C’est cette vie-là qu’a racontée M.
Ils avaient l’aptitude historique… Mais ils aimaient peut-être trop le siècle qu’ils ont raconté.
Avant lui, les héros qu’il raconte l’avaient transposée… Ils étaient dans l’ignorance du Dieu de leurs pères, qui avait été pendant des siècles le Dieu de la patrie, mais ils étaient des soldats comme les premiers soldats chrétiens, comme Sébastien, Saint Maurice et Saint Georges ; ils étaient des soldats comme les Croisés, comme Bayard, et comme tout ce qu’en fait de soldats le Christianisme a produit de plus pur et de plus héroïque dans l’histoire du monde !
V Il faut la raconter, cependant.
Il raconta la chouannerie comme un homme qui aurait mieux aimé faire que dire.
… IV Eh bien, c’est ce grand chroniqueur, c’est ce grand gazetier de la Science et de la Nature, c’est cette immense commère du globe (qu’on me passe le mot parce qu’il est juste), qui nous raconte tout ce qui se passe à sa surface, ou dessus, ou dessous, ou dedans, que je retrouve, trait pour trait, tout entier, dans cette Correspondance où l’on m’avait annoncé qu’il y avait un second Humboldt !
Toutes deux purent suffire au besoin de Lettres de ce siècle aux grandeurs publiques, qui avait autre chose à faire que de se regarder dans l’âme, pour raconter ce qu’il y voyait, à la première personne, dans des épanchements ou des chuchotements particuliers.
c’est ce grand chroniqueur, c’est ce grand gazetier de la Science et de la Nature, c’est cette immense commère du globe (qu’on me passe le mot parce qu’il est juste), qui nous raconte tout ce qui se passe à sa surface, ou dessus, ou dessous, ou dedans, que je retrouve, trait pour trait, tout entier aujourd’hui dans cette Correspondance où l’on m’avait annoncé qu’il y avait un second Humboldt !
Funck Brentano, tout sophiste naît de la déjection, remuée par lui, d’un philosophe, il nous donne la généalogie intellectuelle des sophistes qu’il a racontés, et, franchement, les aïeux ne valent guères mieux que les descendants.
Du Clésieux, dans son poème, est resté jusqu’à la dernière page et jusqu’à son dernier vers dans la beauté du sentiment chrétien le plus pur, et cette beauté s’ajoute à celle de l’émotion humaine qui fait palpiter tout son poème, comme un cœur vivant… IV Rien de plus simple que ce roman en vers qui pourrait bien être une histoire, et cette simplicité est si grande que la donnée du poème peut se raconter en deux mots… Le héros du livre, qui n’est pas nommé dans le poème, l’amant d’Armelle, est un Childe Harold de ce temps où toute âme un peu haute est plus ou moins Childe Harold, et n’a pas besoin d’aller au fond de toutes les coupes que nous tend le monde pour s’en détourner et revenir à la solitude, — et pour s’essuyer, comme un enfant à la robe de sa mère, de ses souillures et de ses dégoûts, à la Nature.
Il raconte des chutes, parce qu’il y en a, mais il ne dit pas que ce sont des assomptions.
Archiloque le poëte, raconte Plutarque44, se trouvant à Sparte, les Lacédémoniens le chassèrent à l’heure même, pour avoir dit dans ses vers qu’il valait mieux jeter bas ses armes que mourir. » Puis, l’historien ajoutait cette fâcheuse citation du poëte : « Un Thrace s’enorgueillit maintenant du bouclier que moi j’ai laissé bien intact, au coin d’un buisson, contre mon gré sans doute ; mais par là j’évitais la mort.
Il est une vieille tragédie, émouvante autant qu’elle est ancienne, que l’histoire nous présente sous mille formes différentes, que les poètes et les romanciers nous ont racontée et nous raconteront éternellement sans lasser notre intérêt. […] Ivre de cette beauté invisible que les hommes n’aperçoivent pas et que lui a pu surprendre, il la raconte ou la traduit avec enthousiasme, et aussitôt il se fait une lumière divine qui éclaire la place où il a passé. […] Quoi qu’il raconte ou peigne, André Theuriet le raconte et le peint élégamment, sans pour cela rien sacrifier de la vérité à cette élégance. […] De toutes les histoires racontées par M. […] Il ne décrit pas ses personnages, il les raconte ; il ne les dissèque pas, il les montre agissants.
L’âme, il est vrai, devine beaucoup de choses de l’âme ; mais ce n’est jamais sans avoir senti en soi une partie ou le principe actif de ce qu’elle raconte ; et d’ailleurs il y a une ligne profonde entre les moments de l’homme naturel et les états de celui que la grâce divine a touché. […] Il est bien pire, pour qui raconte, d’être emprisonné dans un parti que d’être fixé dans un lieu. […] On ne saurait donc leur pardonner, quand ils racontent un événement religieux, d’y chercher à toute force un dessous de cartes plus profond que le sentiment religieux lui-même, et de ne voir dans ce besoin religieux que la forme de quelque autre besoin, ou l’accident d’un phénomène plus important et plus réel. […] Ahasvérus, qui s’est approché de Christ, lui raconte son errante et douloureuse immortalité ; et Jésus-Christ, assuré par l’organe de l’Univers, qui comparaît comme témoin, qu’Ahasvérus a moissonné sur la terre toute la douleur qui était à sa portée, et qu’à cette heure pas une goutte ne reste à boire du fiel dont la nature fut imbibée, se laisse enfin toucher de compassion.
Il raconte à tout bout de champ que tel de ses chefs-d’œuvre a été griffonné par lui, au crayon, en marge d’un Pétrarque, ou bien oublié dans un volume de Dante, et qu’heureusement un de ses amis s’en est aperçu et le lui a rapporté. […] Je sens que je serais fort empêché, à l’heure qu’il est, de raconter avec fidélité les choses de mon enfance et de ma jeunesse et les faits même où j’ai été le plus directement et le plus douloureusement intéressé. […] Il nous raconte ce qu’il a cru vrai au moment où il le racontait ; mais pouvait-il nous raconter autre chose ? […] Ce n’est, en somme, que la description lyrique de la société idéale dont la formation est racontée, étape par étape, dans les strophes des Laboureurs, et dont le code est formulé dans le Livre primitif : revenons donc à celui-ci.
et quiconque avait entendu une seule fois cette mélodie errante dans les nues (un mot de Shakespeare) s’en souvenait, et, rentrant chez soi par le plus long chemin la chantait à son usage… « Le chemin que peut faire en vingt années une de ces œuvres souveraines… il n’y a que Berlioz qui le puisse dire… Or, il n’était pas là pour raconter ce grand triomphe d’Hérold après sa mort ; il n’a pas vu cette foule émue, attentive et reconnaissante qui saluait tantôt de ses transports, tantôt de ses larmes délicieuses ce génie et cette mémoire ; il ne l’a pas vue, il ne la racontera pas, et voilà son châtiment. » Jules Janin. […] On peut lire, dans le Corsaire du 3 août 1851, une historiette fort spirituellement racontée, celle d’un procès intenté à Mme Frezzolini par son pédicure. […] Son esprit s’empourpre du bien-être de son corps, ses bons mots ont de l’embonpoint… » Un peu plus loin, sacrifiant à l’éclatante réussite du Demi-Monde, les deux succès antérieurs de la Dame aux Camélias et de Diane de Lys, qu’il traite cavalièrement d’aventures galantes et scandaleuses racontées gaillardement par un jeune homme de bonne humeur, le critique déclare que le résultat de cette troisième épreuve est décisif pour l’avenir de M. […] Elle m’a été racontée par Gatayes. […] Jules Lecomte. — Le spirituel chroniqueur de l’Indépendance raconte à ses lecteurs l’histoire d’un Mexicain qui s’était piqué de rester fidèle à la Dame de pique, et qui de la Dame de pique veut se faire une Dame de cœur. — M.
On raconte que, le lendemain de son arrivée à Paris, déjeunant en tête-à-tête avec son père, qui le regardait fixement et en silence, tout à coup le naïf savant s’échappa à dire : « C’est drôle, Jean-Jacques, j’aurais cru que ça m’aurait fait plus de plaisir de te revoir. » Un verre d’eau fraîche, jeté brusquement au visage, ne ferait pas, convenons-en, un autre effet. […] La dernière journée qu’Ampère passa avec Goethe, et que je lis racontée par lui dans le Globe du 31 juillet 1827, n’a jamais été reproduite dans ses Mélanges, car ses Mélanges, recueillis d’abord par lui-même, l’ont été selon son habitude, à la hâte et fort négligemment. […] Il avait besoin d’un ami du Monomotapa à qui courir raconter, dès le matin, le songe de la nuit93. […] Il entreprit en 1851-1852 cette Promenade en Amérique qu’il a racontée avec la même rapidité et le même entrain qu’il mit à la faire.
Voilà comment, dans l’Amphitryon de Molière, Sosie raconte une bataille. Voici comment, à Rome, il Pavait racontée dans l’Amphitryon de Plaute : L’airain sonne : à la fois tout s’émeut ; le sol tremble. […] L’histoire entière de l’art repassait successivement dans mon souvenir, comme l’histoire même de l’humanité racontée en caractères symboliques. […] « Un gentilhomme ; raconte Tallemant des Réaux, dit hautement qu’il n’irait point voir madame de Montausier428, tant que mademoiselle de Rambouillet y serait, et qu’elle s’évanouissait quand elle entendait un méchant mot.
On raconte qu’il prend garde à ne pas adresser d’enveloppes qui soient de son écriture, qu’il fait porter ses lettres à la boîte par l’intermédiaire de personnes interposées et qu’il choisit des bureaux de poste très éloignés de son quartier de manière que ses lettres prennent un caractère encore plus impersonnel14. […] Il ne manquait pas d’ailleurs de le raconter à ses amis, pour protester avec eux contre ces propositions scandaleuses, qui atteignaient, il est vrai, chaque année, des prix toujours plus élevés. […] Oscar Wilde raconte dans De Profundis qu’un ami étant venu le voir dans sa prison, lui a dit : « Malgré votre condamnation, je ne crois pas que vous ayez fait ce qu’on vous reproche et je vous garde quand même mon amitiév. » Wilde a répondu qu’il ne pouvait pas accepter une telle amitié, qui aurait été fondée sur une erreur, et qu’il préférait, non sans tristesse, perdre un ami, qui lui était cher, que de garder un ami qui se fait de lui une image si contraire à la sienne. […] On n’aura qu’à raconter leurs petites histoires.
Madame de Vandeul a raconté ses deux concubinages successifs, qui durèrent des années, avec madame de Puisieux et mademoiselle Volland, et sur lesquels une femme qui n’aurait pas été du xviiie siècle aurait eu la pudeur de se taire. […] Thiers, il aurait aussi tapé sur le ventre de lord Grey… Et on raconte que sur ce point il était si incorrigible que l’impératrice de Russie lui dit un jour, avec une condescendance et une impertinence également impériales : « Ne vous rendez pas malheureux, monsieur Diderot, et gardez votre mauvais ton si cela vous gêne de le quitter. » Certes ! […] Dans ce Rêve de d’Alembert, qu’il n’est pas permis à la Critique de raconter, Diderot, l’auteur de la Religieuse et des Bijoux indiscrets, porte, d’une manière éclatante, la peine de ce matérialisme philosophique qui, il a beau faire le fier, finit toujours par une saleté… « Il n’y a rien de sale ni d’impudique pour la science », dit Bordeu dans le Rêve de d’Alembert, Bordeu, le médecin sous le grand nom duquel Diderot, qui dans le fond était très lâche, a mis sa lâcheté à l’abri. […] Je sais bien que l’histoire de madame de la Pommeraye, mêlée aux autres gravelures de ce livre, qui n’est au fond qu’une lapalissade philosophique relevée de grivoiseries, empêche de le rejeter avec le dégoût qu’il inspire ; mais il faut ajouter que dans cette histoire, racontée avec des interruptions qui, pour le coup, sont de l’art, il y a plus de mémoire que d’imagination et plus de tour que de couleur.
Touché terre, l’idylle agonise dans une mutuelle indifférence ; les deux amoureux ont un peu cette stupeur des gens réveillés à qui l’on raconte ce qu’ils ont dit en dormant. […] Daudet raconte qu’un an durant le monde des peintres ne jura que par Manette Salomon 31. […] « C’est aux manuels spéciaux, dit-il dans sa préface, de raconter où jette sa gourme un jeune homme, sa bibliothèque, son installation à Paris, son entrée aux affaires étrangères et toute son intrigue. […] Et de même, l’âme inquiète de Serenus et l’âme désenchantée du vieil Abd-er-Rhaman nous racontent les âmes plus voisines de nous, de M. […] Paul Alexis qui raconte que dans sa toute première enfance, M.
Une nuit pourtant que nous descendions en flânant l’avenue de l’Opéra, il se mit à me raconter les péripéties (cabinet particulier et mystère) d’une intrigue renouée, d’un regain d’amour. […] Il le trouva détestable : — Le roman, lui dit-il, c’est la vie racontée avec art. […] Un astyphylax, vulgairement sergent de ville, raconte ses impressions : il avait vu des feux… Nous regardons avec des jumelles ; on en apercevait ; ils vacillaient dans la brume légère de la nuit. […] — Je suis de votre avis, dis-je, mais je n’oserais jamais la raconter. […] Dans ses Métamorphoses, Ovide raconte l’aventure d’un berger d’Apulie.
On ne s’imaginait pas que l’on pût jamais trouver l’urée d’une autre manière, quand Woehler raconta son accident. […] Chez les insectes, racontés par Fabre, on discerne aisément les instincts primordiaux et les instincts secondaires. […] Un exemple va faire comprendre la marche de cette maladie singulière ; il est célèbre à la Salpêtrière ; Charcot l’a raconté. […] A. van Gennep, qui nous raconte cela. […] Fabre, le grand observateur de la nature, a raconté ces noces tragiques, et j’ai cherché, après lui, à en interpréter l’horreur dans un sens logique.
Dans le même acte, la scène xiii est souvent retranchée comme inutile, et par là on ne donne plus le temps à Mascarille d’apprendre tout ce qu’il doit raconter dans la scène suivante. […] L’Horace de Molière, à l’exemple du prince de Straparole, anime l’intrigue de la pièce en venant exactement raconter à la Souche, qu’il ne connaît que sous le nom d’Arnolphe, tout ce qu’Agnès et lui imaginent pour le tromper ; mais le maître de physique désire que sa femme séduise le prince, ce qui n’est pas naturel : la situation d’Arnolphe, qui a tout fait au contraire pour éviter un pareil malheur, est bien plus comique. […] Arnolphe est goguenard ; il aime à plaisanter les époux maltraités, et craint pour lui le mépris qu’il attache à leur disgrâce ; il est dévoré de jalousie, et il est forcé de paraître écouter avec satisfaction le rival qui, sans lui donner le temps de respirer, vient à chaque instant lui raconter ses succès. […] Baile était loin de partager ce sentiment, lorsqu’il dit : « Par la seule comparaison des prologues on peut connaître que l’avantage est du côté de l’auteur moderne. » C’est avec la même adresse que Molière anime la scène où Sosie raconte les hauts faits de son maître à une lanterne qu’il suppose être Alcmène ; la prétendue Alcmène a même l’honnêteté de répondre à Sosie 62 ; et dans l’ouvrage latin, c’est au public seulement que Sosie s’adresse. […] La scène, que diable allait-il faire dans cette galère , est presque tout entière dans Le Pédant joué de Cyrano ; mais chez celui-ci l’action se passe à Paris où Corbinelli raconte à Granger que son fils, en traversant la rivière au quai de l’École, a été enlevé par une galère turque ; et chez Molière, toujours ami des vraisemblances, la scène est à Naples ; voilà comme Molière, en embellissant ses larcins, avait acquis le droit de dire : « Cela est bon, cela m’appartient, il est permis de prendre son bien où on le trouve. » Le sac si reproché à notre auteur, ce sac dans lequel Scapin enferme Géronte, est emprunté de La Francisquine, farce de Tabarin.
La vie de Racine est racontée avec une originalité et une finesse qui me font un plaisir infini, et il me semble qu’on doit vous savoir gré du soin que vous prenez de faire ressortir l’innovation de ses personnages moins surhumains. […] Ce qui frappe, ce qui irrite presque les personnes qui ont vu ce que M. de Vigny raconte, c’est, selon elles, la manière non-seulement fictive, mais impossible, dont il romance tout cela.
« Ils sont tous affreusement malheureux à Rouen53 ; — mais tu souffres bien assez sans que je te raconte toutes ces détresses. […] … « Je n’ai aucune force morale en ce moment, et j’ai l’effroi d’écrire surtout à ceux que j’aime ; car, pour ne pas mentir, c’est bien triste à raconter. » « (13 août 1853)… Enfin, nous n’accomplissons en rien notre volonté ; une force cachée nous soumet à tous les sacrifices, et cette force est irrésistible. » « (13 août 1853)… Paris, qui a dévoré toutes nos ressources et nos espérances, devient de plus en plus inhabitable pour nous, et quelque coin de la province nous paraît déjà souhaitable pour cacher nos ruines et reposer tant de travail inutile.
C’est ainsi que je fus amené à raconter la vie du Tasse : on voit que nul n’y était mieux préparé, sinon par l’érudition, au moins par l’enthousiasme et par l’adoration de son modèle : mais commençons. […] Son fils, arraché de ses bras, obtint seul l’autorisation d’aller rejoindre son père à Rome ; il raconte lui-même, dans la strophe suivante, le déchirement de deux cœurs que la fortune séparait pour toujours : « La cruelle fortune m’arracha, presque encore enfant, du sein de ma mère ; ah !
Son affaire, c’est d’écouter les preux raconter leurs prouesses ; sa méthode, c’est d’amener les gens à lui faire voir les choses et de les faire voir comme il les a vues. […] En un mot, Froissart ne raconte pas la chevalerie du xive siècle : il la voit et la fait vivre ; et s’il ne s’élève pas au-dessus d’elle, s’il ne la juge pas, s’il en adopte toute la médiocrité morale, son œuvre y gagne en fidélité expressive.
qu’ils se tiennent si orgueilleusement au-dessus de ce qu’ils racontent où décrivent ? […] Et je doute même que, en dépit de leur grandeur extérieure, les événements publics mêlés aux comédies et aux drames privés que nous raconte Tolstoï, dépassent en intérêt et en importance ceux dont Flaubert nous offre le vaste et minutieux tableau.
Émile de Girardin ; elle me raconta son histoire ; elle me consulta sur de vagues idées de mariage. […] Pour raconter la mort qui sauva l’univers, Fais que l’Esprit divin se révèle en mes vers, Et que, douant ma voix de force et d’harmonie, L’ardente piété me serve de génie !
C’est, entrelacée à la fable, une journée aux champs observée et racontée par La Fontaine. […] Bouillon traduit et traduit bien, mais sèchement, le vers de l’Arioste ; tandis que M. de La Fontaine fait absolument œuvre de créateur, fait absolument œuvre originale, fait absolument une œuvre telle qu’il est le véritable inventeur de ce conte, que l’Arioste ne lui sert que de prétexte à raconter lui-même ?
Je commence à douter que cette histoire de vos amours que vous me racontez si au long, sans considérer que je n’ai point d’oreilles pour entendre ce discours, ne soit une énigme tirée des paraboles de l’Évangile où l’on fait si souvent des noces, particulièrement une où il n’y a que les vierges qui soient appelées.
Il a raconté ainsi cet assaut qui manqua, mais qui amena la reddition le lendemain : Rien de plus terrible que l’assaut où j’ai été blessé en passant par un créneau : mes carabiniers me soutenaient en l’air ; d’une main j’embrassais le mur, je parais les pierres avec mon sabre, et tout mon corps était le point de mire de deux retranchements dominant à dix pas.
Il se plaît à raconter comment M.
Après, il fallait vivre. « J’ai été pion, disait-il plus tard, pion ou quelque chose d’approchant, et je n’en suis ni fier ni honteux. » Il nous a raconté comment il fut maître d’études au collège d’Aix, et en même temps étudiant à la Faculté des Lettres.
Cette idée se trouve ingénieusement exprimée dans une anecdote racontée par le comte de Gobineau.
Pour cela il accumule les faits, associe les anecdotes et les citations, les récits historiques et les caractères littéraires, expose et raconte, généralise et conclut, tente en un mot une démonstration au lieu de prononcer des jugements, de défendre ou d’attaquer une esthétique.
Joseph, après avoir fait mettre une coupe dans le sac de Benjamin, ordonne d’arrêter les enfants de Jacob ; ceux-ci sont consternés ; Joseph feint de vouloir retenir le coupable : Juda s’offre en otage pour Benjamin ; il raconte à Joseph que Jacob lui avait dit, avant de partir pour l’Égypte : « Vous savez que j’ai eu deux fils de Rachel, ma femme.
Davila raconte dans l’histoire de nos guerres civiles, qu’il arriva une avanture semblable dans les conferences qui se tenoient pour la paix durant le siege de Paris par Henri IV.
Sidonius qui raconte ce fait étoit le gendre d’Avitus.
Il est toujours difficile de traduire avec pureté, comme avec fidelité, un auteur, même celui qui ne fait que raconter des faits, et dont le stile est le plus simple, principalement quand cet écrivain a composé dans une langue plus favorable pour les expressions fortes et précises que la langue dans laquelle on entreprend de le traduire.
Aulugelle raconte donc que ce Polus joüant sur le théatre d’Athenes le rôlle d’Electre dans la tragédie de Sophocle, il entra sur la scéne en tenant une urne où étoient véritablement les cendres d’un de ses enfans qu’il venoit de perdre.
Quand on les a montrés et racontés, il ne reste plus à demander si ces faits engendrés par les causes que nous avons dites, sont bons ou mauvais en eux-mêmes ; légitimes ou illégitimes, le développement naturel des choses humaines ou une de ces distorsions que l’homme, avec son libre arbitre, peut leur imprimer… En d’autres termes, le bas-bleuisme, — si on entend par là et on ne peut entendre par là que l’égalité entre l’homme et la femme qui a le droit de s’attester au même titre que l’homme et dans des œuvres semblables à celles de l’homme, — le bas-bleuisme est-il une vérité ou un mensonge, un cri du talent opprimé ou une prétention de la vanité ; une illusion et un désordre ?
sa gloire n’est point ce qu’on peut raconter de lui ou sculpter… Non !
C’est ce grand et mystérieux Inconnu de la Papauté qu’il a voulu nous faire connaître, en écrivant l’histoire de son passé pour en inférer l’avenir de son règne… Léon XIII, ce lion de Juda, — comme il s’est nommé lui-même dans une circonstance que Teste a racontée dans son livre, — Léon XIII, ce lion de Juda, qui ne rugit pas, mais qui attend l’heure de son rugissement, est d’une date trop récente pour avoir donné sa mesure, mais s’il est de taille avec les besoins de son siècle, il sera bien grand !
Son Histoire de la Ligue, vraie d’aperçu, mais faible d’aperçus, n’a point les qualités perçantes auxquelles est tenu, dans notre temps, tout livre d’histoire qui doit s’élever au-dessus des routines, porter la lumière en arrière et en avant des faits qu’il raconte, et avertir le législateur.
Fustel de Coulanges nous a racontées, lorsqu’il accusait Tacite de n’être qu’un pamphlétaire, un journaliste contre les empereurs.
Le cœur de l’orgueilleux et voluptueux genre humain cloué avec amour à la croix des esclaves sur laquelle meurt un Dieu, les douze bateliers de Judée prenant la terre entière dans leur miraculeux filet, cette histoire, qui n’avait besoin que d’être racontée, depuis saint Paul jusqu’à Bossuet, pour que ceux qui n’étaient pas chrétiens le devinssent, — Credo quia absurdum et impossibile !
L’Innocent III du comte de Gasparin n’est qu’un discours sur le pontificat d’Innocent III, condamné d’avance par un a priori illusoire, et dérisoire aussi… Ce pontificat glorieux, le plus glorieux — quoique exécrable — de tous les pontificats de l’Église romaine, de l’aveu du comte de Gasparin, ne pouvait pas, il faut en convenir, être raconté en quelques minutes de Conférence, avec toutes les négligences d’une parole qui se hâte, avec tous les à peu près de la circonstance, tous les faits laissés, vu leur nombre, forcément, dans l’ombre d’un discours.
… L’histoire qui a donné lieu à cette admiration nouvelle, se levant tout à coup pour allumer une lampe de plus autour du mausolée du grand homme, peut être racontée en très peu de mots.
Gobineau a résolu un très joli, mais très impatientant problème : celui de raconter sans aucune niaiserie des actes niais.
Il ne conseillait plus au peuple ni la guerre ni la résistance ; mais il racontait en vers les traditions de l’île Atlantide, cette contrée bien lointaine, si elle n’est fabuleuse, où déjà les sages plaçaient la justice et la liberté, qu’ils n’espéraient plus auprès d’eux.
Dans l’églogue en récit, ou c’est le poëte, ou c’est l’un de ses bergers qui raconte. […] Si c’est un berger qui raconte, le style & le ton de l’églogue en récit ne differe en rien du style & du ton de l’églogue dialoguée. […] combien les mouvemens qu’excite en lui-même ce qu’il raconte, communiquent à ses récits de chaleur & de véhémence ! […] Non-seulement Lafontaine a oüi dire ce qu’il raconte, mais il l’a vû ; il croit le voir encore. […] S’il raconte la guerre des vautours, son génie s’éleve.
