/ 1977
1134. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre VIII. Quelques étrangères »

Mais supposez que Virgile ne soit pas une âme profonde et un esprit délicat : malgré tous ses efforts, l’imitation tournerait à la parodie et il ferait sans le savoir un Homère travesti.

1135. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Œuvres littéraires de M. Villemain (« Collection Didier », 10 vol.), Œuvres littéraires de M. Cousin (3 vol.) » pp. 108-120

L’art de louer, on la remarqué, est une des plus rares épreuves du talent littéraire, un signe bien plus sûr et plus délicat que ne le serait tout l’art de la satire.

1136. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre septième. »

Cet éloge est trop direct, et le goût délicat de madame de Montespan eût sans doute été plus flatté d’une louange plus fine.

1137. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre VIII. Des romans. » pp. 244-264

Les surprises en sont bien ménagées ; les sentimens sont délicats ; les passions y parlent le langage qui leur est propre.

1138. (1760) Réflexions sur la poésie

Malheureusement ces gens de goût, qui déclameraient le plus contre la nouveauté que nous proposons, ne s’apercevraient pas qu’ils entendent tous les jours au Concert Spirituel de la prose latine à demi barbare, sans que leurs oreilles délicates en soient offensées.

1139. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XXIV. Mme Claire de Chandeneux »

plus distingué (ce n’est pas difficile), plus spirituel, plus délicat, plus femme ; mais il ne feraient pas, ils sont incapables de faire cela.

1140. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « La Grèce antique »

Platon, qui, comme tête politique, est bien au-dessous d’Aristote, l’utopiste Platon, qui avait la beauté symbolique du langage si cher à ces Grecs, avait pour leur démocratie la répugnance des esprits délicats ; mais comme l’impuissance politique des Grecs ne venait pas seulement de cette démocratie tapageuse, il trouva Syracuse aussi dure et aussi sourde qu’Athènes, malgré l’engouement des Denys, ces Frédéric de Prusse de la Grèce.

1141. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Madame de Montmorency » pp. 199-214

Née des Ursins, de race pontificale, et Montmorency par mariage, cette femme, qui ne fut jamais qu’une épouse et une veuve chrétienne, a plus attiré son délicat biographe que les gloires tapageuses d’une époque où les femmes se dessinaient, avec plus ou moins de prétentions ambitieuses, des rôles politiques et littéraires.

1142. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Auguste Vacquerie » pp. 73-89

L’impétuosité dans le cynisme domine tellement cet esprit qui doit regarder le délicat comme une faiblesse, qu’il faut lire avec un flacon de vinaigre des quatre voleurs sous le nez une immonde et bouffonne histoire de ce volume, où le grotesque s’unit délicieusement au fétide.

1143. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Lamennais »

À ces deux moments d’une vie rompue et qu’il jeta, comme une branche d’arbre cassée, de deux côtés si différents, Lamennais avait le masque colossal que le génie se compose lui-même et qui fait croire à la toute-puissance de la vie et de l’intensité dans ces sublimes infirmes, dans ces pauvres créatures souvent délicates et souffrantes, que ce soit Lamennais lui-même, Pascal ou Byron, et c’est ce masque oublié, délacé dans des lettres familières et faciles, où l’on respire même de son talent, qui permet de trouver, sous l’écrivain, l’homme.

1144. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Alexandre de Humboldt »

Esprit souverainement délicat et doué de qualités si nettement exquises, ce Varnhagen, qu’il n’a pas été diminué d’être le mari de sa femme, comme tant de maris de femmes célèbres l’ont été.

1145. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Nicolas Gogol »

S’il avait éclaté d’idéal, s’il avait porté cette marque brillante et délicate du Génie, il attendrait probablement encore, obscur et dédaigné, sa pauvre heure de gloire (Milton, hélas !

1146. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XVII. Saint-Bonnet »

Certes, s’il fut jamais des hommes dignes de porter dans leurs saintes mains le cœur et le cerveau de l’enfant, ces délicats et purs calices que la vérité doit remplir et qui restent fêlés ou ternis pour toujours, dès qu’un peu de poison de l’erreur y coule, ne sont-ce pas les Jésuites, les pères de la foi, les pères aussi de la pensée, ces premiers éducateurs du monde ?

