté, suivie d’une sueur abondante et d’un frisson violent ; il rentra chez lui avec la fièvre, et au bout de sept jours il n’était plus. […] Je renouvelle donc la promesse que je vous ai faite, et je prends l’engagement solennel de ne jamais manquer ni d’activité pour saisir les moyens de servir la patrie, ni de courage pour repousser les dangers qui la menaceront, ni de sincérité pour exposer mes avis, ni d’indépendance en résistant pour elle aux volontés de quelques hommes, ni de persévérance en supportant les travaux, ni enfin du zèle le plus constant pour étendre et assurer tous vos avantages et tous vos intérêts.

1704. (1861) Cours familier de littérature. XII « LXXe entretien. Critique de l’Histoire des Girondins » pp. 185-304

Enfin le roi cherchait-il un tiers parti dans les chambres, il ne rencontrait que quelques hommes honnêtes et diserts de second ordre, appoint inconsistant de grands partis, convoitant le pouvoir sans avoir l’audace d’y prétendre ni l’énergie de le saisir dans la tempête. […] Thiers, se hâta d’accourir pour se saisir de ce gouvernement désorienté.

1705. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre huitième »

Du moment qu’Athalie est entrée dans le temple, tous ces cœurs sont saisis à la fois d’un trouble qui va croissant jusqu’à la fin ; il n’y a plus ni paix ni trêve possible. […] On est sous le charme quand on lit ces beaux vers que Voltaire admira soixante ans, jusqu’au jour où il eut la faiblesse d’en vouloir à Athalie d’être un sujet chrétien ; mais on est saisi d’étonnement lorsque, dépouillant la pièce de ce magnifique vêtement, on l’étudie dans son plan, dans son nœud, dans les entrées et les sorties, dans la convenance et l’à-propos du langage de chacun, dans le rapport de l’action au temps et au lieu ; en un mot, quand on compare l’art à la vie.

1706. (1879) À propos de « l’Assommoir »

Émile Zola : chercher à saisir quelques traits de sa personnalité, mettre en évidence quelques nuances de son talent, voilà tout ce que nous voulons essayer de faire. […] A quelques mots violents que l’on trouve dans ses notes, qui restent même parfois dans ses romans, on peut saisir l’indignation du satirique.

1707. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre XI : Distribution géographique »

Et à mesure que la neige disparaîtra du pied des montagnes, les formes arctiques se saisiront du sol découvert et dégelé, toujours s’élevant de plus en plus haut, tandis que leurs semblables continueront leur voyage vers le pôle. […] Au contraire, en des régions distinctes, et présentant néanmoins des analogies de climat ou d’autres conditions physiques, la sélection naturelle peut se saisir de toutes les variations qui proviennent de la tendance de réversion aux caractères des aïeux, et donner lieu à des variétés et à des espèces convergentes vers l’ancien type de la race.

1708. (1889) Essai sur les données immédiates de la conscience « Chapitre III. De l’organisation des états de conscience. La liberté »

Nous saisirons ainsi par un autre côté, et en tant qu’elles portent explicitement sur une certaine conception de la durée, l’erreur fondamentale du déterminisme et l’illusion de ses adversaires. […] Ils invoquent à cet égard le témoignage de la conscience, laquelle nous fait saisir, outre l’acte même, la puissance d’opter pour le parti contraire.

1709. (1932) Les deux sources de la morale et de la religion « La religion dynamique »

Car elle était tournée vers le dedans ; et si, par une première intensification, elle nous faisait saisir la continuité de notre vie intérieure, si la plupart d’entre nous n’allaient pas plus loin, une intensification supérieure la porterait peut-être jusqu’aux racines de notre être et, par là, jusqu’au principe même de la vie en général. […] C’est donc sur la nature de Dieu, immédiatement saisie dans ce qu’elle a de positif, je veux dire de perceptible aux yeux de l’âme, que le philosophe devra l’interroger.

1710. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — Chapitre III. La Révolution. »

Ils arrêtaient les gens, et les faisaient danser en leur piquant les jambes à coups d’épée ; parfois ils mettaient une femme dans un tonneau et la faisaient rouler ainsi du haut d’une pente ; d’autres la posaient sur la tête les pieds en l’air ; quelques-uns aplatissaient le nez du malheureux qu’ils avaient saisi, et avec les doigts lui faisaient sortir les yeux de l’orbite. […] C’est Wilkes, dont le gouvernement a saisi les papiers, et à qui le jury assigne sur le gouvernement une indemnité de mille pounds. […] Mais ce qui le distinguait entre tous les autres, c’était une large intelligence compréhensive qui, exercée par des études et des compositions philosophiques868, saisissait les ensembles, et, par-delà les textes, les constitutions et les chiffres, apercevait la direction invisible des événements et l’esprit intime des choses, en couvrant de son dédain « ces prétendus hommes d’État, troupeau profane de manœuvres vulgaires, qui nient l’existence de tout ce qui n’est point grossier et matériel, et qui, bien loin d’être capables de diriger le grand mouvement d’un empire, ne sont pas dignes de tourner une roue dans la machine. » Par-dessus tant de dons, il avait une de ces imaginations fécondantes et précises qui croient que la connaissance achevée est une vue intérieure, qui ne quittent point un sujet sans l’avoir revêtu de ses couleurs et de ses formes ; et qui, traversant les statistiques et le fatras des documents arides, recomposent et reconstruisent devant les yeux du lecteur un pays lointain et une nation étrangère avec ses monuments, ses costumes, ses paysages et tout le détail mouvant des physionomies et des mœurs.

1711. (1714) Discours sur Homère pp. 1-137

Il a saisi par une supériorité de goût, les premieres idées de l’éloquence dans tous les genres ; il a parlé le langage de toutes les passions, et il a du moins ouvert aux écrivains qui doivent le suivre, une infinité de routes qu’il ne restoit plus qu’à applanir. […] Ainsi, dès qu’on a une fois saisi le sens d’Homere ; il ne faut plus songer à son expression, mais se demander seulement à soi-même, comment ce poëte dont on a une si haute idée exprimeroit un tel sens, s’il vivoit parmi nous ; chercher ensuite dans notre langue dequoi exprimer ce sens avec grace et avec force, et travailler toûjours à y mettre la perfection, jusqu’à ce qu’on ne se sente plus capable de mieux faire. […] Le premier de ces défauts s’excuse mieux que les autres : on dit qu’Homere a voulu délasser l’imagination du récit des combats, et qu’il a saisi cette occasion de lui offrir des objets plus riants et plus tranquilles. à la bonne heure ; mais ne conviendra-t-on pas du moins que s’il eût pû accorder cette variété avec la convenance, comme Virgile l’a fait dans le bouclier d’énée, la chose n’en auroit été que mieux.

1712. (1842) Discours sur l’esprit positif

L’étude de l’astronomie est la plus propre de toutes à rectifier une telle tendance, soit parce que sa simplicité supérieure permet d’en mieux saisir l’ensemble, soit en vertu de la spontanéité plus intime des applications correspondantes, qui, depuis vingt siècles, s’y trouvent évidemment liées aux plus sublimes spéculations, comme ce Traité le fera nettement sentir. […] Mais cet instinct provisoire, faute duquel la science eût souvent manqué alors d’une convenable alimentation, doit finir par se subordonner habituellement à une juste appréciation systématique, aussitôt que la pleine maturité de l’état positif aura suffisamment permis de saisir toujours les vrais rapports essentiels de chaque partie avec le tout, de manière à offrir. constamment une large destination aux plus éminentes recherches, en évitant, néanmoins toute spéculation puérile. […] Ils durent être jadis profondément dominés par la théologie, surtout catholique ; mais, pendant leur émancipation mentale, la métaphysique n’a pu que glisser sur eux, faute d’y rencontrer la culture spéciale sur laquelle elle repose : seule, la philosophie positive pourra, de nouveau, les saisir radicalement.

1713. (1923) Paul Valéry

Un exemple fera saisir cette différence entre une poésie de discours, une poésie de choses et une poésie de rapports. […] Elle s’écoute qui tremble Et parfois ma lèvre semble Son frémissement saisir. […] Mais précisément nous saisissons là la différence entre la poésie de Valéry et la poésie romantique.

1714. (1925) Feux tournants. Nouveaux portraits contemporains

Avec Charles XII et le Siècle de Louis XIV, il commence à saisir les différences de style. […] N’empêche que la non-intervention de l’esprit critique enlève à cette dictée, à ces pensées parlées, un caractère de durée indispensable pour permettre à ceux qui n’en sont pas les auteurs de les déchiffrer et d’en saisir la poésie. […] Henry Bernstein a voulu saisir des fantômes. […] Sans doute est-ce à lui que nous devons, non pas un goût de la vie intérieure, car nous l’avons saisi chez d’autres, mais une sorte d’honnêteté, de sévérité dans l’investigation que nous faisons de nous.

1715. (1925) Promenades philosophiques. Troisième série

La plante et l’animal sont formés des mêmes parties différenciées, pourvues chacune d’un office particulier : ni l’oreille ne peut servir à voir, ni l’œil à entendre, ni les mains à marcher, ni les pieds à saisir. […] Pythagore allait même jusqu’à estimer, et avec lui plusieurs anciens philosophes, qu’un violent amour saisit parfois deux palmiers, qu’on les voit frémir de désir, et demeurer inconsolables de ne pouvoir se joindre. […] Les individus les plus tranquilles semblent saisis alors d’une véritable folie érotique, les hommes allant jusqu’au bout de leurs désirs, femmes et filles se livrant à qui les attaque. […] Les religions, au moment où nous croyons les saisir sous leurs formes les plus rudimentaires, sont déjà d’une antiquité immémoriale. […] Une telle croyance représente seulement l’incapacité de saisir la réalité.

1716. (1892) La vie littéraire. Quatrième série pp. -362

Avec une entière bonhomie il saisissait les nuances les plus fines. […] Il faut beaucoup d’observation et une sorte d’instinct pour saisir le caractère de l’époque dans laquelle on vit et pour démêler au milieu de l’infinie complexité des choses actuelles les traits essentiels, les formes typiques. […] C’est pourquoi, saisis de l’ardeur de bâtir des nids, nous portons des brins de paille dans noire bec. […] Mais je croirais plutôt qu’elle s’est sauvée, saisie d’une peur folle. […] En avançant dans la vie, on veut saisir quelques rapports des choses, et c’est une grande incommodité.

