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653. (1932) Les idées politiques de la France

Nous touchons ici au problème du spirituel républicain, ce spirituel dont l’histoire n’a pas encore été faite. […] Il se garde de toucher au spirituel, et s’il y touche, il est brisé en dépit des Intérêts. […] Ils ne touchent que peu l’école et la politique. […] Comme pour le radical, la pierre de touche à connaître le bon, le vrai républicain, c’est l’anticléricalisme : « Êtes-vous anticlérical ? […] Et nous touchons ici au besoin fondamental et à la grande difficulté de l’industrialisme, à la raison aussi de son échec actuel.

654. (1888) La vie littéraire. Première série pp. 1-363

Il est tenu de toucher avec respect aux choses sacrées. […] Cet écrit vit encore et nous touche. […] Il ne touche plus que notre curiosité. […] Et puis le sujet est heureux et nous touche profondément. […] Dès le printemps de 1876, elle se sent touchée.

655. (1903) La pensée et le mouvant

En écartant ce voile interposé, nous revenons à l’immédiat et nous touchons un absolu. […] Nous croyons qu’elles peuvent, l’une et l’autre, toucher le fond de la réalité. […] De ce côté, l’intelligence finirait, en principe, par toucher un absolu. […] Elle touche alors un des côtés de l’absolu, comme notre conscience en touche un autre quand elle saisit en nous une perpétuelle efflorescence de nouveauté ou lorsque, s’élargissant, elle sympathise avec l’effort indéfiniment rénovateur de la nature. […] Plus vivante était la réalité touchée, plus profond avait été le coup de sonde.

656. (1905) Études et portraits. Sociologie et littérature. Tome 3.

La coutume est une expérience instituée par la nature, pour tout ce qui touche aux mœurs. L’histoire en est une pour ce qui touche à la politique. […] Il va ébranler en nous cette touche secrète. […] Jusqu’à quel point un impie a-t-il le droit de toucher à des croyances qu’il méprise, mais dont d’autres vivent ? […] Leur touche est divine quand ils dessinent d’un trait un horizon.

657. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — C — article » pp. 76-79

La Tragédie d’Idomenée fut son début, & annonça les premiers traits de cette touche sombre qui devoit se développer dans la suite avec encore plus de vigueur & de génie, dans Atrée & Tieste, Radamiste & Zénobie.

658. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — G — article » pp. 445-448

Un trait trop honorable aux Lettres pour être passé sous silence, c’est que notre jeune Monarque, touché du sage emploi que M.

659. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 9, comment on rend les sujets dogmatiques, interessans » pp. 64-66

Les hommes aimeront toujours mieux les livres qui les toucheront que les livres qui les instruiront.

660. (1805) Mélanges littéraires [posth.]

J’ai déjà touché ceux qui en résultent par rapport aux mœurs ; mais je veux parler ici d’un autre qui n’est que trop commun, surtout dans les lieux où on élève beaucoup de jeune noblesse : on leur parle à chaque instant de leur naissance et de leur grandeur, et par là on leur inspire, sans le vouloir, des sentiments d’orgueil à l’égard des autres. […] En vain objecterait-on encore qu’on peut toucher sans être touché, comme on peut convaincre sans être convaincu. […] Un auditeur qui se croit touché, l’est donc véritablement : or, on ne donne point ce qu’on n’a point ; on ne peut donc vivement toucher les autres sans être touché vivement soi-même, soit par le sentiment, soit au moins par l’imagination, qui produit en ce moment le même effet. Nul discours ne sera éloquent s’il n’élève l’âme : l’éloquence pathétique a sans doute pour objet de toucher : mais j’en appelle aux âmes sensibles, les mouvements pathétiques sont toujours en elles accompagnés d’élévation. […] On ne doit rien dire de ses défauts ; du moins, si on les touche, ce doit être si légèrement, si adroitement, et avec tant de finesse, qu’on les présente à l’auditeur ou au lecteur par un côté favorable.

661. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Le cardinal de Bernis. (Fin.) » pp. 44-66

Quand il est touché pourtant d’une manière plus juste, il répond et le fait à ravir. […] À quoi Bernis répond toujours, surtout depuis qu’il est archevêque : « Si vous m’envoyez des vers, faites en sorte que je puisse m’en vanter ; je ne suis ni pédant, ni hypocrite ; mais sûrement vous seriez bien fâché que je ne fusse pas ce que je dois être et paraître. » Et un autre jour il lui avait dit : « Envoyez-moi vos contes honnêtes ; et, comme il est très raisonnable que je vous prêche un peu, je vous prie de quitter quelquefois la lyre et le luth pour toucher la harpe. […] Quant au rôle que lui-même eut à remplir dans cette affaire de la suppression des Jésuites, qui dura quatre ans avant de se consommer, il est parfaitement exposé dans l’ouvrage de Theiner, que je ne veux d’ailleurs toucher que par ce point-là.

662. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « La marquise de Créqui — II » pp. 454-475

Molé, dont le jugement excellent en toute matière était parfait dans ces choses littéraires qui touchent à la société, me disait un jour en parlant de M. de Meilhan : « Il a bien connu les mœurs de son temps, mais il en avait les vices. » J’ajouterai qu’il n’avait pas seulement les idées de son temps, il les dépassait souvent et les bravait par sa hardiesse d’esprit ; il devançait sur bien des points celles du nôtre. […] En comprenant si bien la Révolution par les surfaces qui touchaient à un monde frivole et sous son aspect de Fronde, M. de Meilhan (j’oublie à cet endroit si c’est Saint-Alban ou le président de Longueil qui parle) ne la diminue pas. […] Il y avait, dans la première édition des Considérations sur les mœurs, quelques passages assez peu honnêtes qu’elle n’avait pas bien compris : « Ce que j’entends le moins dans ce recueil, disait-elle en lui en renvoyant le manuscrit, c’est ce qui touche mon sexe ; mais pour le reste, je l’ai souvent pensé. » Mme de Créqui, malgré sa longue expérience du monde et son esprit mordant, avait l’âme neuve et par certains endroits assez naïve.

663. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Histoire du règne de Henri IV, par M. Poirson » pp. 210-230

De joindre une longue délibération avec un fait pressé, cela lui est malaisé, et c’est pourquoi, au contraire, aux effets de la guerre il est admirable, parce que le faire et le délibérer se rencontrent en un même temps, et qu’à l’un et à l’autre il apporte toute la présence de son jugement ; mais aux conseils qui ont trait de temps, à la vérité il a besoin d’être soulagé… Il a cela néanmoins qui doit fort contenter ses conseillers : c’est qu’encore qu’il n’ait nullement pensé ni été disposé à une affaire, si ses serviteurs, après l’avoir bien ruminée et bien digérée, la lui viennent représenter, il est si prompt à toucher au point et à y remarquer ce qu’on peut y avoir ou trop ou trop peu mis, qu’on jugerait qu’il y était déjà tout préparé. […] Or, je veuille dire aussi le bon qui est en lui, puisque j’ai touché ses fautes. […] Du Fay en vient à toucher et définir la qualité qui est peut-être la plus singulière chez Henri IV, la plus royale qualité et la plus éloignée de tyrannie, mais qu’il pousse jusqu’à l’excès et au défaut : C’est qu’il est le plus doux, le plus pardonnant et le plus oublieux d’injure qui fut oncques… Je l’appelle douceur, mais je te jure que si je pouvais et osais, je lui donnerais un autre nom, car elle passe par-dessus la raison.

664. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Jean-Bon Saint-André, sa vie et ses écrits. par M. Michel Nicolas. (suite et fin.) »

C’est le devoir de quiconque touche sur quelque point à l’histoire de s’appliquer à dégager des mauvais actes, des mauvaises paroles, des emportements et des égarements de passion ou des erreurs de système, les services rendus à cette chose durable et sacrée qui s’appelle la Patrie ou l’État. […] Il garde, sans faste aucun, de sa dignité d’homme public et se refuse pour son compte à toucher et à réclamer la somme de cinq parats par jour (quatre sous environ) que la Porte avait alloués à chaque prisonnier et qu’elle ne payait pas. […] J’ai essayé de les apprécier équitablement, d’y saisir et de faire toucher le lien qui les unit à distance, de dégager l’unité de l’homme à travers les disparates de la vie, et, bien que sans aucun goût (tant s’en faut !)

665. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Catinat (suite.) »

Catinat, en apprenant la perte soudaine de l’homme qui l’avait toujours apprécié, poussé, protégé et aimé jusque dans les rudesses et brusqueries qu’il ne ménageait à personne, écrivait à Barbezieux, son fils et son successeur (20 juillet) : « Je suis dans une situation où je me fais de grandes violences pour ne me point laisser aller à la vive douleur que je ressens de la grande perte que vient de faire le roi, l’État, et moi de mon protecteur, dont l’affection m’a toujours cent fois plus touché que tous les biens qu’il pouvait me faire. » Louvois de moins, tout changeait ; Catinat perdait un point d’appui solide et puissant ; il dut être porté à en devenir plus circonspect encore. […] Ceux qui en jugeront malicieusement et superficiellement, n’étant touchés que des événements heureux, diront ce qu’ils voudront de quantité de choses mal arrangées et qui pourraient se détruire par maintes bonnes raisons et sans réplique. […] « L’Empereur, parlant de Catinat, disait l’avoir trouvé fort au-dessous de sa réputation, à l’inspection des lieux où il avait opéré en Italie et à la lecture de sa Correspondance avec Louvois. » Napoléon ne le trouvait nullement comparable à Vendôme ; il eût dit de Catinat, servant sous ses ordres, ce qu’il disait de Saint-Cyr : « Saint-Cyr, général très-prudent. » Toute la manière de voir et d’agir de Catinat a été exposée au long par lui-même dans ses lettres confidentielles à son frère Croisilles ; il le fait dans une langue naïve et forte, un peu enveloppée, médiocrement polie, grosse de raisons, et qui sent son fonds d’esprit solide ; il faut en passer par là, si on veut le comprendre, et bien posséder son Catinat, nature originale et compliquée, un peu difficile à déchiffrer, et qui ne se laisse pas lire couramment : « Si je t’entretenais au coin du feu de notre campagne, disait-il à ce frère qui était un autre lui-même (31 octobre 1691), j’aurais bien du plaisir à te faire toucher au doigt et à l’œil ma conduite et les prévoyances que j’ai eues sur ce qui pouvait arriver, et comme il a fallu charrier droit pour faire aller la campagne aussi loin qu’elle a été, sans exposer tout le gros des affaires.

666. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Maurice comte de Saxe et Marie-Josèphe de Saxe, dauphine de France. »

Voilà d’où je compte le commencement de ma vie, et d’où j’en commence ce journal, le reste étant des puérilités que je ne toucherai qu’en général. » S’il ne prend sa vie qu’à partir de l’âge de onze ou douze ans, il est fâcheux que les Mémoires s’arrêtent au moment de ses débuts en Flandre et avant la bataille de Malplaquet à laquelle il assista, c’est-à-dire avant qu’il eut accompli sa treizième année. […] Mais il est impossible que dans les dictées d’un homme de guerre d’une vocation aussi décidée il n’y ait pas de bonnes et fines remarques de détail (comme chez Montluc en son temps), des observations pratiques utiles au métier et d’autres qui touchent au moral de l’art et qui sont supérieures : Mes Rêveries en sont semées ; Napoléon, en les lisant, y a fait les deux parts10 ; et le comte Vitzthum a raison d’y signaler, à son tour, de bonnes et même de tout à fait belles pages : ainsi l’exposé de la bataille de Pultava, ainsi un curieux récit de l’affaire de Denain au point de vue du prince Eugène11 ; ainsi des réflexions sur la défaite de Malplaquet, sur la déroute de Ramillies ; de singulières anecdotes sur des paniques d’hommes et de chevaux même après la victoire gagnée, racontées à l’auteur par Villars ; mais surtout un admirable endroit sur l’idée du parfait général d’armée que le comte de Saxe avait vu à peu près réalisé en la personne du prince Eugène. […] Un autre peintre qui n’est ni sobre ni élégant, qui est souvent barbouilleur, mais qui rencontre parfois des mots qui touchent au vif, le marquis d’Argenson, après avoir parlé du manque de génie et de vigueur de nos officiers petits-maîtres à cette date, a dit : « C’est donc le besoin des affaires qui nous a réduits à nous servir d’étrangers : les Allemands et ceux du Nord ont mieux conservé aujourd’hui le véritable esprit de la guerre ; nous tirons de leurs pays des hommes et des chevaux (c’est poli) plus robustes et plus nerveux que les nôtres.

667. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Maurice comte de Saxe et Marie-Joséphine de Saxe dauphine de France. (Suite et fin.) »

C’est un coup d’œil unique, et, je le répète, rien n’a plus l’air d’un sacrifice. » Peut-on imaginer rien de mieux dit, de mieux senti et de mieux touché que ce récit ? […] Il lui en touchait un mot dès l’année 1746, puis encore dans ses lettres du 10 janvier et du 10 mars 1767, et il lui en parle en des termes qui ne sont point parfaitement d’accord avec ce que dit l’auteur de la Notice sur la Vie de Favart en tête des Mémoires de ce dernier. […] L’abbaye de Thélème ou le paradis d’Odin, il y avait de l’un et de l’autre à Chambord. — La Bruyère a fait une remarque où, sans avoir l’air d’y toucher, il dit leur fait aux bourgeoises de son temps : « Tout le monde connaît cette longue levée qui borne et qui resserre le lit de la Seine, du côté où elle entre à Paris avec la Marne qu’elle vient de recevoir : les hommes s’y baignent au pied pendant les chaleurs de la canicule ; on les voit de fort près se je ter dans l’eau, on les en voit sortir : c’est un amusement.

668. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Le Général Franceschi-Delonne : Souvenirs militaires, par le général baron de Saint-Joseph. »

J’ai pris un grand plaisir à l’entendre lire, il y a quelques mois, dans un temps où je n’étais guère capable d’une application continue ; cette notice m’a touché à la fois par la singularité de la destinée individuelle qu’elle retrace, et par les réflexions morales et humaines qu’elle suggère : je me suis promis d’en faire part à mes lecteurs, à mon premier loisir, et de les associer, s’il se peut, aux sentiments que j’avais éprouvés moi-même au récit de cette simple et véridique histoire. […] Ses habitants furent empressés de nous donner l’hospitalité ; leurs attentions me touchèrent. […] Ils arrachèrent au général une dernière dépouille, sa giberne : il consentit à la livrer ; mais, montrant ses décorations : « Vous aurez ma vie, dit-il, avant que vos mains y aient touché. » Les prisonniers ne firent que traverser Séville pendant la nuit.

669. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamartine — Lamartine »

En essayant de les continuer, d’en faire entendre de semblables, non point parce qu’il sentait de même, mais parce qu’il visait à un genre littéraire, Jean-Baptiste égarait toute spiritualité dans les échos de ses rimes sonores : Racine fils, bien débile sans doute, était plus voisin de son noble père, plus vraiment touché d’un des pâles rayons. […] J’ignore s’il a gagné aux voies trop détournées, où il s’est tenu, beaucoup d’âmes de mystère ; mais il n’a en rien touché le grand nombre des âmes  accessibles d’ailleurs aux belles et bonnes paroles, et dignes de consolation. […] Il ne conçoit les transformations de l’humanité, même la plus adulte, que sur le terrain de l’héritage du Christ, dans le champ sans limites, acheté et nommé de son sang, toujours en vue de la Croix, au pied de l’indéfectible mystère. — Tel nous apparaissait Lamartine, lorsqu’hier sa voile s’enflait vers l’Orient ; tel il nous reviendra bientôt, plus pénétré et plus affermi encore, après avoir touché le berceau sacré des grandes métamorphoses. 

670. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. ULRIC GUTTINGUER. — Arthur, roman ; 1836. — » pp. 397-422

assez fâcheusement et abondamment de s’y introduire ; mais on s’y laisse moins prendre qu’ailleurs ; on l’y sent tout aussitôt sous les déguisements et les emprunts qu’il tente ; on le rejette avec dégoût, ou plutôt il va naturellement au fond ; et, tandis que, sous l’écorce de la prose, bien des talents équivoques en qualité surnagent, tandis qu’ils atteignent à une contrefaçon assez difficile à démêler, et qu’avec le travail, l’instruction, l’imitation de ce qu’on lit, la répétition assez bien débitée de ce qu’on entend, avec tous ces mérites surchargés, on parvient souvent à une sorte de compilation de fond ou de style, décente, et qui fait fort honnëte contenance, en poésie la qualité fondamentale se dénote aussitôt, la substance des esprits s’y fait toucher dans le plus fin de l’étoffe ; aussi très-peu suffit pour qu’on ait rang, sinon parmi les grands, du moins entre les délicats, et qu’on soit, comme tel, distingué de la muse, de cette muse intérieure qui console : ce qui, j’en conviens, n’empêche pas d’être parfaitement ignoré du vulgaire, comme disent les poëtes, c’est-à-dire du public. […] La Terreur est touchée en quelques grands traits : Bonaparte et le Consulat éblouissent en passant ; on voit sous quels rayons, sous quels romanesques prestiges ces souvenirs historiques se sont reflétés et nuancés dans une adolescence si vive où toutes les parties non sévères se hâtaient d’éclore. […] Comme l’intérieur de la mère de Julie, de ces petites maisons élégantes et fragiles, est touché avec relief, avec émotion, et par quelqu’un qui les a trop vues !

