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1405. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Mémoires du général La Fayette (1838.) »

Malgré la défaveur qui s’attache à cet aveu dans un temps d’emphase générale et de flatterie humanitaire, il m’est impossible de n’en pas convenir : tant que nous n’aurons pas une humanité refaite à neuf, tant que ce sera la même précisément que tous les grands moralistes ont pénétrée et décrite, celle que les habiles politiques savent,  —  mais au rebours des moralistes, sans le dire,  —  il y aura témoignage, avant tout, d’intelligence à dominer par la pensée les conjonctures, si grandes qu’elles soient, à s’en tirer du moins et à s’en isoler en les appréciant, à démêler sous l’écume diverse les mêmes courants, à sentir jouer sous des apparences nouvelles, et qui semblent uniques, les mêmes vieux ressorts. […] Chez les hommes qui jouent un grand rôle historique, il y a plusieurs aspects successifs et comme plusieurs plans selon lesquels il les faut étudier. […] Dumouriez, qui n’avait joué jusqu’alors que des rôles subalternes, se montra fort supérieur à ce qu’on devait attendre de lui. […] Cela n’empêche pas qu’on ne l’ait vu, à un certain moment, mécontent de l’œuvre à laquelle il avait aidé ; il se crut joué, il se repentit.

1406. (1867) Cours familier de littérature. XXIV « CXLe entretien. L’homme de lettres »

Le second jour, il eut une joue gelée, et sans un bonnet de laine que lui prêta son compagnon, il y eût sans doute laissé ses deux oreilles. […] On voit qu’il joue avec le sentiment plus qu’il ne l’éprouve. […] La nuit même ne pouvait les séparer: elle les surprenait souvent couchés dans le même berceau, joue contre joue, poitrine contre poitrine, les mains passées mutuellement autour de leurs cous, et endormis dans les bras l’un de l’autre.

1407. (1904) Zangwill pp. 7-90

Cette affirmation que je fais emplira de stupeur, sincère, un assez grand nombre de braves gens qui modestement ; du matin au soir, jouent avec l’absolu, et qui ne s’en doutent jamais ; comment, diront-ils en toute sincérité, comment peut-on nous supposer de telles intentions ; nous sommes des petits professeurs ; nous sommes de modestes et d’honnêtes universitaires ; nous n’occupons aucune situation dans l’État ; nous sommes assez maltraités par nos supérieurs ; nous n’avons aucun pouvoir dans l’État ; nous ne déterminons aucuns événements ; nous sommes les plus mal rétribués des fonctionnaires ; nul ne nous entend ; nous poursuivons modestement notre enquête sur les hommes et sur les événements passés ; par situation, par métier, par méthode, nous n’avons ni vanité ni orgueil, ni présomption, ni cupidité de la domination ; l’invention des méthodes historiques modernes a été proprement l’introduction de la modestie dans le domaine historique. […] Eu Allemagne, je découvrais dans les regards mie expression de vague mélancolie ou de résignation inerte ; d’autres fois, l’œil bleu gardait jusque dans la vieillesse sa limpidité virginale ; et la joue rose des jeunes hommes, la vaillante pousse des corps superbes annonçait l’intégrité et la vigueur de la sève primitive. […] Dans sa grande franchise et netteté universitaire il passe d’un énorme degré les anticipations précautionneuses de Renan ; Renan ne donnerait pas prise à de tels reproches ; il ne donnerait pas matière à de telles critiques ; il ne donnerait pas cours à de tels ridicules : Renan n’était point travaillé de ces hypertrophies : lui-même il endossait trop bien le personnage de ses adversaires, de ses contradicteurs, de ses critiques éventuels ; toute sa forme de pensée, toute sa méthode, tous ses goûts, tout son passé, toute sa vie de travail, de mesure, de goût, de sagesse le gardaient contre de telles exagérations ; il n‘a jamais aimé les outrances, et, juste distributeur, autant et plus averti sur lui-même que sur les autres encore, il ne les aimait pas plus chez lui-même et pour lui-même qu’il ne les aimait chez les autres ; il aimait moins les outrances de Renan que les outrances des autres, peut-être parce qu’il aimait Renan plus qu’il n’aimait les autres ; comme Hellène il se méfiait des hommes, et des dieux immortels ; comme chrétien, il se méfiait du bon Dieu ; comme citoyen, il se méfiait des puissances ; et comme historien, des événements ; comme historien des dieux, et de Dieu, mieux que personne il savait comment en jouer, et quelles sont les limites du jeu ; il était un Hellène, un huitième sage ; il connaissait d’instinct que l’homme a des limites ; et qu’il ne faut point se brouiller avec de trop grands bons Dieux ; il s’était donc familièrement contenté de donner à l’humanité, à l’historien, les pouvoirs du Dieu tout connaissant ; il n’eût point mis à son temple d’homme un surfaîte orgueilleux et qui bravât la foudre. […] Rien de tel dans Taine ; Taine était un homme sérieux ; Taine n’était pas un homme qui s’amusait, et qui jouait avec ses amusements ; ce qui rend le cas de Taine particulièrement grave, et particulièrement caractéristique, et particulièrement important pour nous, et, comme on dit, éminemment représentatif, c’est que dans sa grande honnêteté universitaire il usurpe nettement les fonctions de création, et qu’il usurpe ces fonctions pour l’humanité présente avec une brutalité nette.

1408. (1928) Les droits de l’écrivain dans la société contemporaine

Mais ce n’est pas seulement par prudence que certains faux sages parlent ainsi à l’écrivain, c’est qu’ils ne comprennent pas le rôle profond que joue en général la correspondance. […] Les bibliophiles et les collectionneurs seraient alors « joués ». […] C’est alors que les marchands « jouent » sur le sens du mot « publication » : les collectionneurs, expliquent-ils, « ne sont, pas toujours sur place et ne peuvent pas examiner un article qu’ils recherchent. […] Je vais même plus loin : la rémunération de l’écrivain joue, en général, un rôle proportionnellement si faible21 que si, subitement, le « domaine public » était supprimé et tous les ouvrages classiques majorés 22 des droits d’auteur (c’est-à-dire de dix pour cent) en faveur des héritiers, le public remarquerait à peine cette hausse insignifiante, surtout depuis la guerre où les prix sont devenus tellement instables.

1409. (1882) Essais de critique et d’histoire (4e éd.)

Celui-ci, sortant de la question, va faire jouer la comédie. […] Ils jouaient aux osselets et étaient tous parés ; la plupart s’amusaient au dehors, dans la cour ; quelques-uns, dans un coin du vestiaire, jouaient à pair impair avec un grand nombre d’osselets qu’ils prenaient dans des corbeilles. […] Il avait appris à lutter, à jouer de la cithare, à chanter les vers des poètes, mais rien de plus. […] Sur le devant du théâtre, Bossuet, Boileau, Racine, tout le chœur des grands écrivains, jouaient la pièce officielle et majestueuse. […] Chaque siècle joue la sienne et fabrique un beau type : celui-ci, le chevalier ; celui-là, l’homme de cour.

1410. (1856) Leçons de physiologie expérimentale appliquée à la médecine. Tome II

Dans quelques-uns de ces cas, on observe sur la joue, au moment de la mastication, une rosée salivaire qui suinte en arrière de l’endroit obstrué, et quelquefois en assez grande abondance pour mouiller un linge en très peu de temps. […] Si l’on veut obtenir seulement une fistule salivaire coulant continuellement au dehors, il suffit de faire une incision sur la joue, de chercher le conduit de Sténon, de le mettre à nu, de le diviser. […] Dans ce cas, on perce toute la joue et l’on introduit dans la plaie un tube d’argent, à double rebord et ouvert à ses deux bouts, dont l’un communique au dehors, et l’autre dans l’intérieur de la bouche. […] a, glande massétérine du lapin vue par la face externe ; — b, b, mâchoire inférieure ; — c, nerf mentonnier ; — d, d, membrane muqueuse de la joue à laquelle adhère la glande. […] J’avais autrefois obtenu de la salive parotidienne chez des malades atteints de fistule ou plutôt de suintement de la salive parotidienne sur la joue, à la suite d’une obstruction du canal parotidien, et j’ai trouvé que cette salive qui suinte ainsi sur la joue ne transforme pas l’amidon en sucre.

1411. (1890) Les princes de la jeune critique pp. -299

Lemaître joue ainsi avec le lecteur comme avec une balle qu’il renvoie sans merci d’un côté à l’autre ; et quand il l’a bien ballotté, troublé, amené à ne savoir que penser, quel adieu croyez-vous qu’il laisse au pauvre homme ? […] C’est le rôle qu’il joue à l’égard de l’opinion courante ; il en prend le contre-pied. […] Mieux vaut papillonner autour des livres, jouer avec les idées, deviser à la Montaigne de tout et d’autre chose encore, voire même de l’ouvrage qu’on est censé juger. […] Conclusion à l’adresse des Français : Lisez Shakespeare ; ne le jouez pas, et surtout ne l’imitez pas ; demeurez ou redevenez vous-mêmes ! […] S’il me fallait désigner le plus habile à jouer, sur le thème de la pièce du jour, les variations les plus brillantes et les plus séduisantes, je nommerais Jules Lemaître.

1412. (1927) Les écrivains. Deuxième série (1895-1910)

Et j’ai encore dans l’oreille ces mots : « Avec ces iris que vous planterez, les pivoines qu’Hayashi m’enverra du Japon, cet hiver, et si Antoine joue La Faustin, me voilà heureux pour quelques temps ». […] … J’y ai pensé tout petit… à l’âge où les enfants jouent aux billes, moi, je jouais à l’académicien… Généreuse enfance et dont je me souviens avec attendrissement ! […] Et il ne fait que jouer sur les mots. […] Et le tour sera joué. » Nul doute que M.  […] L’ironie s’y jouait à l’aise et charmante et musicale, parmi les hautes spéculations de la littérature, de la philosophie et de la vie.

1413. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Note I. De l’acquisition du langage chez les enfants et dans l’espèce humaine » pp. 357-395

Entre ces deux états, il y a eu une transition insensible, difficile à démêler ; le premier état subsiste encore en certaines occasions, quoique le second soit établi ; parfois elle joue encore avec le son, quoiqu’elle en comprenne le sens. — Cela se voit très aisément pour d’autres mots ultérieurs, par exemple pour le mot kaka ; elle le répète encore souvent hors de propos, sans intention, en façon de ramage, dix fois de suite, au grand déplaisir de sa mère, comme un geste vocal intéressant, pour exercer une faculté nouvelle ; mais souvent aussi elle le dit avec intention, quand elle a besoin ; de plus, il est clair qu’elle en a changé ou élargi le sens, comme pour le mot bébé ; hier, dans le jardin, voyant deux petites places humides, deux traînées d’arrosoir sur le sable, elle a répété son mot, avec un sens, visible et voulu ; elle désigne par ce mot ce qui mouille. […] Va faire doudou à la dame (caresser de la main et tendre la joue).

1414. (1861) La Fontaine et ses fables « Deuxième partie — Chapitre II. Les bêtes »

Ses petits yeux brillants sous ses paupières ridées font deviner qu’elle pourra jouer au lièvre quelque bon tour. — La belette est « demoiselle. » Elle a le nez pointu, un long corsage ; c’en est assez pour lui mériter son titre, et La Fontaine ajoute, pour plus de sûreté, « l’esprit scélérat. » — Qui a mieux connu le vol de l’hirondelle, caracolant, frisant l’air et les eaux, attentive à sa proie, happant mouches dans l’air ?  […] Il ira jouer parmi le serpolet et la rosée, les oreilles dressées, le regard vif mais un peu niais, gambadant comme un écolier, passant la patte sur sa moustache naissante.

1415. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXIIe entretien. La Science ou Le Cosmos, par M. de Humboldt (1re partie). Littérature scientifique » pp. 221-288

On sentait en lui un homme digne d’étudier les hommes ; on sentait, dans l’autre, un artiste capable de leur faire jouer les rôles légers, divers, personnels d’une existence à tiroirs. […] Sur sa bouche se jouait un sourire qui lui était propre, à la fois bienveillant et sarcastique, comme une expression involontaire de la finesse et de la supériorité de son esprit.

1416. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXVe entretien. Fior d’Aliza (suite) » pp. 321-384

Hyeronimo avait ses guêtres de cuir serrées au-dessus du genou par ses jarretières rouges, son gilet à trois rangs de boutons de laiton, sa veste brune aux manches vides, pendante sur une épaule ; son chapeau de feutre pointu, bordé d’un ruban noir, qui tombait sur son cou brun et qui s’y confondait avec ses tresses de cheveux ; sa cravate lâche, bouclée sur sa poitrine par un anneau de cuivre, sa zampogne sous le bras gauche qui semblait jouer d’elle-même, comme si elle avait eu l’âme des deux beaux enfants dans son outre de peau. […] J’irai m’engager tous les étés dans les bandes de moissonneurs de la campagne de Sienne, et peut-être de Rome ; je travaillerai pour nous quatre, comme quatre ; le soir, pendant que les autres se reposeront, je jouerai de la zampogna pour les pèlerins ou les pèlerines des saintes du pays ; ou bien je ferai danser dans les noces des riches métairies de la plaine de Terracine, et je rapporterai bien assez de froment ou assez de baïoques (monnaie du pays) pour vous nourrir et vous chauffer le reste de l’année.

1417. (1895) Histoire de la littérature française « Seconde partie. Du moyen âge à la Renaissance — Livre I. Décomposition du Moyen âge — Chapitre I. Le quatorzième siècle (1328-1420) »

Cet adroit tisseur de rimes et enlumineur de mots fit de son mieux : il joua très doucement son rôle d’amoureux avec la belle Péronnelle d’Armentières : allant vers la soixantaine, borgne, goutteux, il fila sa passion patiemment, délicatement, sans oublier une attitude, une formule, une espérance, une inquiétude, jusqu’à ce que la jeune demoiselle fournît à toute cette fantaisie banale la banalité d’une conclusion réelle : elle se maria ; et Machault, désespéré dans les formes, s’accommoda spirituellement d’une bonne amitié. […] D’autres le virent à Avignon, la ville du schisme, qui sous ses papes d’abord, puis ses légats, demeure du xive au xvie  siècle une porte ouverte à la civilisation italienne sur la France encore brute et grossière : au xive surtout, pendant le schisme, Avignon mit en contact et mêla Français du Nord et du Midi, Florentins, Romains, venus les uns pour en arracher le pape, d’autres pour l’y maintenir, d’autres pour toutes les sollicitations, intrigues ou marchandages publics et privés : nos Français, pour peu qu’ils fussent lettrés, ne tirent jamais le voyage pour rien, quand même ils se laissaient jouer ou battre.

1418. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Figurines (Deuxième Série) » pp. 103-153

« Si bien que tu trouves finalement ton compte à te jouer des cendres de ta mère, et des dieux immortels et des astres silencieux. […] Et c’est pourquoi, parmi la banalité ou la hâte forcée des panégyriques que cette mort a suscités, il y a eu — chose rare en telle circonstance — de la tendresse, une émotion non jouée, des larmes ou, comme le disaient les Grecs, pères lointains d’Alphonse Daudet, « un désir de larmes ».

1419. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — CHAPITRE IX »

L’idéale blancheur de son teint s’était fondue, comme une neige, au feu de la fièvre ; les morbides rougeurs de l’épuisement rongeaient par places sa joue amaigrie. […] Il faut entendre les saillies en feu, les ironies électriques, les moqueries phosphorescentes qui se jouent sur l’écume du flot parisien, en, l’éclairant de mille lueurs mobiles.

1420. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Balzac » pp. 17-61

Plus tard, s’il avait vécu, il serait retourné pleinement à ce rire désabusé qui joue si bien dans les belles rides de la vieillesse. […] Mais en attendant ce résultat funeste, que la Critique doit montrer de loin à Gustave Doré pour qu’il s’efforce de l’éviter, il s’est rencontré que la manière du jeune artiste, de ce créateur, difficile à classer, qui se joue des formes en leur communiquant la vie, a trouvé son emploi le plus heureux dans les Contes drolatiques de Balzac.

1421. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Histoire de la Restauration, par M. Louis de Viel-Castel » pp. 355-368

Nous sommes avec un esprit sage, prudent, modéré, doué des qualités civiles ; il a ses préférences, ses convictions ; il ne les cache pas, il les professe ; mais nous sommes aussi avec un esprit droit qui ne procède point par voies obliques ; lui du moins, en écrivant l’histoire, il ne songe à faire de niches à personne (ce qui est indigne d’esprits éclairés et mûrs, ce qui fait ressembler des hommes réputés graves, des hommes à cheveux gris et à cheveux blancs, à de vieux écoliers malins tout occupés à jouer de méchants tours à leur jeune professeur) ; il ne pense pas sans cesse à deux ou trois choses à la fois, il ne regarde pas toujours le présent ou l’avenir dans le passé : il étudie ce passé avec scrupule, avec étendue et impartialité, et il nous permet de faire avec lui, ou même sans lui, toutes sortes de réflexions sur le même sujet.

1422. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Étude sur la vie et les écrits de l’abbé de Saint-Pierre, par M. Édouard Goumy. L’abbé de Saint-Pierre, sa vie et ses œuvres, par M. de Molinari. — II » pp. 261-274

» — On sait son mot à Mme Geoffrin qui, après une soirée passée entre eux deux en tête-à-tête, et où elle avait tiré de lui tout le parti possible, lui faisait compliment : « Je suis un mauvais instrument dont vous avez bien joué. » — Âgé de quatre-vingt-cinq ans et près de sa fin, il répondit à Voltaire qui lui demandait comment il considérait ce passage de la vie à la mort : « Comme un voyage à la campagne. » — Avec une suite de ces mots-là on ferait de lui un portrait agréable et un peu menteur.

1423. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « De la poésie en 1865. »

Et comme, dans la nuit, il est de pâle nues, Sur le front de la lune, en groupe, voltigeant, Mes rêves, emportés loin des routes connues, Se jouaient sur le bord de son croissant d’argent.

1424. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre XIII. Des tragédies de Shakespeare » pp. 276-294

La découverte de l’imprimerie a nécessairement diminué la condescendance des auteurs pour le goût national : ils pensent davantage à l’opinion de l’Europe ; et quoiqu’il importe que les pièces qui doivent être jouées aient avant tout du succès à la représentation, depuis que leur gloire peut s’étendre aux autres nations, les écrivains évitent davantage les allusions, les plaisanteries, les personnages qui ne peuvent plaire qu’au peuple de leur pays.

1425. (1861) La Fontaine et ses fables « Première partie — Chapitre I. L’esprit gaulois »

En Allemagne, je découvrais dans les regards une expression de vague mélancolie ou de résignation inerte ; d’autres fois, l’oeil bleu gardait jusque dans la vieillesse sa limpidité virginale ; et la joue rose des jeunes hommes, la vaillante pousse des corps superbes annonçait l’intégrité et la vigueur de la sève primitive.

1426. (1858) Cours familier de littérature. V « Préambule de l’année 1858. À mes lecteurs » pp. 5-29

« Il fallait vous servir contre nous de la force des révolutions quand vous l’aviez en main », nous disent aujourd’hui avec une amère ironie ces écrivains qui nous battent la joue de leur plume.

1427. (1892) Boileau « Chapitre III. La critique de Boileau. La polémique des « Satires » » pp. 73-88

Les personnalités qu’il fait ont scandalisé plus d’une bonne âme, comme Dalembert ou Voltaire : car ceux-ci, comme on sait, ont pratiqué largement le pardon des injures, et tendu toujours l’autre joue, selon la maxime de l’Évangile.

1428. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre III. Le naturalisme, 1850-1890 — Chapitre I. Publicistes et orateurs »

Ne pourrait-on pas dire qu’il a inventé une variété de monologue, le monologue à sujet littéraire, joué par l’auteur ?

1429. (1925) Méthodes de l’histoire littéraire « II  L’esprit scientifique et la méthode de l’histoire littéraire »

Gaston Paris, Messieurs, n’a jamais joué au Claude Bernard ni au Darwin : il a traité les problèmes philologiques par des procédés de philologue, et jamais œuvre n’a moins singé les gestes des sciences ni été plus imprégnée de l’âme de la science.

1430. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — B — Baudelaire, Charles (1821-1867) »

Sainte-Beuve En faisant cela avec subtilité, avec raffinement, avec un talent curieux et un abandon quasi précieux d’expression, en perlant le détail, en pétrarquisant sur l’horrible, vous avez l’air de vous être joué ; vous avez pourtant souffert, vous vous êtes rongé à promener vos ennuis, vos cauchemars, vos tortures morales ; vous avez dû beaucoup souffrir, mon cher enfant.

1431. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre IV. L’antinomie dans l’activité volontaire » pp. 89-108

Sur le rôle de frein joué par la volonté et particulièrement sur la portée sociale de ce rôle, Voir l’article du Dr Toulouse, intitulé : « Le frein » (Revue bleue du 18 juillet 1903).

1432. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Deuxième partie. Ce qui peut être objet d’étude scientifique dans une œuvre littéraire — Chapitre IV. Cause immédiate d’une œuvre littéraire. L’auteur. Moyens de le connaître » pp. 57-67

La conjecture, pourvu qu’elle soit donnée comme telle, y a sa place marquée ; elle y joue un grand rôle sous le nom plus savant d’hypothèse.

1433. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. James Mill — Chapitre III : Sentiments et Volonté »

., mais qui n’en jouent pas moins un rôle prépondérant ; ensuite un état de plaisir ou de douleur qui est l’élément affectif proprement dit ; enfin une idée, une connaissance ; car le phénomène sensible ne peut absolument point être séparé et détaché de toute connaissance : une douleur enveloppe l’idée de ce qui la cause, une émotion implique la connaissance de son objet.

1434. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Avertissement sur la seconde édition. » pp. 23-54

Elle apprendra de plus en plus à se défier des lumieres qui égarent l’esprit & alterent le sentiment ; à réprouver une morale où tout s’évapore en maximes, & livre l’ame à ses passions ; à distinguer ceux qui l’aiment & la servent, de ceux qui la dégradent & la jouent.

1435. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Cours de littérature dramatique, par M. Saint-Marc Girardin. (2 vol.) Essais de littérature et de morale, par le même. (2 vol.) » pp. 7-19

Tandis que d’autres jouent sur les antithèses de mots, M. 

1436. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « M. de Montalembert orateur. » pp. 79-91

Jamais, sous prétexte d’avoir mis son humilité, une fois pour toutes, aux pieds du Saint-Siège, un jeune talent d’orateur ne s’est passé plus en sûreté de conscience ses facultés altières, piquantes, ironiques, et n’a joué plus librement de l’arme du dédain.

1437. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre dixième. »

Voilà un de ces traits qui caractérisent un poète supérieur à son sujet ; nul n’a su s’en jouer à propos comme La Fontaine.

1438. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 4, de l’art ou de la musique poëtique, de la mélopée. Qu’il y avoit une mélopée qui n’étoit pas un chant musical, quoiqu’elle s’écrivît en notes » pp. 54-83

L’autre son qui s’appelle le son mélodique, est assujeti à des intervalles reglez, et c’est le son que forment ceux qui chantent ou qui executent une modulation, et qu’imitent ceux qui jouent des instrumens à vent ou des instrumens à corde. " Porphyre explique ensuite assez au long la difference qui se trouve entre ces deux especes de sons, après quoi il ajoute " voila le principe que Ptolomée établit au commencement de ses reflexions sur l’harmonie, et qui n’est autre que le principe enseigné generalement parlant par les sectateurs d’Aristoxéne. " nous avons déja dit qui étoit Aristoxéne.

1439. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XXII. La comtesse Guiccioli »

C’est l’arc-en-ciel à fixer qui est sur le gouffre ; l’arc-en-ciel qui attire la main après l’œil ; qui s’en joue et qui la désespère !

1440. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Buloz »

Dans ses ineffables Mémoires d’un Bourgeois de Paris, il a consacré une page à l’honnête typographe, comme il l’appelle, avec une suffisance de patron satisfait et cette familiarité flatteuse qui donne une petite tape sur la joue ou sur le ventre, selon le sexe et l’âge.

1441. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Sainte Térèse » pp. 53-71

on ne comprend plus, si l’on veut faire l’entendu à la manière humaine, si on la tire hors de son nimbe, cette tête divinement incompréhensible qui doit y rester, et qui se joue, de là, de l’observation scientifique et des proportions naturelles.

1442. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « VI. M. Roselly de Lorgues. Histoire de Christophe Colomb » pp. 140-156

C’était l’enfant gâté de la circonstance, lequel avait trouvé un monde sans le savoir et en faisant des fautes, comme ces enfants, qui jouaient, trouvèrent le télescope, en posant deux verres l’un en face de l’autre.

1443. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « VIII. M. de Chalambert. Histoire de la Ligue sous le règne de Henri III et de Henri IV, ou Quinze ans de l’histoire de France » pp. 195-211

Elle devait rester politique et se perdre à jouer ce triste jeu de raquette, d’équivoques, de juste-milieu, qui va de saint Louis à Henri IV, et qui dit : fils d’Henri IV contre les catholiques et fils de saint Louis contre les protestants !

1444. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « Le comte de Gasparin » pp. 100-116

Il ne réalise d’aucune façon la vieille définition connue du ministre protestant, qui joue au prêtre, mais qui ne peut pas en être un ; car la prêtrise est un sacrement.

1445. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « VIII. Du mysticisme et de Saint-Martin »

Gasner, Cagliostro, Mesmer, ces puissants jongleurs, se jouaient de l’imagination et des passions de l’Europe incrédule… folle d’un besoin de croire qu’elle avait voulu supprimer.

1446. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « IX. L’abbé Mitraud »

Sorte de harpe éolienne philosophique, qui donne des notes et ne joue pas d’airs !

1447. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Le père Augustin Theiner »

Quand on joue à ce jeu dangereux d’une responsabilité affrontée par l’éloge, on a de moins que les coupables et les indignes, — aux yeux de Dieu et des hommes, — les circonstances évanouies, ces circonstances qui n’innocentent jamais, mais qui, parfois, excusent.

1448. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Charles Monselet »

Si, en publiant Les Vignes du Seigneur, il a voulu montrer que lui aussi savait jouer avec le rhythme, qu’il en avait étudié les charnières et les jointures, et que la langue de la mesure lui était familière pour revêtir toute idée, si infime qu’elle pût être, il a certainement atteint son but : mais ce but vulgaire était-il digne d’un esprit comme le sien ?

1449. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Léon Gozlan » pp. 213-230

Il a cela qu’il est passionné, qu’il est éloquent, qu’il connaît la vie, qu’il l’a pénétrée et qu’il sait la faire jouer dans la moindre des facettes de ses œuvres les plus courtes ; de ces œuvres qui ressemblent souvent à des bagues et à des bijoux de femme, pour le travail dans l’exiguïté.

1450. (1889) Essai sur les données immédiates de la conscience « Conclusion »

Ou bien encore on dira que l’acte est déterminé par ses conditions, sans s’apercevoir que l’on joue sur le double sens du mot causalité, et qu’on prête ainsi à la durée, tout à la fois, deux formes qui s’excluent.

1451. (1912) Chateaubriand pp. 1-344

Enfin, ce fut tout au moins une manière de jouer assez dangereusement avec la mort. […] Au moment de partir, il les jouera, et les perdra, sauf quinze cents francs. […] Elle le questionne sur la France, sur la littérature, lui demande des plans d’études, traduit avec lui le Tasse et joue du piano pour lui. […] Je la retins par son voile… » Les étangs de Combourg ont fort bien pu voir quelque scène de ce genre, au temps où le frère et la sœur s’enivraient ensemble de solitude et de la pensée de la mort, peut-être le même jour où René jouait au suicide avec son vieux fusil à la détente usée. […] Des victoires éclatantes dues à la bravoure des Français l’environnaient de gloire. » Et ceci : « L’imagination le domine, et la raison ne le règle point… Il a quelque chose de l’histrion et du comédien ; il joue tout, jusqu’aux passions qu’il n’a pas », etc.

1452. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Première série

La rime alors ne joue qu’un rôle subordonné. […] Cet instrument délicat et puissant, il en joue avec une virtuosité qui ravit. […] Son goût de la régularité parfaite nous joue ou peut-être lui joue de ces tours. Sa passion en joue d’autres et aussi son goût du paradoxe, par lequel il est d’ailleurs si intéressant. […] Et peut-être aussi que les bons tours que la nature inférieure joue aux conventions sociales flattent l’instinct de rébellion et le goût de libre vie qu’apporte tout homme venant en ce monde.

1453. (1895) Nouveaux essais sur la littérature contemporaine

Il ne le jouait pas, en effet, — on le sait peut-être, — avec moins d’obstination que celui de soupirant. […] Ce qui revient à dire que les affaires humaines se déroulent ou se jouent, pour ainsi parler, entre les exagérations de l’individualisme et celles de son contraire. […] Mais nous savons assez qu’il a voulu jouer son rôle dans l’histoire politique de son siècle ; — et il l’a joué. […] Mais au lieu de se jouer à la superficie des choses, il attacha son observation aux drames éternellement humains, qui se jouent entre marquis et baronnes, comme entre couturières et mécaniciens. […] Car, si vous y songez, il n’y a pas de raison pour que les grands docteurs de la scolastique, un Duns Scot ou un Thomas d’Aquin, n’aient pas joué dans l’histoire des idées le rôle que la fortune réservait aux Descartes et aux Bacon.

1454. (1920) Essais de psychologie contemporaine. Tome I

Prendre au sérieux, presque au tragique, le drame qui se joue dans les intelligences et dans les cœurs de sa génération, n’est-ce pas affirmer que l’on croit à l’importance infinie des problèmes de la vie morale ? […] Leur analyse a, pour ainsi dire, joué à vide, au lieu que Constant fut un séducteur et un duelliste, un joueur et un politicien. […] Parmi ces voyageurs, les uns dorment, les autres causent, d’autres jouent aux cartes, d’autres lisent. […] C’est donc la pensée qui joue ici le rôle d’élément néfaste, d’acide corrosif, et qui condamne l’homme à un malheur assuré ; mais la pensée qui précède l’expérience au lieu de s’y assujettir. […] Ces précautions, notre âge moderne les ignore, persuadé qu’il est que l’homme vit seulement d’intelligence, et il joue avec la pensée comme un enfant avec un poison.

1455. (1866) Nouveaux essais de critique et d’histoire (2e éd.)

Le malheureux grand homme dut jouer bien des fois sa comédie de Mercadet avant de l’écrire. […] Vous jouez ici le mélodrame du Fils banni ? […] Un roi moderne qui voudrait bien jouer son personnage devrait toujours avoir leurs discours sur sa table. […] Elle s’emporte plus haut encore, et finit par jouer avec larmes une comédie religieuse. […] Un jour, à Saint-Cyr, la jeune fille qui jouait Esther, manqua de mémoire ; il s’écrie avec sa vivacité ordinaire : « Ah !

1456. (1889) La littérature de Tout à l’heure pp. -383

On a inventé de jouer à froid la grande passion. […] C’est un spectateur qui se mêle de jouer la comédie et qui la joue à merveille — sans génie. […] À coup sûr, s’ils ont des « instants de Poëte », ils jouent au baccarat ou fument des cigares, dans ces instants-là. […] Mais non : si vous ne savez « jouer un air », ne touchez pas à la harpe. […] Le rêve du poëte ne sait guère que se jouer avec des instruments sacrés, s’accouder à des missels, vêtir des chapes sur des surplis.

1457. (1902) Symbolistes et décadents pp. 7-402

Avant de prendre part de façon capitale au reportage contemporain (c’est lui qui imagina d’interviewer l’épicier du coin sur les incendies et accidents de son quartier) Tomel jouait les Musset, d’après les Nuits. […] On imita le duc des Esseintes ; il y donnait prise, il était hermétique et se jouait dans des teintes mourantes de cravates et de chaussettes ; il enseignait la préciosité, et tentait à dire rien avec pittoresque. […] Ceci dit, pour réduire à ses proportions exactes la responsabilité de Georges Vanor dans la comédie des erreurs qui se joua toujours, en ces temps lointains, à propos de nous. […] Laforgue choisit des personnages, et c’est Salomé, Andromède, Ophélie, le prince Hamlet, Pan, le socialiste Jean-Baptiste qui se jouent dans les événements, parmi les décors de rêves ou de réalité transposée. […] Il fit jouer, en collaboration avec M. 

1458. (1884) Cours de philosophie fait au Lycée de Sens en 1883-1884

Cette analyse de la passion nous permet de juger de sa valeur, du rôle utile ou nuisible qu’elle peut jouer. […] La réminiscence joue dans la vie un rôle très important. […] Cette espèce d’imagination joue un certain rôle dans les arts. […] Aussi cette faculté joue-t-elle un rôle de la plus grande importance dans les sciences. […] Chez l’enfant, l’instinct joue aussi un rôle qui diminue plus tard.

1459. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Eugène Gandar »

Assez jouer comme cela. — Gandar revint de la Grèce par l’Adriatique, Corfou, Trieste ; il traversa l’Allemagne, Vienne, Prague, Dresde, Munich. […] Du reste, il faut dire que le rôle d’Hamlet, ce rôle qui est toute la pièce, était joué d’une manière remarquable. […] J’aurais mieux aimé que tu entendisses hier soir cette spirituelle comédie de l’École de la Médisance, très joliment jouée à Hay-Market.

1460. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « M. de Rémusat (passé et présent, mélanges) »

Son esprit sortait du cadre et se jouait à droite et à gauche sur toutes sortes de sujets. […] Sûrement ici l’art et le bon sens, recommandés par Boileau même en chanson, jouent leur rôle, et surtout à présent que le style de ce petit poème doit être si travaillé et la composition si remplie. […] Il y a en un seul plusieurs hommes qui pensent, qui jouent, qui s’animent, qui se prennent à partie, qui se répondent, (chose plus rare !)

1461. (1902) Les poètes et leur poète. L’Ermitage pp. 81-146

Le maître qui joue avec les légendes des âges éteints est le même dont l’esprit visionnaire pressent les époques futures. […] Bien que Musset ne me donne pas au même degré d’intensité cette impression, presque physique, c’est peut-être lui qui est « mon poète » au sens où l’entend sans doute votre question, c’est à dire que c’est lui qui joue le mieux avec le clavier de mes sentiments. […] Avec une poésie adéquate à leur âme, d’autres merveilleux chanteurs ont sur des modes différents joué d’instruments véritablement personnels.

1462. (1904) Essai sur le symbolisme pp. -

… » Ainsi chaque école de jouer avec l’expression nature et de se renvoyer la balle. […] Des moindres bibelots dont notre rêve d’artiste aime s’entourer et qui forment autant de souvenirs vivants, fusera une note, et des motifs de symphonie spirituelle s’ajouteront les uns aux autres, transposant à leur manière, et musicalement nos émotions intérieures, pour finir en un vaste concert psychique où nos propres motifs seront joués. […] Il est besoin d’une telle délicatesse de doigté pour manier les rythmes polymorphes, que malgré de longues études musicales, je me déclare incapable de jouer sans faute la symphonie que j’ai dans l’âme : cette âme même est à ce point fluette, que j’ai pu sans difficulté la faire tenir en douze pieds.

1463. (1883) Le roman naturaliste

 » Et encore : « Ce fut l’occasion d’une cérémonie où l’eau et le savon jouèrent le principal rôle, et de laquelle la petite fille sortit avec une nouvelle beauté. […] Donnithorne, des chevaliers Donnithorne, prend un baiser sur la joue d’Hetty Sorel, qui soigne les poules et bat le beurre à la Grand’Ferme. […] Quelques grandes villes — qui ne sont pas la province — jouent le même rôle dans le rayon de leur influence. […] A la vérité, c’est d’autre part jouer un jeu bien dangereux que de préluder à l’art du romancier, comme George Eliot, par l’étude approfondie de la discipline hégélienne et comtiste. […] … A peine ai-je besoin d’ajouter qu’ainsi préparée la Faustin joue avec un succès tel qu’on n’en voit que dans les romans.

1464. (1895) Les confessions littéraires : le vers libre et les poètes. Figaro pp. 101-162

Et pour ceux de nos lecteurs qui ne se seraient pas initiés à « la surprise de style » de l’aimable poétesse, nous citerons ce sans doute gracieux petit fol Caprice, des Joies errantes :           Une petite Folle           Qui d’elle-même se rit              Comme une folle ; Une petite folle aux clochettes de passion,              Folle pour de bon ; Une façon plutôt bête de jouer son cœur              À pigeon vole, Car, je vous demande, comment tout cela         Pourrait devenir du bonheur. […] Jamais on ne joue Victor Hugo à la Comédie-Française sans faire salle comble. […] Du Plessys, aussi loin que la gloire te porte, Si loin que du vulgaire aille aussi mon chemin Menteuses ne joueront les cordes d’autre sorte Que je fais aujourd’hui selon le bruit thébain. […] ROYAUTÉ Le petit rêve de tes yeux peureux De s’être vus, dans ton miroir, si bleus ; La grande roseur de ta joue en fièvre D’avoir frôlé, dans ton miroir, tes lèvres ; La candeur de ta robe à rubans clairs Qui fait des ailes à ta jeune chair Et tout l’or vierge de tes grands cheveux Qu’on laisse, encor, sur ton épaule, joyeux, Te font si chastement le gai symbole De la douceur de toute la parole Que je t’ai feinte reine de cette heure Qui passe, au long des champs en fleurs.