1717. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Roederer. — II. (Suite.) » pp. 346-370

Elle désire un compte rendu sérieux dans le Journal d’économie publique, mais pour le Journal de Paris elle désire plus et demande tout naïvement à être louée ; elle en a besoin pour ce qui est de sa situation en France : Dans le Journal de Paris il m’importerait extrêmement qu’on saisît cette occasion pour dire une sorte de bien de moi.

1718. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Le maréchal de Villars — II » pp. 57-80

On saisit bien la nuance et le degré du tort où Villars put être à l’égard de M. de Magnac ; il le nomme, il lui rend aussi, justice : mais il ne va pas sur son compte au-devant de l’entière et éclatante vérité : seulement, si on la lui demande, il la dira.

1719. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « De la tradition en littérature et dans quel sens il la faut entendre. Leçon d’ouverture à l’École normale » pp. 356-382

Mais les Athéniens n’ont su remplir qu’une moitié de son vœu, et cette œuvre rêvée, — et mieux que rêvée, proposée par Périclès —, œuvre de constance, d’énergie durable et d’empire politique universel, ce sont les Romains qui se sont chargés de l’accomplir dans des proportions tout autrement vastes, et non plus sur mer, mais sur terre ; et en même temps que les Grecs déchus, privés de l’exercice des vertus publiques, devenaient (sauf de rares exceptions) plus légers, plus volubiles, plus sophistiques, plus flatteurs, plus fabuleux qu’ils n’avaient jamais été, les vainqueurs se saisirent du précieux élément divin, d’une part de ce feu de Prométhée, et en animèrent leur vigueur pratique et leur sens solide, dans un tempérament qui unit la vivacité et la consistance.

1720. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Journal et Mémoires, de Mathieu Marais, publiés, par M. De Lescure »

Et cependant la vérité est qu’il valait infiniment mieux que plusieurs de ceux qui servent à remplir notre superbe liste… » On saisit bien, dans la Correspondance de Marais avec le président Bouhier, l’instant où sa fièvre lente eut un redoublement d’accès, et où il fut tenté de se mettre sur les rangs.

1721. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Nouvelle correspondance inédite de M. de Tocqueville (suite et fin.) »

J’ai, donc souvent cherché depuis quelques années (toutes les fois du moins qu’un peu de tranquillité me permettait de regarder autour de moi et de voir autre chose et plus loin que la petite mêlée dans laquelle j’étais engagé), j’ai cherché, dis-je, quel sujet je pourrais prendre ; et jamais je n’ai rien aperçu qui me plût complètement ou plutôt qui me saisît.

1722. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Œuvres inédites de F. de la Mennais (suite et fin.)  »

Et qui ne serait effrayé de ces fureurs démagogiques qui semblent avoir saisi soudain une partie de la nation, hommes, femmes, enfants, frénétiques adorateurs de leur épouvantable et risible souveraineté ?

1723. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Madame Desbordes-Valmore. »

Martin (du Nord), que je suis saisie de douleur par celle de Mlle Mars, cette bien-aimée de toute ma vie.

1724. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Béranger — Béranger en 1832 »

Mais comme nous croyons aussi que, dans l’inventaire posthume, si les contemporains les plus immédiats et les mieux informés ne s’en mêlent promptement pour y mettre ordre, il s’introduit bien du faux qui s’enregistre et finit par s’accréditer, il nous semble qu’il y a lieu à l’avance, et sous les regards mêmes de l’objet, dans l’observation secrète et l’atmosphère intelligente de sa vie, d’exprimer la pensée générale qui l’anime, de saisir la loi de sa course et de la tracer dès l’origine, ne fût-ce que par une ligne non colorée, avec ses inflexions fidèles toutefois et les accidents précis de son développement.

1725. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. VINET. » pp. 1-32

Les premières Observations furent saisies ; M. le professeur Monnard, considéré comme éditeur, fut suspendu de ses fonctions.

1726. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « UNE RUELLE POÉTIQUE SOUS LOUIS XIV » pp. 358-381

En feuilletant au hasard quelques petits in-12 oubliés, un reflet de soleil m’a paru éclairer et comme dessiner exactement cette traînée de parcelles dans la poussière ; si je ne l’avais pas saisie à l’instant, je ne l’aurais sans doute plus revue jamais.

1727. (1875) Premiers lundis. Tome III «  À propos, des. Bibliothèques populaires  »

me dira-t-on, — J’en parle parce qu’ils sont déférés devant vous, parce qu’on a saisi le Sénat d’une liste où ils sont nommément incriminés.

1728. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Discours préliminaire » pp. 25-70

La méditation profonde qu’exigent les combinaisons des sciences exactes, détourne les savants de s’intéresser aux événements de la vie ; et rien ne convient mieux aux monarques absolus, que des hommes si profondément occupés des lois physiques du monde, qu’ils en abandonnent l’ordre moral à qui voudra s’en saisir.

1729. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Introduction »

À cette affreuse image tous les mouvements de l’âme se renouvellent, on frissonne, on s’enflamme, on veut combattre, on souhaite de mourir, mais la pensée ne peut se saisir encore d’aucun de ces souvenirs ; les sensations qu’ils font naître absorbent toute autre faculté.

1730. (1892) Boileau « Chapitre IV. La critique de Boileau (Suite). Les théories de l’« Art poétique » » pp. 89-120

Nous y reconnaissons la nature, exactement et vigoureusement rendue, et c’est parce que nous les sentons vraies, d’une vérité qui nous saisit immédiatement, que nous pouvons les admirer autant que firent les hommes auxquels elles apparurent dans leur nouveauté.

1731. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre IV. Guerres civiles conflits d’idées et de passions (1562-1594) — Chapitre III. Montaigne »

« Je prends de la fortune le premier argument : ils me sont également bons, et ne desseigne jamais de les traiter entiers : car je ne vois le tout de rien… De cent membres et visages qu’a chaque chose, j’en prends un, tantôt à lécher seulement, tantôt à effleurer, et parfois à pincer jusqu’à l’os : j’y donne une pointe, non pas le plus largement, mais le plus profondément que je sais, et aime plus souvent à les saisir par quelque lustre inusité233. » De cette libre allure vient cette fraicheur vive d’impression qui donne tant de grâce primesautière, tant de force pénétrante aussi à son expression.

1732. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre III. Les grands artistes classiques — Chapitre I. Les mondains : La Rochefoucauld, Retz, Madame de Sévigné »

Au fond, elle saisit mieux les idées que la poésie.

1733. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre III. Les tempéraments et les idées — Chapitre II. La jeunesse de Voltaire, (1694-1755) »

Il fait ses études à Louis-le-Grand, chez les Jésuites, où il a pour préfet des études l’abbé d’Olivet : on pourra juger de quelle prise la Société saisit les esprits, si l’on songe que Voltaire même gardera toujours des sentiments de respect et d’amitié pour ses anciens maîtres ; et jamais il ne se défera des principes littéraires qu’ils lui ont donnés, de leur goût étroit et pur.

1734. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre huitième »

C’est encore cette finesse qui saisit les nuances les plus délicates, cette propriété qui les fixe, cette clarté qui les rend visibles.

1735. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre neuvième »

On sait comment ils se quittèrent, le burlesque de la fuite de Voltaire, l’arrestation de sa nièce, la saisie de ses papiers, et Frédéric s’amusant à lui faire peur.

1736. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre douzième »

L’école encyclopédique avait essayé de l’ôter à l’homme, soit en lui prouvant qu’il est sans prises pour le saisir, soit par une affectation de faux respect, en niant la Providence divine, sous prétexte de ne pas la commettre avec les désordres du monde physique et les misères du monde moral.

1737. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XIII. La littérature et la morale » pp. 314-335

Il se précipite dans la mêlée ; mais le malheur est que, chaque fois qu’il écrase un cavalier, le cheval est du même coup broyé, comme le papillon qu’un enfant saisit et serre dans sa main maladroitement meurtrière.

1738. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. John Stuart Mill — Chapitre II : La Psychologie. »

Le vrai raisonnement ne se produit que quand nous saisissons, au lieu de successions fortuites, des successifs constantes et inconditionnelles, c’est-à-dire des rapports de causalité.

1739. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — Y. — article » pp. 529-575

Qui nous assurera qu’ils ont saisi la vérité, dans une matiere si importante, lorsque la vérité leur échappe dans mille rencontres plus à leur portée ?

1740. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — Chapitre XV »

M. de Septmonts montre à sa femme la lettre qu’il vient de saisir ; il pourrait s’en faire une arme de séparation scandaleuse, il préfère la changer en traité de paix.

1741. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Madame de Pompadour. Mémoires de Mme Du Hausset, sa femme de chambre. (Collection Didot.) » pp. 486-511

Le cardinal de Fleury étant mort, les intrigues jouèrent de plus belle ; il ne s’agissait, puisque le roi était si nul de volonté, que de savoir quelle main saisirait le gouvernail.

1742. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Monsieur de Malesherbes. » pp. 512-538

Je saisirai cette occasion de dire moi-même ici quelque chose sur un sujet qui honore tous ceux qui y touchent.

1743. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Chateaubriand homme d’État et politique. » pp. 539-564

Dès lors une velléité d’ambition politique le saisit ; il entra dans les affaires, il alla à Rome sous le cardinal Fesch.

1744. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Bussy-Rabutin. » pp. 360-383

Après qu’on m’eut éveillé, je ne pus me rendormir… On saisit bien en quoi le Turenne de Bussy ne ressemble point au Condé de l’Oraison funèbre, duquel Bossuet a dit avant Rocroi : « On sait que le lendemain, à l’heure marquée, il fallut réveiller d’un profond sommeil cet autre Alexandre. » Je laisse à ceux qui ont eu l’honneur de se trouver à pareille fête à côté des héros, le soin de décider lequel des deux récits leur paraît le plus voisin de la vérité.

