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2229. (1892) Sur Goethe : études critiques de littérature allemande

Il est vrai, la plupart de nos auteurs nous ont habitués à des beautés d’un genre tellement recherché que, si parfois nous nous trouvons tout à coup replacés en face de la vérité simple, notre premier mouvement est de nous écrier : Cela rappelle Virgile ! […] On présume sans peine qu’une âme aussi bien ordonnée n’eût pas été à jamais bouleversée pour avoir vu par hasard Charlotte, femme après tout ordinaire malgré sa rare beauté, et cruellement coquette bien qu’elle lise Klopstock, pour l’avoir vue, dis-je, faire des tartines de beurre. […] La vie continuait autour de lui son cours éternel ; l’indifférente déesse gardait son inaltérable beauté ; les femmes passaient et repassaient, jeunes comme autrefois, joyeuses, légères, irrésistibles. […] Je n’ai point le courage de suivre l’auteur dans cette troisième partie de son œuvre ; bien qu’il s’y trouve encore, au milieu d’une foule d’évènements sans suite, cousus tant bien que mal les uns aux autres, de grandes beautés tragiques. […] Poétiquement, il n’y a rien qui prête à des beautés d’un ordre plus élevé que cette antithèse absolue du bien et du mal.

2230. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCIVe entretien. Alfred de Vigny (1re partie) » pp. 225-319

C’est une beauté trahie qui empoisonne par jalousie son amant, qui jouit de ses tortures dont il ignore la cause, et qui au moment de son dernier soupir lui révèle son crime, par un vers qui éclate comme la lueur d’un poignard tiré du fourreau : Le reste du poison qu’hier je t’ai versé ! […] Je le voyais souvent chez Mme la duchesse de Broglie, fille de Mme de Staël, et femme dont la beauté, la vertu, l’enivrement mystique et la piété céleste, devaient ravir le poète irlandais et faire croire à la sœur des anges que Vigny voulait créer pour type idéal des amours sacrés.

2231. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome III pp. -

Ses lettres annoncent la beauté de son génie. […] Quelques beautés neuves & saillantes de Titon & l’Aurore firent traiter de fanfreluches Italiennes les endroits les plus applaudis des bouffons ; comme l’impatience de Manelli de ce qu’on ne lui apporte pas son chocolat ; le tour d’adresse de cet homme qui a perdu sa cervelle, qui la cherche dans sa poche, & qui, à la place, ne fait sortir que des moineaux ; ce quatuor de ti, de te, de ta, de to ; cette imitation aussi gaie que noble du bruit d’un horloge, d’un pot au feu ou des coups redoublés d’un marteau. […] Toute l’Italie y est entrée, papes, cardinaux, princes, mais sur-tout princesses célèbres par leur dévotion & par leur beauté. […] Leurs excellens ouvrages y répandirent le bon goût, firent connoître les beautés de la langue. […] Cet abbé a plus nui que contribué à la beauté de ce poëme, quelque informe qu’il l’ait reçu.

2232. (1765) Articles de l’Encyclopédie pp. 11-15754

On ne s’en est pas tenu à ces noms simples abstraits spécifiques : d’homme on a fait humanité ; de beau, beauté ; ainsi des autres. […] Ils ont dit humanité, de là homme & de même beauté, ensuite beau. […] Beauté parfaite. Beauté Romaine. […] Les Payens frappés de l’éclat des astres & de l’ordre qui leur paroissoit régner dans l’univers, lui donnerent un nom tiré de cette beauté & de cet ordre.