1465. (1856) Le réalisme : discussions esthétiques pp. 3-105

Si la liberté du théâtre existait, nous ne verrions pas un Rouvrière obligé de jouer Hamlet devant des paysans, dans une grange, faisant sourire l’ombre du vieux Shakespeare, qui se croirait, au dix-neuvième siècle, à Londres, représentant ses pièces dans un bouge de la Cité. […] Courbet, fort de l’opinion publique, qui, depuis cinq ou six ans, joue autour de son nom, aura été blessé des refus du jury, qui tombaient sur ses œuvres les plus importantes, et il en a appelé directement au public ! […] « Je parierais, écrit-il à un ami en 1822, que, dans vingt ans, l’on jouera, en France, Shakespeare en prose. » Il y a de cela trente-trois ans, et, bien certainement, madame, nous n’aurons pas cette jouissance de notre vivant ; M.  […] À droite, une femme du monde donnant le bras à son mari vient visiter l’atelier, son petit garçon joue avec des estampes. […] Au fait, un nez rouge est plus amusant à voir que ces figures de papier mâché qui jouent un si grand rôle dans l’art idéaliste, et notre époque ne surabonde pas tellement de gens bien assurés de croire à n’importe quoi, qu’elle ait le droit de se montrer si prude à l’encontre des nouveaux venus, qui, à tous les doutes efflanqués, opposent si hardiment leurs affirmations rubicondes et carrées par la base.

1466. (1898) La poésie lyrique en France au XIXe siècle

Le front mâle et fier, la joue en fleur et qui gardait encore les roses de l’enfance, la narine enflée du souffle du désir, il avançait le talon sonnant et l’œil au ciel, comme assuré de sa conquête et tout plein de l’orgueil de la vie. » Et lui-même, Alfred de Musset, un peu plus tard, fatigué, lassé de beaucoup de choses, se revoit dans le passé tel qu’il était alors : Il était gai, jeune et hardi, Il se jetait en étourdi          À l’aventure. […] Elles ont un petit ressort, un joli petit ressort en diamant, fin comme la montre d’un petit-maître : le gouverneur ou la gouvernante fait jouer le ressort, et vous voyez aussitôt les lèvres s’ouvrir avec le sourire le plus gracieux, une charmante cascatelle de paroles mielleuses sort avec le plus doux murmure, et toutes les convenances sociales, pareilles à des nymphes légères, se mettent aussitôt à dansotter sur la pointe du pied autour de la fontaine merveilleuse. […] Ajoutez que cette petite pièce, en un acte et en vers, devait être jouée par une jeune actrice sur qui on ne fondait aucune espérance et dont on disait seulement qu’elle avait une voix assez agréable. […] Le malheur, c’est que, dans le même temps, et pendant qu’on jouait Pour la couronne à l’Odéon, de l’autre côté de la Seine, au Théâtre-Français, on jouait un autre drame où un père tuait son fils.

1467. (1891) Lettres de Marie Bashkirtseff

Comtesse Loris Mélikoff est là en attendant son mari qui joue au soldat en Asie. […] Elle a joué, cela va sans dire, comme personne, mais je critiquerai très fort son entourage. […] Du reste, elle a joué comme un ange. […] Pourquoi jouez-vous la comédie de me croire aveuglée et affolée de vanité ? […] Enfin je vais répondre à vos questions, ça avec une grande sincérité, car je n’aime pas me jouer de la naïveté d’un homme de génie qui s’assoupit après dîner en fumant son cigare.

1468. (1930) Le roman français pp. 1-197

La confession ne joue pas, dans la religion orthodoxe russe, le rôle qu’elle exerce chez nous : et cependant le roman russe, bien que d’une façon très différente du nôtre, est profondément psychologique. […] Pierre Louÿs est parvenu à déchiffrer des mémoires manuscrits — sur la période du second Empire, tout justement — très savamment cryptographiés, où tous les personnages s’appliquent à jouer l’un des rôles de la Comédie humaine. […] Une petite amie, Rarahu, qui n’est qu’une enfant, qui joue avec l’existence, et avec son amant, comme avec le chat qu’elle possède… Elle meurt, elle meurt comme Aziyadé, et c’est le seul fait notoire dans les deux romans. […] Des mots justes, inoubliables, d’une bonhomie gaie, bien germanique et lourde de sens, tel que celui du brave oncle colporteur à Jean-Christophe, qui joue devant lui, au piano, ses premières compositions ; « Pourquoi as-tu fait ça, mon petit Christophe ? […] Alors, dans cent mille ans, les riches ne seront plus que de petits bonshommes de quatre pieds de haut, passant leur vie à jouer gentiment et à faire l’amour.

1469. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME GUIZOT (NEE PAULINE DE MEULAN) » pp. 214-248

Jouez, jouez, âmes écloses ; Croyez au sourire des choses Qu’un matin d’or vient empourprer !

1470. (1859) Cours familier de littérature. VII « XXXIXe entretien. Littérature dramatique de l’Allemagne. Le drame de Faust par Goethe (2e partie) » pp. 161-232

Entrons à fond maintenant dans la pathétique horreur de ce drame, et voyons comment le poète allemand, qui a joué jusqu’ici avec la riante et naïve imagination, va torturer de la même main les fibres les plus sanglantes du cœur ! […] Il jouait avec l’amour, dans sa correspondance avec Bettina d’Arnim, jeune fille de dix-neuf ans, à laquelle il permettait de l’adorer sur son déclin ; il voulait mourir dans l’ivresse calme des illusions.

1471. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXXIIe entretien. Socrate et Platon. Philosophie grecque. Deuxième partie. » pp. 225-303

Mais nous ne jouons sur les mots que sur les théâtres forains ou triviaux de nos capitales : les Grecs d’alors jouaient sur le mot dans la chaire des philosophes et dans l’académie présidée par Platon.

1472. (1864) Cours familier de littérature. XVII « XCVIIIe entretien. Alfieri. Sa vie et ses œuvres (3e partie) » pp. 81-152

On ne joue pas de cette façon avec la douleur et les larmes ; on n’imite pas ainsi le désespoir. […] Et pendant que le sang coule à Paris, il joue à Florence ses rôles de tragédie.

1473. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLIVe entretien. Madame de Staël. Suite »

« Si notre âme n’est qu’une matière subtile, mise en mouvement par d’autres éléments plus ou moins grossiers, auprès desquels même elle a le désavantage d’être passive ; si nos impressions et nos souvenirs ne sont que les vibrations prolongées d’un instrument dont le hasard a joué, il n’y a que des fibres dans notre cerveau, que des forces physiques dans le monde, et tout peut s’expliquer d’après les lois qui les régissent. […] Il sera ici demain, quelle comédie jouera-t-il au début ?

1474. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 novembre 1886. »

C’est pour vous dire, ô Parisiens qui pensez à jouer quelque gîte pittoresque au bord de la mer ou en pleine campagne pour y passer agréablement le temps des vacances, de ne rien décider avant d’avoir lu le dernier numéro de la Revue wagnérienne française, paraissant à Paris vers le 8 de chaque mois. […] Dans la fameuse scène de la Gorge-du-Loup (1821), le compositeur ramène (sans parler des célèbres trilles ricanants et diaboliques des petites flûtes, de la chanson de Gaspard) les grandes secondes, jouées ici par les violons, des voix de femmes qui narguaient Max au début de l’œuvre.

1475. (1856) Mémoires du duc de Saint-Simon pp. 5-63

Sur le devant du théâtre, Bossuet, Boileau, Racine, tout le chœur des grands écrivains jouaient la pièce officielle et majestueuse. […] Chaque siècle joue la sienne et fabrique un beau type : celui-ci le chevalier, celui-là l’homme de cour.

1476. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Le président Jeannin. — II. (Suite.) » pp. 147-161

n’avaient assisté ni pris part à cette secrète prestation de serment : « Mais il était bien difficile, prétend Sully, qu’ils en fussent entièrement ignorants comme ils le voulurent feindre. » Malgré ce soupçon de Sully, il paraît bien que la surprise de Villeroi à Fontainebleau ne fut pas jouée.

1477. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Parny poète élégiaque. » pp. 285-300

. — Parny, dans ses trente dernières années, rima encore à ses moments perdus, joua beaucoup au whist, se maria, fut un homme de bonne compagnie, et il mourut au seuil de la vieillesse proprement dite, à soixante et un ans (5 décembre 1814).

1478. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « MADAME TASTU (Poésies nouvelles.) » pp. 158-176

L’art ne fait pas ici jouer les larmes sous toutes les couleurs du prisme : l’harmonie ne multiplie point les sanglots.

1479. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Le Brun »

Son pinceau maigre, quoique étincelant, joue d’ordinaire sur un fond abstrait ; il ne prend guère de splendeur large que lorsque le poëte songe à Buffon et retrace d’après lui la nature.

1480. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Chapitre III. De la vanité. »

Bientôt après le règne de la terreur, on voyait la vanité renaître, les individus les plus obscurs se vantaient d’avoir été portés sur des listes de proscriptions : la plupart des Français qu’on rencontre, tantôt prétendent avoir joué le rôle le plus important, tantôt assurent que rien de ce qui s’est passé en France ne serait arrivé, si l’on avait cru le conseil que chacun d’eux a donné dans tels lieux, à telle heure, pour telle circonstance.

1481. (1861) La Fontaine et ses fables « Première partie — Chapitre II. L’homme »

La Fontaine ne s’y ennuyait point, à ce qu’il paraît, car il y vécut jusqu’à trente-cinq ans sans souci, en bon bourgeois bien apparenté, qui a des fermes et pignon sur rue ; il jouait, aimait la table, lisait, faisait des vers, allait chez son ami Maucroix à Reims, y trouvait « bons vins et gentilles gauloises, friandes assez pour la bouche d’un roi. » De plus, il avait mainte affaire avec les dames du pays, même avec la lieutenante ; on en glosa ; il n’en devint pas plus sage.

1482. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Deuxième partie. Invention — Chapitre VII. Induction et déduction. — Diverses causes des faux raisonnements »

Mais quand on en déduit que l’égalité absolue, toute supériorité abolie avec toute distinction, toute propriété, toute autorité, que cette égalité-là doit régner dans la société humaine, le raisonnement est faux, et l’on joue sur le mot égalité.

1483. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Joséphin Soulary »

Voici une cheville d’une autre espèce : C’est là que nous vivions  Pénètre, Mon cœur, dans ce passé charmant   Je l’entendais sous ma fenêtre Jouer le matin doucement.

1484. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série «  Les femmes de France : poètes et prosateurs  »

Car si elles ont joué ce rôle, si elles ont eu cette influence, c’est qu’elles ont su se faire infiniment charmantes et séduisantes.

1485. (1766) Le bonheur des gens de lettres : discours [graphies originales] « Le Bonheur des gens de lettres. — Premiere partie. » pp. 12-34

Mais n’outrons rien, ceux qui ont le malheur d’être grands, peuvent être justes, modérés, sensibles, & indépendamment de leur nom, l’homme de Lettres se lie avec ceux qu’un même goût pour les Arts enflamme, & qui déposant l’appareil fastueux de leurs dignités, ne le reprennent qu’au moment où ils sont forcés d’aller jouer leur rôle sur la scene du monde.

1486. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre premier. La critique et la vie littéraire » pp. 1-18

Beaumarchais venait de faire jouer Eugénie ; c’était un début assez malheureux.

1487. (1911) La valeur de la science « Première partie : Les sciences mathématiques — Chapitre I. L’intuition et la logique en Mathématiques. »

Cela vous permettrait seulement de reconnaître que chaque coup a été joué conformément à ces règles et cet avantage aurait vraiment bien peu de prix.

1488. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre VI. Jean-Baptiste  Voyage de Jésus vers Jean et son séjour au désert de Judée  Il adopte le baptême de Jean. »

Les synoptiques font venir Jésus vers Jean, avant qu’il eût joué de rôle public.

1489. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XXI. Dernier voyage de Jésus à Jérusalem. »

Son harmonieux génie s’exténue en des argumentations insipides sur la Loi et les prophètes 970, où nous aimerions mieux ne pas le voir quelquefois jouer le rôle d’agresseur 971.

1490. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXVI » pp. 279-297

Elle se jouait de sa morgue, de sa sottise et de sa bassesse.

1491. (1765) Essais sur la peinture pour faire suite au salon de 1765 « Ce que tout le monde sait sur l’expression, et quelque chose que tout le monde ne sait pas » pp. 39-53

Si notre religion n’était pas une triste et plate métaphysique ; si nos peintres et nos statuaires étaient des hommes à comparer aux peintres et aux statuaires anciens : j’entends les bons, car vraisemblablement ils en ont eu de mauvais et plus que nous, comme l’Italie est le lieu où l’on fait le plus de bonne et de mauvaise musique ; si nos prêtres n’étaient pas de stupides bigots ; si cet abominable christianisme ne s’était pas établi par le meurtre et par le sang ; si les joies de notre paradis ne se réduisaient pas à une impertinente vision béatifique de je ne sais quoi qu’on ne comprend ni n’entend ; si notre enfer offrait autre chose que des gouffres de feux, des démons hideux et gothiques, des hurlements et des grincements de dents ; si nos tableaux pouvaient être autre chose que des scènes d’atrocités, un écorché, un pendu, un rôti, un grillé, une dégoûtante boucherie ; si tous nos saints et nos saintes n’étaient pas voilés jusqu’au bout du nez ; si nos idées de pudeur et de modestie n’avaient proscrit la vue des bras, des cuisses, des tétons, des épaules, toute nudité ; si l’esprit de mortification n’avait flétri ces tétons, amolli ces cuisses, décharné ces bras, déchiré ces épaules ; si nos artistes n’étaient pas enchaînés et nos poètes contenus par les mots effrayants de sacrilège et de profanation ; si la Vierge Marie avait été la mère du plaisir ; ou bien, mère de Dieu, si c’eût été ses beaux yeux, ses beaux tétons, ses belles fesses qui eussent attiré l’Esprit Saint sur elle, et que cela fût écrit dans le livre de son histoire ; si l’ange Gabriel y était vanté par ses belles épaules ; si la Magdelaine avait eu quelque aventure galante avec le Christ ; si aux noces de Cana le Christ entre deux vins, un peu non-conformiste, eût parcouru la gorge d’une des filles de noces et les fesses de saint Jean, incertain s’il resterait fidèle ou non à l’apôtre au menton ombragé d’un duvet léger : vous verriez ce qu’il en serait de nos peintres, de nos poètes et de nos statuaires ; de quel ton nous parlerions de ces charmes qui joueraient un si grand et si merveilleux rôle dans l’histoire de notre religion et de notre Dieu, et de quel œil nous regarderions la beauté à laquelle nous devrions la naissance, l’incarnation du Sauveur, et la grâce de notre rédemption.

1492. (1854) Préface à Antoine Furetière, Le Roman bourgeois pp. 5-22

Cependant, et l’Académie, et lui, ont joué à la bascule, comme les enfants, sans pouvoir convenir d’un équilibre qui leur aurait sauvé, à l’un et à l’autre, tant de mauvaises démarches dont le public se divertit. » 9 Ces deux témoignages, rapprochés de la dernière phrase de la lettre de Bussy, et de l’approbation de Bossuet10, sont la meilleure caution de Furetière et sa véritable oraison funèbre.

1493. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XXVI. La sœur Emmerich »

regardez les acteurs de ce drame qui se joua une fois sur la terre et dont le ciel fut spectateur, et jugez si la vision de notre Mystique ne nous les a pas reproduits, dans l’esprit éternel de leur personnage, quoique éclairés par mille côtés et mille détails que, pour des raisons de providence, l’Évangéliste avait laissés dans l’ombre.

1494. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Les Nièces de Mazarin » pp. 137-156

À côté de ces éclaircies, où le rayon se joue sous la plume dans la goutte de lumière qu’elle vient de verser, vous avez aussi des pages graves et fortes dans lesquelles l’historien remonte au niveau de son propre esprit et de son talent éprouvé.

1495. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « De Stendhal »

Il le fut de naturel, d’originalité, de clarté, de logique, poussant sa tartufferie jusqu’à la sécheresse, un Tartuffe qui commença par jouer sa comédie aux autres et qui devint, comme tous les Tartuffes, son propre bonhomme Orgon à, lui-même, punition ordinaire et bien méritée de tous ces menteurs !

1496. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « Stendhal » pp. 43-59

Il le fut de naturel, d’originalité, de clarté, de logique, poussant sa tartufferie jusqu’à la sécheresse ; un Tartuffe qui commença par jouer sa comédie aux autres, et qui devint, comme tous les Tartuffes, son propre bonhomme Orgon à lui-même, punition ordinaire et bien méritée de tous ces menteurs !

1497. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre VI. »

À part deux comédies, sous le titre de Phaon, l’une de Platon le poëte, l’autre d’Antiphane ; il part une comédie, la Leucadienne, par Ménandre, et une pièce d’Antiphane, le Leucadien, on joua dans Athènes six comédies de différents auteurs, portant toutes le titre de Sapho, et pleines d’allusions à sa gloire poétique et aux événements fabuleux ou vrais de sa vie.

1498. (1828) Introduction à l’histoire de la philosophie

Sans la réflexion, l’homme ne jouerait qu’un faible rôle dans l’aperception de la vérité ; il n’en prend bien possession, il ne se l’approprie que par la réflexion. […] Mais sur ce théâtre il faut ensuite que quelqu’un paraisse pour jouer la pièce : ce quelqu’un, c’est l’humanité. […] Voilà le théâtre préparé ; voilà ce globe merveilleusement arrangé et distribué pour recevoir celui qui est appelé à y jouer un si grand rôle. […] quel rôle y joue-t-il, et sous quel aspect la philosophie de l’histoire doit-elle le considérer ? […] La religion joue dans notre vie et dans la société un rôle immense, mais il y a autre chose encore.

1499. (1933) De mon temps…

D’ailleurs, il tenait l’affiche avec un plaisir visible de vanité qui n’allait pas, parfois, sans un certain agacement quand on l’obligeait à certaines scènes de son répertoire qu’il n’était pas en humeur de jouer. […] Y a-t-il occupation qui vaille celle de rester chez soi à se jouer du Mozart, à fumer des cigares en se dispersant en de vagues rêveries mi-chrétiennes, mi-nihilistes ? […] Il essaya une fois d’en transporter un épisode sur la scène, et il fît jouer au Théâtre Antoine une comédie dramatique : Le Meilleur parti. […] Je dois dire qu’elle assista sans broncher à ce découpage coûteux dont je dois avoir conservé ma part au fond de quelque tiroir avec le souvenir de cette soirée où Forain joua successivement du crayon et du couteau.

1500. (1907) Propos littéraires. Quatrième série

Il n’est pas prouvé qu’il joue avec la souris par méchanceté. […] Il a simplement indiqué que quelques esprits s’y jouent : mais il ne s’est pas formellement rangé parmi eux. […] Duplessis ne s’appellera jamais Duplessis-les-Tours, ou que du moins ce n’est pas à elle qu’il les jouera. […] On dut souvent le voir jouer sur le tapis avec Oscar ou tel autre de ses enfants. […] Dans une seconde édition il faudra réparer cela, comme il faudra n’y pas laisser que les jeunes filles de Saint-Cyr jouèrent si bien Esther qu’il fut décidé qu’elles ne la joueraient plus.

1501. (1894) La vie et les livres. Première série pp. -348

Cinq blessures : une joue perforée, une mâchoire démantelée, la poitrine enfoncée, un genou fracassé, sans compter d’autres écornures. […] Dauriac, qui s’ennuyait fort à bord de ce « rafiot » immobile, résolut, d’accord avec un de ses amis, le lieutenant de vaisseau Moreau, de jouer un bon tour aux Espagnols et aux Anglais. […] En attendant le mariage raisonnable, qui comblera ses déficits, il joue au rubicon avec les Français de passage et gagne invariablement. […] Avec elle, tandis qu’elle se prépare à jouer Béatrice, nous regarderons par le trou de la toile la salle éblouissante et bariolée. […] Comme Anakreon chanta Bathylle, Virgile Alexis, et Shakespeare le jeune comédien qui joua Rosalinde et Juliette, Méléagre aima Myïskos, et d’autres encore.

1502. (1894) Les maîtres de l’histoire : Renan, Taine, Michelet pp. -312

C’est là le seul rôle que pouvait jouer Michelet. […] Plus tard, au Collège de France, il se méprit même, à ce qu’il semble, sur le rôle qu’il était appelé à jouer. […] Mais il n’exagérait point son mérite, n’occupait pas le public de sa personne, et surtout avait la sagesse de ne pas se croire appelé à jouer tous les rôles et à déployer tous les talents. […] La politique n’a joué qu’un rôle très secondaire dans la vie d’Ernest Renan, aussi n’ai-je pas cru devoir insister sur les sentiments qu’ont pu lui inspirer les révolutions de 1848 et 1850. […] Il écrivait le 14 janvier 1852 : « J’aurais, je crois (après le 2 décembre), définitivement et à tout jamais, répudié le suffrage universel, qui nous a joué cet effroyable tour.

1503. (1905) Promenades philosophiques. Première série

Jouer au billard ou manier l’ergographe, courir en bicyclette ou creuser un puits seront des manières équivalentes d’exercer ses muscles. […] Jouer aux jonchets, jouer aux batailles, c’est la même chose. […] Le jansénisme, comme le calvinisme, joue à pile ou face le salut éternel des hommes : mais c’est Dieu qui agile les dés, et ils sont pipés. […] Albalat croit que Pascal joue avec les mots, que sa pensée dépend des mots, et qu’un nouveau degré de condensation en augmenterait beaucoup la valeur. […] Nyrop explique ensuite comment le pédantisme a augmenté un désaccord historiquement normal : « L’archaïsme voulu, conscient, a joué un très grand rôle dans la formation de l’orthographe française.

1504. (1774) Correspondance générale

Ils se sont distribué les rôles entre eux et ils ont joué sans que je m’en sois mêlé. […] J’ai fait une comédie dans un genre assez particulier et qui ne peut être jouée en France, parce que le protestantisme en est la base, et que c’est proprement la tolérance mise en action. […] Et elle ne voit pas qu’elle joue le jeu le plus funeste au bonheur de quatre personnes ; j’y mets le vôtre, car si je deviens fou, la tête vous en tournera. […] Si quelqu’un nous a trompés, il n’y a plus de fonds à faire sur les amis ; si quelqu’un a joué à notre égard un rôle de fausseté, adieu les amours. […] Imprimé en 1767, il fut joué en province, mais l’auteur ne put obtenir de le faire représenter à Paris.

1505. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre I. Les origines. — Chapitre III. La nouvelle langue. » pp. 165-234

L’amour semble infini en ce temps ; il joue avec la mort, c’est qu’il fait toute la vie ; hors de la vie supérieure et délicieuse qu’il enfante, il semble qu’il n’y ait plus rien. […] D’autres traits sont encore plus gais : voici venir la vraie littérature gauloise, les fabliaux salés, les mauvais tours joués au voisin, non pas enveloppés dans la phrase cicéronienne de Boccace, mais contés lestement et par un homme en belle humeur200. […] Le cuisinier s’endort sur sa bête, et on lui joue de mauvais tours.

1506. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCIVe entretien. Alfred de Vigny (1re partie) » pp. 225-319

. — Ne jouez pas, je vous en prie, Rachel. […] toute cette comédie est jouée : j’en commence une autre avec moi-même. — Il faut, à cette heure, que ma volonté soit assez forte pour saisir mon âme, et l’emporter tour à tour dans le cadavre ressuscité des personnages que j’évoque, et dans le fantôme de ceux que j’invente ! […] Les divertir ou leur faire pitié ; faire jouer de misérables poupées, ou l’être soi-même et faire trafic de cette singerie !

1507. (1888) Journal des Goncourt. Tome III (1866-1870) « Année 1867 » pp. 99-182

Ce n’est plus une pièce qu’on joue, c’est la célébration d’une sorte de messe devant un public de dévots. […] ressemble à un commodore joué par Odry, avec ses cheveux et ses favoris lui mangeant la figure à la façon de deux perruques, avec ses yeux de taupe, ses cravates de Mazulipatam ; et les bijouteries qui le sillonnent, en serpentant, font de lui comme le Laocoon des chaînes de montre. […] Nous prenons l’omnibus pour Royat, un coin de Suisse, gâté et violé par une école de tapins qui jouent du tambour sous les châtaigniers, et par l’horreur d’un dimanche auvergnat.

1508. (1857) Cours familier de littérature. IV « XXIIe entretien. Sur le caractère et les œuvres de Béranger » pp. 253-364

Il faut dire aussi, à la gloire du poète des révolutions, que son talent, d’abord badin et moqueur, grandit avec les circonstances, et qu’après avoir joué avec l’opinion il finit par frémir avec elle ; la passion publique le trouva à la hauteur de ses colères. […] Ce drapeau payait à la France Tout le sang qu’il nous a coûté ; Sur le sein de la Liberté Nos fils jouaient avec sa lance. […] Elles expliquent la profonde tristesse civique qui saisit Béranger quand, à la place de l’unanime et patriotique enthousiasme qui soulevait le peuple et l’Assemblée nationale au-dessus de terre en 1848, il vit l’Assemblée législative jouer, comme une assemblée d’enfants en cheveux blancs, à l’utopie, à la Terreur, à la Montagne, à la réaction, à l’orléanisme, au militarisme, à l’anarchie, à tous les jeux où l’on perd la liberté, la dignité, l’ordre social et la patrie.

1509. (1809) Tableau de la littérature française au dix-huitième siècle

Ce point de vue lui sembla d’autant plus indiqué, que jamais les lettres n’avaient, en apparence, joué un si grand rôle ; que jamais on ne leur avait imputé une action si puissante. […] Sans parler des obstacles que peut présenter la langue, sous le rapport de la syntaxe et de l’harmonie, il faut observer que la poésie joue, parmi nous, un tout autre rôle que chez les anciens. […] Cette méthode de jouer la comédie avec les enfants, pour leur enseigner comment on doit se conduire dans la vie, qui est toute réelle, a été adoptée par les nombreux instituteurs qu’a vus éclore la fin de ce siècle. […] Dans les temps civilisés, écrire devient un métier distinct de la vie habituelle ; c’est un rôle que l’on joue à de certains moments seulement, et que l’on quitte dès qu’on a rempli sa tâche. […] Au milieu des crimes et des calamités publiques, la littérature ne put jouer qu’un rôle bien secondaire.

1510. (1860) Cours familier de littérature. IX « LIIe entretien. Littérature politique. Machiavel » pp. 241-320

Un mari dupe de lui-même et une jeune femme innocente y sont joués et corrompus par l’intrigue d’un amoureux et d’un moine, dans un imbroglio et dans un dialogue dignes de Boccace. […] Ainsi on le voit, à ce retour de Rome, en correspondance avec son célèbre contemporain Guicciardini sur des représentations de la Mandragore, que Guicciardini veut faire jouer à Modène.

1511. (1865) Cours familier de littérature. XX « CXVIe entretien. Le Lépreux de la cité d’Aoste, par M. Xavier de Maistre » pp. 5-79

V Il avait environ vingt ans ; ses cheveux, secoués sur son front comme par un coup de vent perpétuel, formaient d’un côté de la tête une masse ondoyante et ruisselante le long de sa joue ; la ligne de ce front était longue, droite, renflée seulement par les deux lobes de la pensée. […] Maman avait été assez liée avec elle pour connaître son caractère : ayant très innocemment inspiré du goût à quelqu’un sur qui Mme de Menthon avait des prétentions, elle resta chargée auprès d’elle du crime de cette préférence, quoiqu’elle n’eût été ni recherchée ni acceptée ; et Mme de Menthon chercha depuis lors à jouer à sa rivale plusieurs tours, dont aucun ne réussit.

1512. (1869) Cours familier de littérature. XXVII « CLVIIIe Entretien. Montesquieu »

Voltaire assure que Montesquieu parvint à faire lire au cardinal un exemplaire particulier des Lettres persanes soigneusement revu et purgé, ad usum Delphini, en quelque sorte ; Voltaire attribue à Montesquieu un tour qu’il eût été bien capable de jouer, lui, Voltaire, en pareil cas ; mais on pense généralement que Montesquieu le prit de plus haut ; qu’il menaça fièrement de s’exiler, et que l’amitié du maréchal d’Estrées adoucit les scrupules du cardinal Fleury. […] La famille de Robert a raconté le reste. » VI Nous avons eu la curiosité de lire le drame composé sur ce sujet, par Joseph Pilhes, de Tarascon, en 1784 ; ce drame est médiocre, et le nom de Montesquieu, changé en celui de Saint-Estieu, produit un effet assez ridicule ; cependant il a dû faire couler des larmes, surtout pendant la révolution où il se jouait encore, et où les pièces dans lesquelles triomphaient l’humanité et la nature, réussissaient d’autant plus que l’époque était plus terrible et plus agitée.

1513. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre III. Les grands artistes classiques — Chapitre VI. Bossuet et Bourdaloue »

Il expliquait avec pénétration le mécanisme abstrait des passions, des instincts, de l’égoïsme humain, et il crut toujours aux hommes : qui voulut le jouer, le joua.

1514. (1890) L’avenir de la science « X » pp. 225-238

Il faut le dire : l’arbitraire n’ayant pu jouer aucun rôle dans l’invention et la formation du langage, il n’est pas un seul de nos dialectes les plus usés qui ne se rattache par une généalogie plus ou moins directe à un de ces premiers essais qui furent eux-mêmes la création spontanée de toutes les facultés humaines « le produit vivant de tout l’homme intérieur » (Fr.  […] Ce serait sur ce fond permanent qu’il faudrait faire jouer les individus.

1515. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre II. Prière sur l’Acropole. — Saint-Renan. — Mon oncle Pierre. — Le Bonhomme Système et la Petite Noémi (1876) »

Vous m’enlevez un véritable poids de dessus le cœur. » Elle joua ainsi pendant deux ans avec la guillotine, et ce fut miracle si elle y échappa. […] Nous ne pouvions jouer ensemble ; ils m’appelaient mademoiselle ; il n’y avait taquinerie qu’ils ne me fissent.

1516. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre deuxième. L’émotion, dans son rapport à l’appétit et au mouvement — Chapitre quatrième. Les émotions proprement dites. L’appétit comme origine des émotions et de leurs signes expressifs. »

Cette loi joue dans l’expression un rôle capital. […] elle rampe et se brise comme en agonie, si on crispe une feuille de métal, bien que le son soit alors si faible que nous l’entendons à peine ; elle danse en cadence une valse jouée par un instrument ; enfin elle bat la mesure au tic-tac d’une montre.

1517. (1888) La critique scientifique « La critique scientifique — Analyse sociologique »

Nous avons pris le réalisme et le roman comme bases de notre raisonnement, car ces cas sont ceux où le caractère individuel, les facultés, les capacités du lecteur paraissent réduits à jouer le moindre rôle. […] L’organisation mentale d’un lecteur admiratif ne saurait être absolument semblable mais seulement analogue à celle de l’auteur qui lui plaît ; il est probable que la ressemblance sera purement générale, et il est possible que les facultés par lesquelles elle a lieu ne jouent dans l’existence du lecteur qu’un rôle subordonné.

1518. (1856) Cours familier de littérature. I « Ier entretien » pp. 5-78

Ils étaient tous les trois, dans des mesures diverses et pour des causes différentes, ennemis du despotisme militaire qui avait succédé à l’anarchie de la Révolution, et qui pesait alors sur les esprits plus encore que sur les institutions : mon père, par attachement chevaleresque aux rois de sa jeunesse, pour lesquels il avait versé son sang et joué sa tête ; M. de Vaudran, par amertume d’une situation élevée conquise par ses talents, perdue dans l’écroulement général des choses ; l’abbé Dumont, par ardeur pour la liberté dont il avait déploré les excès dans sa première jeunesse, mais dont il s’indignait maintenant de voir la respiration même étouffée en lui et autour de lui. […] » Je balbutiai timidement quelques vagues paroles d’excuse sur l’étourderie de mon chien et sur mon indiscrétion involontaire, et je me préparais à me retirer ; mais son chien, lassé de sa solitude et qui jouait déjà avec le mien dans les hautes mauves, prolongeait accidentellement ma présence dans le jardin.

1519. (1856) Cours familier de littérature. I « VIe entretien. Suite du poème et du drame de Sacountala » pp. 401-474

L’enfant joue avec de petits lionceaux, malgré les reproches de deux jeunes filles du monastère qui s’efforcent de le faire obéir à leur voix. […] On n’en doute plus quand on voit que les différents modes de musique ou de danse, qui jouent un si grand rôle dans les cérémonies sacrées et dans l’instruction publique, étaient censées avoir été apportées du ciel aux hommes par les dieux.

1520. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre XIV : Récapitulation et conclusion »

Sans nul doute, l’habitude joue quelquefois un rôle dans les modifications des instincts ; mais elle n’est certainement pas indispensable, comme le prouvent les insectes neutres, qui ne laissent aucune progéniture pour hériter des effets d’une longue habitude. […] Mais le défaut d’exercice des organes, de même que la sélection, n’agit sur les individus que lorsqu’ils sont parvenus à maturité, c’est-à-dire à l’époque où ils sont appelés à jouer tout leur rôle dans la concurrence vitale, et n’a au contraire que peu d’action sur les organes des jeunes sujets.

1521. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Duclos. — III. (Fin.) » pp. 246-261

Mme Guizot (Pauline de Meulan) a touché ce point comme il convient, avec discrétion et sagacité63 : il est à la rigueur possible, pense-t-elle, que dans cette grande comédie que jouèrent habituellement les uns envers les autres, et quelquefois envers eux-mêmes, la plupart des personnages du xviiie  siècle, Duclos ait pris pour son rôle celui d’un bourru redouté, emporté au-dehors, habile et assez modéré en dedans.

1522. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Ramond, le peintre des Pyrénées — II. (Suite.) » pp. 463-478

Ramond, le thaumaturge était encore parvenu à lui cacher une partie des ressorts qu’il faisait jouer.

1523. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Questions d’art et de morale, par M. Victor de Laprade » pp. 3-21

C’est jouer de malheur, quand on admire si fort Platon, que de le dédoubler pour laisser de côté la charmante ironie de Socrate.

1524. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Lettres de Madame de Sévigné »

Elle plaisante, il joue, il a provoqué le jeu et il se fâche.

1525. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Les Contes de Perrault »

on n’a pas besoin d’avoir cinquante ans pour jouer en perfection de la flûte et pour s’accompagner de la voix sur la harpe ou la lyre ; à quinze ans, on fait cela bien mieux et plus purement, surtout quand on est de la plus favorisée et de la plus fine des races humaines.

1526. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Souvenirs d’un diplomate. La Pologne (1811-1813), par le baron Bignon. »

Appelé à Bayonne à la fin d’avril 1808 et invité à y rester pendant tout le séjour qu’y fit Napoléon, M. de Senfft assiste au drame espagnol qui s’y joue ; il fait des portraits plus ou moins ressemblants des principaux personnages qu’il a sous les yeux.

1527. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Le comte de Clermont et sa cour, par M. Jules Cousin. (Suite.) »

Il raconte, de son ton caustique, comment le prince le consulta un jour sur une pièce dont il se croyait bonnement l’auteur pour en avoir donné ou changé quelques mots, et qui était d’un gentilhomme de sa maison : « Quand cette comédie a été achevée, nous dit Collé, Son Altesse l’appela simplement noire pièce, et il finit par l’appeler ma pièce, en sorte qu’elle a été jouée autant sous le titre de la pièce du prince que sous celui de Barbarin. » Le prince en reçut des compliments de tout le monde, y compris ceux de ce sournois de Collé, avec le même aplomb que Louis XVIII se laissait louer et admirer à bout portant pour un mot de Beugnot.

1528. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Le comte de Clermont et sa cour, par M. Jules Cousin. (Suite et fin.) »

Mlle Leduc y joue son rôle, et il est dit du comte de Clermont : « Il a eu d’elle beaucoup d’enfants ; il lui donna dans un accès de jalousie un coup de canif dans le front, et il la fit marquise. » Ses coups de canif, à elle,  on ne les compte pas. — Le beaucoup d’enfants se réduit à deux que la dame lui a donnés ou prêtés.

1529. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Essai sur Talleyrand »

On voit que l’évêque d’Autun savait, lui aussi, jouer, quand il le fallait, du bréviaire du coadjuteur ou des burettes de l’abbé Maury.

1530. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « GLANES, PÖESIES PAR MADEMOISELLE LOUISE BERTIN. » pp. 307-327

Faut-il dire à cet enfant qui joue quelque chose de cet avenir qu’on sait pour lui et qu’il ignore ?

1531. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre I. Littérature héroïque et chevaleresque — Chapitre IV. Poésie lyrique »

Leur affaire est de jouer avec des idées : jeu bien français.

1532. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre VII. L’antinomie pédagogique » pp. 135-157

La pédagogie aspire ouvertement à l’hégémonie sociale : tout au moins veut-elle jouer (après la Presse) le rôle d’un cinquième pouvoir de l’État.

1533. (1890) L’avenir de la science « XII »

Les parties qui se sont trouvées éliminées ont-elles été inutiles et n’ont-elles joué aucun rôle dans l’acte de sa nutrition ?

1534. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XXIV. Arrestation et procès de Jésus. »

Le procurateur se voyait avec un suprême déplaisir amené à jouer en cette nouvelle affaire un rôle de cruauté, pour une loi qu’il haïssait 1128.

1535. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Deuxième partie. Ce qui peut être objet d’étude scientifique dans une œuvre littéraire — Chapitre II. L’analyse interne d’une œuvre littéraire » pp. 32-46

Ici ce sera une harmonie douce, berceuse, un peu monotone et assoupissante, pareille au murmure des vagues qui expirent sur la plage ou au souffle du vent qui se joue dans les branches ; telle vous la trouverez dans les vers de Lamartine.

1536. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XIX. Cause et loi essentielles des variations du gout littéraire » pp. 484-497

Théophile Gautier et d’autres, restés au second plan dans l’époque précédente, jouent ce rôle d’hommes de transition.

1537. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre XI. Quelques philosophes »

Mais il va bientôt, de lion destructeur devenu un enfant qui joue « le jeu divin de la création », forger au monde et à l’individu des chaînes aussi lourdes que les anciennes.

