Au sortir de l’enfance, l’image de la douleur est inséparable d’une sorte d’attendrissement qui mêle du charme à toutes les impressions qu’on reçoit ; mais il suffit souvent d’avoir atteint vingt-cinq années pour être arrivé à l’époque d’infortune marquée dans la carrière de toutes les passions.
Encore aujourd’hui, si éloignés que nous soyons de l’imitation corporelle, ils gardent avec eux une partie du cortège qui les entourait à leur naissance ; ils renaissent en nous accompagnés par l’image des gestes que nous avons faits lorsqu’ils sont venus sur nos lèvres ; ils traînent après eux la figure de l’objet qui pour la première fois vous les fait jaillir… De sorte qu’un mot bien choisi fait en nous comme un éveil de sensations ; par lui un point clair se détache, et tout alentour apparaissent et s’enfoncent par échappées les choses environnantes.
Après avoir manié pendant quelque temps le martelet du joaillier et fabriqué de fins rondels, il a pris le lourd marteau de Vulcain et, dans une auréole d’étincelles et de flammes, il s’est mis à façonner son rêve à l’image de son âme.
Dans les premiers, il avoit puisé l’analyse & la justesse ; dans les seconds, l’éloquence & la sublimité ; dans l’Histoire, l’ordre & la simplicité de la marche ; dans les Poëtes, la vivacité des images, la hardiesse des expressions ; cette riche abondance, & principalement cette harmonie secrete du discours, qui, comme il le disoit lui-même, sans avoir la servitude de la Poésie, en conserve souvent toute la douceur & toutes les graces.
Les Italiens, à la vérité, s'étoient exercés avant lui dans la Cantate ; mais en les imitant, il les a si fort surpassés par la justesse du plan, les graces du récit, le coloris des images, la richesse des descriptions, la vivacité d'une poésie toujours harmonieuse, qu'on peut l'en regarder comme le créateur, en oubliant ceux à qui il en doit la premiere idée.
Ces douces images répandaient les plus grands charmes dans leurs conversations. « Il est temps de dîner, disait Virginie à la famille : les ombres des bananiers sont à leurs pieds », ou bien : « La nuit s’approche : les tamarins ferment leurs feuilles. — Quand viendrez-vous nous voir ?
C’est une chose bien douce pour nous, leur a-t-on répondu, que de retrouver sur la toile l’image vraie de nos pères, de nos mères, de nos enfants, de ceux qui ont été les bienfaiteurs du genre humain, et que nous regrettons.
Telle image choquera dans la copie, qui n’étonnerait pas dans l’original ; telle liberté de pensée effrayera dans l’imitation qui serait admirée de confiance dans la Bible. […] Le matériel de l’art y a gagné de la souplesse et de l’aisance ; la poésie y a conquis de nouvelles images, et s’est pour jamais placée hors du plat et du commun. […] Je ne lui appliquerais pas l’image classique de l’abeille emportant un peu de miel de chaque fleur, mais celle de l’aigle qui ne s’abat nulle part sans y laisser quelque plume. […] Nous ne pouvons le louer que par des images physiques ; c’est le prendre par son faible, et le payer en sa monnaie. […] Dans le genre lyrique, qui vit d’images et de tours hardis, M.
Elle avait raison de les vouloir purs, harmonieux, corrects ; elle avait tort de refuser à une pensée neuve le droit de s’exprimer par une tournure ou par une image nouvelle. […] À l’école de Rabelais et de nos vieux conteurs, ils avaient appris à ne pas trop s’effaroucher d’un son hardi, d’une image un peu libre. […] L’image dans ses vers s’applique à l’idée philosophique et flotte autour d’elle comme une draperie laissant deviner le corps qu’elle cache et dont elle caresse les contours. […] Qu’allait devenir cette noblesse, cette héroïque dignité dont il avait laissé dans les esprits la souveraine image ? […] Regardez ces petites feuilles publiques qui vous tentent par l’appât de la caricature et de l’image enluminée.
À peine, dans tout le rôle de Brutus, se trouve-t-il une image basse, et c’est au moment où il se laisse aller à la colère. […] Il creuse sa tombe sur le rivage de l’Océan, appelle à ses funérailles toutes les grandes images du désert et fait servir les éléments à son mausolée. […] Du reste, Shakspeare se trompait lorsqu’en prodiguant les réflexions, les images et les paroles, il croyait imiter l’Italie et ses poëtes. […] On conçoit qu’un véritable poëte ait écarté une semblable image. […] Il est aisé de reconnaître les passages ajoutés, car ils se distinguent par un charme et une naïveté d’images que n’offre nulle part ailleurs le style de l’ouvrage original.
