Mais, pour bien comprendre Horace, ce La Fontaine lyrique des Latins, il faut d’abord vous raconter sa vie dans les plus intimes détails, car les œuvres d’Horace et sa vie c’est une même chose. […] Les œuvres d’Horace, odes, épodes, épîtres, satires, amours, amitié, épanchements du cœur dans la solitude, ce sont les Confessions de J. […] Son véritable monument fut le recueil de ses œuvres, qui se répandit à Rome et dans tout l’empire, par les soins d’Auguste, avec une prodigieuse profusion. Son incurie et sa modestie avaient négligé de rassembler ses œuvres fugitives pendant sa vie. […] L’amabilité peut se définir le don d’aimer et d’être aimé ; ce don se révèle dans les œuvres d’un écrivain comme dans son caractère ; il n’est pas le génie, mais il est le charme, cette qualité indéfinissable qui est le génie de l’agrément ; le don de plaire, ce don de plaire qu’on n’a jamais pu définir parce qu’il est divin, est bien rarement compatible avec l’austérité de l’esprit, du caractère et des œuvres d’un homme.
Non seulement ses œuvres, mais sa vie entière, l’attestent. […] Faites bien ce que vous faites ; travaillez fidèlement à mon œuvre, et je serai votre récompense. […] Nulle bonne œuvre ne vous sera difficile, si vous êtes libre au dedans de toute affection déréglée. […] Craignez les jugements de Dieu, redoutez la colère du Tout-Puissant ; ne scrutez pas les œuvres du Très-Haut, mais sondez vos iniquités, le mal que tant de fois vous avez commis, le bien que vous avez négligé. […] Est-ce la philosophie française du dix-huitième siècle, qui pour expliquer l’œuvre divine commence par nier le Créateur, et qui révèle à la place des fins dernières, avec Condorcet, la stupide théorie du progrès continu et indéfini ?
C’était un caractère semi-sérieux ; c’est ainsi que les Italiens désignent cette espèce d’œuvre et cette espèce d’homme dont le divin Arioste est dans leur langue le type le plus original et le plus achevé, comme Sterne l’est pour l’Angleterre. […] Nous allons, en feuilletant avec vous ses œuvres et en faisant glisser sous le pouce bien des pages, lui trouver des ancêtres moins purs et plus rapprochés de nous. […] Ses œuvres, à dater de ce jour, nous prouvent assez qu’une foi quelconque, soit religieuse, soit philosophique, soit même politique, lui manqua aussi ; nous n’en voudrions d’autre preuve que ses vers. […] Il faut reconnaître de plus que l’absence de ces trois conditions qui n’ont pas empêché la Fontaine d’être ce qu’on appelle immortel, mais qui l’ont empêché d’être moral, il faut reconnaître, disons-nous, que l’absence totale de ces trois conditions de l’homme a porté un préjudice immense au poète ; il faut reconnaître que l’absence de ces trois qualités donne à l’ensemble des œuvres de Musset quelque chose de vide, de creux, de léger dans la main, d’incohérent, de sardonique, d’éternellement jeune, et par conséquent de souvent puéril et de quelquefois licencieux qui ne satisfait pas la raison, qui ne vivifie pas le cœur autant que ses œuvres séduisent et caressent l’esprit. […] Tu ne reconnaissais pour philosophe que Stendal et pour maître que Musset, et tu te targuais d’avance tous les matins des œuvres inouïes que tu couvais sur ton oreiller inspirateur entre une nuit d’orgie et une aurore de paresse !
Et en général, cette école de philosophes systématiques et distingués qui, dans leur classification un peu bizarre des grands hommes de l’histoire, ne voulaient voir en Napoléon dont ils méconnaissaient toute l’œuvre de création civile qu’un grand et puissant rétrogradateur, ne saurait soutenir désormais un pareil sentiment après tant de paroles de sagesse, de haute clairvoyance et presque de prophétie sociale, sorties de Sainte-Hélène, et qui révèlent un fond d’âme égal ou supérieur, s’il se peut, aux actes, et parfois meilleur. […] Quand on est lettré soi-même, on sourit involontairement d’abord de voir la critique de Napoléon s’appliquer à l’examen de chacune de ces campagnes fameuses dans l’histoire comme on procéderait au jugement d’une œuvre d’esprit, d’une épopée, d’une tragédie : mais n’est-ce pas une œuvre de génie également ? […] là elle se défend encore et par des raisons excellentes, judicieuses ou du moins dès plus spécieuses, appropriées au genre, tirées de la nature et de la grandeur même de l’œuvre en question. […] Thiers, en les écrivant, n’a pas pensé à faire un morceau ; mais au terme de cette grande étude, de l’œuvre de sa vie, il est arrivé de tous les points, par la force même de la vérité et la convergence des faits, à cette conclusion énergique, à cette condensation supérieure de sa pensée.
Car c’est dommage que de si beaux effets de talent (et il y en a en mainte et mainte page) soient comme perdus dans une œuvre ardue que toute cette application de détail ne saurait animer. […] On est au cœur d’une œuvre sérieuse ; on est, si l’on se rend bien compte de la composition et de la construction du livre, à ce point central, intérieur et élevé, qui, dans tout monument d’art, fait clef de voûte ; pourquoi un semblant de gaudriole s’y est-il glissé ? […] Il y a ce qu’on appelle l’âme d’une œuvre ; cette âme ne saurait être indifféremment et partout la même, n’importe l’œuvre ; mais surtout elle ne doit pas être toujours et uniquement, par préférence et par choix, le vice malicieux ou la bagatelle. […] Son talent, à lui, est dans toute sa vigueur, dans son cours de développement ; il est en voie d’œuvres nouvelles et a devant lui l’avenir.
Un jeune et brillant génie, une âme d’artiste, un second Mozart, a été découvert dans les campagnes de Dalmatie par un dilettante effréné, le chevalier Carnioli : celui-ci l’enlève, le fait élever, le couve, le patronne et, avant de le lancer, le promet d’avance à tous d’un air de mystère ; il en est fier et glorieux comme de son œuvre et de sa conquête. […] Le drame d’ailleurs du Jeune Homme pauvre, tout en poussant à la vogue du livre, a un peu nui en même temps à l’estime qu’on en faisait ; il a mis en relief les défauts de l’œuvre et a éteint quelques-uns des agréments. Notons pourtant ce fait considérable et singulier : le Roman d’un Jeune Homme pauvre est peut-être le plus grand succès de vente de ce temps-ci ; à l’heure qu’il est, il s’en est vendu tout près de 40 000 exemplaires, et comme on le dit couramment en termes de librairie, « c’est le meilleur roman à 3 fr. » Nous reviendrons, après Sibylle, sur ce fait de la grande publicité et de l’immense faveur dont jouissent les œuvres de M. […] Serait-ce un poème qu’il a voulu faire, une œuvre d’imagination, de mélodie, de description, de peinture harmonieuse, de féerie à demi chrétienne, un chant imité de Spencer ou de Tennyson ? […] Je n’en vois qu’un, jusqu’ici, qui soit motivé et justifié, et qui ferait rentrer l’œuvre dans la classe des romans d’éducation de miss Edgeworth.