1538. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Madame Récamier. » pp. 121-137

Ève est dans cet extrême moment d’innocence où l’on joue avec le danger, où l’on en cause tout bas avec soi-même ou avec un autre.

1539. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Marie-Antoinette. (Notice du comte de La Marck.) » pp. 330-346

Elle pouvait aimer comme elle faisait la liberté des entretiens et des jeux, la familiarité des intérieurs ; elle pouvait jouer à la vie de bergère ou de femme à la mode, il lui suffisait de se lever, de reprendre en un rien son air de tête : elle était reine.

1540. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Saint Anselme, par M. de Rémusat. » pp. 362-377

Tous ces doutes, toutes ces incertitudes et ces humilités qui, chez d’autres, pouvaient être jouées et peu sincères, étaient dans la nature même d’Anselme.

1541. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre deuxième. L’émotion, dans son rapport à l’appétit et au mouvement — Chapitre troisième. L’appétition »

Par exemple, lorsqu’un enfant désire jouer, qu’est-ce qui constitue l’impulsion intérieure par laquelle il est entraîné, et que Spencer, en somme, n’explique pas ?

1542. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre cinquième. Principales idées-forces, leur genèse et leur influence — Chapitre troisième. L’idée-force du moi et son influence »

On se rappelle le rôle que joue, dans la morale de Kant, ridée du moi intelligible, qui n’est vraiment, selon Kant lui-même, qu’une conception problématique, un noumène impossible à vérifier.

1543. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Seconde Partie. De l’Éloquence. — Éloquence de la chaire. » pp. 205-232

Il se faisoit un plaisir de rassembler des oratoriens & des jésuites à sa maison de campagne, & de les faire jouer ensemble.

1544. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre premier. Considérations préliminaires » pp. 17-40

Encore cela n’aurait pas suffi, s’il n’eût pas commencé par jouer avec soin le rôle d’un restaurateur des doctrines sociales.

1545. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Lawrence Sterne »

On roula sur un tas d’ossements, comme l’autre, cette nouvelle tête d’Yorick, de ce pauvre bouffon d’Yorick, dans laquelle avaient fleuri tant de pensées joyeuses et tendres, et ce ne furent pas les fossoyeurs de Shakespeare qui jouèrent à la boule avec cette tête de génie, ce furent, avec leurs mains sanglantes, des chirurgiens !

1546. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre VI : M. Cousin philosophe »

On va voir jouer le mécanisme intérieur que nous avons décrit.

1547. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXXVIII et dernier. Du genre actuel des éloges parmi nous ; si l’éloquence leur convient, et quel genre d’éloquence. »

On ne joue pas plus la sensibilité dans les ouvrages que dans le commerce de la vie.

1548. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre V. La Renaissance chrétienne. » pp. 282-410

Les évêques distribuent des bénéfices à leurs enfants encore tout jeunes ; « le saint père prieur de Maiden Bradley n’en avait que six, dont une fille déjà mariée sur les biens du monastère. » — … Dans les couvents « les moines boivent après la collation jusqu’à dix heures ou midi, et viennent à matines, ivres… Ils jouent aux cartes, aux dés… Quelques-uns n’arrivent à matines que quand le jour baisse, et encore seulement par crainte des peines corporelles. » Les visiteurs royaux trouvaient des concubines dans les appartements secrets des abbés. […] On les enferme en différentes abbayes ; ils y seront nourris d’aumônes et travailleront pour mériter qu’on les nourrisse ; ils paraîtront avec un fagot sur l’épaule au marché et à la procession du dimanche, puis dans une procession générale, puis au supplice d’un hérétique ; ils jeûneront au pain et à l’eau tous les vendredis de leur vie, et porteront une marque visible sur leur joue. […] Devenu chapelain de Henri VIII, si terrible que fût le roi, si petit qu’il fût lui-même, il osa lui écrire librement pour arrêter la persécution qui commençait et empêcher l’interdiction de la Bible ; certainement il jouait sa vie. […] Au bout de sept ans, nos dents tombent et meurent avant nous : c’est le prologue de la tragédie ; et à chaque fois sept ans, on peut bien parier que nous jouerons notre dernière scène. […] Il reprit sa balle, se remit à jouer avec fureur, et jura plus haut et plus souvent que jamais.

1549. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) «  Chapitre treizième.  »

Et si quelque chose peut prouver que le dauphin valait mieux que le rôle que lui fit jouer la jalouse grandeur de son père, c’est que Bossuet l’ait jugé de force à lire les ouvrages qu’il écrivait pour lui. […] Si ce n’était pas trop de l’esprit de Fénelon pour se jouer sur cette lame, ce n’était pas assez d’une vertu ordinaire pour ne pas glisser du quiétisme des honnêtes gens dans les désordres de Molinos. […] Ce fut un autre tort de la doctrine du pur amour d’avoir pour champion le protecteur de Pradon contre Racine, le duc de Nevers, qui avait loué les deux théâtres où se donnaient les deux Phèdres, afin de remplir la salle où se jouait la pièce de Pradon et de tenir vide celle où se jouait la Phèdre de Racine.

1550. (1888) Poètes et romanciers

Ces strophes alternées, où se jouent le plaisir et les gracieux amours, où soupirent la tristesse grave et les hautes curiosités de l’âme, ont tour à tour un charme et une puissance d’accent dont l’effet est irrésistible. […] La nature, splendide dans la plupart de ses créations, semble s’être jouée, par une sorte d’ironie, à créer des monstres. […] Ils sont sortis du grand vestiaire où l’esprit revêt la chair, et, splendides histrions, ils jouent l’énorme comédie de l’éternité. […] Arrêté comme fédéraliste, relâché, après plusieurs mois de captivité, le lendemain du 9 thermidor, il finit par jouer à Paris un certain rôle à la fois comme agioteur et banquier des conspirations royalistes. […] Sans doute il nous a donné la preuve éclatante qu’il excelle à se jouer des plus grandes difficultés de la versification.

1551. (1922) Gustave Flaubert

Tout le long du voyage, les deux amis se jouèrent une comédie où l’un faisait le personnage d’un cheik grotesque, et dont la Correspondance nous donne quelques vagues scénarios. […] « Emportez-moi, tempêtes du Nouveau Monde qui déracinez les chênes séculaires et tourmentez les lacs où les serpents se jouent dans les flots… Oh ! […] je suis en écrivant ce livre comme un homme qui jouerait du piano avec des balles de plomb sur chaque phalange. […] Son seul contact avec les planches se fit par le Candidat, joué au Vaudeville en 1874, et qui dut être retiré après la troisième représentation. « Les bourgeois de Rouen, y compris mon frère, m’ont parlé de la chute du Candidat à voix basse et d’un air contrit, comme si j’avais passé en cour d’assises pour accusation de faux. […] Voici cet aspect d’automatisme que prennent dans le passé comme dans le rêve les figures anciennes après avoir joué la pauvre comédie de la vie.

1552. (1882) Autour de la table (nouv. éd.) pp. 1-376

Elle se met quelquefois à jouer toute seule comme la harpe de ce maître chanteur d’Hoffmann, qui s’était laissé posséder d’un esprit terrible ; et on l’écoute alors comme on écoutait Henri de Ofterdingen, c’est-à-dire avec stupeur, avec effroi, avec souffrance. […] Manfred. — Vous vous raillez de moi… esclaves, ne vous jouez pas de ma volonté. […] Comparez cette lâcheté à la force sublime de Manfred expirant, et voyez le rôle que joue chez Byron l’homme animé d’un souffle divin, en regard avec tout le rôle qu’il joue dans Goethe, aux prises avec l’esprit des ténèbres, c’est-à-dire avec sa propre misère privée de toute assistance céleste. […] Goethe, après avoir rendu Méphistophélès étincelant d’esprit et d’ironie, avait été obligé, pour le rendre terrible à l’imagination, de faire jouer tous les ressorts de son invention féconde en tableaux hideux, en cauchemars épouvantables. […] Sa brûlante énergie déborde en accents qui feraient pâlir Dieu même, si Dieu était ce misérable Jéhovah qui joue avec les peuples sur la terre comme un joueur d’échecs avec des rois et des pions sur un échiquier.

1553. (1905) Propos littéraires. Troisième série

Il faisait des vers qu’on pouvait presque réciter à des gens qui jouaient à la paume. […] Ils devaient le chérir et lui en vouloir, comme on en veut, en les chérissant, à ceux sans lesquels on n’aurait point été, et qui vous ont joué le tour de vivre avant vous. […] Ce père joue très gros jeu. […] » Il joue du « sublime mensonge » bien connu des romanciers : il se sacrifie en se donnant pour égoïste. […] Nous prendrons notre revanche une autre fois peut-être ; mais je remarque que les hommes jouent rarement un beau personnage dans les romans de M. 

1554. (1911) Études pp. 9-261

Établissement souverain et application de la chose à son lieu, comme sur la table pèsent les bras du paysan qui joue aux cartes. — On comprend que la composition ne soit jamais arbitraire. […] Là, toute chose, tout être est son nom propre, son poids spécifique dans le milieu où il est immergé, sa valeur totale en tant que signe du moment où l’action arrive70. » Essayons de mieux comprendre l’essence de ce drame et le rôle à l’homme dévolu, comment se joue cette partie et à quel titre chacun s’y trouve engagé : « Nous ne naissons pas seuls. […] Il est chargé de jouer, en collaboration avec les autres intelligences, une certaine représentation. […] Il ne s’est pas douté qu’on pût jouer avec la matière sonore, il a eu le respect de son utilité, il ne l’a employée que pour la faire servir à quelque dessein. […] Elle joue ; elle invente de courtes histoires précipitées.

1555. (1888) Études sur le XIXe siècle

Un chevalier est assis aux pieds de sa dame, qui joue de l’orgue, et derrière eux, se montre la figure de l’Amour inspirateur : non pas l’enfant railleur et gai, le fils d’Aphrodite dont Anacréon chantait les tours plaisants, mais un adolescent à figure sérieuse, un « esprit » — comme disaient les trécentistes — descendu du ciel, tenant les cœurs sous sa douce domination et leur inspirant les subtils raisonnements qui mitigent et nuancent la passion. […] Ces mots, dont le sens à jamais caché nous épouvante, il en joue comme nous jouons avec les termes de la vie usuelle. […] Fou qui s’en joue : uand l’erreur fait un nœud dans l’homme, il le dénoue, Il est foudre dans l’ombre et ver dans le fruit mûr, Il sort d’une trompette, il tremble sur un mur, Et Balthazar chancelle, et Jéricho s’écroule. […] » Et Victor Hugo joue avec ces grands mots comme avec des hochets, les réduit en images qui correspondent à une notion des plus ordinaires, les sème éperdument dans son œuvre, se sert de leur prestige pour nous tenir en arrêt. […] Les passions dont les romanciers jouent d’habitude sont transformées et simplifiées chez ces êtres primitifs : la jalousie n’est qu’une sorte de mal latent, qui éclate soudain en violences brutales ; l’amour, quand il n’est pas une fureur sensuelle, est une simple préférence, très douce, prête à s’effacer et à se sacrifier sans murmure ; et il y a des douleurs presque bestiales, des affaissements, des révoltes soudaines, du sang répandu.

1556. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome IV pp. -328

Mais, si sa conversion n’avoit pas été sincère, quel rôle il eût pu jouer, en se mettant à la tête du parti. […] Alors les convulsionnaires allèrent jouer dans les maisons ; mais ils furent pénétrés. […] Ils se jouent d’un homme désespéré qui craint également la vie & la mort, empressés de faire des expériences. […] On ne se douteroit point de cet éloge, surtout après avoir lu le livre des sçavans, accusés d’athéisme, & dans lequel les médecins ne jouent pas le moindre rôle. […] Le triomphe du Tasse alloit être complet ; mais le poëte, qui avoit été malheureux toute sa vie, tomba dans une langueur mortelle au moment de ces préparatifs, comme si la fortune eût voulu se jouer de lui jusqu’à la fin de ses jours.

1557. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « DE LA MÉDÉE D’APOLLONIUS. » pp. 359-406

Vénus fait la soumise et joue l’humilité : elle s’engage à tout ce que peuvent ses faibles mains. […] Ce discours, tout positif et de prescription technique, a pour avantage, en allant d’abord au principal de son inquiétude, de la sauver encore elle-même des restes d’embarras qu’elle éprouve, de lui donner le temps de se remettre et de suspendre par un dernier détour l’expression directe de ses sentiments ; ils éclatent pourtant dans ce peu de mots qui terminent les conseils : « Tu pourras de cette sorte emporter la toison en Grèce, — bien loin de Colchos114 ; après cela, pars, va où le cœur t’appelle, où tu es si empressé de retourner. » Tout ce qui suit est d’une gradation charmante : « Ainsi donc parla-t-elle ; et en silence, ses regards tombant devant ses pieds, elle baignait sa joue divine de tièdes larmes, s’affligeant de ce qu’il allait errer si loin d’elle à travers les mers ; et de nouveau elle lui adressa en face ces paroles pleines d’amertume, en lui prenant la main droite, car déjà la pudeur désertait de ses yeux : « Souviens-toi, si jamais tu es de retour dans ta patrie, souviens-toi du nom de Médée, comme moi-même je me souviendrai de toi, si éloigné que tu puisses être.

1558. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « M. Ampère »

. — Je la vis jouer aux dames après la messe. […] Cousin a remarqué que ce qui manque à la philosophie de M. de Biran, où la volonté réhabilitée joue le principal rôle, c’est l’admission de l’intelligence, de la raison, distincte comme faculté, avec tout son cortége d’idées générales, de conceptions.

1559. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre premier. La structure de la société. — Chapitre III. Services locaux que doivent les privilégiés. »

C’est le bon villageois, doux, humble, reconnaissant, simple de cœur et droit d’esprit, facile à conduire, conçu d’après Rousseau et les idylles qui se jouent en ce moment même sur tous les théâtres de société86. […] Boutin de la Coulommière, fils d’un receveur général des finances, se récria à la vue de ce mécanisme ingénieux dont il se plaisait à faire jouer les ressorts, et se tournant vers l’abbé de Canillac : « Cela, dit-il, est admirable sans doute ; mais ce qui me semble plus admirable encore, c’est que Son Éminence, étant au-dessus des faiblesses humaines, veuille bien s’y accommoder. » Mot précieux et seul capable de montrer le rang, la position d’un prélat grand seigneur en province.

1560. (1861) La Fontaine et ses fables « Troisième partie — Chapitre I. De l’action »

Ces tristes fables d’Esope, qui se sont jouées dans l’imagination grecque pendant tant de siècles, n’ont pas rencontré dans leur nation un poëte qui les abritât sous son génie. […] le malheureux rhétoricien qui fait jouer la prosopopée !)

1561. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLIIIe entretien. Vie et œuvres du comte de Maistre (2e partie) » pp. 5-80

Il ne tint même qu’à lui d’y apprendre quelque chose de bien plus curieux, puisqu’on y savait de toute antiquité que Mercure, pour tirer une déesse du plus grand embarras, joua aux échecs avec la lune et lui gagna la soixante-douzième partie du jour. […] Les batailles qui vont se livrer autour de lui vont jouer sa couronne terrestre au jeu de la guerre.

1562. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLVIIe entretien. Littérature latine. Horace (1re partie) » pp. 337-410

C’est une prédilection fondée sur une communauté de vices, sur le vice des vices, la légèreté qui se joue de tout. […] L’ Aufide mugissant et perfide était un torrent qui écumait au fond de la vallée de Venouse ; Horace lui a donné la célébrité d’un fleuve : les grands hommes sont la bonne fortune des lieux où ils jouent dans leur berceau, les poètes surtout sont l’illustration de leur paysage.

1563. (1861) Cours familier de littérature. XI « LXIVe entretien. Cicéron (3e partie) » pp. 257-336

Avec leur secours les mains usent du pinceau et du ciseau ; elles jouent de la lyre, de la flûte ; voilà pour l’agréable. […] Nous n’avons pas coutume d’appeler près des malades des devins, mais des médecins ; et ceux qui veulent apprendre à jouer de la lyre ou de la flûte ne s’adressent pas aux aruspices, mais aux musiciens.

1564. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXIIe entretien. L’Imitation de Jésus-Christ » pp. 97-176

Cet acte raconté sans blâme est en opposition flagrante avec la maxime : « Si on vous frappe à la joue, tendez l’autre joue. » Mais ici c’est l’Évangile impeccable, c’est l’universalité du pardon !

1565. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXIIIe entretien. Fior d’Aliza » pp. 177-256

La seule distraction qu’il se permit après souper, le chapelet et la prière du soir, était un air de flûte, joué au bord de sa fenêtre donnant sur les prés de Tresserves. […] Déjà, dorant les mâts, le rayon de l’aurore Se joue avec les flots que sa pourpre colore ; La vague, qui s’éveille au souffle frais du jour, En sillons écumeux se creuse tour à tour ; Et le vaisseau, serrant la voile mieux remplie, Vole, et rase de près la côte d’Italie.

1566. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre II. L’antinomie psychologique l’antinomie dans la vie intellectuelle » pp. 5-69

N’est-elle pas tout indiquée pour jouer ce rôle ? […] Certaines formes d’intelligence sont asociales ou antisociales de propos délibéré : esprit négateur, attitude du critique, du sceptique à outrance, du dissociateur de dogmes, du briseur d’idoles : nihilisme intellectuel ; joie méphistophélique de l’Érostrate intellectuel qui joue avec les débris des pensées et des croyances.

1567. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1860 » pp. 303-358

On parle du roman de Elle et Lui de Mme Colet, où Flaubert est férocement peint sous le nom de Léonce… Au dessert, Mme Doche se sauve à la répétition de La Pénélope normande qu’on doit jouer le lendemain, et Saint-Victor, qui n’a rien pour son feuilleton, l’accompagne avec Scholl. […] Au milieu un petit pianiste mécanique de quinze ans, de la force d’une nuit de musique, automatique et flave, sans regard, joue éternellement sur un piano.

1568. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Charles Dickens »

Les mobiles de la conduite des personnages sont encore purement fantastiques ; c’est tantôt une bonté stupide, tantôt la méchanceté pure, tantôt une rapacité ou un désintéressement également extrêmes, au contraire, les grands intérêts passionnels ou spirituels humains, l’amour, ce pivot de presque toutes nos œuvres d’imagination, l’ambition, la soif de science, de gloire, de pouvoir, de jouissance, ne jouent aucun rôle presque dans ces singuliers livres. […] L’inanimé et l‘irresponsable, la nature, les cieux et la mer, les drames changeants que jouent en ce théâtre la lumière, les nuages et la nuit, n’ont pas d’attrait pour lui.

1569. (1840) Kant et sa philosophie. Revue des Deux Mondes

Sigurd, Sigefried, Attila, les héros du Nord, se jouent des accidens naturels ; ils se plaisent au milieu des tempêtes de l’Océan, soupirent après les combats comme après des fêtes, sourient à la mort comme à une amie, et joignent à un profond mépris de la vie un sentiment énergique du devoir, et le goût d’un amour infiniment plus pur que celui des peuples du midi. […] Peu à peu les étrangers jouèrent en Allemagne un plus grand rôle que les gens du pays.

1570. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Edgar Poe »

Quand, d’aventure, il s’est débarrassé de son spleen, des cauchemars du somnambulisme, du mesmérisme, de la phrénologie cabalistique, des mystères d’Isis de l’ivresse par le gin ou l’opium, de toutes les visions qu’il essaie de faire transparentes et qui lui opposent leur invincible densité, il devient un faiseur de combinaisons inattendues qui joue vigoureusement avec les chiffres et transporte dans le domaine de l’imagination étonnée une aptitude mathématique qui aurait diverti Pascal. […] Sous toutes les formes que l’art — cette comédie qu’on se joue à soi-même — cherche à varier, mais qu’en définitive il ne varie point, Edgar Poe, l’auteur des Histoires extraordinaires, ne fut jamais, en tous ses ouvrages, que le paraboliste acharné de l’enfer qu’il avait dans le cœur ; car l’Amérique n’était pour lui qu’un effroyable cauchemar spirituel, dont il sentait le vide et qui le tuait.

1571. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Histoire littéraire de la France. Ouvrage commencé par les Bénédictins et continué par des membres de l’Institut. (Tome XII, 1853.) » pp. 273-290

Ainsi donc, supposons Renart déjà connu par ses méfaits : il est en guerre habituelle avec son compère Ysengrin, le Loup ; sous prétexte d’alliance et de cousinage, il lui joue mille tours odieux, dans lesquels Ysengrin succombe presque toujours.

1572. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « De la dernière séance de l’Académie des sciences morales et politiques, et du discours de M. Mignet. » pp. 291-307

Ici, ne jouons pas sur les mots : au xviie  siècle, on appelait philosophie la physique et l’astronomie, tout autant que les spéculations sur les idées ou sur l’âme.

1573. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Le Roman de Renart. Histoire littéraire de la France, t. XXII. (Fin.) » pp. 308-324

Renart pourtant joue si bien l’estropié que Tiècelin s’est enhardi ; il est déjà à sa portée, mais ici Renart est trop pressé : il s’élance et manque le Corbeau, qui en est quitte pour quatre plumes de l’aile droite et de la queue.

1574. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Nouveaux voyages en zigzag, par Töpffer. (1853.) » pp. 413-430

Quant à la peinture proprement dite et par le pinceau, ce ne fut que sur la fin du xviiie  siècle que de La Rive et, après lui, Töpffer le père, commencèrent à rendre le paysage suisse, savoyard, de la zone inférieure dans sa grâce et sa poésie familière ; « les masures de Savoie avec leur toiture délabrée et leur portail caduc ; les places de village où jouent les canards autour des flaques ; les fontaines de hameau où une fille hâlée mène les vaches boire ; les bouts de pré où paît solitaire, sous la garde d’un enfant en guenilles, un taureau redoutable » ; puis les marchés, les foires, les hôtelleries ; les attelages poudreux avec le chien noir qui court devant ; les rencontres de curés, de noces, de marchands forains ; les manants de l’endroit avinés et rieurs, « amusants de rusticité ».

1575. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Geoffroy de Villehardouin. — I. » pp. 381-397

Quel jeu y joua-t-il ?

1576. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Fénelon. Sa correspondance spirituelle et politique. — I. » pp. 19-35

Il est plein d’abus de goût ; il s’amuse, il folâtre, il se joue.

1577. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Le président Jeannin. — III. (Fin.) » pp. 162-179

Quant à Barneveld, il le goûte et l’estime bien davantage comme un homme dont les qualités patriotiques et civiles concordaient mieux avec les siennes ; il le justifie auprès de Henri IV qui le soupçonnait d’être plus Anglais que Français ; car le ministre de Jacques Ier, ainsi que son maître, bien qu’uni en apparence et allant de concert avec Henri IV, ne jouait pas un jeu très net et très franc.

1578. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Journal du marquis de Dangeau — I » pp. 1-17

Une fois, à Marly, lundi 23 septembre, « Mme de Montespan dit au roi, l’après-dînée, qu’elle avait une grâce à lui demander durant le séjour de Marly, qui était de lui laisser le soin d’entretenir les gens du second carrosse et de divertir l’antichambre. » C’était une ironie sous forme de gaieté : elle jouait sur sa disgrâce.

1579. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Histoire du Consulat et de l’Empire, par M. Thiers. (Tome XII) » pp. 157-172

Je joue avec les enfants, je cause avec ma femme, je leur fais des lectures, je leur lis des romans… Je veux, ajoutait-il s’adressant toujours à Rœderer, que vous voyiez la lettre qu’il m’a écrite.

1580. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Eugénie de Guérin, Reliquiae, publié par Jules Barbey d’Aurevilly et G.-S. Trébutien, Caen, imprimerie de Hardel, 1855, 1 vol. in-18, imprimé à petit nombre ; ne se vend pas. » pp. 331-247

Je jouai beaucoup et je repartis le lendemain, aimant fort ce petit enfant qui venait de naître.

1581. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Tallemant et Bussy ou le médisant bourgeois et le médisant de qualité » pp. 172-188

Ils parlaient bien, ils raillaient avec grâce, avec tour, ils jouaient d’un trait bien appuyé, bien acéré, et tout d’un coup, sans qu’on sache pourquoi, un petit délire soi-disant poétique les prend, ils s’arment d’un violon de village et font, pendant une minute ou deux, un crin-crin qui écorche les oreilles.

1582. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Divers écrits de M. H. Taine — II » pp. 268-284

Michelet, sa vie de travail, son effort constant, ses fouilles érudites et ses ingénieuses mises en scène, cette faculté de couleur voulue et acquise où il a l’air de se jouer désormais en maître, mais quand je considère de quelle manière il a jugé et dépeint des événements et des personnages historiques à notre portée, et dont nous possédons tous autant que lui les éléments ; quand je le vois toujours ambitieux de pousser à l’effet, à l’étonnement, j’avoue que je serais bien étonné moi-même qu’il eût deviné et jugé les choses et les hommes de l’histoire romaine plus sûrement que Tite-Live.

1583. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Charles-Victor de Bonstetten. Étude biographique et littéraire, par M. Aimé Steinlen. — I » pp. 417-434

Son ambition, quand il en avait une, eût été de jouer dans un État aristocratique le rôle de magistrat populaire ; mais la vie publique dans une démocratie effective lui aurait été plus désagréable que dans une cour, même absolue.

1584. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Correspondance diplomatique du comte Joseph de Maistre, recueillie et publiée par M. Albert Blanc » pp. 67-83

Mais tout cela était bien loin en 1811 ; de Maistre était redevenu irréconciliable, et, à le prendre pour tel, rien ne saurait être plus intéressant que de saisir ses vues, ses impressions de chaque jour dans la terrible partie qui se joue sous ses yeux et où lui-même est en cause. « Depuis vingt ans, dit-il, j’ai assisté aux funérailles de plusieurs souverainetés ; rien ne m’a frappé comme ce que je vois dans ce moment, car je n’ai jamais vu trembler rien de si grand. » On tremblait, en effet, à l’heure où il écrivait cela, on faisait ses paquets là où était de Maistre, et la joie bientôt, et l’ivresse fut en raison de cette première crainte.

1585. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Correspondance de Voltaire avec la duchesse de Saxe-Golha et autres lettres de lui inédites, publiées par MM. Évariste, Bavoux et Alphonse François. Œuvres et correspondance inédites de J-J. Rousseau, publiées par M. G. Streckeisen-Moultou. — II » pp. 231-245

Ce n’est pas jouer sur les mots que de dire qu’au milieu de son siècle et entre les philosophes ses contemporains, Rousseau a été relativement chrétien.

1586. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire de mon temps. Par M. Guizot. »

… Je fais ma partie de roi, que mes ministres fassent la leur comme ministres ; si nous savons jouer, nous nous mettrons d’accord. » On assure qu’il dit un autre jour, moins noblement : « ils ont beau faire, ils ne m’empêcheront pas de mener mon fiacre. » Il disait, en parlant de Casimir Perier, qu’il avait trouvé sous sa main bien à propos : « Savez-vous que si je n’avais trouvé M. 

1587. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Essais de politique et de littérature. Par M. Prevost-Paradol. »

Je laisse de côté sa vocation politique active que j’admets en effet qu’il manque, je lui trouve deux talents de second plan, deux pis aller qui seraient de nature à satisfaire de moins difficiles : talent d’écrivain politique qui trouvera toujours moyen de dire ce qu’il pense, et qui a même intérêt à être gêné un peu ; car il y gagne le tour, et avec le tour l’agrément, ce qui cesse quand il écrit dans les journaux où il ne se gêne pas ; — talent de critique ou de discoureur littéraire des plus sérieux et des plus aimables, qui peut se jouer sur tous sujets anciens ou modernes, et s’exercer même sur des matières de religion, d’un ton de philosophe respectueux à la fois et sceptique.

1588. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « M. Biot. Essai sur l’Histoire générale des sciences pendant la Révolution française. »

Biot pourquoi il n’avait jamais écrit lui-même cette particularité curieuse, il répondait que, pour cela, il n’était point assez sûr d’avoir eu affaire en effet à Saint-Just en personne, au terrible Saint-Just, qui aurait joué envers lui ce rôle de bienfaiteur inconnu.

1589. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Louis XIV et le duc de Bourgogne, par M. Michelet »

Après cette comédie, jouée à ses propres dépens, vous croyez bien qu’au moins il ne fera plus le démoniaque.

1590. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Louis XIV et le duc de Bourg, par M. Michelet. (suite.) »

Le vieux poète joue aux fables avec le jeune enfant ; il lui en récite, il lui en emprunte, il en compose sur des sujets de son choix (le Chat et la Souris), et il se déclare d’avance battu et vaincu : « Il faut, lui dit-il en tête de son douzième livre qui lui est tout dédié, il faut, Monseigneur, que je me contente de travailler sous vos ordres ; l’envie de vous plaire me tiendra lieu d’une imagination que les ans ont affaiblie ; quand vous souhaiterez quelque fable, je la trouverai dans ce fonds-là. » Et aussi, en récompense, quand La Fontaine meurt, on trouve parmi les thèmes ou les versions du jeune prince un très joli morceau sur cette mort (in Fontani mortem), un centon tout formé de la fleur des réminiscences et des plus élégantes expressions antiques.

1591. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Le Poème des champs, par M. Calemard de Lafayette (suite et fin) »

il prétend se passer d’un seul ; il ne veut qu’une force génératrice, partout la même, vague, diffuse, infinie, sacrée, féconde, enivrante, qui éclate dans le printemps : It ver et Venus, et Veneris prænuntius ante Pinnatus graditur Zephyrus…………… ; une force qui se joue et se diversifie en toutes les saisons et jusque dans les destructions passagères qui ne font que déplacer et transférer la vie.

1592. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Les Saints Évangiles, traduction par Le Maistre de Saci. Paris, Imprimerie Impériale, 1862 »

Ce qui caractérise le Discours de la montagne et les autres paroles et paraboles de Jésus, ce n’est pas cette charité qui se rapporte uniquement à l’équité et à la stricte justice et à laquelle on arrive avec un cœur sain et un esprit droit, c’est quelque chose d’inconnu à la chair et au sang et à la seule raison, c’est une sorte d’ivresse innocente et pure, échappant à la règle et supérieure à la loi, saintement imprévoyante, étrangère à tout calcul, à toute prévision positive, confiante sans réserve en Celui qui voit et qui sait tout, et comptant, pour récompense dernière, sur l’avènement de ce royaume de Dieu dont les promesses ne sauraient manquer : « Et moi je vous dis de ne point résister au mal que l’on veut vous faire : mais si quelqu’un vous a frappé sur la joue droite, présentez-lui encore l’autre.

1593. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Daphnis et Chloé. Traduction d’Amyot et de courier »

Daphnis est, à un moment, enlevé par des pirates et délivré par l’effet presque miraculeux d’un air de flûte que Chloé joue du rivage : toutes les vaches du berger prises et embarquées avec lui, reconnaissant l’air du rappel, se jettent d’un bond à la mer, comme les moutons de Panurge, et font chavirer le bateau : les pirates chargés de leurs armes, se noient ; Daphnis, qui est court vêtu, se sauve à la nage.

1594. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « De la poésie en 1865. (suite et fin.) »

Jasmin n’avait guère faibli d’ailleurs, et il soutenait jusque dans son dernier volume, avec une sorte d’aisance et une verve de tempérament, cette dureté de condition qui condamne les artistes toujours en scène à se répéter, à repasser sur les mêmes tons, à tirer de leur chanterelle jusqu’à la dernière note, à jouer de leur voix jusqu’à la dernière corde.

1595. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Œuvres choisies de Charles Loyson, publiées par M. Émile Grimaud »

Hugo. » Il y aurait lieu certainement, en choisissant bien ses points, à exécuter pour l’année 1817 une variation analogue sur le canevas et le thème où il s’est joué, et d’y observer une parfaite justesse.

1596. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « APPENDICE. — CASIMIR DELAVIGNE, page 192. » pp. 470-486

Qu’on se rappelle, dans le quatrième acte, le moment décisif entre Mortins et Édouard : faut-il jouer le tout pour le tout, et, sur l’espérance d’un avenir peut-être chimérique, sacrifier le présent, l’ordre établi, tant de fortunes et d’existences ?

1597. (1902) L’observation médicale chez les écrivains naturalistes « Chapitre II »

Il en faisait alors jouer minutieusement toutes les articulations et ne les exhibait qu’après d’interminables et pénibles essais.

1598. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre I. La préparations des chefs-d’œuvre — Chapitre III. Trois ouvriers du classicisme »

Balzac On ne lit plus guère Balzac288 aujourd’hui : c’est un phraseur, un emphatique, qui maintes fois joue au précieux.

1599. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « Alphonse Daudet  »

A Nîmes, dans le jardin de « monsieur Eyssette », c’est un bambin imaginatif qui joue éperdument Robinson dans son île et qui s’attache aux objets avec une sensibilité violente.

1600. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre onzième. »

La Rochefoucauld n’est qu’un spéculatif, que sa naissance, ses amitiés, les passions de sa jeunesse ont jeté dans l’action ; qui paye fort décemment de sa personne, et qui joue sa vie pour l’honneur de son nom, peut-être par dégoût pour l’action.

1601. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre V. Premiers aphorismes de Jésus. — Ses idées d’un Dieu Père et d’une religion pure  Premiers disciples. »

Il allait aux excès : « Si quelqu’un te frappe sur la joue droite, présente-lui l’autre.

1602. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Qu’est-ce qu’un classique ? » pp. 38-55

Le Moyen Âge, croyez-le bien, et Dante occuperaient des hauteurs consacrées : aux pieds du chantre du paradis, l’Italie se déroulerait presque tout entière comme un jardin ; Boccace et l’Arioste s’y joueraient, et le Tasse retrouverait la plaine d’orangers de Sorrente.

1603. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Franklin. — II. (Suite.) » pp. 149-166

Or, il y a un royaume des sons comme il y en a un de la couleur et de la lumière ; et ce royaume magnifique où s’élèvent et planent les Haendel et les Pergolèse, comme dans l’autre on voit nager et se jouer les Titien et les Rubens, Franklin n’est pas disposé à y entrer : lui, qui a inventé ou perfectionné l’harmonica, il en est resté par principes à la musique élémentaire.

1604. (1913) Le bovarysme « Première partie : Pathologie du bovarysme — Chapitre III. Le Bovarysme des individus »

L’enfant joue avec la causalité même : il modifie sans hésiter le déterminisme des phénomènes.

1605. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre IV : La philosophie — I. La métaphysique spiritualiste au xixe  siècle — Chapitre I : Principe de la métaphysique spiritualiste »

Le sentiment de mon être intérieur n’est pas uniquement le sentiment d’une existence nue et inerte, à la surface de laquelle se joueraient, nous ne savons comment, les mille fluctuations de la vie phénoménale.

1606. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Préface de la seconde édition »

Elles ne sauraient se retrouver également chez tous puisqu’ils ne sont pas de même nature ; le carbone n’est pas l’azote et, par suite, ne peut revêtir les mêmes propriétés ni jouer le même rôle.

1607. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « I »

Le jeu connu, reste à savoir si vous saurez jouer ; ceci ne nous regarde plus.

1608. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre II. Marche progressive de l’esprit humain » pp. 41-66

Nous ne nous plairions point aujourd’hui à voir pour la première fois de tels égarements d’une imagination vive et railleuse, qui se joue en même temps et des préjugés et des affections des peuples ; nous avons pénétré trop avant dans le sérieux de la pensée.

1609. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre IX. Seconde partie. Nouvelles preuves que la société a été imposée à l’homme » pp. 243-267

Il fait beau déclamer contre les conquérants qui se jouent de la vie des hommes, et contre ces marchands avides qui vont tenter la fortune dans mille climats divers.

1610. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Gustave Droz » pp. 189-211

Eh bien, parmi les rédacteurs de La Vie parisienne, en voici un qui a pendu son loup à sa boutonnière et s’est présenté à nous visage découvert, et avec un livre fait de ses articles, rassemblés ingénieusement sous un titre : Monsieur, Madame et Bébé 23, lequel titre, comme vous le voyez, joue assez bien la composition !

1611. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Hippolyte Babou »

Écrivain d’imagination, romancier qui a fait plus que de nous donner des romans, car il nous a donné des nouvelles qui sont des romans concentrés, l’auteur des Païens innocents a parfois interprété et illuminé même l’Histoire avec cette fantaisie qui touche le vrai, souvent, dans les délicieux colins-maillards qu’elle joue ; mais cette devineresse par éclairs n’est point l’imagination du critique, qui, comme une lampe entretenue d’huile, verse sur des œuvres qu’il faut pénétrer une clarté égale et continue.

1612. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre IV : M. Cousin écrivain »

Il joue ici sur le sens du mot subjectivité, et il a beau jeu, car le mot est allemand et très-obscur.

1613. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre VII : Théorie de la raison par M. Cousin »

Dans les hautes mathématiques, on l’exprime, on le met en équation, on compare ses diverses formes, on le calcule, on s’en joue.

1614. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XXII. »

Quels sons de mélodie vocale se jouent autour d’elle ?

1615. (1907) Le romantisme français. Essai sur la révolution dans les sentiments et dans les idées au XIXe siècle

Il est aussi compositeur : on lui doit des Chants de la guerre, joués chez Colonne, un quintette, un quatuor et même un opéra comique inachevé, La Noce béarnaise. […] …12 Visiblement, Jean-Jacques veut se faire peur à lui-même et joue l’halluciné. […] On pourrait le croire, au souvenir des jeunes générations qui, depuis lui, ont joué de la désespérance. […] La femme, à jouer, comme disait : Mme de Staël, « l’esprit penseur », n’est que tumultueuse et intempestive. […] Je pense plutôt qu’il jouait aux courses.