Samedi 4 avril Je crois vraiment, que lorsqu’on sait regarder, découvrir tout ce qu’il y a dans une image, on n’a pas besoin d’aller dans les pays à images. Ainsi aujourd’hui, ayant sous les yeux une image de Toyokouni, représentant le bureau d’une Maison Verte, d’une maison de prostitution, et me faisant donner une explication japonaise de tous les objets, grands ou petits, garnissant ce bureau, j’avais la conviction que j’apporterais au lecteur, avec ma description, une sensation du rendu de l’endroit, tout aussi photographique, que la donnerait une description d’après nature de Loti. […] Vendredi 10 avril Dans ce moment, une vie absolument en dehors de la vie réelle, et toute remplie par la contemplation de l’objet et de l’image d’art, produisant une espèce d’onanisme de la rétine et de la cervelle, un état physique d’absence et de griserie, où l’on échappe aux embêtements moraux et aux malaises physiques. […] Et me voilà devant le colossal sphinx de granit rose de l’entrée, devant cette puissante image de la royauté, soudant une tête d’homme à un corps de lion, dont les pattes reposent sur un anneau : symbole d’une longue succession de siècles. […] C’est extraordinaire, mon œil a été transformé en un cliché de photographie coloriée, et aucun spectacle de ce monde ne laisse en moi une image pareille.
Jamais la magnificence du style ne s’est acharnée à une plus hideuse image : c’est un dithyrambe de Shakespeare sur un échafaud. […] « Mon très cher enfant, écrit-il, de Pétersbourg, à sa fille Constance, qu’il n’avait pas vue naître, et dont il se faisait une charmante image, justifiée par la nature et par l’intelligence, mon très cher enfant, il faut absolument que j’aie le plaisir de t’écrire, puisque Dieu ne veut pas encore me donner celui de te voir. […] L’aristocratie lui plaît comme image de la monarchie innée dans la famille ; la démocratie lui soulève le cœur de mépris comme élément d’abjection ou de révolte. […] Solidité, éclat, propriété, mouvement, images, souplesse, hardiesse, originalité, onction, brusquerie même, il a toutes les qualités de la parole qui sait se faire écouter ; et seul peut-être de son siècle, même en y comprenant Voltaire, il n’imite rien ni personne ; il est le gentilhomme du Danube de son temps.
Ces images trop licencieuses ne pouvaient effleurer seulement l’imagination de Thérésina, ni même de sa mère. […] Vous pouvez donc dire à votre belle maîtresse que mon chien peut passer en sa puissance, mais il n’est aucun trésor qui le puisse payer. » XIII La fin de ce récit, quoique ingénieuse, est cynique ; on regrette que la plume presque incontaminée de l’Arioste s’y soit salie d’une image plus qu’obscène. […] L’Arioste y prodigue les plus majestueuses et les plus terribles images de la nature. […] Était-ce la mère, était-ce la fille dont j’allais regretter le plus douloureusement la présence et promener le plus loin l’image ?
À la sombre lueur de cet immense phare, Harold longe les bords où frémit le Ténare ; Où l’Élysée antique, en un désert changé, Étalant les débris de son sol ravagé, Du céleste séjour dont il offrait l’image Semble avoir conservé les astres sans nuage. […] À la place du fer, ce sceptre des Romains, La lyre et le pinceau chargent tes faibles mains ; Tu sais assaisonner des voluptés perfides, Donner des chants plus doux aux voix de tes Armides, Animer les couleurs sous un pinceau vivant, Ou, sous l’adroit burin de ton ciseau vivant, Prêter avec mollesse au marbre de Blanduse Les traits de ces héros dont l’image t’accuse. […] tu m’as proscrit de ton libre rivage ; Mais dans mon cœur brisé j’emporte ton image, Et, fier du noble sang qui parle encore en moi, De tes propres vertus t’honorant malgré toi, Comme ce fils de Sparte allant à la victoire, Je consacre à ton nom ou ma mort ou ma gloire. […] « Souvent, le bras posé sur l’urne d’un grand homme, Soit aux bords dépeuplés des longs chemins de Rome, Soit sous la voûte auguste où, de ses noirs arceaux, L’ombre de Westminster consacre ses tombeaux, En contemplant ces arcs, ces bronzes, ces statues, Du long respect des temps par l’âge revêtues, En voyant l’étranger d’un pied silencieux, Ne toucher qu’en tremblant le pavé de ces lieux, Et des inscriptions sur la poudre tracées Chercher pieusement les lettres effacées J’ai senti qu’à l’abri d’un pareil monument Leur grande ombre devait dormir plus mollement ; Que le bruit de ces pas, ce culte, ces images, Ces regrets renaissants et ces larmes des âges, Flattaient sans doute encore, au fond de leur cercueil, De ces morts immortels l’impérissable orgueil ; Qu’un cercueil, dernier terme où tend la gloire humaine, De tant de vanités est encor la moins vaine ; Et que pour un mortel peut-être il était beau De conquérir du moins, ici-bas, un tombeau ?