1147. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XVIII. Lacordaire »

L’enseignement du prêtre qu’on pouvait craindre y est remplacé par la sentimentalité d’un philosophe, chrétien encore, mais d’un christianisme qui n’est point farouche, d’un christianisme humanisé ; et le moine, le moine qui inquiète toujours les yeux purs et délicats de la Philosophie, s’y est enfin suffisamment décrassé dans les idées modernes, pour qu’il n’en reste rien absolument sur l’académicien, reluisant neuf !

1148. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXIV. Alexandre de Humboldt »

Esprit souverainement délicat et doué de qualités si nettement exquises, ce Varnhagen, qu’il n’a pas été diminué d’être le mari de sa femme, comme tant de maris de femmes célèbres l’ont été.

1149. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Édouard Gourdon et Antoine Gandon » pp. 79-94

Les romans qu’il recherche, en effet, sont aussi gros que lui et doivent être bourrés de ces événements matériels assez faciles à inventer, — qui sont dans la vie comme ils pourraient bien n’y pas être, — mais qui plaisent à cette curiosité badaude qui n’a rien de commun, du reste, avec l’ardente ou délicate curiosité de l’imagination et du cœur.

1150. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Xavier Aubryet et Albéric Second » pp. 255-270

J’étais avec Aubryet, le délicat des Patriciennes de l’amour, un homme qui n’est jamais vulgaire, et qui, pour échapper à cette ornière qu’on appelle la vulgarité, se jetterait dans tous les sauts de loups du côté opposé, la tête la première.

1151. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXXVI. Des éloges académiques ; des éloges des savants, par M. de Fontenelle, et de quelques autres. »

On se tromperait pourtant, si on croyait qu’il n’y a dans les éloges de Fontenelle que ces beautés fines et délicates.

1152. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre IV. »

Sur le sommet des mâts un nuage s’est arrêté tout droit, signe de la tempête ; puis vient la terreur qui suit un danger subit. » Quelquefois encore, ces restes brisés de la couronne du poëte grec ne sont que des traits rapides et simples, une parole délicate et passionnée, un coup de pinceau qui ne s’oublie pas52 : La jeune fille triomphait, tenant à la main une branche de myrte et une fleur de rosier ; et ses cheveux épars lui couvraient le visage et le col » ; ou bien encore, avec moins de simplicité, cette autre peinture qui rappelle celle de Sapho : « Semblable passion d’amour, pénétrant au cœur, répandit un nuage épais sur les yeux et déroba l’âme attendrie. » Horace, dans sa vive étude des Grecs, avait sans doute gardé bien d’autres souvenirs d’Archiloque ; et quelques-unes de ses odes, son dithyrambe à Bacchus et d’autres, ne doivent être qu’une étude d’art et de goût substituée au tumulte des anciennes orgies, où le poëte de Paros se mêlait, en chantant : « Le cerveau foudroyé par le vin, je sais combien il est beau d’entonner le dithyrambe, mélodie du roi Bacchus. » Archiloque, s’il faisait des hymnes, devait être, ce semble, le poëte lyrique des Furies et non des Dieux.

1153. (1846) Études de littérature ancienne et étrangère

Ce n’est point parce que l’étude de ces chefs-d’œuvre a préoccupé notre enfance, c’est pour leur beauté même qu’ils plairont toujours aux esprits délicats. […] Chaque épithète, chaque mot est placé dans une intention fine et délicate. […] Il faut l’avouer, tous ces sentiments délicats et tendres sont prodigieusement supérieurs aux jolies descriptions du sophiste grec. […] Le goût dont il est dépourvu trop souvent est alors suppléé par un instinct délicat, qui lui fait deviner même ce qui manquait à la civilisation de son temps. […] Il ne semble pas non plus que Pope ait connu au même degré que Boileau cet art d’une louange noble et délicate, cette ingénieuse urbanité de langage qui rehausse même la flatterie.

1154. (1891) Impressions de théâtre. Cinquième série

Cleopâtre est une conscience délicate. […] La pudeur est un sentiment si délicat qu’on la viole rien qu’en l’exprimant. […] Elle pouvait cependant, si elle avait eu une âme un peu délicate, faire quelque chose de si bon, de si intelligent et de si doux ! […] M.Édouard Grenier en a fait un drame délicat et tendre, et y a répandu la grâce décente de son âme lamartinienne. […] Cependant l’écuyère dépouillait le vêtement du triomphe, et ce n’était plus qu’une pauvre prisonnière, avec une jupe en loques, portant à ses poignets délicats une longue chaîne qui oscillait comme une guirlande.