1616. (1929) La société des grands esprits

Le hasard joue toujours un certain rôle dans les relations sociales et dans les recueils d’essais ou de portraits littéraires. […] Charles Morice, qui aurait pu jouer ce rôle, s’est borné à écrire une introduction. […] Plutôt que de subir le lendemain matin la correction qui l’attendait, le jeune apprenti préféra jouer les Coriolan et s’expatrier. […] Son rationalisme, très réel, mais incomplet, ne joue guère qu’un rôle négatif ou éliminateur. […] On joue d’une équivoque.

1617. (1914) Une année de critique

La plupart d’entre eux n’ont pas encore baisé la joue de leur cousine que déjà ils ont formé pour leur usage une conception de l’amour, selon Stendhal. […] la sensibilité, ce qu’ils en jouent ! […] Il n’en attrape une que pour jouer avec. Quand il a bien joué, il lui fait grâce de la vie, et il va rêver ailleurs, l’innocent, assis dans la boucle de sa queue, la tête bien fermée comme un poing. […] Il cherche des précédents, car il ne sied point de faire figure d’énergumène. « Quel rôle jouer pour paraître le plus à mon avantage ? 

1618. (1925) Portraits et souvenirs

Ils jouent le même jeu avec des cartes différentes. […] Voici la Bonté sous les traits de Mme de Rosemonde, impuissante a prévenir les maux qu’elle prévoit, et la Prudence sous la figure de Mme de Volanges, jouée et ridicule. […] En 1870, il fit jouer la Révolte, puis, pendant dix ans, il garda le silence. […] Ce qui est probable aussi c’est que l’intermédiaire qui rapprocha les deux poètes fut sans doute Catulle Mendès qui, entre les divers collaborateurs du Parnasse, jouait véritablement le rôle de Mercure. […] Je n’aimais vraiment jouer aux boules qu’avec celui-ci et faire des trous dans la terre qu’avec celui-là.

1619. (1940) Quatre études pp. -154

Henri Heine était romantique, et laissait doucement s’épanouir la petite fleur bleue de son cœur : et antiromantique, détestant le flou et l’indécis, les grandes tirades et l’éloquence, les airs tragiques, les poses d’acteur : ce n’est pas lui qui aurait consenti à jouer, secrètement joyeux, le rôle du gladiateur mourant. […] Songeons à l’intensité évocatrice de Shelley, à la discrétion de Keats, et relisons le début de l’Ode à une urne grecque : Les mélodies que l’on entend sont douces, mais celles que l’on n’entend pas sont plus douces encore ; donc, suaves pipeaux, continuez de jouer non pour l’oreille sensuelle, mais des ballades plus chéries, des ballades pour l’esprit, sans sonorités ! […] Les deux femmes jouent aux dés : la Mort gagne. […] Il regarde les créatures qui habitent la région du grand calme : les serpents de mer, bleus, verts, noirs, brillants, veloutés, qui jouent et nagent dans des sillages d’or. […] Sa robe qu’aucun lien ne resserre et qui la pare sans la gêner, brille de couleurs plus diverses et plus vives que celles dont Phoebus peint la nue, quand il s’y joue avec tous ses rayons.

1620. (1829) Tableau de la littérature du moyen âge pp. 1-332

Lui fut-il inspiré, comme on l’a dit, par un fabliau, par le conte du Jongleur, qui va en enfer et joue des âmes aux dés contre saint Pierre ? […] Les habitants étaient entassés sur les bords de l’Arno, et sur un pont, où se jouait la pièce, composée de damnés et de démons. […] Parlons d’abord de l’article ; comment l’article roman est dérivé du mot latin, et quel rôle il devait jouer dans les langues modernes. […] Figurez-vous qu’une science presque égale à celle des poëtes de l’antiquité, a dans l’original construit les paroles, nuancé, varié les sons, et joué avec le mètre ; puis arrêtez-vous seulement aux pensées et aux passions.

1621. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Deuxième partie. — L’école critique » pp. 187-250

un lourdaud perdre l’équilibre ; un étranger faire des quiproquos ; un enfant parler politique ; un roi et son ministre jouer à saute-mouton ; une vieille dame lutter contre le vent qui soulève ses jupes ; un nain se baisser en passant sous un portique ; un petit bossu faire des plongeons en parcourant un cercle de femmes ; un homme grave laisser tomber ses lunettes dans sa soupe. […] Lysidas sera confirmé dans son mépris pour Molière : il n’ira plus voir jouer ses pièces, et continuera son grand ouvrage sur l’Esthétique.

1622. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre deuxième. La connaissance des corps — Chapitre premier. La perception extérieure et les idées dont se compose l’idée de corps » pp. 69-122

Ce sont là les caractères essentiels de la substance ; partant, rien d’étonnant si nous nommons ces possibilités des substances et si elles jouent le rôle prépondérant dans notre esprit. […] Partant, on voit maintenant le rôle qu’elle joue dans une perception extérieure.

1623. (1858) Cours familier de littérature. VI « XXXIVe entretien. Littérature, philosophie, et politique de la Chine » pp. 221-315

« Le dernier jour de son deuil accompli », écrit le père Amyot, qui traduit les chroniques du temps, « il chercha à se distraire entièrement en essayant de jouer quelques airs qu’il avait composés sur son kin. […] La sédition attente à la république ; Le sentiment légal se révolte contre la dictature ; L’incrédulité des peuples se joue de l’infaillibilité ou de la divinité des pontifes ; Les vaincus rompent leurs chaînes et brisent à leur tour avec l’épée la souveraineté humiliante des conquérants et des oppresseurs ; Les peuples monarchiques se dégoûtent de leur dynastie, fondent d’autres familles royales dont l’autorité plus récente a moins d’autorité encore que les dynasties antiques.

1624. (1858) Cours familier de littérature. VI « XXXVIe entretien. La littérature des sens. La peinture. Léopold Robert (1re partie) » pp. 397-476

La Fornarina n’a pas un ovale plus parfait et plus déprimé, un regard à pleine paupière où entre plus de ciel et d’où sorte plus de pensée secrète, une lèvre plus dédaigneuse, une fossette dans la joue plus prête à sourire et à pardonner à l’excès d’ivresse de son fiancé. […] Enfin, derrière le rocher où s’assied le chanteur, une jeune mère, assise à distance, presse son nourrisson amoureusement entre sa joue et sa mamelle, comme pour l’empêcher de troubler le silence de l’auditoire en l’endormant.

1625. (1859) Cours familier de littérature. VII « XLe entretien. Littérature villageoise. Apparition d’un poème épique en Provence » pp. 233-312

Un vrai poète homérique en ce temps-ci ; un poète né, comme les hommes de Deucalion, d’un caillou de la Crau ; un poète primitif dans notre âge de décadence ; un poète grec à Avignon ; un poète qui crée une langue d’un idiome comme Pétrarque a créé l’italien ; un poète qui d’un patois vulgaire fait un langage classique d’images et d’harmonie ravissant l’imagination et l’oreille ; un poète qui joue sur la guimbarde de son village des symphonies de Mozart et de Beethoven ; un poète de vingt-cinq ans qui, du premier jet, laisse couler de sa veine, à flots purs et mélodieux, une épopée agreste où les scènes descriptives de l’Odyssée d’Homère et les scènes innocemment passionnées du Daphnis et Chloé de Longus, mêlées aux saintetés et aux tristesses du christianisme, sont chantées avec la grâce de Longus et avec la majestueuse simplicité de l’aveugle de Chio, est-ce là un miracle ? […] dit l’humble enfant du vannier, ne vous jouez pas ainsi de moi, Mademoiselle !

1626. (1861) Cours familier de littérature. XI « LXIIe entretien. Cicéron » pp. 81-159

La liberté, la servitude de l’univers, se conquièrent, se perdent, se jouent pendant un demi-siècle en lui, autour de lui ou avec lui. […] Déjà l’épée se jouait des lois ; déjà, sous un respect apparent pour l’autorité nominale du sénat, les généraux et les triomphateurs marchandaient entre eux les charges, les consulats.

1627. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre IV. Les tempéraments et les idées (suite) — Chapitre V. Jean-Jacques Rousseau »

Il retape pour la cour une pièce de Voltaire, un opéra de Rameau ; il fait jouer de sa musique chez un fermier général, chez le magnifique M. de la Popelinière. […] Ajoutons à cette disposition la sensibilité débordante de Rousseau : pour elle, tout prend un sens, tout acquiert de la valeur ; toutes les bagatelles ou les vulgarités de la vie domestique et des rapports familiers deviennent la représentation symbolique du drame pathétique qui se joue en son cœur.

1628. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre VII, seconde guerre médique. »

On sait quel rôle jouait le Songe dans les monarchies orientales de l’antiquité : on peut dire qu’il était parfois leur premier ministre. […] La tactique grecque jouait avec l’impéritie barbare : de temps en temps la phalange spartiate feignait de se retirer et tournait le dos ; les Perses, croyant à un recul, s’élançaient, avec de grands cris ; elle se retournait alors et les abattait par milliers.

1629. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre cinquième. Principales idées-forces, leur genèse et leur influence — Chapitre cinquième. Genèse et action des principes d’identité et de raison suffisante. — Origines de notre structure intellectuelle »

Jupiter se joue, disait Héraclite, et le monde se fait ; le darwinisme applique un adage semblable au monde des idées : la nature, par un de ses jeux, a produit un cerveau qui mieux que les autres lui servait de miroir, le cerveau humain, et elle s’y est contemplée. […] D’une part, un monde livré au hasard ne serait pas seulement incompréhensible pour l’œil de l’intelligence : nous n’y pourrions subsister, car, en répétant le même mouvement dans les mêmes circonstances, nous ne produirions plus le même effet ; non seulement notre intelligence, emportée comme par un vertige, serait perpétuellement jouée et déçue (ce qui ne serait que demi-mal), mais notre existence même serait bientôt victime du désordre universel.

1630. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Conclusions »

C’est là un art dans lequel, comme nous l’avons vu, le calcul et la science d’esthétique, la prévision jouent le principal rôle, où l’auteur s’applique à faire connaître réalistement et prosaïquement des spectacles fantastiques, où son émotion propre, réprimée et tue, n’intervient nullement pour suggérer au lecteur l’émotion qu’il doit ressentir ; tout donne même à croire que ce n’était pas par une sorte de stoïcisme littéraire que Poe dissimulait ainsi ses sentiments. […] Herbert Spencer est admise, si l’art procède par évolution du jeu — nous ne lui concevons pas d’autre origine, — si l’artiste doit être considéré comme l’inventeur d’objets ou d’idées propres à exercer certaines activités spirituelles élevées, comme une poupée sert aux petites filles à jouer la maternité, il est clair que la doctrine de Poe est en progrès vers le vrai.

1631. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XVIII. J.-M. Audin. Œuvres complètes : Vies de Luther, de Calvin, de Léon X, d’Henri VIII, etc. » pp. 369-425

Mais le Génie, l’exceptionnel Génie qui, créé pour le vrai, se joue puissamment dans le faux, parce que, s’il est grand, il est plus fort que ses atmosphères, n’aurait pas arrêté un critique en possession de sa pleine vigueur. […] Il reprend une à une les questions que le protestantisme a soulevées, et il les débat brièvement, mais péremptoirement, à la manière de l’historien qui ne peut pas s’attarder dans les mille replis de la controverse, et qui aimerait pourtant à s’y jouer, car il semble créé pour elle.

1632. (1903) La renaissance classique pp. -

Ce sont eux qui vont lire Ibsen dans les ateliers de modistes, qui jouent Britannicus devant un public de coltineurs et de terrassiers et qui demandent qu’on emploie les dimanches de nos troupiers à les initier aux beautés du Corrège ou de Paul Véronèse. […] Dans la perception du réel, elle joue le même rôle pour nous que la dialectique pour le philosophe.

1633. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Gabrielle d’Estrées. Portraits des personnages français les plus illustres du XVIe siècle, recueil publié avec notices par M. Niel. » pp. 394-412

Madame était restée protestante ; on se mit pour la distraire à jouer du luth et à chanter un psaume, selon la mode des calvinistes.

1634. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Massillon. — II. (Fin.) » pp. 20-37

Il mêlait à cette tolérance une sorte d’aménité d’homme du monde ; il se plaisait à réunir à sa maison de campagne des jésuites et des oratoriens, deux sociétés assez peu disposées à s’entendre, et il les faisait jouer aux échecs : c’était la seule guerre qu’il leur conseillât.

1635. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Froissart. — I. » pp. 80-97

Il aimait jouer à tous les jeux d’enfants, et il nous les décrit avec un intérêt vraiment enfantin.

1636. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « M. Daru. Histoire de la république de Venise. — III. (Suite et fin.) » pp. 454-472

En ce dernier acte qui trancha la destinée de la république, Villetard, secrétaire de la légation française, joua un rôle102 ; dans l’absence de son supérieur, le ministre de France Lallement, homme modéré, et tandis que les commissaires du grand conseil s’étaient rendus pour traiter auprès du général en chef avec un dernier espoir, cet agent secondaire prit sur lui de révolutionner Venise, et, en excitant les hommes exaltés, il renversa le fantôme de gouvernement aristocratique qui restait encore debout : Dans ce temps d’effervescence, dit à ce sujet M. 

1637. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Agrippa d’Aubigné. — I. » pp. 312-329

Il semble même accorder volontiers à ceux de ses lecteurs qui ne se plaisent point à un endroit du livre de courir à un autre, et de jouer du pouce comme il dit ; tout cela est vrai, et cependant si l’on chemine avec lui et si l’on s’attache à sa suite, on est dédommagé, on a mieux que des faits originaux et singuliers, on rencontre de belles, d’admirables scènes.

1638. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Sylvain Bailly. — II. (Fin.) » pp. 361-379

Je ne prévis point la Révolution telle qu’elle a été, et je crois que nul homme n’a pu la prévoir… Il était loin de soupçonner surtout qu’il y jouerait un grand rôle et de le désirer.

1639. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Montluc — II » pp. 71-89

Quelque goût personnellement qu’il eût à jouer de la hallebarde ou de la pique, il y entremêle sans cesse l’arquebuserie ; il combine l’action de ce nouveau moyen avec les autres armes de guerre, et, loin d’avoir aucun préjugé qui l’enchaîne aux us et coutumes de l’ancienne chevalerie, on le voit aussi ouvert et aussi entendu qu’homme de son temps à toute invention et à toute pratique militaire utile.

1640. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Charron — I » pp. 236-253

Charron fait consciencieusement son devoir comme controversiste, comme prédicateur ; il amasse ses preuves, il fait servir sa philosophie comme une espèce de machine ou de tour pour battre en brèche la place ennemie : puis, quand il estime que la brèche est suffisante, il ordonne et fait avancer ses preuves directes ; mais tout cela sans feu, sans flamme ; on sent toujours l’homme qui a dit : « Au reste, il faut bien savoir distinguer et séparer nous-mêmes d’avec nos charges publiques : un chacun de nous joue deux rôles et deux personnages, l’un étranger et apparent, l’autre propre et essentiel.

1641. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Charron — II » pp. 254-269

Et Garasse continue de jouer sur ce nom de Charron et sur le chariot qu’il n’a pas su mener.

1642. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Santeul ou de la poésie latine sous Louis XIV, par M. Montalant-Bougleux, 1 vol. in-12. Paris, 1855. — I » pp. 20-38

Cette espèce de chemise plus ou moins blanche sous le manteau, et qui est le costume de son ordre, joue le déshabillé et achève le personnage.

1643. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Le duc de Rohan — I » pp. 298-315

On voit quel rôle jouait en ce temps-là l’envie, « ce vice lâche en soi, et néanmoins assez connu parmi les hommes », qui fait que « souvent on se fâche plus du bien et des honneurs que le compagnon possède que de ce qu’on n’en jouit pas soi-même », vice d’autrefois et qui semble presque supprimé aujourd’hui, tant nos beaux esprits et nos éloquents parleurs se sont fait une loi et une habitude (à laquelle ils ont peut-être fini par croire) de complimenter à outrance, d’encenser en plein nez la nature humaine.

1644. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « La Margrave de Bareith Sa correspondance avec Frédéric — II » pp. 414-431

Elle s’en doute bien elle-même, et voudrait que Voltaire vint donner à sa petite société un dernier tour, un dernier poli de civilisation en faisant « un pèlerinage à Notre-Dame de Bareith. » Il promet toujours et ne vient jamais : « Vous me faites éprouver le sort de Tantale : soyez donc archi-germain dans vos résolutions, et procurez-moi le plaisir de vous revoir. » On a joué chez elle le Mahomet : « Les acteurs se sont surpassés, et vous avez eu la gloire d’émouvoir nos cœurs franconiens. » Elle demande décidément au poète philosophe de « la conduire dans le chemin de la vérité » ; et en attendant, elle lui fait des objections, mais des objections dans un sens plus avancé, plus radical.

1645. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « La princesse des Ursins. Ses Lettres inédites, recueillies et publiées par M. A Geffrot ; Essai sur sa vie et son caractère politique, par M. François Combes » pp. 260-278

Dans un complet et très judicieux essai sur la princesse des Ursins (inséré dans la Revue des deux mondes du 15 septembre 1859), M. de Carné ne va pas tout à fait si loin ; il s’applique à réduire le rôle diplomatique que la princesse aurait joué dans le monde romain en ces années ; il n’y voit qu’une action purement officieuse et réclame contre l’induction de M. 

1646. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Mémoires de Mme Elliot sur la Révolution française, traduits de l’anglais par M. le comte de Baillon » pp. 190-206

Elle a été galante, elle a été légère, elle a ébloui les yeux des princes et de ceux qui sont devenus rois ; elle n’a pas cru qu’on dût résister à la magie de sa beauté ni qu’elle dût y résister elle-même ; elle a tout naturellement cédé et sans combat, elle a triomphé des cœurs à première vue et n’a pas songé à s’en repentir ; elle a obéi à cette destinée d’enchanteresse comme à une vocation de la nature et du sang ; il lui a semblé tout simple de jouer tantôt avec les armes royales de France, et tantôt avec celles d’Angleterre qu'elle écartelait à ses panneaux : mais tout cela lui a été et lui sera pardonné, à elle par exception ; tous ses péchés lui seront remis, parce qu’elle a si bien pensé, parce qu’elle a si loyalement épousé les infortunes royales, comme elle en avait naïvement usurpé les grandeurs ; parce qu’elle est entrée dans l’esprit des vieilles races à faire honte à ceux qui en étaient dégénérés ; parce qu’elle a eu du cœur et de l’honneur comme une Agnès Sorel en avait eu ; parce qu’elle a eu de l’humanité au péril de sa vie, parce qu’elle a confessé la bonne cause devant les bourreaux, et qu'elle a osé leur dire en face : Vous êtes des bourreaux !

1647. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Des prochaines élections de l’Académie. »

On ne l’analyse pas, on n’analyse pas l’étincelle, le rayon qui se joue à l’écume et à la risée du flot.

1648. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Une monarchie en décadence, déboires de la cour d’Espagne sous le règne de Charles II, Par le marquis de Villars »

 » Pour grande distraction, la reine joue trois ou quatre heures par jour aux jonchets, qui est le jeu favori du roi.

1649. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Mémoire de Foucault. Intendant sous Louis XIV »

A ces odieux, procédés, il mêle parfois des airs d’honnête homme, des semblants de sentiment ; il joue le bon apôtre : « Le sieur d’Audrehon, ministre de Lembeye, m’étant venu voir ; me dit qu’il sentait de grands mouvements dans son cœur pour embrasser la religion catholique ; mais qu’il avait encore besoin d’un, mois pour prendre sa résolution ; sur quoi, l’ayant fait entrer dans la chapelle du château de Pau, où M. l’évêque d’Oléron recevait l’abjuration d’un ancien avocat de Pau et où il y avait beaucoup de monde, je lui demandai s’il ne sentait rien dans son cœur qui le sollicitât, à la vue de son véritable pasteur, de s’aller jeter entre ses bras.

1650. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Histoire de la Restauration par M. Louis de Viel-Castel. Tomes IV et V. »

Il y avait des niais et quelques sots panachés dont je ne parle pas, ils vivent peut-être encore ; puis, à côté, les malins : — et ce Vitrolles, hardi, osé, peu scrupuleux, qui avait un pied dans les camps les plus opposés, qui visait à un premier rôle, qui jouait son va-tout sur une seule carte, la confiance intime de Monsieur ; qui perdit et qui se fera beaucoup pardonner un jour en jugeant dans ses Mémoires avec esprit les gens qui l’ont mal payé de son zèle ; — et Michaud ; engagé parmi les violents du parti, on ne sait trop pourquoi, si ce n’est parce qu’il s’en était mis de bonne heure et de tout temps ; raisonnable et même assez philosophe dans ses écrits historiques et dans ses livres, incorrigible dans ses feuilles ; de qui Napoléon avait dit que c’était « un mauvais sujet » ; avec cela homme d’esprit et les aimant, indulgent même pour la jeunesse ; journaliste avant tout et connaissant son arme, muet dans les assemblées et pour cause, avec un filet de voix très-mince, un rire voltairien, et qui passa sa vie à se rendre compte des sottises qu’il favorisait, qu’il provoquait même, et qu’il voyait faire41.

1651. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Ducis épistolaire (suite) »

Il va même trop loin dans les lettres de ce temps que j’ai sous les yeux73 ; il joue, il plaisante imprudemment avec le bizarre ermite comme avec un caractère bien fait et qui entendrait la raillerie ; il s’égaye beaucoup trop aux dépens de son humeur belliqueuse, à propos du fusil que Rousseau tenait toujours chargé contre les voleurs et qu’il s’amusait parfois à tirer sur les loirs.

1652. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Térence. Son théâtre complet traduit par M. le marquis du Belloy (suite et fin.) »

comme nous jouerions mieux, si nous ne tenions pas à être applaudis ! 

1653. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Vie de Jésus, par M. Ernest Renan »

Je n’examine pas le fond ; mais le temps a assemblé et amassé autour de ces établissements antiques et séculaires tant d’intérêts, tant d’existences morales et autres, tant de vertus, tant de faiblesses, tant de consciences timorées et tendres, tant de bienfaits avec des inconvénients qui se retrouvent plus ou moins partout, mais, à coup sûr, tant d’habitudes enracinées et respectables, qu’on ne saurait y toucher et les ébranler sans jouer l’avenir même des sociétés… » On voit la suite.

1654. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Théophile Gautier (Suite.) »

C’est au milieu de toutes ces difficultés, de tous ces écueils, que le feuilleton de Théophile Gautier a à se gouverner et à naviguer, et il s’en tire toujours d’un air d’aisance, d’élégance, avec infiniment d’adresse et toute la grâce d’une gondole qui se jouerait en plein canal54.

1655. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « M. Émile de Girardin. »

Le talent, c’est-à-dire les idées exprimées d’une façon incisive et tranchante, le mordant, la verve, la précision, la propriété des termes dont il joue, qu’il entre-choque à plaisir et qu’il oppose, sont chez M. de Girardin publiciste des qualités incontestables.

1656. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Observations sur l’orthographe française, par M. Ambroise »

Mais commettre cette ânerie pour le mot même qui répond juste à bien écrire, convenez que c’est jouer de malheur.

1657. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Essai sur Talleyrand (suite.) »

Le tour joué, on retourne trop vite à sa boue secrète.

1658. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « DIX ANS APRÈS EN LITTÉRATURE. » pp. 472-494

Aura-t-on à présenter, sous les phénomènes excentriques éclatants qui illustrent et compromettent aussi une époque, et dans l’entre-deux de ces hasards de génie aussi souvent insensés que glorieux, un fonds plus sage, un corps de réserve et d’élite encore, rebelle à entamer, sensé, judicieux, fin, mesurant applaudissement ou sentence sur ce qui joue et brille ou s’égare devant lui ?

1659. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. PROSPER MÉRIMÉE (Essai sur la Guerre sociale. — Colomba.) » pp. 470-492

Mais ici on ne s’y est pas mépris, on a senti au début que c’était vrai, que c’était amusant, que ces singularités énergiques jouaient dans leur cadre, qu’un guide aisé et sûr, et pas dupe le moins du monde, tenait la main.

1660. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Mathurin Regnier et André Chénier »

En accouplant deux hommes si éloignés par le temps où ils ont vécu, si différents par le genre et la nature de leurs œuvres, nous ne nous soucions pas de tirer quelques étincelles plus ou moins vives, de faire jouer à l’œil quelques reflets de surface plus ou moins capricieux.

1661. (1902) L’observation médicale chez les écrivains naturalistes « Chapitre IV »

jouez de l’orgue pour m’empêcher d’appeler la garde.

1662. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre V. De la littérature latine, pendant que la république romaine durait encore » pp. 135-163

Ils permettaient qu’on jouât devant eux de certaines mœurs théâtrales, sans aucun rapport avec leurs vertus domestiques, des pantomimes, ou des farces grossières, des esclaves grecques faisant le principal rôle dans des sujets grecs, mais rien qui pût avoir la moindre analogie avec les mœurs des Romains.

1663. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre premier. Les signes — Chapitre II. Des idées générales et de la substitution simple » pp. 33-54

. — Une petite fille de dix-huit mois rit de tout son cœur quand sa mère et sa bonne jouent à se cacher derrière un fauteuil ou une porte et disent : « Coucou. » En même temps, quand sa soupe est trop chaude, quand elle s’approche du feu, quand elle avance ses mains vers la bougie, quand on lui met son chapeau dans le jardin parce que le soleil est brûlant, on lui dit : « Ça brûle. » Voilà deux mots notables et qui pour elle désignent des choses du premier ordre, la plus forte de ses sensations douloureuses, la plus forte de ses sensations agréables.

1664. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre III. Le naturalisme, 1850-1890 — Chapitre VI. Science, histoire, mémoires »

Une conception de l’univers et de la vie s’affirme dans ces œuvres maîtresses qui ont rempli l’existence de Renan : la même qui nous est renvoyée par ces essais de toute sorte, où sa pensée se reposait, où se jouait sa fantaisie, études d’histoire, de critique ou de morale, dialogues ou drames philosophiques, et toutes ces allocutions, confidences, propos, où d’un mot le maître donnait le contact et le secret de son âme.

1665. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Jean Richepin »

Ses Caresses sont assurément, de tous les poèmes qu’on ait écrits, ceux où les reins jouent le rôle le plus considérable  Puis il tente le théâtre, et ce mâle nous montre une femelle, la Glu, une goule qui mange un pêcheur breton.

1666. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « La génération symboliste » pp. 34-56

Certes, les gens de santé pleine se jouent de toutes ces épreuves et s’y débrouillent tant bien que mal.

1667. (1890) L’avenir de la science « V »

C’est pour moi une véritable souffrance de voir des esprits distingués déserter le grand auditoire de l’humanité, pour jouer le rôle facile et flatteur pour l’amour-propre de grands prêtres et de prophètes, dans des cénacles, qui ne sont encore que des clubs.

1668. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre V. La littérature et le milieu terrestre et cosmique » pp. 139-154

Pendant que chaque été emportait dans les vallées et sur les glaciers des Alpes des caravanes de plus en plus nombreuses, un mouvement simultané a entraîné sur les plages de la Normandie ou de la Bretagne une foule croissante, ravie de jouer avec l’océan et d’en contempler l’éternelle mobilité.

1669. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. Bain — Chapitre III : Les Émotions »

Vous êtes au théâtre : on joue un drame intéressant et l’on en est à une scène capitale, la réconciliation du héros et de l’héroïne après de longs et affligeants malentendus.

1670. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Mémoires de Philippe de Commynes, nouvelle édition publiée par Mlle Dupont. (3 vol. in-8º.) » pp. 241-259

L’ironie de Commynes se joue dans ce premier récit ; c’est cette ironie que nous cherchons, et non l’affaire en elle-même, qui ne nous importe guère.

1671. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Le Palais Mazarin, par M. le comte de Laborde, de l’Institut. » pp. 247-265

Le cardinal y était à jouer avec Chavigny et quelques autres.

1672. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Le surintendant Fouquet. (Article Fouquet, dans l’Histoire de Colbert, par M. P. Clément.) 1846. » pp. 294-312

Cependant on jouait Les Fâcheux de Molière.

1673. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « La reine Marguerite. Ses mémoires et ses lettres. » pp. 182-200

On voit que Marguerite donne par là à entendre qu’elle n’avait jusqu’alors fait aucune comparaison d’un homme à un autre homme ; elle joue l’innocente, et, par sa citation de la Romaine, elle fait aussi la savante, ce qui rentre tout à fait dans le tour de son esprit.

1674. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « L’abbé Gerbet. » pp. 378-396

On y joue à quelques jeux : on y tire quelque loterie, et, pour qu’il soit dit que personne ne perdra, il est convenu que l’abbé Gerbet fera des vers pour le perdant, pour celui qui s’appelle, je crois, le nigaud.

1675. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « La Fontaine. » pp. 518-536

Dans Le Meunier, son Fils et l’Âne, il se joue, il cause, il fait causer les maîtres, Malherbe et Racan, et l’apologue n’est plus qu’un ornement de l’entretien.

1676. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1853 » pp. 31-55

On l’accusait, à tort ou à raison, de jouer à la baisse.

1677. (1864) William Shakespeare « Deuxième partie — Livre III. Zoïle aussi éternel qu’Homère »

Chez l’abbesse de Nivelles, princesse du Saint-Empire, demi-recluse et demi-mondaine, et ayant, dit-on, recours, pour se mettre du rose aux joues, au même moyen que l’abbesse de Montbazon, on jouait des charades ; entre autres celle-ci : — La première syllabe est sa fortune ; la seconde serait son devoir. — Le mot était Vol-taire.

1678. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre I : La politique — Chapitre II : Philosophie politique de Tocqueville »

L’extrême petitesse de chacun comparé au tout décourage et désarme la force morale : il semble même que la disproportion d’une âme forte et d’une situation faible a quelque chose d’inconvenant ; on craint de jouer au héros, et, chacun se diminuant ainsi par faiblesse et par scrupule, il en résulte une diminution générale, qui, en se perpétuant et en s’aggravant de génération en génération, pourrait avoir de tristes effets.

1679. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Michelet »

Il joue à l’écho avec cela, et c’est lui qui fait l’écho.

1680. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre XIII : De la méthode »

Ils n’ont ni femme, ni enfants, ni neveux ; ils ne vont point dans le monde ; ils ne jouent point au whist ; ils ne prennent point de tabac ; ils ne font point de collections.

1681. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre XIV : De la méthode (Suite) »

Il n’a pas d’esprit ; il ne trouve jamais de mots piquants ; sa conversation n’a aucune souplesse ; il ne sait pas tourner autour d’une idée, l’effleurer, s’en jouer.

1682. (1925) Les écrivains. Première série (1884-1894)

Le dramatique sobre et fort de ces vivantes scènes intéressa, remua les plus glacés, les plus prévenus, ceux-là qui, par parti pris contre les tentatives artistes de ce théâtre, dénigrent à l’avance toutes les pièces qu’on y joue, et qu’ils appellent des œuvres de contrebande. […] Et parmi toutes ces beautés évolueront des jeunes gens, poètes en espérance, apprentis littérateurs, qui vous appelleront « le maître », et que vous dirigerez, chaque soir, vers les bureaux de rédaction, chacun chargé par vous d’y jouer son petit air de flûte en votre honneur. […] En face, l’esplanade se déroule ; des verveux y sèchent au soleil ; des enfants y jouent dans l’herbe et les chalands des mariniers dérivent doucement, au bout de leurs amarres, sur la surface du fleuve que ride en ce moment un léger vent d’ouest. […] Il s’est trouvé que le petit reporter, qu’on attendait, pareil aux autres, un petit reporter avec lequel il n’y avait pas à se gêner, il s’est trouvé que ce petit reporter était un observateur aigu, dangereux et fidèle, et qu’il était aussi le plus habile homme du monde à faire jouer tous les ressorts de la vanité, chez ces marionnettes, à mettre en branle leurs orgueils sans défiance. […] Des ors, de-ci de-là, des ors éteints de vieilles harpes, jouaient délicatement, parmi cette lunarité florale, et sur le dessus de marbre rose, de mourantes feuilles de bronze s’incrustaient, envolées on ne sait de quel japonais automne.

1683. (1900) La culture des idées

Ils sont de magnifiques instruments dont le subconscient seul joue avec génie ; lui aussi, le génie, est subconscient. […] Il y a d’autres hommes non moins rares, mais moins complets, chez lesquels la volonté ne joue qu’un rôle fort ordinaire et qui ne sont rien dès qu’ils ne sont plus sous l’influence du subconscient. […] Dans les possessions, Satan et sa monnaie, les Diables, jouaient le rôle du principe inconnu ; ils représentaient l’origine de toutes les maladies mystérieuses. […] À moins (ce que je crois) qu’ils ne jouent innocemment sur les mots, ils conviendront, et c’est d’ailleurs l’opinion de M.  […] Mais que chacun soit libre même de jouer avec le feu ; la prudence se conseille et ne doit pas s’imposer.

1684. (1925) Comment on devient écrivain

En somme, on joue sa vie pour savoir si on aura du talent. […] Un auteur applaudi cinquante fois à la Comédie-Française estimera bien plus son succès que celui d’un de ses confrères joué trois cents fois à l’ancien Ambigu.‌ […] Qu’est-ce, en effet, qu’un chef-d’œuvre qui n’est pas lu, ou une pièce de théâtre qu’on ne joue pas ? […] Voilà pourquoi le rôle que l’amour y joue, et, je le répète, la place qu’il y tient se présentent à leurs yeux désabusés comme un rôle et une place de convention, une sorte d’usurpation sentimentale et littéraire où la vérité n’a rien à voir, un mensonge pour les dames. […] On publie aujourd’hui des volumes sur n’importe quelle personne ayant joué un bout de rôle dans la tragédie du passé.

1685. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — chapitre VI. Les romanciers. » pp. 83-171

Y a-t-il rien de plus agréable à peindre qu’une ivresse de nuit, de bonnes trognes insouciantes, et la riche lumière noyée d’ombres qui vient jouer sur des habits chiffonnés et des corps appesantis ? […] Regardez encore cet hôpital de maniaques, le sale idiot au visage terreux, aux cheveux crasseux, aux griffes salies, qui croit jouer du violon et qui s’est coiffé d’un cahier de musique ; le superstitieux qui se tord convulsivement sur la paille, les mains jointes, sentant la griffe du diable dans ses entrailles ; le furieux hagard et nu qu’on enchaîne, et qui s’arrache avec les ongles des morceaux de chair. […] Ce nez tortu, ces bourgeons sur une joue vineuse, ce geste hébété de la brute somnolente, ces traits grimés, ces formes avilies, ne servent qu’à faire saillir le naturel, le métier, la manie, l’habitude.

1686. (1866) Dante et Goethe. Dialogues

E sarai meco senza fine cive Di quella Roma onde Cristo è Romano Virgile ne joue qu’un rôle secondaire. […] C’était un après-dîner ; je jouais au jardin avec de petites compagnes. […] Parfois aussi un mouvement précipité du sang laissait à sa joue des traces fâcheuses, et cela le plus souvent aux jours où Cornélie devait paraître dans quelque fête, si bien qu’elle semblait alors, écrit Gœthe, le jouet d’un démon railleur qui trahissait à tous les yeux les troubles contenus de son âme ardente. […] Il s’essaye à peindre, à graver ; il joue de plusieurs instruments de musique, du piano, du violoncelle ; comme un berger de Virgile, il souffle de sa belle lèvre adolescente dans ce qu’on appelait alors la « flûte douce. » Il rime ses premiers Lieder et se les entend chanter avec délices. […] Elle a battu des mains, dit-elle, en voyant son Wolfgang paraître et disparaître sous les arches du pont de Francfort, la chevelure au vent, l’œil en feu, la joue empourprée par la bise aiguë, sa pelisse cramoisie aux glands d’or flottant comme un manteau royal sur l’épaule du jeune triomphateur à qui sourit la beauté. « Il est beau comme un fils des dieux, s’écrie l’orgueilleuse mère, et jamais on ne verra rien de semblable ! 

1687. (1865) Introduction à l’étude de la médecine expérimentale

Le merveilleux et la superstition y jouent un grand rôle. […] De sorte qu’il y aura toujours à considérer : 1º un corps qui réagit ou qui manifeste le phénomène ; 2º un autre corps qui agit et joue relativement au premier le rôle d’un milieu. […] Tout cela prouve que ces éléments, quoique distincts et autonomes, ne jouent pas pour cela le rôle de simples associés, et que leur union exprime plus que l’addition de leurs propriétés séparées. […] Chez les végétaux et chez les animaux à sang froid, nous voyons encore les conditions de température et d’humidité du milieu cosmique jouer un très grand rôle dans les manifestations de la vie. […] En effet, dans la science, il ne s’agit pas seulement de chercher à critiquer les autres, mais le savant doit toujours jouer vis-à-vis de lui-même le rôle d’un critique sévère.

1688. (1903) Le problème de l’avenir latin

C’est par ce moyen qu’il semble se prouver à lui-même son existence et jouer son rôle dans le monde. […] Si nous, les « sensitifs », nous paraissons si totalement nous abstraire des parties qui se jouent dans le monde, est-ce par orgueil, par dédain ou par impuissance ? […] Elle cesse graduellement de jouer le rôle qui correspond à son nom, à son passé, à la position matérielle qu’elle occupe. […] Lorsqu’une nation s’avère, soit par décrépitude, soit par inaptitude à s’adapter aux conditions de la vie moderne, absolument inférieure au rôle qu’elle devrait jouer, elle tombe tôt ou tard entre les mains d’une autre, voisine ou lointaine, qui, vivante, ardente et ambitieuse, exploite pour son propre compte ce que la première a laissé en friche. […] Ceux qui ont achevé de jouer leur rôle sur la scène du monde doivent disparaître sans murmurer contre le sort.

