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1097. (1874) Premiers lundis. Tome I « Ferdinand Denis »

Mais bientôt Palmarès succomba sous les efforts des Portugais, malgré l’héroïsme de son défenseur.

1098. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre VI. De la littérature latine sous le règne d’Auguste » pp. 164-175

Ce système est immoral, mais il n’est pas servile ; il abandonne la liberté, comme tous les biens qui peuvent exiger un effort ; mais il ne fait pas du despotisme un principe, et de l’obéissance un fanatisme, comme le voulaient les adulateurs de Louis XIV.

1099. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Chapitre VIII. Du crime. »

Robespierre, et la plupart de ses complices, avaient habituellement des mouvements convulsifs dans les mains, dans la tête ; on voyait en eux l’agitation d’un constant effort.

1100. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Marcel Prévost et Paul Margueritte »

Ce qui me désole, ce qui fait que je n’ouvre presque jamais sans ennui ni défiance les romans qui m’arrivent par paquets, c’est que je suis toujours sûr d’y trouver des parties entières que je connais d’avance, des développements qui peuvent être « de la bonne ouvrage », mais qui sont à tout le monde, qui m’écœurent parce qu’il me semble que je les aurais moi-même écrits sans effort, et que je voudrais voir réduits à l’essentiel, à des notes brèves et comme mnémotechniques… Dans une littérature aussi vieille que la nôtre, il y a nécessairement des sortes de lieux communs du roman.

1101. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Mistral, Frédéric (1830-1914) »

Il retrouvait sans efforts la tradition des âges primitifs.

1102. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre XIV. Moralistes à succès : Dumas, Bourget, Prévost » pp. 170-180

Laissez là Spinoza, Hegel et Stuart Mill, jeunes hommes en effort vers la compréhension.

1103. (1890) L’avenir de la science « XI »

Ce fait d’une langue ancienne, choisie pour servir de base à l’éducation et concentrant autour d’elle les efforts littéraires d’une nation qui s’est depuis longtemps formé un nouvel idiome, n’est pas, comme on voudrait trop souvent le faire croire, l’effet d’un choix arbitraire, mais bien une des lois les plus générales de l’histoire des langues, loi qui ne tient en rien au caprice ou aux opinions littéraires de telle ou telle époque.

1104. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre II. Recherche des vérités générales » pp. 113-119

Cette loi du moindre effort, comme on la nomme souvent, s’applique au monde moral comme au monde physique.

1105. (1898) Le vers libre (préface de L’Archipel en fleurs) pp. 7-20

Fatalement tu es voué à l’emprisonnement dans ces caves, en communion de misère avec une foule d’êtres dont les uns sont comme toi beaux efforts et gardent aux yeux une étincelle de la lumière perdue, dont les autres, nés dans le souterrain, du désir de deux misérables, sont rachitiques, lugubres, et ne roulent au fond de leurs yeux que la morne obscurité d’un désespoir séculaire.

1106. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXIX » pp. 319-329

Je ne veux pourtant pas en sortir encore ; trop de charmes m’y attachent, et à ma faiblesse, je sens que je ferais des efforts inutiles, on vous a dit vrai, si l’on vous a peint mon directeur comme un homme rigide ; mais vous ne devriez pas vous le figurer ridicule, Il ne défend point les plaisirs innocents ; mais il ne permet pas de traiter d’innocents ceux qui sont criminels.

1107. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » pp. 239-252

Peut-on appeler un style formé sur celui de tous les Poëtes de Collége, une élocution noble, vive, ferme, toujours assez souple pour se plier sans effort à tous les tons, à tous les genres ?

1108. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Racine, et Pradon. » pp. 334-348

A l’impression de la Phédre de Racine, ses ennemis firent de nouveaux efforts : ils se hâtèrent de donner une édition fautive.

1109. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre sixième. »

Furent vains… La coupe de ce vers et ce monosyllabe au troisième pied, expriment à merveille l’inutilité de l’effort que fait le lièvre.

1110. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre cinquième. La Bible et Homère. — Chapitre II. Qu’il y a trois styles principaux dans l’Écriture. »

Cette simplicité de langage, en raison inverse de la magnificence des faits, nous semble le dernier effort du génie.

1111. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 15, observations concernant la maniere dont les pieces dramatiques étoient représentées sur le théatre des anciens. De la passion que les grecs et les romains avoient pour le théatre, et de l’étude que les acteurs faisoient de leur art et des récompenses qui leur étoient données » pp. 248-264

Les grands acteurs n’auroient pas voulu prononcer un mot le matin avant que d’avoir, pour s’exprimer ainsi, developé méthodiquement leur voix en la faisant sortir peu à peu, et en lui donnant l’effort comme par dégrez, afin de ne pas offenser ses organes en les déploïant précipitamment et avec violence.