Quelles charmantes images, dans le Dépit amoureux, des brouilleries entre amants sitôt suivies du raccommodement ; de leurs jalousies passagères pour le plaisir d’en être guéris ; de la puissance de l’illusion sur une âme éprise ! […] L’histoire, la réflexion, le travail solitaire du génie, peuvent révéler au poète les caractères et les mœurs de la tragédie ; mais pour la comédie, qui doit être l’image de la société, ni la force du génie, ni les études du cabinet ne suppléent l’observation. […] Enfin, on voulait une image complète de la vie dans une comédie sans incidents, sans coups de théâtre, sans complications invraisemblables ; où tout fût une cause naturelle ou un effet inévitable, et qui provoquât non ce gros rire, si bon qu’il soit, qu’excitent les bouffonneries de Scapin, mais le sourire de la raison émue et réjouie par le spectacle d’événements sérieux présentés sous une forme plaisante. […] Un auteur dérobe le bien d’autrui quand il n’égale pas ce qu’il emprunte : c’est la vieille image du geai paré des plumes du paon.
Ce n’est plus là ni l’éloquence sacrée, ni l’éloquence parlementaire, c’est l’éloquence héroïque, l’éloquence d’action qui présente sa poitrine nue à ses auditeurs et qui offre son sang en gage de ses discours ; Le livre qui, par l’ingénieux procédé de l’écriture ou de l’impression, reproduit, pour tous et pour tous les temps, la pensée conçue et exprimée par un seul, et qui communique, sans autre intermédiaire qu’une feuille de papier, l’idée, le raisonnement, la passion, l’image, l’harmonie même empreinte sur la page ; Enfin le théâtre, scène artificielle sur laquelle le poète fait monter, aux yeux du peuple, ses personnages, pour les faire agir et parler dans des actions historiques ou imaginaires, imitation des actions tragiques ou comiques de la vie des hommes. […] La pompe du grec, réimportée en Italie par Lascaris sous les premiers Médicis, et réimportée d’Italie en France par Ronsard et ses disciples, lui avait donné l’ampleur, l’image et la grâce refusées par la nature au latin. […] L’oreille a déjà son harmonie, la conception n’a pas sa force, l’image n’a pas sa nouveauté, son relief et son coloris. […] Mais ce n’était pas, dans l’esprit de Racine, une tragédie : c’était une idylle simple à la portée des jeunes filles et des enfants qui devaient en être les acteurs ; comme poésie de style, images, langue, sonorité, douceur et majesté, c’est la Bible elle-même non traduite, mais transvasée comme un rayon de miel d’Oreb sur la langue des femmes et des enfants d’une autre Sion !
Froissart à Valenciennes, Joinville en Champagne, le roi René à Angers, Du Cange à Amiens, Bossuet à Dijon, ce ne sont partout qu’inaugurations patriotiques et pieuses, et images ressuscitées de grands hommes. […] Aujourd’hui il s’agit d’une image plus modeste, mais chère à tous, du buste de l’abbé Prévost, et la cérémonie de cette inauguration, qui a eu lieu à Hesdin le dimanche 23 octobre dernier, a présenté le caractère d’une fête de famille, qui allait bien au souvenir du romancier plus aimable et plus touchant que solennel.