Édouard Thierry a pu s’imaginer qu’il est avec Corneille des accommodements, de raconter la pièce originale. […] Il ne devrait pas être permis de raconter les événements publics au premier venu, qui peut les tourner à sa fantaisie, les fausser et abuser ainsi le lecteur. […] Mais quel autre raconterait les événements publics autrement que le Moniteur, puisque, étant de création officielle, il obéirait nécessairement à la même inspiration, l’inspiration du pouvoir ? […] Cela dit, essayons de raconter l’Ensorcelée, puisque l’ignorance générale à l’endroit de M. […] Ne raconte-t-on pas, en effet, cette anecdote ?
Tel sonnet raconte la formation de la terre (En avant !) […] J’y joindrai les Écuries d’Augias, qui nous racontent, sous une forme qu’avouerait Chénier, le moins mythologique, le plus « moderne » des travaux d’Hercule, celui, qui exigeait le plus d’énergie morale et qui ressemble le plus à une besogne d’ingénieur. […] nous raconte ces histoires en des vers d’une singulière souplesse, qui savent exprimer tout sans s’alourdir ni s’empêtrer, qui marchent franchement par terre et qui pourtant ont des ailes. […] Il ne s’agissait pas ici d’enfance à raconter, mais de sensations enfantines à ressaisir et à fixer par la magie des mots. […] Je crois volontiers ce qu’on raconte de lui, qu’il écrit toujours du même train et fait chaque jour le même nombre de pages.
Sous prétexte de documents humains, chacun s’est mêlé de raconter sa vie ou la vie des autres, comme si le dernier mot de l’art était le roman à clef ou l’autobiographie. […] Indifférent aux douleurs et aux carnages, il raconte tout avec une tranquillité qui choque à la première lecture. […] C’est un poète naïf qui ne parle pas pour se faire admirer, mais pour raconter sans emphase ce qu’il sent et ce qu’il voit. […] Jean Aicard, lui, est plus que simple : il est familier, il prend le ton du peuple pour raconter les amours de Miette, comme Hugo dans ses Pauvres gens. […] Si nos classiques avaient raconté leurs procédés de composition, on verrait que Flaubert n’a pas été le seul il lutter contre les tortures de la phrase.
Donc, Mercure nous raconte que Créuse, reine d’Athènes et fille d’Érechthée, a été séduite par Apollon, dont elle a eu un fils. […] … Je suis bien obligé cette fois de vous raconter la pièce, car je vous défie bien de la comprendre à une première audition. […] Que viens-je donc, Mesdames et Messieurs, de vous raconter là ? […] Abel Hermant a traité ce sujet, la meilleure façon de vous le faire entendre est sans doute de vous raconter d’abord la pièce. […] » raconte le coup des faux brevets (dont elle a été informée par le bavardage d’un des familiers de la maison), et dit à son frère : « Je vous livre ce misérable !
La vieillesse raconte ; mais celle d’Hugo raconte pour enseigner, pour prêcher par le roman (Misérables, Quatre-vingt-treize), par le poème (Pauvres gens, Titan, Fabrice), la pitié, l’humanité, l’amour, la vénération pour les bons toujours persécutés, l’horreur des méchants toujours oppresseurs, la croyance consolatrice en un avenir qui fera disparaître le mal à jamais. […] S’il est vrai, comme on l’a raconté, que, jadis, en sa classe, M. […] Même quand ils assistaient aux pièces jouées, ils ne les racontaient jamais. […] Sarcey accepta cette déchéance ; et ce trait de modestie fit une petite révolution. « Je suis sûr, disait-il, que tout le monde veut que le critique raconte la pièce. […] Sarcey racontait clairement, puis jugeait avec netteté et franchise.
Ainsi, dans une lettre à son frère Adolphe Gandar : « (Corfou, 2 août 1848)… J’ai pris une sotte habitude, celle de vous raconter mes voyages ; cela n’a pas le sens commun : la nature a mille manières d’être belle, et nous n’en avons qu’une de dire qu’elle l’est… Après vous avoir tant parlé des montagnes de l’Attique, du Géranien, du Cyllène, de Sicyone, de Lépante, vous parler encore des montagnes de Patras et de Missolonghi, vous dire qu’elles sont belles quand je ne puis vous faire comprendre que leur beauté n’est pas uniforme, qu’elles ne se ressemblent pas plus que les couleurs de l’arc-en-ciel, que la nature ne se copie pas, n’est-ce pas abuser ? […] il nous entraîne d’un sujet à l’autre, comme Maréchal va de croquis en croquis… » Ce n’était pourtant pas sur la Renaissance, quoiqu’il en fût si plein, qu’il méditait en ce temps-là de faire un livre ; il menait presque parallèlement deux séries de leçons : « Dans mon autre série, écrivait-il le 24 juin 1859, j’ai achevé de raconter la jeunesse de Goethe. […] J’ai déjà raconté la jeunesse de Pascal, fait l’histoire de sa famille et, en dernier lieu, cherché à éclaircir l’histoire de sa vie pendant l’intervalle de ses deux conversions.
Dans cette page charmante, il n’a eu qu’à se ressouvenir et à nous raconter son propre secret : « Mais qui mieux que l’auteur lui-même, nous dit-il, ressent cette harmonie mutuelle du langage et du chant ? […] Les Tablettes se fondèrent (1823) ; il a raconté, dans l’article sur M. […] Voyez plutôt : s’il se prend à la chanson, il n’a qu’à se ressouvenir pour nous raconter comment elle naît ; s’il parle d’élégie, il a tout bas soupiré la sienne ; s’il apprécie le drame, il l’a pratiqué et a eu ses répétitions à son usage ; en philosophie, il est expert.
Seulement, l’artiste ne doit pas se contenter de voir et de raconter le fait brut, le phénomène détaché du groupe qui l’enserre ; il doit, dans tout effet, sinon nous faire découvrir la cause par une suite de raisonnements abstraits, du moins nous la faire sentir, comme sous une surface vibrante on sent la source cachée de ces vibrations, la chaleur et le principe intérieur du mouvement. […] Il nous raconte que tous les matins il allait se promener au Luxembourg, un Virgile ou un Jean-Baptiste Rousseau dans sa poche : « Là, jusqu’à l’heure du dîner, je remémorais tantôt une ode sacrée et tantôt une bucolique. » S’il a gardé de Jean-Baptiste Rousseau un restant de mauvais goût, il a conservé aussi quelque chose du mouvement de la strophe, quelque chose de la contrefaçon de l’enthousiasme prophétique. […] Bientôt elle répandit dans les bois ce grand secret de mélancolie, qu’elle aime à raconter aux vieux chênes et aux rivages antiques des mers » (Atala).
Le roman raconte et analyse des actions dans leurs rapports avec le caractère qui les a produites et le milieu social ou naturel où elles se manifestent ; suivant que l’on insiste sur l’action, ou le caractère, ou le milieu, le roman devient donc dramatique (roman d’aventures), psychologique et sociologique, ou paysagiste et pittoresque. […] En même temps, il exige des scènes dramatiques, attendu que là où il n’y a de drame d’aucun ordre, il n’y a rien à raconter : une eau dormante ne nous occupe pas longtemps, et la psychologie des esprits que rien n’émeut est vite faite. […] Un seul personnage raconte, rêve, agit : c’est une sorte de monographie.
Tout précepte s’applique à des faits passés qui, pour une part, le motivent, et des faits à venir doivent un jour le sanctionner ; la révélation morale doit donc s’entourer et se compléter par une révélation qui porte sur des événements indépendants de la volonté de l’agent moral : les voix ont raconté à Jeanne les malheurs de la France ; voilà pour le passé ; elles lui ont aussi et surtout prédit l’avenir : elles lui ont garanti le succès de sa mission ; elles lui ont annoncé qu’elle serait prise, aux mains des Anglais, délivrée, etc181. […] Il rêve éveillé ; entre son rêve et ceux qu’il fait endormi, il n’y a d’autre différence que la vraisemblance ; les rêves du sommeil sont toujours incohérents, ils n’imitent pas vraiment la réalité, car, pendant la durée du sommeil, les lois de la nature sont suspendues ; tandis que les rêves de l’homme éveillé sont des drames analogues à ceux que le roman raconte ou que le théâtre représente aux yeux, avec cette différence que l’auteur même du drame y joue toujours le rôle principal. […] Quand Egger présente cette fiction comme une « anecdote historique », qui « nous apprend comment fut conçu l’un des plus fins chefs-d’œuvre de la poésie française » à partir de ce premier vers improvisé, il suit la toute récente Biographie d’Alfred de Musset (Paris, Lemerre, 1877, p. 149) où Paul de Musset, « parallèlement au récit d’Emmeline et peut-être un peu d’après ce récit » (« Pléiade », note p. 794), raconte la liaison de Musset avec Mme Jaubert dans le temps qu’il écrivait les Confessions d’un enfant du siècle et applique à l’auteur l’aventure du jeu amoureux déclenché dans la nouvelle par les stances « A Ninon ».]
Bergson cite entre autres cet exemple : « supposons, nous dit-il, un personnage de roman dont on me raconte les aventures. […] Je les raconte pour mieux vous rendre participant à mon mal. […] Cela constitue vraiment une sorte de poème ; non pas un poème qui raconte des aventures imaginaires, mais un poème mis en action par celui qui le compose, exprimant son âme et son cœur, la réalité humaine qu’il est, avec ses efforts et ses espérances ou aussi avec ses lâchetés et ses désespoirs. » Laberthonnière, Essais de philosophie religieuse, p. 7.
Il raconte et il raisonne en homme du monde, sans jamais rien qui sente l’auteur. […] C’est ainsi qu’il nous raconte un épisode historique qui a des airs de roman, l’histoire du duc de Gueldres et de son fils. […] Rabelais, quand il raconte, n’ennuie jamais. […] Ce n’est pas Rabelais qui raconte l’histoire de Panurge et de Dindenaut, c’est Panurge qui vit comme il doit vivre, et Dindenaut, et les moutons aussi. […] Ce que les cieux racontent et la terre, c’est La gloire de Dieu, et sa partialité aux yeux de l’infirme raison humaine.
Ephrem s’approcha de l’avoine, la mit dans un sac et l’emporta chez lui ; et le lendemain, c’est lui qui vint tout raconter à l’assemblée, et les pauvres garçons furent bafoués. […] Elle avait coutume de raconter, dans sa vieillesse, que, pour procéder à cette opération, on lui plaçait un bourrelet de feutre sur la tête, on lui relevait tous les cheveux, puis on les frottait de suif et on les saupoudrait de farine, en y introduisant une masse d’épingles en fer ; si bien qu’ensuite elle avait toutes les peines du monde à se débarbouiller ; cependant pour ne pas enfreindre les règles de la bienséance et ne blesser personne, elle se résignait, à chaque visite qu’elle avait à faire, à endurer cet odieux martyre. […] Il leur raconta tout ce qui s’était passé, leur dit qu’il partait pour Pétersbourg, afin d’y prendre du service, et qu’il les suppliait de donner asile à sa femme, ne fût-ce que pour peu de temps. […] Il s’arrêta : les sons retentirent encore plus magnifiques ; ils se répandaient comme un torrent harmonieux, et il lui semblait qu’ils chantaient et racontaient tout son bonheur.
Après Mathilde, les Mémoires d’une Jeune Mariée, les Mystères de Paris, etc… Si ce que nous racontons là arrivait dans un temps stérile en productions meilleures, nous ne serions point étonnés. […] Dans cette scène de la vie de province où il nous raconte toutes les tribulations d’un vieux prêtre dépouillé de ses chers fauteuils et de sa bibliothèque, il nous touche au plus haut degré, bien que ce qu’il raconte repose sur des faits assez insignifiants par eux-mêmes ; mais dans Esther dont la fable est excessivement compliquée, et où l’on voit l’esprit de tous les espions patentés et émérites de Paris mis aux prises avec le célèbre Vautrin, l’action circule avec peine à travers des labyrinthes laborieusement construits ; elle se brise mille fois en route, et à la fin, au lieu de se dénouer, elle se casse définitivement sans qu’on puisse deviner pourquoi le livre s’arrête là. […] Un prétexte, en effet, est chose utile pour la production littéraire ; mais dirait-on, quand on en veut un, que ne prend-on une tâche quelconque, un fait historique à exposer, à raconter ?
Elles les communiquèrent aux pays de l’Occident, et parfois quelque savant philologue les y découvre, qui s’étonne qu’un berger lui raconte la fable sanskrite qu’il lut, la veille, dans la collection de Pilpay. […] Un homme entre dans une église, s’agenouille aux pieds d’un confesseur et lui raconte sa vie sans omettre une circonstance, sans voiler ses bassesses ni ses fautes, sans cacher ses sentiments ni atténuer ses mauvaises actions. […] Les histoires comme celle de Mme Bovary ne sont pas rares dans la vie, mais jusqu’à Flaubert nul ne les avait racontées. […] » La cause pour laquelle le livre ne plut pas mérite qu’on la raconte. […] Je ne sais si cela provient d’un dessein délibéré, ou de ce qu’il y est obligé par le pays qu’il habit : Pereda se borne à décrire les types et à raconter les mœurs de Santander, en s’enfermant ainsi dans un cercle restreint de sujets et de personnages.
Cela fait partie d’un « mois de mars » raconté par Francis Jammes (pour l’Almanach des Poètes de l’an passé), petit poème qui parut tel qu’une violette (ou une améthyste) trouvée le long d’une haie, parmi les premiers sourires de l’année. […] Barrès a déjà conspiré, sans craindre le ridicule d’une défaite ; raconte-t-il ses désillusions ou ses espérances ? […] Vraiment, et surtout dans son premier recueil, Dominical, elle a l’air parfois de raconter les emblèmes dont s’ornaient les singuliers livres où l’on s’édifiait jadis, surtout en pays flamand, le Miroir de Philagie (Den Spieghel van Philagie) ou cette Contemplation du Monde (Beschouwing der Wereld) que l’art admirable de Jan Luiken diversifie à l’infini. […] Les hommes veulent que les hommes qu’on leur raconte soient logiques, sans s’apercevoir que la logique est la négation même d’une existence particulière. […] Qui racontera Que mourant, les bras écartés, j’ai tenu le soleil sur ma poitrine comme une roue ?
Le chroniqueur Harrison entendait raconter aux vieillards que, dans leur jeunesse, ils avaient vu toutes les maisons sans cheminées, excepté celle du seigneur, et deux ou trois peut-être, dans les villes les plus riches ; les lits étaient alors faits de natte ou de paille à peine recouverte d’une toile grossière, avec une « bonne grosse bûche1 » pour traversin ; et le fermier qui, dans les sept premières années de son mariage, était parvenu à se donner un matelas de laine et un sac de son pour reposer sa tête, « se croyait aussi bien logé que le seigneur de la ville. » Élisabeth régna, et Shakespeare nous apprend que le plus actif emploi des follets et des fées était d’aller pincer « jusqu’au bleu2 les servantes qui négligeaient de nettoyer l’âtre de la cheminée ; et ce même Harrison décrit les maisons des fermiers de son temps, leurs trois ou quatre lits de plume garnis de couvertures, de tapis, ou même de quelque tenture de soie, leur table bien pourvue de linge, leur buffet plein de vaisselle de terre, où brillaient et la salière d’argent, et le gobelet pour le vin, et une douzaine de cuillers du même métal. […] Cependant les premières années du poëte nous ont transmis, pour unique trace des singularités qui peuvent annoncer le génie, l’anecdote que je viens de raconter, et ce qu’on sait des amusements de sa jeunesse n’a rien qui rappelle les goûts et les plaisirs d’une vie littéraire. […] Voici cette anecdote, telle que la racontent encore, dit-on, les gens de Stratford et ceux de Bidford, village voisin, renommé, dès les siècles passés, pour l’excellence de sa bière, et aussi, ajoute-t-on, pour l’inextinguible soif de ses habitants. […] Il y a peu d’années qu’il se forma, contre le mur de l’église de Stratford, une excavation qui mit à découvert la fosse même où avait été déposé le corps ; le sacristain qui, pour empêcher les déprédations sacrilèges de la curiosité ou de l’admiration, fit la garde près de l’ouverture jusqu’à ce que la voûte fût réparée, ayant essayé de porter la vue au dedans de la tombe, n’y aperçut ni ossement ni cercueil, mais seulement de la poussière. « Il me sembla, ajoute le voyageur qui raconte le fait, que c’était quelque chose que d’avoir vu la poussière de Shakespeare. » Ce tombeau est aujourd’hui seul en possession des hommages qu’a longtemps partagés avec lui le mûrier de Shakespeare. […] Mais l’apparition a eu lieu d’abord devant des soldats, des hommes simples, plus prêts à s’en effrayer qu’à s’en étonner ; ils se la racontent pendant la veille de la nuit : « C’était ici, au moment où cette étoile qui brille là-bas éclairait ce même point du ciel ; la cloche sonnait aussi une heure… Paix, le voilà qui revient !
Les plus beaux vers de Surrey témoignent déjà de ce naturel sérieux, de cette philosophie instinctive et grave ; ce sont des chagrins qu’il raconte, c’est son cher Wyatt qu’il regrette, c’est Clère, son ami, c’est le jeune duc de Richmond, son compagnon, tous morts avant l’âge. […] Il a des concetti, des mots faux ; il emploie des tours usés ; il raconte comment Nature, après avoir fait sa dame, a brisé le moule ; il fait manœuvrer Cupidon et Vénus ; il manie les vieilles machines des troubadours et des anciens en homme ingénieux qui veut passer pour galant. […] Raconterai-je son époque pastorale, l’Arcadie ? […] Il s’arrête, après avoir raconté un beau trait de chasteté, pour conseiller aux dames d’être pudiques. […] XIV Le lecteur sent bien qu’on ne peut pas lui raconter un pareil poëme.
Cet homme aigu aimait à raconter ceci : Fort jeune, il avait été fonctionnaire, et il arrivait assez tard à son bureau. […] Là-dessus les témoignages abondent : il racontait d’une voix séduisante des choses adorables ; mais dans le livre paru, on cherchait en vain le charme promis. […] Il raconte que le lendemain d’un discours Lamartine reçut une lettre enthousiaste de George Sand. […] Hérodote raconte que les femmes portaient en procession dans les campagnes, des statues de Bacchus, hautes d’une coudée environ, qui étaient à ressorts. […] Pour appuyer ses théories, Diderot raconte l’aventure d’un ménage de comédiens.
Il nous raconta l’aventure, simplement, sans émotion apparente, mais non sans une pointe d’ironie amère. […] Que sur ce qu’on racontait du faible du poète pour ses ouvrages, Royer-Collard ait mis quelque malice à lui insinuer qu’il en pratiquait volontiers d’autres, je n’en répondrais pas. […] Royer-Collard me raconta sa vie, depuis le jour où le quartier de l’Ile-Saint-Louis l’avait nommé son représentant à la Commune de Paris, jusqu’à sa retraite de la vie parlementaire en 1842. […] Je pris congé sans lui en avoir dit un mot, mais non sans faire la réflexion encourageante pour mes lointaines espérances, que le jour où l’on me trouverait mûr pour l’Académie française, Royer-Collard se souviendrait sans doute du candidat auquel il avait raconté sa vie ; et que, m’ayant donné le plus, il ne me refuserait pas le moins. […] Quoique tout cela soit raconté avec bonne grâce, suis-je dans l’illusion en croyant y sentir comme l’humiliation secrète d’une âme d’élite forcée de s’avouer qu’elle n’est pas « maîtresse du corps qu’elle anime » ?
Newton, à ce que l’on raconte, disait avoir trouvé la loi de la gravitation universelle « en y pensant toujours ». […] Il est tout naturel que les gens qui ont réellement un air particulier paraissent aussi différents les uns des autres au dehors qu’au dedans. » Une anecdote sur Lamartine, que raconte M. […] L’évolution est assez régulière, quoique accidentée, et ressemble en somme avec plus de heurts à la genèse d’un poème telle que la raconte Edgar Poë. […] C’est Lewes qui fit remarquer à George Eliot qu’une histoire que sa tante lui avait racontée serait un bon élément pour une œuvre d’imagination : il lui fit modifier aussi plus tard quelques détails du roman. […] Alphonse Daudet, par exemple, nous raconte ainsi la genèse d’un épisode souvent critiqué de Numa Roumestan, la mort d’Hortense le Quesnoy.
C’est dans le cours de cette longue collaboration au Publiciste qu’eut lieu un incident souvent raconté, presque romanesque, autant du moins qu’il était possible entre personnes d’ordre et d’intelligence, et qui eut des conséquences souveraines sur la destinée de Mlle de Meulan. […] Mme Guizot aimait à raconter que quand, jeune fille, elle essaya ce premier roman, elle s’étudia, pour qu’il réussît, à imiter certains traits de l’esprit du temps, quelques-uns même dont son innocence parfaite soupçonnait au plus la valeur.
On raconte que, lorsqu’il s’agit du premier bal où Mlle de Bourbon dut aller pour obéir à sa mère, ce fut chez les carmélites un grand conseil ; il fut décidé, pour tout concilier, qu’avant d’affronter le péril, elle s’armerait en secret, sous sa parure, d’une petite cuirasse appelée cilice. […] On en raconte quelques anecdotes assez vraisemblables, qui durent égayer un peu les longueurs de cette retraite.
Il raconte la descente aux enfers d’un Arménien laissé pour mort sur un champ de bataille et qui revient, après dix jours, raconter ce qu’il a vu des supplices des morts.
IV Et maintenant, parlons sérieusement à notre tour ; prenons-nous corps à corps sur cette déification du terrorisme, et raisonnons après avoir raconté. […] Je ne suis donc pas suspect d’injustice ou de ressentiment à son égard, encore moins de complicité, quoi qu’en puissent dire les vieilles femmes qui n’ont pas lu l’Histoire des Girondins, où pas un accès de fureur et de terreur n’est raconté sans être flétri ; quoi qu’en puisse écrire M.
Ici, nous le laisserons, pour ainsi dire, parler lui-même par la bouche de son ami, le marquis Manso, à qui il raconta depuis la scène véritablement homérique ou biblique de sa reconnaissance par sa sœur. […] Le Tasse, exagérant dans ce récit les périls imaginaires auxquels il se croyait exposé, raconta une histoire si vraisemblable, en termes si pathétiques, que sa sœur s’évanouit de terreur et de tendresse en l’écoutant.
De quel ton les plus complaisants pourraient-ils raconter ces dernières aventures de la comtesse ? […] « Rome, mercredi 28 décembre 1803. » Ce scrupule d’inquiétude de Mme d’Albany prouve qu’elle redoutait quelques vérités pénibles racontées dans le public européen par un mot indiscret de Chateaubriand, dont elle sollicitait le silence.
D’après l’ambassadeur de France, le meurtre aurait eu un prétexte plus flagrant et plus atténuant pour l’assassinat du favori que les historiens ne le racontent. […] De là, Marie Stuart écrit à sa sœur Elisabeth d’Angleterre pour lui raconter, en les colorant, ses malheurs, et pour lui demander secours contre ses sujets révoltés ; elle appelle à Dunbar tous les contingents des nobles innocents de la conspiration contre elle ; huit mille Écossais fidèles accourent à sa voix ; elle marche avec le roi à la tête de ces troupes sur Édimbourg.
Qu’il y a loin pourtant de ses meilleures pages à la simplicité nerveuse des Réflexions sur Longin, et surtout à la lettre où Boileau raconte sa réconciliation avec Perrault ! […] L’abbé Ledieu raconte que Bossuet était quelquefois réveillé la nuit en sursaut par des réminiscences d’Homère.
comme vous savez…… A propos de l'universalité des talens de M. de Voltaire, il faut que je vous raconte une Anecdote assez plaisante. […] Ce fut quelque chose de singulier, ainsi que cette Princesse me l’a raconté elle-même, de voir ces Prophetes exalter leur cerveau pour répandre des lumieres.
. — Un roman carlovingien raconte qu’un chevalier héritait de la force de tous les guerriers qu’abattait sa lance : Bacchus hérite des attributs des dieux qu’il supplante, mais non de leur force qui n’existait plus. […] Et, comme dit Homère : « Il gémissait et s’attristait dans son cœur. » Une légende musulmane raconte que Moïse, chassé par une peuplade sauvage de la citerne où il menait boire ses chameaux, changea en singes ces hommes inhospitaliers.
Ce ne sont pas seulement d’incomparables paysages dont les lignes se profilent avec une grâce ensorcelante, c’est toute la vie lamentable et somptueuse des pauvres femmes turques, opprimées dans l’étau de coutumes millénaires, qui est reconstituée et racontée avec autant, de généreuse mélancolie que de flamme indignée. […] Paul Adam intéresse toujours, soit qu’il ait pour principal objet de peindre la vie tumultueuse, grisante, la frénésie des appétits jouisseurs, comme dans la Force, soit qu’il choisisse pour sujet la Restauration, époque grise, contradictoire et confuse, et qu’il s’attache à en raconter les complots, les menées conspiratrices et tout le douloureux travail clandestin qui la mina.