1745. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « André Chénier, homme politique. » pp. 144-169

Lui, amateur des sources antiques, toujours en quête des saines et « bonnes disciplines », qui voudrait produire dans son style la « tranquillité modeste et hardie » de ses pensées ; lui qui, dans les belles pages de prose où il ébauche des projets d’ouvrages sévères, aspire et atteint à la concision latine, à la « nerveuse et succulente brièveté » d’un Salluste honnête homme et vertueux, on conçoit la colère à la Despréaux, et plus qu’à la Despréaux, qui dut le saisir en voyant un tel débordement de déclamations soi-disant philosophiques, de facéties galantes et de gentillesses libertines, découlant de la plume d’un bel esprit formé à l’école de Danton.

1746. (1913) Le bovarysme « Première partie : Pathologie du bovarysme — Chapitre VI. Le Bovarysme essentiel de l’humanité »

C’est par un procédé de simplification grossier que l’on se tient à donner le nom d’instincts aux diverses parties qui concourent à la formation de cette entité complexe qu’est la personne humaine : ces instincts eux-mêmes, sous le nom abstrait dont nous les désignons et au moyen duquel nous les isolons pour les saisir, cachent une multiplicité fourmillante d’existences séparées qui déjà se dérobent à notre regard et à nos nomenclatures.

1747. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des romans — Préface des « Derniers Jours d’un condamné » (1832) »

Ce que voyant, l’homme se tranquillise, il met sa tête hors de son trou, et regarde de tous côtés ; il fait un pas, puis deux, comme je ne sais plus quelle souris de La Fontaine, puis il se hasarde à sortir tout à fait de dessous son échafaudage, puis il saute dessus, le raccommode, le restaure, le fourbit, le caresse, le fait jouer, le fait reluire, se remet à suifer la vieille mécanique rouillée que l’oisiveté détraquait ; tout à coup il se retourne, saisit au hasard par les cheveux dans la première prison venue un de ces infortunés qui comptaient sur la vie, le tire à lui, le dépouille, l’attache, le boucle, et voilà les exécutions qui recommencent.

1748. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre I : La politique — Chapitre III : Examen de la doctrine de Tocqueville »

Cette grande question me semble digne de votre esprit, et celui-ci capable de la saisir et d’y pénétrer. » C’est là un grand problème, trop grave peut-être pour être traité ici en quelques mots, mais qui montre avec quelle pénétration hardie Tocqueville abordait les questions les plus délicates ; peut-être la demi-liberté qu’il s’accordait sur ces matières ne lui permettait-elle pas de le sonder dans toute sa profondeur.

1749. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome I « Bibliotheque d’un homme de goût. — Chapitre II. Des poëtes étrangers. » pp. 94-141

Glover, plus Philosophe que Poëte, a préféré à ce merveilleux qui saisit l’imagination, les idées & les sentimens qui instruisent & qui touchent.

1750. (1881) La parole intérieure. Essai de psychologie descriptive « Chapitre V. La parole intérieure et la pensée. — Premier problème : leurs positions respectives dans la durée. »

Elles y arrivent d’autant mieux que toute invention se greffe sur des souvenirs, que, dans toute opération un peu complexe de l’esprit, les mots qui appellent des idées et les idées qui appellent des mots se suivent, s’enchaînent, se groupent, formant rapidement des composés dont la conscience ne saisit que l’ensemble et néglige les détails ; ces attentes minimes d’un mot, d’une idée, déjà peu discernables, achèvent de s’annuler en se compensant et deviennent insaisissables à toute observation.

1751. (1767) Sur l’harmonie des langues, et en particulier sur celle qu’on croit sentir dans les langues mortes

Je doute beaucoup que nos connaissances puissent s’élever jusqu’à nous faire saisir les nuances d’harmonie dont je parle.

1752. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre IX. Eugénie de Guérin »

je me saisis de votre tendresse, de votre bonté, de votre amitié, de votre douceur et de tout cela, je me compose un bonheur présent et un bonheur à venir… » Nous ne croyons pas que jamais l’amabilité ait eu des nuances plus délicieuses et plus fines que cette philosophie de l’amitié, professée par une servante de Jésus-Christ…… L’abêtissante eau bénite aurait donc un meilleur parfum que toutes les verveines des sorcières du monde ?

1753. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre vi »

Peu avant sa mort, relisant son ouvrage la Paix intérieure, il écrit en marge : « Ô alouettes de ces matins, chères alouettes françaises, inspirez-moi mieux. » A ce cri, je le comprends : il s’arrache aux partis, ce plébéien que la campagne vivifie, ce fils d’une race de paysans et de soldats, cet ouvrier qui s’acharne sur ses carnets pour faire du bel ouvrage, pour créer, pour saisir une vérité.

1754. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre x »

Le mieux est de faire sortir des rangs (et pris aux quatre coins de la France) quelques-uns d’eux, et qu’ils parlent, qu’ils nous laissent saisir sur leur visage même, sans intermédiaire, leur bonne volonté prodigieuse et leur accord profond avec le sacrifice que réclame la patrie.

1755. (1899) Le roman populaire pp. 77-112

Seulement la pauvre alouette ne chantait jamais. » Il montre Cosette qui travaille, et qui regarde jouer les enfants de Thénardier, Cosette qui tremble quand on lui parle, Cosette à qui la marâtre commande d’aller, la nuit, puiser de l’eau dans la forêt, et qui a peur des branches, de l’ombre, du silence, Cosette qui rencontre dans les bois Jean Valjean, un étranger cependant, et qui a tout de suite confiance, Cosette, à qui l’inconnu, entré avec elle dans l’auberge, donne une poupée, et qui n’ose pas croire d’abord à la joie, et puis s’abandonne au rêve de ses six ans, saisit la poupée, et l’endort avec des gestes et un recueillement maternels.

1756. (1919) L’énergie spirituelle. Essais et conférences « Chapitre I. La conscience et la vie »

En présence d’une substance dont elle peut faire sa nourriture, elle lance hors d’elle des filaments capables de saisir et d’englober les corps étrangers.

1757. (1913) Les livres du Temps. Première série pp. -406

Mais on est saisi par le souffle extraordinaire et l’horreur dantesque d’une longue tirade de la Mort, dénombrant ses proies désignées, comme dans une sorte de danse macabre. […] Encore est-il que Frédéric a failli saisir cette planche de salut. […] Lorsqu’il entend son arrêt de mort, Brotteaux veut sourire, mais une atroce douleur lui saisit le cœur et les entrailles et il est près de défaillir. […] C’est un pur impressionniste, qui au premier abord semble docilement subordonné à l’objet et uniquement soucieux d’en saisir les nuances telles quelles. […] On peut saisir au vol des aspects fugitifs, des moments de la vie ; on peut également la suivre dans sa durée ou l’embrasser dans ses ensembles.

1758. (1905) Propos littéraires. Troisième série

Dans ma raideur formée d’égoïsme épileptique, le Diable m’a saisi et jeté à la fosse. […] Évidemment ce n’est pas le moi entité philosophique, le moi central qui est supposé être la substance de tout notre être et le substratum de toutes nos facultés ; ce n’est pas ce je ne sais quoi, qui n’est qu’une abstraction et qu’on ne saurait cultiver puisqu’on ne saurait le saisir. […] C’est en elle qu’il se saisit, c’est en elle qu’il se glorifie et voudrait se glorifier davantage ; c’est en elle qu’il sent son moi et c’est elle qu’il appelle son moi. […] Pour connaître la pensée d’un homme, il faut la surprendre sans avoir songé à la capter ; pour connaître l’esprit des choses, il faut le saisir au vol sans s’être mis à l’affût. […] Ainsi s’était déformé et comme avili le romantisme aux mains d’un homme qui n’était pas capable d’en comprendre les parties hautes et qui était trop prédisposé à en saisir comme avec ravissement les aspects vulgaires, ou bien plutôt qui n’en pouvait comprendre que les dehors et était parfaitement inapte à en pénétrer le fond.

1759. (1914) En lisant Molière. L’homme et son temps, l’écrivain et son œuvre pp. 1-315

Avant-propos Dans la série d’études sur nos grands écrivains qui aura pour titre général En lisant… je me propose, en lisant, en effet, avec mon lecteur, l’auteur ce jour-là choisi, de le situer dans son temps et dans le monde particulier où il a vécu ; de reconnaître son tempérament et son caractère surtout à ce qu’il en a dit ou à ce qu’évidemment il en a laissé percer ; de saisir la nature particulière de son génie et de la faire saisir sur le texte même ; d’éviter le plus possible les idées générales et d’atteindre l’intimité même de l’auteur, de vivre, autant qu’il est loisible, avec lui. […] Le pouvoir de l’imagination est bien saisi dans cette pièce et en la rapprochant du Malade imaginaire on voit que Molière a bien entendu cette chose importante qui est que la peur est la mère de l’imagination et que par l’imagination elle donne des maux plus grands que les maux réels puisqu’aussi bien il serait moins douloureux d’être cocu et malade réellement que de l’être imaginairement. […] De l’autre, qu’on connaît, la traitable méthode Aux faiblesses d’un peintre aisément s’accommode ; La paresse de l’huile, allant avec lenteur, Du plus tardif génie attend la pesanteur : Elle sait secourir, par le temps qu’elle donne, Les faux pas que peut faire un pinceau qui tâtonne ; Et sur celle peinture on peut, pour faire mieux, Revenir quand on veut, avec de nouveaux yeux. […] Mais la fresque est pressante, et veut, sans complaisance, Qu’un peintre s’accommode à son impatience, La traite à sa manière, et d’un travail soudain Saisisse le moment qu’elle donne à sa main : La sévère rigueur de ce moment qui passe Aux erreurs d’un pinceau ne fait aucune grâce ; Avec elle il n’est point de retour à tenter, Et tout au premier coup se doit exécuter ; Elle veut un esprit où se rencontre unie La pleine connaissance avec le grand génie, Secouru d’une main propre à le seconder Et maîtresse de l’art jusqu’à le gourmander, Une main prompte à suivre un beau feu qui la guide, Et dont, comme un éclair, la justesse rapide Répande dans ses fonds, à grands traits non tâtés, De ses expressions les touchantes beautés. […] Mais encore le Don Juan de Molière, le Don Juan représentant le libertinage comme une forme de la méchanceté ou la méchanceté comme une conséquence fort naturelle du libertinage, et Molière, avec pleine raison, puisque ces choses sont entremêlées et sont réciproquement causes et effets, a laissé incertitude à cet égard — le Don Juan égoïste, sec, insensible et méchant, est un type de l’humanité que Molière a saisi avec force et scruté avec profondeur. […] On peut à la rigueur dire qu’il l’a été avec Don Juan et qu’il s’est dit : « Ces grands seigneurs sans foi et sans loi d’aujourd’hui, ils resteront sans foi et sans loi ; mais ils seront hypocrites de religion dans dix ans. » A la rigueur on peut dire cela ; mais pour ce qui est de Philaminte on doit dire qu’il a saisi une mode tellement en ses premiers commencements qu’il a prophétisé à force d’être vigilant observateur.