1155. (1902) Le chemin de velours. Nouvelles dissociations d’idées

A la porte fermée du calvinisme, les Jésuites avaient depuis longtemps opposé la porte ouverte et, de la naissance à cette porte bienheureuse, étendu pour les âmes délicates un beau tapis. […] Et ce sont les meilleurs, les plus sains : la volupté est une création humaine, un art délicat où quelques-uns seulement sont aptes, comme à la musique ou à la peinture. […] La religion amollit les jeunes filles, tout en leur fournissant certaines armes délicates et assez solides ; le cœur a trop de part en des croyances qui font appel à l’amour. […] Les natures délicates se corrompent par la tête, comme les roses qui commencent à se faner par la pointe des feuilles. […] L’homme conscient est un écolier qui se révélera maître le jour où il sera devenu une machine délicate, mais sûre, comme le castor, comme l’abeille.

1156. (1888) Portraits de maîtres

Qu’était-ce pour toutes les âmes délicates, élevées, ambitieuses de grandeur morale, capables d’idéal, que le relâchement de la fin du Directoire ou plus tard la tension belliqueuse de l’Empire ? […] Mais le chef-d’œuvre d’Alfred de Vigny reste Chatterton, un des drames les plus poignants et les plus délicats de ce temps. […] La chanson de la Bonne vieille, sans valoir le sonnet de Ronsard, comporte encore bien des détails délicats. […] D’autre part on ne saurait trop rendre justice au multiple talent de l’historien littéraire, du critique si compréhensif, du romancier délicat, du poète parfois exquis. […] Nisard, plus équitable pour les modernes qu’on ne l’a donné à entendre et juge si délicat des choses de l’esprit.

1157. (1925) Comment on devient écrivain

Ces sortes d’évocations sont évidemment délicates et demandent du tact. […] X… est sorti victorieux de cette tâche malaisée et délicate. […] C’est une mission délicate, qui n’aboutit trop souvent qu’à mécontenter tout le monde. […] Même plus tard, c’est-à-dire à partir de 1660, devenu plus sévère et plus délicat, Bossuet ne renonce pas au réalisme. […] Je me plais à répéter ces paroles, malgré les oreilles délicates ; elles effacent les discours les plus magnifiques, et je voudrais ne plus parler que ce langage.

1158. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « L’abbé Fléchier » pp. 383-416

Le style est un peu traînant, mais la pensée est délicate. […] Par un tour délicat il a mis l’éloge de M. de Caumartin dans la bouche d’un homme de considération avec qui il est censé s’entretenir en route, et en se promenant le long du canal de Briare.

1159. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « MME DESBORDES-VALMORE. » pp. 124-157

Te relever, te grandir jour par jour ; — faire rougir ou du moins attendrir ceux qui nous ont dédaignés, les rendre même fiers d’être nos alliés ou nos anciens amis, il y a encore là de quoi bénir la vie. » La fleur des sentiments pieux les plus délicats ne s’est fanée ni ternie un seul instant durant cette vie errante. […] » Et qui a connu Mme Valmore en ces longues années d’épreuves, qui l’a visitée dans ces humbles et étroits logements où elle avait tant de peine à rassembler ses débris, qui l’y a vue polie, aisée, accueillante, hospitalière même, donnant à tout un air de propreté et d’art, cachant ses pleurs sous une grâce naturelle et y mêlant des éclairs de gaîté, brave et vaillante nature entre les plus délicates et les plus sensitives, qui l’a vue ainsi et qui lira ce qui précède se prendra encore plus à l’admirer.

1160. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Note I. De l’acquisition du langage chez les enfants et dans l’espèce humaine » pp. 357-395

Probablement, le son que j’écris oua-oua est double pour elle, selon la signification double qu’elle y attache ; mais mon oreille ne peut saisir cette différence ; les sens des enfants, bien moins émoussés que les nôtres, perçoivent des nuances délicates que nous ne distinguons plus. […] En tout cas, ce qui maintenant constitue une bête pour lui, c’est une forme beaucoup plus délicate et plus compliquée que celle de la toupie, savoir la forme commune aux insectes, un corps à plusieurs articles et paires d’appendices, tantôt immobile, tantôt en mouvement de soi-même et sans impulsion du dehors.

