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1310. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Légendes françaises. Rabelais par M. Eugène Noël. (1850.) » pp. 1-18

Je crois, et tout lecteur réfléchi croira de même, que ceux qui se seraient attendus à trouver exactement en lui l’homme de son livre, une espèce de curé-médecin, jovial, bouffon, toujours en ripaille et à moitié ivre, auraient été fort désappointés. […] Exposé dans un théâtre public, on me dissèque : un savant médecin explique devant tous, à mon sujet, comment la Nature a fabriqué le corps de l’homme avec beauté, avec art, avec une parfaite harmonie. […] et, même quand on ne parle que devant des hommes et qu’on est de sang-froid, il faut choisir. […] Ponocrates, au contraire, est un novateur, un homme moderne, selon la vraie Renaissance. […] Ce n’est pas que je mette Rabelais à côté d’Horace… Rabelais, quand il est bon, est le premier des bons bouffons : il ne faut pas qu’il y ait deux hommes de ce métier dans une nation, mais il faut qu’il y en ait un.

1311. (1898) XIII Idylles diaboliques pp. 1-243

Et l’homme s’arrache les cheveux. […] pauvre homme, tu es bien à plaindre. […] C’est un homme ! […] Oui : c’est un homme libre. […] Défiez-vous d’un tel homme !

1312. (1890) Le réalisme et le naturalisme dans la littérature et dans l’art pp. -399

Dans les mystères, l’homme est plutôt, un personnage qu’une personne. […] L’homme toujours penché sur le même travail en garde un pli. […] Il a compris que l’homme ne se substitue pas impunément à Dieu. […] Les hommes y cèdent à des poussées qu’ils ne peuvent régler ni amortir. […] C’est d’ailleurs un brave homme.

1313. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — R. — article » pp. 140-155

Un homme aussi célebre méritoit bien d’être approfondi. […] De là tant de déclamations contre l’homme social, & tant de transports pour l’humanité ; ces sorties violentes contre les Philosophes, & cette manie à favoriser leurs sentimens. […] Le comble de l’illusion dans les Philosophes, est de se croire réservés à des découvertes pour le bonheur des hommes ; & le comble du crime est de nous ravir le bonheur présent, sous l’espoir de cette chimere. […] S’il est vrai que les hommes aient été méchans dans tous les Siecles, on ne peut nier qu’ils n’aient plus de facilité à l’être dans les Siecles éclairés. […] Le Discours sur l’inégalité des conditions parmi les hommes, ne le cede en rien au premier.

1314. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 5, des études et des progrès des peintres et des poëtes » pp. 44-57

Mais un homme né avec du génie, est bien-tôt capable d’étudier tout seul, et c’est l’étude qu’il fait par son choix, et déterminé par son goût, qui contribuë le plus à le former. […] En homme sans expérience du monde, il jugeoit de la superiorité du mérite de Raphaël sur le sien, par la difference de leurs fortunes. […] Au contraire, rien ne décele mieux l’homme né sans génie, que de le voir examiner avec froideur, et discuter de sens rassis, le mérite des productions des hommes qui excellerent dans l’art qu’il veut professer. Un homme de génie ne sçauroit parler des fautes que les grands maîtres ont commises, qu’après plusieurs éloges donnez aux beautez de leurs productions. […] Je ne dis point pour cela qu’il faille prendre à mauvais augure la critique d’un jeune homme qui remarque des défauts dans les ouvrages des grands maîtres : il y en a véritablement, car ils étoient des hommes.

1315. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « De Cormenin (Timon) » pp. 179-190

Légiste d’abord, homme d’administration et d’affaires, conseiller d’État, député, il s’est détourné des plus graves et des plus studieuses fonctions de sa vie pour se jeter à corps perdu dans, la voie retentissante du pamphlet. […] … » Cormenin, en effet, dans ces écrits, n’est nullement l’homme puissant dont la réputation vibre encore autour de nos têtes. […] si on n’avait jamais entendu parler de Cormenin-Timon et qu’on arrivât tout botté vous planter sous le nez ces deux volumes des Orateurs, que diriez-vous de l’homme qui les aurait écrits ? […] Que diriez-vous enfin de ce rouleur d’idées, — qui ont déjà assez roulé sans lui, — lequel préfère Cicéron et Démosthènes, dit-il, à César et à Alexandre, ces tueurs d’hommes effroyables, comme si de tuer les hommes comme les tuaient César et Alexandre n’avait pas agrandi des âmes et avancé des civilisations ! […] Il n’avait point la véhémence d’âme nécessaire pour haïr les hommes.

1316. (1890) Derniers essais de littérature et d’esthétique

Rossetti commet la grave erreur de séparer l’homme de l’artiste. […] Rossetti parle de l’homme, il oublie le poète, et lorsqu’il juge le poète, il montre qu’il ne comprend point l’homme. […] L’intérêt du récit, tel quel, se concentre autour de deux hommes, le Colonel Goring et Morty Sullivan, l’homme de Cromwell et le Celte. […] C’est lui le pilote de la fuite vers le nord, lui leur homme et l’homme de la barre  : un homme de barre vêtu de la tempête, ceint de force pour contraindre la mer. […] « C’était un homme à idées nombreuses.

1317. (1925) La fin de l’art

L’antiquité, c’est les hommes d’un côté et les femmes de l’autre. […] Cet homme ne sourit jamais, il ricane. […] Cet homme était-il un homme d’ordre ? […] Une ère nouvelle vraiment s’ouvrait pour les hommes ! […] La valeur d’un homme dans un métier se juge par les résultats.

1318. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — Chapitre II. Dryden. »

comme il a vu vrai en montrant l’homme empressé de quitter son costume et sa parade ! comme l’homme est prompt à s’avilir quand, échappé à son rôle, il revient à lui-même ! […] Dryden n’est pas plus délicat que les hommes d’État et les législateurs. […] Il faut, comme Horace, être penseur et homme du monde pour écrire de la morale agréable, et Dryden, non plus que ses contemporains, n’est homme du monde ou penseur. […] C’est la condition naturelle de l’homme.

1319. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 novembre 1885. »

L’homme âgé prend Parsifal par le bras et l’emmène. […] Tous ces hommes chantent à haute voix ; ils célèbrent le dernier repas et le martyre du Seigneur. […] La communauté indignée repoussa un homme qui avait cru parvenir à la sainteté par la mutilation. […] Elle est sûre maintenant que l’amour de cet homme étanchera sa soif, la sauvera pour toujours. […] L’homme et la nature sont un ; ce qui sommeille dans les choses, leur intime essence, devient Réalité dans la Volonté consciente de l’homme.