671. (1890) L’avenir de la science « XIX » p. 421

Qui ne serait profondément touché en voyant l’intérêt que nos classes ignorantes prennent à cette civilisation qui est là au milieu d’eux, non pour eux ? […] On n’est sensible qu’aux offenses de ses égaux ; les injures d’un goujat touchent ses semblables, mais ne nous atteignent pas. […] J’ai lu quelque part qu’un poète ou philosophe (allemand, je crois) s’enivrait régulièrement et par conscience une fois par mois, afin de se procurer cet état mystique où l’on touche de plus près l’infini.

672. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — CHAPITRE VII »

La voilà surprise et presque touchée. […] Il ne peut s’intéresser à ce Jacques qu’il n’a jamais vu et qu’il ne verra pas ; Jacques est, pour lui, le mandarin dont parle Rousseau : on ne voudrait pas le tuer, cela va sans dire ; mais les dangers qu’il peut courir dans les pays extravagants où il s’est fourré ne vous touchent guère plus que ceux du Sindbad des Mille et une Nuits. […] Nous touchons ici au vice organique de la comédie de M. 

673. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Chansons de Béranger. (Édition nouvelle.) » pp. 286-308

Il y a ici une question littéraire qui n’a jamais été touchée qu’à peine, tant il a été convenu d’emblée et d’acclamation que Béranger était classique comme Horace, et le seul classique des poètes vivants. […] Son art, son adresse et son triomphe, ç’a été de toucher si bien les cordes chères au grand nombre, qu’il a ainsi enlevé son monde (le malin qu’il est), et qu’il n’y a plus eu de public distinct en face de lui, mais un seul chorus à la ronde. […] D’autres côtés grandiront et survivront : ce sont ceux qu’a touchés le souffle pur et frais de la poésie.

674. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Lettres de Goethe et de Bettina, traduites de l’allemand par Sébastien Albin. (2 vol. in-8º — 1843.) » pp. 330-352

Quelquefois cette effusion à laquelle elle se livre est bien étrange et touche de près au ridicule : « Quand je suis au milieu de la nature, dont votre esprit, lui écrit-elle, m’a fait comprendre la vie intime, souvent je confonds et votre esprit et cette vie. […] Goethe est touché et répond avec émotion, avec complaisance. […] Il est évident que Beethoven fut touché au cœur par cette jeune personne qui savait si bien l’écouter et lui répondre avec ses beaux regards expressifs.

675. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Le comte-pacha de Bonneval. » pp. 499-522

Je dois croire, à ce procédé, que les marques de ma tendresse vous touchent peu ; elle est cependant d’une nature à espérer un plus heureux sort. […] Quoique je ne sois pas vaine, il serait impossible de n’être pas flattée de ce qui se publie sur votre compte ; je ne fais pas un pas que je n’entende faire votre éloge, et d’une façon que je vous avouerai qui séduit mon oreille et touche véritablement mon cœur. […] Voilà le faible de l’homme merveilleusement touché.

676. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Beaumarchais. — II. (Suite.) » pp. 220-241

Au contraire, les autres personnages plaisent et séduisent par une touche légère et d’une nuance bien naturelle : et Suzanne, « la charmante fille, toujours riante, verdissante29, pleine de gaieté et d’esprit, d’amour et de délices », très peu sage, quoi qu’on en dise, très peu disposée du moins à rester telle, mais qui n’en est encore qu’à la rouerie innocente et instinctive de son sexe ; de même, dans un ordre plus élevé, la comtesse, si habile déjà à son corps défendant, et si perfectionnée en femme du monde, sans avoir pourtant failli encore au devoir et à la vertu. […] Les pauvres camarades de son mari, touchés de son triste sort, se sont tous cotisés pour la faire vivre un moment. […] Je ne sais si j’ai bien fait toucher du doigt au lecteur tous les points singuliers et les traits distinctifs de cette destinée et de cette fortune bizarre du Mariage de Figaro, une représentation arrachée, malgré le roi et les magistrats, par la Cour, par le public et par l’auteur, triomphante et déréglée, se tournant contre ses propres spectateurs, s’aidant tour à tour de tous les moyens auxiliaires de scandale, de sensibilité et de bienfaisance, et menant au plus beau moment son héros à Saint-Lazare ; traitement infamant et indigne, dont il se trouve toutefois presque consolé, puisqu’il en est sorti une ordonnance de comptant de deux millions cent cinquante mille livres.

677. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Mémoires de Daniel de Cosnac, archevêque d’Aix. (2 vol. in 8º. — 1852.) » pp. 283-304

Il n’y avait qu’un abbé de Choisy pour toucher ces choses équivoques avec cette grâce et cette complaisance. […] M. le comte Jules de Cosnac a été un éditeur tel qu’il convenait de l’être à notre date, comptant les intérêts du public lettré avant ceux même qui ne touchaient qu’à la gloire de son ancêtre et à l’amour-propre de sa maison. […] J’ai voulu citer tout ce passage qui nous touche par la destinée du grand homme qui y est en jeu et qui s’y agite si indifféremment : on se sent pénétrer d’une amère pitié.

678. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Voltaire et le président de Brosses, ou Une intrigue académique au XVIIIe siècle. » pp. 105-126

Le président répond à ses propositions point par point, avec exactitude et précision, en homme d’affaires et en y mêlant de l’homme d’esprit ; il touche très bien l’endroit délicat, et qui fait désirer à Voltaire de n’être pas tout entier à la merci de Genève : « Il faut être chez soi… Il ne faut pas être chez les autres… Vous ne sauriez croire combien cette république me fait aimer les monarchies. » À la réponse précise et catégorique du président, Voltaire semble oublier ce qu’il a proposé lui-même ; il recule, il hésite, et substitue comme par négligence d’autres propositions aux premières. […] Le président de Brosses, qui touchait par plus d’un point à l’école philosophique, n’avait pas fait alliance avec elle, et s’était refusé même à entrer dans la ligue. […] Si de Brosses accorde beaucoup trop à Voltaire quand il l’appelle le plus grand coloriste du monde, il touche très juste en observant qu’il applique indifféremment la même manière à tous les ordres de sujets.