Cette seconde partie de Don Quichotte, que l’auteur publia en 1615, à l’âge de soixante-huit ans, avait été devancée par l’œuvre d’un imitateur ou contrefacteur qui avait voulu, comme on dit, lui couper l’herbe sous le pied, lui pousser le coude avant qu’il eût fini de boire. […] Notre profonde conviction est que l’œuvre de Cervantes est méconnue dans ce qui en fait la haute portée, en ce sens que généralement on ne lui attribue que l’intention de ridiculiser et la chevalerie et les livres de chevalerie. […] On peut de loin, à distance, et en envisageant l’ensemble d’une œuvre, en embrassant d’un coup d’œil les conséquences qu’elle a eues, l’influence qu’elle a exercée sur l’esprit humain à travers les siècles, en la rapprochant d’autres œuvres analogues ou contraires, on peut y reconnaître autre chose et plus que l’auteur tout le premier n’était tenté d’y voir, et plus, certainement, qu’il n’a songé à y mettre. […] Mais cette part légitime de pensées et de réflexions qu’ajoute incessamment l’esprit humain aux monuments de son héritage intellectuel, cette plus-value croissante qui a pourtant ses limites, doit être soigneusement distinguée de l’œuvre elle-même en soi, bien que celle-ci la porte et en soit le fond.
Jules Philippe, les Poëtes de la Savoie 50, qui se recommande par une Introduction sur les anciens poëtes et versificateurs du pays, et par un choix des modernes, y compris les vivants, j’ai été frappé de la notice sur Jean-Pierre Veyrat, né en 1810, mort en 1844, que l’éditeur n’hésite pas à saluer du titre, non pas de « poëte souverain », mais de « grand poëte. » Les extraits qui suivent, dans le volume, ne me paraissant pas tout à fait suffisants pour motiver un pareil éloge, j’ai voulu remonter à la source, aux œuvres mêmes, et, pour achever de m’éclairer, j’ai consulté un de mes amis, un proche parent de Veyrat, et qui m’avait déjà entretenu de lui à la rencontre, M. […] L’œuvre de Veyrat laisse fort à désirer ; mais son existence, sa destinée, sont bien celles d’un poëte, d’un des blessés du temps dans la lutte des idées, et aujourd’hui que Savoie et France ne font qu’un et que sa patrie est nôtre, il mérite d’être visité et honoré de nous dans sa tombe. […] Cette première partie de la vie et des œuvres de Veyrat ne mériterait aucunement d’être rappelée, s’il s’en était tenu là : elle mériterait plutôt le contraire. […] Dans ces accès de noire mélancolie, je m’exilais solitaire dans les montagnes, au penchant des précipices, dans les cavernes où les torrents prennent leurs sources ; comme Manfred, je secouais mes cheveux aux vents des glaciers, et je cherchais à me fuir moi-même dans la contemplation de l’œuvre éternelle : je cherchais l’impossible ! […] Un jour, si l’avenir vient combler mon attente, J’expirai mes erreurs par une œuvre éclatante ;.
Nous ne mettrons pas ici l’épigramme qui est d’ailleurs dans les Œuvres de Boileau, parce qu’elle est faible et assez peu piquante : Racine, en sa saison profane, l’eût faite plus méchante. […] Autrefois, durant la période littéraire régulière, dite classique, on estimait le meilleur poëte celui qui avait composé l’œuvre la plus parfaite, le plus beau poëme, le plus clair, le plus agréable à lire, le plus accompli de tout point, l’Énéide, la Jérusalem, une belle tragédie. […] Le plus grand poëte pour nous est celui qui, dans ses œuvres, a donné le plus à imaginer et à rêver à son lecteur, qui l’a le plus excité à poétiser lui-même. […] Depuis que la critique est née et a grandi, qu’elle envahit tout, qu’elle renchérit sur tout, elle n’aime guère les œuvres de poésie entourées d’une parfaite lumière et définitives ; elle n’en a que faire. […] Il semble même que les habiles et parfaits auteurs de ces chefs-d’œuvre l’aient compris tout les premiers ; car, leur œuvre achevée, ils détendaient leurs esprits, ils baissaient le ton, ils n’étaient plus les mêmes.
Tous les grands conquérants, les illustres guerriers fondateurs d’empire, ont été dans tous les temps matière à épopée, c’est-à-dire à des récits plus ou moins merveilleux, lesquels, accueillis, grossis par la bouche des peuples, colportés par des chanteurs toujours écoutés : Pugnas et exactos tyrannos Densum humeris bibit aure vulgus, se sont quelquefois résumés et fixés en œuvre durable sous la main d’un poëte de génie. […] Ce mélange d’imagination et d’histoire, d’enthousiasme et de sévérité, de récit idéal et de prophétie sensée, de personnification symbolique en Napoléon et de réalité vivante, de carnage des camps, de ruse dans les conseils et d’équité démocratique, demanderait, pour être réduit en œuvre et conduit à bien, la vie entière d’un Virgile, d’un Dante ou d’un Milton. […] » Cette concurrence, qui fait peut-être le prix des thèmes et poésies populaires, est médiocrement favorable, nous le croyons, aux monuments des génies individuels, vastes et consommés ; dans tous les cas, elle cesse du moment qu’un de ces génies a pris possession de l’œuvre et l’a consacrée de son sceau. Mais le temps n’est pas venu évidemment pour qu’une œuvre définitive de ce genre ait pu surgir. La quantité de préludes que nous entendons, la riche matière poétique qu’on broie à l’envi sur ce sujet, au lieu de préparer l’œuvre finale, ne la rendent-ils pas plus difficile ?
Usant d’une imagination adroite et subtile, il s’emploie à donnera tous ses goûts une nourriture facticement convenable, présente à ses yeux des spectacles combinés, substitue les évocations de l’odorat à l’excercice de la vue, et remplace par les similitudes du goût certaines sensations de l’ouïe, pare son esprit de tout ce que la peinture, les lettres latines et françaises ont d’œuvres raffinées, supérieures ou décadentes, oscille dans sa recherche d’une doctrine qui systématise son hypocondrie, entre l’ascétisme morose des mystiques et l’absolu renoncement des pessimistes allemands. […] Ce livre singulier et fascinant, plein de pages perverses, exquises, souffreteuses, d’analyses qui révèlent et de descriptions qui montrent, peut surprendre quand on le confronte avec les œuvres antérieures de M. […] Mais parmi ces éléments mêmes qui sont les parties extérieures et communes de toute œuvre réaliste, il en est deux, l’exactitude de la vision et la richesse du style, que M. […] Le peintre Cyprien n’est à l’aise que devant certains spectacles douloureux et minables ; il préfère « la tristesse des giroflées séchant dans un pot, au rire ensoleillé des roses ouvertes en pleine terre » ; à la Vénus de Médicis, « le trottin, le petit trognon pâle, au nez un peu canaille, dont les reins branlent sur des hanches qui bougent » ; formule son idéal de paysage en ces termes : « Il avouait d’exultantes allégresses, alors qu’assis sur le talus des remparts, il plongeait au loin… Dans cette campagne, dont l’épiderme meurtri se bossèle comme de hideuses croûtes, dans ces roules écorchées où des traînées de plâtre semblent la farine détachée d’une peau malade, il voyait une plaintive accordance avec les douleurs du malheureux, rentrant de sa fabrique éreinté, suant, moulu, trébuchant sur les gravats, glissant dans les ornières, traînant les pieds, étranglé par des quintes de toux, courbé sous le cinglement de la pluie, sous le fouet du vent, tirant résigné sur son brûle-gueule. » Et sur ce dolent idéal, des Esseintes renchérit encore : « Il ne s’intéressait réellement qu’aux œuvres mal portantes, minées et irritées par la fièvre » « … se disant que parmi tous ces volumes qu’il venait de ranger, les œuvres de Barbey d’Aurevilly étaient encore les seules dont les idées et le style présentassent ces faisandages, ces taches morbides, ces épidermes talés, et cegoût blet, qu’il aimait tant à savourer parmi les écrivains décadents ».