1112. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XVI. Mme de Saman »

N’est-ce pas là quelque chose d’ignoble et d’affreux dont la mémoire du grand poëte religieux en prose restera éternellement souillée, et que tous les efforts futurs de la Critique et de l’Histoire, qui l’essuieront, ne pourront effacer !

1113. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Alexandre Dumas fils » pp. 281-291

Alexandre Dumas fils, si on se le rappelle, n’est enfin sorti, après combien d’efforts et d’années ?

1114. (1896) Matière et mémoire. Essai sur la relation du corps à l’esprit « Avant-propos de la septième édition »

Comment en serait-il autrement, si la psychologie a pour objet l’étude de l’esprit humain en tant que fonctionnant utilement pour la pratique, et si la métaphysique n’est que ce même esprit humain faisant effort pour s’affranchir des conditions de l’action utile et pour se ressaisir comme pure énergie créatrice ?

1115. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XIV. Panégyrique de Trajan, par Pline le jeune. »

Ajoutez la monotonie même que produit l’effort continuel de plaire, et le contraste marqué entre une petite manière et de grands objets.

1116. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XVII. De l’éloquence au temps de Dioclétien. Des orateurs des Gaules. Panégyriques en l’honneur de Maximien et de Constance Chlore. »

Il semble que ces hommes eussent voulu s’agrandir eux-mêmes, en proportion de l’univers auquel ils commandaient49 ; mais malgré leurs efforts, condamnés à n’être que des hommes, ils agrandissaient leurs images, et tout ce qui semblait faire partie d’eux-mêmes.

1117. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XVIII. Siècle de Constantin. Panégyrique de ce prince. »

Toutes les fois qu’un homme à grand caractère est à la tête d’une nation, les esprits s’agitent, les âmes s’élèvent, les lettres et les arts ou fleurissent, ou renaissent, ou font effort pour renaître, ou suspendent leur chute.

1118. (1824) Épître aux muses sur les romantiques

Si vous dictez un vers qui ne sente l’effort, Et qu’avant d’applaudir, on comprenne d’abord, Je le mets au rebut comme un vieil invalide.

1119. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — Chapitre V. Swift. » pp. 2-82

Il avait l’âme d’un dictateur, altérée de pouvoir, et ouvertement, disant « que tous ses efforts pour se distinguer venaient du désir d’être traité comme un lord951. » — « Que j’aie tort ou raison, ce n’est pas l’affaire. […] Il ne veut ni plaire, ni divertir, ni entraîner, ni toucher ; il ne lui arrive jamais d’hésiter, de redoubler, de s’enflammer ou de faire effort. […] Il veut me faire fête ; il me mène en un instant à travers mille idées, sans effort, pour s’égayer, pour m’égayer moi-même. […] Je ne sais comment faire pour indiquer jusqu’où Swift s’emporte ; il le faut pourtant, car ces extrémités sont le suprême effort de son désespoir et de son génie : il faut les avoir touchées pour le mesurer et le connaître. […] Encore donne-t-il la préférence aux yahous sur les hommes, disant que notre misérable raison a empiré et multiplié ces vices, et concluant avec le roi de Brodingnag que notre espèce « est la plus pernicieuse race d’odieuse petite vermine que la nature ait jamais laissé ramper sur la surface de la terre1017. » Cinq ans après ce traité de l’homme, il écrivait en faveur de la malheureuse Irlande un pamphlet qui est comme le suprême effort de son désespoir et de son génie1018.

1120. (1904) Zangwill pp. 7-90

L’aîné les ayant pris, et fait tous ses efforts, Les rendit, en disant : Je le donne aux plus forts. […] On crut qu’il se moquoit ; on sourit, mais à tort : Il sépare les dards, et les rompt sans effort. Nos modernes rompent sans effort les réalités qu’ils étudient ; reste à savoir si les réalités historiques s’accommodent de ce traitement. […] L’effort divin qui est en tout se produit par les justes, les savants, les artistes. […] Dans cette pyramide du bien, élevée par les efforts successifs des êtres, chaque pierre compte.

1121. (1928) Les droits de l’écrivain dans la société contemporaine

Ils sont donc obligés de faire des efforts pour se rapprocher des autres hommes. […] Devant les efforts d’un individu pour s’enrichir, les scrupules moraux cèdent, le respect de la vie privée paraît insignifiant. […] Il est vrai que, si les textes n’étaient pas ainsi mutilés par les héritiers, les efforts des érudits, qui passent leur vie à les rétablir, n’auraient plus de raison d’être. […] Si les héritiers savaient la vanité de leurs efforts, peut-être résisteraient-ils moins activement à cette puissance progressive de diffusion qu’enferme par elle-même une grande œuvre. […] C’est par miracle que la vie d’Arthur Rimbaud n’est pas restée, malgré l’effort des siens, une plate légende de saint33.