Et c’est alors que, tandis que Jésus descend le long de la montagne des Olives, il le présente touché au vif dans son cœur d’une tendre compassion, et pleurant sur la ville ingrate dont il voit d’avance la ruine ; puis, tout d’un coup, sans transition et par une brusque saillie qui peut sembler d’une érudition encore jeune, Bossuet s’en prend à l’hérésie des marcionites qui, ne sachant comment concilier en un seul Dieu la bonté et la justice, avaient scindé la nature divine et avaient fait deux Dieux : l’un purement oisif et inutile à la manière des épicuriens, « un Dieu sous l’empire duquel les péchés se réjouissaient », le Dieu qu’on a nommé depuis des bonnes gens ; et, en regard de ce Dieu indulgent à l’excès, ils en avaient forgé un autre tout vengeur, tout méchant et cruel : et aussi, poussant à bout la conséquence, ils avaient imaginé deux Christs à l’image de l’un et de l’autre Père. […] Après avoir, dans la première partie de ce discours, déroulé et comme épuisé toutes les tendresses et les compassions de Jésus-Christ fait à l’image de l’homme, après s’être écrié : « Il nous a plaints, ce bon frère, comme ses compagnons de fortune, comme ayant eu à passer par les mêmes misères que nous », il nous le peint, dans sa seconde partie, se retournant et se courrouçant à la fin contre les endurcissements qu’il éprouve dans l’homme : Mais comme il n’y a point de fontaine dont la course soit si tranquille, à laquelle on ne fasse prendre par la résistance la rapidité d’un torrent : de même le Sauveur, irrité par tous ces obstacles que les Juifs aveugles opposent à sa bonté, semble déposer en un moment toute cette humeur pacifique.
Il était né à Padoue, grande ville municipale, et qui avait chez elle un abrégé et une image des institutions politiques de la mère cité. […] Il s’est représenté leur image intellectuelle, il se l’est peinte et nous l’a renvoyée à bout portant, sans aucune précaution, avec crudité et raideur.
Dans le tous-les-jours il se relâche, il se détend, il est bonhomme ; bref, saccadé, un peu haché, avec des traits vifs, des images brusques. […] Le noble vieillard était flatté de se voir si compris et si adoré par une femme d’esprit et de vertu, qui avait encore des restes de beauté, et dont le mari, ne l’oublions point (car Buffon était sensible à ces choses), tenait une si grande place dans l’État : « Mon âme, lui écrivait-il galamment, prend des forces par la lecture de vos lettres sublimes, charmantes, et toutes les fois que je me rappelle votre image, mon adorable amie, le noir sombre se change en un bel incarnat. » Il a le cœur en presse, dit-il, la veille du jour où il doit l’aller voir ; mais s’il l’attend chez lui, elle, en visite, à Montbard, que sera-ce ?
Ce sera bien sa manière, à lui ; dans les images fidèles qu’il nous offre de la nature, l’homme, l’âme est toujours en présence ; c’est la vie réfléchie et rendue par la vie. […] écrivait l’un d’eux. — Mais pour nous qui n’avons ici qu’à parler de littérature, il est impossible de ne pas noter un tel moment mémorable dans l’histoire morale de ce temps, de n’y pas rattacher le talent de Guérin, de ne pas regretter que l’éminent et impétueux esprit qui couvait déjà des tempêtes n’ait pas fait alors comme le disciple obscur, caché sous son aile, qu’il n’ait pas ouvert son cœur et son oreille à quelques sons de la flûte pastorale ; qu’au lieu de se déchaîner en idée sur la société et de n’y voir qu’enfer, cachots, souterrains, égouts (toutes images qui lui reviennent perpétuellement et qui l’obsèdent), il n’ait pas regardé plus souvent du côté de la nature, pour s’y adoucir et s’y calmer.
S’il lui arrivait bien souvent de dormir quand on essayait de lui répondre, s’il avait fort à propos alors ce qu’il appelait des coups de sommeil, c’est-à-dire de petits sommeils subits de quelques minutes, combien il était impossible de dormir en l’écoutant, et qu’il savait tenir l’attention en éveil, la piquer par de poignantes images, par des vérités relevées en paradoxes ! […] — Sur Napoléon après son entrée à Moscou : Imaginez un homme au sommet d’une échelle de cent échelons, et tout le long de cette échelle des hommes placés à droite et à gauche avec des cognées et des massues, prêts à briser la machine : c’est l’image naturelle de la situation où se trouve Napoléon.
Le cardinal de Bausset, en citant ce Caractère dans son Histoire de Fénelon, en a retranché, sans avertir, deux des traits les plus énergiques, la comparaison avec le taureau et l’image de la jaunisse. […] Sans doute Homère lui fournissait d’admirables images et des à-propos, où la colère d’Achille, la douceur de Patrocle revenaient souvent.