2233. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Benjamin Constant et madame de Charrière »

Gaullieur fournit des preuves très-satisfaisantes du contraire : « Son buste par Houdon, dit-il, et son portrait par Latour, que je possède dans ma bibliothèque, témoignent de l’étincelante beauté de Mme de Charrière. […] On n’a excepté que : 1º tous les régents, membres et administrateurs de la justice qui ont séduit par des promesses ou effrayé par des menaces ; 2° ceux qui ont eu des correspondances non permises, unerlaubte ; 3° ceux qui ont attiré des troupes étrangères ou abusé du nom du souverain ; 4° ceux qui ont effrayé la nation par la fausse nouvelle d’une attaque de la part du roi de Prusse ; 5° ceux qui ont eu part au traité de 1786 ; 6° ceux qui ont guidé les mécontents et eu part à l’assemblée de 1787 ; 7° ceux qui, tant régents que bourgeois, ont participé à l’expulsion des magistrats ; 8° les chefs, commandants et secrétaires des corps francs ; 9° ceux qui ont menacé indécemment les magistrats ; 10° ceux qui ont voulu rompre les digues nonobstant l’ordre du magistrat ; 11º ceux qui ont résisté aux magistrats ; 12°ceux qui se sont emparés des portes ; 13°tous les ministres et ecclésiastiques qui ont suivi les corps francs ou participé à l’opposition des soi-disant, patriotes (pflichtvergessene Prediger) ; 14° les directeurs et écrivains des gazettes historiques, patriotiques, etc., etc., etc. ; 15° tous ceux qui se sont rendus coupables de meurtres, de violences ouvertes ou d’autres excès graves. » « J’ai retranché toutes les épithètes, et la pièce a perdu dans ma traduction beaucoup de beautés originales. […] Dans un portrait d’elle par elle-même, Mme de Charrière semble être un un moins certaine de sa beauté : « Vous me demanderez peut-être si Zélinde est belle, ou jolie, ou passable ?

2234. (1837) Lettres sur les écrivains français pp. -167

C’est un homme d’environ 38 ans, fort laid, mais d’une laideur si pétillante, si spirituelle, que cette laideur-là vaut toutes les beautés de têtes de coiffeurs possibles. […] Il s’assit dans son coupé à côté d’une femme d’une beauté remarquable, qu’il a épousée tout dernièrement à Moscoue. […] Davin avait épousé une jeune personne d’une beauté très remarquable et qu’il a laissée mère.

2235. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Ducis épistolaire (suite et fin). »

La Correspondance avec Talma commence en ces années, et elle nous offre de touchantes et mâles beautés qui valent bien, à mon sens, celles des tragédies elles-mêmes.

2236. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Appendice. »

Il savait à merveille la littérature moderne la plus contemporaine ; ses impressions légères me rajeunissaient, et lorsque, ayant à peindre la marquise de Pompadour, nous allions ensemble regarder au Musée le beau pastel de Latour que je voulais décrire, il me suggérait de ces traits fins et gracieux qu’une fraîche imagination trouve d’elle-même en face de l’élégance et de la beauté.

2237. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Vaugelas. Discours de M. Maurel, Premier avocat général, à l’audience solennelle de la Cour impériale de Chambéry. (Suite et fin.) »

Et encore peut-on dire aujourd’hui qu’Insidieux est entré dans la langue littéraire plutôt qu’il n’est passé dans l’usage courant : c’est qu’il est de sa nature un mot savant, dont le sens, dans toute sa force et sa beauté, n’est bien saisi que des latinistes, et qu’il n’a trouvé dans notre langue aucun mot déjà établi, approchant et de sa famille, pour « lui frayer le chemin. » Toutes ces circonstances propres et comme personnelles à chaque mot sont démêlées à merveille par Vaugelas.

2238. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Madame Desbordes-Valmore. »

Elle lui en sut un gré infini, et elle l’en remerciait en des termes qui montrent une fois de plus son humilité et sa façon, à elle, de dire et de sentir toute chose comme personne autre : cette originalité, même avec ses fautes, ne vaut-elle pas de plus correctes beautés ?

2239. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Œuvres françaises de Joachim Du Bellay. [III] »

Là est le bien que tout esprit désire, Là le repos où tout le monde aspire, Là est l’amour, là le plaisir encore Là, ô mon Âme, au plus haut ciel guidée, Tu y pourras reconnaître l’Idée De ta beauté qu’en ce monde j’adore.