Ecrire quatre pages sur les mathématiques en les qualifiant de jeunes vierges n’est pas la preuve d’une insignifiante personnalité, envoyer Dieu écorcher un adolescent dans un « lupanar » et faire raconter cette « atrocité » par un cheveu oublié ne serait peut-être pas venu à l’esprit de Leconte de Lisle, mais n’importe quel gilet-rouge français, avant 1830, avait employé Satan à arracher les yeux d’un nombre long de pâles jeunes filles, et écouté leur âme bianchissime lamenter cette abusive exophtalmie, Lautréamont, le premier, raya Satan et âme, et écrivit au-dessus Dieu et cheveu. […] Le sacrifice d’Abraham raconte un professeur notoire, qui tombe, par égoïsme bourgeois, besoin de quiétude et vanité, dans la folie furieuse du plus splendide « bochisme ».
Et tout cela est présenté et raconté aussi avec une simplicité digne de cette jeune fille… incroyable ; car les jeunes filles faussées qui ont l’orgueil insensé d’être des hommes meurent ordinairement dans leur orgueil, quand elles ne l’humilient pas sous la croix. […] J’en ai connu, des réalistes, qui, ne pouvant aller dans un monde distingué, où en général les réalistes n’entrent pas, payaient à boire à des domestiques et prenaient des notes sur ce que les domestiques leur racontaient.
Quand Dorine raconte à Orgon la maladie de sa femme, et que celui-ci l’interrompt sans cesse pour s’enquérir de la santé de Tartuffe, la question qui revient toujours : « Et Tartuffe ? […] Ainsi L’École des Femmes ne fait que ramener et reproduire un certain effet à trois temps : 1er temps, Horace raconte à Arnolphe ce qu’il a imaginé pour tromper le tuteur d’Agnès, qui se trouve être Arnolphe lui-même ; 2e temps, Arnolphe croit avoir paré le coup ; 3e temps, Agnès fait tourner les précautions d’Arnolphe au profit d’Horace.
-Firmin Didot qui me la raconte sait lui-même d’original et par tradition.
On raconte qu’Alfred de Musset, tout enfant, eut un jour de petits souliers rouges fort jolis, qu’on appelle, je crois, des mignons, et pendant qu’on les lui mettait pour aller à la promenade, comme cela tardait un peu, il s’impatientait et disait à sa bonne : « Dépêche-toi, je yeux sortir, mes mignons seront trop vieux. » Lamennais était cet enfant, et comme lui avide, à sa manière, de jouir ; en présence de la vérité qu’il essayait, il était si pressé, si impatient, qu’on aurait dit qu’à tarder d’un seul instant, elle allait devenir trop vieille.
Je voudrais raconter nettement, et sans trop de conjectures, l’histoire de cette intelligence élevée qui tranche avec celle de nos autres contemporains, et qui doit une partie de son caractère et de son originalité à ses origines mêmes.
Il est raconté dans la vie d’un de nos Bienheureux qu’un jour il parcourait une ville à cheval avec ses amis : Dieu, qui le voulait avoir, le jeta par terre dans la boue, et ce fut l’occasion de son salut et de sa sainteté.
On sait qu’Aristarque a quelquefois changé, qu’il a sans doute plutôt adouci ; qu’en cet endroit, par exemple, où Phœnix s’adressant à Achille dans l’espoir de le fléchir se reporte vers sa propre jeunesse et raconte comment lui-même il a failli un jour devenir parricide, le critique avait cru devoir retrancher cette parole terrible, pour ne pas faire tache à ce caractère vénérable qu’il craignait de voir profaner.
Comment il s’intéresse au premier aspect à ces deux jeunes personnes étrangères, comment il les remet dans leur chemin qu’elles avaient perdu, comment il les rencontre de temps en temps et se trouve peu à peu et sans le vouloir mêlé à leur destinée : tout cela est raconté avec une simplicité et un détail ingénu qui finit par piquer la curiosité elle-même.
Hérodote, qui vivait presque à la même époque, raconte le juste et l’injuste, comme les présages et les oracles ; le crime lui paraît de mauvais augure, mais ce n’est jamais par sa conscience qu’il en décide.
Son satanisme consiste simplement à voir partout le diable — et, d’abord, à nous raconter, avec complaisance et en s’excitant sur ce qu’ils ont d’extraordinaire, des actes d’impiété ou des cas surprenants de perversion morale.
L’union que nous raconte Michelet est un phénomène, une « réussite ».
Voici un trait de lui qui n’est que plaisant et spirituel : il appartient à la période de 1683 à 1697, où Mezzetin jouait à Paris ; il est ainsi raconté dans l’Histoire de l’ancien Théâtre italien : « Mezzetin avait dédié une pièce à M. le duc de Saint-Aignan, qui payait généreusement les dédicaces.
I Les confidences des gens de lettres sont bien les plus insupportables des commérages, et il n’est pas trop de tout l’esprit, toute la fronde d’Émile Bergerat pour raconter ses petits ennuis sans ennuyer beaucoup.
Habitué dès longtemps à converser avec lui-même, à se raconter les grandes choses qu’il espère accomplir, il est tout simple qu’il dédaigne la société réelle qu’il n’a pas étudiée, et qui ne peut le deviner.
Le livre des Paralipomènes, où l’assassinat de Zacharie, fils de Joïada, est raconté, ferme le canon hébreu.
Ce sont bien là en gros les événements de votre jeunesse, mais revus et racontés avec vos sentiments d’aujourd’hui ; ou bien ce sont vos sentiments d’alors, mais déguisés sous les couleurs d’à présent.
Pourtant Mme de Courcelles a écrit ; elle a raconté avec une ingénuité singulière une partie de ses aventures dans une confession adressée à l’un de ses amants ; elle a laissé des lettres écrites à ce même amant.
Il est vrai que lorsque Hamilton, à la fin du siècle de Louis XIV, racontait les premiers exploits de son chevalier sous Richelieu, il parlait déjà d’un autre siècle et de choses comme fabuleuses ; et cela tirait moins à conséquence.
Saint Hyacinthe, connu par la part qu’il eut à la plaisanterie de Mathanastus, passa pour leur fils Bossuet, raconte-t-on, étoit très-jeune lorsqu’il contracta cet engagement.
On y voit Furetière accusé d’avoir prostitué sa sœur pour se mettre en état d’acheter la charge de procureur fiscal de l’abbaye de Saint-Germain-des-Prés ; il y est dit qu’il se déshonora dans ce poste par des prévarications et qu’il s’y fit le protecteur déclaré des filous et des filles publiques ; on y raconte comment il abusa de sa charge pour escroquer, par une manœuvre qui, selon le vocabulaire moderne, serait qualifiée de chantage, le bénéfice d’un jeune abbé ; enfin, retournant une plaisanterie de Furetière contre lui-même, l’auteur prétend que le Roman Bourgeois, — ce détestable ouvrage — a été dédié par lui au bourreau, comme au seul patron digne d’une telle œuvre.
» Et le style, en effet, le tenait si fort, cet homme de style, marié grâce à son style, qu’il raconta le bonheur de son mariage dans un feuilleton enivré et resté célèbre, trouvant, cet enfant gâté du bonheur, que c’était augmenter son bonheur que de récrire, tant il était écrivain !
C’est la poésie même du passé racontée par un homme qui sent la poésie partout où elle est, et elle est partout !
Même pour ceux qui inclinent avec le plus de curiosité vers ces lectures, toujours un peu badaudes, même pour ceux qui n’ont pas le mépris littéraire qui convient pour des livres écrits en courant et comme sous la dictée des choses matérielles, le voyage, en soi, est si peu de chose, qu’il ne vaut guères que par le voyageur qui le raconte et qui sait y imprimer cette personnalité que rien ne remplace lorsque l’auteur ne l’y met pas.
Voici une conversation qui en donnera l’idée ; elle m’a été racontée par un vieux sensualiste, ami de Laromiguière.
Julien lui-même raconta ces deux apparitions à ses amis.
D’habiles critiques ont porté plus loin le scepticisme : ils ont pensé que la guerre de Troie n’avait jamais eu lieu, du moins telle qu’Homère la raconte ; et ils ont renvoyé à la Bibliothèque de l’Imposture les Dictys de Crète, et les Darès de Phrygie, qui en ont écrit l’histoire en prose, comme s’ils eussent été contemporains.
Platon nomme d’ailleurs Parménide à côté d’Hésiode, comme tous deux ayant raconté d’anciennes histoires des dieux.
Il est intéressé par une histoire qu’il invente ou qu’il remanie, exactement comme un enfant par une histoire qu’il entend raconter. […] On sentait que ce qu’elle vous racontait, ce qu’elle mettait devant vos yeux, l’émouvait elle-même profondément, qu’elle y croyait de tout son cœur et qu’elle en souriait ou pleurait elle-même avec délices. […] Quoi qu’il en soit, c’est bien ainsi que vont les choses dans l’Education sentimentale : « Le jeune homme, dit excellemment George Sand, dont l’histoire nous est racontée ici, … n’a pas l’énergique constance des exceptions ; les circonstances ne l’aident pas, et il ne réagit pas contre elles… Il est, par un point essentiel, semblable au milieu qu’il traverse ; il est tour à tour trop au-dessus et trop au-dessous de son aspiration. […] La majorité des opinions qui a disposé de nos destinées jusqu’à ce jour et qui n’a pas su nous donner un état social libre et logique a été médiocre, en effet, et c’est une douce punition que de la vouer au ridicule… Nous ne pouvons exiger d’un artiste qu’il nous raconte l’avenir ; mais nous pouvons le remercier de nous faire d’une main ferme la critique du passé.
Je dirai même qu’on l’a beaucoup trop racontée. […] Il racontait la pièce tout simplement, avec beaucoup de fidélité et d’exactitude, et puis il tirait sa révérence. […] Il y a dans votre pièce, au II, je crois, une scène ou Mme Marèze rappelle et raconte (et avec quel charme !) […] La sœur d’Aubier vient raconter à Judith qu’elle a fait un petit arrangement, elle, avec son mari à elle. […] Il n’en aura aucune.Cependant est racontée par les uns et par les autres l’histoire qui est arrivée dernièrement dans la maison.
Mais je crois que l’on n’a pas bien lu les interminables lettres où Jacqueline Pascal raconte cette affaire à la mère Agnès. […] Le travail visible du style est, dans Gil Blas comme dans le Diable boiteux, de cette espèce particulière ; Le Sage travaille avec des procédés d’auteur comique ; il raconte à peu près comme il écrirait pour la scène. […] Et l’on raconte, je le sais, que d’admirables découvertes se seraient ainsi laissé faire ; et tout de même, dans le cas de Gil Blas, ce procédé d’art a enfanté presque un chef-d’œuvre. […] Mais, quand il est question d’un homme qui s’est peint si vivement lui-même, comme Voltaire, sans le vouloir ni le savoir, dans dix lignes de sa main, ou d’un homme encore qui, comme Rousseau, n’a passé la moitié de sa vie qu’à nous raconter l’autre, j’avoue que je ne comprends plus du tout. […] Rousseau, dans ses Confessions, a raconté autrement l’histoire, et s’est fait honneur à lui-même de son choix.
Nous parlons de France, et André Lemoyne nous raconte l’histoire de la gifle. » J’ai compris ; je sais maintenant qui est cet « Anatole qui n’est pas brave » et qui est le narrateur de l’anecdote. […] Peut-être raconterai-je un jour le temps que j’y passai sous la triple direction de M. […] On m’a raconté qu’après la mort du prince Jérôme dont il avait été un des familiers, recevant chez lui le prince Louis Bonaparte, il s’écria tout à coup : « Ah ! […] Les mœurs du temps ne l’intéressaient guère, et découper des « tranches de vie » n’était pas plus son affaire que raconter une histoire ou conduire une intrigue, mais il était doué du sens descriptif le plus aigu, d’une vive sensibilité visuelle, d’une rare aptitude à traduire verbalement ses impressions de formes, de couleurs et de nuances.
Je vous raconterai simplement ce que j’ai appris de la bouche d’un maître homme, et, de même qu’à cette époque je vérifiais, avec la joie d’un homme qui s’instruit, ses préceptes si simples sur toutes les peintures qui tombaient sous mon regard, nous pourrons les appliquer successivement, comme une pierre de touche, sur quelques-uns de nos peintres. […] « La légende raconte qu’une fille de Provence s’amouracha de la statue d’Apollon et en mourut. […] Fromentin raconte ses voyages d’une manière double, et qu’il les écrit aussi bien qu’il les peint, avec un style qui n’est pas celui d’un autre. […] Vous traversez une grande ville vieillie dans la civilisation, une de celles qui contiennent les archives les plus importantes de la vie universelle, et vos yeux sont tirés en haut, sursùm, ad sidera ; car sur les places publiques, aux angles des carrefours, des personnages immobiles, plus grands que ceux qui passent à leurs pieds, vous racontent dans un langage muet les pompeuses légendes de la gloire, de la guerre, de la science et du martyre.
Celui-ci raconte, en effet, dans ses Mémoires 6, que, dès les premiers jours du siège, Palafox, gravement malade, remit le commandement au général Saint-Marc, Belge au service de l’Espagne. […] Au tome I de son Histoire de la littérature dramatique, le fameux feuilletoniste s’amuse à soutenir que, lorsqu’il n’y a pas de grand artiste, il faut en inventer un, et voici la plaisante histoire qu’il raconte : Une de mes fêtes, c’est d’en avoir inventé au moins un ; avec ce grand comédien de mon invention, j’ai vécu six semaines et j’ai eu le plaisir de voir mon paradoxe accepté sans conteste. […] Baudelaire, assoiffé de paradoxe et de cabotinage, imagina un jour, raconte Maxime du Camp, de teindre ses cheveux en vert. […] « Souvent, raconte M. […] Sir John Lubbock raconte, dans une leçon sur la condition primitive de l’homme et l’origine des langues, que plusieurs peuplades de la Polynésie n’ont qu’un mot pour exprimer bon et bien, mauvais et mal.
S’il voyage et s’il raconte ses promenades aux pays exotiques, toujours avec la même disposition d’esprit, dédaigneuse de l’âme humaine, sensible aux formes, il laisse de côté les mœurs et les pensées spéciales à chaque race pour saisir et dépeindre son aspect extérieur. […] Un de mes amis, — raconte Baudelaire, — le plus inoffensif rêveur qui ait existé, a mis une fois le feu à une forêt, pour voir, disait-il, si le feu prenait avec autant de facilité qu’on l’affirme généralement. […] Quand Victor Hugo, en strophes admirables, raconte la mort de sa fille, l’angoisse première s’est déjà apaisée. […] Maxime Du Camp a raconté, avec les détails les plus précis, pour quels motifs et sous quelles influences son ami se décida à entreprendre cette triste scène de la vie de province. […] Il raconte l’ensevelissement et l’inhumation, sans oublier les moindres minuties, en une série de phrases courtes, un peu haletantes, mais rappelant chacune un fait et formant tableau.
Triste vie et précaire, comme devant une bête de proie ; les Frisons, dans leurs lois antiques, parlent déjà de la ligue qu’ils ont fait ensemble contre « le féroce Océan. » Même pendant le calme, cette mer reste inclémente. « Devant les yeux s’étale le grand désert des eaux ; au-dessus voguent les nuées, ces grises et informes filles de l’air, qui de la mer avec leurs seaux de brouillards, puisent l’eau, la traînent à grand’peine, et la laissent retomber dans la mer, besogne triste, inutile et fastidieuse10. » « À plat ventre étendu, l’informe vent du nord, comme un vieillard grognon, babille d’une voix gémissante et mystérieuse, et raconte de folles histoires. » Pluie, vent et houle, il n’y a de place ici que pour les pensées sinistres ou mélancoliques. […] Les femmes des chefs vinrent près d’elle, et chacune pour la consoler lui conta ses propres peines, toutes les calamités des grandes dévastations et de l’antique vie barbare. « Alors parla Gjaflogd, — sœur de Gjuki : — « Je sais que sur la terre — je suis entre toutes la plus dénuée de joie. — De cinq maris — j’ai souffert la perte, — et aussi de deux filles, — de trois sœurs, — de huit frères ; — pourtant me voilà, et je survis seule. » — Alors parla Herborgd, — reine de la terre des Huns : — « Moi j’ai à raconter — un deuil plus cruel. — Mes sept fils, — dans la région de l’Est, — et mon mari le huitième — sont morts dans la bataille. — Mon père et ma mère, — mes quatre frères, — le vent a joué avec eux — dans la mer. — Le flot a battu — le plancher de leur vaisseau. — Moi-même j’étais forcée de recueillir leurs corps, — moi-même j’étais forcée de veiller à leur sépulture, — moi-même j’étais forcée — de faire leurs funérailles. — Tout cela, je l’ai souffert — en une année, — et pendant ce temps, — nul d’entre les hommes — ne m’a apporté de consolation. — Cependant j’étais enchaînée — et captive de guerre, — quand six mois de cette année se furent écoulés. — J’étais forcée de parer — la femme d’un chef de guerre — et de lui attacher sa chaussure — chaque matin. […] Cette émotion était déjà dans leurs légendes païennes, et Cœdmon, pour raconter l’origine des choses, n’a besoin que de trouver les anciens rêves, tels qu’ils se sont fixés dans les prophéties de l’Edda.
Les vains systèmes de la science lui apprennent à se méfier des savants ; mais il converse avec les gens simples, s’arrête dans les champs, entre dans les cabanes, interroge les vieillards, s’instruit avec un enfant, et raconte naïvement ce qu’il vient d’apprendre avec eux. […] Voici un passage de ses manuscrits où il raconte avec une âme brisée le fanatisme d’impiété qui l’accueillit à l’Institut la première fois qu’il y prononça le nom de Dieu. […] C’est le vieillard lui-même qui parle et qui raconte leur agonie presque muette.
VII L’évêque Lanatelle, amoureux de la reine de Mingrélie, princesse d’une incomparable beauté, et aimé d’elle, quoique le roi son mari eût été aveuglé et exilé par les complices de l’évêque, vivait avec elle, est l’homme principal de ces machinations, Chardin le visite, et le raconte ; il n’y a pas de roman en Europe comparable à ce récit. […] Chardin raconte avec la même naïveté et la même grandeur les autres somptuosités de l’empire. […] Ni Montesquieu qui ricane, ni Chateaubriand qui déclame n’ont compris l’Orient, parce qu’ils ont voyagé d’imagination seulement, et qu’au lieu de voir et de raconter, ils ont imaginé d’éloquentes caricatures.
Dans la Terre, il nous raconte avec des ornements ad hoc, un pugilat de flatulence engagé par les sujets réputés les plus flatueux du village. […] XIV., ch. 24. » Ce fait est plus extraordinaire que ce que nous raconte le naturaliste Zola. […] s’il avait connu les ripailles de ses illustres grugeurs, peut-être eût-il essayé de les imiter ; mais il n’en savait rien, et prenait comme autant de calomnies ce qui était raconté par les journaux de l’opposition d’ailleurs, ceux-ci étaient réduits au silence.
Cette femme qui est une aimable babillarde, vous fait maintenant presqu’autant de tort à Lauzanne, que vos livres vous y font d’honneur ; à tout étranger qui passe, elle raconte son aventure, & chacun vous regarde comme un ours. […] Je vous raconterai, nous dit alors un aimable académicien qui étoit des nôtres, une histoire que je tiens du respectable M. de Chamousset. […] Outre que je ne l’ai jamais entendue raconter, est-il possible, que Frédéric II, si sévere, eût été si doux en pareil cas. […] Instant merveilleux pour un docteur à la mode, il ouvre le chapitre des vapeurs, & sur l’agacement des nerfs il raconte les histoires les plus agréables. […] On n’a d’autre amusement que d’offrir & de remercier, au point qu’une nouvelle importante, qu’une historiette agréable, ne peuvent être racontées.
Il découvrit que « l’acteur qui pliait les genoux pour se rapetisser » représentait un « gnôme » (sic) et que ce gnôme se racontait à lui-même l’histoire d’un anneau qu’un géant s’était approprié et que le gnôme désirait se procurer avec l’aide de Siegfried ; voilà pourquoi il lui forgeait « une épée ». […] En perruque, lui aussi, en maillot, lui aussi, campé, avec sa lance, dans une pose niaise, il raconte à Mime ce que celui-ci n’ignore pas, mais ce qu’on a besoin de faire connaître au public. […] — Votre frère, lui raconta Wagner, avait installé son cahier rouge sur le piano. […] Wagner raconte une piquante anecdote qui corrobore cette observation. […] Il essaya, en revanche, de le convertir à la musique de Johannès Brahms, ainsi que l’a raconté Mme Fœrster-Nietzsche.
Il a une manière simple de raconter. […] Il s’est contenté, dans Manon Lescaut, d’être l’historien des passions, comme il avait été celui des aventures dans ses autres romans : mais il a été si vrai, qu’il a su se passer de l’éloquence pour peindre les mouvements du cœur ; il lui a suffi de les raconter. […] Cette manière d’envisager et de décrire le cœur humain a été la source des beautés admirables de cet ouvrage ; elle a entraîné aussi quelques défauts : le plus grand, sans doute, c’est cette uniformité d’un même style toujours destiné à peindre des impressions exaltées et à les raconter en détail. […] Les premiers chapitres de Bélisaire rappellent le Télémaque ; et l’on regrette que l’auteur, au lieu de prétendre à instruire les rois et les peuples, comme tout écrivain s’y croyait alors obligé, n’ait pas suivi la vraie route de son talent, qui était de raconter et de peindre avec vérité. […] Les expressions frappantes qui animent toujours le langage d’un illustre écrivain sont encore présentes à votre mémoire, et je m’effraie d’avoir à raconter après lui le dévouement de son noble ami.
Rien n’est plus tragique que cette agonie de Molière telle que la raconte Grimarest. […] Louis Racine raconte, dans ses Mémoires sur la vie et les œuvres de son père, que Boileau, effrayé de cette consomption lente, voulut déterminer Molière à abandonner le théâtre : « Votre santé y dépérit, lui dit-il, le métier de comédien vous épuise ; croyez-moi, il faut y renoncer ! […] Une fois chez lui, raconte Grimarest, Molière consentit à prendre un bouillon. […] Marcel raconte que Molière demanda au prince de Conti cette place de secrétaire pour M. de Simoni et, cigale parisienne, se remit à rimer et à chanter. […] Mlle Marotte ayant eu une querelle avec une autre actrice, Mlle Catherine Désurils, Sauval raconte qu’elles se battirent en duel, l’épée à la main : il a vu le duel , dit-il.
Ce lit innocent qui se découvre, cette adorable demi-nudité qui a peur d’elle-même, ce pied blanc qui se réfugie dans une pantoufle, cette gorge qui se voile devant un miroir comme si ce miroir était une prunelle, cette chemise qui se hâte de remonter et de cacher l’épaule pour un meuble qui craque ou pour une voiture qui passe, ces cordons noués, ces agrafes accrochées, ces lacets tirés, ces tressaillements, ces frissons de froid et de pudeur, cet effarouchement exquis de tous les mouvements, cette inquiétude presque ailée là où rien n’est à craindre, les phases successives du vêtement aussi charmantes que les nuages de l’aurore, il ne sied pas que tout cela soit raconté, et c’est déjà trop de l’indiquer. […] XXIX « Une bataille comme celle que nous racontons en ce moment n’est autre chose qu’une convulsion vers l’idéal.
C’est pour cela que tous les organes, cœur, artères, nerfs et muscles, sympathisent avec le cerveau et racontent, chacun dans sa langue propre, la souffrance ou la jouissance qu’ils partagent. […] Le regard du serpent fascine l’oiseau, et cette fascination est nuisible : « Il y a aussi, dit Mosso, des serpents qui demeurent raidis par la peur quand on leur comprime la tête, comme on raconte que fit Moïse devant Pharaon. » Kircher et Royer ont fait de nombreuses expériences analogues.
Mais j’ai voulu lire l’historien qui nous offre la contrepartie et le véritable complément de Villehardouin, le Byzantin Nicétas, homme de bien et de considération, lequel a raconté dans des pages émues et lamentables, bien que fleuries et académiques (comme nous dirions), le désastre de sa patrie, les brutalités du vainqueur, les spoliations de l’étranger, et les violations de tout genre commises sur cette cité alors unique et incomparable.
On ne peut s’empêcher de regretter ici que Ramond n’ait pas écrit ses mémoires ; qu’il n’ait pas, un jour ou l’autre, raconté, et s’il le fallait, confessé toute la vérité sur cet épisode intéressant et mystérieux de sa vie, Toute part faite à la déférence, à l’obéissance qu’il devait aux ordres du cardinal, on se demande quelle était en ceci cette autre part, fort peu aisée à déterminer, mais assez active, ce semble, qui lui était personnelle et propre.
Il raconte vivement, mais sans vanterie, sa conduite en ces deux journées, dans une lettre qui vient expliquer et confirmer les récits donnés par les historiens militaires.
Occupé, avons-nous dit, de l’éducation de ses enfants, il les voulut amuser, et, pendant quelque hiver, il s’avisa de conter et de faire raconter devant eux les vieux récits qui couraient le monde et que, de temps immémorial ; les nourrices s’étaient transmis.