1760. (1765) Articles de l’Encyclopédie pp. 7172-17709

Mais on n’y trouve plus la même unanimité pour le futur ; il n’y a que quelques langues qui ayent un futur absolu, un relatif, & un conditionnel : la plûpart ont saisi par préférence d’autres faces de cette circonstance du tems. […] Il n’y avoit qu’à distinguer les noms de la même maniere, & donner à leurs corrélatifs des terminaisons adaptées à ces distinctions vraiment raisonnées ; les esprits éclairés auroient aisément saisi ces points de vûe ; & le peuple n’en auroit été embarrassé, que parce qu’il est peuple, & que tout est pour lui affaire de mémoire. […] Nous n’avons garde d’assûrer que nous l’ayons saisie ; cette assertion seroit d’autant plus présomptueuse, que les principes d’après lesquels on doit décider de la préférence des méthodes didactiques, ne sont peut-être pas encore assez déterminés. […] Ce principe est, que ces locutions empruntées d’une langue étrangere, étant figurées même dans cette langue, ne le sont que de la même maniere dans celle qui les a adoptées par imitation, & que dans l’une comme dans l’autre, on doit les réduire à la construction analytique & à l’analogie commune à toutes les langues, si l’on veut en saisir le sens. […] Je réponds qu’il n’y a peut-être entre la maniere commune & la maniere allemande d’autre différence que celle qu’il y auroit entre deux tableaux, où l’on auroit saisi deux momens différens d’une même action : le germanisme saisit l’instant qui précede immédiatement l’acte de juger, où l’esprit considere encore l’attribut d’une maniere vague & sans application au sujet : la phrase commune présente le sujet tel qu’il paroît à l’esprit après le jugement, & lorsqu’il n’y a plus d’abstraction.

1761. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCIVe entretien. Alfred de Vigny (1re partie) » pp. 225-319

On forme un cercle de charbons ardents ; on saisit un scorpion avec des pinces et on le pose au centre. […] toute cette comédie est jouée : j’en commence une autre avec moi-même. — Il faut, à cette heure, que ma volonté soit assez forte pour saisir mon âme, et l’emporter tour à tour dans le cadavre ressuscité des personnages que j’évoque, et dans le fantôme de ceux que j’invente !

1762. (1867) Cours familier de littérature. XXIV « CXLIe entretien. L’homme de lettres »

Paul, s’étant rendu par hasard dans ce lieu, fut rempli de joie en voyant ce grand arbre sorti d’une petite graine qu’il avait vu planter par son amie ; et, en même temps, il fut saisi d’une tristesse profonde parce témoignage de sa longue absence. […] Il saisit avidement ce portrait de ses faibles mains, et le porta sur sa bouche.

1763. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre septième »

Nul n’était plus capable de saisir les travers au passage que le prince qui, selon l’expression fort juste de la Harpe, avait établi une sorte de législation des bienséances. […] Il est fort différent, surtout pour la comédie, d’avoir à peindre ses personnages au repos, dans le naturel de leurs habitudes, où d’être forcée de les saisir dans quelque mêlée, au passage, dans le flot qui les pousse avec le poète lui-même.

1764. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre septième. Les altérations et transformations de la conscience et de la volonté — Chapitre deuxième. Troubles et désagrégations de la conscience. L’hypnotisme et les idées-forces »

Elle saisira le doigt de l’hypnotiseur et le promènera avec précision sur tous les points irrités185. » Il y a donc là une acuité exceptionnelle du sens vital. […] Pendant qu’il concentrait sa volonté, Mme D…, qui n’était pas prévenue, fut saisie soudain d’une irrésistible inclination au sommeil, quoiqu’elle ne dormît jamais le jour ; elle n’eut que le temps de passer dans une autre chambre et tomba sur un sofa comme morte.

1765. (1856) Cours familier de littérature. II « Xe entretien » pp. 217-327

De ce nombre privilégié était lord Byron, dont la beauté absolue, dans les limites d’une beauté créée, n’a jamais pu être saisie ni par le pinceau ni par le ciseau de l’artiste. […] Mais des bras nus et vigoureux le saisirent par la tête et par la crinière et le flattèrent en le contenant.

1766. (1881) La parole intérieure. Essai de psychologie descriptive « Chapitre II. La parole intérieure comparée à la parole interieure »

Le sens commun lui-même n’est pas l’état primitif de l’âme ; le dualisme du moi et du non-moi suppose un travail de l’esprit ; avant que l’esprit ait acquis la force et l’expérience nécessaires pour accomplir ce travail, l’esprit est idéaliste ; il n’y a pour lui qu’un être, dont il saisit confusément l’unité en même temps que la diversité, et cet être unique, puisqu’il est seul et puisqu’il est un, c’est lui-même. […] Voici l’observation, telle que je l’avais notée en son temps : « Au début de l’état hypnagogique, j’entends un cri informe ou un bruit, tellement fort que j’en suis saisi et réveillé et que je me demande si ce n’est pas un bruit extérieur.

1767. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Quelques « billets du matin. » »

La petite femme trouva ce vieux si « rigolo » que, pour marquer sa joie, elle le saisit à bras-le-corps, le souleva (car elle était robuste et râblée), le secoua en l’air comme un polichinelle cassé, puis le reposa à terre en s’esclaffant. […] Mais, dès que les rapports entre les sons successifs ou entre les sons simultanés cessent d’être très simples, très unis, très faciles à saisir, je n’y suis plus, je n’entends plus que du bruit. […] Tous les émerveillements dont vous étiez saisie, étant toute petite fille, devant les feux d’artifice des foires et des fêtes nationales, vous les retrouverez, quoique vous soyez maintenant une grande personne sérieuse, renseignée et un peu rétive aux admirations, vous les retrouverez, je vous le jure, devant ces fontaines du royaume des fées. […] On glisse ses deux sous, on saisit une poignée de métal, et l’on ressent aussitôt des secousses désagréables dans le poignet et dans l’avant-bras.

1768. (1930) Les livres du Temps. Troisième série pp. 1-288

Mais si j’en avais le pouvoir discrétionnaire, je ferais saisir par la force armée et publier par l’Imprimerie nationale les écrits de grands écrivains que d’étroites préventions risquent de perdre à tout jamais. […] Je saisis l’occasion de vous recommander le lucide et justement élogieux volume de M.  […] L’étonnante originalité de la féerie vénitienne saisit d’abord tout le monde, depuis qu’on est prévenu par les prospecteurs du siècle dernier. […] Je crois qu’il a mieux saisi que Barrès et que Gabriel d’Annunzio le véritable caractère de sa ville chérie. […] Bon prince, Gide ne saisit pas l’occasion de déclarer que c’est à peu près la même chose.

1769. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Benjamin Constant et madame de Charrière »

Benjamin Constant et madame de Charrière96 Rien de plus intéressant que de pouvoir saisir les personnages célèbres avant leur gloire, au moment où ils se forment, où ils sont déjà formés et où ils n’ont point éclaté encore ; rien de plus instructif que de contempler à nu l’homme avant le personnage, de découvrir les fibres secrètes et premières, de les voir s’essayer sans but et d’instinct, d’étudier le caractère même dans sa nature, à la veille du rôle. […] Adieu, mille fois bonne, mille fois chère, mille fois aimée. » La moquerie pourtant et le sentiment du ridicule ne font jamais faute longtemps avec lui ; tout ce qui y prête et qui passe à sa portée est vite saisi. […] Sa santé se délabre, son physique si grêle souffre déjà ; cette taille, qui était tout à coup devenue élégante, reprend aujourd’hui cette courbure que Mlle Moulat188 a si bien saisie.

1770. (1932) Le clavecin de Diderot

Pour en saisir véritablement les enjeux, il est nécessaire de replacer ce texte dans l’histoire du surréalisme et dans le parcours de René Crevel. […] Les années que je dus, pour des prières masochistes, m’agenouiller devant cette parabole pétrifiée, sans doute, n’en pouvais-je saisir, dans son abominable exactitude, tout le sens, mais, puisque diable il y avait (et, bien que je ne comprisse encore ce que, par diable, il s’agissait d’entendre) j’étais pour le diable, ce pauvre diable d’écrasé contre l’écraseuse. […] Qu’elles se trouvent remises au beau (ou plutôt vilain) milieu de leur monde, ce sera pour ne plus saisir que les défauts de ce qu’elles avaient, dans l’extase de la vie toute neuve, appelé leur paradis terrestre.

1771. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Sismondi. Fragments de son journal et correspondance. »

Son christianisme au reste, de la manière dont il l’entendait, ne cessa de germer en lui et de croître pendant les dix dernières années de sa vie ; il y mettait tout ce qu’on peut désirer d’un homme de bonne volonté ; il voudrait surtout croire à l’efficacité de la prière et la concilier avec l’universalité et la nécessité des lois naturelles ; il y a des moments où il lui semble saisir un trait de lumière sur cet obscur et mystérieux sujet.