et elle a publié un volume dans lequel ses éditeurs, folâtres, la comparent d’abord à saint Augustin (de la seconde époque), puis, très respectueux, nous déclarent qu’elle a jugé ses propres œuvres avec une liberté que personne n’oserait se permettre… Et pourquoi donc pas, Messieurs les éditeurs ? […] Mais Mme Sand n’est point une lady Tartuffe… de naïveté, qui se mette à la torture pour nous persuader qu’elle n’est qu’une innocente, — une Agnès littéraire qui se contente seulement d’être belle (dans ses Œuvres), car elle ne se nie pas, elle ne se refuse pas ce genre de beauté ! […] Elle dit sans cesse de telle ou telle œuvre : « Je la fis à bâtons rompus. » La conscience réfléchie de la chose qu’on fait ; l’idée vraie qui doit la dominer ; la mesure de son influence ; la caresse féconde de l’étude qui en approfondit la beauté ; le calcul de la route qu’on doit suivre pour arriver au but qu’on veut frapper ; toutes ces choses, grandes et difficiles, qui seraient l’orgueil et la force des plus nobles esprits, ne sont pas pour elle « du génie. » Tout cela est trop déduit, trop travaillé, trop voulu. […] Ses œuvres d’il y a trente ans ont-elles conservé la radieuse fraîcheur des œuvres faites pour l’immortalité ?
Tout de même, en disoient-ils beaucoup de choses louables, nous renvoyant encore à ce maître ignare dont ils prenoient aussi les œuvres à garant, lorsqu’ils vouloient autoriser quelqu’une de leurs fantaisies. […] Ne vaut-il pas mieux se reporter directement à Hugo, Hérédia, Leconte de Lisle, que de parcourir les œuvres des alumni engagés sur la même voie que celle du chef de file respectif, et rééditant, moins bien, les mêmes choses ? […] Toutes ces œuvres, pour n’être pas rimées, n’en ont pas moins une poésie charmante, si, par ce nom, l’on entend le don d’exprimer d’une manière rare des idées, ou de décrire des paysages au moyen d’images choisies ; et aussi, selon la belle expression de Diderot : tout ce qu’il y a d’élevé, de touchant dans une œuvre d’art, dans le caractère ou la beauté d’une personne ou même dans une production naturelle. […] Elle a produit de belles œuvres. […] La cantilène de sainte Eulalie (ixe siècle), la Vie de saint Léger (xe siècle), le roman de Brut (xiie siècle), les œuvres de Marie de France (xiie siècle), en font foi.
Il ajoute que c’est offenser Dieu que de prétendre retoucher son œuvre. […] Mais cet effroi et cette pitié, quand toutefois ils s’éveillent, ne sont que l’écho prolongé de son œuvre en nous : ils ne sont pas expressément dans cette œuvre même. […] Et j’ai l’arc, œuvre de Vulcain. » Et Pallas : « Fais comme moi, déesse. […] Voici, je pense, comment l’œuvre a dû se construire dans l’esprit du poète. […] L’œuvre est toute pleine de beautés tragiques, mais un peu éparse et diffuse.
C’est donc une œuvre d’initiative personnelle, que les habitués de chez Antoine applaudirent énergiquement. En collaboration avec l’exquis ironiste Jules Renard, Docquois a écrit la Demande, œuvre en nuances sobres, en teintes fines, que nous fera savourer bientôt, je l’espère, une de nos scènes d’avant-garde, ou l’Odéon, à la rigueur ; le second Théâtre-Français ne pourrait que s’honorer et s’applaudir d’un tel choix. — Avant la fin du jour, un acte en vers, lumineux, souple, entraînant par la grâce des scènes et le cliquetis des gaîtés ironiques, vient d’être reçu aux « Escholiers » et sera joué au mois de février prochain.
Ce que je puis affirmer cependant, c’est la beauté de l’œuvre de M. Camille de Sainte-Croix, œuvre dont il n’est pas difficile de dégager la portée morale, de tirer tous les enseignements possibles.
Une connaissance sûre des mythes anciens, des idées, de l’enthousiasme, de l’éloquence : tels, je pense, les mérites de cette Vie mystique, œuvre d’un philosophe, sinon d’un poète. […] Henry Bérenger Visiblement, le symbolisme légendaire où atteignit Wagner dans ses plus belles œuvres a été l’atmosphère génératrice du symbolisme historique réalisé par Schuré dans son Théâtre de l’âme.
Les Châtiments, in Œuvres complètes de Victor Hugo. […] Puisque c’est l’heure où tous doivent se mettre à l’œuvre, Fiers, ardents, Écraser au-dehors le tigre, et la couleuvre Au-dedans ; Puisque l’idéal pur, n’ayant pu nous convaincre, S’engloutit ; Puisque nul n’est trop grand pour mourir, ni pour vaincre Trop petit ; Puisqu’on voit dans les cieux poindre l’aurore noire Du plus fort ; Puisque tout devant nous maintenant est la gloire Ou la mort ; Puisqu’en ce jour le sang ruisselle, les toits brûlent, Jour sacré !
tu gagneras ta vie. » Il suivit le conseil et l’appliqua immédiatement en jugeant l’Exposition de peinture et de sculpture, comme il fit bientôt pour les œuvres littéraires elles-mêmes. […] dans l’appréciation de ces œuvres spéciales où le procédé est toute une science, où l’exécution tient une si grande place, et qu’un littérateur, c’est-à-dire un homme qui n’a jamais touché le pinceau ni le ciseau, ne doit, ce semble, aborder qu’avec une circonspection extrême, quelle outrecuidance ! […] … Reconnaissons-le de bonne foi, ajoutait-il d’un air de renoncement vraiment comique et avec plus de pesanteur encore que de malice, reconnaissons-le sans honte et sans confusion, sa peinture n’est que médiocre et ne possède guère que des qualités négatives. » Puis, évoquant, selon son habitude, les plus grandes œuvres de la peinture, les toiles les plus diverses consacrées par l’admiration, l’oracle tout bouffi déclarait ne trouver que là sa haute satisfaction et sa joie. […] Vernet lorsque je ne trouverai plus dans ses œuvres les qualités qui le distinguent, et que je ne comprends pas qu’on puisse lui disputer ; mais tant que je verrai cette verve, cette adresse et cette vigueur, je ne chercherai pas les ombres de ces précieux rayons de lumière. » Touches heureuses de critique, qui sentent le poète, qui consolent et qui vengent du pédant10 ! […] Dès qu’il voit un sujet qui lui dit quelque chose, il s’en empare, et nous sommes encore à examiner si ce qu’il traite est réellement beau, digne d’éloge ou de blâme, qu’il a déjà fini et est depuis longtemps occupé à quelque œuvre nouvelle ; c’est un homme qui vous déroute complètement dans toutes vos règles de jugement esthétique.