Dumont, de Genève, un des préparateurs de Mirabeau, publia ses Souvenirs en 1832 et raconta comment cela se passait autour du grand tribun, sans prétendre d’ailleurs le diminuer ; mais le cri en France fut presque unanime, comme si Dumont avait commis un sacrilège.
L’historiette est agréable ; elle a été bien des fois racontée avcc variantes et broderie, et on résiste de son mieux aux critiques qui, se fondant sur la date connue de la mort de Cécilius, n’y voudraient voir qu’un conte, bon tout au plus à être rimé par quelque Andrieux.
Ce séjour du digne monarque avec les légers embarras, avec les étonnements et les surprises qui l’accidentèrent, nous est raconté par M. de Senfft d’une manière agréable et fine.
Et, par exemple, il a dû raconter à merveille des anecdotes comme celle-ci, pour montrer la contradiction fréquente entre les idées et les mœurs.
La pièce du Vieux Collège nous raconte un touchant retour en quelque ville de Flandre (Arras ou Douai), où le poëte fut élevé, et qu’il n’avait pas revue depuis longtemps.
Dans cet art enjoué de raconter, Mme de Staal est classique, et définitivement, si elle se jugeait aujourd’hui, elle n’aurait pas tant à se plaindre du sort.
Après la disgrâce de Fouquet, il écrit l’Élégie aux nymphes de Vaux ; et il accompagne Janmart exilé à Limoges ; il a raconté son voyage dans des lettres à sa femme.
Ici les faits deviennent plus difficiles à raconter.
» Madame de Sévigné, dans une lettre du 24 juillet, raconte à sa fille l’arrivée du roi.
Or, maintenant, dans l’état actuel des renseignements historiques sur Marie-Antoinette, en se rendant compte des vrais témoignages, et en se souvenant aussi de ce qu’on a ouï raconter à des contemporains assez bien informés, il est très permis de penser qu’en effet cette personne affectueuse et vive, tout entière à ses impressions, amie des manières élégantes et des formes chevaleresques, ayant besoin tout simplement aussi d’épanchement et de protection, a pu avoir durant ces quinze années de sa jeunesse quelque préférence de cœur : ce serait plutôt le contraire qui serait bien étrange.
Le grand art pour captiver un auditoire consistoit à faire des déclamations très-fortes & très-vives ; à désigner, dans son zèle satyrique, les personnes devant qui l’on parloit ; & surtout à raconter des historiettes scandaleuses*.
On nous raconte que lorsqu’on ouvrit le crâne de Pascal, on y découvrit (ce sont les expressions mêmes des médecins) « une abondance de cervelle extraordinaire. » Malheureusement on ne pensa pas à la peser.
L’évenement, qui pourroit nous toucher, s’il nous étoit raconté avec un choix ingenieux de circonstances, mises en oeuvre dans un recit où la vrai-semblance seroit menagée, devient un jeu de marionetes quand on entreprend de le répresenter sur le théatre.
C’est Laurence Sterne lui-même qui raconte avoir pleuré rien qu’à lire ces mots inscrits en tête d’un livre, avec, sans doute, un frontispice ad hoc : les lamentations du glorieux roi de Kaërnavan mis en prison par ses enfants .
Au point de vue humain, ne regrettons pas qu’elle soit autre chose ; elle raconte, il est vrai, l’écroulement d’un idéal politique, elle dit les passions, les haines, et aussi la science scolastique d’une époque, mais elle est avant tout l’épopée de l’âme humaine.
À l’état naissant ou faible, les deux cristallisations peuvent se confondre : ainsi le débutant ou la femme de lettres raconteront avec candeur dans un roman toute leur propre aventure amoureuse, cristallisée directement.
Mais ne peut-on pas répondre que ces sortes d’ouvrages étant moins des monuments historiques, que des tableaux faits pour réveiller les grandes idées ou de grands sentiments, il ne suffit pas de raconter à l’esprit, il faut, si l’on peut, parler à l’âme et l’intéresser fortement ?
« Souvent, dit-il184, Properce me raconta ses feux, dans l’intimité du commerce qui nous unissait.
C’est que par la balle on se sent vise, et que chacun fait malgré lui le raisonnement suivant : « Pour produire cet effet, si important pour moi, que serait la mort ou la blessure grave, il faut une cause de même importance, il faut une intention. » Un soldat qui fut précisément atteint par un éclat d’obus nous racontait que son premier mouvement fut de s’écrier : « Comme c’est bête ! […] Ce fut comme si un personnage de légende, évadé du livre où l’on raconte son histoire, s’installait tranquillement dans la chambre. […] On raconte ses aventures, on décrit son intervention dans nos affaires. […] Laissons donc de côté l’imagination, qui n’est qu’un mot, et considérons une faculté bien définie de l’esprit, celle de créer des personnages dont nous nous racontons à nous-mêmes l’histoire. […] Soit, mais nous pouvons être presque aussi fortement « empoignés » par le roman que nous lisons, et sympathiser au même point avec les personnages dont on nous raconte l’histoire.
Enseigner, raconter, peindre, donner le frisson ou tirer des larmes, à tout cela suffirait largement la prose, dont c’est aussi bien l’objet naturel. […] Car, enfin, s’il faut en croire les bruits du dehors et ce que racontent les livres, le reste des mortels passerait le temps à se déchirer. […] " (gitanjali, 97.) " en des chants immortels je vous ai raconté ; tout le secret s’épanche à flots hors de mon cœur. ou vient me demander d’en bien dire le sens ; mais je ne sais comment répondre. […] Diderot raconte quelque part : j’ai connu un jeune homme plein de goût qui, avant de jeter le moindre trait sur la toile, se mettait à genoux et disait : « mon dieu, délivrez-moi du modèle. » on ne saurait trop presser le sens de cette petit histoire.
Raconte, ce que cela t’a fait voir, sentir, aimer ou haïr. […] Raconte-toi. […] Le mieux que j’aie à faire c’est de raconter de notre longue conversation ce qui a spécialement trait à mon enquête. […] Cette hypothèse nous instruit du moins par ses aveux, comme le rayon nous raconte tout le lointain Soleil. […] Alors quand on ne raconte pas de quelle façon on boutonne son pantalon, et les péripéties de ses amourettes, on est un poète impassible ?
On raconte qu’un jour un officier de marine de ses amis lui montra un manitou qu’il avait rapporté d’Afrique, une petite tête monstrueuse taillée dans un morceau de bois par un pauvre nègre. […] Adrien Sixte, décrite dans le premier chapitre, rappelle, par plus d’un trait, la vie de Spinosa racontée par Jean Colérus dont M. […] On raconte que deux anges enlevèrent le saint homme sous le sabre du bourreau. […] Et suivant le fil de ses souvenirs, il raconte l’histoire d’une indigène qu’il a connue à Rosette. […] Je me garderai bien de raconter ce livre.
Il a pris plaisir à se raconter à lui-même une histoire fantastique et consolante de beaux cavaliers et de belles dames, au bord du chemin, en trempant des croûtes dans une fontaine, pour ne pas manger son pain sec. […] Ce sont choses qui se disent dans les conversations, que ses personnages se racontent pour s’émerveiller et se détendre. […] Cette conception n’est point sublime ; elle consiste à penser que l’homme est moyen et que la vie est médiocre, et qu’il faut peindre l’un et raconter l’autre avec une grande tranquillité de ton et d’un style très naturel et très uni, ce qui revient à dire que dans la pratique il faut prendre l’un et l’autre avec une grande égalité d’humeur et une grande simplicité d’attitude. […] Il va droit au roman, parce que sa manière d’étudier est déjà une façon de se raconter quelque chose. […] Il y a là des portraits bien faits, des scènes bien racontées, et des «
Combien les hommes ordinaires sont mieux venus à se raconter eux-mêmes et à se peindre ! […] Il défend bien aux chroniqueurs et aux mémorialistes de ne point mentir, et il raconte à ce propos l’aventure de Walter Raleigh. […] Elle a raconté depuis qu’elle se mordait la langue jusqu’au sang pour ne point pâlir. […] Le bon critique est celui qui raconte les aventures de son âme au milieu des chefs-d’œuvre. […] Thiers dans lequel la campagne de France est racontée avec une patriotique émotion.
Il y a plus de mystérieux et par conséquent un plus grand effet poétique et moral et religieux si Œdipe disparaît loin de nous, sans que nous le voyons disparaître, sans que celui qui nous le raconte, celui-ci même, l’ait vu. […] Il fallait donc, puisque le chœur reste sur la scène jusqu’à la fin de la pièce, que l’auteur éloignât Œdipe avec Thésée et fît raconter par un messager sa mort ou plutôt les dernières circonstances qui ont précédé sa mort. — A cette raison-ci il n’y a, je crois, rien à répondre. […] Puis il a fait raconter, comme Euripide — ici, à son grand désespoir sans doute, il ne pouvait pas mettre en tableau ce qui est en récit dans son modèle — les combats des Argiens et des Thébains ; et le combat singulier d’Etéocle et de Polynice, et la mort de Jocaste sur les corps de ses fils. […] Je trace un portrait ; je ne raconte pas une anecdote. » Il me semble que Molière crie cela. […] Il avait raconté le Théâtre de la foire, dans un volume que l’Académie française a très justement couronné ; il nous raconte aujourd’hui les théâtres du boulevard de 1789 à 1848.
Je ne raconterai pas de quelle façon, vers 1860, les jeunes gens, las des verroteries romantiques et des fadeurs romanesques des Feuillet ou des Mérimée, se trouvèrent tout à coup férus pour les doctrines positivistes. […] Je ne raconterai pas comment ils se façonnèrent une éthique des vérités scholastiques de Darwin, comment le réalisme scientifique les amena nécessairement à un réalisme esthétique. […] Aussi ces phrases de M. de Bouhélier sont-elles lumineuses où il nous dit : « Il ne faut point considérer si ces artisans se contentent de leur condition ; — et leurs petites vaines turbulences ; — ce qu’ils racontent les uns des autres en tressant des corbeilles ou en taillant des pierres. — Et celui-ci et celui-là, — et tel ou tel, — et puis tel autre.
Le principe de la raison universelle est à la base de la royauté absolue ; il atteint son apogée dans la gloire du xviie siècle, et se manifeste avec une évidence particulière dans la littérature qui en raconte les trois étapes. […] Rabelais ne se raconte pas ; on le médite et on le savoure, jusque dans le plus petit détail. […] Zola écrit les Trois villes et les Évangiles ; Bourget passe peu à peu de Mensonges à l’Étape ; Rod, qui fut naturaliste, écrit Les Unis ; Anatole France, l’Histoire contemporaine ; les frères Margueritte nous avaient raconté l’épopée de 1870, Victor nous donne aujourd’hui Prostituée ; il faudrait étudier ainsi l’évolution de personnalités fort diverses : Maurice Barrès, Marcel Prévost, Huysmans, Paul Adam, Descaves, Rosny, Estaunié, Frapié, et montrer toute la vision dramatique qu’il y a par exemple dans La Biche écrasée de Pierre Mille.
La Chimie de Lavoisier, publiée depuis quelques années, mais de doctrine si récente, saisissait vivement tous les jeunes esprits savants ; et pendant que Davy, comme son frère nous le raconte, la lisait en Angleterre avec grande émulation et ardent désir d’y ajouter, M. […] Laissons-le raconter lui-même : Il y a sept ans, ma bonne amie, que je m’étais proposé un problème de mon invention, que je n’avais point pu résoudre directement, mais dont j’avais trouvé par hasard une solution dont je connaissais la justesse sans pouvoir la démontrer.
Le poëte recherche les sentiers de traverse le plus souvent ; le romancier s’oublie au cercle du foyer, ou sur le banc du seuil devant, lequel il raconte. […] Il n’y manque pas l’exemple de Chatterton, qu’il raconte et étale avec vigueur.
. — Une femme que j’ai vue à la Salpêtrière racontait, avec une précision et une conviction parfaites, une histoire d’après laquelle elle était noble et riche. […] J’ai déjà raconté le cas de Théophile Gautier et comment, un jour qu’il passait devant le Vaudeville, une phrase imprimée sur l’affiche se cloua dans son souvenir ; comment, malgré lui, il se la répétait incessamment ; comment, au bout de quelque temps, elle cessa d’être simplement mentale et sembla proférée par un gosier corporel, avec un timbre et un accent très nets ; elle revenait ainsi par intervalles, à l’improviste ; cela dura plusieurs semaines.
Et il raconte minutieusement, heure par heure, parole par parole, la suprême journée du philosophe. […] Phédon raconte alors que, le matin du jour de la mort, les amis de Socrate se réunirent plus tôt que de coutume sur la place devant la prison, pour ne pas perdre une heure de sa vie et de sa pensée.
Ainsi encore les derniers fragments du Roman de Renart contiennent une critique amère des lois et coutumes existantes, de véritables appels à la révolte ; et pourtant ceux qui les ont composés ont gardé le cadre commode de la fable tel que leurs aînés l’ont façonné ; ils se servent toujours des animaux pour donner des leçons aux hommes ; ils racontent toujours les prouesses de leur héros populaire. […] Les uns, après avoir donné leur jeunesse à l’action, consacrent le soir de leurs jours à raconter ce qu’ils ont fait et se plaisent à revivre ainsi leur vie trop tôt passée.
De la sorte, l’enfant sortira du collège ignorant les institutions du pays où il doit vivre ; il ne saura pas ce que sont les Parlements ou les États généraux ; mais en revanche il pourra expliquer ce qu’étaient les éphores et les tribuns, raconter dans le plus grand détail ce qu’ont fait les Gracques ou César. […] Marmontel raconte dans ses Mémoires qu’étant en rhétorique il fut menacé du fouet par un maître injuste et sévère.
La tradition raconte que le vase sacré avait été une fois déjà retiré aux hommes indignes, mais que Dieu avait décidé de le remettre aux mains de quelques privilégiés qui, par leur pureté d’âme, par la sainteté de leur vie, avaient mérité cet honneur. […] Interprétation par Baudelaire30 bk M’est-il permis de raconter, de traduire avec des paroles la traduction inévitable que mon imagination fit de ce morceau, lorsque je l’entendis la première fois, les yeux fermés, et que je me sentis pour ainsi dire enlevé de terre ?
La tragique histoire de Madame Bovary raconte en sa froide exactitude la ruine d’une âme forte et irrésignée qu’avilit et qu’écrase la bassesse stupide de tous. […] Dans les deux premiers des Trois Contes, dont l’un, Un cœur simple, décrit l’humble vie de sacrifices d’une servante, et l’autre, la Légende de saint Julien l’hospitalier raconte la dure destinée d’un innocent parricide, l’écrivain paraît compatir aux maux qu’il montre, et peut-être est-il juste de croire qu’aux abords de la veillesse, Flaubert a senti qu’il ne convenait pas de séparer la cause des grands de celle des petits, qui, victimes autant que bourreaux, prennent sans doute leur part des souffrances qu’ils contribuent à aigrir.
Mais permettez-moi d’abord, pour bien vous faire comprendre dans quel esprit la France monarchique, religieuse et littéraire de 1819, assista à cette représentation unique, dont Talma était le grand intérêt après Racine, permettez-moi de vous raconter comment, et par quelles circonstances, et dans quelles dispositions poétiques il me fut donné à moi-même d’y assister ; et permettez-moi enfin de vous dire comment je garde, de cette représentation, une si longue et si vive mémoire. […] Et, prenant alors la parole avec une volubilité turbulente, elle raconta à Talma je ne sais quel grief théâtral ridicule et sanglant qu’elle avait contre les gentilshommes de la chambre chargés de la discipline du Théâtre-Français et contre les Bourbons qui autorisaient ces iniquités et ces humiliations. « Cela ne peut pas durer, cela ne durera pas !
Il a raconté, dans des pages publiées après sa mort, et qui n’ont été que légèrement affaiblies par l’éditeur, la crise morale qu’il subit à l’âge de vingt ans, le moment plein d’effroi, où lui, élevé dans ses montagnes et dans la foi des patriarches, il s’aperçut tout d’un coup qu’il ne croyait plus : Je n’oublierai jamais, écrivait-il, la soirée de décembre où le voile qui me dérobait à moi-même ma propre incrédulité fut déchiré.
Ce prélat parla, ce me semble, assez bien de Marivaux ; il le loua d’abord, non pas tant pour ses écrits que pour son caractère : « Ce n’est point tant à eux, dit-il, que vous devez notre choix, qu’à l’estime que nous avons faite de vos mœurs, de votre bon cœur, de la douceur de votre société, et, si j’ose le dire, de l’amabilité de votre caractère. » En venant aux ouvrages, il s’exprime plutôt comme par ouï-dire, afin de n’avoir point, lui homme d’Église, à se prononcer directement en ces matières légères de roman et de théâtre : « Ceux qui ont lu vos ouvrages racontent que vous avez peint sous diverses images, etc.
Le vieux doge prend la croix ; assistons à la scène fidèlement racontée : Alors il assembla tout le peuple de Venise, un jour de dimanche, qui était une très grande fête de saint Marc ; et y furent la plupart des barons du pays et de nos pèlerins.
Goethe a très bien raconté comment, ayant écrit Werther, il se trouva tout d’un coup soulagé et guéri ; mais, en s’en débarrassant, il avait inoculé son mal aux autres ; ce fut le tour de bien des lecteurs, par le monde, d’être atteints de la même fièvre.
Pope, s’entretenant avec ses amis, racontait combien de cruels moments il avait passés dans les premiers temps qu’il avait entrepris de traduire Homère : il se sentait effrayé de son engagement ; c’était une inquiétude qui le poursuivait partout, c’était pour lui un cauchemar dont il aurait désiré qu’on le délivrât, disait-il, même au prix de la vie.
Ronsard y raconte à l’un de ses amis, Pierre Lescot, l’un des architectes du Louvre, comment dès son enfance il résistait à son père qui lui disait de renoncer à la poésie, et comment déjà le démon du rêve et de la fantaisie le transportait ; je crois bien qu’en la mettant à l’âge de douze ans, alter ab undecimo…, il antidate un peu sa jeune manie, pour la mieux peindre ; mais il exprime cela en jeune homme qui n’a pas cessé d’en être possédé au moment où il en parlef : Je n’avois pas douze ans, qu’au profond des vallées, Dans les hautes forêts des hommes reculées, Dans les antres secrets, de frayeur tout couverts, Sans avoir soin de rien je composois des vers.
Thiers, plein de son objet, et y portant, comme il fait toujours, le courant et le torrent de sa pensée, raconte comment et pourquoi il aime l’histoire, la connaissance complète des faits, leur exposé exact et lumineux, comment un seul point resté douteux l’excite à la recherche et à la découverte, comment une seule erreur qui lui échappe le remplit de confusion.
Parmi celles de ses pièces qu’on peut citer, on appréciait fort dans le temps Le Melon ; il y célèbre à pleine bouche ce roi des fruits, et raconte son origine, sa première apparition sur la table de l’Olympe le jour où les dieux firent gala après la défaite des titans.
Cependant ce qu’il raconte est toujours fort à prendre en considération, parce qu’il est naturel et judicieux, véridique et fin, sans aucune fatuité, sans aucune prétention.
Dans un voyage avec la princesse, en passant à Amiens, comme on présentait parmi les reliques le chef de saint Jean-Baptiste à baiser, il s’en approcha après elle et, sur son invitation, fit de même, tout en disant à demi-voix de cette tête du saint : « C’est la cinq ou sixième que j’ai l’honneur de baiser. » Il raconte avec complaisance en ses mémoires ce propos dont il est tout fier.
Il faut entendre de Maistre, témoin de cette scène qu’il raconte, et jouir de son étonnement. « Pendant ce temps, ajoute-t-il, Alexandre Ier proclame au milieu de la Germanie qu’il combat pour l’honneur et la liberté de l’homme.
Quoiqu’il aimât beaucoup à raconter, on sait peu de choses précises sur sa jeunesse et les premiers temps de sa vie ; car les anecdotes contées et écoutées debout, au coin de la cheminée, s’envolent et, il lui répugnait de rien écrire qui ressemblât à une biographie, ou même de répondre aux questions de ce genre, pour peu qu’elles eussent un but.
Je n’ai pas à caractériser ici le dessein général et la pensée politique qui peut inspirer cet écrivain patriote, je ne cherche que le côté historique ; et quand il n’y aurait que les Mémoires authentiques où l’Impératrice Catherine a raconté les premières années de sa jeunesse et de sa vie si contrainte et si intriguée avant d’atteindre à l’empire, qui donc parmi les lecteurs sérieux et les observateurs de la nature humaine pourrait y rester indifférent ?
C’est à l’histoire à raconter ce développement, à le constater partout où cela est possible, à le deviner et à le conjecturer avec sagacité et prudence là où les témoignages directs manquent et sont interrompus.
On nous dit tout d’elle, on nous raconte tout.
Pour les purs, pour les lettrés enthousiastes et ardents, pour ceux qu’un danger de plus stimule à l’étude, et qui aiment à montrer qu’ils sont capables d’être hommes en même temps qu’érudits, aller en Grèce un jour et le plus tôt possible, arriver au pied de ses monuments, en face de ses marbres, avant que la flamme, la fumée des dernières explosions fût dissipée et éteinte, avant que les dernières balles eussent cessé de siffler, c’était, — comme l’a dit Quinet et comme il l’a prouvé, — c’était « le long désir de la jeunesse. » Et tous ceux qui n’allaient pas en Grèce la chantaient, la racontaient, la pleuraient sur tous les tons.
Lorsqu’il se vit le restaurateur en titre de Notre-Dame, il aurait même pu retrouver, après coup, un signe et comme un présage de sa destinée d’artiste, dans une impression d’enfance qu’il a quelque part racontée : « Il m’est resté, dit-il, le souvenir d’une émotion d’enfant très vive et encore fraîche aujourd’hui dans mon esprit, bien que le fait en question ait dû me frapper à un âge dont on ne garde que des souvenirs très vagues.
Faut-il répéter encore après cela que tout ce qu’on a raconté de cette réunion intime d’amis dans une certaine presse que l’on peut à bon droit, cette fois, qualifier de petite (sans tenir compte du format), est faux et archifaux ?
Membre de la commission envoyée par le gouvernement en Morée, il publie aujourd’hui le résultat de son voyage, et, après tout ce qui a été dit et raconté de la Grèce, nous pouvons dire que le livre de M.
Molé a parlé avec élévation et sentiment de la conduite de M. de Quélen durant le choléra, et de son sermon à Saint-Roch pour les orphelins de ce fléau : « Serait-il vrai, messieurs, qu’il y eût pour tous les hommes dont la vie mérite qu’on la raconte, un moment, une journée, où ils arrivent au plus haut qu’il leur soit donné d’atteindre, où ils sentent, au plus intime comme au plus profond de leur âme, une sainte estime d’eux-mêmes qui ne saurait être surpassée ?
Aux Hellénes d’aujourd’hui il est allé raconter la Grèce de Tyrtée et de Démosthène, ce qui est bien sans doute, mais ce qui ne l’est qu’à demi.
Par malheur, ce qui glace aussitôt, c’est que le moderne Orphée nous raconte que … jamais sous les yeux de l’auguste Cybèle La terre ne fit naître un plus parfait modèle Entre les dieux mortels que le comte du Luc.
La jolie pièce du Déjeuner nous raconte bien des matinées de ses printemps.
« D’abord, raconte l’interne d’alors, aujourd’hui le Dr Chaume, Flaubert m’accabla de questions sur le petit malade que nous allions voir.
Dans le Nord, l’esprit de chevalerie donnait souvent lieu aux événements extraordinaires ; et pour intéresser les guerriers, il fallait leur raconter des exploits pareils aux leurs.
Necker devient le héros de la Révolution française, le centre où tout se ramène ; et quand elle veut raconter son rôle, elle se trouve conduite à faire l’histoire de l’Europe, de Louis XVI à Napoléon : cette substitution de sujets lui semble nécessaire.
Le butor qui racontait aux gens l’histoire de ses puces, qui rotait à table et s’empiffrait à en crever, nous apparaît maintenant comme un homme de bonne éducation, comme un gentilhomme pauvre, et qui, même au temps de sa détresse, a conservé un valet.
Le bohème a sa fin dans son état transitoire lui-même ; il raconte toute sa vie qu’il va créer, jusqu’au jour où il prend l’attitude du vieux lutteur que la dureté de la vie a empêché de se révéler.
Quoique logé chez le prince de Ravenne, il ne laissa pas de raconter dans son Enfer l’aventure délicate et désastreuse arrivée à la fille de ce prince ; et lorsque après son exil il se fut réfugié auprès de Can de l’Escale, il conserva dans cette cour ses manières républicaines.
Janin nous raconte dans sa préface qu’à travers ses occupations de chaque semaine et les feuilles qu’il jette au vent, il voulait, lui aussi, faire son volume et son livre, qu’il avait depuis dix ans sur le chantier son œuvre capitale, son canot de Robinson.
Il raconte qu’un jour le duc d’Orléans, régent, au sortir de l’Opéra, causant avec lui, s’était mis à lui faire un grand éloge de Rabelais : « Je le pris pour un prince de mauvaise compagnie, dit-il, qui avait le goût gâté.