Il traite son sujet et ne l’élude pas ; il introduit la discussion dans le récit : le sentiment du haut style est toujours présent comme une image du dieu d’Olympie. […] si l’on est d’un art particulier, tout en restant le confrère et l’ami des artistes, savoir s’élever cependant peu à peu jusqu’à devenir un juge ; si l’on a commencé, au contraire, par être un théoricien pur, un critique, un esthéticien, comme ils disent là-bas, de l’autre côté du Rhin, et si l’on n’est l’homme d’aucun art en particulier, arriver pourtant à comprendre tous les arts dont on est devenu l’organe, non-seulement dans leur lien et leur ensemble, mais de près, un à un, les toucher, les manier jusque dans leurs procédés et leurs moyens, les pratiquer même, en amateur du moins, tellement qu’on semble ensuite par l’intelligence et la sympathie un vrai confrère ; en un mot, conquérir l’autorité sur ses égaux, si l’on a commencé par être confrère et camarade ; ou bien justifier cette autorité, si l’on vient de loin, en montrant bientôt dans le juge un connaisseur initié et familier ; — tout en restant l’homme de la tradition et des grands principes posés dans les œuvres premières des maîtres immortels, tenir compte des changements de mœurs et d’habitudes sociales qui influent profondément sur les formes de l’art lui-même ; unir l’élévation et la souplesse ; avoir en soi la haute mesure et le type toujours présent du grand et du beau, sans prétendre l’immobiliser ; graduer la bienveillance dans l’éloge ; ne pas surfaire, ne jamais laisser indécise la portée vraie et la juste limite des talents ; ne pas seulement écouter et suivre son Académie, la devancer quelquefois (ceci est plus délicat, mais les artistes arrivés aux honneurs académiques et au sommet de leurs vœux, tout occupés qu’ils sont d’ailleurs, et penchés tout le long du jour sur leur toile ou autour de leur marbre, ont besoin parfois d’être avertis) ; être donc l’un des premiers à sentir venir l’air du dehors ; deviner l’innovation féconde, celle qui sera demain le fait avoué et’reconnu ; ne pas chercher à lui complaire avant le temps et avant l’épreuve, mais se bien garder, du haut du pupitre, de lui lancer annuellement l’anathème ; ne pas adorer l’antique jusqu’à repousser le moderne ; admettre ce dernier dans toutes ses variétés, si elles ont leur raison d’être et leur motif légitime ; se tenir dans un rapport continuel avec le vivant, qui monte, s’agite et se renouvelle sans cesse en regard des augustes, mais un peu froides images ; et sans faire fléchir le haut style ni abaisser les colonnes du temple, savoir reconnaître, goûter, nommer au besoin en public tout ce qui est dans le vestibule ou sur les degrés, les genres même et les hommes que l’Académie n’adoptera peut-être jamais pour siens, mais qu’elle n’a pas le droit d’ignorer et qu’elle peut même encourager utilement ou surveiller au dehors ; enfin, si l’on part invariablement des grands dieux, de Phidias et d’Apelle et de Beethoven, ne jamais s’arrêter et s’enchaîner à ce qui y ressemble le moins, qui est le faux noble et le convenu, et savoir atteindre, s’il le faut, sans croire descendre, jusqu’aux genres et aux talents les plus légers et les plus contemporains, pourvu qu’ils soient vrais et qu’un souffle sincère les anime.
Comme Don Quichotte, ils retrouvent partout l’image des vertus auxquelles ils rendent un culte… Ce dévouement continuel de l’héroïsme, ces illusions de la vertu, sont ce que l’histoire du genre humain nous présente de plus noble et de plus touchant ; c’est le thème de la haute poésie, qui n’est autre chose que le culte des sentiments désintéressés. […] Chaque génération vous frappe et vous refrappe à son image.
Sur la branche un petit oiseau dit alors, par son chant : « Ne troublez pas l’eau, ô jeune fille, de cette façon, avec vos deux petits pieds ; Car je ne pourrai plus y voir mon image, ni davantage les étoiles du ciel : écoutez la prière d’un petit oiseau, ne troublez pas l’eau, la belle enfant ! […] De ta fleur, acceptant l’hommage, Ils choisissent pour leur image Ton inaltérable beauté.
L’image et le style lui font défaut. […] La Mennais en écrivait à son frère, l’abbé Jean, le 26 mai 1818 : « Plusieurs personnes regrettent comme toi quelques-uns des passages que j’ai retranchés ; d’autres trouvent encore trop d’images.
Comment, par exemple, sa raison si fine et si juste ne s’est-elle pas révoltée contre la bizarrerie de l’image suivante : Vainqueurs, sauvez les Grecs ! […] Ici, tous les mérites du poëte sont retrouvés : style pur, nobles images, douce chaleur, mélodie parfaite.