1161. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCIe entretien. Vie du Tasse (1re partie) » pp. 5-63

La couleur de ses cheveux et de sa barbe tenait le milieu entre le noir et le blond, dans une telle proportion cependant, que le sombre l’emportait sur le clair, mais que ce mélange indécis des deux teintes donnait à sa chevelure quelque chose de doux, de chatoyant et de fin ; son front était élevé et proéminent, si ce n’est vers les tempes, où il paraissait déprimé par la réflexion ; la ligne de ce front, d’abord perpendiculaire au-dessus des yeux, déclinait ensuite vers la naissance de ses cheveux qui ne tardèrent pas à se reculer eux-mêmes vers le haut de la tête, et à le laisser de bonne heure presque chauve ; les orbites de l’œil étaient bien arqués, ombreux, profonds et séparés par un long intervalle l’un de l’autre ; ses yeux eux-mêmes étaient grands, bien ouverts, mais allongés et rétrécis dans les coins ; leur couleur était de ce bleu limpide qu’Homère attribue aux yeux de la déesse de la sagesse et des combats, Pallas ; leur regard était en général grave et fier, mais ils semblaient par moments retournés en dedans, comme pour y suivre les contemplations intérieures de son esprit souvent attaché aux choses célestes ; ses oreilles, bien articulées, étaient petites ; ses joues plus ovales qu’arrondies, maigres par nature et décolorées alors par la souffrance ; son nez était large et un peu incliné sur la bouche ; sa bouche large aussi et léonine ; ses lèvres étaient minces et pâles ; ses dents grandes, régulièrement enchâssées et éclatantes de blancheur ; sa voix claire et sonore tombait à la fin des phrases avec un accent plus grave encore et plus pénétrant ; bien que sa langue fût légère et souple, sa parole était plutôt lente que précipitée, et il avait l’habitude de répéter souvent les derniers mots ; il souriait rarement, et, quand il souriait par hasard, c’était d’un sourire gracieux, aimable, sans aucune malice et quelquefois avec une triste langueur ; sa barbe était clairsemée et, comme je l’ai déjà dépeinte, d’une couleur de châtaigne ; il portait noblement sa tête sur un cou flexible, élevé et bien conformé ; sa poitrine et ses épaules étaient larges, ses bras longs, libres dans leurs mouvements ; ses mains très allongées mais délicates et blanches, ses doigts souples, ses jambes et ses pieds allongés aussi, mais bien sculptés, avec plus de muscles toutefois que de chair ; en résumé, tout son corps admirablement adapté à sa figure ; tous ses membres étaient si adroits et si lestes que, dans les exercices de chevalerie, tels que la lance, l’épée, la joute, le maniement du cheval, personne ne le surpassait. […] D’une beauté plus idéale et plus délicate que sa sœur, elle évitait souvent, sous prétexte d’une santé plus frêle, les cérémonies et les fêtes de la cour.

1162. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre I. Littérature héroïque et chevaleresque — Chapitre I. Les chansons de geste »

Nous sommes donc réduits à ressaisir, par une divination délicate, l’âme et les membres épars de l’épopée perdue au milieu de toutes les inventions dont la fantaisie romanesque de l’âge suivant l’a surchargée et dénaturée. […] C’est par hasard que Jean Bodel trouve un vers d’une sensibilité délicate, faisant parler une mère qui donne son fils à l’empereur Charles pour la guerre saxonne : Il sera en pleurant de sa mère attendu28.

1163. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Edgar Allan Poe  »

Sur le pâle buste de Pallas, juste au-dessus de la porte de ma chambre ; Et ses yeux ont toute la semblance de ceux d’un démon qui rêve, Et la lumière de la lampe glissant sur lui, jette son ombre sur le sol ; Et mon âme hors de cette ombre qui gît flottante sur le sol, Ne sera soulevée, jamais plus, En ces artifices, les plus apparents, Poe se montre l’homme de toutes les ruses littéraires, habile à composer et à stiller d’une main sûre la délicate émotion qui transporte le lecteur hors de lui-même, et le charme en une vie étrangère plus intense et plus belle. […] Poe conserva intacte à peu près, sinon entièrement, la partie intérieure, précieuse et inutile de son être, le délicat et magnifique mécanisme cérébral, qui lui permit de fleurir son tronc rabougri de corolles resplendissantes.