679. (1864) William Shakespeare « Deuxième partie — Livre I. Shakespeare — Son génie »

Il touche aux deux pôles. […] Elles sont sœurs sans se connaître, et se touchent par l’âme, quoique chacune ait son drame à part. […] Vous voici dans le resplendissant jardin des Muses où s’épanouissent en tumulte et en foule à toutes les branches ces divines éclosions de l’esprit que les grecs appelaient Tropes, partout l’image idée, partout la pensée fleur, partout les fruits, les figures, les pommes d’or, les parfums, les couleurs, les rayons, les strophes, les merveilles, ne touchez à rien, soyez discret.

680. (1759) Réflexions sur l’élocution oratoire, et sur le style en général

J’ai vu mes tristes journées Décliner vers leur penchant ; Au midi de mes années Je touchais à mon couchant  La mort déployant ses ailes, Couvrait d’ombres éternelles La clarté dont je jouis ; Et dans cette nuit funeste Je cherchais en vain le reste De mes jours évanouis. […] Ne serait-ce point par cette raison qu’il est rare de lire de suite et sans dégoût un long ouvrage en vers, et que les charmes de la versification nous touchent moins à mesure que nous avançons en âge ? […] La logique de l’Évangile est dans nos cœurs ; c’est là qu’on doit la chercher ; les raisonnements les plus pressants sur le devoir indispensable d’assister les malheureux, ne toucheront guère celui qui a pu voir souffrir son semblable sans en être ému ; une âme insensible est un clavecin sans touches, dont on chercherait en vain à tirer des sons.

681. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Philarète Chasles » pp. 147-177

parce qu’on donne ses filles pour gardes à Galilée, et pour prison un palais dans une campagne charmante ; parce qu’on ne touche à aucune des aises de sa vie ; parce qu’on lui laisse s’entonner en paix un excellent vin grec, qui fait ainsi pleurer Chasles, dans le verre de Galilée, en regardant les étoiles : « Pauvre vieillard ! […] Il valait mieux ne pas toucher au Galilée du Siècle. […] S’il avait touché à ce sujet si passionné de Virginie de Leyva, de cette plume froidement scélérate qui a hideusement poétisé le père de la Cenci, il nous aurait fait quelque chose d’affreux, je le sais bien !

682. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Sainte-Beuve. Les Poésies de Joseph Delorme, Les Consolations, les Pensées d’août. »

Dans le Dévouement, qui n’est plus que la générosité de ce cœur exaspéré de solitude, — dans ce beau portrait d’une touche lumineuse et cependant si mélancolique, Toujours je la connus, pensive et sérieuse, où, sous la placidité familière des images, on sent l’agitation de l’âme qui voudrait se rasséréner dans ce calme de la raison et de la vertu ; dans L’Enfant rêveur, Le Creux de la vallée, En m’en revenant un soir d’été, après neuf heures et demie, La Gronderie, la Pensée d’automne ; dans la magnifique pièce, souvenir, allumé comme un candélabre, dans l’âme de tout ce qui eut vingt-ans : Les flambeaux pâlissaient, le bal allait finir, Et les mères disaient qu’il fallait s’en venir… où le néant de la vie se met à sonner tout à coup, dans ces deux poitrines rapprochées qui étouffent de la valse et du bonheur de se toucher, ce glas funèbre :                                      … Ah ! […] » Mais, quand des grands mortels par degré j’approchai, Je me sentis de honte et de respect touché.

683. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Pommier. L’Enfer, — Colifichets. Jeux de rimes. »

Amédée Pommier, c’est d’avoir touché au sujet le plus difficile et littérairement le plus dangereux, en raison de sa beauté même. […] Pour nous, ce que nous avons voulu chercher et indiquer sous ces poésies éclatantes, solides, toutes semblables à de la sculpture dans un métal incandescent, c’est le poète plus haut que la matière qu’il touche d’une main si puissante ; le poète, avant tout, spirituel ! […] Des mains aussi puissantes que les siennes, pour ne pas dire plus, avaient touché ce frêle grelot du mot, du vers trisyllabique et même unisyllabique, et avaient éveillé tout un monde de concerts dans cette coque sonore.

684. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XXIV. »

Béranger n’a été, quoi que vous puissiez dire, ni un sage et grand publiciste, ni un utile ami de la liberté ; mais il a rencontré dans son art l’accent lyrique, et il a su toucher la passion de la foule en plaisant au goût des habiles. […] Dans sa trentième année cependant, touchée de l’attachement profond que ressentait pour elle un jeune et célèbre député des cortès, élevé par la révolution au titre de chef politique de Madrid, elle lui donna sa main ; mais ce choix ne devait être que la consolation et l’orgueil d’un mourant. Pedro Sabater, que dona Gomez acceptait pour époux, consumé dans les luttes de tribune et les rudes fatigues d’une ambition aux prises avec l’anarchie, touchait au dernier terme d’un mal de poitrine.

685. (1889) La littérature de Tout à l’heure pp. -383

— Le Public corrompt tout ce qu’il touche. […] Il a même été touché par l’influence scientifique. […] Ils effleurent tout et ne touchent rien. […] Dans un salon, une harpe, si vous n’êtes un musicien, y toucherez-vous ? […] Mais non : si vous ne savez « jouer un air », ne touchez pas à la harpe.

686. (1891) La vie littéraire. Troisième série pp. -396

C’est une vérité que l’observation peut établir, et si frappante que tout le monde en est touché. […] Il nous montre la laideur, la brutalité, la bêtise épaisse, la ruse sauvage de la bête humaine, et cela nous touche. […] Et les plaintes du bouvier provençal, comme celles du laboureur berrichon, doivent nous toucher. […] Il n’osa pas lui parler ; mais il toucha sa robe, et le soir, encore troublé, il confia au papier cette aventure d’amour. […] Rien ne me touche à vrai dire comme ce paganisme inconscient.

687. (1854) Causeries littéraires pp. 1-353

Feuillet touche à ce thème paradoxal. […] La subtilité touche de si près à la finesse ! […] Ceci nous touche de plus près ; M.  […] Albert de Broglie y touchât. […] Alexandre Dumas, qui touchent aux mêmes souvenirs et aux mêmes personnages.