1320. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Pensées de Pascal. Édition nouvelle avec notes et commentaires, par M. E. Havet. » pp. 523-539

Il prend l’homme au milieu de la nature, au sein de l’infini ; le considérant tour à tour par rapport à l’immensité du ciel et par rapport à l’atome, il le montre alternativement grand et petit, suspendu entre deux infinis, entre deux abîmes. […] Bossuet prend la plume, et il expose avec une haute tranquillité les points de doctrine, la double nature de l’homme ; la noble origine, l’excellence et l’immortalité du principe spirituel qui est en lui, et son lien direct avec Dieu. […] Il ne fait en quelque sorte que promulguer et reconnaître les choses de l’esprit en homme sûr qui n’a pas combattu depuis longtemps les combats intérieurs ; c’est l’homme de toutes les autorités et de toutes les stabilités qui parle, et qui se plaît à considérer partout l’ordre ou à le rétablir aussitôt par sa parole. […] C’est déjà un honneur pour l’homme que d’avoir de tels désespoirs placés en de si hauts objets. […] De tels réservoirs de hautes pensées sont nécessaires pour que l’habitude ne s’en perde point absolument, et que la pratique n’use pas tout l’homme.

1321. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Saint Anselme, par M. de Rémusat. » pp. 362-377

Il y a, en M. de Rémusat, plusieurs hommes qui se continuent l’un à côté de l’autre, et qui se sont fait quelquefois concurrence entre eux. Il y a l’homme d’esprit sur tous les points, le causeur de salon, celui qui, nonchalamment assis, dans un cercle pas trop nombreux, agite, soulève, anime toutes les questions et aime à les laisser indécises en se levant. […] Je suis en train d’énumérer les hommes différents qui se rencontrent chez M. de Rémusat et que lui-même a pris longtemps plaisir à assembler sans les mélanger : ce qui faisait dire de lui à M.  […] Anselme était né de parents nobles et riches, d’un père homme du siècle et livré à ses passions, d’une mère bonne et pieuse, de laquelle il tint beaucoup. […] Et de son temps même, il trouva un petit moine très sensé et très poli, appelé Gauniton, qui lui dit avec toute sorte de respects ce que tout homme de bon sens et de sens commun lui dirait aujourd’hui.

1322. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — Essai, sur, les études en Russie » pp. 419-428

Les hommes sont en général des animaux d’habitude, qui ne changent d’allure que lorsqu’ils sont vexés dans celle qu’ils avaient coutume de tenir. […] Du reste, chaque ordre de choses a ses inconvénients ; et c’est l’étude de l’homme d’État de retrancher les inconvénients en conservant les avantages. […] Plus d’un grand homme a été redevable de sa première éducation à ces sortes de fondations. […] Le français, l’italien, l’anglais, l’allemand sont aujourd’hui quatre langues presque essentielles à l’homme qui a joui d’une éducation libérale. […] A cette époque, le monde était si ancien, que les fils des hommes avaient poussé leurs connaissances au plus haut degré.

1323. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « M. Jouffroy »

Jouffroy, dans ses lucides et placides représentations d’intelligence, en est venu souvent à ne pas tenir compte de l’action, de l’impulsion communiquée aux hommes par les hommes, à ne croire que médiocrement à l’efficacité d’un génie individuel vivement employé. […] Il y aurait dès l’abord des pâturages inclinés et de ces tableaux de mœurs antiques que savent les hommes des hautes terres. […] Si je dis que M. l’abbé Delille est un homme de lettres distingué, est-il quelque Français qui s’avise de me demander par quoi ? « Pourquoi ne dirait-on pas un homme distingué, absolument, comme on dit un homme supérieur ? […] Nous l’avions connu et aimé homme distingué, nous l’abandonnons révélateur et prophète.

1324. (1860) Cours familier de littérature. IX « LIVe entretien. Littérature politique. Machiavel (3e partie) » pp. 415-477

Êtes-vous prêts à vous reconnaître esclaves, vous, prétendus hommes libres, qui n’avez jamais, depuis quelque temps, sur vos lèvres que le nom glorifié de vos tyrans ? […] Ressuscitez donc tous ces millions d’hommes déserteurs successifs de la monarchie temporelle des papes, et rendez-les, si vous pouvez, au système politique de Jules II ! […] Ces deux caractères de pontife et de prince dans un même homme ne se confondent pas, quoi qu’on en dise avec plus de politique que de foi. […] Cette liberté absolue des consciences est la dignité vraie de la religion ; elle est plus que la liberté humaine, car c’est Dieu qu’elle émancipe des lois de l’homme. […] Secondement, le but de ces diètes européennes fut toujours d’assurer l’équilibre approximatif de l’Europe, car ce mot d’équilibre, dont les hommes à courte vue se sont tant joué, est une vérité politique des plus incontestables.

1325. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — Chapitre X »

Cette fois, M. de Nanjac ne se contient plus, en revoyant l’homme qui a voulu lui démolir son idole. […] Cet honnête homme est un vilain homme. […] Cet ami des hommes, nous le retrouvons dans l’Ami des femmes. […] Il est riche ou plutôt cossu ; car l’opulence prend, chez certains hommes, la rondeur grotesque de l’obésité. […] En vérité, ce sont là des vertus bien lymphatiques pour un homme de trente ans qui doit avoir du sang dans les veines.

1326. (1707) Discours sur la poésie pp. 13-60

Les premiers théologiens comme les premiers philosophes, ont eu raison de s’en servir pour intéresser les hommes par l’agrément, à ce qu’ils vouloient leur apprendre. […] On est choqué de voir un homme accablé de douleur, si recherché dans ses termes, et si attentif à sa description. […] Ils pensent que pour copier ce qu’ont dit de grands hommes, ils sont eux-mêmes de grands hommes. […] L’expérience ne prouve que trop qu’avec cette ressemblance générale que les hommes conserveront toujours entr’eux, ils ne laisseront pas d’avoir des différences considérables. […] Il aimoit passionnément le plaisir ; et comme il n’imaginoit rien pour l’homme au-delà de la vie présente, il en mettoit le bon usage à en consacrer tous les instans à la volupté.

1327. (1929) La société des grands esprits

Mais je crois avec Ruskin que les plus grands hommes ont écrit. […] Bien entendu, les hommes ont aussi exercé leurs ravages. […] Clemenceau peut-il le considérer comme l’homme le plus complètement homme qui fut jamais ? […] Grand homme, grand écrivain, c’est entendu. […] Il était homme de lettres dans l’âme.

