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2248. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXIVe entretien. Fior d’Aliza (suite) » pp. 257-320

pour dédaigner une langue qu’ont chantée le Dante, Pétrarque et le Tasse ; une terre où, dans les temps modernes, toute civilisation et toute littérature ont pris naissance et ont produit la splendeur de Rome sous les Léon X, la culture et l’éclat de Florence sous les Médicis, la puissance merveilleuse de Venise et les plus imposants chefs-d’œuvre que nos âges puissent opposer au siècle de Périclès ?

2249. (1892) Boileau « Chapitre I. L’homme » pp. 5-43

Despréaux, avec une adresse perfide, se fait prier et supplier par un Père Jésuite de lui nommer l’unique moderne qui surpasse à son gré les anciens ; à ce nom de Pascal, si malignement retenu et brusquement lâché, stupeur du bon Père, qui gratifie d’une épithète injurieuse l’auteur des Provinciales ; là-dessus, voilà notre poète hors de lui, qui oublie son artificieuse ironie, et s’emballe à fond, criant, trépignant, et courant d’un bout de la chambre à l’autre, sans plus vouloir approcher d’un homme capable de trouver Pascal faux : cette merveilleuse page, dont je ne puis reproduire la couleur et la vie, donne la sensation de l’homme même : c’est bien lui, avec sa malice railleuse et sa sincérité passionnée, et toujours prenant trop au sérieux les idées pour s’en jouer avec la grâce indifférente de l’homme du monde, qui sacrifie sans hésiter n’importe quelle opinion à la moindre des bienséances.

2250. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre II. L’époque romantique — Chapitre V. Le roman romantique »

Sainte-Beuve n’a donné qu’un roman, Volupté (1834) : cette œuvre très moderne, plus facile à goûter aujourd’hui qu’il y a soixante ans, est lyrique par certains détails d’exécution, par des couplets effrénés, fort ridicules aujourd’hui, mais surtout par le caractère strictement intime et personnel de l’étude morale.

2251. (1920) Enquête : Pourquoi aucun des grands poètes de langue française n’est-il du Midi ? (Les Marges)

Voici maintenant des noms plus notoires, qui seront familiers à tous ceux qui ont quelque culture poétique et ne s’imaginent pas naïvement, comme tant de snobs éberlués par la soi-disant « sensibilité » moderne, que la poésie française fut « inventée » par Laforgue ou Rimbaud et « perfectionnée » par M. 

2252. (1914) Enquête : Les prix littéraires (Les Marges)

Enfin, c’est un peu de gloire, un peu de bruit autour d’un livre et d’un nom — et dans notre monde moderne, si féru d’affaires, de sport et de divertissements médiocres, il est bon que de temps à autre l’Actualité s’occupe d’autre chose que d’un aviateur, d’un comédien ou d’un multimillionnaire.

2253. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 septembre 1886. »

VI Pendant que la musique instrumentale moderne, créée par Johannes Bach, à jamais était légitimée par le maître Beethoven, une autre forme musicale, l’opéra, né presque vers le même temps, occupait maints artistes mémorables.

2254. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre VII. Repos »

De la vie moderne, grossière sous son élégance apparente, ricane en s’efforçant au plaisir superficiel ; mais tout autour, joie et douleur, profondeur et poésie et noblesse farouche, la vie des imagiers bretons sourit, pleure, chante.

2255. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre IX. Le trottoir du Boul’ Mich’ »

L’aimable écrivain et délicieux à aborder, car son « gros et lourd assemblage de phrases boursoufflées et engorgées de superlatifs » s’efforce d’être, non point, comme chez les modernes universitaires, du vulgaire français, mais du grec, du grec, ma sœur !

2256. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1883 » pp. 236-282

Il y a pour moi, dans cette pièce, des vraies scènes d’un théâtre moderne, seulement, parfois abîmées par les expressions littéraires en retard, de Delair.

2257. (1886) Quelques écrivains français. Flaubert, Zola, Hugo, Goncourt, Huysmans, etc. « Victor Hugo » pp. 106-155

Dix-huit strophes y recommandent de confondre l’antique au biblique et au moderne ; dix pages de vers envolés et fugaces constatent que la femme ne se livre plus en don gratuit ; seize pages à quatre strophes redisent de mille façons ironiques que Dieu n’a pas besoin de l’homme pour parachever ses œuvres.