1164. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Balzac » pp. 17-61

Trop délicat, trop fin, trop profond, sous sa légèreté apparente, pour le public des journaux qui lit toujours d’un œil distrait ou préoccupé, l’ouvrage en question, fait pour être apprécié dans la plus lente et la plus voluptueuse dégustation de l’intelligence, eut le sort de tant de choses charmantes que Dieu envoie aux hommes et dont ils ne jouissent pas, et il eût péri, sans nul doute, si la plus noble piété envers la mémoire de l’auteur ne l’avait sauvé de l’oubli en le publiant pour la première fois en volume4. […] Le sentiment chrétien pénètre cette généreuse nature, apte à recevoir dans son giron tout ce qui est noble, chaste et grand, ce bon génie aussi chaud et aussi délicat qu’un bon cœur !

1165. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Lettres de la mère Agnès Arnauld, abbesse de Port-Royal, publiées sur les textes authentiques avec une introduction par M. P. Faugère » pp. 148-162

Ce sens-là d’ailleurs, en particulier, ce sens olfactif si cher aux délicats, lui était d’autant plus précieux qu’il était pour elle une vigilante sentinelle et toujours sur le qui vive pour l’avertir des moindres périls.

1166. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Appendice. »

J’avais lu autrefois un de ces romans manuscrits, et, tout en y appréciant quelques parties d’une observation délicate et vraie, je m’étais bien gardé de laisser croire qu’il put être livré à l’impression.

1167. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « M. Viguier »

Une autre fois, c’était Goethe : et si alors vous l’interrompiez brusquement dans sa lecture, il fallait entendre comme, tout plein de son auteur, il vous en parlait ; la source coulait d’elle-même ; les remarques les plus fines, les plus délicates de style se succédaient sur ses lèvres, et vous aviez une conférence improvisée.

1168. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « HOMÈRE. (L’Iliade, traduite par M. Eugène Bareste, et illustrée par M.e Lemud.) —  premier article .  » pp. 326-341

Un poème qui, lu sans prévention, produit sur des juges délicats, sur des amateurs éclairés et sensibles, un tel effet d’intérêt gradué, d’action successive et de magnifique accomplissement, attestera toujours, quoi qu’on puisse dire, et sauf les parties plus ou moins accessoires, la main et le génie principal d’un seul.

1169. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Lettres de Rancé abbé et réformateur de la Trappe recueillies et publiées par M. Gonod, bibliothécaire de la ville de Clermont-Ferrand. »

C’est toujours un rôle délicat de donner des conseils sur un ouvrage dans lequel on se trouve loué, soit que, comme M. de La Rochefoucauld, on revoie d’avance l’article que Mme de Sablé écrivait pour le Journal des Savants sur le livre des Maximes, soit qu’ici, comme Rancé, on soit simplement consulté par l’auteur sur la Relation d’un voyage à la Trappe, et qu’on lui suggère quelque idée de ce dont il serait plus à propos de parler : « Comme, par exemple, du nouvel air que vous respirâtes en arrivant dans la terre où habitent des gens qui font précisément et uniquement dans le monde ce qu’ils sont obligés d’y faire, etc., etc. ; faire un petit éloge de la solitude et des solitaires, autant que le peu de moments que vous les avez vus vous ont permis de les connoître, etc., etc. » Hâtons-nous de corriger ce que notre remarque semblerait avoir d’un peu railleur et enjoué, en déclarant qu’à part ce passage, rien dans cette correspondance n’accuse le moindre vestige subsistant d’amour-propre mondain ni de vanité.

1170. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre VII. Du style des écrivains et de celui des magistrats » pp. 543-562

Mais l’art d’écrire en littérature est composé de tant de nuances, des idées fines et presque fugitives exercent une telle influence sur le plaisir que telle expression fait éprouver, sur l’éloignement que telle autre inspire, que pour bien écrire il faut étudier avec le soin le plus délicat tout ce qui peut agir sur l’imagination des hommes.