On raconte que, présenté à la cour de France quatre années plus tard, et dans l’une des premières circonstances solennelles de sa négociation heureuse et honorée, il mit à dessein ce même habit de cérémonie, afin de le venger et de le laver en quelque sorte de l’insulte de M.
C’est une odyssée parfaitement authentique qui fait pendant à celle des papiers d’Aristote, que nous a racontée Stobée.
Le bien ou le mal que l’histoire en raconte lui donnoit envie depuis long-tems de connoître leur physionomie.
On verra plus loin comment Taine raconte lui-même avoir appris le style descriptif.
Zola ne fera jamais cette comparaison ni nulle autre, parce que lui-même ne s’intéresse pas assez aux histoires qu’il nous raconte, aux personnages qu’il prétend peindre, à cette réalité dont il se croit néanmoins l’interprète.
Il s’agit des amours de Condé, autre soldat impétueux qu’il admire en frère, et dont il vient de raconter la passion pour Mlle du Vigean.
Ainsi le rideau nous eût raconté, pendant les entr’actes, les origines de la comédie de Molière. […] Je n’ai pas besoin de vous raconter scène par scène Francillon, que tout le monde connaît aujourd’hui. […] Les mêmes faits y sont racontés cinq ou six fois, plus ou moins longuement, par des personnages différents. […] Le mieux est peut-être de vous raconter séparément les deux jolies pièces que M. […] Ce que ce livre lui raconte, c’est peut-être une très vieille histoire ; et pourtant il lui semble qu’il ne la connaissait pas.
L’immense majorité des poètes italiens nous raconte mélodieusement ses peines de cœur. […] C’est Buloz qui a raconté cela à M. […] Tout l’épisode Musset-Sand-Pagello est raconté dans cet esprit. […] « Son enfance, très heureuse, il l’aurait racontée dans un livre menteur, abominable. » Fort bien […] C’est leur histoire, entre autres choses, que raconte M.
C’est quand il raconte à distance les événements de son temps et de son règne qu’il est le moins croyable. […] En même temps que des cartes pour le grand dessein, il emporta en Amérique beaucoup de papier pour le raconter, et, à défaut du journal de l’homme qui le réalise, il écrira le journal de l’homme qui ne le réalise pas. […] « Pendant une nuit de ma détention au Luxembourg (1793) raconte Saint-Simon, Charlemagne m’est apparu et m’a dit : Depuis que le monde existe, aucune famille n’a joui de l’honneur de produire un héros et un philosophe de première ligne. […] Le poète n’émeut, ne veut émouvoir que par des corps individuels, vivants, par les êtres qu’il peint, l’anecdote qu’il raconte, la tragédie à laquelle il participe. […] La poésie de nos classiques l’a ignoré : elle l’a laissé confondu avec la fable, que d’ailleurs les Grecs en distinguaient mal, n’ayant qu’un mot pour les désigner tous deux : et le Socrate de Platon qui mettait les fables d’Ésope en vers dans sa prison, n’entend bien, dans les mythes du Phédon, raconter que des fables.
Les strophes de 1828 ont plus de justice et de pitié : elles n’accusent pas, elles racontent. […] Tantôt il emprunte à la Bible ou à l’Évangile le sujet d’un chant sacré ; tantôt il prélude sur le mode de la lyre grecque ; d’autres fois, c’est une chronique nationale qu’il pare de poésie, une anecdote qu’il raconte, une fantaisie d’imagination qui lui est venue au bord de la mer, à la vue d’une belle et gracieuse frégate. […] Le poète racontait, par exemple, qu’il lui était arrivé une fois de passer la nuit à veiller un mort et qu’il n’avait pas frissonné de se trouver, toute une nuit silencieuse et longue, seul auprès d’un cadavre, à voir une forme humaine se dessiner sous un linceul. […] Qu’on me permette d’en citer un passage, où je raconte ce qui m’a ramené à ces principes, après quelques divagations que la fatigue des études de collège et le premier sang de jeunesse m’avaient fait faire du côté des novateurs. […] Pourquoi craindrais-je de raconter comment mon retour aux doctrines classiques a eu toute la vivacité et toute la soudaineté d’une inspiration ?
Plutarque raconte qu’après la bataille de Platées les guerriers morts ayant été enterrés sur le lieu du combat, les Platéens s’étaient engagés à leur offrir chaque année le repas funèbre. […] Tite-Live raconte que le Sénat voulant extirper de Rome les Bacchanales, décréta la peine de mort contre ceux qui y avaient pris part. […] Les traditions des Hindous, des Grecs, des Étrusques, racontaient que les dieux avaient révélé aux hommes les lois sociales. […] Hérodote raconte par quelle supercherie les Spartiates dérobèrent les ossements d’Oreste403. […] Dans ces livres sacrés chaque page était contemporaine de l’événement qu’elle racontait.
Toutes les deux ont l’Espagne, — une Espagne de convention et d’opéra-comique, mais la même Espagne, — pour théâtre ou pour cadre ; toutes les deux sont des satires sociales ; toutes les deux nous racontent les aventures d’un même héros, je veux dire d’un laquais de bonne maison : vous avez reconnu le Gil Blas de Le Sage et le Figaro de Beaumarchais. […] À cet égard, je ne serais pas éloigné de croire que Rodogune est peut-être le chef-d’œuvre de Corneille ; son Héraclius même, plus obscur, plus difficile à suivre, n’est pas mieux intrigué ; et puisque la tradition raconte qu’il n’avait pas mis moins d’une année tout entière à disposer son sujet, il faut avouer que, sous ce rapport, le succès n’a pas trompé sa patience. […] » Et l’on raconte que Racine répondait en riant : « Qu’auraient dit nos petits-maîtres ! […] Mais autre preuve aussi de la difficulté de traiter la satire sociale au théâtre, puisque, tout inoffensif et anodin que nous semble aujourd’hui le Turcaret de Le Sage, — en comparaison de ce qu’il pouvait être, — cependant on raconte que les financiers offrirent à l’auteur jusqu’à cent mille livres s’il voulait retirer sa pièce ! […] C’est Mme de Tallard, chargée par Louis XV de faire à Samuel Bernard les honneurs de Versailles, qui nous raconte elle-même l’entrée du personnage dans son appartement : On annonce le duc d’Ayen, qui fait son entrée en poussant devant lui une figure incroyable ; tout le monde croit voir Turcaret ou le Bourgeois gentilhomme.
Et l’on raconte qu’il fait des vers latins, à ses moments perdus, pour se distraire. […] Et tout le poème qui raconte l’amour d’un pâtre pour la déesse Aurore est un chef-d’œuvre. […] En somme, il n’a guère fait, dans toute son œuvre, que se raconter lui-même. […] Le bateau, qui raconte son odyssée, c’est le poète lancé au hasard et sans boussole sur l’océan de la vie. […] Sous couleur de raconter la vie d’un musicien allemand, M.
Vous la connaissez et vous l’entendez me raconter naïvement son cœur. […] On aurait plus d’une anecdote curieuse à raconter à ce sujet.
Elle a sa place dans la seconde partie des Confessions, dans ce dixième livre où il raconte son installation et sa vie à Montmorency après sa sortie de l’Ermitage ; elle n’y est qu’à moitié travestie et défigurée ; le passage où il est question d’elle et de son mari est des plus piquants d’ailleurs, et l’on sent que Rousseau s’y égayé plus vivement qu’il ne le ferait s’il croyait avoir affaire à une ennemie masquée. […] Elle raconte cela avec beaucoup de naturel et une certaine simplicité fine, qui est son cachet : « J’imagine que c’est une chose agréable à Dieu que la soumission de l’esprit ; elle est plus difficile qu’un acte d’humilité.
Au fond, dit-elle, ce ne sont pas les événements qui importent ici ; c’est l’impression que les événements racontés produisent sur Arnolphe. […] Croyez-vous que nous eussions aussi bien vu cela, si le poète avait fait arriver sous nos yeux ce qu’il fait raconter ?
Seulement ce grand écrivain racontait ses griefs à l’univers, et M. de Maistre ne publiait ses amertumes que dans ses dépêches confidentielles à sa cour. […] Les amours de l’empereur Alexandre avec la belle princesse Maria-Antonia, que nous avons connue nous-mêmes sur le déclin encore rayonnant de sa beauté, sont racontés avec une légèreté qui étonne.
Weir dit que d’habitude il est de sept ou huit, mais qu’il peut monter jusqu’à seize ou dix-sept ; Robert Smith, un tisserand de Bathgate, m’a raconté qu’il y a quelques années, il trouva un de ces nids sur le bord d’un petit ruisseau, qui en contenait dix-sept ; et je tiens de James Baillie Esq., qu’en juin dernier, il en a retiré seize d’un autre qui était sur une sapinette. » Permettez-moi maintenant, et toujours à propos du troglodyte d’Europe, de vous présenter une petite scène dont je dois la description à l’obligeance de mon ami, M. […] Enfin le fugitif me raconta l’histoire dont voici la substance : Il y avait environ huit mois qu’un planteur des environs, ayant éprouvé quelques pertes, avait été obligé de vendre ses esclaves aux enchères.
Il n’a qu’à se raconter, il condamne la société, il venge la nature : il fait croire surtout à la possibilité de refaire l’homme naturel dans l’homme civil : il est possible, puisqu’il est. […] Lamartine n’a pas été plus impuissant à se raconter exactement que Rousseau ne l’est dans les Confessions.
Buffon conçoit le phénomène comme une supposition, mais il le raconte comme un spectacle dont il est témoin. […] C’est à cette lumière, si souvent voilée, mais qui ne cesse jamais de luire au fond de son âme, que Gil Blas juge sa vie à mesure qu’il la raconte.
Hérodote raconte que, plus tard, parmi les ossements du champ de bataille de Platée, on découvrit un squelette haut de cinq coudées, un crâne sans suture, et deux mâchoires dont les dents, toutes d’une pièce, ne formaient qu’un os. […] Firdousi raconte que Cambyse se fit construire un trône en bois de sandal, auquel il attela quatre aiglons affamés, sur la tête desquels des morceaux de viande étaient suspendus.
C’est au début la scène légère des agitations, des amourettes et des jeux de la nursery, puis cet incident étourdissant, le soir où Natacha hésitant entre ses prétendants, court se blottir dans le lit de sa mère au coucher et lui raconte joyeusement ses peines ; où encore la vie de mascarades, de veillées, de folles courses en traîneau, de chasses et d’innocentes intrigues tout l’hiver à Otradnoé ; la sympathie, le plaisant et réconfortant intérêt pour la joie de ces bonnes gens, seront profonds et bienfaisants. […] Que l’on rapproche ces actes d’un sérieux humain singulièrement profond et simple, de la bonté sénile du vieux Rostow, de l’infinie faiblesse de géant du prince Pierre, que l’on note que la scène la plus grave de La Guerre et la Paix est celle où le soldat Karalaïef raconte, dans l’obscurité puante d’une chambrée de prisonniers, l’histoire comme évangélique d’un marchand injustement condamné pour un assassinat, heureux de souffrir et pardonnant au scélérat qui le fait mourir au bagne, et l’on reconnaîtra que l’impression dernière de ce livre de batailles est religieuse, morale, pénétrée de bon vouloir et d’amour.
Daudet raconte les aventures de Tartarin de Tarascon. […] Mais cela ne saurait suffire qu’à l’assimiler de très loin à l’écrivain anglais, dont l’humeur se témoigne bien autrement dans tout ce qu’il raconte, et qui doit sans doute à cette communication constante de sa personne, à ses accès bruyants d’indignation, de bienveillance, de terreur, de gaieté, au caractère honnête de ses antipathies et de ses sympathies, la popularité étendue dont il jouit en France.
On raconte que M. de Grancey, gouverneur d’Argentan, voulant faire démolir une vieille tour ou beffroi qui renfermait l’horloge de la ville, l’échevin d’Houay résista au nom des bourgeois ; et, comme le gouverneur, étonné du feu qu’il y mettait, lui demandait : Qui êtes-vous ?
Pendant l’exécution le peuple disait : « Quand on fait quelque chose personnellement contre le Régent, il pardonne tout, mais quand on fait quelque chose contre nous, il n’entend point raillerie et nous rend justice. » Le Régent racontait ce mot à sa mère avec sensibilité et émotion, et elle en était heureuse.
Sous forme indirecte et à la troisième personne, il raconte sa propre vie en Angleterre, sa fuite ces jours-là loin des jardins publics, loin des promenades fréquentées, sa recherche des sentiers solitaires ; il nous initie aux plus humbles consolations de sa vie misérable, comme ferait un enfant du peuple, un Werther et un René des faubourgs2 : Lorsque la brune commence à confondre les objets, notre infortuné, dit-il, s’aventure hors de sa retraite, et, traversant en bâte les lieux fréquentés, il gagne quelque chemin solitaire où il puisse errer en liberté.
Dans son Histoire, d’Aubigné affecte de ne vouloir qu’exposer et raconter, et de ne point porter de jugements ; il s’impose la loi de ne donner louange ni blâme : il lui suffit de faire parler les choses.
Une circonstance heureuse, souvent racontée, vint servir à souhait Léopold à son début, ainsi que son ami Schnetz, qu’il ne faut point séparer de lui dans leur tentative courageuse.
Dangeau raconte simplement le fait en ces termes : « Vendredi, 3 juin 1689, à Versailles
On a raconté qu’étant à Dijon pendant la tenue des états, en août 1697, un soir, à un souper chez M. le duc, ce dernier se divertit à pousser Santeul de vin de Champagne, et de gaieté en gaieté il trouva plaisant de verser sa tabatière pleine de tabac d’Espagne dans un grand verre de vin, et de le faire boire à Santeul pour voir ce qui en arriverait.
Il y a un endroit du récit où le connétable de Luynes, qui était son allié (ayant épousé sa cousine), lui fait demander une conférence à une lieue de Montauban ; M. de Rohan se fie à lui et nous raconte les détails de l’entrevue ; il nous donne leurs deux discours, celui de Luynes et sa propre réponse.
C’est moi-même qui me suis trouvé chargé par Lamennais du manuscrit des Paroles d’un Croyant pour en procurer la publication, comme on disait autrefois, pour en surveiller l’impression ; je n’ai jamais raconté ces détails qui peuvent avoir leur intérêt, et dont plusieurs personnes existantes sont là encore pour attester, au besoin, l’exactitude.
On raconte que La Bruyère, encore inconnu, venait presque journellement s’asseoir dans la boutique d’un libraire de la rue Saint-Jacques, nommé Michallet, pour y feuilleter les nouveautés.
Elle l’a raconté elle-même dans une page de son livre des Considérations : « C’en est fait, s’écria-t-elle, de la liberté si Bonaparte triomphe, et de l’indépendance nationale s’il succombe. » M. de La Valette a également noté dans ses Mémoires cette rencontre de Mme de Staël, et avec quelques variantes.
Son panégyriste Le Beau a raconté comme une gentillesse qu’à une ou deux années de là, lorsqu’il fut nommé à un emploi d’inspecteur des fermes en Provence, il y eut à Marseille une grande attente à la nouvelle que le fils de Racine arrivait ; les dames surtout en espéraient beaucoup : dans leur curiosité, elles se rendirent en nombre dans une maison où il devait passer la soirée ; mais le désappointement fut extrême.
À genoux devant Molière et La Fontaine, il admire Athalie, goûte Bérénice, sait par cœur les chansons de Béranger, et raconte parfaitement nos plus nouveaux vaudevilles.
Il eut l’honneur, en juillet 1690, de recevoir et de régaler à son passage le roi Jacques détrôné et fugitif, qui avait pris sa route par Caen : il fut très-frappé de l’air indifférent, passif, de ce roi opiniâtre,« qui paraissait aussi insensible au mauvais état de ses affaires que si elles ne le regardaient point ; qui racontait ce qu’il en savait en riant et sans aucune altération. » Le roi Jacques se flattait à cette date, que « le peuple anglais était entièrement dans ses intérêts » ; et il imputait tout le mal au prince d’Orange et aux troupes étrangères que l’usurpateur avait fait passer en Angleterre.
. — Une autre fois encore, rencontrant M. de Marcellus : « Eh bien, lui dit-il, vous devez être content de la Quotidienne, il y a de l’esprit. » — « Oui, répond le benoit Marcellus en faisant la grimace, mais voyez-vous, mon cher ami, il y a toujours quelque chose de satanique dans l’esprit. » Michaud racontait cela sans avoir l’air d’y toucher et en se moquant. — Puisque j’y suis, j’achève de rassembler les traits qui le peignent.
Fournier pousse l’explication plus loin, et comme il serait singulier en effet qu’une simple femme d’esprit âgée, voulant remettre à sa place une jeunesse impertinente qui l’offense, lui parlât de charmes qui ne craignent pas les ravages du temps, et la menaçât de tenir en main l’idée qu’on pourra se faire un jour de sa beauté, de ses attraits si insolents à l’heure qu’il est et si superbes, l’interprète habile, qui n’est jamais en reste, a raconté, sur la foi de je ne sais quelle tradition, toute une historiette dont il n’indique pas la source.
Taine pourrait seul raconter tout ce que lui et ses amis trouvèrent moyen de faire tenir en ces trois ans.
L’on raconte qu’entrant dans la chambre où étaient sa femme et sa fille, il leur dit pour premier mot à toutes deux : « Mettons-nous à genoux et remercions Dieu. — Ah !
Le duc de Luynes, un très bon esprit et qui est fort à consulter à son sujet, nous raconte une conversation de lui qu’il tenait d’un tiers digne de foi.
Un ancien ministre et conseiller d’État d’un précédent régime, homme de beaucoup d’esprit et de beaucoup de littérature64, racontait agréablement ceci aux dépens d’un de ses collègues, meilleur administrateur que grammairien : « Du mot règle, disait-il, on a fait régler ; de régler, on a fait règlement ; dérèglement, on a fait réglementer… C’est déjà un peu fort, et dans les commissions on n’en fait pas d’autres ; mais on ne s’en est pas tenu là : de réglementer, on a fait réglementation… Passe encore ; mais un jour Ducos ne s’est-il pas avisé de vouloir faire de réglementation le verbe réglementationner !
Il fallait l’entendre raconter comment, retenu au lit pendant quarante jours par une jambe cassée, il revint à Rome juste à temps pour ne pas trouver sa femme remariée : ce n’est pas que sa douleur eût été inconsolable, si le second mariage avait rompu le premier ; car, libre alors, peut-être serait-il devenu cardinal, peut-être pape, qui sait ?
En même temps que les compliments au cardinal de Richelieu, au chancelier Séguier et à Louis XIV, s’en sont allés avec tant d’autres choses, le fond des discours s’est mieux dessiné : celui du récipiendaire est devenu plus simple (plus simple de fond, sinon de ton) ; après le compliment de début et la révérence d’usage, le nouvel élu n’a qu’à raconter et à louer son prédécesseur.
Comment l’homme peut-il se faire mieux connaître à l’homme que par cette dignité de manières, cette simplicité d’expressions, qui, transportées sur le théâtre ou racontées dans l’histoire, inspirent presque autant d’enthousiasme que les grandes actions ?
Car cette influence est tellement inséparable de l’influence générale de l’esprit français à l’étranger au xviiie siècle, que même elle s’y confond et qu’on ne peut la raconter sans faire l’histoire de celle-ci dont elle est un chapitre.
Surtout quand il raconte ses confrontations avec Mme Goëzman, une jolie petite sotte, étourdie, impudente, menteuse, frivole au point de ne pas se douter de l’importance morale de l’escroquerie qu’elle s’est permise, se fâchant dès que son adversaire lui rive son clou ou la force à se couper, soudain radoucie par un madrigal dont elle ne sent pas la secrète impertinence : ces scènes sont charmantes, et d’une irrésistible drôlerie.
Mais elle se lie trop intimement à notre histoire politique, et l’on ne pourrait exposer les facultés oratoires des Constituants, des Girondins, des Montagnards, sans raconter toute la Révolution.
Et c’est pourquoi, quand le quêteur d’exotisme et d’impressions rares s’arrêtera au pays de France, il ne pourra que nous raconter des idylles, plus poignantes sans doute, mais aussi peu compliquées que Paul et Virginie, Graziella ou même l’épisode de Nausicaa dans l’exquise Odyssée.
Nous y fûmes, raconte-t-il, par un soir d’octobre de 1883, et nous eûmes la chance de le trouver seul.
Une lettre du chevalier de Bouillon à Chaulieu (1711), dans laquelle le chevalier raconte en quel déplorable état bachique il a trouvé La Fare qu’il allait visiter, compléterait le tableau : « Si vous l’aimez, écrit le chevalier à Chaulieu, vous reviendrez incessamment voir s’il n’y a pas moyen d’y mettre quelque ordre.
Ils sont venus à nous en se donnant la main, l’oncle et le neveu ; celui-ci nous a raconté, dès notre enfance, la mort mémorable de l’autre.
Dans sa vieillesse, la complaisance même avec laquelle elle se mit à raconter et à décrire toutes ces puérilités romanesques, en ayant l’air d’en sourire, prouve au contraire qu’elle n’en fut jamais corrigée.
Guizot raconte dans sa préface comment, en 1820, sortant des affaires où il était entré en seconde ligne avec ses amis les doctrinaires d’alors, il crut devoir entreprendre d’expliquer dans son cours l’origine et les principes du gouvernement que lui et ses amis avaient essayé de pratiquer : même quand il fait de l’histoire, M.
Cette fille me racontait, cette nuit, que, lorsqu’elle avait tenté de se noyer, elle avait passé la nuit, toute la nuit, jusqu’à quatre heures du matin, à se promener au bord de la Gironde avec la tentation de rentrer à la maison, mais empêchée par la crainte d’une moquerie.
Qui raconte ces histoires ?
On voit le vieux petit volume, la reliure de parchemin, les événements racontés, tout le détail des cinq ou six cents pages.
Au point de vue littéraire, ces deux livres ne se ressemblent pas ; au point de vue moral, chacun d’eux raconte avec une franchise implacable une série de faits pris au vif de notre civilisation. […] Je me souviens pourtant de quelques pages où l’auteur du Roi de Bohême et ses Sept châteaux parle de son enfance, aux jours de la Révolution, et raconte avec une émotion admirable la mort de Pichegru. […] Soulié, beaucoup plus historien que Sue et possédant souvent le clair coup d’œil de Balzac, a fait un livre intitulé Les Confessions générales, où éclate un des drames les plus vivants qui se puissent raconter. […] Les soins de sa brillante carrière militaire ont laissé au général A. de Gondrecourt le temps de raconter au public de nombreuses et très intéressantes histoires. […] Injuste, parce que tous les romanciers qui méritent ce nom ont raconté un chapitre de l’histoire de l’Homme, la plus utile de toutes les histoires.
Et le cardinal de Retz : « Madame, quelque répugnance que je puisse avoir à vous donner l’histoire de ma vie, qui a été agitée de tant d’aventures différentes… » Et Montluc : « M’étant retiré chez moi en l’âge de soixante-quinze ans, pour trouver quelque repos après tant et tant de peines par moi souffertes… j’ai voulu employer le temps qui me reste à décrire les combats auxquels je me suis trouvé pendant cinquante-deux ans que j’ai commandé… » L’homme a d’abord agi, puis il se raconte. […] On nous raconte déjà que l’impression des thèses de médecine devient trop onéreuse pour le plus grand nombre des étudiants. […] Qu’il ait reçu le don du style avec le don médical, et qu’il se raconte simplement et sincèrement, — c’est le cas pour l’Âme du chirurgien, — nous aurons là un document unique, un témoignage sans analogue sur cette espèce mentale, — je ne trouve pas d’autre formule — que constituent les médecins-nés. […] Le premier nous raconte l’agonie d’une enfant de vingt ans, que l’on apporte mourante à l’hôpital. […] Aubert, qui avait été leur condisciple, raconter une scène annonciatrice de l’avenir des deux jeunes gens !
Pie VI, chassé de Rome, était censé rencontrer Louis XVIII, et l’un et l’autre se racontaient leurs malheurs ; mais ce n’était pas sans se dire beaucoup de vérités. […] Je la trouve toujours distinguée ; mais elle raconte une si grande quantité d’histoires de gens qui se sont tués pour elle, que sa conversation a l’air d’une gageure, et que, sans être précisément affectée, on ne se confie pas à son nature). […] Elle a raconté toutes ces tracasseries, et comment, après avoir éludé et tardé le plus longtemps possible, elle se décida, en quittant Paris, à partir pour l’Allemagne.
Il aimait à raconter qu’à la seconde année de ce séjour, se promenant avec Ducis, ils rencontrèrent Jean-Jacques, bien près alors de sa fin. […] Au retour dans sa famille, quand il racontait la soirée de tout à l’heure, sa conversation si nette, si pleine de verve, s’animait encore d’un plus vif éclat141. […] Fontanes raconta l’insinuation à une personne amie, qui lui dit : « Vous pourriez publier les vers sur les Embellissements de Paris ; ils sont faits, et l’éloge porte juste. » — « Oh ! […] En passant à Grenoble, il y reçut les autorités, et le Corps académique qui en faisait partie ; il dit à chacun son mot, et au recteur il parla de l’Université et du Grand-Maître : — « Mais, Sire, répondit le recteur, on a détruit votre ouvrage, on nous a enlevé M. de Fontanes » ; et il raconta l’ordonnance récente. — « Eh bien !