1122. (1898) Impressions de théâtre. Dixième série

Il serait plus équitable de dire qu’elle a été très inégale, ce qui n’a rien de surprenant si l’on considère que la troupe, toute récente et recrutée un peu partout, n’a pas encore eu le temps de concerter ni de fondre ses efforts. […] Et quand son mari a fait l’effort de la revoir et de lui pardonner, le premier mot de la mourante est pour réclamer son amant. […] La thèse est celle-ci : que les théories de certains médecins sur l’atavisme sont fausses ou pour le moins obscures et douteuses, et qu’on peut toujours échapper aux prétendues fatalités de l’hérédité morale, ou même physiologique, par l’effort de la volonté. […] Et tout de suite nous nous intéressons à ces trois êtres, parce que tout de suite nous nous apercevons qu’ils vivent, et qu’ils sont d’aujourd’hui, et sans que l’auteur semble y avoir fait effort. […] Et enfin n’oublions pas cet admirable troisième acte de Froufrou, où chaque effort de la jeune femme pour ne pas tomber se tourne si naturellement contre elle, où sa faute est si clairement déterminée par sa situation, et sa situation par son caractère.

1123. (1854) Nouveaux portraits littéraires. Tome I pp. 1-402

Cette strophe si vive, si alerte, est-elle née sans effort ? […] Le point important est que l’effort ne se trahisse nulle part. […] C’est là, selon moi, le dernier effort, le dernier triomphe de l’art. […] Que chacun des officiers appelés au conseil donne librement son avis ; qu’il indique les points à fortifier, les embuscades les plus sûres, les ravins les plus profonds, les plus escarpés, et que l’auditoire, en écoutant cette terrible délibération, comprenne qu’il s’agit pour Toussaint d’un dernier effort, d’un effort désespéré. […] Aussi ne faut-il pas s’étonner qu’il parle sans effort la langue d’Isaïe et de David ; les images bibliques se présentent à lui comme l’expression de sa pensée.

1124. (1905) Propos littéraires. Troisième série

Mais le contraire en est un aussi, et l’écriture juste assez claire pour être comprise sans effort, juste assez savante pour avertir le lecteur qu’elle doit être lue d’un œil attentif et suivie par un esprit vigilant, n’est point une mauvaise chose pour l’éducation du public. […] Il aimait l’effort ; il aimait même l’audace. […] Non seulement il ne nous donne que ce qu’il voit, mais il ne fait pas effort pour voir. […] Il voit tout de suite, malgré les efforts de l’auteur « pour rester objectif », de quel côté vont secrètement ses sympathies. […] Mais en 1898 les salons du meilleur ton sont devenus inhabitables par ce fait qu’on y a parlé politique tout le temps, soit malgré les efforts désespérés de la maîtresse de maison, soit à son instigation plus ou moins consciente.

1125. (1926) La poésie pure. Éclaircissements pp. 9-166

Une paysanne bien née s’épanouit sans effort à la poésie des psaumes latins, même non chantés, et plus d’un enfant a goûté la première églogue avant de l’avoir comprise. […] Elle ne s’exprime au dehors que par des efforts généreux vers la sainteté. […] Si Lamartine rature moins que lui, c’est qu’il trouve sans effort la réponse libératrice. […] Cependant ce qui est vrai de la poésie, considérée par un effort d’observation, dans sa pure essence, n’est plus également vrai de l’œuvre infiniment complexe où cette poésie se trouve réalisée. […] puis, au sujet des efforts convergents de son époque : les écoles… adoptent, comme rencontre, le point d’un idéalisme qui… refuse les matériaux naturels et, « comme brutale une pensée exacte », les ordonnant pour ne garder de rien que la suggestion (p. 245).

1126. (1886) Le naturalisme

Durant la première, — les années de jeunesse, — Flaubert avait un esprit délié, une imagination féconde ; il apprenait sans effort et travaillait facilement. […] Son style semble travaillé sans violence ni effort, avec un aimable abandon, quoique sans négligence. […] Comme lui, il ouvre peu à peu le sol et on voit l’effort, de son opiniâtreté quand il remue profondément la terre en arrachant les pierres et les obstacles. […] Négliger l’effort scientifique chez Zola, c’est se résoudre de propos délibéré à ne pas le comprendre, c’est ignorer où réside sa force, en quoi consiste sa faiblesse et comment il formula l’esthétique du naturalisme. […] Dieu veuille que les hommages publics qu’on a rendus à Perez Galdos, il n’y a pas encore longtemps, dans un banquet, soient un signe certain des intentions du public de commencer à récompenser les efforts de la phalange sacrée !