1772. (1875) Premiers lundis. Tome III « De la loi sur la presse »

Et voilà que, sous prétexte d’indépendance et de scrupule de conscience, une portion de la magistrature agissant tout à fait isolément, et absolument comme si elle eût vécu dans une île déserte en dehors de notre atmosphère morale, ne tenant aucun compte du moment, du courant de l’opinion, de la crise politique, à l’une de ces heures toujours périlleuses où le vent est en train de tourner ; voilà que, saisie d’une superstition judaïque, elle se met à distinguer entre tel ou tel article rétrospectif chez tous les journaux indistinctement ; et, après examen, toute réflexion faite, elle en traduit la plupart en police correctionnelle !

1773. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXVe entretien. Chateaubriand, (suite) »

………… Et moi, debout, saisi d’une terreur secrète, Je n’osais m’approcher de ce reste adoré, Comme si du trépas la majesté muette L’eût déjà consacré !

1774. (1824) Observations sur la tragédie romantique pp. 5-40

Vous les verriez pénétrés de douleur, saisis d’une terreur profonde, à ces naïves paroles adressées par la plus fidèle amante à son assassin.

1775. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Mendès, Catulle (1841-1909) »

Autant que la Faute de l’abbé Mouret ou la Joie de vivre, le Roi vierge fit saisir aux mains actives l’inanité charmante des chapeaux de rêve.

1776. (1889) Les premières armes du symbolisme pp. 5-50

L’autre plus déliée, marche assez vite pour qu’avec une médiocre attention on puisse saisir son mouvement : c’est la masse des gens éclairés.

1777. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre deuxième »

Les anecdotes de son séjour dans cette ville ; cette plaisanterie sur la mule du pape ; la demande qu’il fait à Clément VII d’être excommunié, parce que les fagots excommuniés ne brûlent pas ; puis, à son retour à Paris, ces prétendus poisons pour le roi et la reine qu’il laisse saisir sur lui afin de faire sans frais la route de Lyon à Paris, tout cela fait partie de ce que j’ai appelé la légende de Rabelais ; et il faut lui faire honneur de ce qu’il y a d’ingénieux dans les inventions dont il est le sujet.

1778. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre dixième. »

Les plus avisés, ceux devant lesquels on ne dit rien impunément, vont plus loin ; ils savent saisir une première ressemblance entre les caractères des hommes et ceux des animaux : j’en sais qui ont cru voir telle de ces fables se jouer dans la maison paternelle.

1779. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre quinzième. »

L’autre, qui est le don de choisir parmi les pensées justes celles qui le sont pour les esprits les plus exquis ; de saisir des vérités qui échappent à la foule et de se rendre personnelles celles qui lui appartiennent ; d’être subtil sans raffiner ; de dire du nouveau et d’être vrai ; de sentir plus délicatement que tout le monde ce que tout le monde sent ; d’avoir un naturel à soi, que les autres reconnaissent par le leur ; cet esprit, qui est celui des personnes cultivées dans notre pays, Mme de Sévigné en a plus que sa part, elle le personnifie.

1780. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Août 1886. »

., 1878, 100), et le sommeil de Kundry, d’où elle se réveille sans force, est analogue à celui de Brunnhilde ; Klingsor, qui se mutile pour s’approcher du Gral et qui devient ainsi la cause efficiente du drame, est évidemment conçu d’après le prototype Alberich, qui « maudit l’amour » pour se saisir de l’Or du Rhin … Connaissant cette intention, on pourrait poursuivre ces analogies sans crainte d’aller trop loin : la lance, par exemple, qui a donné tant de mal aux savants critiques, parce qu’ils ne la retrouvaient pas (sous cette forme) dans les poèmes qui racontent les légendes de Parsifal et du Gral, cette lance que Parsifal conquiert par la chasteté on l’aurait trouvée, si on avait songé à la « sainte lance » de Wotan, taillée dans le bois de « l’arbre du monde » … Nous expliquerons la raison de cette intention poétique ; pour le moment, il nous suffît d’avoir établi par quelques indications précises, l’existence dans Parsifal d’une parenté, ou antithèse, voulue avec le Ring39.

1781. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Chamfort. » pp. 539-566

» Quant à lui, le ci-devant jeune poète favorisé de la reine, le récent secrétaire de Madame Élisabeth, il ne s’arrêta qu’à la dernière extrémité, et l’on a peine à saisir le moment précis où il s’écria enfin : C’est assez !

1782. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1856 » pp. 121-159

La chambre est noire ou à peu près, avec un jour venant du haut de la fenêtre et traversant des vitraux de couleur, un jour étrange, prismatique, tombant et dansant dans cette pénombre fourmillante de choses que l’œil tâtonne et ne peut saisir, et parmi lesquelles il distingue cependant vaguement un hibou blanc.

1783. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1858 » pp. 225-262

Après tant de grâces maigres, tant de petites figures tristes, préoccupées, avec des nuages de saisie sur le front, toujours songeuses et enfoncées dans l’enfantement de la carotte ; après tous ces bagous de seconde main, ces chanterelles de perroquets, cette pauvre misérable langue argotique et malsaine, piquée dans les miettes de l’atelier et du Tintamarre ; après ces petites créatures grinchues et susceptibles, cette santé de peuple, cette bonne humeur de peuple, cette langue de peuple, cette force, cette cordialité, cette exubérance de contentement épanoui et dru, ce cœur qui apparaît là-dedans, avec de grosses formes et une brutalité attendrie : tout en cette femme m’agrée comme une solide et simple nourriture de ferme, après les dîners de gargotes à trente-deux sous.

1784. (1888) Journal des Goncourt. Tome III (1866-1870) « Année 1870 » pp. 321-367

Une respiration ronflante comme une basse, coupée d’une plainte, continue et râlante qui vous déchire… Du milieu de cette plainte jaillissent des mots, des phrases qu’on ne peut saisir, et parmi lesquels il me semble entendre : « Maman, maman, à moi, maman ! 

1785. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre III. Des Livres nécessaires pour l’étude de l’Histoire sacrée & ecclésiastique. » pp. 32-86

Les sujets de son histoire sont tous intéressans, & personne ne saisit comme lui ce qu’il y a de plus curieux dans chaque sujet.

1786. (1913) La Fontaine « VII. Ses fables. »

La cigogne, à en juger par sa physionomie, a été admirablement saisie par La Fontaine.

1787. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XIX. M. Cousin » pp. 427-462

Cousin, la duchesse de Longueville reste ce qu’on l’a toujours vue dans sa pénombre historique — et moins ce qui fait rêver, moins le mystère, moins la ligne mi-brisée d’un buste qui paraît plus beau à l’imagination charmée, parce qu’on n’en saisit pas nettement tous les contours !

1788. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Michelet » pp. 167-205

Nous avons entendu alors, il est vrai, passer eu se glissant le bruit mystérieux de saisie, risqué peut-être par la spéculation ; mais ce bruit n’est pas allé loin… Telle est l’histoire du livre de Michelet.

1789. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Du docteur Pusey et de son influence en Angleterre »

Après avoir travaillé l’esprit humain pendant quatre siècles et avoir versé dans ses veines un poison qu’il y retrouvera peut-être toujours, elles se sont enfin senties épuisées et une défaillance secrète a commencé de les saisir.

1790. (1898) Les personnages de roman pp. 39-76

Je dirai même que je les crois nécessaires, mais à une condition, qui est de ne jamais les relire, à moins d’y être invité par l’appel immédiat du sujet, par la rencontre qui se fait, dans l’esprit, du geste logique d’un personnage avec le geste autrefois vu et saisi au vif de la nature.

1791. (1897) Un peintre écrivain : Fromentin pp. 1-37

Tous les sels irritants de la mer ont exaspéré ce que l’air saisit, avivé le sang, injecté la peau, gonflé les veines, couperosé la chair blanche, et les ont, en un mot, barbouillés de cinabre. » Et puis, quelquefois, les deux manières se fondent, l’ancienne et la nouvelle, et nous avons des tableaux à la fois doux et puissants, fouillés avec des coins d’incertitude par où s’échappe le rêve, mélange de critique technique et de poésie, qui comptent parmi les plus belles pages de la littérature française.

1792. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Deuxième partie — Chapitre II. La qualité des unités sociales. Homogénéité et hétérogénéité »

* ** Entre la qualité des unités sociales et l’égalitarisme, il semble qu’on saisisse plus aisément un rapport qu’entre l’égalitarisme et leur quantité.

1793. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XXI. »

Il faut l’avouer cependant : la différence saisie par un tel maître échappe à des yeux plus faibles ; et, dans cette périlleuse carrière du mysticisme, la suspension de l’âme humaine pour laisser place à Dieu seul, l’amour contemplatif porté jusqu’à l’extase, sans tomber dans le quiétisme, sont pour nous une douteuse énigme.

1794. (1929) Les livres du Temps. Deuxième série pp. 2-509

Le morceau des Tharaud est charmant, mais presque purement descriptif : sous prétexte d’éviter le pédantisme, de n’être point livresque, de saisir directement la vie, on tombe au simple reportage. […] Il affirme donc « la priorité sur l’activité réfléchie d’une activité plus obscure et plus riche qui consiste dans la faculté de saisir immédiatement la vie »… Plus riche, je n’en jurerais pas, mais plus obscure, assurément.

1795. (1891) La vie littéraire. Troisième série pp. -396

Les employés des enfers qui exécutent les arrêts du juge saisissent l’âme coupable, la plongent dans une marmite haute de sept pieds et tout entourée de flammes ; puis ils la conduisent sur la montagne des couteaux, où elle est déchirée, dit le texte, « par des lames dressées drues comme de jeunes pousses de bambous ». […] » L’homme violent la saisit, la prend en croupe. […] Le diable fut saisi d’une telle épouvante, qu’il en oublia qu’il était immortel. […] Il lui était enjoint de saisir au passage les mots hindous que la pythonisse pourrait prononcer. […] Il saisit son fusil déposé à terre, envoie à l’Arabe une balle dans la poitrine, referme son portefeuille et regagne la barque.