L’amour dont une âme est pleine, et qui cherche un langage, s’empare de tout ce qui l’entoure, en tire des images, des comparaisons sans nombre, en fait jaillir des sources imprévues de tendresse. […] Le procédé en est d’ordinaire analytique et abstrait ; chaque personnage principal, au lieu de répandre sa passion au dehors en ne faisant qu’un avec elle, regarde le plus souvent cette passion au dedans de lui-même, et la raconte par ses paroles telle qu’il la voit au sein de ce monde intérieur, au sein de ce moi, comme disent les philosophes : de là une manière générale d’exposition et de récit qui suppose toujours dans chaque héros ou chaque héroïne un certain loisir pour s’examiner préalablement ; de là encore tout un ordre d’images délicates, et un tendre coloris de demi-jour, emprunté à une savante métaphysique du cœur ; mais peu ou point de réalité, et aucun de ces détails qui nous ramènent à l’aspect humain de cette vie.
On a réuni les deux genres en Italie ; l’invasion des peuples du Nord a transporté dans le Midi la tradition des faits chevaleresques, et les rapports que les Italiens entretenaient avec l’Espagne ont enrichi la poésie d’une foule d’images et d’événements tirés des contes arabes. […] D’abord les images qui conviennent au climat du Midi, diffèrent entièrement de celles qu’inspire le climat du Nord, et, en second lieu, l’imagination religieuse des Juifs n’a pas le moindre rapport avec celle qui anime encore les descendants des poètes scandinaves et des bardes écossais.
II Après 1815, l’invasion de Napoléon, Waterloo et le second retour du roi, cette élégante image ne s’était pas effacée. […] Il a, dans cette image, l’air d’éternelle jeunesse qu’il avait dans ses plus beaux jours ; sa physionomie le nomme.
Et alors la « proportion » se corse d’une image Autre exemple. […] On prend la réflexion la plus vulgaire et on lui donne, par une image imprévue, une apparence de nouveauté. « Notre imagination dépasse ordinairement ce que nous apporte la réalité », voilà certes une pensée qui n’a rien de rare.
Et, par cela seul qu’il applique à une passion profane le vocabulaire et les images de la « mystique » chrétienne, il se trouve presque composer, sans le savoir, une sorte d’élégie idéaliste aux airs déjà vaguement lamartiniens : Ses attraits réfléchis brillent dans vos pareilles… Il a sur votre face épanché des beautés Dont les yeux sont surpris et les cœurs transportés ; Et je n’ai pu vous voir, parfaite créature, Sans admirer en vous l’auteur de la nature, Et d’une ardente amour sentir mon cœur atteint, Au plus beau des portraits où lui-même il s’est peint. […] Qui sait si tu n’es pas en effet quelque image De Dieu même, qui perce à travers ce nuage ?
C’était inévitable : les juges de l’ouvrage en avaient fourni la matière ; aucun ne se voulait reconnaître à cette image si disgracieuse de l’amour-propre. […] Plongez les yeux plus avant, et regardez, dans cette échauffourée, les luttes des ambitions rivales, leur accord passager au détriment de la puissance publique, les illusions, les haines, les préjugés des partis, les entraînements des corps, les convoitises ; c’est une image en raccourci des révolutions.
Attentif aux controverses des poètes, se tenait le graveur sur bois Clément Bellanger qui rendait l’image d’un Christ au Jardin des Oliviers. […] L’image m’en est apparue, casquée d’or, dans un ruissellement de pierreries.
L’auteur y prodigue encore, selon son usage, les images mythologiques, les allusions de tout genre : mais ici, dans le silence d’une belle nuit, elles sont plus naturellement placées et plus compatibles avec la réalité. […] Je prendrai une image que je crois fidèle pour rendre la manière dont le xviiie siècle apparaît à travers le dernier roman de M.
Et à Bernardin de Saint-Pierre, il exprime la même idée par une autre image : Je ne sais plus trop quand je reviendrai à Paris. […] Campenon, m’est toujours restée dans l’esprit à l’état d’image charmante ; et, comme un peu de malice n’est pas défendu, ce qui ajoute, pour moi, à la grâce de cette petite scène, c’est de voir M.
Cette sensibilité fait qu’il n’hésite pas à s’attribuer les goûts et les penchants dont l’image lui est fortement suggérée par ses lectures ou par l’exemple. […] En même temps que l’enfant, sous l’empire de l’enthousiasme qu’excitent en lui les images, risque de s’attribuer des pouvoirs qu’il n’a pas, de s’appliquer à des exercices et à des études auxquels il est impropre et de négliger ses aptitudes réelles, l’avidité dont il témoigne à l’égard de la notion, le dispose mieux que quiconque à s’assimiler toute la part de mensonge et d’erreur que comporte la science humaine.