1328. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre quatrième »

L’homme ne palpite pas sous l’écrivain. […] C’est l’homme lui-même, à nous croire en sa présence. […] Tout dans ses vers vient de l’homme, et cet homme est un de ceux qui font le plus d’honneur à la nature humaine. […] Aimer ses amis, c’est le trait qui achève le caractère de l’homme de bien. […] C’est toujours l’homme, mais l’homme se tenant discrètement derrière le poète.

1329. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1881 » pp. 132-169

La singulière conception, chez un homme de talent, de très grand talent ! […] Parmi ces noms, il y avait un homme de la société, que sa femme pendant ses absences, astreignait à porter cette ceinture, dont elle emportait la clef. Je connais cet homme et je l’ai même plaisanté à ce sujet. […] Dans le développement oratoire d’une piste, interrompu par l’homme volé, il lui jetait : « Ne troublez pas mes hypothèses, monsieur !  […] * * * — Conversation entre deux hommes politiques.

1330. (1761) Salon de 1761 « Peinture —  Doyen  » pp. 153-155

Ah, mon ami, il y a là soixante vers à décourager l’homme le mieux appelé à la poésie. […] Cet homme traversé du javelot rompu dont le sang va mouiller la crinière blanche du cheval abattu et teindre les eaux, donne de la terreur. […] Dans son tableau les dieux sont d’une taille commune et les hommes sont gigantesques. […] Dans l’Iliade les hommes sont plus grands que nature ; mais les dieux sont d’une stature immense. […] C’eût été la querelle des dieux et non celle des hommes.

1331. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « [Note de l’auteur] » pp. 422-425

Le voici : « C’est un traité des mouvements du cœur de l’homme qu’on peut dire avoir été comme inconnus, avant cette heure, au cœur même qui les produit. […]  Les autres, au contraire, trouvent ce traité fort utile, parce qu’il découvre aux hommes les fausses idées qu’ils ont d’eux-mêmes, et leur fait voir que, sans la religion, ils sont incapables de faire aucun bien ; qu’il est toujours bon de se connaître tel qu’on est, quand même il n’y aurait que cet avantage de n’être point trompé dans la connaissance qu’on peut avoir de soi-même. Quoi qu’il en soit, il y a tant d’esprit dans cet ouvrage et une si grande pénétration pour connaître le véritable état de l’homme, à ne regarder que sa nature, que toutes les personnes de bon sens y trouveront une infinité de choses qu’ils (sic) auraient peut-être ignorées toute leur vie, si cet auteur ne les avait tirées du chaos du cœur de l’homme pour les mettre dans un jour où quasi tout le monde peut les voir et les comprendre sans peine. » En envoyant ce projet d’article à M. de La Rochefoucauld, Mme de Sablé y joignait le petit billet suivant, daté du 18 février 1665 : Je vous envoie ce que j’ai pu tirer de ma tête pour mettre dans le Journal des savants. […] Et d’autre part, M. de La Rochefoucauld, qui craint sur toutes choses de faire l’auteur, qui laisse dire de lui dans le discours en tête de son livre, « qu’il n’aurait pas moins de chagrin de savoir que ses Maximes sont devenues publiques, qu’il en eut lorsque les Mémoires qu’on lui attribue furent imprimés » ; M. de La Rochefoucauld, qui a tant médit de l’homme, va revoir lui-même son éloge pour un journal ; il va ôter juste ce qui lui en déplaît. […] Plus rien de ce second paragraphe : « Les uns croient que c’est outrager les hommes, etc. » Après la fin du premier, où il est question des jugements bien différents qu’on a faits du livre, on saute tout de suite au troisième, en ces termes : « L’on peut dire néanmoins que ce traité est fort utile, parce qu’il découvre, etc., etc. » Les autres petits changements ne sont que de style.

1332. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LXIV » pp. 247-253

Harel est un homme d’esprit, c’est la qualification invariablement attachée à son nom. […] , Qui prends, qu’on rie ou bien qu’on pleure, Lançant tes traits sans savoir où, Les dieux à jamais, l’homme une heure ! […] On y voit avec douleur combien M. de Chateaubriand, malgré son grand nom et ses talents, est dupe des hommes d’esprit et des meneurs de son parti. […] J'ai tort, peut-être, de dire assez, car c’est beaucoup avec un homme comme lui, et après tout ce qu’il m’a dit du prince ; il m’en a fait un bel éloge… C'est l’homme du temps, a-t-il dit, c’est le véritable Roi de l’époque… Il a tout ce qu’il faut pour réussir… Les obstacles sont grands ; mais s’il y a une circonstance favorable, elle est certainement pour Henri V… Maintenant, lui ai-je dit, il faudrait faire fructifier ce voyage par une publication, comme autrefois le Conservateur. […] Par ce moyen nous fixerions l’inconstance de notre homme, et nous aurions en main un aiguillon qui le tiendrait toujours en haleine. » Grand homme ou du moins grand poëte, génie régnant, vous avez le manteau de pourpre et vous vous y drapez, et nul trône en effet, de nos jours, n’est plus légitime que le vôtre.

1333. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « La Solidarité »