2258. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Notes et éclaircissements. [Œuvres complètes, tome XIII] »

L’un qui, dès sa jeunesse errant et rebuté, Nourrit dans les affronts son orgueil révolté, Sur l’horizon des arts sinistre météore, Marqua par le scandale une tardive aurore, Et, pour premier essai d’un talent imposteur, Calomnia les arts, ses seuls titres d’honneur, D’un moderne cynique affecta l’arrogance, Du paradoxe altier orna l’extravagance, Ennoblit le sophisme, et cria vérité ; Mais par quel art honteux s’est-il accrédité ?

2259. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Chapitre II : Règles relatives à l’observation des faits sociaux »

., qui, s’ils ont disparu de nos Codes modernes, remplissent, au contraire, presque tout le droit pénal des sociétés antérieures.

2260. (1913) La Fontaine « VI. Ses petits poèmes  son théâtre. »

Ce sont des vers tout à fait dans la manière de Molière jeune, de Molière faisant le récit de l’Etourdi, par exemple, ou aussi dans la manière de Corneille faisant le récit du Menteur, des vers de récit comiques ; je n’ai pas besoin de vous dire qu’un très grand poète moderne a introduit d’excellents récits comiques dans des pièces du reste fort intéressantes et même admirables.

2261. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Victor Hugo »

Hugo va plus loin que toutes les politiques anciennes et modernes.

2262. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « Émile Zola »

… Ou, non moins sérieux mais plus impersonnel, croirait-il que la Charcuterie est l’Idéal des temps modernes, et l’aurait-il seulement peinte avec l’amour d’un grand artiste pour une grande chose ?

2263. (1922) Durée et simultanéité : à propos de la théorie d’Einstein « Chapitre VI. L’espace-temps à quatre dimensions »

Ou plutôt la construction est déjà faite : elle date de Platon, qui tenait le temps pour une simple privation d’éternité ; et la plupart des métaphysiciens anciens et modernes l’ont adoptée telle quelle, parce qu’elle répond en effet à une exigence fondamentale de l’entendement humain.

2264. (1889) Impressions de théâtre. Troisième série

., etc… » Mais enfin, ces « pactes » sont plus ou moins difficiles à accepter ; trop est trop ; et je ne crois pas qu’aucun drame, dans les temps anciens et modernes, ni même qu’aucun vaudeville et qu’aucune farce repose sur un aussi énorme postulatum que l’Œdipe roi. […] Cela signifie peut-être que tous les théâtres très anciens (et le théâtre japonais, même moderne, peut être dit très ancien puisque ce peuple ne change pas) ont entre eux d’inévitables ressemblances. […] Mais, quand il s’agit de certaines œuvres modernes, je suis fort embarrassé ; j’ai toujours peur qu’on ne me donne pour superbement primitif ce qui n’est qu’enfantin ; j’ai peur de prendre les insuffisances et les gaucheries pour des miracles du génie humain ; bref, je suis un peu réfractaire à la perception du sublime, quand il n’est pas contrôlé par les siècles, et consacré par une tradition. […] Il y a dans sa manière quelque chose d’essentiellement « moderne », le même « je ne sais quoi », assez difficile à définir, qu’on trouve dans les fantaisies de Cross ou d’Alphonse Allais, et dans les dessins de Willette ou de Caran d’Ache… Eh bien ! […] Et donc, tandis que se développait ce dialogue, d’un tour si moderne et en même temps si naturel et si aisé, le seul peut-être où nous retrouvons la « naïveté » comme l’entendaient nos pères, — la naïveté de La Fontaine, de Sedaine ou de Favart, — j’ai fait jusqu’à deux réflexions (c’est bien quelque chose ! 

2265. (1915) Les idées et les hommes. Deuxième série pp. -341

Et ce style, qui a le mérite de la sûreté, ce style très moderne, un peu trop moderne parfois, et très conforme cependant au meilleur usage de la langue, a des prestiges. […] Il a été deux fois initié : par la lande bretonne et par l’étrange Lucile, « druidesse moderne » et véritable Velléda des Martyrs. […] Il était curieux et avait, je crois, son meilleur amusement à guetter les prouesses qu’on allait accomplir pour réaliser sous une forme d’art l’émoi moderne. […] Et Savignan revoit Geneviève ; il la revoit chez elle, chez son mari, dans le château des Soléac, demeure ancienne, que Calvières a rachetée, a restaurée, munie de luxe moderne et qu’il n’a pas dévastée cependant : le passé survit dans sa cachette modifiée, non détruite, comme dans Geneviève la fiancée d’autrefois n’est pas morte.