Et encore, MM Jean Moréas et Gustave Kahn, les promoteurs de ce lieu commun, ne surent-ils pas s’abstraire du simple Symbole d’images successives tel que le montre en ses essais M. […] S’il fut de cette école, une plus large fatalité de refléter tout ce qui l’environne, d’accaparer inconsciemment toutes les tendances a fait de lui (c’est sa personnalité, si l’on veut) un candide et très sérieux incohérent : symboliste par Mallarmé, impressionniste par sa fréquentation des peintres pointillistes, scientifique, philosophique, et même teinté du socialisme puéril qui court les rues, lorsque s’avérèrent scientifiquement mes Théories de philosophie et d’art, et aussi parce qu’un de ses amis s’occupe de sciences transcendantes — en même temps qu’il est pénétré inéluctablement de son hérédité sémite compliquant encore l’hétérogénéité, Il arrive enfin, après de prolixes et diffus articles, à cette déclaration éminemment neuve que le Rythme est en tout, à cette erreur scientifique que tout est cyclique, — et pour œuvre, il donna ce livre, les Palais nomades, qui trahit ses velléités de lui donner un lien méthodique, et où ce moderniste à outrance fait à chaque page surgir des souvenirs de Palestines et des Tribus, de Babylones et d’Afriques, parmi des gestes de Mages : et, pour le développement des Rythmes, en pressant les images en chaos et les mots et les phrases sans nul effet à satiété répétés, simplement il allongeait ou raccourcissait extraordinairement l’alexandrin, dont il a sainte horreur pour n’en comprendre pas la mathématique savante.
Ces âmes mêmes seront non pas observées, car les sens seuls apprennent peu de chose en psychologie réelle, mais imaginées, et imaginées à l’image de leur auteur. […] Et si l’on considère l’étendue et la pénétration de leur enquête, la façon neuve dont ils parlent de l’homme et à l’homme, leur art sincère et haut, la sérieuse ferveur de l’évangile de pitié qu’ils proposent, le plus déterminé partisan de l’art pour l’art peut se sentir hésiter et réfléchir, jusqu’à ce qu’il recomprenne que le problème de la société, de la vie de l’homme ne peut être résolu par le cri de passion des détracteurs d’intelligence, que l’évangile que prêchent les romanciers slaves a précédé de dix-huit cents ans les maux qu’ils dénomment, que l’enseignement fut la marque même de sa fausseté dans son emportement, que la vérité est paisible, persuade en paraissant et n’a nul besoin d’apôtres, que l’erreur seule parle violemment, que les œuvres d’art ne doivent pas tenter de tromper, qu’il leur suffit de contenir les préceptes latents et obéis, ceux-là du monde dont elles sont la lumineuse image.
Les fleurs rares et étranges dont le duc Jean garnit son vestibule, ne lui présentent que des images de charnier et d’hôpital : « Elles, affectaient cette fois une apparence de peau factice sillonnée de fausses veines ; et la plupart comme rongées par des syphilis et des lèpres, tendaient des chairs livides, marbrées de roséoles, damassées de dartres ; d’autres avaient le teint rose vif des cicatrices qui se ferment, ou la teinte brune des croûtes qui se forment ; d’autres étaient bouillonnées par des cautères, soulevées par des brûlures ; d’autres encore montraient des épidermes poilus, creusés par des ulcères et repoussés par des chancres ; quelques-unes enfin paraissaient couvertes de pansements, plaquées d’axonge noire mercurielle, d’onguents verts de belladone, piquées de grains de poussière, par les micas jaunes de la poudre d’iodoforme. […] Huysmans estparvenu à écrire ce surprenant chapitre VII de A Rebours, qui, racontant les intimes fluctuations d’âme d’un catholique incrédule, dévotieux et inquiet, marque le cours de pensées de théologie ou de scepticisme, par une succession de précises images, accomplissant le tour de force de seize pages de la plus subtile psychologie, écrites presque constamment en termes concrets.
Lorsqu’on discute pour savoir si la perception des sens est immédiate et directe, ou si elle a lieu par des intermédiaires (discussion qui a eu une si grande importance dans l’école de Royer-Collard), on peut bien accorder que nous ne percevons pas la chose en elle-même et intérieurement, tout en soutenant qu’elle n’a pas lieu non plus par intermédiaires ou par images représentatives, ce qui était le principal objet de la polémique de Reid. […] A proprement parler, le sujet n’est qu’une ombre de substance, l’image mobile de l’être éternellement immobile.