Œuvres françaises de Joachim Du Bellay. […] Ce qu’il en est sorti de productions nouvelles, marquées au coin d’un nouveau grand siècle, et dignes de prendre rang dans le trésor humain à la suite et à côté des premières reliques de l’antique héritage, je n’ai pas à le rappeler, les œuvres parlent : cette tradition-là est d’hier, et la mémoire en est vivante. […] Les littératures modernes, à leur tour, ont enfanté et enfantent chaque jour des œuvres d’une imagination puissante et contagieuse qui n’ont rien de commun avec la tradition et que la critique préconise. […] Remarquez que Du Bellay aurait pu l’écrire encore, quatre-vingts ou cent ans plus tard, au temps des Vaugelas, des d’Ablancourt, avant les Provinciales, et quand la prose française, excellente en effet de correction et de pureté dans le travail des traductions, manquait pourtant de pensée et d’énergie pour atteindre à une œuvre originale et forte : il aurait pu employer quelques-uns des mêmes arguments pour l’aiguillonner et lui donner du cœur. […] Et il convient, pense-t-il, d’y répondre pareillement en se mettant à l’œuvre chacun de son côté.
De même, avant l’œuvre tout à fait entamée et avancée, il y a plus d’une forme, je le crois, plus d’une issue possible à un vif esprit pour se produire et donner tout ce qu’il contient ; mais une fois la forme de l’œuvre prise ou imposée, pour peu qu’elle convienne, l’esprit s’y loge à fond et y passe tout entier. […] Plusieurs de ces difficultés se rencontraient dès les chapitres préliminaires de l’Introduction sur les Ibères, les Celtes et les Phocéens ; malgré tout l’esprit de détail et les finesses d’interprétation que l’auteur y a semés, il n’a pu éviter de laisser ce portique de son œuvre assez semblable aux époques incertaines et coupées qu’il y représente, quelques pierres druidiques éparses ou superposées, quelques inscriptions à demi comprises, quelques noms roulés comme des cailloux dans le torrent. […] Suspect de jansénisme à bon droit, comme auteur du Nécrologe de Port-Royal (1723), dom Rivet ne put obtenir une place dans la communauté de Saint-Germain-des-Prés dont la bibliothèque lui eût été si nécessaire ; c’est au fond de l’abbaye de Saint-Vincent du Mans qu’il se mit à l’œuvre sans jamais s’interrompre. […] Aussi, leur œuvre patiente est illisible pour les gens du monde, je dirai même qu’elle l’est pour les savants, surtout d’une manière continue et dans le détail ; il faut en avoir besoin absolument sur un point pour s’y plonger. […] Ampère, d’entamer l’œuvre par un début morcelé.
Je ne sais si toute cette théorie, mi-partie poétique et mi-partie critique, est fort claire ; mais je la crois fort vraie, et tant que les biographes des grands poëtes ne l’auront pas présente à l’esprit, ils feront des livres utiles, exacts, estimables sans doute, mais non des œuvres de haute critique et d’art ; ils rassembleront des anecdotes, détermineront des dates, exposeront des querelles littéraires : ce sera l’affaire du lecteur d’en faire jaillir le sens et d’y souffler la vie ; ils seront des chroniqueurs, non des statuaires ; ils tiendront les registres du temple, et ne seront pas les prêtres du dieu. […] Il renonce assez volontiers à la prétention littéraire de juger les œuvres, de caractériser le talent, et s’en tient d’ordinaire là-dessus aux conclusions que le temps et le goût ont consacrées. […] La querelle du Cid, en l’arrêtant dès son premier pas, en le forçant de revenir sur lui-même et de confronter son œuvre avec les règles, lui dérangea pour l’avenir cette croissance prolongée et pleine de hasards, cette sorte de végétation sourde et puissante à laquelle la nature semblait l’avoir destiné. […] Avant de dire un mot de sa vieillesse et de sa fin, nous nous arrêterons pour résumer les principaux traits de son génie et de son œuvre. […] Je le comparerais volontiers à un statuaire qui, travaillant sur l’argile pour y exprimer d’héroïques portraits, n’emploie d’autre instrument que le pouce, et qui, pétrissant ainsi son œuvre, lui donne un suprême caractère de vie avec mille accidents heurtés qui l’accompagnent et l’achèvent ; mais cela est incorrect, cela n’est pas lisse ni propre, comme on dit.
Weiss d’être un critique ondoyant et capricieux et de n’avoir pas dans sa poche un mètre invariable pour mesurer les œuvres de l’esprit ? […] Les œuvres défilent devant le miroir de notre esprit ; mais, comme le défilé est long, le miroir se modifie dans l’intervalle, et, quand par hasard la même œuvre revient, elle n’y projette plus la même image. […] Ces esprits-là sont, par volonté ou par nature, des miroirs moins changeants que les autres et, si l’on veut, moins inventifs, où les mêmes œuvres se reflètent toujours à peu près de la même façon. […] Les hommes de génie ne sont jamais tout à fait conscients d’eux-mêmes et de leur œuvre ; ils ont presque toujours des naïvetés, des ignorances, des ridicules ; ils ont une facilité, une spontanéité grossière ; ils ne savent pas tout ce qu’ils font, et ils ne le font pas assez exprès. […] Je sens son œuvre toute pleine de tout ce qui l’a précédée ; j’y découvre, avec les traits qui constituent son caractère et son tempérament particulier, le dernier état d’esprit, le plus récent état de conscience où l’humanité soit parvenue.
Le petit meurtrier a consommé son œuvre ayant emprunté le poignard de Lalique de l’Amazone ou le sourire monocléen dont Giraudoux inventorie les cadavres de poètesy — armes exquises, flèches aériennes de ses aînés, les deux charmeurs en qui se reflète l’Insensibilité de notre temps. […] Seul ce qu’un homme construit a une langue ; pour former l’homme : et seule cette œuvre a une valeur. […] ACTION accepte la collaboration de quiconque veut exprimer librement sa pensée, à condition que notre titre soit justifié, notre dessein étant de rester hors les écoles, les tendances et les opinions, afin de réaliser une œuvre dépassant l’actualité. […] De style viril, combattant toutes décadences et avant tout créatrice, elle ne s’attachera qu’à étudier les idées des hommes vivants et leurs œuvres. […] Ce « néo-primitivisme », pour reprendre l’expression employée ici, correspond à une résurgence du classicisme qui prendra quelques années plus tard le nom de « rappel à l’ordre », manifesté tant dans les œuvres de Picasso, Satie, ou Radiguet.