2266. (1857) Réalisme, numéros 3-6 pp. 33-88

* *   * Le peintre B*** m’a raconté que beaucoup d’amateurs et de peintres achetaient des tableaux anciens ou modernes, afin de les gratterpour voir s’ils étaient peints au premier coup. […] Rigault dans son Histoire de la querelle des anciens et des modernes, que « ces controverses sont interminables et qu’on croit disputer sur la supériorité d’un écrivain, quand au fond on ne dispute que sur la supériorité de son propre goût ». […] L’École des Beaux-Arts, boutique spéciale pour les costumes romains, anciens et modernes, confections de martyrs et de Vénus ; les paysagistes, des faiseurs d’effets ; quatre à peine osent aborder la franche lumière du midi. […] L’invitation aux artistes modernes de chercher à exercer l’empire que Raphaël et Le Brunae ont pris à leurs époques respectives, non seulement dans la peinture, mais dans tout ce qui tenait industriellement aux arts du dessin, donnant des modèles pour des meubles, des étoffes, des dentelles, des décorations de boutiques, etc.

2267. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « L’abbé Fléchier » pp. 383-416

Fléchier aimait à faire des vers latins : il songea à s’en servir pour sa réputation et pour sa fortune littéraire ; cette ancienne littérature scolastique, qui a encore eu, depuis, quelques rares retours, n’avait pas cessé de fleurir à cette date, avant que les illustres poètes français du règne de Louis XIV eussent décidé l’entière victoire des genres modernes, Fléchier avait adressé au cardinal Mazarin une pièce de félicitation en vers latins (Carmen eucharisticum) sur la paix des Pyrénées (1660) ; il en fit une autre l’année suivante, sur la naissance du Dauphin (Genethliacon).

2268. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. DE VIGNY (Servitude et Grandeur militaires.) » pp. 52-90

Dans son récent volume, qui est un retour de souvenir vers le passé, M. de Vigny a laissé le poëte pour s’occuper du soldat, cet autre paria, dit-il, des sociétés modernes.

2269. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « MME DESBORDES-VALMORE. » pp. 124-157

André Chénier est né à Byzance ; Chateaubriand visite les savanes : s’il peut se saluer le père de l’école moderne, le rôdeur Jean-Jacques en est à certains égards le grand-père, et Bernardin de Saint-Pierre l’oncle, et un oncle revenu de l’Inde exprès pour cela.

2270. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « M. DE LA ROCHEFOUCAULD » pp. 288-321

La perfection moderne du genre est là : c’est l’aphorisme aiguisé et poli.

2271. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE RÉMUSAT » pp. 458-491

Il y avait là, nous dit un très-bon juge, un mélange assez pacifique de lumières modernes, de vœux rétrogrades, de goûts d’ancien régime, de mœurs simples amenées par le malheur des temps, de tristes regrets à la suite des douleurs de 93 : il y avait surtout un vif besoin de bonheur, de repos final et de plaisirs de société.

2272. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Charles Labitte »

— Ajax en révolte s’écriait : Je me sauverai malgré les Dieux ; et Lucrèce : Je m’abîmerai à l’insu des Dieux. » Il s’attachait, dans la lecture du livre, à dessiner l’âme du poète, à ressaisir les plaintes émues que le philosophe mettait dans la bouche des adversaires, et qui trahissaient peut-être ses sentiments propres ; il relevait avec soin les affections et les expressions modernes, cet ennui qui revient souvent, ce veternus, qui sera plus tard l’acedia des solitaires chrétiens, le même qui engendrera, à certain jour, l’être invisible après lequel courra Hamlet, et qui deviendra enfin la mélancolie de René.

2273. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Note I. De l’acquisition du langage chez les enfants et dans l’espèce humaine » pp. 357-395

. — 500 pour l’hébreu, 450 pour le chinois, environ 500 pour le sanscrit, 600 pour le gothique, 250 pour l’allemand moderne, 1605 pour les langues slaves.