1127. (1896) Le IIe livre des masques. Portraits symbolistes, gloses et documents sur les écrivains d’hier et d’aujourd’hui, les masques…

Les efforts magnifiques de M.  […] Henri Mazel est arrivé à l’heure où l’effort se réalise, et si, en des drames donnés comme des essais, il a pu émouvoir le lecteur du coin du feu, c’est sans doute que le théâtre est son destin. […] La Lépreuse est bien le développement naturel d’un chant populaire : tout ce qui est contenu dans le thème apparaît à son tour, sans illogisme, sans effort. […] Plus tard, tandis que les uns gardaient la seule poésie et, par Musset, arrivaient à Octave Feuillet, les autres, rejetant toute poésie, venant de Stendhal, aboutissaient aux sèches analyses de Duranty, ― qu’aucun effort n’a pu tirer de son sépulcre. […] Hello est chrétien et catholique absolument ; il croit avec génie ; il croit spontanément, sans effort, mais avec l’énergie du batelier, emporté par le courant du fleuve et qui croit au courant du fleuve.

1128. (1940) Quatre études pp. -154

Il nous dit comment l’effort d’un Wordsworth se porte non pas vers l’explication, mais vers la suggestion : la différence est essentielle.   La poésie de Wordsworth se construit sur un effort pour donner par des moyens simples l’impression de l’intensité. […] Et il avait mis dans quatre petits livres d’élégies les résultats de ce long effort : quatre livres d’élégies, qu’heureusement il a brûlés. […] On croira que le suprême effort du poète consiste à répéter ce qu’ont dit les autres poètes, consacrés par l’admiration du public ; on ne concevra même plus qu’il puisse ou qu’il doive faire autre chose ; et c’est le sens même de la poésie qui va se perdant. […] Que si la mathématique peut sembler un simple jeu, qui ne crée rien, qui se contente de tirer des conséquences ingénieuses enfermées dans des principes a priori, la physique du moins, la physique expérimentale, prend possession des réalités ; et que si la physique elle-même comporte encore une part d’arbitraire, les sciences naturelles, étroitement appliquées à la vie, offrent enfin le type d’une connaissance positive à laquelle l’Europe, vers le milieu du dix-huitième siècle, consacre décidément ses efforts.

1129. (1890) La bataille littéraire. Deuxième série (1879-1882) (3e éd.) pp. 1-303

Tous ses efforts auraient été vains. […] — Mon oncle, dis-je avec effort, voulez-vous m’acheter cette poupée ? […] Elle fit pour s’endormir, les efforts les plus sincères. […] Elle fait un grand effort. […] Elle fait un dernier effort.

1130. (1894) La bataille littéraire. Cinquième série (1889-1890) pp. 1-349

Néanmoins, ses consciencieux efforts n’avaient pas été jusqu’ici couronnés de succès. […] Péladan, vaut toujours qu’on fasse quelques efforts pour la dégager des broussailles dont on l’encombre un peu trop dans cette école. […] En résumé, le Petit Margemont est l’œuvre d’un écrivain distingué, peureux du banal et dont l’effort est pris eu juste estime chez les lettrés. […] Il nous fallut beaucoup de peine pour ressortir de là, mais nous étions payés de nos efforts. […] L’effort du grand artiste, son effort suprême marqué dans cet ouvrage inachevé et qu’il avait mis en pièces semble témoigner comme d’une défaite de son génie aux prises avec l’idéal.

1131. (1782) Essai sur les règnes de Claude et de Néron et sur la vie et les écrits de Sénèque pour servir d’introduction à la lecture de ce philosophe (1778-1782) « Essai, sur les règnes, de Claude et de Néron. Livre second » pp. 200-409

Et n’est-ce pas la raison pour laquelle, dans votre enthousiasme, vous avez élevé quelquefois le sage au-dessus des dieux, sages par leur nature, sans efforts et sans mérite ? […] Quoi de plus délicat que ce mot : « L’âme s’échappe du vieillard sans effort ; elle est sur le bord de sa lèvre… ?  […] Là peine qu’il se donne, l’air d’effort qui règne dans cette Consolation, montre partout une âme mal à l’aise qui veut persuader qu’il est content. […] Il n’en sera pas ainsi de la vertu : vous ne l’obtiendrez que de vous-même, et vous ne l’obtiendrez pas d’un médiocre effort. […] « La nature nous a formés pour la vertu… » C’est le préjugé d’un homme de bien qui a oublié ce qu’il a fait d’efforts et de sacrifices pour devenir vertueux.

1132. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre quatrième. La connaissance des choses générales — Chapitre premier. Les caractères généraux et les idées générales. » pp. 249-295