Il n’avait du critique que les facultés qui tiennent à la sympathie, à l’ouverture d’esprit, à l’encourageante bienveillance du caractère ; mais les facultés qui accomplissent le critique et qui donnent à celles-là le tranchant et le fil, je les cherche en vain dans ses œuvres : il ne les avait pas ! […] C’est ainsi qu’il a jugé Byron en maître, et peut-être, dans toutes ses œuvres, n’a-t-il été grand critique, c’est-à-dire critique complet, que cette fois-là. […] Nisard le sait bien, du reste ; il sait si bien que le cœur fait défaut à la main ou la main au cœur, dans l’exécution des hautes œuvres de toute critique, qu’il n’est critique que le moins qu’il peut et qu’il en esquive l’occasion avec de singulières souplesses. Ainsi, dans son morceau sur l’Histoire de la Convention par M. de Barante, par exemple, c’est le sentiment de l’historien qu’il examinera, parce qu’il le partage, ce ne sera pas l’œuvre et la forme de son histoire. […] Nisard, qui démontre si bien que la Critique littéraire, quand elle entre dans l’homme par ses œuvres, est au-dessus, pour le connaître, de toutes les anecdotes de la biographie.
Car le bas-bleu n’a pas la puissance de construire une œuvre large. […] Le livre de Max Lyan est très supérieur à ces œuvres intéressantes. […] Dès que l’œuvre exige une vue d’ensemble, un effort de synthèse, la femme y est inégale. […] C’est une œuvre très bonne. […] Pourtant je connais peu d’œuvres aussi puissamment originales que la Vérité sur le Christ.
Un système est une explication de l’ensemble, et indique une œuvre faite ; une méthode est une manière de travailler et indique une œuvre à faire. […] Le pape recommandait les œuvres, et tout s’est réduit aux œuvres de la caisse. Luther dispense des œuvres, et elles recommencent, les vraies œuvres morales, celles de piété et de vertu. […] Michelet reste donc ici dans son œuvre. […] Pour lui la science et l’histoire ne sont pas des œuvres de l’analyse, mais des œuvres de l’instinct.
Ces conditions remplies par le traducteur, on a droit de proclamer son œuvre excellente, non pas qu’elle exprime jamais l’original, si l’original est d’un grand maître, non pas même qu’elle en approche de fort près, mais parce qu’elle en approche d’aussi près, parce qu’elle l’exprime aussi bien que le comportent la différence des procédés et celle des idiomes. […] L’oratorien Dotteville refit l’œuvre de la Bletterie, et la diction de ce doux vieillard, pure, châtiée, coulante et tout à fait dans le goût de Rollin, a du moins l’avantage de se laisser lire avec un plaisir continu. […] Œuvres complètes, traduction nouvelle, avec le texte en regard, des variantes et des notes, par M.
L’art qui médite, qui édifie, qui vit en lui-même et dans son œuvre, l’art peut se représenter aux yeux par quelque château antique et vénérable que baigne un fleuve, par un monastère sur la rive, par un rocher immobile et majestueux ; mais, de chacun de ces rochers ou de ces châteaux, la vue, bien qu’immense, ne va pas à tous les autres points, et beaucoup de ces nobles monuments, de ces merveilleux paysages, s’ignorent en quelque sorte les uns les autres ; or, la critique, dont la loi est la mobilité et la succession, circule comme le fleuve à leur base, les entoure, les baigne, les réfléchit dans ses eaux, et transporte avec facilité, de l’un à l’autre, le voyageur qui les veut connaître. […] Tout cela est bien long pour dire qu’ayant parlé l’autre fois de quelque ouvrage assez peu grave, nous avons à donner aujourd’hui un mot sur une œuvre de patriotisme et de piété, et pour demander pardon d’être la même plume qui passe d’un Casanova au Livre des Pèlerins polonais. Car ce petit livre est une œuvre à part ; une conviction profondément nationale et religieuse l’a dicté au poète fervent ; il est destiné, comme un viatique moral, au peuple errant ou captif chez qui l’ancienne foi catholique semble avoir fait alliance avec le sentiment plus moderne de la liberté.
« L’empirisme rationaliste de Taine et les sciences morales » Ce qui me paraît constituer l’œuvre propre de Taine, c’est qu’il a contribué plus que personne à introduire et à vulgariser en France une tradition philosophique qui, avant lui, ne comptait parmi nous que bien peu de représentants : c’est ce qu’on pourrait appeler l’empirisme rationaliste. […] L’œuvre de la science consiste exclusivement à enregistrer le passé et à trouver des procédés mnémoniques qui permettent d’en garder plus facilement le souvenir. […] Acceptant pour mon compte les principes fondamentaux de cette philosophie, tels que je viens de les exposer, je suis naturellement porté à apprécier favorablement l’œuvre de Taine.
Cela ne lui réussit pas toujours, mais, quand il réussit, son œuvre est parfaite. » Ôtez, pour les comprendre en français, toute cette phraséologie allemande d’abstractions et d’images, toutes ces bandelettes de momie dans lesquelles les Allemands cerclent leurs plus vivantes pensées, et vous trouverez, quand vous lirez Hebel, que Goethe et Jean-Paul ont dit vrai. […] À notre sens, il n’y a que le mot à mot de la traduction interlinéaire qui donne l’idée juste de l’œuvre poétique qu’on veut faire juger à ceux-là qui ne savent pas la langue dans laquelle cette œuvre a été pensée.
Mais une fois lancé dans une œuvre, il n’était pas homme à reculer. […] Mais cependant le poète se met à l’œuvre. […] Lui aussi, quand il se mit à cette œuvre diabolique, il se figurait qu’il écrivait une pièce de carnaval. Heureusement il ne pouvait faire, en dépit de sa volonté, que des œuvres sérieuses. […] — On a même imprimé, dans ses œuvres, à sa louange, une élégie intitulée L’Ombre de Molière !
Toujours, nous le croyons, le goût et l’art donneront de l’à-propos et quelque durée aux œuvres les plus courtes, et les plus individuelles, si, en exprimant une portion même restreinte de la nature et de la vie, elles sont marquées de ce sceau unique de diamant, dont l’empreinte se reconnaît tout d’abord, qui se transmet inaltérable et imperfectible à travers les siècles, et qu’on essayerait vainement d’expliquer ou de contrefaire. […] L’œuvre de destruction commençait alors à s’entamer au vif dans la théorie philosophique et politique ; la tâche, malgré les difficultés du moment, semblait fort simple ; les obstacles étaient bien tranchés, et l’on se portait à l’assaut avec un concert admirable et des espérances à la fois prochaines et infinies. […] Tout homme doué de grandes facultés, et venu en des temps où elles peuvent se faire jour, est comptable, par-devant son siècle et l’humanité, d’une œuvre en rapport avec les besoins généraux de l’époque et qui aide à la marche du progrès. […] Diderot savait mieux que personne les défauts de son œuvre ; il se les exagérait même, eut égard au temps, et se croyant né pour les arts, pour la géométrie, pour le théâtre, il déplorait mainte fois sa vie engagée et perdue dans une affaire d’un profit si mince et d’une gloire si mêlée. […] Il servit et précipita, par cette œuvre civilisatrice, la révolution qu’il avait signalée dans les sciences.