2274. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXIIe entretien. La Science ou Le Cosmos, par M. de Humboldt (1re partie). Littérature scientifique » pp. 221-288

Mais cette fois encore ces feux mobiles furent un présage pour Humboldt, ce Colomb scientifique des temps modernes.

2275. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXVe entretien. La Science ou Le Cosmos, par M. de Humboldt (4e partie) » pp. 429-500

Puis les conquérants modernes assujettirent une partie de ces peuples et vinrent purifier les populations et accroître leurs richesses par leur commerce dans ces régions où ils adorèrent leur Memnon d’or sur les autels du Dieu incorporel.

2276. (1895) Histoire de la littérature française « Seconde partie. Du moyen âge à la Renaissance — Livre I. Décomposition du Moyen âge — Chapitre I. Le quatorzième siècle (1328-1420) »

Rien n’est moins éternel que la littérature du xive  siècle, tantôt expression de sentiments épuisés ou factices, tantôt forme vide et laborieux assemblage de signes sans signification, où rien n’est réel, solide et viable, pas même la langue : car ce n’est pas encore la langue moderne, et ce n’est plus la langue du moyen âge.

2277. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « M. Paul Verlaine et les poètes « symbolistes » & « décadents ». »

Je veux le voir derrière les barreaux d’une geôle, comme François Villon, non pour s’être fait, par amour de la libre vie, complice des voleurs et des malandrins, mais plutôt pour une erreur de sensibilité, pour avoir mal gouverné son corps et, si vous voulez, pour avoir vengé, d’un coup de couteau involontaire et donné comme en songe, un amour réprouvé par les lois et coutumes de l’Occident moderne.

2278. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « De l’influence récente des littératures du nord »

— Les Idées de Madame Aubray et Denise, ces deux pièces d’esprit vraiment évangélique, nous veulent persuader que, dans de certaines conditions, un honnête homme peut et doit, en dépit de prétendues convenances, épouser une fille séduite, et séduite par un autre que lui  Dans la Femme de Claude, un homme, après avoir prié Dieu, se met avec sérénité au-dessus des codes humains, et substitue son tonnerre à celui de Dieu même, dans la lutte engagée par la conscience contre les deux grandes puissances mauvaises qui perdent le monde moderne : la luxure et l’argent, ou, plus expressément, la spéculation financière  L’Ami des femmes, la Princesse Georges, l’Étrangère, Francillon reposent sur la même conception du mariage que la Dame de la mer ou Maison de poupée  Et si vous voulez des orgueilleuses, des insurgées démoniaques, Mme de Terremonde, et mistress Clarkson, et Césarine ne le cèdent point, ce me semble, à Hedda Gabler  Bref, le théâtre de Dumas, comme celui d’Ibsen, est plein de consciences ou qui cherchent une règle, ou qui, ayant trouvé la règle intérieure, l’opposent à la règle écrite, ou enfin qui secouent toutes les règles, écrites ou non.

2279. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Figurines (Deuxième Série) » pp. 103-153

C’est un divertissement qu’il ne s’est plus permis depuis Drame ancien, Drame moderne, œuvre de jeunesse.

2280. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre XVII, l’Orestie. — les Euménides. »

La circonstance atténuante, cette commisération de la loi moderne, adoucissait déjà leurs sentences.

2281. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Edgar Allan Poe  »

Elles sont distillées avec la parfaite mesure des préparations pharmaceutiques modernes, où de puissants alcaloïdes, infinitésimalement dosés, portent les effets médicinaux à la limite délétère.

2282. (1856) Cours familier de littérature. I « Digression » pp. 98-160

On ne pouvait s’empêcher de penser, en contemplant et en écoutant Delphine, à cette Vittoria Colonna, qui fut la noble et chaste Aspasie de Rome moderne, la passion platonique de Michel-Ange, le modèle des Vierges de Raphaël, pendant qu’elle était, par ses propres poésies, la rivale heureuse de Pétrarque !

2283. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Chapitre V : Règles relatives à l’explication des faits sociaux »

Les dogmes religieux du christianisme n’ont pas changé depuis des siècles ; mais le rôle qu’ils jouent dans nos sociétés modernes n’est plus le même qu’au moyen âge.