1689. (1826) Mélanges littéraires pp. 1-457

Il racontait souvent, à ce sujet, une anecdote : Ayant mené le fils d’un lord à cette école, les pauvres orphelins lui proposèrent de jouer avec eux. […] Ô champs aimés en vain, champs où se joua ma tranquille enfance, encore étrangère aux douleurs ! […] On ne joue presque plus le Caton d’Addison. […] Il est malheureux de rencontrer sans cesse cet homme célèbre dans l’histoire littéraire du dernier siècle, et de l’y voir jouer si souvent un rôle peu digne d’un honnête homme et d’un beau génie. […] C’est là que nous avons vu l’Albanais coucher en joue de malheureux enfants qui couraient se cacher derrière les débris de leurs cabanes, comme accoutumés à ce terrible jeu.

1690. (1892) Essais sur la littérature contemporaine

Nul d’ailleurs n’écrit mieux que lui, d’un style plus vif, plus souple et plus inattendu : il joue avec les mots, il en fait ce qu’il veut, il en jongle… Et j’estime aussi M.  […] J’admets d’ailleurs, puisque Vinet a joué son rôle dans l’histoire religieuse de la Suisse, et même du protestantisme contemporain, que l’on en tienne compte, comme l’a fait jadis M.  […] Mais nous voulons pénétrer plus avant ; nous voulons déchirer le voile ; et nous voulons atteindre enfin l’essence dont les manifestations se jouent à la surface des choses. […] Mais encore Madame Bovary n’était-elle pas un cas pathologique, et le personnage principal y jouait-il un autre rôle que d’être le support de sa maladie ! […] Voulez-vous voir s’évanouir la plupart des chicanes qu’on fait au style de Molière : ne vous contentez pas de le parcourir des yeux, allez le voir jouer, ou lisez-le vous-même à haute voix.

1691. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Mézeray. — II. (Fin.) » pp. 213-233

Il en est, comme Des Yveteaux, qui font leur idéal de jouer la bergerie en cheveux gris sous un éternel bocage ; tel met jusqu’à la fin son cadre de bonheur dans un cabinet bleu et dans un boudoir ; tel veut un Louvre, tel veut un bouge.

1692. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Gibbon. — I. » pp. 431-451

Et, par exemple, en voyant Voltaire jouer de sa personne la tragédie à Lausanne où il était en ces années, et tout en convenant que sa déclamation était plus emphatique que naturelle, Gibbon sentit se fortifier son goût pour le théâtre français : « et ce goût, confesse-t-il, a peut-être affaibli mon idolâtrie pour le génie gigantesque de Shakespeare, laquelle nous est inculquée dès l’enfance comme le premier devoir d’un Anglais ».

1693. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « M. de Stendhal. Ses Œuvres complètes. — II. (Fin.) » pp. 322-341

Et ce même homme qui aurait joué au naturel dans un mime antique, était celui qui sentait si bien le grand et le sublime sous la coupole de Saint-Pierre.

1694. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « M. Daru. Histoire de la république de Venise. — II. (Suite.) » pp. 434-453

en sortant du collège et nourri de mon Plaute, j’aurais été plautéien comme un autre ; mais les comédiens m’auraient-ils joué ? 

1695. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Le marquis de la Fare, ou un paresseux. » pp. 389-408

Il y a souvent en l’homme un défaut dominant et profond, un vice caché qui se dissimule, qui est honteux de paraître ce qu’il est, qui aime à se déguiser dans la jeunesse sous d’autres formes séduisantes, à se donner des airs de noble et belle passion : attendez les années venirt, le vice caché va s’ennuyer des déguisements et des détours, ou si vous l’aimez mieux, il va hériter de ces autres passions plus faibles et éphémères qui se jouaient devant lui ; il va les dévorer et grossir en les absorbant en lui-même et les engloutissant : alors on le verra se démasquer tout à la fin et se montrer crûment sans plus de honte, laid, difforme, et, pour tout dire, monstrueux.

1696. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Une Réception Académique en 1694, d’après Dangeau (tome V) » pp. 333-350

Puis ne perdons rien du jeu de scène : pendant que l’un pique, joue et enfonce, l’autre, qui se croit loué, se rengorge et jouit ; et l’auditoire, — cet auditoire qui se compose de la fleur de la ville et de la Cour, de témoins de la qualité des Hamilton, des Coulanges et des Caylus, saisit chaque nuance, achève chaque intention, et la redouble en applaudissant63.

1697. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « [Chapitre 5] — I » pp. 93-111

L’emmenant à Grosbois, l’initiant à ses manuscrits les plus secrets et à ses papiers d’État, il l’engageait toujours, après ces choses essentielles, à n’en pas négliger d’autres moins petites et moins inutiles qu’on ne le croiraiti, à se faire du monde plus qu’il n’était, à jouer quelquefois (le jeu crée des relations, rapproche les distances, adoucit des inimitiés) ; il en venait jusqu’à lui donner des leçons sur les façons de faire sa cour et de réussir auprès du vieux cardinal.

1698. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « II » pp. 21-38

Il est comme un homme délivré et qui respire librement ; il se remet à rire, à jouer la comédie et la tragédie en société ; il est heureux de cette bienveillance intelligente qu’il inspire, et de cette culture mêlée de simplicité qu’il rencontre au pied des Alpes.

1699. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Divers écrits de M. H. Taine — I » pp. 249-267

Que si l’on veut rompre avec l’École en en sortant, si l’on se sent épris des fantaisies, des descriptions mondaines, piqué du démon de raillerie et curieux du manège des passions, on s’y jouera dès l’abord avec un art d’expression plus savant, plus consommé, et une ivresse plus habile que celle de personne : il n’y a plus de noviciat à faire en public ; il s’est fait dès auparavant et à huis clos.

1700. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Œuvres de Vauvenargues tant anciennes qu’inédites avec notes et commentaires, par M. Gilbert. — III — Toujours Vauvenargues et Mirabeau — De l’ambition. — De la rigidité » pp. 38-55

Il tient surtout dans sa lettre (car nous en sommes toujours à cette même lettre décisive, où il se découvre) à bien montrer à Mirabeau qu’on peut désirer de sortir d’une condition médiocre et d’arriver à une grande situation, par de grands motifs et sans du tout abjurer la hauteur des sentiments : Il y a des hommes, je le sais, qui ne souhaitent les grandeurs que pour vivre et pour vieillir dans le luxe et dans le désordre, pour avoir trente couverts, des valets, des équipages, ou pour jouer gros jeu, pour s’élever au-dessus du mérite et affliger la vertu, et qui n’arrivent à ce point que par mille indignités, faute de vues et de talents : mais, de souhaiter, malgré soi, un peu de domination parce qu’on se sent né pour elle ; de vouloir plier les esprits et les cœurs à son génie ; d’aspirer aux honneurs pour répandre le bien, pour s’attacher le mérite, le talent, les vertus, pour se les approprier, pour remplir toutes ses vues, pour charmer son inquiétude, pour détourner son esprit du sentiment de nos maux, enfin, pour exercer son génie et son talent dans toutes ces choses ; il me semble qu’à cela il peut y avoir quelque grandeur.

1701. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Correspondance inédite de Mme du Deffand, précédée d’une notice, par M. le marquis de Sainte-Aulaire. » pp. 218-237

Que d’illusion dans cette ivresse, dans cette longue ovation d’une disgrâce où la mode jouait et s’essayait à la popularité, dans cet espoir, secrètement nourri et toujours présent, d’un futur rappel et d’une rentrée triomphante aux affaires !

1702. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Œuvres de Maurice de Guérin, publiées par M. Trébutien — II » pp. 18-34

Le taillis qui couvre toute la pente de la côte du Val, retentissant tout le jour du ramage du roitelet, du sifflement gai du pivert et des cris divers d’une multitude d’oiseaux, n’a plus aucun bruit dans ses sentiers ni sous ses fourrés, si ce n’est le piaulement aigu jeté par les merles qui jouent entre eux et se poursuivent, tandis que les autres oiseaux ont déjà le cou sous l’aile.

1703. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Histoire du roman dans l’Antiquité »

Psyché est devenue pour les modernes un de ces thèmes à éternelles variations, où se sont joués et complu bien des talents, bien des pinceaux.

1704. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Souvenirs de soixante années, par M. Étienne-Jean Delécluze, (suite et fin) »

Personne presque n’a assez de mérite pour jouer ce rôle avec dignité, ni assez de fonds pour remplir le vide du temps, sans ce que le vulgaire appelle des affaires.

1705. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Le père Lacordaire. Les quatre moments religieux au XIXe siècle, (suite et fin.) »

Ce qui éclate aux yeux, c’est qu’il a déjà réveillé bien des haines ; il a produit de ces violents effets de répulsion que les excès de ce genre ont suscités de tout temps en France ; il vient de provoquer au théâtre un type vengeur et populaire qui s’est répété et représenté sur toutes les scènes des villes de province, et jusque dans des granges où la comédie ne s’était pas jouée depuis des années95.

1706. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Mémoires de l’abbé Legendre, chanoine de Notre-Dame, secrétaire de M. de Harlay, archevêque de Paris. »

On sentait, même sous le personnage d’apparat, l’homme d’esprit à l’aise et qui jouait de ses talents.

1707. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Gavarni. (suite) »

Voyez-vous courir les écoliers quand l’heure de jouer sonne ?

1708. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Gavarni (suite et fin.) »

Dans la première moitié de son œuvre, on a un charmant petit maître dont le crayon se joue aux costumes et aux ridicules : dans la seconde, c’est un dessinateur vigoureux, coloré, d’un grand caractère, un vrai peintre par le génie du crayon.

1709. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Théophile Gautier (Suite et fin.) »

Les peintres anglais, lors de l’Exposition universelle de 1855, ont été un des thèmes favoris autour desquels sa plume s’est le plus jouée.

1710. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Vaugelas. Discours de M. Maurel, Premier avocat général, à l’Audience solennelle de la Cour impériale de Chambéry. »

On pouvait sourire de lui, je le conçois, de cet homme occupé durant près de quarante ans à fixer l-’usage, ce fleuve mobile qui coulait incessamment entre ses, doigts ; ce badin de Voiture lui appliquait plaisamment l’épigramme de Martial sur le barbier Eutrapèle, si lent à raser son monde, qu’avant qu’il eût achevé la seconde joue la barbe avait eu le temps de repousser à la première.

1711. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Histoire de Louvois par M. Camille Rousset. Victor-Amédée, duc de Savoie. (suite et fin.) »

Admis, le soir, à lui baiser la main, selon l’étiquette, et rarement le visage, il lui arrivait, lorsque cette dernière faveur lui avait été accordée par hasard, de se frotter la joue en sortant de la chambre « comme s’il avait approché d’un pestiféré », avouant à son valet de chambre favori qu’il savait et désapprouvait de tout son cœur les actions et déportements de sa mère.

1712. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « M. Émile de Girardin. »

Le duel joue un grand rôle dans ce roman d’Émile, et il y a dans cet épisode du livre comme un pronostic singulier et un sinistre augure.

1713. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Don Quichotte (suite et fin.) »

Boileau, pendant un séjour aux eaux de Bourbon, où il cherchait à se guérir d’une extinction de voix, écrivait à Racine (9 août 1687) : « Je m’efforce de traîner ici ma misérable vie du mieux que je puis, avec un abbé très-honnête homme qui est trésorier d’une sainte chapelle, mon médecin et mon apothicaire : je passe le temps avec eux à peu près comme Don Quichotte le passait en un lugar de la Mancha, avec son curé, son barbier et le bachelier Samson Carrasco ; j’ai aussi une servante : il me manque une nièce ; mais de tous ces gens-là, celui qui joue le mieux son personnage, c’est moi qui suis presque aussi fou que lui… » Les poëtes français du grand siècle, en s’écrivant avec une bonhomie qui a certes bien son prix, n’ont aucune vue critique, aucun de ces aperçus littéraires qu’on serait tenté de leur demander.

1714. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Histoire de la littérature anglaise, par M. Taine, (suite) »

C’est le joyeux forestier en révolte et le roi des braconniers Robin Hood, le vaillant compère, qui n’est jamais plus en gaieté, ni plus d’humeur à jouer de l’épée ou du bâton que quand le taillis est brillant et que l’herbe est haute : « Robin Hood, c’est le héros national ; saxon d’abord et armé en guerre contre les gens de loi, « contre les évêques et archevêques » ;… généreux de plus, et donnant à un pauvre chevalier ruiné des habits, un cheval et de l’argent pour racheter sa terre engagée à un abbé rapace ; compatissant d’ailleurs et bon envers le pauvre monde, recommandant à ses gens de ne pas faire de mal aux yeomen ni aux laboureurs ; mais par-dessus tout hasardeux, hardi, fier, allant tirer de l’arc sous les yeux du shérif et à sa barbe, et prompt, aux coups, soit pour les embourser, soit pour les rendre. » Partout, d’un bout à l’autre, dans tout ce livre de M. 

1715. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Histoire de la Grèce, par M. Grote »

Questions obscures, sans doute insolubles, où l’érudition et l’ingéniosité peuvent se jouer à l’infini et conjecturer même avec toute sorte d’industrie et d’adresse, mais où les esprits nets et clairs, ceux « qui prennent pour règle l’évidence », les esprits de la lignée de Locke, de la famille des Gibbon, des Hallam, ne sauraient s’assurer d’un seul endroit guéable ni trouver où poser le pied.

1716. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Les fondateurs de l’astronomie moderne, par M. Joseph Bertrand de l’académie des sciences. »

Fontenelle, s’il ne conclut pas, s’il paraît se jouer en homme d’esprit et en sage peu entêté de son opinion, reste du moins exactement philosophe.

1717. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Marie-Thérèse et Marie-Antoinette. Leur correspondance publiée par le chevalier d’Arneth »

» L’abbé de Vermond, dans ces premiers temps, joue le rôle d’un moniteur assez importun, comme lui-même il se qualifie.

1718. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Idées et sensations : par MM. Edmond et Jules de Goncourt. »

Ils sont bien des hommes de la fin du xviiie  siècle en cela ; mais ils sont tout à fait des artistes du xixe   par les touches successives du tableau et les nuances à l’infini : « Se trouver, en hiver, dans un endroit ami, entre des murs familiers, au milieu de choses habituées au toucher distrait de vos doigts, sur un fauteuil fait à votre corps, dans la lumière voilée de la lampe, près de la chaleur apaisée d’une cheminée qui a brûlé tout le jour, et causer là à l’heure où l’esprit échappe au travail et se sauve de la journée ; causer avec des personnes sympathiques, avec des hommes, des femmes souriant à ce que vous dites ; se livrer et se détendre ; écouter et répondre ; donner son attention aux autres ou la leur prendre ; les confesser ou se raconter ; toucher à tout ce qu’atteint la parole ; s’amuser du jour, juger le journal, remuer le passé comme si l’on tisonnait l’histoire ; faire jaillir, au frottement de la contradiction adoucie d’un : Mon cher, l’étincelle, la flamme, ou le rire des mots ; laisser gaminer un paradoxe, jouer sa raison, courir sa cervelle ; regarder se mêler ou se séparer, sous la discussion, le courant des natures et des tempéraments ; voir ses paroles passer sur l’expression des visages, et surprendre le nez en l’air d’une faiseuse de tapisserie ; sentir son pouls s’élever comme sous une petite fièvre et l’animation légère d’un bien-être capiteux ; s’échapper de soi, s’abandonner, se répandre dans ce qu’on a de spirituel, de convaincu, de tendre, de caressant ou d’indigné ; jouir de cette communication électrique qui fait passer votre idée dans les idées qui vous écoutent ; jouir des sympathies qui paraissent s’enlacer à vos paroles et pressent vos pensées comme avec la chaleur d’une poignée de main : s’épanouir dans cette expansion de tous et devant cette ouverture du fond de chacun ; goûter ce plaisir enivrant de la fusion et de la mêlée des âmes, dans la communion des esprits : la conversation, — c’est un des meilleurs bonheurs de la vie, le seul peut-être qui la fasse tout à fait oublier, qui suspende le temps et les heures de la nuit avec son charme pur et passionnant.

1719. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « HISTOIRE de SAINTE ÉLISABETH DE HONGRIE par m. de montalembert  » pp. 423-443

En un mot, c’est à la fois, pour les chrétiens, un admirable exemple de la persistance d’une faculté sainte et d’un don qui semblait retiré au monde ; pour les philosophes, un objet d’étonnement sérieux et d’étude sur l’abîme sans cesse rouvert de l’esprit humain ; pour les érudits, la matière la plus riche et la plus complète d’un mystère, comme on les jouait au moyen âge ; pour les poëtes et artistes enfin, une suite de cartons retrouvés d’une Passion, selon quelque bon frère antérieur à Raphaël.

1720. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « THÉOPHILE GAUTIER (Les Grotesques.) » pp. 119-143

C’en est assez pour montrer combien il y a d’arbitraire dans l’admiration où il se joue et dans les preuves qu’il en donne.

1721. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « UN FACTUM contre ANDRÉ CHÉNIER. » pp. 301-324

Le critique imprudent, qui se croit bien habile, Donnera sur ma joue un soufflet à Virgile : Et ceci (tu peux voir si j’observe ma loi), Montaigne, il t’en souvient, l’avait dit avant moi.

1722. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE SÉVIGNÉ » pp. 2-21

Tant qu’elle se borne à rire des Etats, des gentilshommes campagnards et de leurs galas étourdissants, et de leur enthousiasme à tout voter entre midi et une heure, et de toutes les autres folies du prochain de Bretagne après dîner, cela est bien, cela est d’une solide et légitime plaisanterie, cela rappelle en certains endroits la touche de Molière : mais, du moment qu’il y a eu de petites tranchées en Bretagne, et à Rennes une colique pierreuse, c’est-à-dire que le gouverneur, M. de Chaulnes, voulant dissiper le peuple par sa présence, a été repoussé chez lui a coups de pierres ; du moment que M. de Forbin arrive avec six mille hommes de troupes contre les mutins, et que ces pauvres diables, du plus loin qu’ils aperçoivent les troupes royales, se débandent par les champs, se jettent à genoux, en criant Meà culpà (car c’est le seul mot de français qu’ils sachent) ; quand, pour châtier Rennes, on transfère son parlement à Vannes, qu’on prend à l’aventure vingt-cinq ou trente hommes pour les pendre, qu’on chasse et qu’on bannit toute une grande rue, femmes accouchées, vieillards, enfants, avec défense de les recueillir, sous peine de mort ; quand on roue, qu’on écartèle, et qu’à force d’avoir écartelé et roué l’on se relâche, et qu’on pend : au milieu de ces horreurs exercées contre des innocents ou pauvres égarés, on souffre de voir Mme de Sévigné se jouer presque comme à l’ordinaire ; on lui voudrait une indignation brûlante, amère, généreuse ; surtout on voudrait effacer de ses lettres des lignes comme celles-ci : « Les mutins de Rennes se sont sauvés il y a longtemps : ainsi les bons pâtiront pour les méchants : mais je trouve tout fort bon, pourvu que les quatre mille hommes de guerre qui sont à Rennes, sous MM. de Forbin et de Vins, ne m’empêchent point de me promener dans mes bois, qui sont d’une hauteur et d’une beauté merveilleuses ; » et ailleurs : « On a pris soixante bourgeois ; on commence demain à pendre.

1723. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Quatrième partie. Élocution — Chapitre IV. Des figures : métaphores, métonymies, périphrases »

Je ne suis rien ; un si petit intervalle n’est pas capable de me distinguer du néant ; on ne m’a envoyé que pour faire nombre, encore n’avait-on que faire de moi, et la pièce n’en aurait pas moins été jouée, quand je serais demeuré derrière le théâtre.

1724. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Henry Rabusson »

L’écrivain — j’entends celui qui par vocation observe les hommes et transcrit ses observations — peut se jouer à lui-même la comédie de la passion.

1725. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Alphonse Daudet, l’Immortel. »

» Et alors je ne suis pas fâché du bon tour que lui joue ce gros malin de M. 

1726. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre IV. Ordre d’idées au sein duquel se développa Jésus. »

Jésus vécut à un de ces moments où la partie de la vie publique se joue avec franchise, où l’enjeu de l’activité humaine est poussé au centuple.

1727. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Discours sur l’histoire de la révolution d’Angleterre, par M. Guizot (1850) » pp. 311-331

Initiés comme ils l’ont été au secret des choses, à la vanité des bons conseils, à l’illusion des meilleurs esprits, à la corruption humaine, qu’ils nous en disent quelquefois quelque chose ; qu’ils ne dédaignent pas de nous faire toucher du doigt les petits ressorts qui ont souvent joué dans les grands moments.

1728. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Le Livre des rois, par le poète persan Firdousi, publié et traduit par M. Jules Mohl. (3 vol. in-folio.) » pp. 332-350

Le temps fanera la joue de rose et obscurcira l’œil de l’âme brillante.

1729. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « M. de Féletz, et de la critique littéraire sous l’Empire. » pp. 371-391

On le sent tout d’abord chez Hoffman, le journaliste se souvient de l’auteur dramatique ; il introduit dans la critique un peu de comédie, de la mise en scène, des dialogues : ce critique sait manier et faire jouer les personnages.

1730. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Mémoires d’outre-tombe, par M. de Chateaubriand. » pp. 432-452

La gaieté, chez M. de Chateaubriand, n’a rien de naturel et de doux ; c’est une sorte d’humeur ou de fantaisie qui se joue sur un fond triste, et le rire crie souvent.

1731. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Mémoires d’outre-tombe, par M. de Chateaubriand. Le Chateaubriand romanesque et amoureux. » pp. 143-162

» La réponse à une telle question pourrait être piquante à débattre ; on pourrait soutenir le pour et le contre ; on pourrait jouer agréablement là-dessus, et, si l’on devenait tout à fait éloquent et sérieux, on pourrait rendre cette réponse peu plaisante pour celui qui la provoque, et même terrible.

1732. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « De la poésie et des poètes en 1852. » pp. 380-400

On ne joue plus de tragédies jetées dans le moule de celles d’il y a trente ans, mais on en fait et l’on en imprime encore.

1733. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « La princesse des Ursins. Lettres de Mme de Maintenon et de la princesse des Ursins — I. » pp. 401-420

Ayant joué en Espagne un rôle considérable pendant treize années, interrompues à peine par une première disgrâce, puis s’étant vue brusquement précipitée et comme déracinée en un clin d’œil, sans laisser derrière elle de partisans ni de créatures, elle a excité des jugements contradictoires, et la plupart sévères.

1734. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Armand Carrel. — I. » pp. 84-104

Un jour le général d’Albignac, commandant de l’École, fit sortir des rangs Carrel sur lequel il avait reçu plus d’un rapport défavorable, et lui dit, ou à peu près : Monsieur Carrel, on connaît votre conduite et vos sentiments ; c’est dommage que vous ne soyez pas né vingt-cinq ans plus tôt, vous auriez pu jouer un grand rôle dans la Révolution.

1735. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Boileau. » pp. 494-513

Boileau retenait de mémoire ses vers, et les récitait longtemps avant de les mettre sur le papier ; il faisait mieux que les réciter, il les jouait pour ainsi dire.

1736. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Le président de Brosses. Sa vie, par M. Th. Foisset, 1842 ; ses Lettres sur l’Italie, publiées par M. Colomb, 1836. » pp. 85-104

Ces jeunes Bourguignons de qualité ont leur carrosse, font bonne chère, jouent gros jeu et se mêlent aux mœurs du pays.

1737. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « L’abbé Barthélemy. — I. » pp. 186-205

Lorsqu’il eut été nommé secrétaire général des Suisses, place qui, à elle seule, rapportait au moins 20 000 livres (janvier 1768), on vit, peu de jours après, dans un des bals du carnaval, un grand homme maigre, sec, dégingandé, qui le représentait en caricature, masqué et à moitié costumé en suisse, avec une calotte et un manteau noir ; et une scène se joua entre un compère et le masque : « Qu’est-ce que cela, beau masque ?

1738. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Le cardinal de Richelieu. Ses Lettres, instructions et papiers d’État. Publiés dans la Collection des documents historiques, par M. Avenel. — Premier volume, 1853. — II. (Fin.) » pp. 246-265

Quand Venise, qui a joué un jeu double, s’accommode par le canal de l’Espagne avec l’archiduc de Gratz, Louis XIII s’en montre offensé ; il s’en plaint comme étant fraudé d’un de ses plus beaux droits, qui est de tenir la balance : « Il semble, écrit-il, que pour tomber en une ingratitude volontaire, elle (la république de Venise) ait voulu, s’exemptant de reconnaissance envers moi, me priver de la gloire qui m’était due pour la conclusion d’un si bon œuvre, en la transférant à un autre. » Voilà le doigt de Richelieu et son cachet dans les affaires étrangères en cinq mois de passage au ministère, et au milieu des troubles civils qui semblaient compromettre l’existence même de l’État.

1739. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Saint François de Sales. Son portrait littéraire au tome Ier de l’Histoire de la littérature française à l’étranger par M. Sayous. 1853. » pp. 266-286

Il ne peut s’empêcher de sourire par le talent et de sembler presque se distraire par le langage, lors même qu’il est le plus sérieux au fond ; il ressemble à ces abeilles dont il parle si souvent : on dirait qu’il se joue, et il travaille.

1740. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Marguerite, reine de Navarre. Ses Nouvelles publiées par M. Le Roux de Lincy, 1853. » pp. 434-454

Telle que je viens de la montrer dans l’ensemble, en fâchant de ne pas forcer les traits et en évitant toute exagération, elle a mérité ce nom de gentil esprit, qui lui a été si universellement accordé ; elle a été la digne sœur de François Ier, la digne patronne de la Renaissance, la digne aïeule de Henri IV par la clémence comme par l’enjouement, et, dans l’auréole qui l’entoure, on aime à lui adresser ce couplet que son souvenir appelle et qui se marie bien avec sa pensée : Esprits charmants et légers qui fûtes de tout temps la grâce et l’honneur de la terre de France ; qui avez commencé de naître et de vous jouer dès les âges de fer, au sortir des horreurs sauvages ; qui passiez à côté des cloîtres et qu’on y accueillait quelquefois ; qui étiez l’âme joyeuse de la veillée bourgeoise, et la fête délicate des châteaux ; qui fleurissiez souvent tout auprès du trône ; qui dissipiez l’ennui dans les pompes, donniez de la politesse à la victoire, et qui rappreniez vite à sourire au lendemain des revers ; qui avez pris bien des formes badines, railleuses, élégantes ou tendres, faciles toujours, et qui n’avez jamais manqué de renaître au moment où l’on vous disait disparus !

1741. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre troisième. Le souvenir. Son rapport à l’appétit et au mouvement. — Chapitre deuxième. La force d’association des idées »

La loi de conservation, sous une forme d’abord appétitive, puis intellectuelle, joue ainsi le principal rôle dans la sélection des idées comme dans celle des espèces.

1742. (1767) Salon de 1767 « Adressé à mon ami Mr Grimm » pp. 52-65

Le célèbre Garrick disoit au chevalier de Chastelux, quelque sensible que nature ait pu vous former, si vous ne jouez que d’après vous-même, ou la nature subsistante la plus parfaite que vous connoissiez, vous ne serez que médiocre… médiocre !

1743. (1911) Jugements de valeur et jugements de réalité

Ils sont essentiellement moteurs ; car derrière eux, il y a des forces réelles et agissantes : ce sont les forces collectives, forces naturelles, par conséquent, quoique toutes morales, et comparables à celles qui jouent dans le reste de l’univers.

1744. (1860) Ceci n’est pas un livre « Une préface abandonnée » pp. 31-76

La question, entre les amis et les ennemis de l’autobiographie, peut se réduire à ceci : les uns veulent que le musicien qui nous enivre de ses mélodies joue derrière un paravent de carton ; il doit rester invisible, sous peine de n’être plus qu’un histrion.

1745. (1824) Discours sur le romantisme pp. 3-28

Ces chefs-d’œuvre, composés dans chacune des villes savantes, des huit ou dix Athènes de l’Allemagne, par le Sophocle du lieu, et joués, pour ainsi dire, en famille, devant le Périclès du Margraviat ou de la Principauté, obtinrent un succès prodigieux ; et nos bons voisins purent croire qu’ils avaient enfin un théâtre national.

1746. (1892) L’anarchie littéraire pp. 5-32

Mais après le banquet il comprit que l’absorbante personnalité de Moréas ne lui permettait pas de jouer ce rôle, et comme il ne pouvait se résigner à n’être qu’un infime satellite, il fomenta les divisions qui ont amené la naissance de l’École romane.

1747. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre VI. Daniel Stern »

, elle montra, par son propre exemple, l’impossibilité pour toute femme de toucher à l’histoire ; et pourtant elle avait derrière elle le robuste Brequigny, qui la conseillait et l’aidait, quand elle jouait ainsi à la Montesquieu !

1748. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Prosper Mérimée »

Elle a pu jouer avec sa vanité d’homme le grand jeu de la coquetterie ; elle a pu même être un instant le vide-poche charmant des mauvaises humeurs de son spleen ; mais Mérimée ne fut bientôt plus que le commissionnaire de cette femme, à charge de revanche.

1749. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Macaulay »

Inventeur ou non de la forme dont il s’est servi, il s’est joué dans cette forme avec tant d’aisance et de grâce, qu’il en a démontré, en s’y jouant, toute la supériorité.

1750. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Charles Baudelaire  »

Il a joué une comédie ; mais c’est la comédie sanglante dont parle Pascal.

1751. (1900) La province dans le roman pp. 113-140

Si la fâcheuse idée le prenait de sortir de son bourg et de jouer au bourgeois, on pouvait trouver et l’on trouva souvent qu’il était lourd, maladroit, prétentieux et grotesque ; mais il fallait le voir en sabots, dans sa vigne qu’il émondait, dans sa maison natale, auprès de sa femme qui filait la quenouille, de ses filles qui cuisaient le pain, de ses fils qui attelaient à la charrue, avec un bel orgueil terrien, huit bœufs au lieu de quatre ; il fallait le voir chez lui, parmi ses pairs, vivant en honnête homme, mourant en chrétien résigné.

1752. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre II : M. Royer-Collard »

Au reste, il débutait noblement par quelques exclamations poétiques : « N’était-ce donc que pour te jouer de lui, ô nature, que tu formas l’homme ?

1753. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XXIII. »

Et lorsque, pour calmer mon âme qui espérait et qui tremblait, la discorde cessait, et que tout semblait paisible et brillant, lorsque la France couvrait son front cicatrisé et sanglant sous des palmes de gloire, et qu’avançant irrésistible, son bras se jouait des guerriers en ligne, à l’heure où, jetant de timides regards de haine, la trahison domestique effaçait, en l’écrasant, sa trace fatale, et, comme un dragon blessé, se repliait dans son sang, alors j’accusais mes craintes qui ne voulaient pas se dissiper.

1754. (1853) Histoire de la littérature française sous la Restauration. Tome I

Le rôle que prit l’empereur dans les questions universitaires, vis-à-vis de Fontanes, est précisément celui qu’on lui a vu jouer envers Fiévée dans les questions de presse ; il a l’air de ne point oser tout ce qu’il voudrait. […] Royer-Collard avait pressenti le talent destiné à jouer un si grand rôle dans les luttes philosophiques de la restauration : c’étaient MM.  […] Les acteurs de la pièce qui vient de se terminer en descendent, d’autres y montent ; ils viennent de tous les points de l’horizon, inconnus la veille, et appelés par une situation nouvelle à jouer un grand rôle le lendemain. […] Déjà la plupart des hommes qui joueront les principaux rôles dans ces luttes vous sont apparus. […] Ainsi tous les acteurs des luttes intellectuelles qui vont s’ouvrir sont à leurs postes, inconnus la plupart à la société où ils vont jouer de si grands rôles, inconnus les uns aux autres, et plusieurs s’ignorant eux-mêmes.

1755. (1890) Journal des Goncourt. Tome IV (1870-1871) « Année 1871 » pp. 180-366

Cela, depuis hier, paraît si naturel à la population, que pas un ne s’en occupe, et que, dans le jardin à côté du mien, deux petits enfants jouent, s’arrêtant à chaque éclat, et disant de leur voix, encore à demi bégayante : « Elle éclate !  […] Et le maître opulent de l’écriture et du dire vous apparaît, comme un doge dans la débine, comme un pauvre et mélancolique Marino Faliero, joué au théâtre Saint-Marcel. […] Presque tous ont une femme près de leur lit de souffrance, et quelquefois de petits enfants jouent sur leurs draps. […] Pendant ce, la petite Renée pleure, parce qu’on ne veut pas la laisser jouer dans la cour. […] Et pendant que nous faisons la visite de la maison, et qu’elle me sert à dîner, Pélagie me conte l’installation de mon voisin César, qui n’avait pas de cave voûtée, l’installation dans l’une des miennes, pendant qu’elle prenait possession de l’autre avec la domestique dudit César, et comme quoi n’ayant rien à faire, toutes deux passaient les journées à jouer aux cartes, leurs yeux s’étant habitués à voir dans l’obscurité.

1756. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre I. Les origines. — Chapitre II. Les Normands. » pp. 72-164

Par dévergondage d’esprit, ils pratiquent la poésie ; par légèreté d’imagination, ils jouent avec la vie : Édouard III fait bâtir à Windsor une salle et une table ronde, et dans un de ses tournois, à Londres, comme dans un conte de fées, soixante dames, assises sur des palefrois, conduisent chacun un chevalier avec une chaîne d’or. […] Cent chevaliers bien comptés joueront aux boules pour l’amuser dans les allées fraîches. […] Enfin, un homme vint et lui dit : « Messire, ce jour est un jour de grande occupation pour nous ; nous ne pouvons vous entendre, c’est le jour de Robin Hood ; tous les gens de la paroisse sont au loin à couper des branches pour Robin Hood ; ce n’est pas la peine de les attendre. »  — L’évêque fut obligé de quitter son costume ecclésiastique, et de continuer sa route, laissant sa place aux archers habillés de vert, qui jouaient sur un théâtre de feuillée les rôles de Robin Hood, de Petit-Jean et de sa bande.

1757. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre IV. L’âge moderne. — Chapitre II. Lord Byron. » pp. 334-423

La preuve en est qu’à cet âge-là j’étais obligé de jouer ou de boire, ou d’avoir une excitation quelconque, sans quoi j’étais misérable… À présent, ce qui m’envahit le plus, c’est l’inertie, et une sorte d’écœurement plus fort que l’indifférence. […] Il écrivait son Beppo en improvisateur, avec un laisser-aller charmant, avec une belle humeur ondoyante, fantasque, et y opposait l’insouciance et le bonheur de l’Italie aux préoccupations et à la laideur de l’Angleterre. « J’aime à voir le soleil se coucher, sûr qu’il se lèvera demain, —  non pas débile et clignotant dans le brouillard, —  comme l’œil mort d’un ivrogne qui geint, —  mais avec tout le ciel pour lui seul, sans que le jour soit forcé d’emprunter — sa lumière à ces lampions d’un sou qui se mettent à trembloter — quand Londres l’enfumée fait bouilloter son chaudron trouble1304. » — « J’aime leur langue, ce doux latin bâtard — qui se fond comme des baisers sur une bouche de femme, —  qui glisse comme si on devait l’écrire sur du satin — avec des syllabes qui respirent la douceur du Midi, —  avec des voyelles caressantes qui coulent et se fondent si bien ensemble, —  que pas un seul accent n’y semble rude, —  comme nos âpres gutturales du Nord, aigres et grognantes, —  que nous sommes obligés de cracher avec des sifflements et des hoquets1305. » — « J’aime aussi les femmes (pardonnez ma folie), —  depuis la riche joue de la paysanne d’un rouge bronzé — et ses grands yeux noirs avec leur volée d’éclairs — qui vous disent mille choses en une fois, —  jusqu’au front de la noble dame, plus mélancolique, —  mais calme, avec un regard limpide et puissant, —  son cœur sur les lèvres, son âme dans les yeux, —  douce comme son climat, rayonnante comme son ciel1306. » Avec d’autres mœurs, il y avait là une autre morale ; il y en a une pour chaque siècle, chaque race et chaque ciel ; j’entends par là que le modèle idéal varie avec les circonstances qui le façonnent. […] Les jeunes filles reposent dans le large appartement silencieux, comme de précieuses fleurs apportées de tous les climats dans une serre. « L’une a posé sa joue empourprée sur son bras blanc, —  et ses bouclés noires font sur ses tempes une grappe sombre. —  Elle rêve ainsi dans sa langueur molle et tiède. —  L’autre, avec ses tresses cendrées qui se dénouent, laisse pencher doucement sa belle tête, —  comme un fruit qui vacille sur sa tige, —  et sommeille, avec un souffle faible, —  ses lèvres entr’ouvertes, montrant un rang de perles. —  Une autre, comme du marbre, aussi calme qu’une statue, —  muette, sans haleine, gît dans un sommeil de pierre, —  blanche, froide et pure, et semble une figure sculptée sur un monument1309. » Cependant les lampes alanguies n’ont plus qu’une clarté bleuâtre ; Dudu s’est couchée, l’innocente, et si elle a jeté un regard dans son miroir, « c’est comme la biche qui a vu dans le lac — passer fugitivement son ombre craintive. —  Elle sursaute d’abord et s’écarte, puis coule un second regard — admirant cette nouvelle fille de l’abîme1310. » Que va devenir ici la pruderie puritaine ?

1758. (1883) La Réforme intellectuelle et morale de la France

Il était comme un joueur qui jouerait à la condition d’être fusillé s’il perd une partie. […] On ne se discipline pas soi-même ; des enfants mis ensemble sans maître ne s’élèvent pas ; ils jouent et perdent leur temps. […] La maison de Bourbon ne doit pas se prêter à ce désir de la nation ; elle manquerait à tous ses devoirs si elle consentait jamais à jouer les rôles de podestats, de stathouders, de présidents provisoires de républiques avortées.