L’astre de Mme de Charrière n’a pas trop pâli durant tout ce premier séjour ; il lui écrit constamment, abondamment, et même de certains détails qu’il n’est pas absolument nécessaire de raconter à une femme. […] — On raconte qu’un jour, une nuit, peu de temps avant la publication de l’ouvrage, quelqu’un rencontrant Benjamin Constant dans une maison de jeu, lui demanda de quoi il s’occupait pour le moment : « Je ne m’occupe plus que de religion », répondit-il. […] Si vous me disiez ce qu’on vous a raconté, je pourrais vous éclairer ; mais, avec votre affectation de brièveté que vous croyez si majestueuse, je ne puis rien vous dire. […] Il s’agit de je ne sais quel travail dont il avait raconté le projet à Mme de Charrière : « Ce 7 juin (1792).
Victor Hugo raconté par un témoin de sa vie, vous y lirez que la famille Hugo remonte jusqu’au xvie siècle. […] Il a horreur de ce qu’il y a d’impudique, pourrait-on dire, dans cette façon d’aller faire les honneurs de soi-même à tout le monde, d’aller se raconter à tout venant, de se traîner sur la scène et d’y étaler ce qui devrait être le plus intime, ce qu’on devrait justement garder pour soi. […] Je vous ai montré l’autre fois que, au point de vue des idées et au point de vue de la sensibilité, on pouvait lui préférer d’autres écrivains ; mais Victor Hugo a justement les qualités qui font le poète épique, il a l’art de raconter, il a l’art de décrire ; il a cette espèce de sensibilité, en commun, et vous savez que le poète épique est non pas l’interprète de sa propre sensibilité, mais l’interprète de la sensibilité commune à toute une époque. […] Ce petit homme roux, aux pâleurs maladives, Était triste, faisant des affaires chétives Et, comme on dit, ayant grand-peine à vivoter ; Son histoire pouvait vite se raconter.
Il avait connu Louise Colet et son vieux galant le chevalier d’Arpentigny et racontait comment un jour, rentrant chez lui, il avait trouvé Baudelaire, sous son lit, en train d’étrangler le chat. […] Cette vie de Jean Moréas, on l’a racontée et, redite. […] On a raconté l’existence solitaire et nocturne de cet étrange Athénien de Paris, qui avait limité ses besoins et ne demandait comme prix à sa stoïque pauvreté que le droit au loisir. […] Il est bien évident que, parmi les rédacteurs de mémoires, les Retz et les Saint-Simon demeurent exceptionnels, mais il faut reconnaître aussi que le désir de se raconter et de raconter produit de curieux effets. […] Ma grand-mère m’a raconté que M. et Mme du Bard de Chasans s’étaient intéressés à l’éducation du petit Gaspard Monge, né, comme on sait, à Beaune, d’un père qui y était marchand.
Le jeune méridional qui raconte la Fée des Chimères, est honoré de vagues parents londoniens et du prénom de James. […] Elle nous raconte que certaines gens ont peur d’être enterrés vivants… après leur mort. […] Qu’est-ce que cette aventure qui arrive seulement parce qu’on me la raconte ? […] Son procédé ordinaire pour entasser de la copie est à la portée de toutes les intelligences : elle conte un petit événement ; puis elle cite en leur intégrité, coupés parfois de commentaires, les documents qui contiennent la même narration ; après quoi elle raconte une troisième fois. […] Ici nous sommes dans un labyrinthe anglais, qui m’irriterait un peu, si les phrases éloquentes du guide et l’histoire passionnée qu’il raconte laissaient le temps de remarquer l’artifice de l’architecture.
« Pendant la peste de Florence, dit-il, après la sieste de midi, les dames et les cavaliers, groupés en cercle sur la pelouse du jardin, se racontent tour à tour des histoires galantes. […] — Celui que vous avez lu l’autre jour à Sa Majesté. — Je répondis que j’avais l’honneur d’être le bouffon de Sa Majesté et que je ne pouvais aller travailler en ville sans sa permission, et je courus tout de suite lui raconter la chose. […] Mais quand une vie a été noble, un fidèle ami peut se croire autorisé à la raconter, même en dépit de celui qui n’est plus. […] « Je répondis, raconte M. de Loménie, que je ne voulais rien, mais que, puisque le ministre était si obligeant pour moi, je le priais de donner de l’avancement à un de mes anciens professeurs qui a vingt ans de services. […] VI Il y a mieux, mais il y a pis chez Mirabeau ; M. de Loménie, écrivant ses deux biographies, ressemble à une honnête femme qui raconterait la vie de deux grandes coquettes.
Que Duclos ait profité des mœurs qu’il observait de près, des histoires qui se racontaient autour de lui, qu’il ait été en ce sens le secrétaire du monde et du cercle particulier où il vivait, cela est possible et même certain ; mais on n’en peut rien conclure contre sa paternité réelle : il eût été à souhaiter seulement que, secrétaire aussi léger et aussi délicat que l’avait été Hamilton en son temps, il eût rencontré comme lui, pour lui fournir matière, des chevaliers de Grammont.
L’éclat en fut si public que Dangeau a forcé sa discrétion d’académicien jusqu’à raconter l’aventure ; il dit dans son journal, à la date du lundi 13 décembre 1694 : M. l’évêque de Noyon fut reçu à l’Académie : l’abbé de Caumartin répondit à sa harangue ; il (l’évêque) en fut content quand il l’entendit, et même il l’avait vue (cette réponse) et approuvée auparavant ; cependant on lui persuada depuis qu’il avait sujet de s’en plaindre, et il s’en plaignit au roi.
Une fois pourtant il lui réussit peu de vouloir faire le courtisan trop zélé, et il le confesse ou plutôt il le raconte bonnement : Pendant que j’étais intendant du Hainaut, il arriva qu’un homme d’Avesnes, qui avait été au sacre du roi à Reims se faire toucher par le roi pour les écrouelles qu’il avait bel et bien, cet homme, dis-je, se trouva absolument guéri trois mois après.
Mais en écrivant ce qui lui est arrivé, elle raconte ce qu’ont fait les autres, ce qu’ils ont dit et machiné ; elle les peint et elle les montre à nu dans leurs intriguesah, dans leurs vices, dans leur nature fantasque ou brutale, dans leur fonds de grossièreté épaisse et encore mal civilisée.
Taine a montré le même sujet de fable traité dans les trois manières, Le Renard et la panthère — par Ésope (genre didactique) —, puis par un des ysopets du Moyen Âge (genre enfantin), — et enfin Le Singe et le léopard de La Fontaine (genre de génie, et qui est la perfection) : Ce même sujet, dit-il, trois fois raconté, distingue les trois sortes de fables.
Voulez-vous une duchesse de Choiseul à Versailles, la femme du premier ministre, à sa toilette et dans toutes ses pompes, courtisée, entourée, excédée de soins et d’hommages, sans une minute à elle, et essayant de raconter à bâtons rompus sa matinée, sa journée envahie ?
On a raconté là-dessus mille histoires qu’on peut lire chez Saint-Simon, lequel en telle matière est prêt à renchérir toujours.
Ce seigneur raconta à Montaigne que ce changement lui était venu en un instant, un jour qu’il était chez lui plein d’ennui pour la mort d’un sien frère que le duc d’Albe avait fait mourir comme complice des comtes d’Egmont et de Homes : il tenait sa tête appuyée sur la main à cet endroit ; de façon que les assistants pensèrent, quand il eut retiré sa main, que c’était de la farine qui lui était tombée là par hasard.
Peut-on révoquer en doute un pareil témoignage d’un témoin oculaire qui n’a nui intérêt à mentir et qui raconte les choses si bonnement ?
Un médecin célèbre et bienveillant donnait en ce temps-là des déjeuners du dimanche : il était médecin du roi et, au sortir de ces déjeuners, il allait, tout plein d’anecdotes et muni des propos du jour, les raconter à son royal malade que cela amusait d’autant plus que les propos étaient plus gais et plus salés.
Il écrivit même pour lui des Réflexions sur l’Angleterre, et j’ai lu tout un chapitre où sont racontées d’une manière simple et encadrées dans un paysage bien anglais les funérailles modestes du roi Louis-Phi-lippe.
Un jour, les théâtres chômaient ; le courant dramatique était à sec ; il n’y avait pas à l’horizon, aussi loin que la longue-vue pouvait porter, la plus petite voile de vaudeville, pas un trois-mâts de mélodrame qui se laissât apercevoir ; Théophile Gautier s’en revenait de Neuilly par le bois de Boulogne, pensif, méditant son sujet de feuilleton, et tout résigné déjà à n’en pas faire : il entre au Jardin d’acclimatation, il visite l’Aquarium… son sujet est trouvé, et à peine arrivé au Moniteur, debout, sur le coin d’un bureau selon son habitude, il écrit de sa plus jolie écriture et au courant de la plume, sans rature aucune, ce feuilleton de l’Aquarium (9 décembre 1861) où tous les mystères sous-marins sont racontés, — un petit chef-d’œuvre de diction scientifique et descriptive.
On a souvent raconté l’anecdote suivante : on était en 1615 ; une ambassade française venait d’arriver à Madrid ; le cardinal-archevêque de Tolède rendait sa visite à l’ambassadeur ; dans la conversation qui s’engagea entre les gentilshommes français et les gens de la suite du Cardinal, il fut question des livres nouveaux, et le nom de Cervantes fut prononcé.
On raconte que Shelley, la première fois qu’il entendit réciter le poème de Christabel, à un certain passage magnifique et terrible, prit effroi et tout d’un coup s’évanouit.
« Je suis un peu embarrassée », dit Mme Roland lorsqu’elle en vient à cette histoire, « de ce que j’ai à raconter ici ; car je veux que mon écrit soit chaste, puisque ma personne n’a pas cessé de l’être, et pourtant ce que je dois dire ne l’est pas trop. » Et en finissant ce récit, de tout point fort circonstancié, elle ajoute : « L’impression de ce qui s’était passé demeura si forte chez moi que, même dans l’âge des lumières et de la raison, je ne me le rappelais qu’avec peine ; que je n’en ai jamais ouvert la bouche à une intime amie qui eut toute ma confiance ; que je l’ai constamment tu à mon mari, à qui je ne cèle pas grand’chose, et qu’il m’a fallu faire dans ce moment même autant d’efforts pour l’écrire que Rousseau en fit pour consigner l’histoire de son ruban volé, avec laquelle la mienne n’a pourtant pas de comparaison. » Je sais bien d’autres histoires des Confessions avec lesquelles celle-ci a plus de ressemblance qu’avec le ruban volé, et ce sont les plus laides ; il suffit, je ne les indiquerai pas avec plus de précision.
La plus noble forme que revêt la vocation des voyages est assurément celle qui réunit l’instinct et la science, qui pousse des hommes jeunes à aller chercher, loin des douceurs aisées de la patrie, les fatigues, les périls de tout genre, non uniquement pour changer et pour voir, et pour raconter ensuite au courant de la plume ce qu’ils ont vu en touristes et en amateurs, mais pour étudier, pour connaître à fond des contrées et des civilisations lointaines, pour les décrire avec rigueur, pour accroître ainsi sur quelques points nouveaux et compléter l’histoire de la planète que nous habitons.
Vialart, évêque de Châlons ; il les entendait raconter en dînant à l’archevêché, et lui-même au retour les rapportait à ses amis sans élever un seul doute.
Ils sont bien des hommes de la fin du xviiie siècle en cela ; mais ils sont tout à fait des artistes du xixe par les touches successives du tableau et les nuances à l’infini : « Se trouver, en hiver, dans un endroit ami, entre des murs familiers, au milieu de choses habituées au toucher distrait de vos doigts, sur un fauteuil fait à votre corps, dans la lumière voilée de la lampe, près de la chaleur apaisée d’une cheminée qui a brûlé tout le jour, et causer là à l’heure où l’esprit échappe au travail et se sauve de la journée ; causer avec des personnes sympathiques, avec des hommes, des femmes souriant à ce que vous dites ; se livrer et se détendre ; écouter et répondre ; donner son attention aux autres ou la leur prendre ; les confesser ou se raconter ; toucher à tout ce qu’atteint la parole ; s’amuser du jour, juger le journal, remuer le passé comme si l’on tisonnait l’histoire ; faire jaillir, au frottement de la contradiction adoucie d’un : Mon cher, l’étincelle, la flamme, ou le rire des mots ; laisser gaminer un paradoxe, jouer sa raison, courir sa cervelle ; regarder se mêler ou se séparer, sous la discussion, le courant des natures et des tempéraments ; voir ses paroles passer sur l’expression des visages, et surprendre le nez en l’air d’une faiseuse de tapisserie ; sentir son pouls s’élever comme sous une petite fièvre et l’animation légère d’un bien-être capiteux ; s’échapper de soi, s’abandonner, se répandre dans ce qu’on a de spirituel, de convaincu, de tendre, de caressant ou d’indigné ; jouir de cette communication électrique qui fait passer votre idée dans les idées qui vous écoutent ; jouir des sympathies qui paraissent s’enlacer à vos paroles et pressent vos pensées comme avec la chaleur d’une poignée de main : s’épanouir dans cette expansion de tous et devant cette ouverture du fond de chacun ; goûter ce plaisir enivrant de la fusion et de la mêlée des âmes, dans la communion des esprits : la conversation, — c’est un des meilleurs bonheurs de la vie, le seul peut-être qui la fasse tout à fait oublier, qui suspende le temps et les heures de la nuit avec son charme pur et passionnant.
» Son petit frère entre là-dessus, il a vu la noce, il s’écrie, il raconte. — « Quoi !
Ainsi, dans l’article sur Chapelain, on regrette qu’il n’ait pas connu une très-agréable conversation sur les vieux romans racontée et adressée par Chapelain au cardinal de Retz46, et qui vaut mieux que toute la Pucelle.
Sans s’interroger, ils se racontaient insensiblement leur vie jusque-là, et elle se rejoignait par mille points.
Hyeronimo, à qui j’avais fait la leçon, parce que la femme du bargello m’avait raconté cette coutume, accepta l’habit et le déposa sur son lit pour le revêtir le lendemain, et remercia bien les frères de la Sainte mort.
Je n’ai pas à raconter ici la querelle des anciens et des modernes : on en trouvera le détail dans l’ouvrage bien connu de Rigault, comme l’Histoire de la Critique de M.
Il raconte toutes les formes qu’ont prises dans l’humanité le rêve d’un idéal, la conception de la vie universelle, de ses causes et de ses fins : légendes indiennes, helléniques, bibliques, polynésiennes, scandinaves, celtiques, germaniques, chrétiennes, tous les dieux et toutes les croyances défilent devant nous et se caractérisent avec une étonnante précision.
Je regrette qu’après cela, pour nous montrer jusqu’à quel point le ministère sacré de la confession transfigure le représentant de Dieu, le Père Monsabré nous ait raconté l’histoire mélodramatique d’un prêtre confessant un mendiant et découvrant en lui l’assassin de son père et de sa mère.
Marc lui dit fort posément : « Je vous tiens ; je ne vous lâcherai pas comme cela ; attendons. » — Dans l’Amie, Germaine April, aimée de Maxime Rivols, raconte tout à sa femme, et celle-ci, de son côté, prévient le mari de Germaine, s’entend avec lui pour surveiller les deux autres ; et cette situation infiniment délicate, cet équilibre des plus instables se maintient pendant plus de cent pages.
(Croyez-vous cependant que nous ne nous intéresserions pas davantage au candidat Freydet, si l’éducation, la jeunesse, le passé de ce hobereau homme de lettres nous étaient racontés tout tranquillement, tout bellement, à la papa ?)
Le lecteur se demande pourquoi je lui raconte, généreux, deux mélos au lieu d’un.
La jeune fille vient de raconter à Maxime son enfance sans mère, et le caractère viril que lui a fait l’isolement où elle a vécu.
Je trouve, racontée au long, une de ces conversations, qu’il tint à Ancône pendant la première campagne d’Italie, et je la trouve là où l’on s’y attendrait le moins, dans les notes d’un poème (La Chute de Napoléon) publié par M.
Six semaines avant sa mort, dans une de ses visites pastorales, il avait versé en carrosse et failli périr ; il raconte cela bien agréablement : Une assez longue absence a retardé les réponses que je vous dois.
Ayant à raconter la campagne de 1679, où le Grand Électeur chassa, en plein hiver, les Suédois qui avaient envahi la Prusse, il dira : « La retraite des Suédois ressemblait à une déroute ; de seize mille qu’ils étaient, à peine trois mille retournèrent-ils en Livonie, ils étaient entrés en Prusse comme des Romains, ils en sortirent comme des Tartares. » Il a de ces mots qui résument tout un jugement sur les hommes et sur les nations.
Mme Du Deffand, qui est littérairement de la même école, a très bien rendu l’effet que font les lettres de Mme de Maintenon, et on ne saurait mieux les définir : Ses lettres sont réfléchies, dit-elle ; il y a beaucoup d’esprit, d’un style fort simple ; mais elles ne sont point animées, et il s’en faut beaucoup qu’elles soient aussi agréables que celles de Mme de Sévigné ; tout est passion, tout est en action dans celles de cette dernière : elle prend part à tout, tout l’affecte, tout l’intéresse ; Mme de Maintenon, tout au contraire, raconte les plus grands événements, où elle jouait un rôle, avec le plus parfait sang-froid ; on voit qu’elle n’aimait ni le roi, ni ses amis, ni ses parents, ni même sa place ; sans sentiment, sans imagination, elle ne se fait point d’illusions, elle connaît la valeur intrinsèque de toutes choses ; elle s’ennuie de la vie, et elle dit : « Il n’y a que la mort qui termine nettement les chagrins et les malheurs… » Il me reste de cette lecture beaucoup d’opinion de son esprit, peu d’estime de son cœur, et nul goût pour sa personne ; mais, je le dis, je persiste à ne la pas croire fausse.
La pièce principale, Primel et Nola, est assez difficile à raconter, tant elle est simple !
Les misères et les incidents de ce voyage à travers des provinces fidèles, que Mme des Ursins apprécie mieux qu’elle n’avait fait jusque-là, sont racontés avec enjouement.
On a raconté aussi que plus tard, dans un séjour de Louis XIV à Fontainebleau, le roi ayant blâmé un bois qui masquait la vue, la même scène se renouvela avec quelque variante : peu de jours après l’observation du roi, d’Antin, alors directeur des Bâtiments, avait préparé avec art son coup de théâtre : il avait fait scier tous les arbres près de la racine ; des cordes étaient attachées aux troncs, et toute une armée de bûcherons invisibles attendait en silence.
Mais Alfred paraît ; c’est à l’Opéra que Léonie l’aperçoit d’abord ; il y est fort occupé auprès d’une élégante, Mme de Rosbel ; ou plutôt, tandis que la foule des adorateurs s’agitait autour de la coquette, qui se mettait en frais pour eux tous, Alfred, plus tranquille, « lui parlait peu, ne la regardait jamais, et l’écoutait avec l’air de ne point approuver ce qu’elle disait, ou d’en rire avec ironie » : Cette espèce de gaieté (c’est Léonie qui raconte) contrastait si bien avec les airs doucereux et flatteurs des courtisans de Mme de Rosbel, que personne ne se serait trompé sur le genre d’intimité qui existait entre elle et M. de Nelfort.
On racontait alors de Beaumarchais et de sa vie intérieure mille singularités vraies ou fausses, mais qui visaient au scandale ou au ridicule : celle-ci, par exemple, qui est assez piquante, et que je donne pour ce qu’elle vaut : Beaumarchais a une pantoufle en or clouée sur son bureau, c’est celle de sa maîtresse ; avant de travailler, il la baise, et cela l’inspire. — Il embrasse tout et se croit propre à tout.
Je laisse parler le témoin même qui raconte : Bernardin de Saint-Pierre était à la Malmaison chez Mme Lecoulteux du Moley ; il s’y montrait aussi peu aimable que l’abbé Delille l’était aisément ; il disait des choses désagréables aux femmes et sur les femmes.
Qui a su mieux peindre les situations, enchaîner les événements, perdre et retrouver d’une façon plus naturelle un si grand nombre de personnages, et, par une transition de deux vers, remettre son lecteur au fait de la suite d’une longue histoire racontée dans les chants précédents ?
On raconte que le libraire qui se chargea de la première publication, et qui était un libraire de Lyon, y eut tant de bénéfice, qu’il crut devoir faire exprès le voyage d’Annecy pour offrir en don à l’auteur une somme de quatre cents écus d’or.
Nul, maintenant qu’Émile Augier est mort, ne tentera plus de raconter les douleurs, les joies, les défaillances, les passions et les préjugés d’une classe, d’une caste qui disparaîtra un jour dans l’affairement compliqué, le fracas et l’instabilité de nos sociétés modernes.
Il ne raconte pas une action, il la met sous les yeux ; il veut plus qu’émouvoir et plaire, il aspire à faire illusion.
Quand il met la main à l’histoire, ce n’est que pour la raconter.
C’est Henri de Latouche, l’auteur de Fragoletta, qui nous a raconté dans ses œuvres l’histoire de ces yeux étonnants, et cette histoire est belle comme un poème, — un poème au fond duquel il y a des larmes… Latouche dit qu’elle était très triste, cette jeune fille qui répondait : Napoléon Empereur à tous les sentiments de la vie !
En creusant cette notion si pleine et si profonde, impossible de ne pas toujours dégager l’une ou de raconter l’autre, quand on ne fait pas tous les deux ; car, de rigueur et en tout, l’invisible donnant le visible, je ne sache comment on pourrait toucher à l’histoire de l’Église sans toucher au principe par lequel elle est, par conséquent sans faire de la philosophie, — et comment toucher à son principe, qui est sa philosophie, sans faire de l’histoire, qui prouve les principes par les faits !
Cet aïeul du réalisme étudiait donc la province principalement dans sa très riche imagination et dans les histoires qu’on lui racontait.
On raconte que sur un des bateaux qui transportaient les émigrants, les moins favorisés firent, avant de débarquer, leurs conditions aux autres, et exigèrent, pour la société qu’ils allaient fonder ensemble, un régime d’égalité.
À ce sujet les contemporains racontent une anecdote que voici : Un matin, en 1811, M.
Au retour, quand on les priait de raconter leur voyage, ils n’osaient, par amour-propre, avouer qu’ils s’étaient salis et froissés en pure perte, et confesser qu’ils étaient descendus dans une basse-fosse bien bouchée pour y mieux distinguer les objets. « Oh !
Supposez qu’un physiologiste chargé de décrire l’estomac s’amuse à raconter les différents états de la puissance digestive et des capacités motrices, sécrétives, innervatrices, au lieu de remarquer que l’organe est une poche en forme de cornemuse, formée par quatre tuniques, munie de trois sortes de glandes, aboutissant d’un côté au cardia et de l’autre au pylore, animée par des rameaux du nerf pneumogastrique et du plexus solaire ; non-seulement il aura fait des barbarismes, mais il n’aura rien dit.
L’orateur raconte qu’un des Hébreux captifs aux bords de l’Euphrate, voulant adoucir l’ennui de ses malheurs, fait préparer un repas dans sa cabane, et envoie son fils inviter quelques-uns de leurs frères pour se réunir et se consoler ensemble.
Ne me pardonnera-t-on pas, si j’ai cru que cela valait mieux que de raconter une fois de plus l’histoire de sa vie ou de chercher dans son œuvre la trace, assez difficile à saisir, de son éducation et surtout de sa race ? […] Nous avions assez d’apologies d’Hugo, sans compter celle qu’il a dictée lui-même dans son Victor Hugo raconté par un témoin de sa vie. […] Qu’il nous pardonne après cela si nous avons trouvé que la littérature n’y tenait pas assez de place, et qu’au contraire de ce que nous attendions, les œuvres n’y servaient que de prétexte à raconter l’histoire de la vie d’Hugo ! […] Renan d’avoir si longuement raconté « l’histoire d’un malheureux peuple, qui fut sanguinaire sans être guerrier, usurier sans être commerçant, brigand sans pouvoir conserver ses rapines ». […] Vous ne vous attendez pas, messieurs, que je vous raconte, à ce propos, l’histoire du Journal des Débats, et encore moins celle de la presse française depuis plus de cent ans.
Une fois, Barbey d’Aurevilly racontait qu’il avait connu dans sa jeunesse l’abbé de la Croix-Jugan (le héros de l’Ensorcelée). […] La grandeur théâtrale des faits, le tragique et le pompeux de l’époque, les mots à la Plutarque, le mépris contagieux de la mort, la vie intense et furieuse… tout cela me montait au cerveau comme un vin brutal… Pour rendre la Révolution haïssable aux jeunes âmes, c’est bien de la flétrir, mais il ne faudrait pas la raconter. […] Au commencement de chacune de ses lettres, Flaubert raconte qu’il vient d’écrire en huit jours deux pages de la Bovary, et cela, en passant les nuits, et avec des efforts de damné, suant, geignant, se décarcassant, et parfois « tombant de fatigue sur son divan, y restant hébété dans un marais intérieur d’ennui ». […] Je ne sais ; mais soyez sûre que, le soir, ils ont tous raconté qu’ils avaient vu le shah de Perse et que, ce matin, ils croient l’avoir vu. […] L’aimable homme y a mis une préface touchante, où il nous raconte un des grands chagrins de sa vie.