2284. (1913) La Fontaine « VIII. Ses fables — conclusions. »

Nous sommes revenus, évidemment, de cette délicatesse, et dans nos discussions littéraires modernes nous sommes devenus beaucoup plus faciles, peut-être même trop.

2285. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre IX. Première partie. De la parole et de la société » pp. 194-242

La tradition ne s’en est même jamais perdue dans la société : seulement elle avait été obscurcie peu à peu ; il est même permis de dire que la théorie opposée, érigée en doctrine, est tout à fait moderne.

2286. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Balzac » pp. 17-61

Ces volumes, typographiquement assez bien exécutés, autant du moins que le permet l’abaissement général et honteux de la confection matérielle du livre moderne, ont, en effet, dans la distribution qu’ils ont changée des romans composant l’Œuvre de Balzac, renversé l’ordre établi par lui-même, c’est-à-dire toute son architecture ; car c’était un architecte que Balzac dans sa Comédie humaine !

2287. (1927) Approximations. Deuxième série

Degas parvient souvent à donner un style à l’homme moderne, sans lui retirer, bien entendu, mais sans davantage souligner son caractère de modernité. […] Oui, comme La Bruyère précisément, de qui dans les temps modernes l’art et la personne de Degas nous offrent la plus fidèle image, Degas est à la fois amateur et juge des mœurs : chez tous deux le jugement est impliqué dans la manière même dont ils peignent, — et je ne crois pas faire ici un usage abusif du verbe peindre alors qu’il s’agit du premier artiste littéraire conscient, de celui qui a introduit dans les lettres l’art de peindre par des mots : « Tout l’art d’un auteur consiste à bien définir et à bien peindrew ». […] Il attaquera son sujet en des points inattendus ; il tombera sur les flancs ou sur l’arrière-garde ; il dirigera à l’improviste un phare puissant vers des recoins obscurs, jusqu’alors insoupçonnés… Il naviguera sur ce vaste océan de matériaux et plongera çà et là un petit récipient qui des profondeurs fera remonter à la lumière du jour quelque spécimen caractéristique, destiné à être examiné avec une curiosité soigneuse… J’ai essayé, par le moyen de la biographie, d’offrir à notre regard de modernes quelques visions victoriennesy. […] Je n’en fais pas grand cas ; Les Cenci m’ont coûté moins de mal qu’aucune autre œuvre d’égale étendue », Ainsi s’exprimait-il sur le compte du seul drame anglais moderne qui se puisse mettre en regard des drames élizabéthains. […] Avec Chateaubriand, et déjà avant lui avec Rousseau, s’était produit un premier déplacement dû à cette découverte du Vague des Passions dont toute la littérature moderne est tributaire ; — il semble que se produise aujourd’hui — et le livre de Jaloux est un de ceux qui le font le mieux sentir — un second déplacement ; que le problème ait insensiblement glissé sur un autre plan : ce n’est plus seulement dans les « passions » que le « vague » séjourne — là il semble bien qu’il soit installé à demeure —, mais dans un certain élément qui se trouve au-dessous des passions mêmes, et qui, lui, tend chaque jour davantage à devenir l’élément primordial.

2288. (1882) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Deuxième série pp. 1-334

Ce n’est pas du tout ce fiacre de Scarron qui est en lutte avec l’esprit de son temps, c’est Molière, et ce n’est pas du tout Racine qui est le favori du beau monde, c’est le tendre Quinault ; mais de Charles Perrault, le spirituel auteur du Parallèle des anciens et des modernes, et de l’exact auteur des Satires ou de l’Art poétique, sachons-le bien, le vrai fauteur de nouveautés, c’est Boileau. […] Il a vu d’une part que le xviie  siècle, en France, avait fait le plus noble et le plus glorieux effort que l’on eut tenté pour concilier la religion des anciens âges avec les exigences de la raison philosophique, l’immutabilité de la tradition avec les besoins de la vie moderne de l’esprit. […] Ennemis des anciens, il importait à ces hommes d’esprit, de trop d’esprit peut-être, que les modernes, selon le mot de Pascal, fussent les anciens, en littérature comme en art, et qu’encore que Chapelain fût un peu au-dessous d’Homère, cependant « le fonds de l’esprit humain fût allé toujours croissant parmi les hommes ».