1759. (1889) Les artistes littéraires : études sur le XIXe siècle

Leur virtuosité lyrique fut appréciée sans doute par quelques-uns ; mais elle ne joua qu’un rôle très effacé dans l’entraînement irréfléchi et général, qui du jour au lendemain assurait la célébrité de l’auteur. […] l’éternel paresseux dont les journées s’écoulent à dormir, à fumer ou à jouer avec ses chats favoris ? […] On peut la placer dans ce besoin à demi avoué de jouer perpétuellement un rôle, de se promener à travers la vie comme un comédien sur les planches, prenant tantôt un masque et tantôt un autre, et ne se révélant presque jamais sous son aspect personnel et véritable. […] Il est si nettement visible que l’habileté mécanique joue ici un rôle, sinon exclusif, en tous cas prépondérant ! […] Il s’en défend sans doute ; il adjure ses lecteurs de ne pas confondre « les capricieuses arabesques où se joue la fantaisie d’un artiste savant avec les stériles combinaisons où s’épuise l’obstination d’un maniaque322 ».

1760. (1902) La formation du style par l’assimilation des auteurs

Non, messieurs, mais un spoliateur effréné, mais un monstre qui attente ouvertement à la pudeur, mais un misérable qui se joue de tout ce qu’il y a de plus inviolable et de plus sacré, mais le bourreau le plus cruel de ses propres concitoyens et des alliés du peuple romain  ! […] Patroklos le frappa de sa lance à la joue droite, et l’airain passa à travers les dents, et comme il le ramenait, il arracha l’homme du char. […] Les singes, habitants domiciliés de ces forêts, se jouent dans leurs sombres rameaux, dont ils se détachent par leur poil gris et verdâtre, et leur face toute noire ; quelques-uns s’y suspendent par la queue et se balancent en l’air ; d’autres sautent de branche en branche, portant leurs petits dans leurs bras. […] C’est une suite d’idées triées : Le cimetière est près de l’église et il n’y a pas d’enfants pour jouer avec moi : il souffle un vent dur qui rase la terre avec colère parce qu’il ne trouve pas à se loger dans le feuillage des grands arbres. […] … S’il monte un peu de fumée, c’est une gaieté dans l’espace, elle monte comme un encens du feu de bois mort allumé là-bas par un berger ou du feu de sarment frais sur lequel un petit vacher souffle dans cette hutte, sous ce bouquet de sapins… Il y a le vivier où toute l’eau de la montagne court en moussant, et si froide quelle brûle les doigts ; quelques poissons s’y jouent.

1761. (1859) Moralistes des seizième et dix-septième siècles

Dans les écoles, on ne connaissait guère plus que des formules ; l’autorité jouait en philosophie le même rôle qu’en religion ; on aurait plus volontiers douté de Saint Paul que d’Aristote. […] Le seizième siècle n’en sait rien ; mais dans sa joie effrontée il semble pressentir qu’il joue de son reste. […] Comme bel esprit et comme savant, il a joué dans son siècle un rôle trop important pour n’avoir rien possédé en propre ; néanmoins, sous plusieurs rapports, il reste à peu près à nos yeux la seconde édition de Montaigne, et une édition qui ne vaut pas la première. […] C’est une troupe de comédiens qui, sachant fort bien, les uns des autres, qu’ils jouent la comédie, ne laissent pas de se faire illusion sur leurs intentions réciproques, et dont chacun s’identifie si bien avec son rôle qu’il oublie que c’est un rôle. […] Il décrit le rôle qu’elles jouaient alors dans la société, hors de leur véritable sphère.

1762. (1898) Manuel de l’histoire de la littérature française « Livre III. L’Âge moderne (1801-1875) » pp. 388-524

Ajoutez que l’amour ne tient pas plus ici de place qu’il n’en occupe effectivement dans la vie, — je ne dis pas la femme, je dis l’amour, — et en revanche la haine, la vanité, l’ambition, l’avarice, toutes les passions humaines y jouent leur personnage. […] 2º L’Homme et l’Écrivain ; — et qu’il mérite qu’on ne l’oublie point, pour la seule originalité de sa physionomie ; — comme ayant passé sa vie de soldat à déserter son poste ; — sa vie publique à jouer au « paysan » en traduisant du grec dans le français d’Amyot ; — et comme ayant réuni dans ses meilleurs écrits le sentiment le plus délicat du style à une rare grossièreté de pensées. — Quelles raisons il a eues de se ranger dans l’opposition libérale sous la Restauration ; — et si la principale n’en a pas été son échec à l’Académie des inscriptions, 1818 ? […] 2º Le Poète, — et quelque rôle qu’il ait joué par ailleurs ; — comme aussi quelque air de dédain qu’il ait affecté parfois pour sa poésie ; — et quelque service enfin qu’il nous ait rendu dans un jour fameux ; — que sa gloire sera toujours d’être l’auteur des Méditations et des Harmonies ; — et non celui de l’Histoire de la Restauration ou même de l’Histoire des Girondins. […] Louis Lambert]. — Ses années de stage chez l’avoué et chez le notaire ; — et de quelle manière il en a profité ; — non seulement en y apprenant cette « procédure » qui devait tenir tant de place dans quelques-uns de ses romans ; — mais en y acquérant l’intelligence des « affaires » ; — et du rôle qu’elles jouent dans la vie contemporaine. — Sa tragédie de Cromwell, 1820 [non imprimée], — et ses premiers romans [sous le pseudonyme d’Horace de Saint-Aubin], — dont il est inutile de retenir les titres, puisqu’il les a désavoués. — Ses entreprises industrielles : de librairie, d’imprimerie, de fonderie de caractères ; — et que rien n’est curieux, dans son désir de gagner de l’argent, comme de le voir ainsi toujours tourner autour des « industries du livre ». — Que si d’ailleurs il n’a réussi ni comme « fondeur », ni comme « imprimeur », — cette expérience d’un autre genre, — venant s’ajouter à celle qu’il avait acquise chez le notaire et chez l’avoué, — n’est pas entrée pour une petite part dans la composition de son talent. — Les Chouans, 1827-1829 ; — La Physiologie du mariage, 1829-1830 ; — La Maison du chat qui pelote, Le Bal de Sceaux, La Vendetta, 1830. — Son activité fiévreuse et sa production désordonnée [Cf.  […] 3º Les Œuvres. — Elles se composent de son Théâtre complet, dans les cinq volumes duquel, publiés chez Calmann Lévy, 1892, 1893, on a fait entrer toutes celles de ses pièces qui ont été jouées, y compris quelques-unes de celles qui faisaient partie des deux volumes : Scènes et proverbes, et Scènes et comédies ; Et 2º ses romans, qui sont : Bellah, 1850 ; — La Petite Comtesse, 1856 ; — Le Roman d’un jeune homme pauvre, 1858 ; — Histoire de Sibylle, 1862 ; — M. de Camors, 1867 ; — Julia de Trécœur, 1872 ; — Un mariage dans le monde, 1875 ; — Les Amours de Philippe, 1877 ; — Le Journal d’une femme, 1878 ; — l’Histoire d’une Parisienne, 1881 ; — La Veuve, 1883 ; — La Morte, 1886 ; — et Honneur d’artiste, 1890.

1763. (1928) Quelques témoignages : hommes et idées. Tome I

C’est que la personnalité des Goncourt jouait sur celle de M.  […] » De quelle foi correspondante sont possédés les fervents de la Comédie humaine, Sainte-Beuve l’avait déjà noté, . à l’occasion d’un groupe de voyageurs s’amusant à jouer entre eux, pendant un séjour à Venise, quelques personnages du romancier, et le jeu, — ajoute le critique, — fut parfois poussé jusqu’au bout. […] Elle manifeste une disposition d’esprit que l’on peut caractériser de cosmique et qui consiste à regarder l’humanité comme emportée par de vastes et souveraines poussées collectives où l’individu joue précisément le rôle du flot dans la mer. […] C’était à moi de le remercier de m’avoir fait jouer, pour une fois, le rôle de bon prophète en réalisant, et au-delà, cette destinée de gloire que j’entrevoyais pour lui. […] En comprenant le rôle particulier que cette province joue dans la synergie française.

1764. (1867) Cours familier de littérature. XXIV « CXXXIXe entretien. Littérature germanique. Les Nibelungen »

» Et quand il n’eût jamais plus joué de la viole, qu’importait à Hagene ! […] Le ménestrel de Gunther joua des airs effrayants.

1765. (1899) Les industriels du roman populaire, suivi de : L’état actuel du roman populaire (enquête) [articles de la Revue des Revues] pp. 1-403

Celui qui n’a rien composé ou peu de chose est en vedette au programme ; on ne parle que de sa création ; il la fait jouer longtemps, reprendre souvent en province ; il en recueille l’honneur complet. […] Il ne se met pas en frais de raison ni d’imagination, il se joue de toute vraisemblance, il oppose les victimes innocentes et les traîtres, il amuse la curiosité bête, il flatte tout à la fois la sensiblerie et le goût de l’horrible, il sert indéfiniment son « mêlé » de fadasse et d’alcool.

1766. (1856) Jonathan Swift, sa vie et ses œuvres pp. 5-62

L’état déplorable de ce pays, l’oppression politique et industrielle de ces populations misérables, l’indignèrent et lui offrirent une nouvelle occasion de jouer un grand rôle dans le monde. […] Avec sa merveilleuse facilité à prendre tous les rôles et à les jouer au naturel, Swift se fit drapier40 pour être mieux entendu des commerçants et du peuple, et jamais la crédulité populaire, la peur, l’intérêt n’ont été mis en œuvre avec plus de chaleur et d’habileté que dans ces célèbres Lettres.

1767. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. Herbert Spencer — Chapitre II : La psychologie »

On peut entrevoir déjà quel rôle joue l’évolution en psychologie. […] Enfin (et l’hérédité joue ici son rôle) s’éveillent aussi probablement « certaines combinaisons qui existaient à l’état organique, dans la race humaine, aux temps barbares, quand toute son activité pour le plaisir se déployait surtout au milieu des bois et des eaux.

1768. (1857) Cours familier de littérature. IV « XXIe Entretien. Le 16 juillet 1857, ou œuvres et caractère de Béranger » pp. 161-252

Le front large et bossué, l’œil bleu et à fleur de front, le nez gros et arqué, les pommettes relevées, les joues lourdes, les lèvres épaisses, le menton à fossette, le visage rond plutôt qu’ovale ; le cou bref, mais relié par de beaux muscles à la naissance de la poitrine ; les épaules massives, la taille carrée, les jambes courtes ; la stature pesante en apparence, mais souple au fond, tant il y avait de ressort physique et moral pour l’alléger ; mais ce front était si pensif, ces yeux si transparents et si pénétrants à la fois, le nez si aspirant le souffle de l’enthousiasme par ses narines émues, les joues si modelées de creux et de saillies par la pensée ou par les sentiments qui y palpitaient sans cesse, la bouche si fine et si affectueuse, le sourire bon, l’ironie douce et la tendresse compatissante s’y confondaient tellement pour plaisanter et pour aimer sur les mêmes lèvres ; le menton si téméraire, si sarcastique, si défiant et si gracieux tout ensemble en se relevant contre la sottise ; de si belles ombres tombées de ses cheveux, et de si belles lumières écoulées de ses yeux flottaient sur cette physionomie pendant qu’elle s’animait de sa parole ; l’accent de cette parole elle-même, tantôt grave et vibrante comme le temps, tantôt sereine et impassible comme la postérité, tantôt mélancolique et cassée comme la vieillesse, tantôt badine et à double note comme le vent léger de la vie qui se joue le soir sur les cordes insouciantes de l’âme ! […] Quand l’homme a fait le tour de sa vie et qu’il se rapproche par la mémoire du foyer d’où il est parti enfant, il revoit par la pensée les sœurs qui jouaient dans des berceaux à côté du sien, et, s’il en existe une encore, fût-ce derrière les grilles d’un monastère, toute son âme y reflue : les feuilles en automne tombent sur les racines.

1769. (1889) Essai sur les données immédiates de la conscience « Chapitre I. De l’intensité des états psychologiques »

Comme nous devinons presque l’attitude qu’il va prendre, il paraît nous obéir quand il la prend en effet ; la régularité du rythme établit entre lui et nous une espèce de communication, et les retours périodiques de la mesure sont comme autant de fils invisibles au moyen desquels nous faisons jouer cette marionnette imaginaire. […] La sensation lumineuse joue ici le rôle de ces inconnues auxiliaires que le mathématicien introduit dans ses calculs, et qui disparaissent du résultat final.

1770. (1932) Les deux sources de la morale et de la religion « Remarques finales. Mécanique et mystique »

Ainsi ce furent des bourgeois, et non pas des ouvriers, qui jouèrent le rôle prépondérant dans les révolutions de 1830 et de 1848, dirigées (la seconde surtout) contre le privilège de la richesse. […] On est stupéfait de voir que tel fut l’objet suprême de la navigation, alors si dangereuse ; que des milliers d’hommes y jouèrent leur vie ; que le courage, l’énergie et l’esprit d’aventure d’où sortit par accident la découverte de l’Amérique s’employèrent essentiellement à la poursuite du gingembre et du girofle, du poivre et de la cannelle.

1771. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Malherbe et son école. Mémoire sur la vie de Malherbe et sur ses œuvres par M. de Gournay, de l’Académie de Caen (1852.) » pp. 67-87

Maynard, en sondant cette fois dans son propre cœur, a su y trouver des accents de vrai poète et d’une élévation inaccoutumée :         La Cour méprise ton encens :         Ton rival monte, et tu descends, Et dans le cabinet le favori te joue.

1772. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Sully, ses Économies royales ou Mémoires. — I. » pp. 134-154

Pendant une peste ou maladie contagieuse qui avait régné dans le pays de Rosny en 1586, il était venu la visiter, la tranquilliser ; il l’avait trouvée enfuie du château, réfugiée dans celui d’une tante, avec trois ou quatre de ses gens ; et là, s’étant enfermé avec elle, et n’ayant lui-même pour tout monde avec lui qu’un de ses gentilshommes, un secrétaire, un page et un valet de chambre, il demeura tout un mois en compagnie de sa douce moitié, sans être visité de créature vivante, tant chacun fuyait la maison comme pestiférée : Et néanmoins, écrivent les secrétaires, à ce que nous vous avons souvent ouï dire depuis, vous n’avez jamais fait une vie si douce ni moins ennuyeuse que cette solitude, où vous passiez le temps à tracer des plans des maisons et cartes du pays ; à faire des extraits de livres ; à labourer, planter et greffer en un jardin qu’il y avait léans ; à faire la pipée dans le parc, à tirer de l’arquebuse à quantité d’oiseaux, lièvres et lapins qu’il y avait en icelui, à cueillir vos salades, les herbes de vos potages, et des champignons, columelles et diablettes que vous accommodiez vous-même, mettant d’ordinaire la main à la cuisine, faute de cuisiniers ; à jouer aux cartes, aux dames, aux échecs et aux quilles… Et n’allons pas oublier le dernier trait que notre fausse délicatesse supprimerait et qui sent son vieux temps : « à caresser madame votre femme, qui était très belle et avait un des plus gentils esprits qu’il était possible de voir ».

1773. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Madame Dacier. — I. » pp. 473-493

» Le comte de Maistre, dans une des charmantes lettres à sa fille, Mlle Constance de Maistre, a badiné agréablement sur cette question, et il y a mêlé des vues pleines de force et de vérité : « L’erreur de certaines femmes est d’imaginer que pour être distinguées, elles doivent l’être à la manière des hommes… On ne connaît presque pas de femmes savantes qui n’aient été malheureuses ou ridicules par la science. » Au siècle dernier, un jésuite des plus éclairés et des plus spirituels, le père Buffier, qui était de la société de Mme de Lambert, dans une dissertation légèrement paradoxale, s’est plu à soutenir et à prouver que « les femmes sont capables des sciences » ; et après s’être joué dans les diverses branches de la question, après avoir montré qu’il y a eu des femmes politiques comme Zénobie ou la reine Élisabeth, des femmes philosophes comme l’Aspasie de Périclès et tant d’autres, des femmes géomètres et astronomes comme Hypatie ou telle marquise moderne, des femmes docteurs comme la fameuse Cornara de l’école de Padoue, et après s’être un peu moqué de celles qui chez nous, à son exemple, « auraient toutes les envies imaginables d’être docteurs de Sorbonne », — le père Buffier, s’étant ainsi donné carrière et en ayant fini du piquant, arrive à une conclusion mixte et qui n’est plus que raisonnable : À l’égard des autres, dit-il, qui ont des devoirs à remplir, si elles ont du temps de reste, il leur sera toujours beaucoup plus utile de l’employer à se mettre dans l’esprit quelques connaissances honnêtes, pourvu qu’elles n’en tirent point de sotte vanité, que de l’occuper au jeu et à d’autres amusements aussi frivoles et aussi dangereux, tels que ceux qui partagent la vie de la plupart des femmes du monde.

1774. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « William Cowper, ou de la poésie domestique (I, II et III) — III » pp. 178-197

Si folâtre est le rayon lancé à travers les branches, qu’il danse lorsqu’elles dansent elles-mêmes ; ombre et lumière s’entremêlant dans un réseau rapide, et obscurcissant ou illuminant, au gré des feuilles qui se jouent, chaque point du sol, à chaque instant.

1775. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Le président Hénault. Ses Mémoires écrits par lui-même, recueillis et mis en ordre par son arrière-neveu M. le baron de Vigan. » pp. 215-235

Il parle de lui, au début, en termes modestes, et qui sont faits pour être agréés : Je n’ai point joué de rôle, dit-il, mais j’ai souvent été témoin.

1776. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Une petite guerre sur la tombe de Voitture, (pour faire suite à l’article précédent) » pp. 210-230

Il eut l’harmonie, la mesure ; sa prose marcha régulière et presque cadencée ; dans les membres bien proportionnés de sa phrase il disposa symétriquement les plus belles paroles, il fit jouer les figures, et simula des effets d’éloquence.

1777. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Le duc de Rohan — II » pp. 316-336

  On a beau suivre et étudier de près le récit que M. de Rohan a fait des guerres civiles religieuses sous Louis XIII, et le rôle si considérable qu’il y joua, on ne peut, même en se plaçant au point de vue le plus neutre et en évitant d’entrer dans les questions d’Église, s’intéresser fortement à lui et désirer à aucun moment son succès et le triomphe de ses armes.

1778. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « La marquise de Créqui — I » pp. 432-453

Mais comment se jouer aux Coigny, aux Coislin, à aucune de ces nobles familles qui avaient laissé des héritiers et des descendants ?

1779. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Mémoires ou journal de l’abbé Le Dieu sur la vie et les ouvrages de Bossuet, publiés pour la première fois par M. l’abbé Guetté. Tomes iii et iv· » pp. 285-303

Il est dans une lutte sourde continuelle avec l’abbé Bossuet, ce neveu actif et ambitieux dont je n’ai pas à faire l’apologie ; mais le rôle de l’abbé Le Dieu à son égard n’est pas beau ; il joue au plus fin, et n’a d’autre but que d’en tirer le plus de profit qu’il pourra.

1780. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Madame Swetchine. Sa vie et ses œuvres, publiées par M. de Falloux. »

Sa chapelle, placée sous la protection de Notre-Dame-Auxiliatrice, dont la fête tombe le 24 mai, joue un grand rôle parmi les habitués de son monde.

1781. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « M. De Pontmartin. Causeries littéraires, causeries du samedi, les semaines littéraires, etc. »

Les trois ordres de la société, selon lui, « la société chrétienne au nom de sa foi, le monde aristocratique au nom de son honneur et de son orgueil, la classe bourgeoise au nom de ses intérêts, tous s’accordent dans un sentiment de répulsion et d’alarme à l’endroit de la littérature. » Recherchant les causes de cet abaissement général, de ce désaccord de la littérature avec la société, il en demande compte à la critique ; il partage celle-ci en trois catégories, et toutes les trois également impuissantes ou stériles, sous lesquelles il ne tient qu’à nous de mettre des noms : la critique dogmatique et immobile (Gustave Planche, probablement) ; la critique qui se joue en de fantasques arabesques (apparemment Janin, ou Gautier, ou Saint-Victor) ; et celle qui se réfugie dans le passé pour n’avoir pas à se déjuger et à se contredire dans le présent (c’est moi-même, je le crois).

1782. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « La comtesse de Boufflers (suite et fin.) »

Celle-ci prétend que Mme de Boufflers joue perpétuellement la comédie : si elle regrette un de ses amis anglais, le jeune et aimable lord Tavistock, malheureusement tué à la chasse d’un coup de pied de cheval, si elle se retranche pendant quelque temps les spectacles et les fêtes : « Elle mène un deuil de milord Tavistock qui fait hausser les épaules ! 

1783. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Mémoires de l’abbé Legendre, chanoine de Notre-Dame secrétaire de M. de Harlay, archevêque de Paris. (suite et fin). »

L’un et l’autre s’acquittèrent assez mal de leur tâche : « Le prélat n’en fut point fâché, remarque à ce sujet Legendre, qui a bien son grain de causticité ; il aimait à briller aux dépens d’autrui ; c’était assez sa coutume de faire agiter devant lui des problèmes de toute sorte, afin d’avoir le plaisir de donner à ce qu’on avait dit, et qu’il ne manquait point de résumer exactement, un tour si fin, si délicat, que l’on admirait dans sa bouche ce qui avait paru plat dans celle des autres. » On aime d’ordinaire ce qu’on fait bien : le prélat aimait à jouer aux arbitrages.

1784. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Lettres inédites de Michel de Montaigne, et de quelques autres personnages du XVIe siècle »

Ce ne sont que des rôles que nous jouons dans la vie ; ne les prenons que comme des rôles.

1785. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Catinat (suite.). Guerre des Barbets. — Horreurs. — Iniquités. — Impuissance. »

Victor-Amédée allait avoir vingt ans ; Catinat le jugea d’abord un enfant indécis, encore incapable de se rendre compte au net d’une affaire et de se fixer à une résolution ferme ; il se trompait : c’était déjà un homme à double et triple fond, qui jouait plus d’un jeu à la fois.

1786. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Catinat (suite et fin.) »

Il se promenait sans épée ; il était mis comme un bonhomme ; il jouait avec les enfants, il parlait au premier venu.

1787. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Mémoires de Malouet (suite.) »

Si, au contraire, on veut nous jouer, on nous trouvera sur la brèche. » Malouet promet la conférence pour le lendemain.

1788. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Essai sur Talleyrand (suite.) »

La vive satisfaction que dut éprouver M. de Talleyrand pour le bien joué et le plein succès de sa tactique en 1814 ne fut que de courte durée.

1789. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « George Sand — Note »

Elle a pu et dû se tromper quelquefois, et avec violence, mais toujours avec sincérité ; personne n’a joué plus franc qu’elle à ce jeu si périlleux de la vie.

1790. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « MME DESBORDES-VALMORE. (Les Pleurs, poésies nouvelles. — Une Raillerie de l’Amour, roman.) » pp. 91-114

Mais elle dut bientôt s’engager pour Bruxelles, puis pour Rouen, où elle jouait les jeunes premières, elle y était fort goûtée du public.

1791. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « GRESSET (Essai biographique sur sa Vie et ses Ouvrages, par M. de Cayrol.) » pp. 79-103

Après le Méchant, dans lequel il prouva une heureuse entente des tracasseries du monde, comme dans Vert-Vert il s’était joué avec les tracasseries du couvent, Gresset avait tout dit.

1792. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre V. Des ouvrages d’imagination » pp. 480-512

Ainsi donc Candide et les écrits de ce genre qui se jouent, par une philosophie moqueuse, de l’importance attachée aux intérêts même les plus nobles de la vie, de tels écrits sont nuisibles dans une république, où l’on a besoin d’estimer ses pareils, de croire au bien qu’on peut faire, et de s’animer aux sacrifices de tous les jours par la religion de l’espérance.

1793. (1861) La Fontaine et ses fables « Troisième partie — Chapitre II. De l’expression »

Ceux qui ont inventé le langage n’ont point noté les objets par des signes abstraits à la façon des algébristes ; ils ont joué en leur présence et pour les exprimer un drame figuratif et une pantomime ; ils ont imité les événements avec leurs attitudes, avec leurs cris, avec leurs regards, avec leurs gestes ; il les ont dansés et chantés.

1794. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Jules de Glouvet »

Vous trouverez dans le Marinier et dans la Famille Bourgeois des questions d’héritage et d’argent expliquées avec tant de clarté qu’elles en deviennent intéressantes, même si vous les séparez du drame où elles jouent leur rôle.

1795. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série «  Paul Bourget  »

Il ressemble çà et là à un chirurgien virtuose qui étalerait et mettrait en œuvre toute une trousse, tout un jeu de bistouris, de scies, de ciseaux et de pinces, pour ouvrir un abcès à la joue.

1796. (1894) Propos de littérature « Chapitre II » pp. 23-49

Comme l’allégorie, un tel poème a sensiblement les défauts de l’expression directe ; la pensée captive ne s’y joue point d’elle-même à travers les images ainsi qu’un rayon réfléchi, grandi, multiplié par des miroirs.

1797. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XVII. Rapports d’une littérature avec les littératures étrangères et avec son propre passé » pp. 444-461

De même ces revenants jouent leur rôle dans la bataille.

1798. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre XI, les Suppliantes. »

On sait le rôle que jouaient les scribes dans ce pays de l’épigraphie ; c’était celui des lettrés en Chine.

1799. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Histoire du Consulat et de l’Empire, par M. Thiers. Tome IXe. » pp. 138-158

Quand on joue soi-même un rôle et qu’on monte une pièce sérieuse et solennelle, il n’est pas sûr d’admettre en tiers ces témoins-là.

1800. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Œuvres de Barnave, publiées par M. Bérenger (de la Drôme). (4 volumes.) » pp. 22-43

Le nerf, la vigueur, de nobles sentiments non joués, le préservaient de l’inconvénient que ses ennemis auraient pu lui reprocher, que Mme Roland lui reproche, et qui eût été un peu de froideur.

1801. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Madame de La Tour-Franqueville et Jean-Jacques Rousseau. » pp. 63-84

Il trouve à Mme de La Tour l’esprit net et lumineux ; mais il avait remarqué dès l’abord dans ses lettres un caractère d’écriture trop lié et trop formé, une régularité extrême d’orthographe, une ponctuation « plus exacte que celle d’un prote d’imprimerie », quelque chose enfin qui, à lui soupçonneux, lui avait fait croire un moment que ce pouvait être un homme qui se déguisait ainsi pour lui jouer un tour.

1802. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Lettres de lord Chesterfield à son fils. Édition revue par M. Amédée Renée. (1842.) » pp. 226-246

Son esprit se jouait en cent façons sur ce triste thème ; parlant de lui et de l’un de ses amis, lord Tyrawley, également vieux et infirme : « Tyrawley et moi, disait-il, voilà deux ans que nous sommes morts, mais nous n’avons pas voulu qu’on le sût. » Voltaire qui, avec la prétention d’être toujours mourant, était resté bien plus jeune, lui écrivait, le 24 octobre 1771, cette jolie lettre, signée Le vieux Malade de Ferney : … Jouissez d’une vieillesse honorable et heureuse, après avoir passé par les épreuves de la vie.

1803. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Les Mémoires de Saint-Simon. » pp. 270-292

Dans cette seconde scène toute dramatique, notez-le bien, il est le conseiller, l’instigateur ; il a monté la machine, et il jouit de la voir jouer, se déployer graduellement, et frapper les coups aux yeux de tous ceux qui sont moins informés à l’avance et qui s’en étonnent, ou qui en gémissent.

1804. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Diderot. (Étude sur Diderot, par M. Bersot, 1851. — Œuvres choisies de Diderot, avec Notice, par M. Génin, 1847.) » pp. 293-313

La plume du poète, le crayon du dessinateur habile, ont l’air de courir et de se jouer.

1805. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Le duc de Lauzun. » pp. 287-308

Une des plus jolies, c’est le tour qu’il joua à un honorable chasseur de renards qui aspirait à la main de miss Marianne Harland, une jeune Anglaise des plus mignonnes et un peu plus qu’espiègle, qui s’était prise de goût pour Lauzun.

1806. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mémoires et correspondance de Mallet du Pan, recueillis et mis en ordre par M. A. Sayous. (2 vol. in-8º, Amyot et Cherbuliez, 1851.) — I. » pp. 471-493

C’est le rôle que vous avez joué jusqu’à la dernière extrémité ; et certes quand vous avez quitté votre tribunal, il en était temps. » Dans une brochure qu’il écrivait à Bruxelles en 1793, et où il se séparait des émigrés violents et légers, parlant lui-même au nom des vrais royalistes : Plus d’une fois, disait Mallet du Pan, j’ai été leur organe, et ils ne m’ont jamais désavoué.

1807. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « M. Fiévée. Correspondance et relations avec Bonaparte. (3 vol. in-8º. — 1837.) » pp. 217-237

Pour expliquer le succès et la vogue de ce petit livre, il faut se rappeler qu’on commençait à être las des monstrueux romans anglais dans le genre d’Anne Radcliffe, qui se succédaient depuis trois ou quatre ans, et où les souterrains, les spectres, les chaînes jouaient un grand rôle.

1808. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Le maréchal Marmont, duc de Raguse. — I. » pp. 1-22

À treize ans, on l’eût vu, monté sur son petit cheval, avec l’habit, les bottes, l’épée et le baudrier historiques, jouer Charles XII de pied en cap. 

1809. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Paul-Louis Courier. — II. (Suite et fin.) » pp. 341-361

Et s’emparant des bruits de guerre qui circulaient alors (1822), il finit par une image belliqueuse, et se demande « s’il est temps d’obéir aux moines et d’apprendre des oraisons, lorsqu’on nous couche en joue de près, à bout touchant, lorsqu’autour de nous toute l’Europe en armes fait l’exercice à feu, ses canons en batterie et la mèche allumée ».

1810. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Montesquieu. — II. (Fin.) » pp. 63-82

Montesquieu, dans le monde, ne se laissait pas aller aux coteries qui devenaient impérieuses ; on a retenu sur lui les jugements de Mme Geoffrin et de la duchesse de Chaulnes, c’est-à-dire de deux femmes qui aimaient assez à tirer parti de ceux qu’elles voyaient et à en jouer à leur gré.

1811. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Franklin. — I. » pp. 127-148

Il fera tout pendant des années, auprès de la mère patrie, pour éclairer l’opinion et conjurer les mesures extrêmes ; jusqu’au dernier moment, il s’efforcera d’atteindre à une réconciliation fondée sur l’équité ; un jour qu’un des hommes influents de l’Angleterre (lord Howe) lui en laissera entrevoir l’espérance à la veille même de la rupture, on verra une larme de joie humecter sa joue : mais, l’injustice s’endurcissant et l’orgueil obstiné se bouchant les oreilles, il sera transporté de la plus pure et de la plus invincible des passions ; et lui qui pense que toute paix est bonne, et que toute guerre est mauvaise, il sera pour la guerre alors, pour la sainte guerre d’une défense patriotique et légitime.

1812. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Grimm. — I. » pp. 287-307

ils ont l’air de jouer, ils ont entendu, ils ont vu.

1813. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Œuvres de Frédéric le Grand (1846-1853). — I. » pp. 455-475

Je suis bien aise de vous donner encore ce témoignage consolant avant de descendre du théâtre de ce monde, où vous avez joué le rôle d’un parfaitement honnête homme, qui est bien le plus glorieux pour les mortels.

1814. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Monsieur Arnault, de l’Institut. » pp. 496-517

Un jour, causant avec un de ses amis, dans les coulisses, pendant qu’on jouait la première fois une de ses tragédies, il vit que cet ami n’était plus à la conversation et paraissait inquiet ; on venait d’entendre les sifflets du parterre.

1815. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre cinquième. Principales idées-forces, leur genèse et leur influence — Chapitre sixième. Genèse et action des idées de réalité en soi, d’absolu, d’infini et de perfection »

En somme, le réalisme matérialiste joue sur le sens du mot choses, en désignant comme causes de l’expérience tantôt des choses d’expérience et tantôt des choses en dehors de l’expérience.

1816. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre quatrième. L’expression de la vie individuelle et sociale dans l’art. »

La curiosité, l’attrait de l’inconnu jouent un grand rôle jusque dans l’attrait excité par une œuvre d’art.

1817. (1886) Quelques écrivains français. Flaubert, Zola, Hugo, Goncourt, Huysmans, etc. « Émile Zola » pp. 70-104

Zola veut dire, par contre, que le cerveau est un organe comme un autre, que la pensée ne joue pas dans la caractérisation d’un individu un rôle plus considérable que son estomac ou son fiel, cela est simplement faux.

1818. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre II : La littérature — Chapitre II : La littérature du xviie  siècle »

Tel fut cependant le spectacle que donna la France il y a une trentaine d’années : elle jouait, sur des promesses incertaines et sur l’espérance de chefs-d’œuvre futurs non encore éclos, tout son passé littéraire et cette gloire même que l’Europe entière avait consacrée.

1819. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Doyen » pp. 178-191

J’ai vu l’artiste ; vous ne le croiriez pas, il joue la modestie à merveille ; il fait tout ce qu’il peut pour réprimer la bouffissure de l’orgueil qui le gagne ; il reçoit l’éloge avec plaisir, mais il a la force de le tempérer ; il regrette sincèrement le temps qu’il a perdu avec les grands et les femmes, ces deux pestes du talent ; il se propose d’étudier.

1820. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Rivarol » pp. 245-272

il avait aimé mieux jouer de cette cymbale — cymbalum tinniens — que de développer, dans une généreuse et fière solitude, les facultés mères des grandes œuvres.

1821. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « X. Ernest Renan »

Ernest Renan nous joue aujourd’hui.

1822. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Ernest Hello » pp. 207-235

Les statues que le Moyen Âge avait coloriées y furent remplacées par les statues qui jouaient le marbre, et, de chaudes et vivantes qu’elles étaient, devinrent blêmes, froides, glacées.

1823. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre v »

J’aime suivre en elles les âges divers, les étapes, la formation d’un personnage, le jeune intellectuel juif, qui joue un grand rôle depuis plusieurs années en France, mais je ne les donne pas comme représentatives de la communauté israélite française14.

1824. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « II — L’inter-nationalisme »

Malgré l’individualité bien nette des idéals nationaux et la diversité des rôles que les peuples sont destinés à jouer dans l’histoire, il y a au fond de leurs efforts et de leurs luttes une identique aspiration vers un état meilleur, une commune recherche de plus de force et de plus d’équilibre.

1825. (1919) L’énergie spirituelle. Essais et conférences « Chapitre III. “ Fantômes de vivants ” et “ recherche psychique ” »

Dans le travail de la pensée en général, comme dans l’opération de la mémoire, le cerveau apparaît simplement comme chargé d’imprimer au corps les mouvements et les attitudes qui jouent ce que l’esprit pense ou ce que les circonstances l’invitent à penser, C’est ce que j’ai exprimé ailleurs en disant que le cerveau est un « organe de pantomime ».

1826. (1896) Les Jeunes, études et portraits

Mais il devra prendre garde qu’elles ne lui jouent de mauvais tours, il devra éviter de se perdre, comme tant d’autres, dans la rêverie abstraite et dans le philosophisme vague. […] Il a joué, il a fait courir. […] En effet, lorsque fut joué l’Envers d’une Sainte, la critique déconcertée cria : c’est de l’Ibsen. […] Pendant les heures du jour la lumière se joue aux objets, les fait saillir en relief et leur prête de vives couleurs ; il y a des voix et des caresses dans l’air : c’est le bruit, c’est le mouvement, le spectacle animé et varié, le décor qui nous abuse. […] André Spérelli est, comme tous les professionnels de l’amour, égoïste et lâche, la volonté ayant chez lui abdiqué devant l’instinct, et le sens esthétique s’étant substitué au sens moral dont on sait qu’il ne joue qu’imparfaitement le rôle.

1827. (1898) Politiques et moralistes du dix-neuvième siècle. Troisième série

Il a guerroyé et surtout séjourné en jeune officier vainqueur en Italie ; puis, oisif à Paris, il a joué la comédie chez Dugazon, par amour du théâtre et des femmes de théâtre, mêlé à un petit monde très suspect de comédiens, de comédiennes et « d’amateurs éclairés des arts » ; puis, à la suite d’une petite actrice, il a été vivre une année ou deux à Marseille, « pesant des eaux-de-vie » dans une maison de négoce. […] Je suis bien obligé d’ajouter qu’elle est incomplète par la faute de ce même caractère de Stendhal qui a joué de très méchants tours à son génie. […] Nommé membre de la Commission de constitution de 1848, poste de confiance, d’importance capitale, où il devait féliciter ses collègues d’avoir eu la haute raison de le placer, on pourrait résumer dans le dialogue suivant, d’après ses propres aveux, le rôle qu’il y a joué : « Vous n’y avez rien fait du tout ? […] Disons, si l’on veut, que les deux Proudhon vont se jouer en exerçant leur adresse et leur force l’un contre l’autre dans cette nouvelle arène, comme dans celle où nous les voyions tout à l’heure. […] S’il a eu dès le principe l’idée nette du rôle qu’il devait jouer ici-bas, il a dû se dire en commençant : « Je peindrai des hommes ; ensuite j’en peindrai d’autres.

1828. (1905) Pour qu’on lise Platon pp. 1-398

Il y aura toujours la différence du spectateur à l’acteur, et le spectateur peut si bien savoir le rôle et le comprendre qu’à un certain égard il soit identique à l’acteur ; mais, à un autre égard, il sera toujours inférieur à celui qui et sait le rôle et le comprend et le joue. […] Ce n’est pas jouer sur les mots. […] Et qui ne reconnaîtra qu’il vaut mieux souffrir d’un instrument qui joue faux que d’en jouer, celui qui en joue étant ridicule ? […] C’est à ce dernier parti qu’il s’est arrêté et parce qu’il le fallait et aussi parce qu’il aime se jouer des difficultés et jouer la difficulté. […] Nous n’aimons pas qu’on nous trompe, même dans de très bonnes intentions, et nous voulons qu’on joue franc jeu avec nous.