2240. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Diderot »

Tous ces fâcheux inconvénients, que le temps développa, disparurent alors dans l’éclat de sa beauté.

2241. (1861) Cours familier de littérature. XII « LXVIIe entretien. J.-J. Rousseau. Son faux Contrat social et le vrai contrat social (3e partie) » pp. 5-56

À l’âge de dix-huit ans elle avait à Lyon la célébrité des yeux, la beauté.

2242. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre I — Chapitre premier »

Jusqu’à ce jour on a vu invariablement, à part de la multitude des langues, dont la diversité même est une des plus grandes beautés de la création, une langue privilégiée, dominante, chargée pour ainsi dire de faire les affaires générales de l’esprit humain et d’exprimer les grandes idées qui changent la face des sociétés.

2243. (1911) La morale de l’ironie « Chapitre IV. L’ironie comme attitude morale » pp. 135-174

Un amour infécond ne peut-il pas avoir sa beauté, sa grandeur, son utilité sociale même, comme source de dévouement, de respect et de tendresse ?

2244. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre VI. Premiers pas hors de Saint-Sulpice  (1882) »

Mme Garnier, rayonnante de grâce et de naturel, fut ma première admiration dans un genre de beauté dont la théologie m’avait sevré.

2245. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Août 1886. »

Certes, l’admirable disposition de la scène de Bayreuth, l’orchestre invisible, la salle obscure, devait donner à la représentation de Tristan une beauté spéciale ; encore, le très grand soin mis aux scéneries (décorations, plastiques, mimiques) ; mais ce qui transforme Tristan, c’est surtout l’effet acoustique de l’agencement des instruments de l’orchestre et l’effet tout moral du milieu.

2246. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « I »

. — J’ignore si le proverbe français est vrai ici, « qu’on n’est jamais si bien servi que par soi-même » ; toujours est-il qu’à travers d’incontestables beautés poétiques, le public a trouvé des longueurs qui ont parfois refroidi l’effet de l’ouvrage.

2247. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Chamfort. » pp. 539-566

Stahl-Hetzel ne pas craindre de me rappeler, pour faire l’agréable, qu’il y a eu un jour où, nommé professeur au Collège de France, il ne m’a pas été possible, de par les hommes de son opinion et ceux mêmes qui parlent si haut de liberté, de discourir librement des beautés et du génie de Virgile ; je m’étonne que M. 

2248. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Sieyès. Étude sur Sieyès, par M. Edmond de Beauverger. 1851. » pp. 189-216

Historiquement, comme Descartes, il est injuste ; il ne daigne pas se rendre compte du passé ; il considère tout d’abord les privilèges comme d’informes excroissances du corps social, et que la barbarie seule a pu considérer comme des beautés.

2249. (1891) Journal des Goncourt. Tome V (1872-1877) « Année 1877 » pp. 308-348

Lundi 19 février Tourguéneff conte, ce soir, qu’il y avait, près de l’habitation de sa mère, un régisseur qui avait deux filles d’une merveilleuse beauté, et dans ses promenades et ses chasses aux environs, il passait et repassait souvent par là.

2250. (1913) La Fontaine « VII. Ses fables. »

Ici, j’ai été le fabuliste ancien, j’ai été le fabuliste vieux jeu, j’ai été le fabuliste qui, comme Ésope et comme Phèdre, n’a jamais songé qu’à peindre les hommes sous le masque des bêtes. » Il y aurait encore à vous signaler les Animaux malades de la peste, fable qui est, comme ampleur, comme beauté poétique, une chose très supérieure à la satire, mais qui, en somme, n’est qu’une forte satire, une satire de premier rang et de premier plan, où les animaux n’ont que des caractères d’homme.