Les destinées, des enfants de la promesse ne sont point l’image seulement des destinées particulières de tel ou tel peuple ; elles sont l’image et l’histoire même du genre humain.
Au moment où la douce figure de Mme de Longueville commence à se reformer sous les yeux du lecteur, il entend un fracas d’in-folio qui tombent ; c’est une dissertation qui arrive et efface la charmante image sous son appareil démonstratif. […] Cousin s’enivrait de ses propres paroles, et la fantasmagorie des images troublait la sûreté de son inspiration.
Cette horreur de la persécution, liée en lui aux ineffaçables images de l’enfance, demeure l’idée fixe, la pensée dominante de toute sa vie ; elle lui dicta ses premiers écrits, comme ses dernières paroles.
La causerie élégante de M. de Ségur se joue tour à tour sur des riens qu’elle relève, sur des sujets sérieux qu’elle égayé, ramène soigneusement toutes choses au ton de la bonne compagnie, et, à l’image de cette société passée qu’elle retrace, confondant le grave et le léger dans une même nuance d’agrément, n’offre qu’une superficie uniformément brillante et polie où il est difficile de rien saisir.
L’amour de la patrie est ici l’âme même et comme la respiration de l’œuvre… Ce qui manque dans la Fille de Roland, ce ne sont pas précisément les beaux vers (tous ceux qui devaient jaillir des situations, M. de Bornier les a trouvés) ; ce qui manque, ce sont les nappes largement épandues et tour à tour les retentissantes cataractes d’alexandrins des Burgraves ; c’est l’abondance jamais épuisée et l’éclat souverain des images, le lyrisme et le pittoresque énorme, et comme la gesticulation d’armures ; c’est la longueur de l’haleine épique, le jaillissement continu du verbe et, pour ainsi parler, l’incapacité d’être essoufflé ; c’est ce qui fait enfin que, quoi qu’on en puisse dire et quoi que j’en aie dit moi-même, Victor Hugo est dieu.
Ils sont rudes et sans nul éclat d’images ; mais la langue en est saine, robuste et probe.
Séditieuse au plus haut degré, l’histoire de la Passion, répandue par des milliers d’images populaires, montra les aigles romaines sanctionnant le plus inique des supplices, des soldats l’exécutant, un préfet l’ordonnant.
Placer ses Héros dans des circonstances embarrassantes, les en tirer sans effort ; étonner le Spectateur par des sentimens, des réponses, des raisonnemens imprévus ; réunir à la fois l’élévation des pensées, la grandeur des images, la variété & l’énergie du style : tout cela n’étoit qu’un jeu pour un Génie devant qui les difficultés s’applanissoient d’elles-mêmes.
Pourquoi faites-vous flageller par des Prêtres d’Eleusine, les Pénirens, & les Initiés, tandis qu’il ne s’agit dans le passage de Pausanias, que vous avez cité pour preuve, que de petites baguettes, avec lesquelles les Prêtres frappoient, dans les cérémonies, non les Initiés & les Pénitens, mais les Images des Dieux des Enfers, parce que ces Dieux retenoient Proserpine ?
L’esprit, les graces, le naturel, la délicatesse, les images, la douceur & la facilité, le caractérisent particulièrement.
Cette image du soleil à son midi est pittoresque : Cependant le soleil, couronné de splendeur, Amoindrissant sa forme, augmentoit son ardeur.
C’est à bien répresenter ce qui a pû veritablement arriver, et à l’orner par des images nettes et élegantes que consiste l’art du poëte.
Blum, le travail difficile, ce n’est pas d’éviter les répétitions, de faire la chasse aux auxiliaires, de surveiller la cohérence des images, c’est de voir clair dans ce que l’on pense et d’appliquer à ce que l’on écrit ce que l’on a pensé. » M.
Il ne compta que sur la force et la logique de son œuvre, pour donner, de ses idées et de sa personne, une image exacte au public.
Dans l’œuvre de Gérard d’Houville, L’Inconstante reste un peu pour moi ce qu’était à l’origine pour Marinette l’image de l’Enchanteur Merlin. […] Telles les images et les sensations dans les deux premiers livres de Gérard d’Houville. […] Mieux vaut chercher ailleurs le reflet de cette image de la passion, toujours la même, que je porte invariablement en moi. […] Il faut qu’il reste d’elle (la femme alors morte du narrateur) en ta mémoire une image aussi parfaite que possible. […] Jamais chez lui banalité ni remplissage ; c’est une image idéale d’un certain modèle de jeune homme si grave, si sincère, si scrupuleux ».