688. (1868) Rapport sur le progrès des lettres pp. 1-184

Mmes de Gasparin et Daniel Stern visent et touchent plus haut encore. […] Ses vers, publiés par de La Touche, furent une vraie révélation. […] Quant au vase, il reste intact aux yeux de tous ; mais n’y touchez pas ! […] Le superbe nom de Talma planait encore au-dessus de la question et consacrait ce qui touchait à sa mémoire. […] Il donne au public le loisir de reprendre haleine ; il l’amuse, il le touche, il l’intéresse.

689. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — G — Guérin, Maurice de (1810-1839) »

Ses lettres confidentielles, intimes et sublimes révélations à son ami le plus cher, montrent une résignation portée jusqu’à l’indifférence, en tout ce qui touche à la gloire éphémère des lettres… C’était une de ces âmes froissées par la réalité commune, tendrement éprises du beau et du vrai, douloureusement indignées contre leur propre insuffisance à le découvrir, vouées, en un mot, à ces mystérieuses souffrances dont René, Oberman et Werther offrent, sous des faces différentes, le résumé poétique.

690. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre IV. Petits Symbolards » pp. 49-52

Dès qu’on y touche, les personnages se mettent en branle.

691. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — A — article » pp. 163-165

On lui a reproché une touche quelquefois trop sombre ; mais ce coloris n’en est que plus conforme aux images qu’il nous trace, son but étant d’exciter la terreur & la pitié, & l’on ne peut, sans injustice, lui refuser le mérite d’y avoir réussi.

692. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — L — article » pp. 150-153

Nous connoissons de lui plusieurs Ouvrages de Poésie qui nous ont paru très-estimables, mais dont la gloire semble le toucher peu.

693. (1763) Salon de 1763 « Peintures — Boucher » pp. 196-197

Il était impossible de toucher plus grandement et de donner une plus belle tête au Joseph qui sommeille derrière la Vierge qui adore son fils.

694. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Avant-propos » pp. 1-5

Un livre qui, pour ainsi dire, déploïeroit le coeur humain dans l’instant où il est attendri par un poëme, ou touché par un tableau, donneroit des vûës très-étenduës et des lumieres justes à nos artisans sur l’effet general de leurs ouvrages qu’il semble que la plûpart d’entre eux aïent tant de peine à prévoir.

695. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « MME DESBORDES-VALMORE. » pp. 124-157

La maison touchait au cimetière de la paroisse de Notre-Dame, et prenait de ce voisinage un caractère religieux, austère ; un grand calvaire à côté dominait les humbles croix et les gazons. […] Des obstacles de bien des sortes donnent un démenti à ce mot toujours… Mais tu vois aussi que la persévérance dans le bien touche toujours la bonté de Dieu qui semble dire à la fin : « Laissez-la faire. » Donc, si j’avais toujours voulu le bien, avec un si bon père, j’y serais peut-être parvenue ! […] Je ne sais, après tant de douleurs, ce qui pouvait me toucher davantage. […] » Elle a une modique pension qu’elle touchait d’abord avec une sorte de pudeur ; elle s’en confesse et s’en humilie : « (26 octobre 1847)… Il y a deux jours enfin, j’ai reçu le trimestre qui me semblait autrefois si pénible à recevoir, par des fiertés longtemps invincibles, et que j’ai vu arriver depuis d’autres temps comme si le Ciel s’ouvrait sur notre infortune… « Ne nous laissons pas abattre pourtant, il faut moins pour se résigner à l’indigence quand on sent avec passion la vue du soleil, des arbres, de la douce lumière, et la croyance profonde de revoir les aimés que l’on pleure… « En ce moment, je n’obtiendrais pas vingt francs d’un volume : la musique, la politique, le commerce, l’effroyable misère et l’effroyable luxe absorbent tout… « Mon bon mari te demande de prier pour lui au nom des pontons d’Écosse.

696. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « MÉLEAGRE. » pp. 407-444

L’enfant est plus belle que toutes vos couronnes. » Si, dans un festin, la coupe a touché les lèvres de Zénophila, il s’écrie : « Le calice a souri de joie, il dit qu’il a touché la lèvre éloquente de l’aimable Zénophila : bienheureux ! […] Vois, la rose amoureuse est en pleurs de ne plus la sentir ici, de ne plus la voir sur mon sein131. » Un autre jour, un matin qu’il est près d’elle et qu’il est heureux, il dit à l’abeille qui voltige : « Abeille qui vis de fleurs132, pourquoi me viens-tu toucher le corps d’Héliodora, quittant pour elle les calices du printemps ? […] Je fais remarquer seulement que le mot de sauterelle en grec (ἀχρὶς) n’a rien que d’agréable, et que, de plus, tous les mots dans cette petite pièce sont choisis dans un sentiment imitatif, et de manière à exprimer le cricri fondamental combiné avec une certaine harmonie : ces nuances échappent en français : « Sauterelle, tromperie de mes amours, consolation du sommeil qui me fuit ; Sauterelle, muse rurale à l’aile sonore, imitation toute naturelle de la lyre, touche-moi quelque chose d’enchanteur en frappant de tes pieds chéris tes ailes babillardes ; ainsi chasse de moi les fatigues d’un souci toujours en éveil, en ourdissant, ô Sauterelle, un son qui distraie l’amour.