Un des résultats de cette émancipation, c’est que, plus que nos aïeux, nous sommes obligés d’inventer, si je puis dire, nos devoirs envers les hommes. […] C’est si commode, de vivre dans son coin, pour soi et, tout au plus, pour les siens et pour deux ou trois amis, de se moquer du reste, de croire qu’on a fait tout son devoir de citoyen quand on a payé l’impôt, et tout son devoir d’homme quand on a lâché quelques aumônes prudentes, de pratiquer le dédaigneux odi profanum vulgus, d’être un spectateur détaché de la comédie ou de la tragédie humaine ! […] Songeons sans cesse que, depuis que nous n’avons plus de devoirs de caste ou de corporation, notre devoir d’homme s’est accru d’autant. […] Cherchons les occasions où beaucoup d’hommes assemblés sont animés à la fois d’une seule idée, et d’une idée salutaire pour tous. […] de première classe), vous aurez maintes occasions d’être secourables aux pauvres gens, de faire payer pour eux les riches, de réparer ainsi, dans une petite mesure, l’inégalité des conditions et d’appliquer pour votre compte l’impôt progressif sur le revenu  Notaires (car il y en a ici qui seront notaires), vous pourrez être, un peu, les directeurs de conscience de vos clients et insinuer quelque souci du juste dans les contrats dont vous aurez le dépôt  Avocats ou avoués, vous pourrez souvent par des interprétations d’une généreuse habileté, substituer les commandements de l’équité naturelle, ou même de la pitié, aux prescriptions littérales de la loi, qui est impersonnelle, et qui ne prévoit pas les exceptions  Professeurs, vous formerez les cœurs autant que les esprits ; vous… enfin vous ferez comme vous avez vu faire dans cette maison  Artistes ou écrivains, vous vous rappellerez le mot de La Bruyère, que « l’homme de lettres est trivial (vous savez dans quel sens il l’entend) comme la borne au coin des places » ; vous ne fermerez pas sur vous la porte de votre « tour d’ivoire », et vous songerez aussi que tout ce que vous exprimez, soit par des moyens plastiques, soit par le discours, a son retentissement, bon ou mauvais, chez d’autres hommes et que vous en êtes responsables  Hommes de négoce ou de finance, vous serez exactement probes ; vous ne penserez pas qu’il y ait deux morales, ni qu’il vous soit permis de subordonner votre probité à des hasards, de jouer avec ce que vous n’avez pas, d’être honnête à pile ou face  Industriels, vous pardonnerez beaucoup à l’aveuglement, aux illusions brutales des souffrants ; vous ne fuirez pas leur contact, vous les contraindrez de croire à votre bonne volonté, tant vos actes la feront éclater à leurs yeux ; vous vous résignerez à mettre trente ou quarante ans à faire fortune et à ne pas la faire si grosse : car c’est là qu’il en faudra venir  Hommes politiques, j’allais dire que vous ferez à peu près le contraire de presque tous vos prédécesseurs, mais ce serait une épigramme trop aisée.

1334. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre V. Harmonies de la religion chrétienne avec les scènes de la nature et les passions du cœur humain. — Chapitre VI. Harmonies morales. — Dévotions populaires. »

Pour l’homme de foi, la nature est une constante merveille. […] Si l’on rencontrait au coin d’une forêt le corps d’un homme assassiné, on plantait une croix dans ce lieu, en signe de miséricorde. […] Que de fois on s’est prosterné devant ces reliques, pour demander des secours qu’on n’avait point obtenus des hommes ! […] Et quel homme sensé peut en douter ? […] Il faut du merveilleux, un avenir, des espérances à l’homme, parce qu’il se sent fait pour l’immortalité.

1335. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre II. Les formes d’art — Chapitre I. La poésie »

Un homme d’esprit, Houdar de la Motte470, ami de Fontenelle et l’un des oracles du salon philosophe de Mme de Lambert, s’est avisé en 1714 de traduire l’Iliade en vers. […] La Motte ne peut assez s’étonner « du ridicule des hommes qui ont inventé un art exprès pour se mettre hors d’état d’exprimer exactement ce qu’ils voudraient dire ». […] Mais l’homme qui gagna la cause des vers, et fit perdre la partie à La Motte, ce fut Voltaire. […] La plupart sont écrits par des Hommes du monde qui n’ont vu la nature que dans leurs parcs ou à l’opéra. […] Un provincial gauche, à qui les salons ne firent pas fête, Gilbert, a trouvé dans les blessures profondes de son amour-propre une source d’amertume éloquente : il a vu le faible de son siècle, les petitesses de ses grands hommes, et sa raillerie s’est abattue, précise, lourde, assommante.

1336. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Satire contre le luxe, à la manière de Perse » pp. 122-126

Je veux que l’homme travaille. […] Il était juste que des hommes, ruinés par l’exemple des pères, allassent réparer chez eux leurs fortunes, et se venger par le mépris de leurs filles. […] Confiez votre fortune à cet homme qui se fait traîner dans un char doré, demain ses terres seront en décret ; demain cet homme si brillant, poursuivi par ses créanciers, ira mettre pied à terre au for-l’évêque. — Mais ne vous réjouissez-vous pas de voir la débauche, la dissipation, le faste, écrouler ces masses énormes d’or ? […] De là les hommes sont étrangers les uns aux autres dans la même famille. […] La condition la plus heureuse d’un homme, d’un état, a son terme.

1337. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 40, si le pouvoir de la peinture sur les hommes est plus grand que le pouvoir de la poësie » pp. 393-405

Section 40, si le pouvoir de la peinture sur les hommes est plus grand que le pouvoir de la poësie Je crois que le pouvoir de la peinture est plus grand sur les hommes que celui de la poesie, et j’appuie mon sentiment sur deux raisons. […] Par exemple, les cris d’un homme blessé que nous ne voïons point, ne nous affectent pas, bien que nous aïons connoissance du sujet qui lui fait jetter les cris que nous entendons, comme nous affecteroit la vûë de son sang et de sa blessure. […] On peut s’en rapporter aux lumieres et à l’expérience des hommes dont la subsistance dépend des aumônes de leurs concitoïens, sur les voïes les plus propres, sur les moïens les plus efficaces d’attendrir le coeur humain. […] L’industrie des hommes a trouvé quelques moïens de rendre les tableaux plus capables de faire beaucoup d’impression sur nous. […] L’industrie des hommes a beaucoup mieux servi les vers que les tableaux.

1338. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Hebel »

À sa mort, en 1826, quand on porta en terre cet homme heureux, on ouvrit dans le cimetière encore une fois son cercueil pour mettre une dernière couronne de lauriers sur ses cheveux gris. […] C’est un Allemand, un rhapsode allemand bien plus qu’un homme et un observateur impersonnel. Walter Scott, au contraire, est bien plus un homme, un grand observateur de nature humaine, qu’un Écossais, quoiqu’il soit Écossais aussi et profondément. […] Burns, dont l’Écosse devrait être folle, s’il n’était pas vrai, l’amer proverbe qui dit que nul homme n’est prophète dans son pays est le génie le plus purement et le plus exclusivement écossais qui ait jamais existé, comme Hebel est le génie le plus allemand, et encore d’une certaine partie de l’Allemagne ! […] Quant à Hebel, ce frère cadet de La Fontaine, il aura produit un de ces petits livres qui suffisent peut-être à la gloire d’un homme et d’un pays, mais derrière lequel la Critique voit l’idéal encore, l’idéal qu’elle ne voit plus derrière le livre de Burns, tant il est complet et tant il est exquis !