Non seulement on n’a jamais recueilli en corps ses œuvres politiques, ses rares discours ; mais ses lettres, ses papiers, ses études particulières et silencieuses qu’il accumulait depuis tant d’années, et qu’il continua plus longtemps qu’on ne le suppose, rien de tout cela n’est sorti, et pourtant tout cela existe : nous le savions ; mais quand on nous a dit que ce précieux dépôt de famille était confié à M. […] Chez Sieyès, à cette date, il y avait tout autre chose qu’un homme délicat et dégoûté, aimant les aises de la vie et la bonne chère ; il y avait le philosophe artiste, ardemment préoccupé de son œuvre, de son plan chéri, et qui ne pouvait résister bientôt à le produire, eût-il dû être un peu gêné et retardé un moment par une grâce du ministre. […] Ce dernier a entravé l’œuvre des Sieyès et des Condorcet ; il a voué le siècle renaissant à l’imagination extérieure et au culte des images. […] Quand l’Assemblée constituante, en proie aux passions et aux intrigues, s’égare décidément dans son œuvre, il laisse échapper ce mot qui constate l’ère des déviations : « Ils veulent être libres, et ils ne savent pas être justes ! […] Ce doit être un sujet de peine pour tous les amis de la science et de la pensée que cet ajournement indéfini et, peut-être, cet ensevelissement définitif de l’œuvre promise et un moment entrevue de Sieyès.
Seulement, ce bruit qui ne vient pas du mérite intrinsèque des œuvres se dissipe promptement. […] … Le temps n’est ni aux esprits ni aux œuvres mâles. […] Il n’a pas été précisément exalté par moi dans les nombreux examens que j’ai faits de ses œuvres. […] Ce sont des livres qui ne sont pas sortis, qu’on distingue seulement à travers ce qu’a fait l’auteur, et qui, s’ils étaient sortis, seraient des œuvres peut-être. […] se retournent contre leurs œuvres faites et les déchiquètent pour le théâtre, ou visent le théâtre tout en les faisant.
. — Les Natchez (dans les Œuvres complètes de 1826-1831). — Aventures du dernier des Abencérages (dans les Œuvres complètes de 1826-1831)
. — Leur œuvre et leur sens pratique. — Bunyan. […] Ni mes œuvres, ni ma justice, ni les œuvres et la justice d’aucune créature ou de toutes les créatures ne peuvent opérer en moi ce changement extraordinaire. […] L’esprit exact et militant va se mettre à l’œuvre. […] Édition des œuvres complètes, t. […] Mélanchthon, préface des Œuvres de Luther
XII Mais, à quelques pas de là, Saint-Pierre de Rome, œuvre encore jeune et vivante de la nouvelle religion des hommes, s’élève à trois cents pieds plus haut que l’œuvre de Vespasien. […] « Et c’est vous-même qui, en défaisant par abstraction et pièce à pièce l’œuvre de la vie, en dépouillant la matière des propriétés qu’elle n’a pu se donner elle-même, c’est vous-même qui faites la preuve, par analyse, de l’intervention nécessaire et progressive d’un agent de la vie. […] L’égalité de leur création et de leur illusion les nivelle, ils sont tous l’œuvre de Dieu et les exécuteurs de ses volontés qui sont leurs lois. Ils ont tous, depuis le soleil jusqu’à l’imperceptible animalcule vêtu d’une impalpable poussière de matière, la même dignité, la même sainteté, œuvre de Dieu ! […] Non, si vous mettez en doute l’existence de la providence et la bonté de Dieu, la création, la conservation, la perfectibilité de ses œuvres, que votre vie soit une éternelle malédiction, au lieu d’être une bénédiction sans fin !
Ce n’étaient pas des poëtes, ce n’étaient pas des prosateurs, c’étaient des femmes ; leurs œuvres ne sont que leurs tendresses, seules œuvres qui conviennent au sexe fait pour aimer. […] On s’extasiait également sur les théories philosophiques du père et sur les œuvres pieuses de la mère. […] Le poëme et le discours sont œuvres viriles, parce que l’un est le trépied, l’autre la tribune ; l’un monte trop haut dans le ciel, l’autre descend trop bas dans le tumulte humain. […] On reconnut dans le portrait la manière du modèle ; on y reconnut surtout une certaine audace d’idées et une certaine indépendance de jugements qui rappelaient la séve étrangère et qui marquaient alors toutes les œuvres écrites au bord du lac de Genève. […] L’esprit de parti et l’esprit de secte sont parvenus à le décréditer aujourd’hui d’un dénigrement inique, mais cette œuvre n’en ressortira pas moins de cette éclipse comme le plus inaltérable monument d’érudition, de saine critique, d’impartialité historique et de récit sévère que le dix-huitième siècle ait légué à l’Europe.
S’il l’appelait la Divine Comédie, comme l’œuvre de Dante, si ses pécheresses les plus hardies étaient placées dans un des cercles de l’Enfer, le tableau même des Lesbiennes n’aurait pas besoin d’être retouché pour que le châtiment fût assez sévère. […] Charles Baudelaire, le traducteur des œuvres complètes d’Edgar Poe, qui a déjà fait connaître à la France le bizarre conteur, et qui va incessamment lui faire connaître le puissant poète dont le conteur était doublé, M. […] Sans doute, étant ce que nous sommes, nous portons tous (et même les plus forts) quelque lambeau saignant de notre cœur dans nos œuvres, et le poète des Fleurs du mal est soumis à cette loi comme chacun de nous. […] Elle n’a pas le merveilleux épique qui enlève si haut l’imagination et calme ses terreurs dans la sérénité dont les génies, tout à fait exceptionnels, savent revêtir leurs œuvres les plus passionnées. […] Elles sont moins des poésies qu’une œuvre poétique de la plus forte unité.
L’Astrologue qui se laisse tomber dans un puits et l’Horoscope sont des fables très intéressantes en ce qu’elles indiquent précisément par leur répétition et La Fontaine est revenu sur ces mêmes sentiments en d’autres pages de ses œuvres en ce qu’elles indiquent la petite colère de La Fontaine contre les devineurs, les devineresses, les faiseurs d’horoscope, les astrologues, les gens qui lisent notre destinée ou qui prétendent la lire dans les cieux. […] Vous avez enfin, dans le même ordre d’idées et dans la même catégorie de fables philosophiques, comme je les intitulerais si toutes les fables de La Fontaine n’étaient pas des fables philosophiques, vous avez enfin le fameux Discours à Mme de La Sablière, dont je vous donnerai seulement un petit aperçu pour la très bonne raison que vous le connaissez et qu’il s’agit seulement de vous montrer, par un exemple, comment La Fontaine raisonne et fait œuvre de dialecticien dans ses fables, ou plutôt dans ses discours philosophiques. […] Bouillon traduit et traduit bien, mais sèchement, le vers de l’Arioste ; tandis que M. de La Fontaine fait absolument œuvre de créateur, fait absolument œuvre originale, fait absolument une œuvre telle qu’il est le véritable inventeur de ce conte, que l’Arioste ne lui sert que de prétexte à raconter lui-même ? […] Etant donné cela, il était étonné de ce qui fait, pour moi du moins, et pour vous aussi, la beauté même de l’œuvre de La Fontaine ; il était étonné et offusqué, désobligé de ce que La Fontaine eût déformé la fable. […] Boileau a parlé infiniment de lui dans toutes ses œuvres, plus que La Fontaine.