2251. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « II. M. Capefigue » pp. 9-45

Et même quand le trumeau pécherait par l’art, — l’art chétif, rabougri, ratatiné, Chinois, qu’ils admirent et qu’ils préfèrent, dans l’horreur fade de son joli, aux lignes simples et grandes de la vraie beauté, — il n’en serait que mieux compris et plus goûté peut-être, — le rayonnement probable de toute œuvre d’art ou de littérature étant bien plus souvent en raison de l’abaissement du génie, qui l’a produite, que de sa hauteur.

2252. (1903) Légendes du Moyen Âge pp. -291

Dans cette église rude et un peu barbare ces fresques et ce monument apportent comme un sourire, comme un rayon de beauté venu d’un ciel plus doux. […] L’antique « Hespérie », la terre que le soleil visite au-delà des mers du couchant, est devenue le pays féerique, peuplé de femmes d’une incomparable et éternelle beauté, où règne la félicité sans mélange. […] Le point de départ de cette transformation a été sans doute le contraste qui l’a choqué, dans le conte de Pierre Alphonse, entre la beauté du jardin verdoyant, arrosé par des eaux fraîches, habité par des oiseaux au chant délicieux, et le paysan, le vilain (rusticus) qui le possède. […] Par une idée singulièrement poétique, le conteur français imagina, en faisant du verger une merveille toute féerique, d’en attacher la beauté, la durée et la constante fraîcheur au chant même de l’oiselet : lui envolé, les eaux se tarissent, les arbres s’effeuillent, les fleurs se flétrissent, et le rustre qui n’a vu dans le délicieux chanteur qu’un objet de lucre ou de gloutonnerie est puni par la perte, non seulement de l’oiseau qu’il a voulu prendre, mais de tout ce qu’il n’aurait jamais dû posséder. […] » — La variante bas-allemande est d’une beauté antique : « Quand il arriva devant la montagne, — il regarda de tous côtés autour de lui : — « Adieu, soleil, — adieu, lune, — et aussi tous mes chers amis ! 

2253. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre II. Le Roman (suite). Thackeray. »

Cherchons un noble pauvre, exempt de tentations ; sa grande âme, livrée à elle-même, laissera voir toute sa beauté native : sir Francis Clavering est dans ce cas. […] Oui, je suis reconnaissant d’avoir reçu un cœur capable de connaître et d’apprécier la beauté et la gloire immense du don que Dieu m’a fait.

2254. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « M. Jouffroy »

Les personnages surviendraient dans cette région avec harmonie et beauté.

2255. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXXIIIe entretien. Considérations sur un chef-d’œuvre, ou Le danger du génie. Les Misérables, par Victor Hugo (1re partie) » pp. 305-364

Elle est d’une beauté virginale qui excite l’admiration de la contrée.

2256. (1863) Cours familier de littérature. XV « XCe entretien. De la littérature de l’âme. Journal intime d’une jeune personne. Mlle de Guérin (3e partie) » pp. 385-448

C’est que je me sens le cœur assez mort pour que rien ne lui puisse nuire ; qu’on dit qu’il y a des beautés là-dedans que j’ai envie de connaître, et qu’un homme de Dieu qui a du crédit sur moi m’a dit que je pouvais faire cette lecture, et que le mal est annulé par la façon de le voir.

2257. (1867) Cours familier de littérature. XXIII « cxxxive Entretien. Réminiscence littéraire. Œuvres de Clotilde de Surville »

Sa beauté et ses talents poétiques y brillèrent du plus doux éclat.

2258. (1892) Boileau « Chapitre I. L’homme » pp. 5-43

Le monde, le vrai inonde le recherchait ; on était curieux de le voir, de l’entendre lire ses œuvres : d’autant qu’il avait un vrai talent de lecteur, et doublait la beauté de ses vers par la justesse de la diction.

2259. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre II. L’époque romantique — Chapitre V. Le roman romantique »

C’est un monde, un chaos que ce roman, encombré de digressions, d’épisodes, de méditations, où se rencontrent les plus grandes beautés à côté des plus insipides bavardages.