1829. (1903) La pensée et le mouvant

En examinant les doctrines, il nous sembla que le langage avait joué ici un grand rôle. […] On sait quel rôle elle joue dans la philosophie antique, et même dans la nôtre. […] Je n’ai pas à parler ici du travail manuel, du rôle qu’il pourrait jouer à l’école. […] Peut-être aussi jouait-il inconsciemment sur le sens du mot « possible ». […] Nous pensons à un clavier sur lequel on joue, à l’archet qui va et qui vient, au musicien dont chacun donne sa partie à côté des autres.

1830. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Le cardinal de Bernis. (Fin.) » pp. 44-66

Ne faut-il pas jouer avec la vie jusqu’au dernier moment ?

1831. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Gui Patin. — I. » pp. 88-109

Ce nés écourté joue un grand rôle dans les injures et pamphlets orduriers contre le pauvre homme.

1832. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Roederer. — III. (Fin.) » pp. 371-393

Il y a plus : les femmes jouèrent toujours un grand rôle dans la pensée de Roederer ; il les aimait, entre autres choses, pour leur esprit, pour leur conversation, pour le charme qu’elles mettaient dans la société, et pour la part de culture qu’elles apportèrent dans la formation de la langue.

1833. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Duclos. — II. Duclos historien » pp. 224-245

J’étais cadet, je tenais tête à mon frère, ils ont eu peur des suites, ils m’ont anéanti ; on ne m’a rien appris qu’à jouer et à chasser, et ils ont réussi à faire de moi un sot et une bête, incapable de tout.

1834. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Marivaux. — I. » pp. 342-363

Elle raconte tout le menu de ce manège avec une curiosité, une réflexion et un détail infini qui fait ressembler ce passage et bien d’autres à une petite scène d’une ingénue de quinze ans, telle que Mlle Mars pouvait la jouer à cet âge : « Où en étais-je ?

1835. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Sénac de Meilhan. — II. (Fin.) » pp. 109-130

La scène entre le médecin et le ministre, qui a été souvent répétée et que le docteur Koreff jouait à merveille en parlant de certains de ses malades, était alors : le médecin, après les symptômes entendus, déclare que la maladie qu’on éprouve est une ambition rentrée, et, après avoir proposé divers palliatifs, il arrive à un grand remède qui, selon lui, serait le seul efficace ; il conseille à son malade de se faire exiler par le roi : un exil d’éclat, un exil à la Chanteloup, cela relève la fadeur et le morne d’une disgrâce.

1836. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Saint-Martin, le Philosophe inconnu. — I. » pp. 235-256

Langeron (le colonel) ; j’étais même obligé de jouer au fin avec lui et avec mon père pour cultiver mes grands objets dans ce pays-là, comme si j’eusse eu de mauvais desseins : témoin l’affaire des recrues pour lesquelles je supposai une mission.

1837. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Le maréchal de Villars — III » pp. 81-102

Parlant des derniers rebelles qu’on réduisit, Villars laisse échapper un mot qui est bien d’un noble soldat : « Ravanel, dit-il, mourut de ses blessures dans une caverne ; La Rose, Salomon, La Valette, Masson, Brue, Joanni, Fidel, de La Salle, noms dont je ne devrais pas me souvenir, se soumirent, et je leur fis grâce, quoiqu’il y eût parmi eux des scélérats qui n’en méritaient aucune. » On sent, à ce simple mot de regret d’avoir pu loger de tels noms dans sa mémoire, le guerrier fait pour des luttes, plus généreuses et pour la gloire des héros, celui qui a hâte de jouer la partie en face des Marlborough et des Eugène.

1838. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Histoire de la querelle des anciens et des modernes par M. Hippolyte Rigault — II » pp. 150-171

Ce petit homme-là n’avait jamais eu quinze ans, n’avait jamais été amoureux comme les bergers, et n’avait jamais appris à jouer de la flûte auprès du divin Daphnis : Il façonnait ma lèvre inhabile et peu sûre À souffler une haleine harmonieuse et pure ; Et ses savantes mains, prenant mes jeunes doigts, Les levaient, les baissaient, recommençaient vingt fois, Leur enseignant ainsi, quoique faibles encore, À fermer tour à tour les trous du buis sonore.

1839. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) «  Essais, lettres et pensées de Mme  de Tracy  » pp. 189-209

Ici tout ressent la vie, tout recommence, le printemps éclate, la jeunesse refait du bruit aux jeunes cœurs, et ils se rouvrent avec délices au sentiment de la nature : Je suis accoutumée déjà (dès le lendemain de l’arrivée) au séjour de Plombières comme si j’y avais demeuré six mois ; il me semble que j’avais rêvé ces montagnes, ces cascades, et tous ces jolis sentiers qui ne mènent nulle part et qui vont toujours… Je m’endors chaque soir au son d’une musique quelconque, le bal qui danse en face de nous, un voisin qui joue du violon à ravir, et un grillon qui crie dans ma cheminée.

1840. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Souvenirs militaires et intimes du général vicomte de Pelleport, publiés par son fils. » pp. 324-345

En traversant le midi de la France, il y rencontre la réaction dans tout son feu : Les terroristes et les thermidoriens se disputaient le pouvoir ; les royalistes, malgré la paix de Bâle et les désastres de Quiberon, conservaient leurs espérances ; chaque parti se plaignait de l’armée parce qu’elle restait étrangère aux passions et aux intérêts de tous ; elle commençait à jouer son rôle : elle restait froide au milieu de ce brouhaha politique.

1841. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « François Villon, sa vie et ses œuvres, par M. Antoine Campaux » pp. 279-302

Mais ce legs, comme tant d’autres, m’a tout l’air d’avoir été quelque peu dérisoire et imaginaire : l’étudiant Villon dut ressembler de bonne heure à cet écolier du vieux fabliau qui avait joué aux dés tous ses livres et les avait dispersés à tous les coins de la France.

1842. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Entretiens de Gœthe, et d’Eckermann »

Ainsi, lorsqu’on jouait le Comte d’Egmont de Gœthe, à la scène de la prison, pendant qu’on lisait au comte sa condamnation, Schiller chargé de l’arrangement et de la mise en scène, avait pris sur lui de faire apparaître dans le fond le duc d’Albe en masque et en manteau, pour qu’il pût se repaître de l’impression que la condamnation à mort produirait sur Egmont.

1843. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Œuvres de Louise Labé, la Belle Cordière. »

Elle apprit le latin dès l’enfance ; elle savait l’italien et l’espagnol aussi bien que le français, et jouait du luth.

1844. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Don Carlos et Philippe II par M. Gachard Don Carlos et Philippe II par M. Charles de Mouy »

Sur ce nom demi-fabuleux, depuis Tirso de Molina, Molière, Mozart, jusqu’à Byron, Mérimée et Musset, chacun a joué à son tour et à sa guise ; chacun a transformé le type à son image et l’a fait chaque fois original et nouveau.

1845. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Théophile Gautier. »

Tout cela est fin, ironique, moqueur ; et l’ironie y est si bien distillée et filée que celui qui la répand semble parfois le même que celui aux dépens de qui elle se joue.

1846. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Entretiens sur l’architecture par M. Viollet-Le-Duc (suite et fin.) »

Fais-moi là un tour plus ample ; à présent découvre-moi un peu la joue, baisse le pli qui touche aux yeux ; tire en bas, tire en haut ; rabaisse un peu au milieu du front ; tire un peu de là en arrière, j’en aurai une figure plus large.

1847. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Œuvres françaises de Joachim Du Bellay. [I] »

Léon Feugère, qui s’est appliqué utilement au xvie  siècle pour des ouvrages de prose, a essayé de remettre à flot un de ces poètes inconnus qui n’avait été imprimé qu’une seule fois en 1590, au plus fort des agitations de la Ligue (c’était jouer de malheur), et qui a nom Pierre Poupo.

1848. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Œuvres françaises de Joachim Du Bellay. [II] »

C’est précisément le contraire qui est vrai historiquement : les langues sont nées comme plantes et herbes, avec toutes sortes de diversités, et la fantaisie des hommes qui s’y joue ne peut tirer d’elles, en définitive, que ce qu’elles permettent et ce qu’elles contiennent.

1849. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Pierre Corneille »

Il ne nous semble même pas impossible que quelque circonstance particulière de son aventure l’ait excité à composer Mélite, quoiqu’on ait peine à voir quel rôle il y pourrait jouer.

1850. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « M. Joubert »

Bien avant De Maistre et ses exagérations sublimes, il disait de Voltaire : « Voltaire a, comme le singe, les mouvements charmants et les traits hideux. » « Voltaire avait l’âme d’un singe et l’esprit d’un ange. » « Voltaire est l’esprit le plus débauché, et ce qu’il y a de pire, c’est qu’on se débauche avec lui. » « Il y a toujours dans Voltaire, au bout d’une habile main, un laid visage. » « Voltaire connut la clarté, et se joua dans la lumière, mais pour l’éparpiller et en briser tous les rayons comme un méchant. » Je ne me lasserais pas de citer ; et pour le style, pour la poésie de Voltaire, il n’est pas plus dupe que pour le caractère de sa philosophie : « Voltaire entre souvent dans la poésie, mais il en sort aussitôt ; cet esprit impatient et remuant ne peut pas s’y fixer, ni même s’y arrêter un peu de temps. » « Il y a une sorte de netteté et de franchise de style qui tient à l’humeur et au tempérament ; comme la franchise au caractère.

1851. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre I. Renaissance et Réforme avant 1535 — Chapitre II. Clément Marot »

On prêche contre elle à Issoudun ; on joue une comédie contre elle au collège de Navarre.

1852. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre II. La première génération des grands classiques — Chapitre II. Corneille »

Nicomède est un coup de génie que Corneille n’a pas pu répéter318: sur cette donnée de la volonté toute-puissante, il n’y a qu’une tragédie à faire, une seule, qui sera un chef-d’œuvre, et qu’on ne jouera guère.

1853. (1765) Articles de l’Encyclopédie pp. 7761-7767

Parce que les passions qu’ils jouent sont trop suspectes de fausseté. 3°.

1854. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre quatrième »

Savoir la marche est chose très unie ; Jouer le jeu, c’est le fruit du génie.

1855. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre VIII. L’antinomie économique » pp. 159-192

Durkheim, à jouer son rôle d’organe. » C’est contre cette discipline niveleuse du travail et de la division du travail que protestait Nietzsche : « Les louangeurs du travail.

1856. (1911) La valeur de la science « Première partie : Les sciences mathématiques — Chapitre III. La notion d’espace. »

. — La notion du déplacement J’ai montré dans Science et Hypothèse le rôle prépondérant joué par les mouvements de notre corps dans la genèse de la notion d’espace.

1857. (1920) La mêlée symboliste. I. 1870-1890 « Les poètes décadents » pp. 63-99

Jules Lemaître est le plus heureux des hommes : il vient de faire jouer à l’Odéon une pièce qui n’a pas été sifflée.

1858. (1890) L’avenir de la science « II »

On croit qu’on pourra prévoir tous les cas possibles ; mais l’œuvre est si compliquée qu’elle se joue de tous les efforts.

1859. (1890) L’avenir de la science « XIX » p. 421

Que si l’on m’objecte qu’il n’est aucun métier auquel on puisse suffire avec quatre ou cinq heures d’occupation par jour, je répondrai que, dans une société savamment organisée, où les pertes de temps inutiles et les superfluités improductives seraient éliminées, où tout le monde travaillerait efficacement et surtout où les machines seraient employées non pour se passer de l’ouvrier, mais pour soulager ses bras et abréger ses heures de travail ; dans une telle société, dis-je, je suis persuadé (bien que je ne sois nullement compétent en ces matières) qu’un très petit nombre d’heures de travail suffiraient pour le bien de la société et pour les besoins de l’individu ; le reste serait à l’esprit. « Si chaque instrument, dit Aristote, pouvait, sur un ordre reçu ou même deviné, travailler de luimême, comme les statues de Dédale ou les trépieds de Vulcain, qui se rendaient seuls, dit le poète, aux réunions des dieux, si les navettes tissaient toutes seules, si l’archet jouait tout seul de la cithare, les entrepreneurs se passeraient d’ouvriers et les maîtres d’esclaves 182.

1860. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre IX. La littérature et le droit » pp. 231-249

A la fin du siècle dernier, Mercier faisait jouer le Déserteur, dont le héros était fusillé au dénouement ; c’était le seul homme que ce dramaturge débonnaire eût tué dans sa carrière ; encore le ressuscita-t-il à la prière de Marie-Antoinette ; le déserteur, dans une version nouvelle de la pièce, fut gracié au dernier moment.

1861. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XI. La littérature et la vie mondaine » pp. 273-292

Lubin, le paysan, est tout émerveillé de son abondance en doux propos, et il s’écrie103 : « C’est un plaisir que de l’entendre débiter sa petite marchandise ; il ne dit pas un mot qu’il n’adore. » Il arrive à Dorante d’être mécontent, maltraité, joué par une coquette104.

1862. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XII. La littérature et la religion » pp. 294-312

De même, dans leurs collèges ils enseignent à leurs élèves toutes les élégances, ils font jouer des tragédies, ils encouragent et cultivent le talent d’écrire en vers latins, parfois même en vers français ; ce sont d’habiles, professeurs de rhétorique.

1863. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXXVII et dernier » pp. 442-475

Il ne serait pas impossible d’en tirer encore cette autre conséquence, que madame de Maintenon a favorisé, peut-être même a déterminé le penchant du roi à la dévotion, et fait jouer ce ressort pour assurer sa fortune.

1864. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre IV, Eschyle. »

Le vieux cirque de bois qui servait encore de scène à Athènes, s’écroula avec ses gradins pleins de peuple, pendant qu’on y jouait une de ses trilogies.

1865. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Huet, évêque d’Avranches, par M. Christian Bartholmèss. (1850.) » pp. 163-186

Sans être un homme régulièrement lettré, il avait le goût des arts, de la musique, jouait du luth, dansait et composait agréablement des vers.

1866. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Monsieur de Broglie. » pp. 376-398

On y reconnaît un esprit grave, élevé, méthodique, précis et net dans ses déductions, et qui se joue parfois dans le détail, non sans agrément.

1867. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Madame de La Vallière. » pp. 451-473

Tels étaient les propos du monde, qui aime à rabaisser et à dénigrer tout ce qui a brillé, sauf à s’apitoyer plus tard sur l’objet même de sa rigueur : on a ainsi joué de toutes les cordes de l’émotion et de la conversation.

1868. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Hégésippe Moreau. (Le Myosotis, nouvelle édition, 1 vol., Masgana.) — Pierre Dupont. (Chants et poésies, 1 vol., Garnier frères.) » pp. 51-75

Ses premiers vers furent consacrés à célébrer Provins, la Voulzie, les traces d’Hégésippe Moreau ; il y mêlait volontiers les souvenirs du Rhône et de la Saône, des vertes saulées où avait joué son enfance.

1869. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Correspondance entre Mirabeau et le comte de La Marck (1789-1791), recueillie, mise en ordre et publiée par M. Ad. de Bacourt, ancien ambassadeur. » pp. 97-120

Les armées sont en présence ; il faut négocier ou se battre ; le gouvernement, qui ne fait ni l’un ni l’autre, joue un jeu très dangereux.

1870. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Lettres et opuscules inédits du comte Joseph de Maistre. (1851, 2 vol. in-8º.) » pp. 192-216

Le monde politique est aussi réglé que le monde physique ; mais, comme la liberté de l’homme y joue un certain rôle, nous finissons par croire qu’elle y fait tout.

1871. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « La Harpe. Anecdotes. » pp. 123-144

Marie-Joseph Chénier, vers ce temps aussi, publia sa satire, Les Nouveaux Saints, dans laquelle La Harpe joue un grand rôle, et où on lui fait dire : Avant Dieu, j’ai jugé les vivants et les morts.

1872. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Rollin. » pp. 261-282

Parmi les ordonnances qu’il rendit durant son rectorat, on en distingue une par laquelle il improuve vivement l’usage de jouer des tragédies dans les collèges de l’Université à l’époque de la distribution des prix ; c’est tout au plus s’il tolère les tragédies empruntées aux Saintes Écritures et sans rôles de femmes.

1873. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Volney. Étude sur sa vie et sur ses œuvres, par M. Eugène Berger. 1852. — II. (Fin.) » pp. 411-433

Après le dîner, pendant que celui-ci causait vivement et tenait à la main sa tasse de café trop chaude, Volney, tout en l’écoutant, la lui prenait, la posait sur la cheminée, la touchait de temps en temps ou l’approchait de sa joue pour s’assurer du degré de chaleur, et la lui vendait quand elle était à point : Bonaparte, dans sa conversation rapide, ne s’était pas aperçu du manège, dont plus d’un assistant avait souri.

1874. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre sixième. La volonté — Chapitre premier. Existence de la volonté »

On peut d’ailleurs, en vertu des corrélations mécaniques qui existent entre les diverses parties du corps vivant, admettre que certains points finissent par jouer d’ordinaire, par rapport à certains autres, le rôle d’organes relatifs d’inhibition, de même qu’il y a des points qui sont relativement sensoriels ; mais c’est là une organisation dérivée, qui n’implique pas une séparation primitive et complète, soit des fonctions sensorielle et motrice, soit des fonctions excitatrice et inhibitoire.

1875. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre premier. La solidarité sociale, principe de l’émotion esthétique la plus complexe »

Aussi l’art joue-t-il un rôle considérable dans cette pénétrabilité croissante des consciences qui marque chaque progrès de l’évolution.

1876. (1888) La critique scientifique « La critique et l’histoire »

Or, comme l’art préfère en général jouer des passions les plus fortes de l’âme humaine, qui sont les instinctives, les primitives, il tend à maintenir l’homme dans la pratique de ces inclinations ataviques, et s’oppose ainsi dans une mesure assez forte, croyons-nous, au progrès moral, au développement de tendances nouvelles mieux en relation avec l’état social actuel.

1877. (1864) William Shakespeare « Deuxième partie — Livre I. Shakespeare — Son génie »

Garrick ne jouait à Drury-Lane que le Roi Lear de Nahum Tate.

1878. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre III : La science — Chapitre II : De la méthode expérimentale en physiologie »

Aujourd’hui encore, on voit les joueurs croire à quelque divinité occulte de ce genre, qu’ils appellent la chance, et qui se joue de toutes les combinaisons, de tous les desseins ; c’est bien là en effet une sorte de fatalisme, mais ce n’est pas là le fatalisme philosophique.

1879. (1759) Réflexions sur l’élocution oratoire, et sur le style en général

Le premier de ces deux ressorts a sans doute le plus de force ; mais l’imagination peut quelquefois en jouer le rôle et en tenir la place.

1880. (1903) Légendes du Moyen Âge pp. -291

C’était l’époque des Croisades : la Chanson de Roland joua dans la poésie de l’Europe occidentale le rôle que joua la France elle-même dans ces grandes expéditions. […] En Angleterre, c’est le vieux Cartaphilus qui reparut à la fin du xviie  siècle, et qui, s’il faut en croire une lettre de la duchesse de Mazarin, citée par dom Calmet90, fit beaucoup de dupes et provoqua beaucoup de discussions parmi les savants et les gens du monde : celui qui jouait son rôle avait lu Matthieu Paris. […] Il est même probable que c’est la célébrité attachée à son nom qui engagea, au xiiie  siècle, un aventurier à se donner à son tour pour l’écuyer non plus de Charlemagne, mais d’Olivier, appelé Richard, et à jouer ce rôle avec succès, notamment à la cour de Frédéric II126, jusqu’à sa mort, arrivée en 1234127. […] Le cadre dans lequel il le rencontra et le rôle qu’il lui vit jouer conviennent admirablement à la figure tourmentée de ce grand pécheur puni pour sa dureté de cœur, mais repentant et devenu secourable et pitoyable à tous, en même temps qu’ils nous présentent une scène comme il s’en passait souvent à cette époque. […] Mais il y a là sans doute aussi une influence toute littéraire, dont l’origine ne paraît pas se trouver dans l’antiquité et est plutôt orientale : on sait quelle sagesse nombre de compositions allégoriques, érotiques ou mystiques de l’Inde et surtout de la Perse attribuent aux oiseaux, et quel rôle ils jouent dans de longs poèmes dialogues où ils interprètent et approfondissent les préceptes d’un amour par lequel il faut souvent entendre l’amour divin, mais qui s’exprime sous la forme de l’amour humain.

1881. (1817) Cours analytique de littérature générale. Tome I pp. 5-537

En recherchant bien la cause ordinaire du rire, on verra qu’il n’est jamais très vif qu’aux dépens de quelqu’un dont on se joue en révélant ses travers, et que la sottise est la victime nécessaire à notre vanité qui s’en divertit. […] Un misérable est accueilli dans sa pauvreté par un homme simple et généreux, qui le loge, l’alimente, l’enrichit, lui confie ses secrets, ses biens et sa vie : le fourbe se joue de la bonne opinion qu’il lui a donnée de sa foi, veut épouser sa fille, corrompre sa femme, dépouiller son héritier, se démasque effrontément, chasse son bienfaiteur de son propre asile, retient son patrimoine, le dénonce à son roi, et vient l’entraîner dans les prisons. […] « De pèlerins, dit-on, une troupe grossière « En public à Paris y monta la première, « Et, sottement zélée en sa simplicité, « Joua les Saints, la Vierge, et Dieu, par piété. […] c’est que la fatalité d’une séparation éternelle est mystérieuse pour tous les hommes, autant que l’origine des âges, et que là se jouent tous les rêves de nos esprits, qui s’exercent à imaginer ce que nos yeux ne verront plus. […] La régularité voudrait que le tableau posé sous les regards dès le commencement de la tragédie, ne se dérangeât nullement jusqu’à la fin, pour que le spectateur, une fois transporté sur le lieu, et ne sortant plus de là, pût s’identifier avec les rôles qu’il voit jouer, et pour que sa vue, satisfaite du premier appareil, n’apportât plus aucun trouble à son idée.

1882. (1894) Études littéraires : seizième siècle

Il n’a pas dû se plaindre du dernier rôle, très honorable et utile, qu’il a joué dans l’histoire. […] Tout ce que l’on sait, c’est que, selon les versions diverses, la faute de Marot va d’avoir commis un adultère avec la femme de son liote. à avoir joué une partie de trictrac. […] C’est un roman bourgeois joué par des géants. […] Picrochole joue sa vie aux dés. […] Ce modèle du juge jouait les procès aux dés.

1883. (1782) Essai sur les règnes de Claude et de Néron et sur la vie et les écrits de Sénèque pour servir d’introduction à la lecture de ce philosophe (1778-1782) « Essai, sur les règnes, de Claude et de Néron. Livre premier. » pp. 15-203

Les villes de la Campanie lui marquent leur allégresse par des députations et par des sacrifices : cependant il jouait l’affliction ; il regrettait le péril dont il était délivré ; il pleurait. […] , cap. xiv) depuis longtemps de la fantaisie de conduire un char et de jouer de la guitare, deux exercices peu séants à la majesté de César. […] XIV, cap. xv), à monter sur la scène, à chante), à jouer de la guitare en public. […] Ensuite ce prince, disposé par caractère174 et exercé par habitude à voiler sa haine sous de fausses caresses, approche sa joue de la joue de Sénèque, et l’embrasse. […] , cap. xxxv), fille de Claude, qui refuse de prendre dans son lit la place de Poppée ; que tous ses amis ou parents subissent le même sort, entre autres le jeune Aulus Plautius, qu’il viole avant de l’envoyer au supplice ; qu’on noie Rufinus Crispinus, fils d’Othon et de Poppée, pour s’être amusé à jouer à l’empereur ; Tuscus, son frère de lait, pour s’être lavé, pendant son gouvernement en Egypte, dans des bains préparés pour le souverain ; de riches affranchis qui avaient travaillé, sous Claude, à son adoption ; le vieux Pallas176, qui lui faisait attendre trop longtemps sa dépouille ; et que, d’après la réponse d’un astrologue (SUETON.

1884. (1906) L’anticléricalisme pp. 2-381

Reste qu’il ne fait rien et traîne d’expédients en expédients en rêvant toujours des grands rôles auxquels il était destiné et que les circonstances l’ont empêché de jouer. […] Or, au point de vue des choses religieuses, être immoral ou en jouer le rôle a exactement les mêmes effets. […] Toute l’économie du rôle qu’il joue devant ses amis et devant lui-même serait ruinée par cette contradiction déplorable et ridicule. […] Ce sont choses dont on joue ; elles n’ont point d’empire sur l’esprit ; il les fait trop caracoler pour qu’elles l’envahissent ; il les dirige trop pour qu’elles le dirigent. […] Le clergé régulier, par la création d’un monopole de l’enseignement, joue le même rôle social que celui qui est dévolu dans le monde capitaliste aux grandes compagnies industrielles.

1885. (1904) En lisant Nietzsche pp. 1-362

Être toujours spectateur de la même comédie, jouer toujours un rôle dans la même comédie ? […] Très bien joué. […] « Le monde transcendantal est imaginé par Kant pour laisser la place de la liberté morale. » Très bien joué ; mais c’est un jeu, c’est une pure jonglerie. […] En d’autres termes, l’égoïsme, pour se faire accepter, s’est mis par le monde à jouer toutes sortes de rôles, que du reste il joue mal, et à travers lesquels le critique dramatique le reconnaît pleinement ; il faut lui persuader qu’il est plus beau en son naturel, qu’il est plus respectable en son naturel, qu’il est plus fécond en son naturel et qu’il est plus utile en son naturel ; que l’humanité a besoin de lui, mais de lui à l’état pur, non pas sous les travestissements qu’il recherche et dans les mélanges qu’il opère de lui avec autre chose et dans les combinaisons bizarres et malsaines où il se plaît à entrer. […] Il vêtit que l’État ne fasse pas la guerre ; il veut que l’État, non seulement n’attaque point, mais se défende le moins possible ; il veut que l’État tende l’autre joue et donne encore sa tunique lorsqu’on lui a pris son manteau ; il veut que l’État ne juge pas, ou juge avec une indulgence de père de famille faible et même affaibli.

1886. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Mademoiselle Aïssé »

Le mari, M. de Ferriol, receveur-général des finances du Dauphiné, et conseiller, puis président au parlement de Metz, ne joua dans la vie de sa femme qu’un rôle insignifiant et commode. […] J’ai vraiment bien mieux à faire, madame : je chasse, je joue, je me divertis du matin jusqu’au soir avec mes frères et nos enfants, et je vous avouerai tout naïvement que je n’ai jamais été plus heureux, et dans une compagnie qui me plaise davantage. » Il a toutefois des regrets pour celle de Paris ; il envoie de loin en loin des retours de pensée à Mmes de Mirepoix et du Châtel, aux présidents Hénault et de Montesquieu, à Formont, à d’Alembert : « J’enrage, écrit-il (à Mme du Deffand toujours), d’être à cent lieues de vous, car je n’ai ni l’ambition ni la vanité de César : j’aime mieux être le dernier, et seulement souffert dans la plus excellente compagnie, que d’être le premier et le plus considéré dans la mauvaise, et même dans la commune ; mais si je n’ose dire que je suis ici dans le premier cas, je puis au moins vous assurer que je ne suis pas dans le second : j’y trouve avec qui parler, rire et raisonner autant et plus que ne s’étendent les pauvres facultés de mon entendement, et l’exercice que je prétends lui donner. » Ces regrets, on le sent bien, sont sincères, mais tempérés ; il n’a pas honte d’être provincial et de s’enfoncer de plus en plus dans la vie obscure : il envoie à Mme du Deffand des pâtés de Périgord, il en mange lui-même92 ; il va à la chasse malgré son asthme ; il a des procès ; quand ce ne sont pas les siens, ce sont ceux de ses frères et de sa famille.

1887. (1861) Cours familier de littérature. XII « LXXe entretien. Critique de l’Histoire des Girondins » pp. 185-304

J’entrerai résolument dans l’action, et je consacrerai les années de ma maturité à la guerre, véritable vocation de ma nature, qui aime à jouer, avec la mort et la gloire, ces grandes parties dont les vaincus sont des victimes, dont les vainqueurs sont des héros. […] Courir aux succès de tribune au lieu des grands résultats d’opinion, jeter quelques imprécations retentissantes au parti du gouvernement, embarrasser les ministres dans toutes les questions, se coaliser avec tous les partis de la guerre ou de l’anarchie dans la chambre ; se faire applaudir par les factions au lieu de se faire estimer par la nation propriétaire et conservatrice ; ébranler, hors de saison, un gouvernement mal assis, mais qui couvrait momentanément au moins les intérêts les plus sacrés de l’ordre et de la paix ; menacer sans cesse de faire écrouler cette tente tricolore sur la tête de ceux qui s’y étaient abrités ; jouer le rôle d’agitateur au nom des royalistes conservateurs, de tribun populaire au nom des aristocraties, de provocateur de l’Europe au nom d’un pays si intéressé à la paix ; se coaliser tour à tour avec tous les éléments de perturbation qui fermentaient dans la chambre et dans la rue ; harceler le pilote au milieu des écueils et prendre ainsi la responsabilité des naufrages aux yeux d’un pays qui voulait à tout prix être sauvé ; former des alliances avec tel ministre ambitieux, pour l’aider à donner l’assaut à tel autre ministre ; renverser en commun un ministère, sans vouloir soutenir l’autre, et recommencer le lendemain avec tous les assaillants le même jeu contre le cabinet qu’on avait inauguré la veille ; être, en un mot, un instrument de désorganisation perpétuelle, se prêtant à tous les rivaux de pouvoir pour renverser leurs concurrents et triompher subalternement sur des décombres de gouvernement ; danger pour tous, secours pour personne ; condottiere de tribune toujours prêt à l’assaut, mais infidèle à la victoire ; faire du parti légitimiste un appoint de toutes les minorités, même de la minorité démagogique dans le parlement : voilà, selon moi, la direction ou plutôt voilà l’aberration imprimée à ce parti, moelle de la France, qui réduisait les royalistes à ce triste rôle d’être à la fois haïs par la démocratie pour leur supériorité sociale, haïs par les conservateurs industriels pour leur action subversive de tout gouvernement, haïs par les prolétaires honnêtes pour leur participation à tous les désordres qui tuent le travail et tarissent la vie avec le salaire.

1888. (1864) Cours familier de littérature. XVII « CIe entretien. Lettre à M. Sainte-Beuve (1re partie) » pp. 313-408

L’armée alors joua le tout pour le tout, et accomplit son mouvement d’où sortit un homme. […] Ou bien, si d’un pinceau la légère finesse Sur l’ovale d’ivoire avait peint ses attraits, Le velours de sa joue, et sa fleur de jeunesse, Et ses grands sourcils noirs couronnant tous ses traits : Ah !

1889. (1869) Cours familier de littérature. XXVII « CLIXe Entretien. L’histoire, ou Hérodote »

Souvent, près du village où se rassemblaient les troupeaux de bœufs dont nous avons parlé, il jouait au milieu de la route avec plusieurs enfants du même âge que lui. […] Tandis qu’ils étaient plongés dans le sommeil, le jeune homme détacha, au milieu de la nuit, le corps de son frère, et après avoir, par dérision, rasé la joue droite de chacun des soldats, il mit le cadavre sur un de ses ânes et le porta chez lui, ayant ainsi exécuté les ordres de sa mère.

1890. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre huitième »

Enfin, ni l’illusion du temps où se passe la fable, ni la condition des personnages ne lui ont caché les traits par lesquels ce drame ressemble à tant de drames domestiques, dont les acteurs sont inconnus, et qui se jouent entre les quatre murs d’une chambre : des amours malheureux ; des cœurs rebutés ; une femme passionnée, qui se sert de l’amant dédaigné pour se venger de l’amant aimé ; l’amour faisant rompre la foi jurée ; une Andromaque, une jeune mère, belle de sa jeunesse et de son malheur, qui se donne en frémissant au protecteur de son fils. […] Il vit tout ce qu’il y avait de pressant, d’irrésistible dans ce contact de l’usurpation et du droit, de la religion et de l’idolâtrie, outre la volonté du Dieu des vengeances, qui joue le même rôle dans Athalie que le dieu Destin dans le théâtre grec.

1891. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre XIII : Affinités mutuelles des êtres organisés »

Mais il est bien loin d’être aussi évident, au point de vue de la théorie communément adoptée, pourquoi la structure de l’embryon doit être d’une plus grande importance, sous ce même rapport, que celle de l’adulte, qui seul joue son rôle complet dans l’économie de la nature. […] Le principe d’économie que nous avons exposé dans un chapitre précédent, et en vertu duquel tous les matériaux qui forment un organe inutile à son possesseur sont épargnés autant que possible, doit aussi probablement jouer son rôle, et tendre de plus en plus à causer l’entière oblitération de l’organe rudimentaire.

1892. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Joseph de Maistre »

Il ne jouait jamais en conversation que le rôle d’attaquant, comme dans ses livres. […] Les chefs de l’école éclectique régnante n’ont pas été fâchés de voir tomber sur la joue du précurseur de Locke ce soufflet solennel qu’ils ne se seraient pas chargés eux-mêmes de lui donner212. […] Rien n’empêche que l’acteur qui joue Orosmane sur les planches ne soit réellement amoureux de Zaïre  ; alors donc lorsqu’il lui dira : Je veux avec excès vous aimer et vous plaire, il dit la vérité.

1893. (1907) L’évolution créatrice « Chapitre I. De l’évolution de la vie. Mécanisme et finalité »

. — Nous n’ignorons pas, en effet, le rôle que joue le concept d’adaptation dans la science contemporaine. […] Soit, mais ne jouons pas maintenant sur le sens du mot « corrélation ». […] La détente graduelle du ressort qui fait tourner le phonographe déroule la mélodie inscrite sur le cylindre : si je tiens la mélodie qui se joue pour un effet, et la détente du ressort pour la cause, je dirai que la cause procède ici par déroulement.

1894. (1926) La poésie pure. Éclaircissements pp. 9-166

Pas plus qu’ils ne font de syllogismes ; pas plus que les anges ne jouent du piano. […] Sa tyrannie a beau leur avoir joué les plus méchants tours, ils acceptent qu’elle rentre par la fenêtre, après que, poétiquement, ils l’ont mise, non pas à la porte, mais à son rang, dehors, de gardienne, pour employer le terme noble. […] Qu’il s’agisse de Bourdaloue ou de Racine, une intelligence appliquée à l’analyse des passions joue exactement de la même manière ; mais les paroles, par où s’exprime ce jeu, rendent autre chose que ce jeu.

1895. (1886) Le naturalisme

L’intuition joue dans ses œuvres un rôle fort important. […] Il n’y a pas d’évènements et le drame intime et profond de la conversion d’une libre-penseuse au catholicisme se joue dans l’âme de l’héroïne. […] Je parlerai de Zola plus abondamment que de ses confrères, non pas que je lui accorde la primauté — le temps seul décidera s’il le mérite — mais parce que, quand bien même on pourrait nier la valeur de ses œuvres, on ne peut nier le rôle qu’il joue de chef et de champion du naturalisme. […] Le roman est l’écho des aspirations du lecteur et joue son rôle religieux, politique et moral.

1896. (1898) Manuel de l’histoire de la littérature française « Livre II. L’Âge classique (1498-1801) — Chapitre III. La Déformation de l’Idéal classique (1720-1801) » pp. 278-387

Nous cependant, qu’elles n’ont pas entretenus, — je veux dire hébergés, meublés et nourris, — et qui ne leur devons donc pas la même reconnaissance que d’Alembert et Marmontel, nous oserons dire que leur rôle, puisqu’il faut bien convenir qu’elles en ont joué vraiment un, a été désastreux. […] Churton Collins, Bolingbroke… and Voltaire in England, Londres, 1886]. — Liaisons de Voltaire avec Bolingbroke, que d’ailleurs il connaissait déjà ; — avec Pope ; — avec « le marchand » Falkener, etc. — Il apprend l’anglais, il étudie Newton, Locke, Bacon ; — il voit jouer les comédies de Congreve, — et les drames de Shakespeare. — Il compose son Essai sur la poésie épique. — Les « libres penseurs » anglais [Cf.  […] 3º Les Œuvres. — On a de Sedaine de nombreux opéras-comiques dont nous avons cité les principaux ; — son Philosophe ; — sa Gageure [tirée de la nouvelle de Scarron d’où Molière avait tiré son École des femmes] ; — et aussi deux grands drames, plus ou moins historiques, un Raymond V, comte de Toulouse, qui n’a été ni joué ni publié ; et Maillard ou Paris sauvé, imprimé, mais non représenté. […] Daire), ou presque tous, ne sont à vrai dire que des ébauches dont le principal intérêt se tire du personnage qu’a joué leur auteur.

1897. (1765) Articles de l’Encyclopédie pp. 3665-7857

C’est d’un spectateur de cette classe, que dans une de nos provinces méridionales, l’actrice (mademoiselle Clairon) qui joue le rôle d’Ariane avec tant d’ame & de vérité, reçut un jour cet applaudissement si sincere & si juste. […] Et c’est-là que triomphe l’actrice, qui joue ce rôle avec autant de vérité que de noblesse, d’intelligence que de chaleur. […] S’il exprime par son jeu la violence qu’on lui fait, il rend plus sensible encore ce défaut du dialogue, & son impatience se communique au spectateur ; s’il dissimule cette impatience, il joue faux en se possédant où il devroit s’emporter. […] Dans une circonstance pareille, l’actrice qui joue Pénélope (mademoiselle Clairon) a eu l’art de faire d’un défaut de vraissemblance insoûtenable à la lecture, un tableau théatral de la plus grande beauté. […] Qu’on dise simplement du Misantrope qu’il est amoureux d’une coquette qui joue cinq ou six amans à-la-fois ; qu’on dise de Cinna qu’il conseille à Auguste de garder l’empire, au moment où il médite de le faire périr comme usurpateur ; quoi de plus choquant que ces disparates ?