1339. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Louandre »

C’est ainsi qu’en baissant dans leur moralité les peuples baissent dans leur intelligence… Nous le disions récemment, à propos de cette immense mystification que des nigauds appellent, avec un sérieux bouffon : « la science de l’économie politique », tout pour l’homme est dans les questions morales, même le secret de son talent et de son génie quand il en a. […] Assurément, s’il est un homme fait pour mieux que le petit livre, c’est Louandre, le robuste traducteur de Tacite, un des érudits les plus râblés de ce temps, et dans tous les temps l’homme le plus capable d’œuvres fortes, noblement laborieuses et difficiles ; et cependant, obéissant, malgré lui sans doute, aux exigences de ce siècle superficiel et pressé, Louandre publie aussi un petit livre, comme s’il appartenait, lui, à la race des écrivains sans haleine qui ont inventé la phrase courte, le hachis des petits paragraphes et les écrits de quelques pages à l’usage d’une société qui ne lit plus ! […] Ce souhait d’un homme blasé, furieux de l’être, n’est point l’histoire de notre époque. […] Seulement, les hommes comme Louandre sont-ils tenus de respecter tant de faiblesse et n’ont-ils pas réellement mieux à faire qu’à doser au public dans des proportions homœopathiques les trésors de leur érudition ? […] Aussi, quand d’un autre côté le somnambulisme et le magnétisme, quelles que soient la sûreté et la certitude de leurs résultats, sont assez puissants, comme expériences et comme recherches, pour forcer à compter avec eux la science dédaigneuse des académies, quand la gloire d’Edgar Poe, de ce poète inouï, de ce visionnaire sans classement connu et appréciable parmi les hommes livrés à la contemplation intuitive des choses occultes, commence à poindre et à se lever, quelle heure serait plus favorable pour écrire l’histoire de la sorcellerie, du phénomène qui a le plus attiré et épouvanté l’imagination des hommes, et qui, s’il ne l’épouvante plus, l’attire toujours ?

1340. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Le Docteur Véron »

Et Véron, qui nous parle de ses indiscrétions à la page 333 de son livre, Véron, l’homme à la plume familière et facile, qui causait autrefois dans ses articles comme on cause en faisant sa barbe, l’homme du cure-dent à la bouche et de toutes les breloques de l’anecdote et du commérage, Véron ressemblait par là à M. de Retz. […] A-t-il écrit sous les monarchies représentatives de ces choses qui forcent un homme à rester éternellement, par conviction ou par orgueil, l’esclave d’une ancienne pensée ? […] Cet indissoluble bon ménage entre un homme et son amour-propre, comme disait autrefois madame de Staël, est trop agréable à contempler pour qu’on le haïsse. […] C’était enfin une généreuse et lumineuse initiative, un de ces éclairs qui ne passent guères dans l’esprit des hommes quand ils n’ont ni croyances, ni idées, ni mœurs. […] On ne fait pas sortir les hommes de terre en quatre ans de règne, même lorsqu’on frappe la terre avec un véritable sceptre !

1341. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Lettres de m. l’Abbé Sabatier de Castres ; relatives aux trois siecles de la littérature françoise.ABCD » pp. -641

Malgré cela, on ne peut disconvenir que M. de Voltaire ne soit un Homme unique. […] Quel Homme ! […] Il étoit temps, car l’Homme universel se seroit bientôt trouvé réduit à peu de chose. […] Son but étoit de la porter à solliciter des ordres contre ma liberté, sous prétexte que les hommes que je décriois étoient des hommes de génie & la gloire du Génie François. […] Moi décrier des hommes de génie ou des Ecrivains vraiment supérieurs !

1342. (1900) Le rire. Essai sur la signification du comique « Chapitre I. Du comique en général »

Plusieurs ont défini l’homme « un animal qui sait rire ». Ils auraient aussi bien pu le définir un animal qui fait rire, car si quelque autre animal y parvient, ou quelque objet inanimé, c’est par une ressemblance avec l’homme, par la marque que l’homme y imprime ou par l’usage que l’homme en fait. […] Un homme qui se déguise est comique. Un homme qu’on croirait déguisé est comique encore. […] Nous allons traiter du vaudevilliste et de l’homme d’esprit.

1343. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — R — Richepin, Jean (1849-1926) »

Peut-être les deux hommes n’en font-ils qu’un au fond, mais je n’ai pas le loisir de le chercher aujourd’hui et je m’en tiens aux superficies. […] La mer, la mer impénétrable, depuis qu’elle arrache tant de cris de délire et d’enthousiasme à l’homme, la mer garde toujours pour ses fervents comme une réserve de nouveaux et mystérieux attraits. […] Scribe, le moins Touranien des hommes. […] L’homme qui chante ainsi est un poète. […] [Les Œuvres et les Hommes : les Poètes (1889).]

1344. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XIII » pp. 109-125

C’était un homme de qualité, un homme d’esprit, de belle figure, un homme de cour, mais non un de ces courtisans de profession, qui bornant leur ambition à obtenir une parole ou un regard du prince, se pâmaient de joie en s’entendant nommer pour un voyage de Mari y ou Ce Fontainebleau. […] Il ne restait en hommes, à madame de Rambouillet, que ses plus anciens amis, Chapelain, Cottin, Ménage, Vaugelas, Montausier quelquefois ; le comte de Grignan demeurait avec sa belle-mère, mais homme du monde fort dissipé, il n’était nulle part plus rarement que chez elle. […] Voltaire aussi le déclare mauvais poète, mais homme fort savant, et, ce qui est étonnant, bon critique. Voltaire s’exprime ainsi sur Cottin : Non moins plat poète (que Chapelain), et, de plus, plat prédicateur, mais homme de lettres et aimable dans la société. […] Du moment qu’elle fut établie, elle se plut à rassembler chez elle des hommes distingués dans les lettres, du nombre desquels était La Fontaine, que son goût portait vers toutes les femmes agréables, et qui leur savait plaire.

1345. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Ch.-L. Livet »

Malgré les sévérités embarrassées et entortillées de son livre, il n’est pas, au fond, un méchant homme pour les dames, ce Livet. […] Livet s’est sauvé par cette bonne distinction, qui sauve toujours son homme, a dit Pascal, qui connaissait cette porte de derrière et cet escalier dérobé. […] Son esprit était la diablerie du bon sens contre l’homme ou la femme qui fait l’ange et la bête. […] Elle avait l’alacrité et l’audace, le bec et les ongles, et la cape, et la canne à corbin, et les hauts talons pour marcher sur tout et s’élever jusqu’à hauteur d’homme. Elle se croyait ni plus ni moins qu’un homme… parce qu’elle s’était durcie dans la science, dans l’implacable pureté du cœur.