2260. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 avril 1886. »

Et si nous, hommes vivants, nous regagnions la pure force, la beauté et la dignité de cette nature, nous serions, aussi, bons et nobles et chrétiens ; car le chemin qui mène à cette nature n’est pas un recul, mais une marche vers les hauteurs sur des degrés spirituels dans une sphère morale ; et ce n’est pas une marche de la tête mais du cœur ; et la religion secrète qui oblige le cœur à une telle marche spirituelle vers l’idéal, c’est le Christianisme.

2261. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 septembre 1886. »

Le succès de la Walküre est grand toujours ; son premier acte, d’un effet facile, emporte les applaudissements ; les étonnantes beautés des premières scènes du deuxième acte et du milieu du troisième sont moins goûtées ; là pourtant se développe cette épopée aux larges signifiances qu’est l’Anneau du Nibelung ; ni un roman psychologique comme Tristan, ni un poème symbolique purement émotionnel comme Parsifal, mais, au moins dans ses trois premiers drames, un roman d’aventures en même temps un poème philosophique, l’épanouissement d’une âme juvénile en grandes actions et en pensées vastes et luxurieuses.

2262. (1888) Préfaces et manifestes littéraires « Romans et nouvelles » pp. 3-80

Le Réalisme, pour user du mot bête, du mot drapeau, n’a pas en effet l’unique mission de décrire ce qui est bas, ce qui est répugnant, ce qui pue ; il est venu au monde aussi, lui, pour définir, dans de l’écriture artiste, ce qui est élevé, ce qui est joli, ce qui sent bon, et encore pour donner les aspects et les profils des êtres raffinés et des choses riches : mais cela, en une étude appliquée, rigoureuse et non conventionnelle et non imaginative de la beauté, une étude pareille à celle que la nouvelle école vient de faire, en ces dernières années, de la laideur.

2263. (1899) Esthétique de la langue française « Esthétique de la langue française — La déformation  »

C’est donc du dehors que sont venues nécessairement toutes les atteintes portées à la beauté et à l’intégrité de la langue française.

2264. (1902) La métaphysique positiviste. Revue des Deux Mondes

En tout cas, les rapports des objets qu’ils imitent ne sont pas les mêmes aux yeux d’un Rubens qu’aux yeux d’un Rembrandt, et c’est une des raisons pourquoi nous ne pouvons ni définir la beauté, ni en affirmer l’existence en dehors de nous.

2265. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Notes et éclaircissements. [Œuvres complètes, tome XIII] »

« Je ne peux me plaindre de la bonté avec laquelle vous parlez d’un Brutus et d’un Orphelin ; j’avouerai même qu’il y a quelques beautés dans ces deux ouvrages ; mais encore une fois, vive Jean (Racine) !

2266. (1913) La Fontaine « VI. Ses petits poèmes  son théâtre. »

C’est là qu’il y a ce couplet charmant où se trouve le vers délicieux : Ni la grâce plus belle encor que la beauté… C’est l’introduction au poème d’Adonis.

2267. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Villemain » pp. 1-41

Pic de la Mirandole, s’il avait vieilli, n’aurait peut-être été non plus que le secrétaire perpétuel de l’Académie de Florence ; mais il eut la bonne idée de mourir à vingt-quatre ans, et par là de donner à sa mémoire la beauté éternellement verte d’une espérance, tandis que M. 

2268. (1870) La science et la conscience « Chapitre II : La psychologie expérimentale »

« Dans cet état, dit Jouffroy, dont le caractère est la beauté, les capacités sont tellement rompues à l’obéissance par l’effet d’une longue et sévère discipline, qu’elles plient sans résistance à tous les ordres de la volonté, et jouent sous sa main avec la même facilité que les touches d’un instrument sous les doigts d’un musicien habile.