1796. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre II. Le Roman (suite). Thackeray. »

Aussi le critique se trouve comme noyé dans cette abondance ; il doit choisir pour saisir l’ensemble, et se réduire à quelques-uns pour les embrasser tous. […] Puis il ajoute avec bon sens, une âpreté et une familiarité tout anglaises : Si jamais nos cousins les Smigmags m’invitaient en même temps que lord Longues-Oreilles, je saisirais une occasion après dîner, et je lui dirais avec la plus grande bonhomie du monde : « Monsieur, la fortune vous a fait cadeau de plusieurs milliers de guinées de revenu.

1797. (1894) Journal des Goncourt. Tome VII (1885-1888) « Année 1888 » pp. 231-328

Les indignations des hommes, ne sont pas non plus de ceux qui passent à Paris, pour les plus purs : c’est l’indignation de ***, vous savez… c’est l’indignation de ***, dont on dit… c’est l’indignation de ***, sur lequel on raconte… Enfin, quand Dumény veut me nommer, cette salle se refuse absolument, à ce que mon nom soit prononcé, comme un nom déshonorant la littérature française… et il faut que Dumény attende longtemps, longtemps… et qu’il saisisse une suspension entre les sifflets, pour le jeter ce nom, et le jeter, il faut le dire, comme on jette sa carte à un insulteur. […] Mais votre pièce nous a saisis, bouleversés, enthousiasmés, et des jeunes gens qui, comme moi, ne vous connaissaient guère, trois heures avant, et qui n’avaient pour votre art qu’une estime profonde, sont sortis pleins d’une admiration affectueuse pour vous.

1798. (1895) Journal des Goncourt. Tome VIII (1889-1891) « Année 1891 » pp. 197-291

Soudain le serpent mort, le serpent empaillé, se détendant comme un ressort d’acier, saisit la joueuse petite bête par une patte, et en une seconde, sans que l’on puisse bien se rendre compte de ce qui s’est passé, tant la chose est rapide, l’agneau qui n’a eu que le temps de jeter deux ou trois bêlements, est culbuté, enroulé, immergé, disparu, n’ayant plus au-dessus de lui qu’une pauvre patte agitée par de mortels gigotements qui vont en diminuant, jusqu’à ce qu’elle vienne raide immobile, dans le resserrement des anneaux énormes du serpent. […] Alors la gueule du monstre s’ouvre, et la patte par laquelle l’agneau a été saisi, va rejoindre en l’air, tout ensanglantée, l’autre patte ; et le serpent resté un moment immobile dans son enroulement, de sa gueule qui a le rose pâle de l’ouïe d’un poisson, fait jaillir le dardement de sa petite langue fourchue, au scintillement noir, du noir d’une sangsue.

1799. (1911) Lyrisme, épopée, drame. Une loi de l’histoire littéraire expliquée par l’évolution générale « Chapitre II. Vérification de la loi par l’examen de la littérature française » pp. 34-154

Comparez Sapho roman avec Sapho drame, en particulier les deux scènes finales : la chute définitive de Gaussin et comment Sapho l’abandonne ; vous saisirez sur le vif le contraste qu’il y a entre la vision épique et les exigences de la scène. […] Les comédies de Musset n’ont pas été écrites pour le théâtre, et pourtant il faut les voir jouées, pour bien saisir ce mélange de lyrisme et de drame ; je ne sais guère de spectacle plus instructif pour qui étudie les conditions des genres littéraires.

1800. (1938) Réflexions sur le roman pp. 9-257

Et voilà ce que mademoiselle Paulette nous a fait, d’un mot, saisir. […] Des artifices de toilette, l’obscurité double du crépuscule et d’un grand chapeau, lui font ses quinze ans pour un petit pâtre qui l’aime ainsi, qui la voulant voir de près la poursuit et va la saisir. […] Pour les vivants deux notices seulement, l’une sur Paul Bourget, l’autre sur Pierre Loti, dont on nous dit froidement qu’« il saisit avec sûreté les traits caractéristiques de la psychologie japonaise !  […] Mais dès qu’une ligne, une page, un livre sur la douleur humaine nous frapperont et nous saisiront, ce sera le premier mot qui nous viendra ; nous les appellerons profonds. […] Ils empoisonnent non parce qu’ils sont une infection, mais parce qu’ils constituent, comme un corps saisi par le froid, un terrain favorable à l’infection.

1801. (1894) La bataille littéraire. Sixième série (1891-1892) pp. 1-368

Du reste, en courant, ce sera une perte de cinq ou dix minutes à peine, — et je dis à mon batelier : « Va, aborde un peu plus loin, au quai de marbre là-bas, à l’entrée du saint cimetière. » Laissant le vieux Grec dans le caïque avec le rameur, je redescends à terre, seul, saisi tout à coup par le silence glacé de ce lieu, par sa sonorité funèbre, que j’avais oubliée, et qui change le bruit de mon pas. […] L’un d’eux, le chef du carré, saisit ma part et l’en gouffre. […] Tout à coup une troupe de grands singes se précipite vers la fugitive, Siva les écrase à leur tour, et, ivre d’amour, appelle d’un cri terrible celle qu’il vient de sauver de l’étreinte des monstres : Sur la rive en effet, contre un arbre appuyée De ses deux bras couverte, et pudique, effrayée, Elle avait des frissons, comme si sur sa peau L’haleine était déjà du monstrueux troupeau… Et plein d’éclairs, typhon écroulé sur leurs têtes, Siva saisit, tordit, broya toutes ces bêtes, Et rouge du sang vil qui coulait de leurs corps, Il dansa, trépignant et chantant sur les morts. […] On oublie d’ajouter que le même La Bruyère dit : « Où il est bon il va jusqu’à l’exquis et à l’excellent ; il peut être le mets des plus délicats. » Il n’en faut pas davantage pour confirmer cette opinion que La Bruyère, sensible aux détails de Pantagruel, n’en a saisi ni l’ensemble ni la portée. […] Puis un tremblement l’a saisi, il a balbutié : Adieu !

1802. (1894) La vie et les livres. Première série pp. -348

Le 15 mai 1810, on profita d’un fort vent de suroît pour couper les amarres, et le ponton s’en alla à la dérive, emmenant six cents officiers et neuf cents soldats français, pêle-mêle avec leurs gardes-chiourme rapidement saisis et désarmés. […] C’est plaisir de l’accompagner, avec Gabriel Charmes, dans l’intérieur des maisons, dans les cours ombragées de sycomores, dans les corps de garde, dans les sacristies, dans les maisons de bière des faubourgs de Memphis et de Thèbes, dans les boutiques des boulangers et des cordonniers, dans les coins inexplorés où l’on saisit sur le fait la vie quotidienne du peuple égyptien, et dont Maspero s’est emparé en maître le jour où l’on fit le partage de ce vaste empire, que les géographes pourraient appeler la Terre de Champollion6. […] Parfois, sa crosse pastorale semble enrubannée comme une houlette ; et, sur le visage pensif du prélat, on croit saisir, en de furtifs sourires, le charme exquis d’un Céladon mystique. […] Hanté par le généreux souci d’instruire ou de consoler les multitudes, saisi de pitié devant toute souffrance humaine, persuadé qu’il faut tâcher de guérir l’infirmité morale au lieu de triompher bruyamment, comme Flaubert et ses disciples, de ceux qui sont simples d’esprit, il est un des premiers qui aient allégé le poids du mortel cauchemar dont la littérature naturaliste nous avait opprimés, et sous lequel nous suffoquions de stupeur et d’hébétude. […] Jean Jaurès a lancé un jour, du haut de la tribune du Parlement, quelques belles phrases, que les faiseurs de morceaux choisis ont sans doute saisies au vol et qui mériteront une place dans les Conciones futurs : « Vous avez interrompu la vieille chanson qui berçait la misère humaine, et la misère humaine s’est réveillée avec des cris ; elle s’est dressée devant vous, et elle réclame aujourd’hui sa place, sa large place au soleil du monde naturel, le seul que vous n’ayez point pâli.

1803. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Essai sur Talleyrand (suite et fin.) »

» — Ce mot de Talleyrand nous explique jusqu’à un certain point la mode religieuse, dont est comme saisie notre époque.

1804. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « DÉSAUGIERS. » pp. 39-77

Désaugiers n’eut pas à le prendre ; il saisit, comme on dit, la balle au bond, et la relança de plus belle.

1805. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « George Farcy »

Ce trait est saisi d’après nature, il peint tout Farcy au physique et résume les plus minutieuses descriptions qu’on pourrait faire de lui : Écossais de physionomie et aussi de philosophie, c’est juste cela.

1806. (1860) Cours familier de littérature. IX « LIVe entretien. Littérature politique. Machiavel (3e partie) » pp. 415-477

Un seul : c’est de donner à ce pontife irresponsable, s’il n’est que pontife, à ce tribun inviolable, universel et impalpable des consciences dans nos États, c’est de lui donner une responsabilité temporelle, un gage humain dans une possession territoriale quelconque, responsabilité et gage par lesquels nous puissions le modérer, le saisir et le punir temporellement comme prince, s’il viole envers nous les limites de son droit comme pontife.

1807. (1860) Cours familier de littérature. X « LVIIe entretien. Trois heureuses journées littéraires » pp. 161-221

Saisi d’une fièvre chaude, il a frappé avec colère la terre du pied ; il s’est précipité dans l’éternité par dégoût du temps.

1808. (1861) Cours familier de littérature. XII « LXXIe entretien. Critique de l’Histoire des Girondins (2e partie) » pp. 305-367

Une grande pensée, un code de la raison, saisit un peuple intelligent, enthousiaste, aventureux, la France.

1809. (1863) Cours familier de littérature. XV « LXXXIXe entretien. De la littérature de l’âme. Journal intime d’une jeune personne. Mlle de Guérin (2e partie) » pp. 321-384

Nous faisons tous les ans des fioles de cette eau qu’on vient nous demander. » XXIII Un autre jour la gaieté des champs la saisit.

1810. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXIe entretien. Mémoires du cardinal Consalvi, ministre du pape Pie VII, par M. Crétineau-Joly (3e partie) » pp. 161-219

S’il pouvait m’être agréable de l’entendre attester en public qu’il avait été la cause de mon éloignement de la secrétairerie, je fus saisi de l’entendre affirmer que, si j’étais resté dans ce poste, les choses ne seraient pas allées aussi loin.