2289. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome III pp. -

Il n’est guères de genre dans lequel il n’ait écrit, ou ne fut en état d’écrire supérieurement : il parloit latin aussi bien qu’aucun moderne. […] Si les travaux des uns & des autres sont aussi dangereux que le chant des syrènes, que l’affreuse potion de Circé, il faut tout anéantir, bibliothèques, universités, académies, chefs-d’œuvre anciens & modernes : c’est le parti qu’il faut prendre, & le plutôt sera le mieux quoiqu’en dise M. […] Il trouve une monotonie insupportable dans les compositions de Lully, & pire que le maussade chant des églises d’Allemagne ; une absurdité dans ces fêtes & ces danses amenées à tout propos & contre toute raison ; dans cet assemblage d’ombres, de fées & de génies, tous monstres sortis du cerveau des poëtes modernes ; dans ces représentations puériles de tonnerres, d’éclairs & d’orages ; enfin une succession non interrompue d’extravagances depuis quatre vingt ans. […] Les anciens ont poussé très-loin la gravure, quoiqu’ils n’aient pas connu les estampes : cette découverte est moderne, & nous en sommes redevables à un orfévre Florentin.

2290. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome IV pp. -328

Lorsqu’il eut communiqué son idée à ses confrères, ils dirent qu’elle étoit absurde & nouvelle ; & lorsqu’ils ne purent s’empêcher d’applaudir & de la recevoir, ils prétendirent qu’elle étoit très-ancienne Les uns voulurent en donner tout l’honneur à des philosophes ou à des médecins Grecs ; d’autres à de sages Chinois ; quelques-uns à Salomon ; d’autres à un moderne Italien, Fra-Paolo Sarpio, qui ne communiqua son secret qu’à un ami, lequel ami, craignant l’inquisition, n’eut garde de le révéler, & se contenta de le développer dans un écrit, mis après sa mort dans la bibliothèque de saint Marc, & gardé très-mystérieusement. […] On y saisit assez bien les ridicules de quelques philosophes modernes qui abusent de ce nom, le mépris fastueux de la gloire qu’ils affectent pour y parvenir plus surement ; leurs cabales, leurs intrigues ; l’intérêt qu’ils veulent inspirer, en exagérant la persécution, en citant sans cesse les Montesquieu, les Voltaire, pour être mis à côté de ces grands hommes ; leur attention à se renvoyer des brevets de célébrité ; leur ton décisif, leur charlatannerie ; la hauteur avec laquelle ils commandent à la nation de croire au mérite de leurs protégés ; la violence avec laquelle ils veulent emporter les suffrages du public, qu’ils obtiendroient mieux par la modestie ; enfin tant de pensées, tant d’expressions, tant de débuts emphatiques. […] C’est sans contredit le moderne qui a le mieux écrit dans la langue des Romains. […] Le discours parut un chef-d’œuvre d’érudition ancienne & moderne, sacrée & profane, Grecque & Latine.

2291. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Les nièces de Mazarin et son dernier petit-neveu le duc de Nivernais. Les Nièces de Mazarin, études de mœurs et de caractères au xviie  siècle, par Amédée Renée, 2e éd. revue et augmentée de documents inédits. Paris, Firmin Didot, 1856. » pp. 376-411

Villemain, dans un livre ingénieux et animé, non pas animé du seul intérêt littéraire, a esquissé en couleurs brillantes et flatteuses, et sous le rayon d’une jeunesse dont nous n’avons pas vu la fin, une grande dame moderne qui s’est aussi piquée de politique, la belle duchesse de Dino.

2292. (1861) Cours familier de littérature. XI « LXIe entretien. Suite de la littérature diplomatique » pp. 5-79

Tous les peuples de l’Italie ont le droit moderne et incontestable de se donner la liberté chez eux, de détruire ou de constituer le gouvernement national qui leur convient ; mais nul n’a droit de leur imposer, sous le nom de liberté et le canon sur la gorge, la monarchie de la maison de Savoie.

2293. (1834) Des destinées de la poésie pp. 4-75

  Et moi j’étais là aussi pour chanter toutes ces choses ; pour étudier les siècles à leur berceau, pour remonter jusqu’à sa source le cours inconnu d’une civilisation, d’une religion, pour m’inspirer de l’esprit des lieux et du sens caché des histoires et des monuments sur ces bords qui furent le point de départ du monde moderne, et pour nourrir d’une sagesse plus réelle et d’une philosophie plus vraie, la poésie grave et pensée de l’époque avancée où nous vivons !