1346. (1880) Goethe et Diderot « Introduction »

Celui qu’elle croit le plus grand de ses récents grands hommes (pour des raisons qu’on n’a point ici à examiner, cela la regarde !) […] Toujours est-il que rien de pareil ne s’était vu dans l’histoire littéraire, et même dans aucune histoire. « Un homme s’est rencontré », a dit un jour Bossuet en parlant de Cromwell, — voulant, par cette forme frappante, exprimer l’étonnement que lui causait l’élévation d’un homme bien moins étonnant, dans son ordre de faits, que Gœthe dans le sien. […] Seulement, l’homme qui étonnait Bossuet avait été soumis aux rudes épreuves que subissent tous, plus ou moins, ceux-là qui réussissent dans ce monde et y parviennent à la célébrité ou à la gloire. […] Gœthe, dont on peut dire aussi qu’un « homme s’est rencontré  » dans la littérature, n’a pas, lui, acheté la gloire à ce prix. […] qui travaillait son souffle comme un flûtiste travaille le sien pour le faire passer dans le petit trou de sa flûte, est devenu plus qu’un homme et plus que Shakespeare.

1347. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. Oscar de Vallée » pp. 275-289

Transformation étonnante dans un homme aussi poète, il fit surtout du journalisme avec la puissance de la raison éclairée, honnête, impersonnelle et éternelle ! […] Tout en admirant André Chénier, il a signalé, avec la justesse d’un homme qui voit le faible de ce qu’il aime et qui en convient pour s’en affliger, la raison qui doit séparer André Chénier, dans l’estime des hommes, des grands journalistes que je viens plus haut de citer, et qui, comme lui, ne furent pas au xixe  siècle que des journalistes éclatants. […] Au xixe  siècle, Chateaubriand, Lamennais, Bonald et Louis Veuillot, qu’il faut nommer après eux, eurent du christianisme dans leur génie, et le Christianisme tient tant de place dans les choses humaines qu’il est impossible à des hommes qui se mêlent aux choses de ce monde de s’en passer sans se diminuer, quand ils sont les combattants de tous les jours dans la bataille des idées, en attendant celle des hommes ! […] … Lord Byron, pour ne pas pleurer sa jeunesse perdue, veut délivrer la Grèce ; mais qu’est-ce que la Grèce, et l’eût-il délivrée, en comparaison du génie poétique qui a conquis l’admiration des hommes à lord Byron ? […] Il reparut pour mourir et pour chanter, du fond de sa prison, ce dernier chant du cygne assassiné, qui a été le plus magnifique cri d’aigle qui ait jamais été poussé, de cette force-là, parmi les hommes !

1348. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Madame de Créqui »

Si les hommes de son temps, qui ne se gênaient guères, ont respecté ses falbalas, elle s’est du moins frottée à toutes les idées et elle en a eu la poudre d’or — ou la poudre de sable — sur ses grandes ailes de papillon étincelantes et légères et que la vieillesse n’a pas fanées, mais conservées dans son ambre pur. […] C’était un homme (était-ce bien un homme ?) […] Nous avons pour répondants d’autres hommes que cet ambigu comique de Courchamp, qui eut tout douteux, excepté l’esprit et la verve ! […] De là elle contempla son temps plus que pâle et elle en jugea les hommes plus que petits. […] Quant à ses jugements sur les choses et les hommes, « le plus souvent justes en dernier résultat, — dit Sainte-Beuve, — mais si secs, ce sont moins des jugements que des exécutions », comme si tout jugement n’était pas (et cela toujours) une exécution nécessaire !

1349. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XIII. Pascal »

Nulle lumière, en effet, ne s’était coulée autour de lui pour l’embrasser dans la beauté entière de sa forme étrange, et ne le simplifiait, en nous l’éclairant dans son irréductible unité et malgré ces incohérences de surface, cet homme, cet être plutôt que cet homme, qui fut encore autre chose qu’un grand géomètre, un grand sceptique, un grand dévot ! […] Mais, encore une fois, Pascal, l’immortel phénomène, n’est pas là, Avant de dire ce qu’est un homme, il faut bien dire ce qu’il n’est pas. […] peut-être n’y a-t-il pas d’autre manière de mettre les pieds sur ces deux révoltés tenaces, le cœur de l’homme et son esprit ! […] Cousin, l’homme du cogito serait un peu terni. […] S’il l’était, c’était de cette folie dont il faut avoir trois quarts avec un seul quart de raison, pour être un homme de génie, disait M. 

1350. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XXV. Avenir de la poésie lyrique. »

L’âge de l’enthousiasme et de l’imagination est-il passé pour les peuples, ou même épuisé pour l’homme ? […] Tout ce qui ajoute extérieurement aux forces de l’homme, tout ce qui d’abord double pour lui le temps ou abrège l’espace, doit à la longue profiter au retour de l’âme sur elle-même ; car l’homme, à tout prendre, n’est grand que de ce qu’il a conçu par la pensée et senti par le cœur. […] Là même, cependant, quelle vaste carrière et quelles inspirations offertes à l’activité morale de l’homme ! […] La terre où le sentiment chrétien a tant de ferveur, où la règle religieuse a tant de puissance, est aussi le pays où, comme dans l’Asie et dans l’Europe chrétienne des premiers siècles, l’esclavage domestique, la vente, l’asservissement physique de l’homme sont encore maintenus. […] De ces temples nombreux que l’Amérique du Nord bâtit, sur toutes les limites du désert, au Dieu de la miséricorde et de la souffrance, s’élèvera sans fin cet hosanna que prédisait Milton, comme la dette éternelle de l’homme envers les cieux.

1351. (1891) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Quatrième série

Ils veulent enseigner en riant ; et ils feront bientôt jusqu’à de l’épigraphie punique en « hommes du monde ». […] Mais qu’est-ce aujourd’hui que ce fougueux docteur d’Arnauld, et que ce bon homme de Nicole ? […] L’homme tel que Voltaire lui-même, Diderot, Montesquieu, Buffon, Rousseau, d’Alembert, Condorcet, Condillac, le conçoivent, c’est l’homme selon Descartes, l’homme rationnel, si je puis ainsi dire, l’homme abstrait, ou plutôt encore l’homme soustrait aux conditions de temps et de lieu, c’est-à-dire indépendant de l’histoire et de la réalité. […] Quoi de plus naturel à l’homme que de vouloir s’élever au-dessus de ses semblables, si ce n’est de vouloir jouir des plaisirs de la vie ? […] On ne me disputera pas le droit d’inscrire Molière au rang et au nombre des hommes de génie.