1898. (1893) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Cinquième série

C’est qu’il y a quelque chose d’occulte et de mystérieux qui se joue dans les affaires humaines — n’importe le nom dont on le nomme, fortune, ou hasard, ou nature, ou Dieu même ; — et, ce qui vaut sans doute ici la peine qu’on le remarque, il en est de cette idée de la Providence comme de celle de la chute originelle : nous sommes sans la seconde « incompréhensibles à nous-mêmes » ; et, sans la première, c’est notre propre histoire qui nous devient obscure jusqu’à nous être inintelligible. […] Une ironie tranquille se joue parmi toutes ses polissonneries, et un mépris involontaire se mêle à la sympathie qu’il éprouve pour les érudits du passé. […] Coras se joue enfin par la troupe de Molière, après que celle de M.  […] Mais je voudrais encore quelque chose de plus, et, dans le temps où nous vivons, si rien ne serait plus urgent que de défendre l’institution sociale contre les assauts ou plutôt contre les cheminements de l’individualisme ; si d’ailleurs il est vrai que la doctrine de l’évolution ait laïcisé le dogme du péché originel ; et s’il importe enfin, pour deux ou trois raisons très fortes, que la morale achève de s’affranchir des religions positives, je voudrais que l’on reconnût que Bayle n’a pas encore fini de jouer son rôle, et que le jour approche où ce philosophe oublié redeviendra peut-être ce qu’il a jadis été cinquante ans : un maître des esprits. […] Mais on se trompait bien ; car aussitôt qu’elle eut établi son séjour à Paris, elle en prit cinq ou six, et, pour se créer des ressources, elle commença de donner à jouer.

1899. (1861) Questions d’art et de morale pp. 1-449

Ce qu’il nous importe surtout d’en connaître, c’est le rôle qu’il joue comme agent du perfectionnement moral. […] L’esprit n’est plus l’auteur du drame confus qui se joue en lui ; il n’en est que le théâtre. […] Nous l’avons dit déjà : l’inspiration est à l’artiste ce que la grâce est à l’homme moral, avec cette différence que l’être moral étant responsable, le libre arbitre joue dans le fait de la grâce un plus large rôle que la volonté dans le fait de l’inspiration. […] Les objets extérieurs à l’âme jouent donc un grand rôle dans la poésie, aussi bien que dans les arts plastiques L’art, en général, admet donc comme un de ses éléments essentiels la représentation, la reproduction des objets de la nature et des faits de la vie. […] Encore quelques progrès semblables et le joug que les idées et les termes nobles faisaient peser sur la parole sera complètement brisé, et l’argot jouera dans les futures démocraties le rôle initiateur réservé dans les anciennes sociétés au langage des cours ou des sanctuaires.

1900. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Gui Patin. — II. (Fin.) » pp. 110-133

Une de ses plus jolies histoires du temps de la Fronde est celle de M. de Beaufort, pour qui les Parisiens, et particulièrement toutes les femmes, avaient une dévotion singulière : il nous le montre, un jour qu’il jouait à la paume dans un tripot du Marais, visité comme en procession par plus de deux mille femmes tant de la Halle que d’ailleurs.

1901. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Froissart. — II. (Fin.) » pp. 98-121

Froissart ne sera jamais un historien critique comme Tillemont, ni encore moins un historien philosophe comme Gibbon ; mais sa vocation, réduite à toute sa simplicité, à l’enquête curieuse et à la vive représentation des faits, n’en paraît que plus en saillie ; nous avons vu cette vocation courir et jouer pour ainsi dire devant nos yeux dès son enfance, et il passa toute sa vie à la satisfaire.

1902. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Charles-Victor de Bonstetten. Étude biographique et littéraire, par M. Aimé Steinlen. — III » pp. 455-479

— Tel est un coquin ; mais le mot ne joue plus ; on en a tant vu. — Tel ouvrage est détestable ; mais les journaux ont répandu tant d’injures qu’il n’y a plus d’injures que pour les provinces.

1903. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « M. Boissonade. »

Les grandes eaux de l’admiration ont joué.

1904. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Journal et Mémoires, de Mathieu Marais, publiés, par M. De Lescure  »

Son succès, longtemps contenu comme tant d’autres choses, n’en éclata que mieux sous la Régence ; c’était, en son genre, un des signes manifestes de la réaction contre Louis XIV ; et lorsque le danois Holberg, qui allait être le disciple de Molière dans le Nord, vint à Paris, où il séjourna pendant une partie des années 1715-1716, il put noter, comme un fait mémorable, qu’à la Bibliothèque Mazarine, la première en date de nos bibliothèques publiques, « l’empressement des étudiants à demander le Dictionnaire de Bayle était tel qu’il fallait arriver longtemps avant l’ouverture des portes, jouer des coudes et lutter de vitesse pour obtenir le précieux volume6. » On faisait queue pour le lire, dans ce même lieu où l’on fait queue maintenant pour entrer aux séances de l’Académie.

1905. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Journal et Mémoires, de Mathieu Marais, publiés, par M. De Lescure »

On le regardait comme un apôtre ; mais on reconnaît à présent que c’était un faux apôtre et un déclamateur qui a joué la religion.

1906. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Béranger — Béranger en 1832 »

L’illustre promeneur était debout, arrêté et comme absorbé devant des enfants qui jouaient à tracer des figures sur le sable d’une allée.

1907. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamennais — L'abbé de Lamennais en 1832 »

Il ne dit pas le moins du monde, comme le suppose l’auteur d’ailleurs si impartial et si sagace d’une Histoire de la philosophie française contemporaine : « Voilà des personnes dignes de foi, croyez-les ; cependant n’oubliez pas que ni vous ni ces personnes n’avez la faculté de savoir certainement quoi que ce soit. » Mais il dit : « En vous isolant comme Descartes l’a voulu faire, en vous dépouillant, par une supposition chimérique, de toutes vos connaissances acquises pour les reconstruire ensuite plus certainement à l’aide d’un reploiement solitaire sur vous-même, vous vous abusez ; vous vous privez de légitimes et naturels secours ; vous rompez avec la société dont vous êtes membre, avec la tradition dont vous êtes nourri ; vous voulez éluder l’acte de foi qui se retrouve invinciblement à l’origine de la plus simple pensée, vous demandez à votre raison sa propre raison qu’elle ne sait pas ; vous lui demandez de se démontrer elle-même à elle-même, tandis qu’il ne s’agirait que d’y croire préalablement, de la laisser jouer en liberté, de l’appliquer avec toutes ses ressources et son expansion native aux vérités qui la sollicitent, et dans lesquelles, bon gré, mal gré, elle s’inquiète, pour s’y appuyer, du témoignage des autres, de telle sorte qu’il n’y a de véritable repos pour elle et de certitude suprême que lorsque sa propre opinion s’est unie au sentiment universel. » Or, ce sentiment universel, en dehors duquel il n’y a de tout à fait logique que le pyrrhonisme, et de sensé que l’empirisme, existe-t-il, et que dit-il ?

1908. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. DE BALZAC (La Recherche de l’Absolu.) » pp. 327-357

Souvent la phraséologie flexible, où il se joue, entraîne M. de Balzac, et il nous file de ces longues phrases sans virgules à perdre haleine, comme on en peut reprocher parfois à la plume savamment amusée de Charles Nodier.

1909. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. VINET. » pp. 1-32

Vinet, qui participait de tout son cœur à la revivification de la doctrine évangélique, mais qui ne donnait dans aucun excès, joua un bien beau rôle en cette querelle.

1910. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Racine — I »

Cette pièce de Bérénice fut commandée à Racine par Madame, duchesse d’Orléans, qui soutenait à la cour les nouveaux poëtes, et qui joua cette fois à Corneille le mauvais tour de le mettre aux prises, en champ-clos, avec son jeune rival.

1911. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Du génie critique et de Bayle »

Cette indifférence du fond, il faut bien le dire, cette tolérance prompte, facile, aiguisée de plaisir, est une des conditions essentielles du génie critique, dont le propre, quand il est complet, consiste à courir au premier signe sur le terrain d’un chacun, à s’y trouver à l’aise, à s’y jouer en maître et à connaître de toutes choses.

1912. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Introduction »

Dans l’étude de certains États, qui par leurs circonstances, encore plus que par leur petitesse, sont dans l’impossibilité de jouer un grand rôle au-dehors, et n’offrent point au-dedans de place qui puisse contenter l’ambition et le génie, il faudrait observer comment l’homme tend à l’exercice de ses facultés, comment il veut agrandir l’espace en proportion de ses forces.

1913. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre troisième. L’esprit et la doctrine. — Chapitre II. Deuxième élément, l’esprit classique. »

. — Rien de plus contraire à l’esprit du théâtre classique que de jouer, comme on le fait aujourd’hui, Britannicus, Esther, avec des costumes et un décor exact, tirés des dernières fouilles de Pompéi et de Ninive.

1914. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre troisième. L’esprit et la doctrine. — Chapitre IV. Construction de la société future »

Sauf chez quelques froides et lucides intelligences, un Fontenelle, un Hume, un Gibbon, en qui elle peut régner parce qu’elle ne rencontre pas de rivales, elle est bien loin de jouer le premier rôle ; il appartient à d’autres puissances, nées avec nous, et qui, à titre de premiers occupants, restent en possession du logis.

1915. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre I. Littérature héroïque et chevaleresque — Chapitre II. Les romans bretons »

Dans l’œuvre de Robert de Boron, dont on possède une partie, et dont l’autre est connue par des remaniements en prose, l’amour ne joue plus de rôle : le « péché luxurieux » devient l’ineffaçable souillure qui disqualifie un à un les poursuivants de Graal.

1916. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « Ferdinand Fabre  »

Puis ils ne songent point combien serait dure à jouer et de peu de profit (sinon dans les hautes dignités) la comédie qu’ils leur attribuent, et de quels horribles sacrifices les prêtres incroyants payeraient d’assez minces avantages.

1917. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Victor Hugo, Toute la Lyre. »

Or, si l’on jouait au même jeu avec Lamartine et Musset (que j’ai beaucoup moins lus, les aimant depuis moins longtemps), je me ferais fort de gagner presque à tout coup.

1918. (1894) Propos de littérature « Chapitre V » pp. 111-140

D’un sourire il salue le soleil au lacis des ramures, lève ses mains vers les rayons, joue avec les clartés qui ballent au gré des branches ; une fleur le captive, une autre encore le ravit, — les mouvements, les parfums de ces choses l’émerveillent, — il s’étonne des bêtes qui surviennent, surprend des insectes enrichis d’inouïes bigarrures, s’ébahit d’un oiseau qui s’envole aux touffeurs du feuillage.

1919. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre huitième »

Elle diminuera la part du mal inévitable ; elle l’empêchera du moins de s’aggraver jusqu’au point où les remèdes meurtriers sont nécessaires et où les nations ont à jouer leur vie pour la sauver.

1920. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Discours préliminaire, au lecteur citoyen. » pp. 55-106

Fréron, ces mêmes hommes qui prêchent la tolérance, ont eu plusieurs fois le crédit de faire arrêter ses Feuilles, d’obtenir des ordres contre la liberté, de le jouer en plein Théatre, en le couvrant du masque d’un bas scélérat, que l’Auteur du Drame savoit ne pas lui convenir, & dont peut-être lui seul connoissoit le modele.

1921. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — Chapitre VIII »

Alors Bernard, les bras ouverts, tend à Léopold la joue qu’il vient de frapper : « Efface ! 

1922. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Bussy-Rabutin. » pp. 360-383

Ce scandaleux guet-apens, qui rappelait toutes les violences des époques féodales, et où Bussy avait joué, de plus, le rôle de dupe, lui fit manquer la bataille de Lens qui se livra dans cet intervalle.

1923. (1864) William Shakespeare « Conclusion — Livre III. L’histoire réelle — Chacun remis à sa place »

Les gestes royaux, les tapages guerriers, les couronnements, mariages, baptêmes et deuils princiers, les supplices et fêtes, les beautés d’un seul écrasant tous, le triomphe d’être né roi, les prouesses de l’épée et de la hache, les grands empires, les gros impôts, les tours que joue le hasard au hasard, l’univers ayant pour loi les aventures de la première tête venue, pourvu qu’elle soit couronnée ; la destinée d’un siècle changée par le coup de lance d’un étourdi à travers le crâne d’un imbécile ; la majestueuse fistule à l’anus de Louis XIV ; les graves paroles de l’empereur Mathias moribond à son médecin essayant une dernière fois de lui tâter le pouls sous sa couverture et se trompant : erras, amice, hoc est membrum nostrum impériale sacrocœsareum’ ; la danse aux castagnettes du cardinal de Richelieu déguisé en berger devant la reine de France dans la petite maison de la rue de Gaillon ; Hildebrand complété par Cisneros ; les petits chiens de Henri III, les divers Potemkins de Catherine II, Orloff ici, Godoy là, etc., une grande tragédie avec une petite intrigue ; telle était l’histoire jusqu’à nos jours, n’allant que du trône à l’autel, prêtant une oreille à Dangeau et l’autre à dom Calmet, béate et non sévère, ne comprenant pas les vrais passages d’un âge à l’autre, incapable de distinguer les crises climatériques de la civilisation, et faisant monter le genre humain par des échelons de dates niaises, docte en puérilités, ignorante du droit, de la justice et de la vérité, et beaucoup plus modelée sur Le Ragois que sur Tacite.

1924. (1881) La parole intérieure. Essai de psychologie descriptive « Chapitre V. La parole intérieure et la pensée. — Premier problème : leurs positions respectives dans la durée. »

Mais cette parole intempérante remplit plutôt les lacunes de sa pensée ; il parle quand il ne pense guère ; il se repose ainsi, il joue ; quand il pense, au contraire, il parle peu ; c’est en silence qu’il fait ses notions et qu’il s’exerce au jugement.

1925. (1868) Curiosités esthétiques « IV. Exposition universelle 1855 — Beaux-arts » pp. 211-244

Cette dose de bizarrerie qui constitue et définit l’individualité, sans laquelle il n’y a pas de beau, joue dans l’art (que l’exactitude de cette comparaison en fasse pardonner la trivialité) le rôle du goût ou de l’assaisonnement dans les mets, les mets ne différant les uns des autres, abstraction faite de leur utilité ou de la quantité de substance nutritive qu’ils contiennent, que par l’idée qu’ils révèlent à la langue.

1926. (1899) Le roman populaire pp. 77-112

Seulement la pauvre alouette ne chantait jamais. » Il montre Cosette qui travaille, et qui regarde jouer les enfants de Thénardier, Cosette qui tremble quand on lui parle, Cosette à qui la marâtre commande d’aller, la nuit, puiser de l’eau dans la forêt, et qui a peur des branches, de l’ombre, du silence, Cosette qui rencontre dans les bois Jean Valjean, un étranger cependant, et qui a tout de suite confiance, Cosette, à qui l’inconnu, entré avec elle dans l’auberge, donne une poupée, et qui n’ose pas croire d’abord à la joie, et puis s’abandonne au rêve de ses six ans, saisit la poupée, et l’endort avec des gestes et un recueillement maternels.

1927. (1893) Des réputations littéraires. Essais de morale et d’histoire. Première série

Non certes, à moins qu’on ne pense qu’une mouche a de la grâce sur la joue d’un colosse, ou qu’une jolie femme au sommet de la tour Eiffel ajoute quelque chose à l’effet du monument. […] La gloire du savant est de s’absorber dans l’effort collectif ; si la forme de son œuvre périt, le souvenir de son œuvre demeure attaché à celui de son nom, avec une intensité de vie proportionnée à l’importance du rôle qu’il a joué dans l’ensemble. […] Par ce dernier mot j’entends que le public arme et qu’il aimera toujours les choses et les qualités moyennes : des idées claires, généralement reçues ; un style aisé, banal ; l’artifice d’une intrigue faisant régulièrement jouer les cordes de la pitié et de la crainte, sans déconcerter ni la morale, chère au cœur, ni la logique voulue par l’esprit ; un dénouement optimiste, par conséquent, fondé sur la convention d’une justice finale rétribuant chacun selon ses mérites. […] Si l’attentat de 1832 contre Louis-Philippe, coïncidant avec la première représentation du Roi s’amuse, a été pour quelque chose dans l’échec de cette pièce, comme le prétend une anecdote d’ailleurs controuvée, il faut évidemment chercher dans l’ouvrage lui-même une explication plus sérieuse de la froideur persistante d’un public étonné qui ne demandait qu’à applaudir, quand, cinquante ans après, le drame de Victor Hugo fut joué pour la seconde fois. […] Elle dirait tout, si l’écrivain avait donné à entendre que les circonstances font quelquefois défaut et ne peuvent alors jouer leur rôle de révélatrices des hommes, et que, parfois aussi, au lieu d’être la lampe qui éclaire les génies et les caractères, elles remplissent l’office odieux d’éteignoirs.

1928. (1904) Propos littéraires. Deuxième série

au vers 192 du chant Ier : « Sachez de l’ami discerner le flatteur : tel vous semble applaudir, qui vous raille et vous joue. […] Elle était au fond, elle se réduit à se jouer à la surface : elle créait, elle arrange ; elle produisait, elle perfectionne, ou croit perfectionner. […] Ce ne sont pas seulement les destinées de la France qui se sont jouées à Waterloo ; ce sont véritablement les destinées de l’Europe. […] Même quand ils assistaient aux pièces jouées, ils ne les racontaient jamais. […] « L’abstrait aussi est un cadavre, un squelette, la charpente osseuse des phénomènes. » Prenons toujours garde de jouer aux osselets avec les débris du squelette.

1929. (1905) Études et portraits. Sociologie et littérature. Tome 3.

Je pense être utile à votre avenir en vous conseillant de jouer aux dominos, aux dames et à l’écarté… Tableau !  […] Ils disent d’abord, et c’est une constatation horriblement douloureuse, que, parmi ces grands peuples, la France ne joue plus actuellement le rôle de premier ordre qui fut si longtemps le sien. […] L’écrivain s’est mépris sur la valeur comparative des doctrines que l’évêque et le révolutionnaire représentent, mais il a vu l’importance du rôle que joue la doctrine dans les heures sérieuses de la vie. […] Il va souper, jouer, boire, se procurer dans des compagnies de hasard cette excitation dont il a besoin pour composer. […] cette créature à laquelle il est si cher, qui lui est si chère, elle ne sera pas à lui depuis deux jours, un regard, un geste, une gracieuse coquetterie sur un morceau de musique joue pour lui, suffiront à lui arracher ce cri de détresse : « Ah !

1930. (1876) Romanciers contemporains

Que l’on étudie avec un peu de soin le détail le plus vulgaire en apparence, et l’on se convaincra qu’il a son utilité et qu’il joue son rôle dans l’action. […] Sans doute, le bizarre y joue un trop grand rôle, et on y rencontre moins de portraits que de caricatures. […] De même qu’à force d’études, l’acteur paraît jouer au naturel et n’avoir recours qu’à sa mémoire, de même l’écrivain atteint les dernières limites de l’art, quand il dissimule son labeur. […] Libre d’elle-même, elle pouvait avouer tout haut l’amant qu’elle avait ; mais elle préférait jouer doucement, devant le monde, qui n’était point sa dupe, la comédie de la vertu. […] D’une coquetterie implacable, comme elle était petite, d’un visage sans autre caractère que ce retroussé des figures de grisettes, elle avait mauvaise grâce à jouer à la Célimène.

1931. (1861) La Fontaine et ses fables « Deuxième partie — Chapitre I. Les personnages »

Gourmet et mythologue, en un instant le coquin a joué deux rôles. […]     Mais assemblons tous les rats d’alentour :     Je lui pourrai jouer d’un mauvais tour.

1932. (1867) Cours familier de littérature. XXIII « cxxxiiie entretien. Littérature russe. Ivan Tourgueneff »

Il en jouait avec plaisir, et passait alternativement des notes les plus aiguës aux plus basses : mais il s’arrêtait de préférence aux premières, qu’il s’efforçait de soutenir avec une étonnante flexibilité de gosier. […] Diki-Barine fronça les sourcils, et une larme sillonna sa joue bronzée ; l’entrepreneur appuya son front contre son poing, et resta immobile… Je ne sais comment cette émotion générale aurait fini si Iakof ne s’était tout à coup arrêté au milieu d’une note élevée.

1933. (1867) Cours familier de littérature. XXIV « CXLIe entretien. L’homme de lettres »

Sa célébrité précoce ne coûta rien à sa modération: il jouait avec l’épée et ne s’en servit jamais que pour désarmer son adversaire. […] Les singes, habitants domiciliés de ces forêts, se jouent dans leurs sombres rameaux, dont ils se détachent par leur poil gris et verdâtre, et leur face toute noire ; quelques-uns s’y suspendent par la queue et se balancent en l’air ; d’autres sautent de branche en branche, portant leurs petits dans leurs bras.

1934. (1899) Préfaces. — Les poètes contemporains. — Discours sur Victor Hugo pp. 215-309

La patience publique s’est lassée de cette comédie bruyante jouée au profit d’une autolâtrie d’emprunt. […] Éloa rappelle de trop près certaines vignettes britanniques, et Satan joue, dans cette aventure céleste, un des rôles familiers à Don Juan.

1935. (1888) Épidémie naturaliste ; suivi de : Émile Zola et la science : discours prononcé au profit d’une société pour l’enseignement en 1880 pp. 4-93

La même comédie se joua pour François Millet, à peu près vers la même époque. […] C’est ainsi que les plus savants sur la matière ne peuvent rien pronostiquer sur la naissance d’un enfant, même en connaissant les parents puisque souvent ceux-ci ne jouent que le rôle subalterne d’agents conducteurs de la vie bien qu’étant les générateurs directs.

1936. (1902) Le critique mort jeune

C’étaient tantôt des gammes sombres et ces verts profonds qui sont propres aux ruelles mystérieuses de Venise ; tantôt ces jaunes, ces orangés, ces bleus avec lesquels jouent les décorateurs japonais. […] Quelques grandes abstractions — Justice, Devoir, Solidarité — jouent pour lui le rôle d’un Dieu qui commanderait le bien sans punir le mal. […] Il crut connaître par le cœur les causes des faits, leur raison et leur sens humain et divin ; il eût même exercé ce cœur à jouer aux échecs et à réduire des fractions. […] Ce n’est pas jouer sur les mots de dire que les personnages de M. 

1937. (1848) Études sur la littérature française au XIXe siècle. Tome III. Sainte-Beuve, Edgar Quinet, Michelet, etc.

Je voudrais qu’on pût empêcher mon sang de circuler avec tant de rapidité, et lui donner une marche plus cadencée ; j’ai essayé si la musique pouvait faire cet effet ; je joue des adagio, des largo, qui endormiraient trente cardinaux. […] Non point que Vinet entendît jouer auprès de Sainte-Beuve le rôle d’un confesseur ; il voulait seulement pouvoir l’aimer, et pour cela lire dans son cœur. […] 123 La vieille joue à la paume avec l’esprit du pauvre pèlerin. […] Le premier drame avait des spectateurs ; celui-ci n’en a point et n’en peut point avoir ; les personnages le jouent devant eux-mêmes. […] Que vous craindrez de vous jouer des idées éternelles !

1938. (1817) Cours analytique de littérature générale. Tome IV pp. 5-

Nous reconnûmes donc trois modes épiques sur lesquels purent se jouer toutes les diversités du génie humain ; une seule sérieuse, et deux riantes et malignes, que nous caractérisâmes par les définitions, et dont notre soin rechercha l’objet, la marche, et le but indiqué par le goût des siècles et des peuples différents. […] Nos respects pour Voltaire n’adouciront pas ce jugement de notre cœur : nous en déduirons en instructive conséquence de notre analyse du rapport des poètes avec leur temps, et du danger pour nous des contacts extérieurs, que s’il n’eût pas cédé à la manie moderne du dénigrement de l’utile et du beau en toutes choses, et qu’il eût mieux gardé l’antique feu qui brûlait Eschyle et Tyrtée, il ne se fût pas joué d’une martyre de la patrie. […] Son imagination assiste à l’origine des dieux et des âges ; elle plane sur la liquide étendue d’où s’échappèrent Deucalion et Pyrrha ; elle vous transporte au radieux palais du soleil, et redescend se jouer parmi les nymphes des bocages et des fontaines. […] « Elle traverse l’onde en fille de Nérée ; « Sa vue enchaîne au loin l’impétueux Borée ; « Le vieux Triton lui fraie un liquide chemin ; « Le jeune Palémon la suit sur un dauphin ; « L’onde joue à ses pieds ; et la vague idolâtre « Vient d’un baiser humide en effleurer l’albâtre.

1939. (1895) Le mal d’écrire et le roman contemporain

On n’y joue pas seulement nos pièces de théâtre ; nos journaux et nos revues y ont des milliers d’abonnés, et nos auteurs contemporains y sont presque regardés comme des auteurs nationaux. […] Combien mettra-t-on encore d’années à voir que Paris est une immense scène où tout le monde joue à son tour le même rôle, où chacun recommence le même livre, publie le même article, présente la même pièce, répète les mêmes plaisanteries dans les mêmes salons et devant les mêmes éventails ! […] En absorbant nos forces vives, en paralysant l’élan personnel et en rendant les talents uniformes, cette centralisation aura joué à peu près le même rôle que la cour de Louis XIV au point de vue social. […] Désormais l’avenir d’un musicien n’est plus entravé par l’impossibilité de faire monter son œuvre à Paris : on la lui joue ailleurs et nous voyons enfin la critique obligée de quitter la capitale pour rendre compte des premières en province. […] Résidant à Paris à l’époque où Chateaubriand partit pour l’Amérique (janvier 1791), nous la voyons promener son éternelle tristesse dans les salons de M. de Malesherbes, où l’on jouait des comédies en attendant les tragédies de 93.

1940. (1916) Les idées et les hommes. Troisième série pp. 1-315

On l’avait chargée d’un rôle qu’elle sait jouer, et pourtant qui n’est pas le sien : d’un rôle social, et philosophique, et politique. […] Et le tour est joué. […] Les enfants jouent, les filles chantent, la fontaine murmure ; au cabaret, les camarades s’asseyent sur le vieux banc près des pots de fleurs et des fagots. […] Son père eut un sursaut, pâlit, se leva et s’enferma dans le salon, où il se mit à jouer une sonate qu’il étudiait depuis longtemps. […] Il court et il joue, il rit et il pleure pour des billevesées : il n’aurait qu’à pleurer, et pour la seule calamité de son destin, la folie de son père.

1941. (1909) Nos femmes de lettres pp. -238

Nous repoussons ce qu’il entre d’abstrait, par conséquent d’invraisemblable dans la fortune d’un auteur qui fait jouer une pièce dont l’effet immédiat est de « provoquer un élan d’amour dans sa ville » — nous savons trop par expérience que les choses ne se passent pas ainsi — et pour qui « tous les soirs les planches poudreuses de la scène furent comme un profond divan où il posséda le cœur blessé, le cœur traîné des nerveuses spectatrices ». […] Nul pire artifice que celui qui fausse, en la contraignant, la spontanéité originelle d’une nature ; car alors la volonté humaine joue le rôle du dresseur qui, par un entraînement méthodique, tend à susciter, chez un bel animal, une suite de réactions contraires à son instinct. […] elle pleure et se regarde pleurer : c’est l’actrice qui va jouer son rôle et prépare ses effets.

1942. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Werther. Correspondance de Goethe et de Kestner, traduite par M. L. Poley » pp. 289-315

Je leur proposai de jouer aux dés mon dessin ; ils ne voulurent pas, et me demandèrent de l’envoyer à Merck.

1943. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Appendice. »

Dourdain n’avait qu’un faible, et un faible bien innocent : c’était de jouer, même quand il fut barbon, les jeunes-premiers dans les théâtres de société bourgeoise où l’on montait les pièces de Scribe ; il savait par cœur tout ce répertoire, et prenait son rôle très au sérieux, ayant gardé la jeunesse du cœur.

1944. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Sismondi. Fragments de son journal et correspondance. »

Les revers de la fin de 1813 et la chute du premier Empire produisirent sur Sismondi une impression que plusieurs de ses amis n’avaient pas prévue, et qui était cependant assez naturelle chez un homme en qui le cœur jouait le principal rôle.

1945. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME ROLAND — I. » pp. 166-193

Elle l’est ; on la retrouve telle, sous sa philosophie et sa sagesse, par le besoin d’agir sinon de paraître, de faire jouer les ressorts sinon de s’en vanter.

1946. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Diderot »

Un petit soufflet sur la joue, une oreille un peu pincée avec sourire, sera-ce toute la peine de l’incrédule ?

1947. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « La Bruyère »

La Bruyère descendait d’un ancien ligueur, très-fameux dans les Mémoires du temps, et qui joua à Paris un des grands rôles municipaux dans cette faction anti-bourbonienne ; il est piquant que le petit-fils, précepteur d’un Bourbon, ait pu étudier de si près la race.

1948. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXIXe entretien. Œuvres diverses de M. de Marcellus (2e partie) » pp. 5-63

L’opposition de quinze ans y joue un pauvre rôle.

1949. (1863) Cours familier de littérature. XV « LXXXVIe entretien. Considérations sur un chef-d’œuvre, ou le danger du génie. Les Misérables, par Victor Hugo (4e partie) » pp. 81-143

Les femmes jouent avec leur beauté comme les enfants avec leur couteau.

1950. (1867) Cours familier de littérature. XXIV « CXLIVe entretien. Mélanges »

Rien de tout cela ne me plaisait, mais je le regardais comme un homme d’une autre chair et d’une autre âme, destiné à jouer un grand rôle dans un monde à part ; ce monde de la haine et de la colère, le jacobin noir de la révolution posthume du dix-neuvième siècle.

1951. (1889) Les premières armes du symbolisme pp. 5-50

Verlaine, en particulier, est un des plus habiles jongleurs qui aient jamais joué avec notre métrique.

1952. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre deuxième »

En second lieu, il n’est pas bienfaisant ; il se joue de nos misères, et n’y propose jamais de remède.

1953. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre premier »

Les lettres de Balzac touchaient à tout ce qui occupait alors les esprits : à l’érudition, qui s’était plutôt réglée que ralentie ; à la morale générale ; aux matières de foi, vues d’un esprit plus libre ; à la politique, nouveauté si attrayante alors ; aux événements de l’époque, aux rôles qu’y jouaient les principaux personnages.

1954. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre quinzième. »

Avec plus de bruit et plus d’attente, le fameux cardinal de Retz, dans sa retraite de Commercy, égarait quelques belles pages, trop visiblement imitées de Salluste, dans cet écheveau embrouillé qu’il appelle ses Mémoires, image du rôle qu’il joua dans la Fronde.

1955. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre troisième. Le souvenir. Son rapport à l’appétit et au mouvement. — Chapitre troisième. La reconnaissance des souvenirs. Son rapport à l’appétit et au mouvement. »

Nouvel exemple du rôle joué par la sensibilité dans le développement de l’intelligence.

1956. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre deuxième. Le génie, comme puissance de sociabilité et création d’un nouveau milieu social »

Créer, pour l’artiste, c’est alors simplement rêver tout éveillé, jouer avec ses perceptions, sans plan, sans organisation préconçue, sans effort, sans que la fin réponde au commencement ni au milieu, sans que la réflexion vienne en rien entraver la spontanéité.

1957. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre V : La religion — Chapitre II : Examen critique des méditations chrétiennes de M. Guizot »

Guizot engager une telle polémique, et jouer, ne fût-ce qu’un moment, le jeu des athées.

1958. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre III. Des Livres nécessaires pour l’étude de l’Histoire sacrée & ecclésiastique. » pp. 32-86

De pareilles merveilles ne se rencontrent point dans l’histoire des Ordres Militaires qui ont joué pendant quelque tems un rôle si brillant.

1959. (1881) La parole intérieure. Essai de psychologie descriptive « Chapitre IV. Comparaison des variétés vives et de la forme calme de la parole intérieure. — place de la parole intérieure dans la classification des faits psychiques. »

Exemples d’habitudes générales : savoir jouer du piano, et non pas seulement tel morceau de piano ; savoir marcher, et non pas seulement parcourir telle route.

1960. (1913) La Fontaine « II. Son caractère. »

Je vous ferai remarquer que toute cette fable les Animaux malades de la peste, c’est, non pas la glorification de l’âne, car le pauvre animal y joue encore un rôle un peu sot ; il est trop candide, il est trop innocent ; l’innocence consiste souvent à se trouver coupable, et c’est précisément le cas de notre pauvre animal ; mais c’est la vérité que la sympathie du lecteur se porte tout entière sur ce pauvre animal opprimé.

1961. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Sainte-Beuve » pp. 43-79

Tous ses procédés consistaient, — et je l’ai vu s’en vanter avec la naïveté impayable qui croit se taper agréablement sur la joue et qui s’administre d’abominables soufflets ! 

1962. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Μ. Ε. Renan » pp. 109-147

Renan avait exprimé dans ses écrits bien des pensées odieuses, mais cet homme d’art, qui veut être savant, à toute force, comme Ingres voulait jouer du violon, avait eu soin toujours, pour voiler l’odieux de ses pensées, de leur donner une forme qui ne manquait pas d’agrément, et c’était même ce mélange d’odieux et d’agréable qui faisait sa spécialité.

1963. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « Octave Feuillet »

Louis de Camors, le faux Borgia, n’est plus que le jobard dont n’importe quelle femme sait jouer.

1964. (1919) L’énergie spirituelle. Essais et conférences « Chapitre II. L’âme et le corps »

Sans doute, le va-et-vient des acteurs, leurs gestes et leurs attitudes, ont leur raison d’être dans la pièce qu’ils jouent ; et si nous connaissons le texte, nous pouvons prévoir à peu près le geste ; mais la réciproque n’est pas vraie, et la connaissance des gestes ne nous renseigne que fort peu sur la pièce, parce qu’il y a beaucoup plus dans une fine comédie que les mouvements par lesquels on la scande.

1965. (1915) Les idées et les hommes. Deuxième série pp. -341

Cette galerie, nous y jouions les jours de mauvais temps ; les autres jours, nous étions dehors. […] Dans la troupe de mes petites amies, je n’oublie pas Nausicaa qui joue avec ses compagnes sur la prairie et Briséis, petite esclave qui ne s’éloigne du jeune Achille que mécontente. […] Les deux amants ont de communs plaisirs ; et ils nagent ensemble, jouent avec les dauphins débonnaires ; ensuite Euphorion dort « dans les bras froids de la petite déesse aquatique ». […] Quand Mécène, au cours du voyage, va jouer à la paume, lui se couche. […] Il écrit des comédies qu’on jouera ou ne jouera pas ; et il n’a pas subi la tyrannie urgente et misérable des tréteaux.

1966. (1939) Réflexions sur la critique (2e éd.) pp. 7-263

De n’avoir pas joué un premier rôle politique, il crut sa vie manquée. […] Conformément d’ailleurs à une tradition de la philosophie française, la psychologie bergsonienne est elle-même trop commandée par une métaphysique pour jouer dès aujourd’hui à l’état d’influence autonome. […] La division du travail qui crée l’étoffe et le ressort de la société humaine doit jouer ici. […] Le mobilisé ou la recrue qui obéirait aux versets sur la joue gauche ou sur l’oreille coupée par saint Pierre serait vivement salé, au conseil, par les meilleurs élèves de la rue des Postes. […] Que Mallarmé n’ait pas prononcé le mot de poésie pure, cela n’a aucune importance à côté de ce fait, qu’il n’a presque rien écrit qui ne relevât du problème de la poésie pure, comme Spinoza sur la philosophie pure, il a joué sa vie sur la poésie pure, jeté le dé pour abolir le hasard qui la contamine.

1967. (1888) Portraits de maîtres

Que ne puis-je, échappant à ce globe de boue, Dans la sphère éclatante où mon regard se joue, Jonchant d’un feu de plus les parvis du saint lieu, Éclore tout à coup sous les pas de mon Dieu Ou briller sur le front de la beauté suprême Comme un pâle fleuron de son saint diadème. […] Fils des climats tempérés il n’a pas, comme son devancier, l’entente et même l’accoutumance de la mer ; il n’est pas le descendant de ces Normands ou de ces Saxons qui se jouaient sur les flots et faisaient alterner leurs chants avec la voix sinistre de la tourmente. […] Ne nous attendons pas, comme le titre pourrait donner lieu de le croire, à l’un de ces dialogues antiques où la plus haute sagesse se jouait dans le cadre aimable et flexible d’un banquet. […] Émile Montégut, aime à voir un dilettante supérieur8, joue à notre estimation un rôle plus important. […] Les jeunes enthousiastes souffrirent cruellement de ces coups d’épingle plus redoutables parfois que des coups d’épée ; ils durent tout emporter de haute lutte, mais après avoir au début joué forcément ce rôle d’incompris qui laisse parfois des ressouvenirs amers et de cruelles cicatrices, Edgar Quinet, comme beaucoup de ses contemporains, éprouva d’abord cette sensation pénible et se reconnut isolé même dans les maisons où on l’accueillait en parent et en ami.

1968. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre IV. Des Livres nécessaires pour l’étude de l’Histoire. » pp. 87-211

Dans le chapitre du Calvinisme, il a voulu jouer le Montesquieu, en donnant un principe général aux dernieres guerres de religion. […] Tous ces ouvrages ne sont pas grand chose à l’exception des Mémoires de Montecuculi, mais on y trouve des détails curieux qu’on est bien-aise de sçavoir, parce qu’ils roulent sur des hommes qui ont joué un grand rôle.

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