N’allons donc point tout d’abord heurter sans nécessité contre la statue d’airain de Montesquieu l’œuvre de M. de Tocqueville, c’est-à-dire d’un talent éminent, judicieux, fin, honnête, mais doublé d’une âme si anxieuse et si scrupuleuse, et servi d’un style ferme, solide, ingénieux, mais de peu d’éclat. […] La complexité, qui est l’essence même de cet esprit distingué, fait aussi le cachet de son œuvre, et a pu faire hésiter quelquefois le lecteur superficiel sur son but véritable. […] Dans ses lettres à M. de Kergorlay on le voit de bonne heure tracer le plan de sa vie, s’assigner un but élevé et se confirmer dans la voie dont il n’a jamais dévié : « À mesure que j’avance dans la vie, écrivait-il (6 juillet 1835) âgé de trente ans, je l’aperçois de plus en plus sous le point de vue que je croyais tenir à l’enthousiasme de la première jeunesse : une chose de médiocre valeur, qui ne vaut qu’autant qu’on l’emploie à faire son devoir, à servir les hommes et prendre rang parmi eux. » Il est déjà en plein dans l’œuvre politique, au moins comme observateur et comme écrivain, et malgré tout, en présence du monde réel, il maintient son monde idéal ; il se réserve quelque part un monde à la Platon, « où le désintéressement, le courage, la vertu, en un mot, puissent respirer à l’aise. » Il faut pour cela un effort, et on le sent dans cette suite de lettres un peu tendues, un peu solennelles. […] S’il est ambitieux dans son effort, il est d’une modestie parfaite en ce qui le touche personnellement, lui et son œuvre.
Après les Orientales, œuvre de maturité radieuse et de soleil, nées, pour ainsi dire, dans l’août de sa jeunesse, sont venues les Feuilles d’Automne, comme une production plus lente, mûrie plus à l’ombre et plus savoureuse aussi : les Chants du Crépuscule offrent maintenant une autre nuance. […] Elle donne la meilleure et la plus profonde réponse à cette question souvent débattue : si les grands poètes qui nous émeuvent et rendent de tels sons au monde ont en partage ce qu’ils expriment ; si les grands talents ont quelque chose d’indépendant de la conviction et de la pratique morale ; si les œuvres ressemblent nécessairement à l’homme ; si Bernardin de Saint-Pierre était effectivement tendre et évangélique ; quelle était la moralité de Byron et de tant d’autres, etc., etc. ? Oui, à l’origine, au moment voisin de la fusion du métal, au sortir du baptême de la cloche, l’homme et l’œuvre se ressemblent, la pureté du son répond à celle de l’instrument. […] Ce beffroi altier, écrasant, où il a placé la cloche à laquelle il se compare, représente lui-même à merveille l’aspect principal et central de son œuvre : de toutes parts le vaste horizon, un riche paysage, des chaumières riantes, et aussi, plus l’on approche, d’informes masures et des toits bizarres entassés.
Dans ces pages où il nous décrit l’impression causée en lui par une lecture entière de l’Iliade, La Harpe, sans y songer, répond d’avance, et par les arguments qui demeurent encore les plus victorieux, aux suppositions hardies de Wolf, à ses doutes ingénieux contre l’existence du poëte et contre une certaine unité de l’œuvre. […] On parlait à merveille du génie des écrivains et du caractère des œuvres, dont on eût pratiqué difficilement les textes. […] Sans doute il y a de grandes difficultés à se figurer l’œuvre d’Homère, l’Iliade pour ne prendre qu’elle, fidèlement récitée et transmise dans son ensemble durant des générations et sans le secours de l’écriture. […] Mais qu’entre ces seconds chanteurs et les premiers il y ait eu de toute nécessité un génie supérieur, un auteur principal, une seule tête, une seule âme ordonnatrice faisant le nœud des uns aux autres, c’est ce que l’œuvre résultante semblerait déclarer suffisamment ; et la tradition n’a pas cessé un instant de le confirmer.
Aristophane, mêlé dans Théodore de Banville au lyrique Pindare, a semé dans l’œuvre nouvelle plus d’une scène joyeuse et cent morceaux piquants ? […] [Les Œuvres et les Hommes : les Poètes (1889).] […] Théodore de Banville est le plus grand des poètes vivants qui ont réalisé leur œuvre, je crois qu’il a pour âme la poésie elle-même. […] Son œuvre est d’un enseignement profond.
Détruire est la besogne ; édifier est l’œuvre. […] Maintenant, debout tous, à l’œuvre, au travail, à la fatigue, au devoir, intelligences ! […] C’est par l’explication des œuvres du premier ordre que ce large enseignement intellectuel doit se couronner. […] La présence perpétuelle du beau dans leurs œuvres maintient les poëtes au sommet de l’enseignement.
La critique serait comme le Versailles des sages de la littérature ; on n’y serait admis que sur la présentation de son acte de naissance, ou, par exception, de quelque œuvre capable de mûrir le jugement et de hâter l’expérience, poème épique ou didactique, tragédie, roman moral. […] Mais de toutes les œuvres littéraires, la critique est la plus aisée à mal faire. […] Et quand, à force d’impartialité, de science et de goût, elle a exprimé son opinion dans un bon langage, elle n’a encore fait qu’une œuvre secondaire, inférieure à la moindre des œuvres originales.
Avec une sagacité singulière et une puissance de rapprochement qui n’oublie rien et centralise tout, il est allé chercher jusque dans le nom de Christophe Colomb (Christum ferens) et la légende du géant saint Christophe, qui passe le Christ sur ses épaules, à travers les eaux, des analogies prophétiques, comme la tradition catholique a toujours permis à l’écrivain d’en dégager… Par-là, il a complété le profond mysticisme de son œuvre. […] C’est une œuvre capitale d’effort et même de résultat. C’est la première grande œuvre qu’on ait érigée à la mémoire d’un des plus grands hommes qu’ait eus l’humanité, car il n’y a pas une seule pensée dans la vie de Colomb qui ne soit grande, depuis la pensée de sa découverte jusqu’à celle de ses fers, mis dans son tombeau. […] Élevée à la gloire de Colomb, l’œuvre de M.