. — Pareillement, avant les recherches des savants de la Renaissance, notre idée d’un corps pesant était celle d’un corps qui tend vers le bas et imprime en nous, quand nous le soulevons, la sensation d’effort musculaire. […] Nous le détachons et nous le notons au moyen de symboles, qui tantôt sont les noms de surface, ligne et point, tantôt sont une classe d’objets sensibles, fort maniables, choisis pour tenir lieu de tous les autres, la surface réelle d’un tableau noir ou d’un papier blanc, le mince tracé d’un trait de craie ou d’encre, la très petite tache que laisse sur le papier ou sur le tableau l’attouchement momentané de la plume ou du crayon. — La tache étant exiguë, nous sommes tentés de ne point faire attention à sa longueur ni à sa largeur, qui sont réelles ; par cette omission, nous en faisons involontairement abstraction, et nous n’avons pas de peine à traiter la tache comme un point. — Le tracé étant fort effilé, nous sommes disposés à ne point nous inquiéter de sa largeur, qui est réelle ; par cette omission, nous la retranchons, et, sans efforts, nous en venons à considérer le trait comme une ligne. — Le tableau et le papier étant tout à fait plats et unis pour notre œil et notre main, nous n’éprouvons aucune sensation qui nous avertisse de leur épaisseur ; par cette omission, nous la supprimons, et nous sommes tout portés à regarder le tableau et le papier comme de vraies surfaces. — De cette façon, le tableau, le trait étroit, la petite tache de craie deviennent des substituts commodes. […] Nous isolons ce dernier motif, nous désirons qu’il ait l’ascendant dans chaque délibération humaine, nous le louons tout haut, nous le recommandons à autrui, nous faisons parfois effort pour lui donner l’empire chez nous-mêmes.

1133. (1861) Cours familier de littérature. XI « LXIVe entretien. Cicéron (3e partie) » pp. 257-336

Compétent, parce qu’il avait manié la plus grande politique de l’univers pendant les temps les plus orageux de Rome, et qu’il avait vu tomber la république malgré ses efforts sous les factions populaires, puis la liberté sous la soldatesque, puis César sous le poignard d’une impuissante réaction d’honnêtes gens ; Éloquent, parce qu’il était Cicéron ; Moral, parce qu’il était le plus honnête des Romains. […] « Lorsqu’il eut ainsi parlé : Ô Scipion, lui dis-je, s’il est vrai que les services rendus à la patrie nous ouvrent les portes du ciel, votre fils, qui, depuis son enfance, a marché sur vos traces et sur celles de Paul-Émile, et n’a peut-être pas manqué à ce difficile héritage de gloire, veut aujourd’hui redoubler d’efforts à la vue de ce prix inappréciable… « Courage ! […] On n’est pas plus assuré de la vie à la fleur de l’âge qu’au déclin des ans : seulement la mort du vieillard a quelque chose de plus naturel et de plus doux ; la vie avancée est comme le fruit mûr, qui se détache sans effort.

1134. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CIXe entretien. Mémoires du cardinal Consalvi, ministre du pape Pie VII, par M. Crétineau-Joly (1re partie) » pp. 5-79

Mes efforts devenaient inutiles, et mon espérance s’évanouit. […] Il termina en disant que tous leurs soins et tous leurs efforts devaient tendre à découvrir un expédient pour réussir auprès de ce chef, afin de ne pas faire un faux pas dans une matière aussi délicate. […] Mais leurs efforts furent vains : ils abandonnèrent leur projet ; puis, comme les autres, ils se montrèrent favorables à l’élection.

1135. (1890) L’avenir de la science « III » pp. 129-135

Vain effort pour monter au-dessus du suprême ! […] Tous sont la protestation de l’esprit humain contre la lettre asservissante, un effort malheureux pour féconder un champ infécond. […] Je ne connais rien de plus touchant et de plus naïf que les efforts que font les croyants, emportés forcément par le mouvement scientifique de l’esprit moderne, pour concilier leurs vieilles doctrines avec cette formidable puissance, qui les commande quoi qu’ils fassent.

1136. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 juin 1885. »

Mais, Richard Wagner, d’abord, fut, non seulement, comme Hugo, un théoricien de ses créations, mais le théoricien, philosophe, qui, à jamais, indestructiblement, comprit, et proclama la loi intime de l’Art ; puis, il fut l’artiste, l’accomplisseur de la tâche nécessaire ; il fit l’œuvre complète d’art complet, la synthétique révélation où Racine et Bach, Hugo et Berlioz, et, le précurseur, Beethoven, ont apporté leurs spéciaux efforts, leur vision, et leur voix, — où se viendra instruire l’Art, toujours. […] Cet instinct, comme nous l’avons montré au début de notre recherche, s’est trouvé d’accord avec l’effort de Beethoven à conserver, pour la conscience, la bonté première de la nature humaine, contre toutes les inspirations de la vie positive tournée vers la seule Apparence ; à la conserver, ou peut-être à la gagner de nouveau. […] Ce n’est pas qu’elles soient parfaites, déjà ; du moins, elles font voir aux peintres, la voie qui, seule, leur convient, la voie Wagnérienne de la franchise, de la fidélité aux théories, de l’effort continu à sentir la vie, et à l’exprimer.