2294. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre II. La première génération des grands classiques — Chapitre III. Pascal »

Tout cela, et mainte manifestation de la libre pensée moderne contre la Compagnie, tout cela sort des Provinciales et n’est que la suite du mouvement créé par Pascal.

2295. (1911) La morale de l’ironie « Chapitre III. Les immoralités de la morale » pp. 81-134

C’est un point que les sociologistes modernes paraissent tenir pour négligeable.

2296. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — Chapitre III »

On l’a rencontré ce matin, on le rencontrera ce soir, et Gavarni eut signé de son meilleur crayon cette figure d’un tour si moderne et si dégagé.

2297. (1888) Petit glossaire pour servir à l’intelligence des auteurs décadents et symbolistes « Petit glossaire »

— La moderne Agenouillée.

2298. (1892) Impressions de théâtre. Sixième série

Mais les auteurs d’aujourd’hui, qui sont des gens d’un autre air, se croiraient déshonorés s’ils savaient ce qui se passe au comptoir d’un marchand ou dans la boutique d’un ouvrier… » Et plus loin : « … C’est ainsi que la sphère du monde et des auteurs se rétrécit ; c’est ainsi que la scène moderne ne quitte plus son ennuyeuse dignité ; on n’y sait plus montrer les hommes qu’en habit doré. » Je manque de dictionnaires, et ma mémoire est à ce point infirme que je ne puis vous dire si le méchant conte des Bijoux indiscrets (qui contient un curieux chapitre sur le théâtre) et les Entretiens sur le fils naturel sont postérieurs ou non à la Nouvelle Héloïse et à la Lettre sur les spectacles. […] Je ne vous apprendrai pas que, lorsqu’il nous raconte ce qu’il fit de ses enfants, il nous mystifie assurément, et que son affirmation est la seule preuve que nous ayons de ce qu’il avance… Toute l’âme moderne est déjà dans ses Confessions ; il est l’aïeul intellectuel et sentimenlal des temps nouveaux… Balzac Théâtre-Libre : Le Père Goriot, drame en cinq actes, tiré du roman dé Balzac par M.  […] Il nous doit une grande comédie moderne. […] Georges de Porto-Riche nous expose, dans les deux premiers actes d’Amoureuse, avec une lucidité et une âpreté extrêmes, un des cas les plus généraux, et aussi les plus aigus, et enfin les plus modernes (en raison des conditions ordinaires du mariage contemporain), de cette inégalité sentimentale.

2299. (1907) Propos de théâtre. Quatrième série

Et cependant si l’on voulait chicaner sur les dates, et établir une chronologie si pointilleuse qu’elle ne serait plus assez consciencieuse, c’est encore à Augier qu’on attribuerait les premiers drames franchement réalistes de notre théâtre moderne. […] Ses mots (c’était une mode du temps, qui avait bien quelque chose de factice, je l’avoue, mais que je préfère encore, s’il faut l’avouer, à la belle grisaille, et à l’absence, volontaire certainement, de tout esprit, qui caractérise les pièces modernes), ses mots étaient très heureux, très jolis, d’un tour très français et qui rappelait les causeurs de la fin du xviiie  siècle. […] Une berline a versé juste devant le saut du loup et a jeté sur la route, un bras brisé, le jeune baron de Breteuil… C’est exactement cela, mais habillé à la moderne.

2300. (1933) De mon temps…

Au mur était encadrée une peinture représentant, dans un décor de grande ville moderne, un corps de femme descendant au fil de l’eau le cours d’un fleuve nocturne, épave macabre, débris de débâcle humaine, sorte d’Ophélie désespérée et symbolique et qui était comme une allusion peinte, comme une image de la poésie du poète. […] Au Tournoi de Vauplassans succédèrent Saint-Cendre, M. de Clérambon, Blancador l’Avantageux, l’Illustre Florimond, et il ne s’en détourna que pour écrire L’Arbre de Science, où ce passionné du passé exprimait son profond dégoût pour le monde moderne.