697. (1861) La Fontaine et ses fables « Deuxième partie — Chapitre II. Les bêtes »

Elle nous représente encore des hommes, c’est-à-dire des affaires sérieuses et des passions tristes ; elle nous touche de trop près ; son contrecoup est si fort qu’il nous fait mal. […] Il nous semble qu’ils ont dû se réjouir, lorsque l’aube a touché de son rayon charmant leur tête si fine. […] II Il l’a frayée du premier coup, toute grande, sans efforts ni recherches ; il y entrait naturellement, parce qu’il était rêveur, et il y avançait parce qu’il s’y trouvait bien. « Il était touché des fleurs, des doux sons, des beaux jours. » « Le monde entier pour lui était plein de délices. » Un ruisseau suffisait pour l’occuper et l’enchanter. « Que je peigne en mes vers quelque rive fleurie !  […] « Ils ne mouraient pas tous, mais tous étaient frappés… Les tourterelles se fuyaient »114 Ainsi Virgile, au milieu des calamités du monde, le coeur touché d’une compassion infinie, trouvait des larmes pour ces frères inférieurs de l’homme, « nos bienfaiteurs »115 Comme Virgile encore, il avait pitié des arbres ; il ne les excluait pas de la vie. « La plante respire », disait-il.

698. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXVe entretien. La Science ou Le Cosmos, par M. de Humboldt (4e partie) » pp. 429-500

VII La journée, longue pour tous ces passagers, touche à son déclin. […] C’est le coup sourd des vagues qui s’amoncellent et qui viennent de minute en minute heurter les flancs du vaisseau ; ce sont les plaintes des madriers et des solives qui, dans cet immense chantier flottant, tendent à se détacher les uns des autres pour reprendre leur liberté ; ce sont les sifflements des ailes du vent à travers les voilures, dont cinq cents matelots intrépides prennent les ris ; le tumulte des hommes sur le pont tremblant, la voix et le sifflet du commandant, les voiles qui se déchirent et qui emportent dans les airs la force échappée de leurs plis, les mâts surchargés qui se rompent et qui tombent avec leurs vergues et leurs cordages sur les bastingages, le pas précipité des matelots courant où le signal les appelle, les coups de haches qui précipitent à la mer ces débris pour que leur poids ajouté au roulis du navire ne l’entraîne pas dans l’abîme ; le tangage colossal de ces débris mesuré par six cents pieds de quille, tantôt semble gravir jusqu’aux nuages la lame écumeuse et la diriger en plein firmament, tantôt, arrivé au sommet de la vague, se précipiter la tête la première, les bras des vergues tendus en avant dans l’abîme où il glisse, le gouvernail touchant au fond de l’océan ; les matelots suspendus aux câbles décrivent des oscillations gigantesques sur l’arc des cieux ; les canons détachés de leurs embouchures roulent çà et là sur les trois ponts avec des éclats de foudre ; à chaque effondrement du vaisseau entre des montagnes d’écumes qui semblent l’engloutir, un cri perçant monte de la prison des condamnés, puis des voix de femmes et d’enfants qui croient toucher à leur dernière heure. […] Ce moment dispose admirablement à être touché de Saint-Pierre, mais il échappe aux curieux qui arrivent en voiture. […] XXVI Il s’est formé parmi les savants une nouvelle école qui affecte, comme des sourds et muets, de n’admettre que ce qu’ils touchent et de traiter l’existence et le gouvernement du Créateur avec la plus dédaigneuse indifférence, affectant de tout expliquer sans Dieu et sans mystère.

699. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « M. Deschanel et le romantisme de Racine »

Mal en a pris à Racine d’avoir eu des torts envers ceux à qui il ne faut pas toucher, d’avoir raillé Port-Royal et offensé Molière. […] L’homme de lettres, l’artiste, celui qui, par métier, observe, analyse et exprime ses propres sentiments et par là développe sa capacité de sentir, reçoit de tout ce qui le touche et, en général, du spectacle de la vie des impressions plus fortes et plus fines que le vulgaire : ce n’est pas là, j’imagine, une infériorité pour l’artiste, même en admettant que cette impressionnabilité excessive ne soit qu’un jeu divin, une duperie volontaire et intermittente et qui ne serve qu’à l’art. […] Deschanel démonte avec beaucoup d’adresse l’admirable tragédie de Phèdre, nous fait toucher du doigt comment elle est composée, ce qu’elle garde d’Euripide et de Sénèque, ce que Racine y a mis du sien. « L’édifice a trois étages, trois ordres, dont les provenances diverses s’accusent dans la conception et dans le style : l’ordre attique, l’ordre romain, l’ordre français ; je dis trois ordres de poésie et de civilisation55 ». […] On connaît la mystique invocation d’Hippolyte à Artémis, ce chant vraiment pieux et dont le ton rappelle celui des cantiques à la sainte Vierge : « … Ô ma souveraine, je t’offre cette couronne cueillie et tressée de mes mains dans une fraîche prairie, que jamais le pâtre et ses troupeaux ni le tranchant de fer n’ont osé toucher, où l’abeille seule au printemps voltige, et que la Pudeur arrose de ses eaux limpides, etc. » Cette image (la Pudeur et ses eaux limpides), M. 

700. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Mme Desbordes-Valmore » pp. 01-46

Il s’est réjoui d’introduire, dans une discussion de pure curiosité, et dont les conclusions ne peuvent toucher qu’un mort et une morte, un document faux, mais dont la fausseté n’était d’ailleurs ni paradoxale, ni imprévue, ni, d’autre part, désobligeante à aucun degré pour ceux qu’il abusait un moment. […] Elle touche le cœur. […] … Je t’avoue que j’ai quelquefois peur de toucher à de certaines pages de Victor Hugo. » Cette femme manquait délicieusement de mesure et d’esprit critique. Elle dit d’Auber qui lui avait envoyé sa carte : « Je garderai donc cette carte qui me touche et m’honore… Je l’ai approchée de mon cœur brisé.

701. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — CHAPITRE IX »

Le feu de l’esprit a la vertu du feu terrestre : il purifie tout ce qu’il touche, il épure la fange ardente que traversent, en courant, sans s’y salir, ces vérités nues, toutes frissonnantes de leur nudité. […] D’abord tout n’est, autour de lui, que parfums, fraîcheurs, limpidités, délices ; mais que son pied touche le fond, et il en fera jaillir la vase impure qui y croupissait. […] Qu’il était difficile de toucher, sans le froisser, à ce fin linceul ! […] Ce que j’en admire, ce sont moins encore ses scènes de passion que ses tableaux du monde interlope, d’une touche si juste et d’un ton si fin : l’impertinence de la courtisane éconduisant ses amoureux importuns, ses gaietés nerveuses, ses ironies tristes, les mépris qu’elle a d’elle-même et des autres, et ce souper d’où les réparties jaillissent, capiteuses et vives, comme la mousse des vins.

702. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1878 » pp. 4-51

. — Oui, parfaitement, reprend Bardoux, il y en avait un du temps de M. de Fontanes, mais il est cassé… » ……………………………………………………………………………………………… Quand je m’en vais, Bardoux me prend affectueusement le bras, me disant : « Voyons, vous n’avez pas quelque chose à me demander… pour quelqu’un… Vous n’avez pas à me recommander un ami. » Et je m’en vais, touché de cette aimable offre, en pensant en moi-même, combien il faut que le malheureux ministre soit habitué aux demandes, pour que l’idée lui vienne d’en provoquer une, chez quelqu’un qui ne lui demande rien. […] Puis la petite maison aux chambres, grandes comme les chambres de Pompéi, vous fait toucher le cadre étroit, où se joue la vie de ce petit peuple. […] * * * — Littré disait à un de mes amis : « La terre est une planète inférieure, et l’homme un composé mal assemblé. » Jeudi 19 septembre Dans les petits objets manuels, fabriqués anciennement par les Japonais, on sent qu’ils travaillaient pour des touchers délicats, pour des tacts d’artistes. […] Le jeune Giraud revenant chez lui avec son enfant de chœur sur les bras, s’approchait d’une de ces peu vertueuses demoiselles, et détachait d’un coup de clef, un éclat du bas de pain de sucre, moyennant quoi, il obtenait de toucher un rien à ses charmes.

703. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Edgar Allan Poe  »

par une inversion subite, le poète touche la région cérébrale, désigne l’émotion qu’il va surexciter. […] Le toucher avait subi une modification plus singulière. […] Dans cet essai philosophique où Poe déploie des facultés spéculatives analogues à celles des dialecticiens allemands et touche en passant à certaines propositions qui font partie des plus récentes hypothèses évolutionnistes, l’origine, c’est-à-dire la cause de la loi de la gravitation, sont recherchées. […] Elle détermine les choses, les scènes, les âmes, les plans, les théories et les idées Toute la configuration de l’île de Tsalal dans les Aventures est inventée, l’eau opaque, veinée, chatoyante et teintée qui coule dans ses ruisseaux, l’absence de blanc dans tout ce que touchent les naturels et l’horreur que leur inspire cette couleur, la stratification des roches et le plan des vallées.

704. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Victor Hugo — Victor Hugo, Les Chants du crépuscule (1835) »

Qu’à son heure, à son jour, l’Esprit saint les réclame, Les touche l’une et l’autre, et leur dise : Chantez ! […] Un mortel peut toucher une lyre sublime Et n’avoir, qu’un cœur faible, étroit, pusillanime, Inhabile aux vertus qu’il sait si bien chanter, Ne les imiter point et les faire imiter.

705. (1874) Premiers lundis. Tome II « Mémoires de Casanova de Seingalt. Écrits par lui-même. »

Et comme Lucrezia avait une plus jeune sœur, qui, s’apercevant de son amour, la blâmait et la plaignait ; comme cette sœur, qui n’aimait pas le jeune abbé, allait se marier et se fixer à Rome, la belle amante dit un jour : « Mon ami, mon bonheur ne saurait durer longtemps ; nos affaires se terminent, je touche au moment cruel où il faudra que je me sépare de toi. […] Au moment de partir, comme elle avait touché mille louis de son banquier, elle lui mit dans la poche cinq rouleaux de cent louis, faible consolation, a-t-il soin de nous dire, pour mon cœur accablé d’une si cruelle séparation .

706. (1861) La Fontaine et ses fables « Première partie — Chapitre I. L’esprit gaulois »

Une raie de peupliers solitaires au bout d’un champ grisâtre, un bouleau frêle qui tremble dans une clairière de genêts, l’éclair passager d’un ruisseau à travers les lentilles d’eau qui l’obstruent, la teinte délicate dont l’éloignement revêt quelque bois écarté, voilà les beautés de notre paysage ; il paraît plat aux yeux qui se sont reposés sur la noble architecture des montagnes méridionales, ou qui se sont nourris de la verdure surabondante et de la végétation héroïque du nord ; les grandes lignes, les fortes couleurs y manquent ; mais les contours sinueux, les nuances légères, toutes les grâces fuyantes y viennent amuser l’agile esprit qui les contemple, le toucher parfois, sans l’exalter ni l’accabler. — Si vous entrez plus avant dans la vraie Champagne, ces sources de poésie s’appauvrissent et s’affinent encore. […] On les croit naïfs, ils ont l’air de n’y point toucher.

707. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — B — Baudelaire, Charles (1821-1867) »

Et, les seins dans les mains, devant lui qui sourit, Se touchent, rose essor et chair de son esprit Remords voluptueux qui tord ses yeux impies. […] Ton regard clair toucha leurs pauvres yeux fermés Et rénova leur âme en ces closes ténèbres.

708. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre VII. Maurice Barrès et Paul Adam » pp. 72-89

C’est à cette heure l’écrivain dont je me suis aperçu que je me servais le plus comme pierre de touche du goût d’un interlocuteur nouveau « Qu’est-ce que vous pensez d’Adam ?  […] Il y a de la gravité à toutes les pages où les sujets sociaux ou religieux sont touchés.

709. (1911) La valeur de la science « Deuxième partie : Les sciences physiques — Chapitre VIII. La crise actuelle de la Physique mathématique. »

Les mouvements de ces électrons produisent des perturbations dans l’éther avoisinant ; ces perturbations se propagent dans tous les sens avec la vitesse de la lumière, et à leur tour d’autres électrons, primitivement en repos, se trouvent ébranlés quand la perturbation atteint les parties de l’éther qui les touchent. […] Certes, c’en est un auquel on ne saurait toucher sans ébranler la mécanique.

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