1137. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre premier. La sensation, dans son rapport à l’appétit et au mouvement — Chapitre premier. La sensation »

Il y a là d’ailleurs un rapport réciproque : car, si les sensations de tension et de résistance se produisent en proportion de nos sentiments d’effort et d’appétition, inversement nous ne sommes avertis de ces sentiments d’appétition que dans leur rapport avec la résistance appréhendée par le sens. […] Cette analyse revient à dire qu’il n’y a pas de sensation, de changement mental qui n’ait pour condition un mouvement cérébral ; et comme, dans tout mouvement, il y a conflit de forces ou, si l’on veut, de mouvements antérieurs, conflit qui se traduit en sentiment d’effort, il en résulte que toute sensation renferme à sa base la conscience d’un changement imposé, d’une contrainte, dont le choc n’est qu’un exemple particulier et considérablement amplifié. […] Voir notre chapitre sur le sentiment de l’effort dans notre volume précédent.

1138. (1857) Cours familier de littérature. III « XVIIIe entretien. Littérature légère. Alfred de Musset » pp. 409-488

Le plaisir est, en effet, aussi une des fonctions de l’homme ; par une divine indulgence de la Providence, la vie de tous les êtres a été partagée en travail et en repos, en veille et en sommeil, en effort et en détente du corps et de l’esprit. […] Ne leur demandez pas compte de leurs efforts, mais de leur bonheur. […] un effort, au lieu d’une grâce !

1139. (1840) Kant et sa philosophie. Revue des Deux Mondes

On peut dire que Hume est le fantôme perpétuel de Kant : dès que le philosophe allemand est tenté de faire un pas en arrière dans l’ancienne route, Hume lui apparaît et l’en détourne, et tout l’effort de Kant est de placer la philosophie entre l’ancien dogmatisme et le sensualisme de Locke et de Condillac, à l’abri des attaques du scepticisme de Hume. […] Il n’a point remarqué qu’il n’avance pas malgré ses efforts, car il n’a aucun point d’appui pour se soutenir et transporter l’entendement hors de sa place naturelle. […] Il lui accorde bien une disposition innée à la métaphysique, mais c’est une disposition malheureuse, et qui jusqu’ici n’a produit que des chimères, et il se flatte, lui, à la fin du xviiie  siècle, de commencer pour la première fois la vraie métaphysique, après trois mille ans d’efforts inutiles.

1140. (1868) Curiosités esthétiques « I. Salon de 1845 » pp. 1-76

. — Le spectateur jouit de l’effort et l’œil boit la sueur […] Robert Fleury. — La composition en est excellente, toutes les intentions louables, presque tous les morceaux sont bien réussis. — Et c’est là surtout que brille cette faculté de volonté cruelle et patiente, dont nous parlions tout à l’heure. — Une seule chose est choquante, c’est la femme demi-nue, vue de face au premier plan ; elle est froide à force d’efforts dramatiques. — De ce tableau, nous ne saurions trop louer l’exécution de certains morceaux. — Ainsi certaines parties nues des hommes qui se contorsionnent dans les flammes sont de petits chefs-d’œuvre. — Mais nous ferons remarquer que ce n’est que par l’emploi successif et patient de plusieurs moyens secondaires que l’artiste s’efforce d’obtenir l’effet grand et large du tableau d’histoire. […] Maréchal La Grappe est sans doute un beau pastel, et d’une bonne couleur ; mais nous reprocherons à tous ces messieurs de l’école de Metz de n’arriver en général qu’à un sérieux de convention et qu’à la singerie de la maestria, — ceci soit dit sans vouloir le moins du monde diminuer l’honneur de leurs efforts

1141. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XVIII. »

Cet effort désespéré, cet élancement de l’âme et du langage, pour pénétrer les cieux, à la poursuite du Dieu qu’on adore, fait penser à la phrase tombée de la rêverie mélancolique de Pascal : Le silence éternel de ces espaces infinis m’effraye » ; mais là je crains d’avoir surpris, dans la contemplation même, le trouble involontaire du doute ; ici je sens la certitude et la consolation de la foi, sous l’obscurité et l’impuissance des paroles. […] et, dans ce livre saint et pur, nourris ton âme de paroles inspirées ; car là tu entendras les ministres de la vérité annonçant la vie future avec la voix même de Dieu. » Ailleurs, s’agit-il pour Grégoire de Nazianze, pour le prêtre missionnaire, l’évêque persécuté, de quelque effort à tenter, d’un voyage à faire, l’invocation à Dieu sera plus ardente encore ; elle rappellera toutes les traditions miraculeuses dont s’animait contre la tyrannie des princes et contre la corruption des hommes cet âge héroïque du christianisme. […] Moins théologien, moins éloquent que saint Grégoire, Synésius a pourtant de grands traits de similitude avec lui, la même science et le même amour des lettres profanes, le même goût de l’élégance et de l’harmonie, et, ce qui vaut mieux, la même élévation de cœur, la même fierté sensible et délicate, à travers tout l’effort de l’humilité chrétienne.

1142. (1739) Vie de Molière

Le jour de la troisième représentation, il se sentit plus incommodé qu’auparavant : on lui conseilla de ne point jouer ; mais il voulut faire un effort sur lui-même, et cet effort lui coûta la vie. […] Quelque peine qu’il y eût prise, les plus grands efforts d’un homme d’esprit ne remplacent jamais le génie.