1171. (1861) La Fontaine et ses fables « Première partie — Chapitre I. L’esprit gaulois »

Une raie de peupliers solitaires au bout d’un champ grisâtre, un bouleau frêle qui tremble dans une clairière de genêts, l’éclair passager d’un ruisseau à travers les lentilles d’eau qui l’obstruent, la teinte délicate dont l’éloignement revêt quelque bois écarté, voilà les beautés de notre paysage ; il paraît plat aux yeux qui se sont reposés sur la noble architecture des montagnes méridionales, ou qui se sont nourris de la verdure surabondante et de la végétation héroïque du nord ; les grandes lignes, les fortes couleurs y manquent ; mais les contours sinueux, les nuances légères, toutes les grâces fuyantes y viennent amuser l’agile esprit qui les contemple, le toucher parfois, sans l’exalter ni l’accabler. — Si vous entrez plus avant dans la vraie Champagne, ces sources de poésie s’appauvrissent et s’affinent encore.

1172. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre V. Indices et germes d’un art nouveau — Chapitre II. Signes de la prochaine transformation »

Enfin la langue des livres et des salons est un système délicat de signes aptes à représenter des idées ; elle est indigente de formes figuratives des choses concrètes, vide de propriétés évocatrices des émotions.

1173. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre III. Le naturalisme, 1850-1890 — Chapitre I. Publicistes et orateurs »

Il est certain que ni les idées — et il y en a beaucoup — ni l’esprit — et il y en a plus encore — ni tous les dons du critique, de l’écrivain, de l’orateur même, ne suffisent à expliquer le plaisir complexe et complet que donne, à la foule comme aux délicats, M. 

1174. (1925) Méthodes de l’histoire littéraire « II  L’esprit scientifique et la méthode de l’histoire littéraire »

Tous ces moyens d’étude si lents, si délicats, et qui accablent la paresse ingénieuse pressée de conclure, sont des procédés de contrôle, de réduction et d’interprétation dont l’utilité est de jalonner si bien notre route qu’il nous devienne impossible, malgré toutes les tentatives du dedans, de nous en écarter.

1175. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — L — Leconte de Lisle, Charles-Marie (1818-1894) »

Ce lui fut l’occasion toute naturelle de revoir ses classiques anciens, et de ces études d’homme sortit une traduction de Théocrite et d’Anacréon, dont la savoureuse littéralité fut un régal pour les délicats et mit hors de l’ombre ce nom que d’incessants travaux allaient rendre glorieux.

1176. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre IV. Le théâtre des Gelosi » pp. 59-79

On comprend ce que l’acteur français Des Lauriers, surnommé Bruscambille, disait, à quelque temps de là, dans un de ses prologues en parlant de la farce française : « Je puis dire avec vérité que la plus chaste comédie italienne est cent fois plus dépravée de paroles et d’actions qu’aucune des nôtres. » Bornons-nous à quelques indications sur ce point délicat.

1177. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre VII. Maurice Barrès et Paul Adam » pp. 72-89

Il est légitime, actuel et charmant de prendre un anarchiste délicat comme héros de roman.

1178. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « Une soirée chez Paul Verlaine » pp. 18-33

  Ainsi, le logis de Verlaine, pour si dénué qu’il fût d’agréments, servait de cadre à de délicats entretiens, mais la mort de sa mère, au bout de quelques mois, vint en bouleverser le cours.

1179. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre II » pp. 12-29

Cependant il est nécessaire de revenir sur les dix dernières années du règne de Henri IV, ainsi que sur la régence de Marie de Médicis, et de faire connaître avec détail les mœurs de la cour de 1600 à 1620, pour montrer clairement comment s’échappa de cette cour dissolue la grande exception qui donne naissance à une société de mœurs pures et d’esprits délicats, dont la filiation et les traditions sont venues jusqu’à nous, et dont l’existence a été illustrée par le respect des étrangers.

1180. (1888) La critique scientifique « La critique scientifique — Évolution de la critique »

Le fait qu’il s’en occupe lui paraît suffire à indiquer qu’il les regarde comme doués de mérite ou comme significatifs, et, cette attitude attentive ou admirative une fois prise, il s’attache à résoudre les deux problèmes qu’il envisage à propos de livres et d’artistes : celui du rapport de l’auteur avec son œuvre, et celui du rapport des auteurs avec l’ensemble social dont ils font partie, questions délicates et fécondes que M. 