1352. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Mémoires et journal de l’abbé Le Dieu sur la vie et les ouvrages de Bossuet, publiés pour la première fois par M. l’abbé Guettée. — I » pp. 248-262

L’abbé Le Dieu, dans cet ouvrage, se soigne, et il écrit comme en vue du public ; son style a de la facilité, du développement, des parties heureuses : on sent l’homme qui a vécu avec Bossuet et qui en parle dignement, avec admiration, avec émotion. […] Dans toutes ces portions de son ouvrage, Le Dieu justifie bien les expressions par lesquelles il se définit lui-même à côté de Bossuet « un homme tout à lui, passionné pour sa gloire, et très curieux de recueillir les moindres circonstances qui peuvent orner une si belle vie ». […] C’est en vertu du même principe de modestie, et de juste et rigoureuse distinction entre l’homme et le talent qu’au lit de mort et dans sa dernière maladie, comme le curé de Vareddes lui exprimait son étonnement qu’il voulût bien le consulter, lui à qui Dieu avait donné de si grandes et si vives lumières, il répondait : « Détrompez-vous, il ne les donne à l’homme que pour les autres le laissant souvent dans les ténèbres pour sa propre conduite. » Nous savons de nos jours, et par toutes sortes d’expériences, ce que c’est que l’homme de lettres livré à lui-même, dans toute la liberté et la verve de son caprice et de son développement ; nous savons ce qu’il est, même dans le cas où il se combine avec l’écrivain religieux et où il le complique par des susceptibilités sans nom. […] Bossuet, en un mot, reste de tout temps l’homme de la parole de Dieu ; il l’aime, il n’aime qu’elle essentiellement. […] Il est naturellement l’homme le plus considérable d’alors dans l’ordre catholique et gallican, et partout où prévalait la parole ; et cette parole nous a été transmise presque dans toute sa beauté : que faut-il de plus ?

1353. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Le père Lacordaire. Quatre moments religieux au XIXe siècle. »

En M. de Chateaubriand l’homme avait survécu. […] Ce sont de vraies lettres ; elles en portent le cachet : elles sont vives et courtes pour la plupart ; on y sent l’homme pressé qui n’a qu’une demi-heure à lui et qui en profite. […] Un homme à cheval est trop haut pour qu’on se mette à genoux devant lui. […] Je voudrais que vous fussiez habitué de bonne heure à mépriser les renommées les plus hautes quand elles ont été le fruit d’une action perverse, et à n’estimer jamais que le bien et le vrai dans l’homme qui écrit comme dans l’homme qui agit. […] Jésus-Christ a changé le monde par l’Évangile ; quiconque n’écrit pas dans le sens de l’Évangile est l’ennemi de Dieu et des hommes, bien plus que la créature faible qui succombe à ses passions.

1354. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série «  Les femmes de France : poètes et prosateurs  »

ces femmes, qui ont une pensée virile, ont aussi un genre de sérieux plus fatigant que les hommes les plus hauts sur cravate. […] Si j’ignorais leurs noms, et je croyais leurs livres composés par des hommes, je les admirerais davantage. […] Tous les hommes qui ont traversé votre vie, Musset, Lamennais, Chopin, Pierre Leroux, Jean Reynaud, ont laissé dans votre œuvre des traces vivantes de leur passage, car vous étiez toute sympathie. […] Dirons-nous que, si les femmes n’égalent point les hommes dans l’expression harmonieuse, pittoresque et plastique, c’est parce qu’elles sont plus sentimentales et plus passionnées ? […] Mais, comme dit l’autre, je connais, à ce compte, bon nombre d’hommes qui sont femmes.

1355. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre VIII. Jésus à Capharnahum. »

Fils de l’homme est dans les langues sémitiques, surtout dans les dialectes araméens, un simple synonyme d’homme. […] Pour lui, le titre qu’il préférait était celui de « Fils de l’homme », titre humble en apparence, mais qui se rattachait directement aux espérances messianiques. C’est par ce mot qu’il se désignait 374, si bien que dans sa bouche, « le Fils de l’homme » était synonyme du pronom « je », dont il évitait de se servir. […] Mais qui voudrait dire que Jésus eût été plus heureux, s’il eût vécu un plein âge d’homme, obscur en son village ? […] Un juif évhémériste, habitué à prendre les dieux étrangers pour des hommes divinisés ou pour des démons, devait considérer toutes ces représentations figurées comme des idoles.

1356. (1893) Impressions de théâtre. Septième série

Homais l’aurait appelé un homme de foi. […] je suis un homme, et voilà que je pleure ! […] Les deux hommes restent en présence. […] Pour le peuple, un homme (ou une femme) a le pouvoir d’ensorceler un autre homme. […] le pauvre homme !

1357. (1898) Ceux qu’on lit : 1896 pp. 3-361

L’estime d’un seul homme est une partie de la justice absolue. […] quel homme, monsieur, Saint-Firmin ! […] Cet homme et cette pipe sont, à l’image de leur pays, de facture solide et un peu lourde. […] Le parasitisme me paraît la plus noble situation d’un homme libre. […] c’est déjà un homme ! 

1358. (1896) Hokousaï. L’art japonais au XVIIIe siècle pp. 5-298

Au Japon une femme et un homme ont la réputation d’être morts vierges : la femme c’est Komati, l’homme c’est Bénkéi. […] Donc, si un homme vient, un homme semblable à l’homme du rêve, ce sera bien l’assassin du mari. […] Un homme ferrant un cheval. […] Ascension des hommes. […] Le premier a été fait par un homme du métier, avec des données techniques.

1359. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « L’abbé de Bernis. » pp. 1-22

J’y viendrai bientôt, mais aujourd’hui je ne veux avoir affaire qu’au premier et plus léger abbé de Bernis : on verra l’homme sérieux en lui se dégager insensiblement. […] Ne soyons pas injuste ni trop rigoureux pour Bernis ; il s’est jugé lui-même en homme de goût, en homme de sens, et comme s’il n’avait rien eu du poète. […] C’est le laboureur qui jette son blé dans des cailloux : malgré cela, les âmes supérieures songent à faire le bonheur des hommes sans en attendre d’autre récompense que celle d’être contentes d’elles-mêmes. […] Si le roi veut faire respecter sa couronne et sa nation à Venise, il faut qu’il y envoie toujours un homme de bon sens, ce qui suffît, mais un homme d’une âme élevée et de mœurs décentes ; car on n’impose à une nation très libertine, on peut même dire débauchée, que par des mœurs opposées. […] Il a bien des titres pour vous admirer, Sire, comme ministre, comme un des Quarante, comme homme d’esprit.