J’ai souvent pensé qu’un poëte élégiaque, qui, son amour une fois chanté, se tairait à jamais et obstinément, comme Gray, par exemple, agirait bien plus dans l’intérêt de sa gloire ; il se formerait autour de son œuvre je ne sais quoi de mystérieux, de conforme au genre et au sujet. […] Le début du Consulat s’ouvre dans une assez belle proportion encore d’ordre et de liberté, et on sait quelles œuvres brillantes ont honoré cette date glorieuse. […] Les amis, du reste, ne cherchaient point à dissimuler les défauts de cette œuvre de circonstance, et les ennemis commençaient à dire que M. de Parny, qui avait si bien chanté les amours, avait un talent moins décidé pour chanter les guerres 189. […] Béranger, alors à ses débuts, pleura Parny par une chanson touchante et filiale ; elle nous rappelle combien son essaim d’abeilles, avant de prendre le grand essor et de s’envoler dans le rayon, avait dû butiner en secret et se nourrir au sein des œuvres de l’élégiaque railleur. […] Cette interprétation très-vraisemblable de la Journée champêtre se trouve dans la belle et excellente édition des Œuvres choisies de Parny, de Lefèvre, 1827 ; on croit y reconnaître à mainte page la plume exacte et exquise qui, dit-on, y a présidé (M.
Levez donc vos regards vers les célestes plaines, Cherchez Dieu dans son œuvre, invoquez dans vos peines Ce grand consolateur. […] Sa bonté de son œuvre est absente ; Vous cherchez votre appui : l’univers vous présente Votre persécuteur. […] l’œuvre de tes caprices ? […] Du jour où la nature, au néant arrachée, S’échappa de tes mains, comme une œuvre ébauchée, Qu’as-tu vu cependant ? […] Nous ne trouvons pas tous notre pain en tout lieu : Du barde voyageur le pain, c’est la pensée ; Son cœur vit des œuvres de Dieu !
— Parce que je le vois plus près de son œuvre et mêlé à elle au lieu d’en être éloigné et distinct, il devient tout naturel que son œuvre soit mauvaise ? […] Comment fait-on une œuvre artistique avec une idée ? […] Elle n’avait pas été recueillie dans les œuvres de Volney. […] C’est sa vie qui fait rougir son œuvre et non son œuvre qui fait honte à sa vie. […] Que deviendra son œuvre ?
Ses cris sont tout virils ; le soupir élégiaque, si fréquent dans la poésie féminine, ne l’est point dans la sienne… Madame Ackermann a trouvé, en poésie, des accents qui lui sont propres pour exprimer le dernier état de l’âme humaine aux prises avec l’inconnu : c’est là le caractère éminent de son œuvre. […] [Les Œuvres et les Hommes : les Poètes (1889).]
Francisque Sarcey Nous n’avons pas de chance décidément cette année avec le théâtre à côté… Hérakléa est une des œuvres les plus authentiquement médiocres et les plus mortellement ennuyeuses que j’aie entendues depuis longtemps. […] Le défaut d’une œuvre dramatique ainsi conçue peut-être de manquer de mouvement : quand, dans un drame, on néglige le mouvement extérieur, il faut, nous semble-t-il, montrer, presque à chaque réplique, que croissent ou diminuent les passions des personnages ; ainsi le drame reste vivant, d’un mouvement passionnel.
Léopold fréquentait surtout le palais de la princesse Charlotte ; cette jeune femme s’essayait sous sa direction à dessiner, à peindre, à graver les œuvres du maître ; l’intimité des occupations amena l’intimité des cœurs. […] C’était une faveur que d’y lire avant le public : voir éclore les œuvres de génie, c’est presque participer à la jouissance de les enfanter. […] Ces deux symptômes sont la grande poésie et la grande mélancolie de ses œuvres. […] L’œuvre, la voici. […] La couronne d’enthousiasme, comme celle du Tasse, ne décora qu’un tombeau ; les gravures, à millions d’exemplaires, cette édition des tableaux, répandit, du palais à la chaumière, l’œuvre posthume de Léopold.
Nul ne sait mieux ce qu’il a voulu dire ; notre français à nous serait un miroir terne de son œuvre : le sien à lui est un miroir vivant. […] Nous renonçons à l’abréger ; chaque trait contribue au tableau ; c’est un tissu d’images dont on ne peut arracher un brin sans dégrader l’œuvre. […] Bien des génies littéraires morts ou vivants ont évoqué dans leurs œuvres leur âme ou leur imagination devant nos yeux pendant des nuits de pensive insomnie sur leurs livres ; nous avons ressenti, en les lisant, des voluptés inénarrables, bien des fêtes solitaires de l’imagination. […] XXVIII Or pourquoi aucune des œuvres achevées cependant de nos poètes européens actuels (y compris, bien entendu, mes faibles essais), pourquoi ces œuvres du travail et de la méditation n’ont-elles pas pour moi autant de charme que cette œuvre spontanée d’un jeune laboureur de Provence ? Pourquoi chez nous (et je comprends dans ce mot nous les plus grands poètes métaphysiques français, anglais ou allemands du siècle, Byron, Goethe, Klopstock, Schiller, et leurs émules), pourquoi, dans les œuvres de ces grands écrivains consommés, la sève est-elle moins limpide, le style moins naïf, les images moins primitives, les couleurs moins printanières, les clartés moins sereines, les impressions enfin qu’on reçoit à la lecture de leurs œuvres méditées moins inattendues, moins fraîches, moins originales, moins personnelles, que les impressions qui jaillissent des pages incultes de ces poètes des veillées de la Provence ?
Un prêtre, frère du maître de poste, me prêta un Tite-Live dont les œuvres ne m’étaient pas tombées dans les mains depuis l’académie, où je ne l’avais ni compris ni goûté. […] Je m’y prends toujours à trois fois pour donner l’être à chacune de mes tragédies, et j’y gagne le bénéfice du temps, si nécessaire pour bien asseoir une œuvre de cette importance, qui, pour peu qu’elle vienne au monde contrefaite, a grand’peine ensuite à se redresser. […] C’est là le procédé que j’ai suivi dans toutes mes compositions dramatiques, à commencer par le Philippe, et j’ai pu me convaincre qu’il compte au moins pour les deux tiers de l’œuvre. […] Le très vif désir que j’éprouvais de mériter l’estime de cet homme rare donna tout-à-coup comme un nouveau ressort à mon esprit, et à mon intelligence une vivacité qui ne me laissait ni paix ni trêve, tant que je n’avais pas composé une œuvre qui fût ou me parût digne de lui. […] On ne lisait pas, mais on vantait à voix basse son double héroïsme, héroïsme d’opinion dans ses œuvres, héroïsme de boudoir dans sa vie.
Cette caducité l’empêche de se confondre avec la Divinité, dont il n’est que l’œuvre et l’ouvrier, mais jamais l’égal. […] Or, plus le règne de la raison s’accroîtra, plus la littérature véritable, qui est l’expression de la pensée humaine, s’accroîtra en œuvres de tout genre, et dans ces œuvres il y aura des chefs-d’œuvre. […] Triste titre à l’estime et à l’amour des peuples incendiés, et livrés, après l’œuvre des Érostrates, à la merci des Marius du Nord ou du Midi ! […] Or, dans le livre personnel l’homme ouvre son cœur, il n’ouvre que son esprit dans ses autres œuvres ; il ne donne ainsi que la moitié de lui-même. […] C’est là que le poète avait achevé ses œuvres et caché sa vie.