1143. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Le marquis de Lassay, ou Un figurant du Grand Siècle. — II. (Fin.) » pp. 180-203

Le mariage manqua, puis se renoua avec toutes sortes d’efforts. […] Lorsque, après deux années d’efforts et de persévérance, les dernières difficultés furent vaincues, et que l’union allait se conclure, il se trouvait que Mlle de Châteaubriant était déjà dégoûtée de celui qu’elle semblait d’abord avoir sincèrement aimé, et avec qui elle eût voulu partager une chaumière ou le « creux d’un arbre », disait-elle, dans les Indes.

1144. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « De la tradition en littérature et dans quel sens il la faut entendre. Leçon d’ouverture à l’École normale » pp. 356-382

En Grèce seulement, par une fortune singulière et un reste de privilège natal, cette littérature sacrée, dans la bouche des Basile et des Chrysostome, retrouva sans effort l’abondance et l’harmonie, et comme des accents de Platon ; mais à Rome, mais en Afrique, le latin des premiers Pères fut dur, recherché, tourmenté, en même temps que la pensée neuve, excellente et souvent sublime. […] On est fier de simples trouvailles curieuses (quand elles le sont), qui n’exigent aucune méditation, aucun effort d’esprit, mais seulement la peine d’aller et de ramasser.

1145. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Appendice. Discours sur les prix de vertu »

On juge des efforts que le curé de village dut faire. […] Vous qui ouvrez un journal, ou si le journal vous paraît chose trop légère, vous qui lisez ces recueils qu’on appelle des Revues, représentez-vous bien ce que vous devez, les longs soirs d’hiver au logis ou les après-midis d’été à la campagne, à ces esprits charmants, faciles, élevés, inépuisables, qui, depuis trente ans et plus, vous ont donné, dans des récits variés, de continuelles jouissances et des surprises de lecture devenues pour vous une habitude, — et qui vous les donnent sans trace d’effort, comme l’arbre donne ses fruits, comme la source verse l’onde.

1146. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Nouvelle correspondance inédite de M. de Tocqueville »

Une lettre fort belle, de ce temps, écrite par lui d’Amérique à un jeune homme que travaillait le mal du siècle, le mal de Werther ou de Rem, nous le montre déjà mur et tel qu’à cet égard il sera toute sa vie : « Vous vivez, mon cher ami, si je ne me trompe, dans un monde de chimères : je ne vous en fais pas un crime ; j’y ai vécu longtemps moi-même, et en dépit de tous mes efforts je m’y trouve encore ramené bien des fois. […] j’ai fini par me convaincre que la recherche de la vérité absolue, démontrable, comme la recherche du bonheur parfait, était un effort vers l’impossible.

1147. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamennais — L'abbé de Lamennais en 1832 »

Mais, on le sent, la position restait toujours un peu fausse : s’il était victorieux séparément contre les légitimistes purs et les purs disciples du Contrat social, on avait droit de lui demander, à lui, où il plaçait le siège de cette loi suprême, et comme c’était à Rome, on pouvait lui demander encore par quel mode efficace il la faisait intervenir dans le temporel ; car alors elle intervenait nécessairement, le roi de France étant le fils aîné de l’Église et la confusion des deux ordres s’accroissant de jour en jour par les efforts de sa piété égarée. […] Mais l’action lui parut un devoir, il se l’imposa, et il attribue à l’effort violent qu’elle exige de lui l’espèce d’irritation, d’emportement involontaire, qu’on a remarqué en plusieurs endroits de ses ouvrages, et qu’il est le premier à reconnaître avec candeur.

1148. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. DE BALZAC (La Recherche de l’Absolu.) » pp. 327-357

Nous tâcherons de l’analyser avec quelque détail, et, même dans nos plus grandes sévérités de jugement, de marquer l’attention qu’on doit à un écrivain actif, infatigable, toujours en effort et en rêve de progrès, qui nous a charmé mainte fois, et dont nous saluons volontiers en bien des points la supériorité naturelle. […] Ses efforts pourtant sont heureux en mainte circonstance.