1181. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces diverses — Préface du « Rhin » (1842) »

Jordonner est un excellent mot de la langue familière qui n’a pas de synonyme possible et qui exprime une nuance précise et délicate, le commandement exercé avec sottise et vanité, à tout propos et hors de tout propos.

1182. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre IV. Des changements survenus dans notre manière d’apprécier et de juger notre littérature nationale » pp. 86-105

Je ne parle point ici de ces idées fugitives et délicates qui tiennent seulement aux usages du monde, à une élégance convenue : ces idées, tout en nuances, sont, par leur nature même, mobiles et passagères.

1183. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XXII. La comtesse Guiccioli »

Elle a cru qu’elle allait changer le Byron de l’opinion faite et en nous l’affirmant sans preuves et sans notions nouvelles à l’appui de son affirmation, nous faire son Byron, — à elle, — son Byron purifié et rectifié ; car le sens du livre qu’elle publie, c’est, ne vous y trompez pas, je vous prie, une délicate purification de Byron…… J’ai parlé plus haut de petites chapelles, élevées discrètement et chastement, tout le long du livre, à la mémoire de Byron ; j’ai dit même que je comprenais très bien qu’elles y fussent élevées… Mais je les crois trop en albâtre… Il y en a à la religion, à l’humanité, à la bienveillance, à la modestie, à toutes les vertus de l’âme de Byron (textuellement), à son amour de la vérité, mais c’est aussi par trop de chapelles… Les vertus de Byron font un drôle d’effet… Sont-ce les cardinales ?

1184. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Buloz »

Il a été et il a voulu être ce qui demande les facultés les plus littéraires, les plus délicates, les plus élevées, et il ne les avait pas.

1185. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « VIII. M. de Chalambert. Histoire de la Ligue sous le règne de Henri III et de Henri IV, ou Quinze ans de l’histoire de France » pp. 195-211

Même son amour des femmes, qu’il a transmis, comme sa politique, à sa descendance si riche en bâtardises, son amour des femmes, cette gracieuse faiblesse que les femmes, qui travaillent à la gloire en France, ont la bonté de pardonner, a quelque chose d’égoïste, de superficiel et de grossier, qui devrait choquer davantage leurs instincts délicats et fiers ; mais on passe tout à ce gendarme !

1186. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Vie de la Révérende Mère Térèse de St-Augustin, Madame Louise de France »

nous sommes bien loin du pauvre Bonhomme, qui, quand on lit ces pages, paraît délicat avec Madame Louise, et qui a la bonté d’excuser la sainte en faveur de l’écuyère.

1187. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Léon Gozlan » pp. 213-230

C’était un délicat et un discret.

1188. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Marie Desylles » pp. 323-339

Alors, encore, ce qui était facile à la Critique quand il s’agissait des combinaisons d’un roman, devient extrêmement difficile lorsqu’il faut rendre compte de cette adorable chose qu’on appelle des lettres d’amour, pour en faire apprécier intégralement la délicate et opulente beauté… Il n’y a plus là, en effet, ni plan qu’on puisse saisir, ni mise en œuvre, ni drame, ni visée d’art quelconque, mais seulement les tendresses et les transports d’une âme exceptionnelle, dépaysée par sa supériorité dans un temps de civilisation excessive, où l’amour, tel qu’il est dans ces lettres, a presque cessé d’exister.

1189. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre X. Des Romains ; de leurs éloges, du temps de la république ; de Cicéron. »

Pauvres et austères, leur genre de vie leur interdisait cette foule de sensations variées et délicates, qui, en frappant légèrement les sens, passent dans l’âme, et de là dans les langues qu’elles enrichissent.

1190. (1882) Types littéraires et fantaisies esthétiques pp. 3-340

Et ce sont ces générations aux nerfs délicats et affaiblis que vous soumettez aux voluptés répétées de la musique ! […] La brutalité des puissants, la froide cruauté mondaine blessaient toujours à coup sûr cette nature délicate et sensible à l’excès. […] Un inceste monstrueux, un adultère, un parricide, une vengeance de barbare anthropophage, voilà les éléments nobles et délicats qui se sont transformés en œuvres héroïques. […] La ressemblance est trompeuse, mais elle existe cependant ; il y a là une nuance délicate que nous voudrions faire bien saisir au lecteur. […] Néanmoins le passé a là encore des manières bien subtiles, bien délicates, bien poétiques de révéler sa présence.

/ 1977