Mme Verdurin, en ce moment, il n’y en a que pour moi, je suis un amour, elle m’embrasse, elle veut que je fasse des courses avec elle, elle veut que je la tutoie. » Loin de voir alors dans cette phrase un rapport quelconque avec les absurdes propos destinés à simuler le vice que lui avait racontés Odette, il l’avait accueillie comme la preuve d’une chaleureuse amitié. […] Oui, décidément, cette descente de son escalier que je vous racontais tout à l’heure m’apparaît de plus en plus symbolique. […] Reynaldo Hahn, dans le numéro d’hommage, a raconté une anecdote très significative qui montre combien, dans la pratique, il était fidèle à ce devoir : Le jour de mon arrivée, nous allâmes ensemble nous promener dans le jardin. […] Combien de gens ont raconté leur enfance, ont travaillé à nous émouvoir par le récit de leurs émotions passées, ou par des descriptions détaillées du milieu où ils ont grandi ! […] Le on remplace insensiblement le il et le mouvement de généralisation est si profond, si intime, se confond si bien avec la phrase qu’à ce moment-là en effet nous ne pensons plus seulement à Swann, mais nous faisons instinctivement l’application à nous-mêmes de tout ce que Proust nous raconte qui se passe en lui.
Qu’il nous soit seulement permis à cette occasion de raconter un fait qu’une circonstance récente vient de rajeunir. […] Laissons La Grange nous raconter les causes et les soucis de ce déplacement. […] Les biographes de La Fontaine rapportent le désappointement tout semblable d’un amphitryon du fabuliste, et l’abbé de Villiers raconte qu’un de ses amis s’était trouvé durant plus de six mois à la même table que l’auteur de Cinna sans s’apercevoir que le Corneille son convive fût le Corneille dont il admirait les ouvrages. […] La Grange-Chancel raconte avoir entendu des amis de Racine assurer que, pressé par le temps, il emprunta, sans presque y rien changer, deux récits à l’Antigone de Rotrou. […] Boileau a raconté plus d’une fois cette folie de sa jeunesse.
Dans un endroit où il raconte qu’il y eut deux ou trois de ses légions qui furent quelque temps en désordre, combattant contre celles de Pompée : On croit, dit-il, que c’étoit fait de César, si Pompée eût su vaincre. […] « Il m’ordonna de me reposer, et monta dans l’appartement de madame pour lui raconter cette aventure.
Que serait-ce si j’entrais dans le détail, si je décrivais la poëtesse proposée en prix, « avec ses yeux de bœuf et ses mamelles de vache », si je racontais les sauts des poëtes qui barbottent dans Fleet-Ditch, le plus ignoble égout de la ville, si je traduisais jusqu’au bout les vers extraordinaires où « les nymphes de la fange, charmées de la mine du plongeur l’attirent sur leur cœur, où la jeune Lutetia plus douce que le duvet, Nigrina la noire, et… se disputent son amour dans les palais de jais de leurs bas-fonds1118. » Il faut s’arrêter ; il y a tel passage, par exemple la chute de Curl, que Swift seul eût semblé capable d’écrire ; encore on l’excuserait dans Swift ; l’extrémité du désespoir, la rage de la misanthropie, le voisinage de la folie ont pu le porter à de tels excès. […] et pourtant, par gageure sans doute, il a raconté dans la Boucle de cheveux une partie d’hombre ; on la suit, on l’entend, on reconnaît les costumes, « les quatre rois, majestés révérées, avec leurs favoris blancs et leurs barbes fourchues, les quatre belles dames dont les mains portent une fleur, emblème expressif de leur aimable puissance, les quatre valets en robes retroussées, troupe fidèle, une toque sur la tête, une hallebarde à la main, puis les quatre armées bigarrées, brillant cortége, rangées en bataille sur la plaine de velours vert1123. » On voit les atouts, les coupes, les levées, puis un instant après le café, la porcelaine, les cuillers, l’esprit de feu (entendez l’alcool) ; ce sont déjà les procédés et les périphrases de Delille.
— Quel diable m’a poussé à raconter ça ! quand je raconte cela, je ne peux plus m’arrêter, c’est fini.
Swift racontait l’histoire d’un duc qui, jouant à un jeu de hasard, entassait devant lui des monceaux d’or, et tout entier au jeu, n’apercevait pas derrière lui un voleur qui, passant la main sous son bras, faisait tomber l’or dans son chapeau. […] L’astrologue Bickerstaff, qui, en 1708, prédisait comme « une bagatelle51 » la mort de son rival Partridge, et soutenait, au point d’embarrasser le vivant lui-même, que sa prédiction s’était accomplie ; le valet-secrétaire de Prior, qui, en 1713, racontait avec tant de naturel le voyage de Prior en France et ses entretiens avec Madame de Maintenon52 ; le drapier, enfin, qui voulait échanger marchandises contre marchandises et qui n’eût pas voulu de Wood pour garçon de boutique : tous ces êtres imaginaires, si vivants et si réels, le cèdent encore au parfait naturel et à la véracité ingénue de Gulliver.
» On raconte qu’un jour, dans les altercations de la fin, elle lui reprocha aigrement de l’avoir tiré de la poussière, et qu’il répondit avec dignité en faisant allusion à sa naissance : « Madame, on ne tire jamais un comte de Lyon de la poussière. » Quoi qu’il en soit, Bernis n’avait aucun ascendant ni sur le roi ni sur Mme de Pompadour.
Je ne finirais pas si je voulais raconter tout le bien qu’elle fit aux classes dans ces temps heureux.
Sa vie a été très bien racontée par un de ses parents et amis, M.
On lui en avait donné un auquel il avait pris plaisir, et, quand on le sut, il lui en vint de plusieurs côtés : J’entrepris, a-t-il raconté dans un agréable récit, d’élever trois des levrauts qu’on m’avait apportés, et pour les distinguer ici, je vous dirai les noms que je leur avais donnés, Puss, Tiney et Bess.
Et il racontait les choses telles qu’elles s’étaient véritablement passées.
La question des prétendus mémoires de la marquise de Créqui vaut pourtant la peine d’être traitée avec quelque détail, à cause du grand succès de vogue qu’ils ont obtenu et qu’ils méritaient en partie par beaucoup d’anecdotes piquantes sur l’ancien régime et d’historiettes joliment racontées : je n’en veux ici qu’à leur authenticité et à leur crédit, nullement à l’espèce de bonne grâce de leur commérage de salon.
Il n’y a que lui pour raconter de cet air-là les batailles perdues.
D’Olivet, dans le morceau fort estimable qu’il a écrit pour continuer celui de Pellisson, raconte simplement et strictement les faits essentiels, mais il est sobre d’agrément.
Mais il y a mieux : un voyageur instruit et digne d’estime, Dutens, qui était allé à Véretz chez le duc et la duchesse d’Aiguillon, et qui, lorsqu’il était à Paris, était de la société du prince de Conti et du Temple, a raconté le fait pour en avoir été informé par des personnes de la maison : « Le jeune prince, dit-il, avait alors de treize à quatorze ans et montrait beaucoup d’inclination pour la chasse ; il avait enfin obtenu qu’il aurait un fusil, avec lequel il se préparait au coup d’essai qu’il devait faire le lendemain.
Elle lui dit : « Qu’elle avait écrit, il est vrai, qu’il fallait se roidir contre l’opinion publique, mais non pas contre celle de ses parents ; que, d’après ce qu’on lui avait raconté, la demoiselle qu’il recherchait n’ajouterait par sa famille aucun lustre à la sienne, mais au contraire qu’elle ne lui apporterait aucune fortune et le mettrait dans la dépendance ; qu’elle regardait bien toutes ces distinctions de famille à Genève comme très-ridicules et de fort peu de poids ; mais que cependant elles en acquéraient davantage lorsque l’alliance que l’on contractait pouvait ouvrir ou fermer la porte de la meilleure compagnie et faire tourner la balance ; qu’il devait considérer la nature de son attachement et la personne qu’il aimait ; que si elle était telle qu’il crût réellement impossible de la remplacer, pour l’esprit et le caractère, par une autre qui lui fût égale, alors cette considération pouvait devenir la plus puissante de toutes ; mais, que s’il n’avait pas ce sentiment, il fallait peser toutes les autres convenances. » « J’ai répondu, poursuit Sismondi, que je jugeais en amant et que je ne pouvais éviter de voir cet accord parfait. — Elle a répliqué qu’un homme d’esprit, de quelque passion qu’il fût animé, conservait encore un sens interne qui jugeait sa conduite ; que toutes les fois qu’elle avait aimé, elle avait senti en elle deux êtres dont l’un se moquait de l’autre. — J’ai ri, mais j’ai senti que cela était vrai… » C’est là de la bonne foi, et c’est cette entière bonne foi, cette disposition naïve, italienne ou allemande comme on voudra l’appeler, mais à coup sûr peu française, qui, jointe à un grand sens et aux meilleurs sentiments, est faite pour charmer dans le Journal et dans la correspondance de Sismondi. — Et comment finit le roman d’amour ?
Brantôme, qui raconte le fait, se demande si toutes ces adresses et subtilités dont le maréchal de Matignon savait si bien se servir, et qui lui avaient fait une réputation à part d’homme habile autant qu’heureux, ne venaient point de quelque démon ou esprit familier qu’il avait à son service, comme le bruit en courait parmi le peuple.
Condé ne devait pas raconter autrement Rocroi.
Comment, dans un autre genre, vous raconter Romieu, le pâle et sérieux visage qui faisait tant rire ?
On raconte que ceux qui arrivèrent à Genève y entrèrent en chantant d’une voix grave un psaume des Hébreux fugitifs, traduit par Théodore de Bèze : Faut-il, grand Dieu, que nous soyons épars !
Il racontait régulièrement deux fois de suite la même anecdote qu’on savait d’ailleurs, et il ne faisait entre ces première et deuxième narrations que frapper de deux doigts bien secs sur une table, en disant : C’est joli, je ne sais pas si on en sent toute la finesse.
» Puis il raconta à Jomini toute la bataille de Tala-vera44. » Ici se produit un fait grave dans la carrière de Jomini, et dont on n’a pas l’explication tout entière.
Gresset, à même de choisir, préféra ainsi le bonheur sûr à l’éclat hasardeux ; mais le bonheur trouve son prix en lui-même, et il n’est guère intéressant à raconter.
Dans cette voie si périlleuse de la biographie contemporaine, il a su éviter les écueils de plus d’un genre, et atteindre le but qu’il s’était proposé : de la loyauté, de l’indépendance, aucune passion dénigrante, de bonnes informations, la vie publique racontée avec intelligence et avec bon sens, la vie privée touchée avec tact, ce sont là des mérites dont il a eu l’occasion de faire preuve bien des fois en les appliquant à une si grande variété de noms célèbres tant en France qu’à l’étranger ; cela compense ce que sa manière laisse à désirer peut-être au point de vue purement littéraire, et ce qui doit manquer aussi à ses jugements en qualité originale, car l’étendue même de son cadre lui impose un éclectisme mitigé.
La seconde renferme des lettres du gouverneur du jeune lord à la mère de Cécile, dans lesquelles il raconte son histoire romanesque et celle de la belle Caliste.
On vous dit dans ces sortes d’ouvrages, sous la forme de l’invention, ce qu’on ne vous raconterait jamais sous celle de l’histoire.
Il faut, quand on parle d’un marchand, nommer, comme La Fontaine, « les facteurs, les associés, les ballots, le fret », raconter la vente « du tabac, du sucre, de la porcelaine et de la cannelle. » Si vous voulez peindre un singe qui dissipe le trésor de son maître et fait des ricochets avec des louis, ne dites pas simplement qu’il jette l’argent par la fenêtre ; donnez le détail de cet argent ; appelez chaque pièce par son titre ; amoncelez les « pistoles, les doublons, les jacobus, les ducatons, les nobles à la rose » ; nous nous rappellerons l’effigie et l’exergue, et, au lieu de comprendre, nous verrons.
Paul Bourget est sans doute poète et romancier, mais est peut-être avant tout un critique — et non pas un critique qui juge et qui raconte, mais un critique qui comprend et qui sent, qui s’est particulièrement appliqué à se représenter des états d’âme, à les faire siens.
La légende raconte que le cadavre du Cid, marchant en cuirasse et à cheval au milieu de ses vieux compagnons d’armes, remportait encore des victoires.
C’est dans la Théogonie qu’il est raconté ; mais sa place serait plutôt dans les Travaux et les Jours, ce poème de sueur et de peine, dont chaque vers semble creuser un sillon.
Il raconte en termes simples et véridiques ses impressions premières et sa situation d’esprit à son arrivée à Versailles : Ma position personnelle dans ces premiers moments, dit-il, ne ressemblait à celle d’aucun autre : trop jeune pour concevoir l’idée de diriger une Assemblée aussi imposante, cette situation faisait aussi la sécurité de tous ceux qui prétendaient à devenir chefs ; nul ne voyait en moi un rival, et chacun pouvait y apercevoir un élève ou un sectateur utile.
» Et il raconte cette fameuse histoire de la dent d’or qui était poussée à un enfant de Silésie en 1593.
Toutes ces circonstances de la vie de M. de Bonald sont racontées avec simplicité, et avec un sentiment très vif de religion domestique, dans une Notice écrite par l’un de ses fils, M.
On dit que le soir, faute d’avoir de quoi acheter une lumière, il lisait à la lueur des charbons embrasés : on a raconté la même chose du jeune Drouot, lisant, enfant, près du four de son père.
Cependant, il entre dans les annales du temps de conserver avec les résolutions les motifs qui les ont déterminées, et le combat d’opinions au milieu duquel elles ont flotté… Les faits seuls racontés exactement, placés avec ordre, dégagés des longueurs inséparables de l’éloquence parlée, voilà ce que l’histoire consultera un jour, ce qu’attend le public et ce que nous lui devons.
Lorsque Saint-Simon, de son côté, nous peint les délices et le chatouillement qu’il éprouve à pouvoir observer les visages et les physionomies de la Cour dans les grandes circonstances qui mettent les passions et les intentions secrètes à nu, il ne s’exprime pas avec un sentiment plus vif de délectation que Retz nous rendant sa jouissance à l’idée de se saisir du rôle tant souhaité : on en pourrait conclure que l’un était dans son centre comme observateur, et l’autre comme agitateur, artistes tous deux en leur sens, et consolés après tout par leur imagination, quand il leur est donné de raconter leur plaisir passé et de le décrire.
Mais depuis que j’ai eu à examiner de plus près les récits qui le concernent, et à le suivre lui-même dans les pages qu’il a laissées, il m’a semblé que la méthode pour l’expliquer et le présenter sous le meilleur jour à tous était simple, et qu’il suffisait de raconter et d’exposer.
Lainé racontait que, lorsqu’il avait obtenu de la famille Secondat de faire des recherches dans les papiers de Montesquieu, il avait trouvé dans le secrétaire, que personne n’avait ouvert depuis la mort du grand écrivain, une masse de brouillons de tous ses billets doux.
Les circonstances de sa fin et les obsessions qui la signalèrent ont été souvent racontées.
» C’était du moins ainsi que Rousseau se plaisait à raconter la chose en s’en vantant.
Je pris mon livre des Évangiles et je le lui donnai. » Certes, le geste est protestant, mais la manière dont elle raconte qu’elle le fit, l’est-elle ?
Lui qui vivait si fort dans le bouillonnement des faits contemporains, il les a racontés comme s’il avait été à soixante ans d’eux, avec la fermeté dépensée., la possession de soi et la portée de l’homme d’État… Un jour, Napoléon, de la hauteur méprisante de son esprit impérial, découvrit le journaliste dans Tacite, malgré l’immortel préjuge de sa gloire d’historien, Eh bien !
Pour ma part, j’ai fait mon service militaire, comme tous les jeunes gens que je connaissais, sans grand plaisir ni enthousiasme, et ne pensais à la guerre que lorsque mon père me racontait sa campagne de 1870.
malheur à moi, de raconter le premier tant de maux !
Renan a raconté dans ses Souvenirs, non sans charme, sa première rencontre avec l’éditeur auquel il est resté fidèle. […] Il dit expressément dans sa préface : « Il faut que la vie de Jésus soit racontée suivant les exigences de l’histoire. […] Edmond de Goncourt raconte qu’il trouva un jour dans la maisonnette de la rue de Longchamp la jeune Judith qui sculptait l’Angélique d’Ingres dans un navet. […] On raconte qu’à Rome, le 18 avril 1485, des ouvriers lombards, qui creusaient la terre sur la voie Appienne, découvrirent un tombeau de marbre blanc. […] On raconte qu’un jour, dans une ville dont j’ai oublié le nom, tandis que Julien, nouvellement revêtu de la pourpre, traversait les rues au milieu des acclamations du peuple, une vieille femme aveugle, levant le bras vers le jeune César, s’était écriée d’une voix prophétique : « Voilà celui qui rétablira les temples des dieux !
Cette histoire a été racontée en détail par notre très regretté ami Hippolyte Rigault ; nous la résumerons peut-être quelque jour, quand nous commencerons l’histoire du Romantisme, qui n’est autre qu’une nouvelle phase de la même question. […] On raconte que, dans un théâtre d’Italie, au moment où l’acteur faisait le récit d’une bataille, quelques spectateurs crièrent qu’on levât la toile du fond et qu’on leur fit voir la bataille elle-même. […] On a dit avec esprit que le grand Condé ne devait pas raconter autrement la bataille de Rocroi. […] Il me paraît donc indispensable de raconter cette bataille, d’en expliquer les divers incidents. […] On raconte que, dans ses moments de sagesse, se méfiant de lui-même et de sa prodigalité, s’il recevait de l’argent des comédiens, il allait le répandre dans son grenier derrière les fagots.
Loti restent des chefs-d’œuvre, comme ses livres de voyage se sont vite fanés … Les vrais voyageurs sont ceux-là seuls qui partent Pour partir, qui voient pour voir, qui racontent pour raconter. […] Mais pourquoi ce pèlerinage classique lui fut-il, non quand il le raconta (c’est, au point de vue de la forme, un des chefs-d’œuvre d’aujourd’hui), mais quand il le fit, son dernier devoir d’écolier ? […] Au contraire, le roman, l’histoire, le théâtre, racontent avec les mots, utilisent les mots pour un effet humain, pour un effet tel que le renseignement qu’ils nous apportent a par lui-même une valeur d’art. […] Savez-vous à qui il vient raconter cela ? […] Renan nous raconte dans ses Souvenirs qu’il a écrit ce morceau sur l’Acropole lors de sa visite à Athènes.
Si je désire une eau d’Europe, c’est la flache Noire et froide où, vers le crépuscule embaumé, Un enfant accroupi, plein de tristesse, lâche Un bateau frêle comme un papillon de mai…5 Toute cette fin du Bateau ivre préfigure les dernières années de Rimbaud comme le reste du poème raconte d’avance sa vie… Il existe, chez certains hommes d’exception, un instinct très net de ce que sera, selon la puissance formidable et sans règles qu’ils sentent en eux, leur existence à venir. […] Elle va d’un train de foudre et, grâce aux images prodiguées, accumulées — je les ai soulignées — images dont pas une n’est inutile, elle nous évoque en une trentaine de vers une mêlée qu’un prosateur eût mis trois pages au moins à nous raconter… Je ne sais si M. […] Gregh chantent à mi-voix et racontent volontiers des souvenirs d’enfance quasi éteints et très exquis. […] Rien de plus difficile que de raconter des enfants. […] C’est elle qui chante aux Védas et au Ramayana ; c’est elle qui chante en Grèce ; c’est elle qui tenta déjà de chanter chez nous et qui fut toujours étouffée par cette morne religion qu’enfanta le sombre génie sémitique ; c’est elle qui ressuscite aujourd’hui et qui chantera triomphalement demain… Plutôt que de s’astreindre un traité où ses propositions se fussent déduites en théorèmes, M. de Bouhélier nous raconte sa vie intérieure.
Sainte-Beuve a si finement racontée. […] On devinait sa supériorité : un Italien, raconte son biographe Gwinner, l’aborda un jour dans la rue en lui disant : « Monsieur, vous devez avoir fait quelque chose de grand, je ne sais pas quoi, mais je le devine à votre regard. » Mais cette supériorité inquiétait, comme si elle avait quelque chose de malsain. […] Mais ce sont là des cas exceptionnels : le plus souvent, il ne reste pas même impassible, il semble mépriser ou haïr les êtres qu’il a pourtant créés et dont il raconte avec une âpreté de satirique les turpitudes et les infamies. […] D’après cette conception, l’écrivain est un moraliste actif : sa tâche est de démontrer aux hommes, par les histoires qu’il raconte, par les personnages qu’il crée, par les maximes qu’il sème dans ses livres, qu’il faut faire le bien et fuir le mal. […] N’est-ce pas pour en répandre le goût qu’il a raconté, avec quelle émotion contenue et d’autant plus communicative, l’histoire du pauvre colporteur qui se fait condamner pour sauver une mère innocente ?
Les autres historiens nous racontent des faits pour nous apprendre des faits. […] Il raconte, et puis quoi encore ? Il raconte. Raconte donc, puisque c’est ta manie de raconter ; jette au moule tes phrases l’une après l’autre, comme le fondeur y a jeté, comme le compositeur a arrangé les lettres de ton discours. […] Ces trois premières lettres se rattachent à la brouille qui éclata entre Diderot et Rousseau, à propos du Fils naturel, et qui est racontée en détail dans le neuvième livre des Confessions, où l’on trouve des fragments des deux premières.
Sa pratique, d’ailleurs, avait aussi ses excès : « Le grand abus de la médecine, disait-il, vient de la pluralité des remèdes inutiles, et de ce que la saignée a été négligée. » Cette saignée, Gui Patin en usait et en abusait, si ce qu’on raconte est vrai.
Montaigne, dans une lettre à son père, a raconté en détail les principales circonstances de cette mort à la fois stoïque et chrétienne : surtout il nous a tracé, dans son chapitre sur l’amitié, un admirable portrait de sa liaison avec celui qu’il appelait presque dès le premier jour du nom de frère.
» L’abbé ne se paye pas de ces mots d’école et de ce galimatias ; le poème épique, selon lui, sans tant de façons, c’est tout uniment celui dans lequel le poète raconte l’action, de même que tout poème dans lequel les personnages parlent et agissent est plus ou moins du genre dramatique.
On raconte que plusieurs personnes moururent de douleur à la nouvelle de cette mort, et l’on cite des noms.
Il a raconté lui-même toutes ces vicissitudes de sa vie première avec bonhomie et ingénuité.
Il me racontait un jour, comme il aimait à le faire en se parlant à lui-même dans une sorte de monologue, toute sa première vie et ses débuts ; qu’étant jeune avocat à Paris, reçu d’abord dans quelques maisons de l’île Saint-Louis, il se retira vite de ce monde secondaire de robins et de procureurs, dont le ton l’avait suffoqué.
« Un soir que nous parlions à Gavarni de ses légendes, racontent MM. de Goncourt, et que nous lui demandions comment elles lui venaient : « Toutes seules, nous dit-il ; j’attaque ma pierre sans penser ‘a la légende, et ce sont mes personnages qui me la disent… Quelquefois ils me demandent du temps… En voilà qui ne m’ont pas encore parlé… » Et il nous montrait les retardataires, des pierres lithographiques adossées au mur, la tête en bas. » Ces mots décisifs, ces paroles stridentes qui ouvrent des jours soudains sur une action, sur un ordre habituel de sentiments, et qui sont comme des sillons de lumière à travers la nature humaine, font de Gavarni un littérateur, un observateur qui rentre, autrement encore que par le crayon, dans la famille des maîtres moralistes.
Dans la pièce espagnole, scène correspondante, Diègue raconte que, voyant son ennemi étendu sans vie, il a porté la main à sa blessure et a lavé (à la lettre) avec le sang la place du soufflet sur sa joue ; et il arrive la joue encore teinte de ce sang.
On raconte que Catinat le soir, s’étant endormi sous une tente improvisée, se trouva au réveil entouré de tous ces drapeaux que les soldats avaient plantés en manière de trophée pour décorer son triomphe.
Or, en mourant, en redevenant de plus en plus un chrétien fidèle et contrit à ses dernières heures, en offrant à Dieu le sacrifice de tout, il eut pourtant un dernier regret, une tentation suprême, et cette tentation, comme il l’appelait en effet, est d’un ordre trop élevé et trop épuré, d’une qualité trop subtile, elle fait trop d’honneur et à lui et à notre littérature en particulier, pour ne pas être connue et racontée, si singulière qu’elle nous puisse paraître.
. — Et pour en finir avec toutes ces prêcheries vertueuses sur Mme Favart et avec ceux qui seraient tentés de les renouveler, je mettrai ici la page de M. de Lauraguais, que peu de gens iraient chercher ailleurs et qui sent à pleine gorge son xviiie siècle : il ne songe qu’à donner une preuve de la confusion d’idées de l’abbé de Voisenon, à la fois libertin indévot, scandaleux, et avec cela scrupuleux sur un seul point qui était de ne pas manquer à dire son bréviaire ; or voici ce dont M. de Lauraguais fut témoin comme bien d’autres et ce qu’il raconte : « Personne n’ignore que Favart, sa femme et l’abbé de Voisenon vivaient en famille, et furent pères de Gertrude, de l’Anglais à Bordeaux, sans compter d’autres enfants.