2269. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre second. De la sagesse poétique — Chapitre III. De la logique poétique » pp. 125-167

De tout ce qui précède, nous tirerons le corollaire suivant : plus les langues sont riches en locutions héroïques, abrégées par les locutions vulgaires, plus elles sont belles ; et elles tirent cette beauté de la clarté avec laquelle elles laissent voir leur origine : ce qui constitue, si je puis le dire, leur véracité, leur fidélité.

2270. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Jean-Jacques Ampère »

Pendant ce temps d’ivresse et de bonheur, son imagination se livra à tous les charmes d’une compagnie délicate et choisie, qu’un soleil couchant de divine beauté embellissait encore. […] Il pouvait être cinq heures du soir : assis sur un banc à l’extrémité de son petit jardin, il jouissait de la vue du parc et de la beauté du jour et de l’heure.

2271. (1887) Journal des Goncourt. Tome II (1862-1865) « Année 1863 » pp. 77-169

Et la Ferraris, en son costume de villageoise, avec sa beauté ingénûment niaise, a quelque chose de la fillette de La Cruche cassée de Greuze, imprimée sur un cahier de papier à cigarettes. […] Sa mère, née en 1794, et qui garde la vitalité des gens de ce temps, sous ses traits de vieille femme, montre les restes d’une beauté passée, alliée à une sévère dignité.

2272. (1887) Journal des Goncourt. Tome II (1862-1865) « Année 1865 » pp. 239-332

Elle y entre, en jetant sur la porte, à ma cravate blanche qu’elle croit la cravate du marié, le sourire d’adieu du libre amour : c’est le Plaisir, la Beauté, la Grâce d’orgie, l’Élégance, le Désordre, la Dette. […] La femme de chambre apporte un nœud de diamant que la princesse a commandé, ces jours-ci, et en fait voir la beauté, en le détachant sur le noir de son tablier.

2273. (1904) Le collier des jours. Souvenirs de ma vie

Le temple grec de la barrière Monceau, et même les beautés sahariennes du terrain vague, furent vite éclipsées par les splendeurs champêtres du Grand-Montrouge. […] La beauté serait superflue. […] Cet intérieur était des plus modestes ; tous les efforts étaient concentrés sur Virginie, le seul espoir du pauvre ménage, tous les sacrifices étaient admis pour soutenir son élégance extérieure et pour parer sa beauté. […] Nous ne faisions pas grande attention à Honorine, qui n’avait aucun vestige de la beauté de sa sœur, et de beaucoup son aînée, avait plutôt l’air d’être sa tante.

2274. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « MME DESBORDES-VALMORE. » pp. 124-157

Mais la réalité, nous la voyons, et la beauté morale de sa nature s’y montre à nu en toute sincérité.

2275. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « M. DE LA ROCHEFOUCAULD » pp. 288-321

Elle est de celles d’ailleurs dont on a beau médire, la raison y perd ses droits ; il en est de son cœur comme de sa beauté, qui, avec bien des défauts, avait un éclat, une façon de langueur, et un charme enfin, qui attachaient.

2276. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE RÉMUSAT » pp. 458-491

Alors on rougira en la regardant ; on dira tristement comme cette courtisane grecque qui consacrait son miroir à la Beauté éternelle : Je le donne à Vénus puisqu’elle est toujours belle… N’est-il pas plus sage de se prémunir d’avance contre l’amertume d’un pareil moment, et de chercher des consolations contre l’inévitable mécompte dans le courage avec lequel on l’aura prévu ?

2277. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Charles Labitte »

La beauté dans l’art, la moralité en politique, l’idéalisme en philosophie, l’affection au foyer…, il n’y a rien après.

2278. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Note I. De l’acquisition du langage chez les enfants et dans l’espèce humaine » pp. 357-395

Un jet d’eau qu’elle a vu pendant trois mois sous ses fenêtres la mettait tous les jours dans un transport de joie toujours nouvelle ; de même la rivière au-dessous d’un pont ; il était visible que l’eau luisante et mouvante lui semblait d’une beauté extraordinaire : « L’eau, l’eau ! 