2301. (1896) Le livre des masques

Villiers fut de son temps au point que tous ses chefs-d’œuvre sont des rêves solidement basés sur la science et sur la métaphysique modernes, comme l’Ève future, comme Tribulat Bonbomet, cette énorme, admirable et tragique bouffonnerie, où vinrent converger, pour en faire la création peut-être la plus originale du siècle, tous les dons du rêveur, de l’ironiste et du philosophe. […] Apprivoiser la mâchoire cariée de bémols d’une tarasque moderne      : — jouer du piano.

2302. (1908) Jean Racine pp. 1-325

Et quand nous le tirerions un peu à nous, quand nous le ferions un peu ressemblant à un héros moderne, quel mal à cela ? […] C’est ce toqué qui, par son Traité des poètes grecs et latins, allumera la fameuse querelle des Anciens et des Modernes. […]   En somme, antique et même préhistorique par ses origines, dont le poète conserve soigneusement les traces ; grecque par la simplicité, la netteté, l’eurythmie ; moderne par la connaissance et l’expression totale des « passions de l’amour », Andromaque est la première de nos tragédies « où nous nous retrouvions tout entiers » (Brunetière), et avec notre âme d’aujourd’hui, et avec nos âmes héritées, celles des ancêtres de notre race. […] Pour les contemporains, cette tragédie était bien, sous son très léger voile antique, une comédie moderne. — Et enfin, si, malgré tout, la « tendresse » est demeurée la marque dominante de Racine aux yeux des générations qui l’ont suivi, Bérénice sera donc la plus racinienne de ses tragédies, puisqu’elle en est la plus tendre, — non pas précisément par Titus, ni même par Bérénice, si « femme », si inconsciemment cruelle pour l’homme qu’elle n’aime pas, mais par ce doux et faible Antiochus, qui résume en lui tous les amants mélancoliques et délicats de l’Astrée et des romans issus de l’Astrée ; qui ne sait que gémir et rêver ; pèlerin d’amour après le départ de la reine ; aisément poète lyrique, dont le romanesque ressemble déjà par l’expression au romanesque des romantiques, et qui revoit Césarée dans le même sentiment que Lamartine reverra le lac du Bourget, et que Musset et Olympio reverront le paysage où ils ont aimé : Lieux charmants où mon cœur vous avait adorée, dit Antiochus. […] Je ne citerai qu’un passage, où le mythe primitif et le drame tout moderne, quoique séparés par tant de siècles, se mêlent et se fondent harmonieusement dans l’imagination du spectateur subtil.

2303. (1889) La bataille littéraire. Première série (1875-1878) pp. -312

La Bataille littéraire moderne ne commençant guère qu’à l’avènement des maîtres du Naturalisme, nous avons fixé à ce moment le point de départ de la reproduction de ces articles dont le succès a consacré la valeur. […] Aussi faut-il les mettre au rang des chefs de l’école du roman moderne. […] Car c’est un des plus grands mérites des écrivains de l’école moderne de s’être retrempés dans la nature, quelque peu oubliée depuis bien des années. […] Un paysage dont la platitude morne, l’étendue blafarde, la lumière écliptique ressuscitaient comme un morceau de la sombre Gaule, évoquaient sous nos yeux le décor de Champs Catalauniques, ainsi que se les représente, à l’heure des grandes tueries de peuples, l’imagination moderne.

2304. (1895) Les mercredis d’un critique, 1894 pp. 3-382

Gladys a pour sous-titre « ou l’amour moderne » ; je n’y contredis pas, quoique, au fond, je n’y aie rien trouvé qui n’eût été de mise aussi bien au siècle dernier qu’à celui de mademoiselle Scudéry, qu’à celui de Pétrarque, qu’à tous les siècles depuis qu’on a inventé l’amour. Le costume seul diffère, et le costume s’étend, bien entendu, jusqu’au langage ; à ce point de vue, Gladys est moderne ; mais, au point de vue des choses du cœur, de ses hésitations, de sa force, de sa faiblesse, Gladys est de toutes les époques et c’est ce qui peut arriver de plus heureux pour elle. […] Il vivait du dehors. » Naturellement l’état de militarisme dans lequel nous sommes forcés de vivre a aussi une page : « La caserne est une invention hideuse des temps modernes. […] Arthur Desjardins. — De la liberté politique dans l’État moderne Signalons un livre de haut intérêt, écrit par M.  […] Il a pour titre : De la liberté politique dans l’État moderne.

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