1811. (1839) Considérations sur Werther et en général sur la poésie de notre époque pp. 430-451

Ou plutôt c’est toute la marche progressive de l’esprit humain qu’il nous faudrait condamner comme une chimère monstrueuse et funeste, si nous ne voulions pas voir dans cet homme perdu au sommet des précipices de la route, et que saisit le vertige, un de nous, un de nos frères, qui, lorsque la caravane humaine s’arrêtait interceptée dans sa voie, s’est élancé plus hardi jusqu’à la région des nuages, et qui meurt pour nous, en nous faisant signe qu’il n’y a point de route, parce qu’il n’en a pas trouvé.

1812. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre quatrième »

Et qui d’amour se sentira saisir, Connoistra bien que je voulus choisir Vie pour moi, et non pour mes écrits.

1813. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 juillet 1886. »

C’est un type saisi par le centre et pleinement réalisé.

1814. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 15 décembre 1886. »

Des poètes, des chevaliers, des moines sont allés entendre l’oiseau des bois ; saisis par le charme, ils sont demeurés dans la fascination de leur songe : en une heure, des siècles ont passé pour eux.

1815. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — CHAPITRE VI »

La réflexion lui fera saisir le lien qui rattache la hausse de la Bourse à l’accès de passion du fourbe ; le mépris tuera son amour ; de toutes façons, le tour est manqué.

1816. (1888) Préfaces et manifestes littéraires « Romans et nouvelles » pp. 3-80

Puis autour de ce Parisien, de cette Parisienne, tout est long, difficile, diplomatiquement laborieux à saisir.

1817. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1883 » pp. 236-282

On cause de la malle des papiers du prince Napoléon, qui a été saisie… * * * — C’est peut-être dommage, que nous n’ayons pas pu finir notre œuvre historique, comme nous pensions le faire, par une histoire psychologique de Napoléon, par une espèce de monographie de son cerveau.

1818. (1824) Ébauches d’une poétique dramatique « Division dramatique. » pp. 64-109

Cinna s’emporte et veut répondre : mouvement naturel et vrai, que Corneille n’a pas manqué de saisir.

1819. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Notes et éclaircissements. [Œuvres complètes, tome XIII] »

      Mais de quelle mélancolie       Il frappe et saisit tous les cœurs, Lorsqu’attristant notre âme, et sombre, et recueillie, Au cercueil d’Henriette il invoque nos pleurs !

1820. (1913) La Fontaine « V. Le conteur — le touriste. »

Le second acte, ce sont les bons partis qui se présentent ; le troisième acte, ce sont les moindres ; le quatrième acte, c’est le déclin et la déchéance avec quelques réflexions malicieuses que vous avez saisies au passage, et enfin, il y a le dénouement.

1821. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « VII. M. Ferrari » pp. 157-193

Ferrari les a combinés les éléments d’un pareil mirage, — et l’érudition et le calcul — et le sentiment des analogies entre les peuples qu’il faut saisir, même pour les exagérer, — et l’omniprésence historique de Bossuet dans son Histoire universelle, et que M. 

1822. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Victor Hugo »

Elle ne nous aurait pas donné le Templier vignette anglaise, cette figure que Michelet, l’illuminé de Satan, reprochait à l’honnête Walter Scott de n’avoir ni empoignée, ni même saisie, mais prise avec l’extrémité de la pincette d’un sucrier.

1823. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre vii »

Ceci l’enflammait, car cette vérification que son intelligence avait saisie au milieu des mêlées les plus tragiques corroborait une des lois les plus vraies et les plus aimées des doctrines qu’il révérait tant.

1824. (1922) Durée et simultanéité : à propos de la théorie d’Einstein « Appendices de, la deuxième édition »

Qu’on ait eu quelque peine à la saisir, et qu’il ne soit pas toujours facile, même au physicien relativiste, de philosopher en termes de Relativité, c’est ce qui ressort d’une lettre, fort intéressante, qui nous fut adressée par un physicien des plus distingués.

1825. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre second. De la sagesse poétique — Chapitre III. De la logique poétique » pp. 125-167

De même que la métaphysique de la raison nous enseigne que par l’intelligence l’homme devient tous les objets ( homo intelligendo fit omnia ), la métaphysique de l’imagination nous démontre ici que l’homme devient tous les objets faute d’intelligence ( homo non intelligendo fit omnia ) ; et peut-être le second axiome est-il plus vrai que le premier, puisque l’homme, dans l’exercice de l’intelligence, étend son esprit pour saisir les objets, et que, dans la privation de l’intelligence, il fait tous les objets de lui-même, et par cette transformation devient à lui seul toute la nature.

1826. (1896) Impressions de théâtre. Neuvième série

Tu saisis la finesse ?  […] Et comme on l’envoie promener, il saisit Athos par la jambe et l’entraîne avec lui dans le gouffre. […] Elle a grandi parmi les dettes, les papiers timbrés, les réclamations hargneuses, les menaces de saisie. […] Je veux saisir cette torche ! […] Je veux saisir cette torche !

1827. (1913) Les idées et les hommes. Première série pp. -368

Non : l’esthétique de Flaubert est vivante ; et lui, parmi les romanciers de génie, l’un de ceux qui ont saisi et mis dans leurs ouvrages le plus de réalité, intellectuelle et physique, vivante elle-même. […] Il n’abandonne que du néant et saisit de la vérité. […] Il les pressent ; et son regret, dit-il, est grand, de ne pouvoir encore les saisir. […] Si, par fortune, elle saisit son livre de comptes, elle le dépouillera, et elle dira de quel prix ont été payés ses services, comment il s’est enrichi et ruiné, quels héritages il a laissés. […] Le regard saisit une large étendue ; et il examine chaque point du vaste décor sans perdre la vue de l’ensemble.

1828. (1892) Essais sur la littérature contemporaine

Il a été plus heureux quand, pour achever sa doctrine et compléter son œuvre, il a le premier, je crois, ou l’un des premiers, essayé de saisir d’un coup d’œil toute l’histoire de notre littérature. […] Si nous réussissons parfois à en saisir quelque chose, il est également certain que ce n’est pas en nous bornant à observer la nature ; mais nous y ajoutons, de notre fonds à nous, les principes d’interprétation qu’elle ne contient pas. […] La nature a des dessous dont le plus habile naturaliste, n’ayant jamais saisi que les dehors, n’a donc aussi jamais représenté que la plus vaine apparence. […] On n’imite pas pour imiter, mais pour acquérir une connaissance ou une science de l’objet qu’on imite, qui nous aide à en comprendre le sens et à en saisir la nature. […] Les uns et les autres, en essayant de saisir dans l’homme ce qu’il y a de plus général et de plus permanent, ils y ont atteint ce qu’il y a précisément de plus intime et de plus profond.

1829. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « Lamartine »

Sur les dates et les détails matériels, je sens bien que je broncherais à chaque instant ; et quant aux sentiments éprouvés jadis, ils ne me reviendraient qu’effacés ou voilés par la distance, ou au contraire profondément modifiés et façonnés par les efforts même que j’ai pu faire, dans l’intervalle, pour les saisir et les fixer, et par le plaisir ou la tristesse que m’ont apportés ces évocations. […] Dans tout cela, nulle volupté précise, rien de l’émotion spéciale que peut donner le spectacle d’une nudité féminine : le poète est saisi, devant cette chair de jeune fille, de la même ivresse vague et sacrée qu’en présence de la mer infinie, des beaux promontoires, des forêts profondes ou des montagnes qui sont l’ossature de la planète… Mais revenons aux tyrans-dieux. […] Sur quoi, pris d’un vieux scrupule chrétien  dans une période embrouillée, inachevée peut-être, et dont il n’est presque pas possible de saisir la construction grammaticale  il s’efforce de distinguer entre « le Tout » des panthéistes, « ce second chaos… où Dieu s’évapore… où le bien n’est plus bien, où le mal n’est plus mal », et « le Tout » orthodoxe, « centre-Dieu de l’âme universelle »… Mais enfin, il reconnaît qu’il n’y voit goutte ; et il s’en tire par ce que j’appellerai une loyale défaite.

1830. (1891) Enquête sur l’évolution littéraire

Saisir les rapports des données hétérogènes apportées par les naturalistes et les psychologues, en tirer la raison vitale et essentielle des mouvements humains qui, pour moi, sont très liés aux mouvements de la planète dont l’homme n’est que pour ainsi dire une cellule cérébrale et l’humanité l’encéphale ; exprimer ces rapports entre les lois supérieures de gravitation, entre l’inconnu ou Dieu et le phénomène conscient du personnage choisi, celui-ci étant une forme passagère où se manifeste, d’ailleurs, l’essence divine et première, — en un mot réaliser dans tout leur ensemble les théories du spinozisme. […] Le rythme de cette hiératique danse, le mage le saisit harmonique à celui des sphères ; ces voltes racontent l’histoire du monde et les douze signes du Zodiaque sont décrits par la précipitation svelte de ses pas. […] Mais la littérature a quelque chose de plus intellectuel que cela : les choses existent, nous n’avons pas à les créer ; nous n’avons qu’à en saisir les rapports ; et ce sont les fils de ces rapports qui forment les vers et les orchestres. […] Je n’en comprends pas le langage et je ne saisis pas l’utilité de l’apprendre. […] — L’avenir appartiendra à celui ou à ceux qui auront saisi l’âme de la société moderne, qui, se dégageant des théories trop rigoureuses, consentiront à une acceptation plus logique, plus attendrie de la vie.

1831. (1927) André Gide pp. 8-126

Il ne chercha même pas dans ces spectacles de simples thèmes littéraires, des sujets à traiter, des figures à saisir sur le vif, mais il y apporta un beau zèle humanitaire et social ; il en retira des opinions sur les réformes possibles de nos institutions judiciaires. […] Ayant appris que sa femme mettait pour lui des cierges à la Madone au coin de la rue, il est saisi d’une fureur dont un vrai philosophe serait incapable et brise d’un coup de béquille l’innocente statuette.