2279. (1862) Cours familier de littérature. XIII « LXXIIIe entretien. Critique de l’Histoire des Girondins (4e partie) » pp. 1-63

Ce qui fait le droit, la beauté et la sainteté de la cause des peuples, c’est la parfaite moralité de leurs actes.

2280. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXIIe entretien. La Science ou Le Cosmos, par M. de Humboldt (1re partie). Littérature scientifique » pp. 221-288

Il y fut émerveillé de l’aspect d’un paysage d’une incomparable beauté.

2281. (1869) Cours familier de littérature. XXVII « CLXIIe entretien. Chateaubriand, (suite.) »

.… Beauté céleste !

2282. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Crétineau-Joly »

Il semblait, par sa volonté, par sa parole et par sa beauté puissante et majestueuse, être l’expression vivante de la force de son gouvernement.

2283. (1884) Cours de philosophie fait au Lycée de Sens en 1883-1884

Quant à la beauté, c’est une question de savoir si on la doit ranger parmi les [mot grec] intellectuels ou sensibles. […] Le beau n’est pas le vrai : de grandes théories scientifiques assurément ne manquent pas de beauté. Mais cette beauté ne peut venir de la justesse du raisonnement, car bien des raisonnements justes, vrais par conséquent, n’ont rien de beau. […] Remarquons d’ailleurs que bien des formes de la beauté ne peuvent se ramener à la perfection ainsi entendue : tel est le sublime. […] Un paysage n’est pas beau par lui-même : ce qui fait sa beauté, ce qui le rend capable de devenir l’objet d’une émotion esthétique, ce sont les sentiments que ce paysage éveille en nous.

2284. (1891) Politiques et moralistes du dix-neuvième siècle. Première série

Cet artiste de Chateaubriand s’est avisé d’une invention un peu scandaleuse, qui était de faire adorer le christianisme pour sa beauté, comme si c’était un paganisme. […] Le prouver autrement, c’est le trahir. — Le prouver par la considération de ses « beautés », c’est montrer quelle place honorable il peut prendre parmi les différents paganismes qui ont amusé les hommes. — Le prouver par le pessimisme, c’est beaucoup plus le faire désirer que le faire croire ; c’est faire souhaiter qu’il soit vrai comme compensation juste et comme résolution satisfaisante des griefs que nous avons contre la nature ; ce n’est pas le démontrer, et c’est risquer de laisser le lecteur à mi-chemin, à savoir dans la conception d’un Dieu méchant, ou indifférent […] Mais le roman psychologique pur, s’il est peut-être la plus difficile des œuvres d’art et la plus périlleuse, par cela justement est aussi une des choses qui donnent l’idée de la beauté absolue. […] Et il demande, avec la force d’esprit, la finesse et la sûreté infaillibles du style, la loyauté, la droiture, la probité intellectuelle, la lucidité sévère de l’intelligence invincible aux piperies du cœur, une certaine pudeur aussi, qui est ici la mesure du goût ; en un mot, sinon une grandeur morale, du moins une distinction morale qui n’est pas commune. — Et tant de difficultés se tournent en autant de beautés quand elles sont vaincues, ou plutôt évitées avec aisance ; et, de tous ces mérites atteints sans effort, de tous ces obstacles surmontés sans qu’on les sente, de cette beauté singulière et rare, c’est encore Adolphe, dans toute notre littérature, qui nous donne l’idée la moins imparfaite.

2285. (1881) Le naturalisme au théatre

Pendant des mois, ils lisent au cercle que mademoiselle X… est une merveille de beauté et de talent. […] Vous amènerez encore une comédienne à draper ses épaules des haillons d’une mendiante, mais vous ne la déciderez jamais à se mettre en petite ouvrière, si elle a perdu le premier éclat de sa beauté, si elle sait que les robes pauvres l’enlaidissent. […] Un quatrième acte, d’une grande beauté ; Opimia est revenue se livrer, on la condamne, et Postumia la dispute à ses juges.

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