1360. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Gibbon. — II. (Fin.) » pp. 452-472

Le christianisme, en effet (c’est là son innovation morale), a inculqué aux hommes un sentiment plus vif et plus absolu de la vérité. […] Gibbon ; c’est véritablement un homme d’esprit ; tous les tons lui sont faciles ; il est aussi Français ici que MM. de Choiseul, de Beauvau, etc. […] J’ai grande envie de vous envoyer quelque projet de rédaction, tel que tout homme pensant puisse l’adopter. […] Cet homme qui, dans sa modération et son égalité habituelle, était loin d’être insensible, mourut en partie victime de son zèle pour l’amitié. […] adieu. » Le caractère social et même moral de l’homme gagne donc à être vu dans cet ensemble de relations, et se présente sous un jour nouveau.

1361. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « M. De Pontmartin. Causeries littéraires, causeries du samedi, les semaines littéraires, etc. »

À ceux qui en douteraient à voir la sévérité de sa doctrine, je dirai (ce qui n’est jamais une injure pour un galant homme) qu’il eut de la jeunesse. […] Messieurs les hommes à principes, comme vous êtes de votre couvent ! […] Or, cela est triste à dire, le critique est un juge, il n’est pas un homme de qualité ni un chevalier. […] Elles sont immédiates, sans rapport nécessaire avec ses grandes théories, et tiennent à la personne même de l’écrivain : il est ce qu’on appelle un homme d’esprit. […] Avant de permettre à Jules de choisir pour compagne de sa vie Aurélie, que doit faire un homme sage, prudent, éclairé, comme on nous peint M. 

1362. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « QUELQUES VÉRITÉS SUR LA SITUATION EN LITTÉRATURE. » pp. 415-441

Les services que ces hommes éclairés ont rendus en politique peuvent être reconnus, mais sont incontestablement moindres que ceux qu’ils auraient rendus à la société en restant maîtres du poste des idées, et en y ralliant par la presse ceux qui survenaient à l’aventure. […] Livrés à eux-mêmes, sans surveillance immédiate exercée par des pairs en intelligence, les hommes d’imagination, sentant de plus le cadre qui les contenait brisé à l’entour, ont exagéré leurs défauts, ont pris leurs licences et leurs aises. […] Un homme d’esprit, qui avait trempé autrefois dans le métier, disait en plaisantant que le mot révolutionnairement, par sa longueur, lui avait beaucoup rapporté. […] Il y a surtout à dire, à répéter, à la décharge des hommes de talent de nos jours, qu’il circule dans l’atmosphère quelque chose de dissolvant, et que là où se tient le gouvernail on n’a rien fait, ni sans doute pu faire, pour y obvier. […] Je me suis dit souvent qu’on ne connaissait bien un homme d’autrefois que lorsqu’on en possédait au moins deux portraits.

1363. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Madame de La Tour-Franqueville et Jean-Jacques Rousseau. » pp. 63-84

Alissan de La Tour, homme de finance également ; il était receveur général et payeur de l’Hôtel de Ville de Paris. […] Après d’assez longs éloges sur cette Julie inconnue et sur son droit d’entrer en relation avec le grand homme, on indiquait à Rousseau un moyen de répondre. […] » Tout cela, lu aujourd’hui à froid, par des hommes d’une génération qui n’a point eu les mêmes enthousiasmes, paraît un peu singulier et provoque le sourire. […] Puis tout à coup, passant sur l’objection, elle s’écrie : Il est homme ! […] Homme étrange, écrivain puissant et prestigieux, il faut faire sans cesse double part en le jugeant.

1364. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Monsieur Michaud, de l’Académie française. » pp. 20-40

Qu’alors un homme se présente, la force des choses ramènera les nations à refaire sous lui en grand un cours de politique élémentaire6. […] M. de Vitrolles, qu’il croyait un homme d’État et qui n’a pas eu son jour, était un de ceux avec qui il aimait le mieux s’animer et remuer les dés de la politique. […] Esménard est homme de mérite, mais Michaud est toujours un mauvais sujet. » — Esménard, cet homme de mérite, devint homme de police et a mérité qu’on dît de lui ce qu’on peut lire à la page 59 des Mémoires du comte de Senffl. […] [NdA] Un homme qui est des plus compétents pour avoir un avis sur M.  […] Parisot, homme instruit et même savant, ne soit pas le rédacteur de l’article dont il est le signataire ; mais il est trop évident qu’il s’est surtout inspiré de M. 

1365. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Grimm. — II. (Fin.) » pp. 308-328

Grimm remarque de cet homme rare qu’il était « né sans génie ». […] Rousseau prétend toujours ramener l’homme à je ne sais quel âge d’or primitif auquel il regrette que l’espèce ne se soit point arrêtée : Supposons avec M. Rousseau, dit Grimm, que l’espèce humaine soit maintenant dans l’âge de vieillesse qui répond à l’âge de soixante ou soixante-dix ans d’un individu, n’est-il pas évident qu’on ne peut pas faire un crime à un homme d’avoir soixante ans ? […] Dans tous les temps, les hommes ont préféré l’instant pendant lequel ils vivaient, à cette immense durée qui avait précédé leur existence. […] Je voudrais surtout avoir montré et fait comprendre ce qu’il avait de distingué, de ferme et de fin dans son appréciation des hommes et de leurs écrits, dans ses définitions des talents et des caractères37.

1366. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Doyen » pp. 178-191

Deux hommes vigoureux et vus par le dos l’arrêtent et le soutiennent. à droite, sur le parvis, plus sur le devant, c’est un grand cadavre qu’on ne voit que par le dos. […] L’homme qui le soutient est très-beau, seulement le sommet de sa tête, son chignon, son épaule, sont un peu de cuivre ; vous l’avez voulu chaud, et vous l’avez fait de brique. […] C’est encore une belle idée, bien poétique, que cet homme dont la tête, les longs bras nus et la chevelure pendent le long du massif. […] L’artiste s’y montre un homme et un homme qu’on n’attendait pas ; c’est sans contredit la meilleure de ses productions. […] Il y a des hommes d’une jalousie bien impudente et bien basse.

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