1149. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. VINET. » pp. 1-32

Quelques-uns qu’on oubliait se relèvent ; quelques autres, qui font grand effort de près et quelque apparence, s’enfoncent et n’offusquent plus. […] — Soit qu’il nous peigne ce grand style de Pascal, si caractérisé entre tous par sa vérité, austère et nu pour l’ordinaire, paré de sa nudité même, et qu’il ajoute pour le fond : « Bien des paragraphes de Pascal sont des strophes d’un Byron chrétien ; » soit qu’il admire, avec les penseurs, dans La Rochefoucauld, ce talent de présenter chaque idée sous l’angle le plus ouvert, et cette force d’irradiation qui fait épanouir le point central en une vaste circonférence ; soit qu’il trouve chez La Bruyère, et à l’inverse de ce qui a lieu chez La Rochefoucauld, des lointains un peu illusoires créés par le pinceau, moins d’étendue réelle de pensée que l’expression n’en fait d’abord pressentir, et qu’il se montre aussi presque sévère pour un style si finement élaboré, dont il a souvent un peu lui-même les qualités et l’effort ; soit que, se souvenant sans doute d’une pensée de Mme Necker sur le style de Mme de Sévigné, il oppose d’un mot la forme de prose encore gracieusement flottante du xviie  siècle à cette élégance plus déterminée du suivant, qu’il appelle succincta vestis ; soit qu’en regard des lettres capricieuses et des mille dons de Mme de Sévigné, toute grâce, il dise des lettres de Mme de Maintenon en une phrase accomplie, assez pareille à la vie qu’elle exprime, et enveloppant tout ce qu’une critique infinie déduirait : « Le plus parfait naturel, une justesse admirable d’expression, une précision sévère, une grande connaissance du monde, donneront toujours beaucoup de valeur à cette correspondance, où l’on croit sentir la circonspection d’une position équivoque et la dignité d’une haute destinée ; » soit qu’il touche l’aimable figure de Vauvenargues d’un trait affectueux et reconnaissant, et qu’il dégage de sa philosophie généreuse et inconséquente les attraits qui le poussaient au christianisme ; soit qu’en style de Vauvenargues lui-même il recommande, dans les Éléments de Philosophie de d’Alembert, un style qui n’est orné que de sa clarté, mais d’une clarté si vive qu’elle est brillante ; — sur tous ces points et sur cent autres, je ne me lasse pas de repasser les jugements de l’auteur, qui sont comme autant de pierres précieuses, enchâssées, l’une après l’autre, dans la prise exacte de son ongle net et fin.

1150. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Racine — I »

Quoi qu’il en soit, le but moral de Phèdre est hors de doute ; le grand Arnauld ne put s’empêcher lui-même de le reconnaître, et ainsi fut presque vérifié le mot de l’auteur « qui espéroit, au moyen de cette pièce, réconcilier la tragédie avec quantité de personnes célèbres par leur piété et par leur doctrine. » Toutefois, en s’enfonçant davantage dans ses réflexions de réforme, Racine jugea qu’il était plus prudent et plus conséquent de renoncer au théâtre, et il en sortit avec courage, mais sans trop d’efforts. […] A y regarder de près, ce sont, entre les traditions contradictoires, des efforts de conciliation ingénieux, mais peu faits pour éclairer : Racine admet d’une part la version de Plutarque, qui suppose que Thésée, au lieu de descendre aux enfers, avait été simplement retenu prisonnier par un roi d’Épire dont il avait voulu ravir la femme pour son ami Pirithoüs, et d’autre part il fait dire à Phèdre, sur la foi de la rumeur fabuleuse : Je l’aime, non point tel que l’ont vu les Enfers… Dans Euripide, Vénus apparaît en personne et se venge ; dans Racine, Vénus tout entière à sa proie attachée n’est qu’une admirable métaphore.

1151. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre IV. La fin de l’âge classique — Chapitre II. La Bruyère et Fénelon »

Il reste, et il veut plaire : il s’évertue gauchement, lourdement, sans aisance, comme ses contemporains l’ont remarqué ; il a la mauvaise grâce d’un homme fier, qui fait effort pour plaire et manifeste si sensiblement son intime humiliation qu’il en perd tout le bénéfice. […] Sa peinture de l’homme est juste, un peu banale ; c’est l’homme de Montaigne, de La Rochefoucauld et de Pascal : égoïste, léger, inconstant, toujours en deçà et au-delà du vrai, prenant pour raison sa fantaisie, son habitude et son intérêt, incapable d’un sentiment profond et durable, plus capable d’un grand effort d’un instant que d’une vertu moyenne et constante, allant aux belles actions par vanité, ou par fortune, soumis à la mode dans ses mœurs, dans ses idées comme dans son vêtement.

1152. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre II. L’époque romantique — Chapitre IV. Le théâtre romantique »

Il n’était pas assez penseur pour y réussir, et la Coupe et les lèvres est un grand effort manqué. […] Il fait aimer Hugo, qui n’est pas sensiblement moins humain, et qui du moins est poète : le style de Delavigne est cruel, là surtout où il fait effort pour teindre son vers de poésie.

1153. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre troisième »

Volontairement ou à son insu, Luther transigeait ; et, quelque effort qu’il fît pour s’arracher à la doctrine des œuvres et remplacer dans l’homme la vertu par la grâce, il n’osa pas pousser sa logique jusqu’à l’excès, laissant à de plus hardis à en tirer la conséquence extrême, c’est-à-dire l’abolition des oeuvres. […] Il fit de prodigieux efforts d’esprit pour la faire prévaloir.

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