1832. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Troisième partie. — L’école historique » pp. 253-354

J’entrais en imagination dans un musée d’antiquités égyptiennes, et je me sentais saisi d’étonnement à l’aspect de ces mystérieux colosses, tous assis dans la même attitude. […] Puis, pour saisir par le contraste le caractère propre de cet esprit et de ce style, lisez une page de Shakespeare.

1833. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — Chapitre V. Swift. » pp. 2-82

Non-seulement il saisit familièrement et vigoureusement chaque objet, mais encore il le décompose et possède l’inventaire de ses détails. […] Les rimes et le rhythme ne sont que des machines officielles, qui lui ont servi pour presser et lancer sa pensée ; il n’y a mis que de la prose : la poésie était trop fine pour être saisie par ces rudes mains.

1834. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre V. La philosophie. Stuart Mill. »

Il ne saisit que des couleurs, des sons, des résistances, des mouvements, tantôt momentanés et variables, tantôt semblables à eux-mêmes et renouvelés. […] Les uns et les autres s’accordent à croire que nous pouvons saisir l’essence.

1835. (1864) Le positivisme anglais. Étude sur Stuart Mill

Il ne saisit que des couleurs, des sons, des résistances, des mouvements, tantôt momentanés et variables, tantôt semblables à eux-mêmes et renouvelés. […] Les uns et les autres s’accordent à croire que nous pouvons saisir l’essence.

1836. (1859) Critique. Portraits et caractères contemporains

Il paraît qu’elle fut touchante et sublime dans ce rôle, au point que mademoiselle Mercœur, à peine rentrée chez elle, fut saisie de l’envie d’écrire des vers à la louange de cette demoiselle. […] Vous voyez à votre fenêtre un œil noir, un doux sourire, une main blanche et potelée, une petite tête M. de Paul de Kock, une cousine germaine de M. de Balzac ; aussitôt vous montez l’escalier quatre à quatre… L’apparition s’est envolée, et vous ne saisissez qu’une douce odeur de violette, ou une forte odeur de patchouli. — La violette, voilà pour M.  […] conseiller du roi en sa qualité de commissaire aux saisies réelles, c’est-à-dire qu’il était chargé de l’administration des biens que retenait dame Justice. […] La statue d’Armand Carrel est tout à fait dans ce dernier système ; le sculpteur n’a rien exagéré, il n’a rien agrandi ; il a fait de celui que nous avons tous vu, connu et aimé, le même homme si simple et si beau, si calme même dans ses plus grands moments d’éloquence, si rempli d’imprévu surtout, et qu’il fallait saisir à la hâte si on voulait le bien voir tel qu’il était.

1837. (1884) La légende du Parnasse contemporain

» Et le misérable me saisit les pieds dans ses grosses pattes, les heurte contre les fers, avec une violence telle que, pendant un mois, j’ai été forcé de ne marcher qu’en pantoufles. […] Chaque mouvement me fait croire que mes pieds sont rompus ; enfin, il saisit les couvertures qui sont sous moi, les tire avec tant de violence que mon corps, rivé au lit de camp par les pieds, en fait un soubresaut et que ma tête va rebondir trois fois sur la planche. […] Sur la déclaration du brigadier Muchielli, nous avons fouillé de nouveau cet individu, et en effet nous avons trouvé sur son corps couché à hauteur et envers de l’épaule gauche une montre en argent cylindre n° 4, en plus nous avons saisi un porte-monnaie contenant la somme de 16 Fr., avec toutes les pièces pour être déposées au parquet de M. le procureur impérial d’Ajaccio, bureau des pièces à conviction. […] Il est, paisiblement, avec un dandysme serein qui rappelle celui d’Alfred de Vigny, le songeur subtil et raffiné, celui qui, troublé par l’éternel mystère de l’infini et de l’inconnu, — que cet infini, que cet inconnu se dérobe dans la profonde nature ou dans le cœur plus profond de la femme, — s’élance perpétuellement à la poursuite de l’insaisissable et parfois le saisit, veut exprimer l’inexprimable, et quelquefois l’exprime.

1838. (1912) Réflexions sur quelques poètes pp. 6-302

Agrippa était sans armes, et pour se défendre, il saisit l’épée d’un garçon de cuisine. […] Ce bonhomme fit semblant de se saisir de la personne de Clitiphon pour le mettre en prison et en répondit sur sa vie pour apaiser les plus séditieux qui commençaient à le traîner vers la Maison de Ville, où étaient les prisons de cette ville-là. […] Saisir un avis et l’appliquer chaque fois à point, mais c’est le diable ! […] Mais une expression extraordinaire, un coloris plus fort, une attitude bizarre d’un peintre moins bon nous saisit du premier coup d’œil, parce qu’on n’a pas coutume de la voir ailleurs.

1839. (1897) Aspects pp. -215

D’Axa goguenard apprend qu’il est saisi au corps en vertu des Capitulations c’est-à-dire d’un traité conclu, vers 1530, entre le Grand-Turc et François Ier. […] Saisir ce moment, découvrir en soi-même l’essentielle émotion qu’il détermine, communier avec ce rythme qui s’offre, c’est créer, c’est-à-dire se reproduire en beauté au-dessus des apparences changeantes. […] Il saisit que toute conciliation est impossible entre la métaphysique chrétienne et la philosophie de l’avenir.

1840. (1898) Ceux qu’on lit : 1896 pp. 3-361

Lavedan ne pousse pas de cris de moraliste dont la pudeur est effarouchée, il nous montre une photographie, une vue instantanée saisie au bord de la mer, nous laissant le droit de tirer nos conclusions ; les nôtres sont que la plupart de ces filles sont bien évaporées, que leurs mères sont simplement idiotes sinon odieuses, et que le livre de M.  […] C’est depuis sa naissance jusqu’au jour de la saisie de la Lanterne et de son départ pour Bruxelles que Rochefort raconte ses aventures dans ce premier volume. […] Mais en saisissez-vous au moins le sens ? […] Beaucoup, sans doute, ne saisiront pas l’opportunité de ce rapprochement, qu’ils trouveront inconvenant ou ridicule.

1841. (1896) Les Jeunes, études et portraits

L’harmonie des lignes ou les effets de la lumière dans la nature le laissent indifférent. « Ce n’est pas la beauté des paysages qui me saisit : le monde extérieur n’est pas mon maître et ses aspects en eux-mêmes ont peu d’attrait pour moi. » Les chefs-d’œuvre de la peinture ne provoquent pas davantage son enthousiasme. […] Elle développera chez Posdnicheff une jalousie imprécise, sans objet et sans cause, et qui saisira pour éclater le premier prétexte. […] Tout cela est présenté sans aucune fausse rhétorique ; il n’y a pas de morceaux qui se détachent, pas de descriptions où l’on saisisse de la part de l’écrivain un désir de faire œuvre de virtuosité. […] Nous sommes pareils à l’enfant grec amoureux de son image et qui meurt du désespoir de n’en avoir pu saisir la réalité. […] Le malheur est que, pour saisir ces correspondances, il faudrait que nous fussions très près de la nature, et que nous en sommes très loin.

1842. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « L’abbé Fléchier » pp. 383-416

Ajoutez qu’à mesure qu’on s’éloigne de ces temps anciens et de ce régime aboli, il devient d’un intérêt historique sérieux d’en bien connaître les mœurs, les usages, les particularités, les excès ; de voir toute une province et des plus rudes, saisie au vif et prise sur le fait dans ses éléments les plus saillants et les plus heurtés, dans sa noblesse, son clergé, son tiers état et ses paysans, d’assister à l’enquête et à la justice, souvent bien expéditive, qu’on y fait au nom de l’autorité royale, treize ans seulement après les rébellions de la Fronde.

1843. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. DE VIGNY (Servitude et Grandeur militaires.) » pp. 52-90

Entre tous ceux de son âge, et comme le dit le vieil Étienne Pasquier à propos de la pléiade du règne d’Henri II, entre ceux de sa volée, il n’en est aucun qui semble plus imprévu, plus étrange même, provenu d’une source mieux recélée, d’une filiation moins commode à saisir.

1844. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « MME DESBORDES-VALMORE. » pp. 124-157

Martin (du Nord), que je suis saisie de douleur par celle de Mlle Mars, cette bien-aimée de toute ma vie.

1845. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. LEBRUN (Reprise de Marie Stuart.) » pp. 146-189

Dès la première scène de Schiller, le chevalier Paulet, gardien de Marie, est dans la chambre de la captive avec une espèce de serrurier ; il fait forcer les armoires pour enlever bijoux, lettres ; le miroir même et le luth ont été saisis.

1846. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « M. DE LA ROCHEFOUCAULD » pp. 288-321

« On a bien de la peine à rompre, quand on ne s’aime plus. » On en était à ce point de difficulté : M. de Nemours le trancha, et M. de La Rochefoucauld saisit avec joie une occasion d’être libre, en faisant l’offensé : « Quand nous sommes las d’aimer, nous sommes bien aises qu’on nous devienne infidèle pour nous dégager de notre fidélité. » Il fut donc bien aise, mais non pas sans mélange ni sans des retours amers : « La jalousie, il l’a dit, naît avec l’amour ; mais elle ne meurt pas toujours avec lui. » Le châtiment de ces sortes de liaisons, c’est qu’on souffre également de les porter et de les rompre.

1847. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLVe entretien. Vie de Michel-Ange (Buonarroti) »

À peine cette lettre était-elle écrite, qu’il fut saisi en effet d’une fièvre lente qui l’éteignit doucement, comme une lampe de nuit qui s’éteint dans le soleil levant.

1848. (1869) Cours familier de littérature. XXVII « CLXIIe entretien. Chateaubriand, (suite.) »

J’appris, en rouvrant les yeux, que le sacrifice était consommé, et que ma sœur avait été saisie d’une fièvre ardente.

1849. (1895) Histoire de la littérature française « Seconde partie. Du moyen âge à la Renaissance — Livre I. Décomposition du Moyen âge — Chapitre I. Le quatorzième siècle (1328-1420) »

Il a une précision, une netteté, une verve qui saisissent ; avec cela, la plus aisée et naturelle spontanéité.

/ 2043