On racontait, en effet, que M.
L’écrivain nous y raconte ce qu’il appelle son château en Espagne, son rêve à la façon d’Horace, de Jean-Jacques et de Bernardin de Saint-Pierre : une maisonnette couverte en tuiles, avec la façade blanche et les contrevents verts, la source auprès, et au-dessus le bois de quelques arpents, et paulum silvæ.
Cet épisode intéressant de l’histoire litttéraire de la Restauration se trouve raconté dans le livre de M.
Elles étaient fort sommaires, je le crois ; mais elles ne laissaient pas de devoir occuper à la longue une étendue fort respectable, si elles tenaient tout ce qu’on a depuis raconté des premiers siècles.
Tel qui se pose en critique fringant et de grand ton, en juge irréfragable de la fine fleur de poésie, se serait élevé pour toute littérature (car celui-là eût été littérateur, je le crois bien) à raconter dans le Mercure galant ce qui se serait dit en voyage au dessert des princes.
Si quelque intérêt s’attache aujourd’hui pour nous à cette négociation, il tient tout entier, on le conçoit, à la façon dont le négociateur nous la raconte, et au jeu subtil des mobiles qu’il nous fait toucher.
« On raconte que le 7 thermidor, la veille du jour où Robespierre attendait l’arrivée de Saint-Just, et où il avait résolu de jouer sa vie contre la restauration de la république, il alla une dernière fois passer la journée entière à l’Ermitage de Jean-Jacques Rousseau, au bord de la forêt de Montmorency.
Dans sa fin, comme dans sa vie, presque tout ce qu’on raconte est légendaire : il n’y a de réel que son courage et son dévouement en face du danger.Édition : Viollet-le-Duc, 5 vol. in-8, 1820-22. — A consulter : Jarry,Essai sur les œuvres dramatiques de Jean Rotrou, in-8, 1868.
., etc. »« Je défie tous les membres de la société bourgeoise, qu’ils soient riches ou pauvres, qu’ils soient capitalistes ou prolétaires, de raconter leur histoire économiques, leurs stratagèmes et leur tactique financière publiquement sans rougir » (p. 484).
Ils la racontent ou la décrivent.
La chose dite ou racontée est donc plus sérieuse que la chose qui est ?
Quand vient à mourir un prince, une princesse, un homme de haut parage, on tapisse une église de tentures superbes ; on dresse au milieu de la nef un catafalque qui cache l’autel ; on expose des tableaux qui racontent les hauts faits du personnage et de sa famille ; on construit des estrades où s’entassent marquises, duchesses et grands seigneurs ; on fait en un mot de la cérémonie funéraire une pompe théâtrale capable d’effacer les plus belles décorations des ballets royaux.
Restée seule avec sa soeur Julie, Philiberte lui raconte comme quoi elle vient de se découvrir un attrait, un charme, la possibilité d’être aimée ; puis les paroles du chevalier reviennent à sa mémoire, et elle s’étonne de rougir si tard de cette impudence.
Il arrive enfin, ce héros errant : tout à l’heure il faisait une conférence à la Société de géographie ; il la refait dans le salon de M. de Prévenquières, et raconte son odyssée dans le pays Noir.
Fontaine, le même que nous citions il n’y a qu’un instant, et qui était un grand géomètre, mais un assez mauvais homme, avait remarqué les premiers travaux analytiques de Condorcet et avait pu craindre de voir s’élever en lui un rival : « J’ai cru un moment qu’il valait mieux que moi, disait-il, j’en étais jaloux ; mais il m’a rassuré depuis. » C’est Condorcet lui-même qui raconte agréablement cette anecdote dans l’éloge de Fontaine, et avec bon goût cette fois.
Il avait dès longtemps cessé de l’aimer ; mais quand elle lui avait prouvé qu’elle pouvait s’arracher à lui et lui en préférer un autre, cet autre ne fût-il que Dieu seul, elle l’avait entièrement détaché et aliéné d’elle ; il ne le lui avait point pardonné : « Elle m’a souvent dit, raconte Madame, mère du Régent, que si le roi venait dans son couvent, elle refuserait de le voir et se cacherait de manière qu’il ne la trouverait point.
Il raconte ce qui s’est passé aux États généraux avant la réunion des ordres, et il suit ce récit à mesure que les événements se développent.
Quand il s’arrête sous les marronniers au dernier acte, et qu’au lieu de songer tout simplement à ne pas être comme Sganarelle, il se met à se tourner vers le parterre, et à lui raconter sa vie en drapant la société et en satirisant toutes choses, il est pédant, il y a un commencement de clubiste en lui ; il n’est pas loin de celui qui montera le premier sur une chaise au jardin du Palais-Royal et qui fera également un discours en plein vent et à tout propos.
Une lettre qu’il écrivit dans ce train d’idées au président, lui valut une réponse qui restera mémorable dans l’histoire de sa vie, et qu’il faut mettre à côté de la noble lettre que le grand Haller lui adressa un jour pour faire cesser les manèges et les intrigues où il essayait de l’immiscer : Souvenez-vous, monsieur, lui disait de Brosses, des avis prudents que je vous ai ci-devant donnés en conversation, lorsqu’en me racontât les traverses de votre vie, vous ajoutâtes que vous étiez d’un caractère naturellement insolent.
Ce qui entre par l’oeil, au contraire, ne peut sortir par les lèvres qu’après un travail original de transposition ; raconter ce qu’on a vu, c’est analyser une image, opération complexe et laborieuse ; dire ce que l’on a entendu, c’est répéter des sons, peut-être comme un mur.
Zola, avec Balzac, voit avec raison dans le roman une épopée sociale : « Les œuvres écrites sont des expressions sociales, pas davantage ; la Grèce héroïque écrit des épopées ; la France du dix-neuvième siècle écrit des romans. » Le roman, dit Guyau, raconte et analyse des actions dans leurs rapports avec le caractère qui les a produites et avec le milieu social ou naturel où elles se manifestent.
L’histoire ne nous fournit sur les mobiles, sur les paroles des personnages qu’elle raconte, que des indications incertaines, fondées sur des relations de témoins toujours inexacts, incomplets, altérant inconsciemment ou non la vérité, et rendant mystérieuses et brouillées les plus grandes figures du passé.
Desmazis cadet, qui accompagnait Bonaparte, étant son camarade de chambrée et devant occuper un des deux lits, le vit prendre un crayon, c’est Desmazis qui a raconté le fait, et dessiner au-dessous des inscriptions qu’il venait de lire une vague ébauche figurant sa maison d’Ajaccio, puis, à côté de cette maison, sans se douter qu’il rapprochait de l’île de Corse une autre île mystérieuse alors cachée dans le profond avenir, il écrivit la dernière des quatre sentences : Tout finit sous six pieds de terre.
Amas d’épithètes, mauvaises louanges : ce sont les faits qui louent, et la manière de les raconter.
Il n’était plus question pour le Critique ni de juger ni de classer, mais de raconter les aventures de sa sensibilité à travers les livres.
Les moralités qu’on trouve dans Homère sont presque toujours indépendantes de l’action céleste ; c’est une simple réflexion que le poète fait sur l’événement qu’il raconte, ou la catastrophe qu’il décrit.
André Salmon raconte la première rencontre d’Apollinaire et André Germain : le directeur du Double bouquet exprimant le vœu de rencontrer des écrivains pouvant collaborer à la revue dont Pierre Benoit est alors le rédacteur en chef, il charge ce dernier d’organiser un dîner littéraire.
Le psalmiste a dit : Les cieux racontent la gloire de Dieu, et le firmament annonce l’ouvrage de ses mains : voyez comment un de nos plus grands poètes a défiguré cette pensée sublime en voulant l’étendre et l’orner.
Les cieux racontent la gloire de leur auteur : tous les êtres disent qu’ils sont l’ouvrage d’une main toute-puissante.
Il laisse cela au terrible Dante, qui a besoin de nous raconter les infortunes de la Pia ou comment les Françoise de Rimini succombent, pour nous intéresser à son fabuleux enfer.
La plupart des anecdotes racontées sur elle par Du Camp paraissent d’ailleurs suspectes. […] L’année suivante, elle-même raconta dans Une histoire de soldat sa dernière visite à Croisset. […] Cette robe aux plis droits cachait un cœur bouleversé, et ces lèvres si pudiques n’en racontaient pas les tourments. […] Les pages qui le montrent parmi ses richesses lui donnent un peu artificiellement son apparence de Carthaginois avide, mais en dehors de cela c’est le général antique raconté par un historien, en style d’historien, Lysandre ou Marcellus. […] Un cœur simple raconte l’histoire quotidienne dans laquelle nous vivons et qui pour cela ne se laisse pas saisir comme histoire.
Raconter l’histoire de la littérature française de la manière que s’est proposé de le faire M. […] La critique vaut l’histoire ; en jugeant les écrits, elle raconte, explique, devine et développe les ambitions déçues et les besoins rassasiés d’un siècle. […] Renan juge les idées, on dirait qu’il raconte l’âge des chimères après qu’il est fini. […] Quoi qu’il raconte, c’est le repoussant qui surnage. […] Était-il possible à un ecclésiastique qui avait déjà plus qu’atteint l’âge des pensées sérieuses, de raconter légèrement une telle histoire et de la raconter honnêtement ?
Tel est ce morceau sur l’orateur Crassus, son modèle et son maître, dont il raconte la mort en descendant de la tribune, mort sur le champ de triomphe, semblable à celle du plus grand des orateurs modernes, lord Chatham, le père de Pitt : « C’est alors que Crassus, poussé à bout, dit-on, par le consul qui l’accusait, parla ainsi, comme un dieu : “Penses-tu que je te traiterai en consul, quand tu ne me traites pas en consulaire ? […] Après avoir raconté toute l’histoire des écoles, des sectes, des philosophies grecque et romaine, il combat énergiquement le scepticisme ou la philosophie du doute, et il le combat par le plus beau des arguments : la conscience et la vertu.
« Quand j’aurai chanté en moi-même et pour quelques âmes musicales comme la mienne, qui évaporent ainsi le trop-plein de leur calice avant l’heure des grands soleils, je passerai ma plume rêveuse à d’autres plus jeunes et plus véritablement doués que moi ; je chercherai dans les événements passés ou contemporains un sujet d’histoire, le plus vaste, le plus philosophique, le plus dramatique, le plus tragique de tous les sujets que je pourrai trouver dans le temps, et j’écrirai en prose, plus solide et plus usuelle, cette histoire, dans le style qui se rapprochera le plus, selon mes forces, du style métallique, nerveux, profond, pittoresque, palpitant de sensibilité, plein de sens, éclatant d’images, palpable de relief, sobre mais chaud de couleurs, jamais déclamatoire et toujours pensé ; autant dire, si je le peux, dans le style de Tacite ; de Tacite, ce philosophe, ce poète, ce sculpteur, ce peintre, cet homme d’État des historiens, homme plus grand que l’homme, toujours au niveau de ce qu’il raconte, toujours supérieur à ce qu’il juge, porte-voix de la Providence qui n’affaiblit pas l’accent de la conscience dont il est l’organe, qui ne laisse aucune vertu au-dessus de son admiration, aucun forfait au-dessous de sa colère ; Tacite, le grand justicier du monde romain, qui supplée seul la vengeance des dieux, quand cette justice dort ! […] J’ai raconté (voir le Conseiller du peuple), dans une réponse aux ignares calomnies de M.
Il rentre confondu à la pension, raconte ses désastres à Vautrin, qui le raille et qui tâche de le pervertir. […] » On retrouve dans cette épître la plupart des circonstances racontées par sa sœur dans le commencement de cet entretien.
À un moment, il raconte « la plus forte émotion de sa vie ». […] Lorsque dans la chambre de Bobette, au petit jour, Costard raconte à son amie dans quelles circonstances il a « pincé » sa femme, et que, durant dix minutes, charmée par ce récit, Bobette, en chemise de nuit, fait des sauts de carpe parmi le désordre des draps et des couvertures, ce tableau d’extrême intimité nous effarerait peut-être un peu, si nous ne nous souvenions que nous sommes à Guignol et que nous assistons aux ébats de deux marionnettes.
Tout cela est raconté dans un petit livre intitulé L’heureux Esclave, qui est le récit d’un séjour aux côtes Barbaresques par un sieur de la Martinière, qui avait été pris par les corsaires de Salé. […] Je lis dans le récit d’un touriste qui raconte une excursion à Venise en automobile : « Admirable pont métallique… Il a bien un kilomètre de long.
Les ruines d’une maison incendiée n’en racontent pas le sort plus clairement, que les montagnes d’Écosse et de Galles, avec leurs flancs striés, leurs surfaces polies, leurs blocs perchés, ne témoignent de la présence des glaciers qui ont autrefois comblé leurs vallées. […] Haast et Hector, que, dans la Nouvelle-Zélande, les anciens glaciers sont autrefois descendus beaucoup au-dessous de leur niveau actuel, et les plantes identiques, qu’on trouve en cette île sur des montagnes très éloignées les unes des autres, racontent la même histoire.
L’un compose des créatures à l’état neuf et virginal, — Adam et Eve ; — mais l’autre secoue des haillons devant nos yeux et nous raconte les souffrances humaines. […] Je le hais parce qu’il est né coiffé 20, et que l’art est pour lui chose claire et facile. — Mais il vous raconte votre gloire, et c’est la grande affaire. — Eh ! […] Car les héros de l’Iliade ne vont qu’à votre cheville, ô Vautrin, ô Rastignac, ô Birotteau, — et vous, ô Fontanarès, qui n’avez pas osé raconter au public vos douleurs sous le frac funèbre et convulsionné que nous endossons tous ; — et vous, ô Honoré de Balzac, vous le plus héroïque, le plus singulier, le plus romantique et le plus poétique parmi tous les personnages que vous avez tirés de votre sein !
Il laisse cela au terrible Dante qui a besoin de nous raconter les infortunes de la Pia, ou comment les Françoise de Rimini succombent, pour nous intéresser à son fabuleux enfer. […] C’était plaisir d’entendre Auguste Vacquerie, avec sa longue tête chevaline et ses yeux matois, raconter cette anecdote qui allait bien un peu contre lui et son athéisme. Et il avait une manière si calme de raconter, un peu dans sa barbe sans cesse caressée, que cette manière en devenait d’un drôle tout particulier.
Il n’y a pas étude plus profitable à la culture du goût et à la culture philosophique elle-même, si du moins cette étude se fait au moyen de rapprochements précis et serrés entre les travaux et les techniques des divers arts, et non pas sous la vaine forme de ces effusions esthétiques, comme nous rien avons vu que trop, ou quelque habitué du musée ou du concert nous confie dans un style mou, des émotions qui valaient la peine d’être éprouvées, mais non d’être racontées. […] Au tome premier de la Gaule poétique, Marchangy raconte l’installation de la colonie phocéenne à Marseille. […] Cette aimable femme, qui n’avait pas appris à lire, me racontait l’histoire des Quatre fils Aymon. […] On racontait qu’un client qui, à la fin du mois, s’était spontanément approché du trône nain de la tante Rose pour lui demander sa note, s’était attiré cette réplique : « Hé quoi !
Molière raconte au roi toutes ses mésaventures. […] Mais de toutes les batailles que livra Molière, je ne vous raconte pas la plus terrible. […] Voilà pourtant à quelles misères descendait la noblesse pauvre, et quelles misères Molière osait raconter à la cour même de Louis XIV ! […] Pour moi, je n’assiste jamais à une représentation du Misanthrope sans me figurer que j’entends Molière lui-même nous raconter les secrets les plus intimes et les plus douloureux de sa vie.
Il raconte au même endroit une petite anecdote domestique. […] Voici comment il raconte ceux de Vespasien, § LXXXI, liv. […] » Le fait que je vais raconter, je le tiens d’un missionnaire de Cayenne, témoin oculaire. […] C’est dans cette Consolation à Helvia, si je ne me trompe, qu’il raconte que, dans la foule des citoyens qui gémissaient sur le sort d’Aristide, que l’on conduisait au supplice, il y eut un impudent qui lui cracha au visage. […] On n’écrit pas la vie d’un philosophe pour raconter des faits ; et quelle est celle de ses réflexions qu’on eût désiré que l’auteur supprimât ?
Anatole France s’avisât de raconter des histoires. […] Cherbuliez nous a donné encore un de ces jolis « romans romanesques » qui sont absolument dans la tradition française et qui rappellent si bien, par la conception et la composition, les romans de George Sand, encore que, pour ce qui est de la manière de raconter, ils n’en aient pas toujours la divine aisance et le délicieux naturel. […] Et donc, ce n’est pas elle qui raconte une âme et qui l’analyse ; ce sont les faits seuls qui analysent et qui racontent, tous bien choisis, tous significatifs, en progression naturelle, et si instructifs par eux-mêmes qu’ils n’ont pas besoin des explications et commentaires de l’auteur. […] Il l’a racontée, comme un autre, pour être consciencieux. […] Il raconte où il l’a vu, quand il l’a vu, comment il a été épouvanté, comment il est revenu au galop, croyant sentir sur sa nuque le souffle de l’animal.
La tradition raconte, on le sait, que Molière, accueilli, dans Héraclius peut-être, ou dans une tragédie de sa façon, par les huées et les sifflets du public limousin, en aurait conservé cette joyeuse rancune qui, plus tard, lui souffla Monsieur de Pourceaugnac. […] Lorsque, après la lecture d’Alexandre, on raconte qu’il déclara, parmi beaucoup de louanges, que l’auteur n’était pas « propre à la poésie dramatique », Corneille était sincère, absolument sincère. […] De nombreux auteurs ont pris assez inutilement la peine de nous raconter les premières équipées de l’enfant de famille, ses premières amours avec la demoiselle Olympe Dunoyer, ses premiers vers, pour « un invalide » ou pour sa tabatière confisquée par le P. […] La Harpe, si j’en crois une anecdote que raconte Chateaubriand, dînant chez les ministres, quand le menu ne lui convient pas, commande à voix haute une omelette philosophique. […] Qui s’amuserait maintenant à écrire des Éloges de Fénelon, ou des Panégyriques de saint Louis, mais surtout à raconter les Aventures du chevalier de Faublas ?
Imaginez la bataille racontée par le simple soldat : voilà l’origine des pires difficultés que rencontre la critique historique18. […] Il faudrait le fixer dans l’attitude indulgente et doucement souriante où nous le montre une anecdote racontée par Bernis, qui fut l’un de ses protégés. […] Sainte-Beuve l’a racontée dans les Causeries du lundi, mais Sainte-Beuve n’a ni tout dit ni même tout su. […] Il a raconté les amours de ce faiseur de Contes moraux avec Mlle Verrière ? […] On ne les aimait guère, à ce qu’il raconte ; cependant on les écoutait tout de même.
Lassay raconte au long cette tracasserie ; il s’en plaignit à Mme de Maintenon brouillée alors avec Mme de La Fayette, et en laquelle il cherchera désormais un appui en cour et une patronne en toute circonstance.
Nous n’avons pas tout à fait fini de Mathieu Marais, de son Journal et des anecdotes qu’il y raconte.
Cette année, Messieurs, l’Académie n’a pas d’action d’éclat à célébrer et à couronner ; elle a mieux, si j’ose dire : elle a des existences, des vies tout entières dévouées au bien à récompenser et à raconter devant vous.
— Il racontait que, sous la Restauration, étant allé un soir assister chez le vicomte Sosthène de La Rochefoucauld à je ne sais quelle séance de ce qu’on appelait la Congrégation, il y avait entendu tant de sottises qu’il n’y put tenir, et en sortant il fut pris d’un fou rire à se tenir les côtes, tellement qu’il avait dû s’asseoir sur un do ces bancs de pierre comme il y en avait alors dans le faubourg Saint-Germain à la porte des hôtels, jusqu’il ce qu’il eût fini de rire tout son soûl.
En rentrant, il me raconta ce qu’il venait de voir et ajouta : « Si j’étais Béranger, je ferais de cela une chanson. » Par ce seul mot, Victor Hugo définissait merveilleusement, sans y songer, le petit drame, le cadre indispensable que Béranger anime : qu’on se rappelle Louis XI et l’Orage.
« Ceux qui les virent ont raconté qu’une grande tristesse était dans leur cœur ; l’angoisse soulevait leur poitrine, et comme fatigués du travail de vivre, levant les yeux au ciel, ils pleuraient.
Un magistrat m’a raconté qu’ayant dû faire arrêter une femme mariée qui s’enfuyait avec un amant, il n’en avait pu rien tirer à l’interrogatoire que des pages de Balzac qu’elle lui récitait tout entières.
On raconte que tout alla très-bien pour l’abbé d’Aubignac, ce grand critique constituant, ce législateur prépondérant du théâtre, jusqu’à ce qu’il eùt composé sa Zénobie en prose sur les règles qu’il avait prescrites aux auteurs.
Faugère put répondre : « Non, te n’est pas aux yeux qu’est la fatigue, c’est au cerveau. » Je n’ai point dessein de raconter ici par le menu le plan d’une édition dont chacun va demain se pourvoir : dans le premier volume, M.
M hiers, indépendamment de son Éloge de Vauvenargues, dont nous avons raconté les vicissitudes piquantes et le succès75, remportait à Aix un autre prix sur l’Éloquence judiciaire, et M ignet était couronné à Nîmes pour l’Éloge de Charles VII ; mais son vrai début allait le porter sur un théâtre plus apparent.
De saint Basile, à qui Ulysse abordant à l’île des Phéariens représentait la vertu toute nue, auguste et vénérable dans cette nudité même, de Fulgentius Planciades, à qui l’Enéide racontait les voyages de l’âme chrétienne, de Prudence, qui faisait battre les vertus et les vices dans sa Psychomachie de Martianus Capella, qui mariait en justes noces Mercure et la philologie, l’allégorie passa aux clercs scolastiques qui en firent leur instrument favori d’interprétation et de recherche, l’explication allégorique d’un texte fut légitime et nécessaire ainsi que l’explication littérale, et même au-dessus d’elle.
La Rochefoucauld La vie de La Rochefoucauld peut se résumer en deux mots : une période d’action furieuse, où l’amour, l’ambition, la passion de jouer un rôle, ne lui attirent que déconvenues, désastres, ruine de ses affaires et de son corps ; une période de méditation amère, lorsque, infirme et vieilli avant l’âge, il se remet en mémoire ce que lui ont valu ses hautes aspirations, lorsqu’il raconte les faits auxquels il a pris part, dans ses Mémoires, et en tire la philosophie, dans ses Maximes.
Ferdinand Fabre 103 Voici un solitaire dans la littérature d’aujourd’hui, un homme qui n’est pas de Paris, qui vient d’un pays perdu, un montagnard robuste et sérieux, un sauvage à l’imagination puissante qui ne raconte pas les histoires de tout le monde, qui écrit avec labeur et conviction des livres drus, imparfaits et beaux, et d’une saveur si forte que peu de personnes les goûtent du premier coup.
Le second… Me croirez-vous si je vous dis que c’est la même chose, et que chacune des « sept cordes de la lyre » rend sensiblement le même son Cela commence, toutefois, par une série de pièces moins impersonnelles, où le poète nous dit sa vie, se raconte plus familièrement, se confie à ses amis Tu me dis que j’ai changé, écrit-il à l’un d’eux, Non, je n’ai pas changé ; je veux, toujours le peuple grand et les hommes libres, et je rêve un avenir meilleur pour la femme.
Griffin sont la preuve que cette expansion, d’ailleurs limitée chez lui, peut s’allier à de la distinction ; mais je présume que le poète de Tel qu’en songe la redoute pour lui-même — et chez d’autres, non sans raison, la hait comme un acte d’impudeur : qu’il y voit un peu le débordant tumulte du commis-voyageur qui se raconte à tout venant.
Il faut comprendre dans ce mot la science des rapports de l’homme avec Dieu dans la religion, de l’homme avec son semblable dans la société chrétienne ; l’étude des sources mêmes de cette science, les livres saints, pénétrés par le plus subtil des docteurs, et interprétés par le plus clair des écrivains ; tant d’explications si hautes de la parole de Dieu, de ses prophètes, de la doctrine des Pères ; toute l’antiquité chrétienne rendue familière à tout le monde, dans son histoire que Calvin raconte avec un détail plein d’intérêt, dans sa morale dont il sonde la profondeur ; enfin, la suite de l’histoire de l’Église, d’après les autorités, toujours bien connues, lors même qu’elles sont interprétées faussement ; et toutes ces critiques, souvent éloquentes, toujours vives et précises, des abus de l’Église d’alors, que Calvin étale sans charité, mais qu’il sait exagérer sans déclamation.
Je n’empêche pas qu’un autre n’analyse longuement les dépêches et qu’il n’entrecoupe le récit par des extraits ; — mais alors il fait une histoire diplomatique ; — qu’il ne s’étende sur les dissensions intérieures de la Hollande et sur la fin tragique des De Witt ; mais c’est entreprendre sur l’histoire de la Hollande ; — qu’il ne raconte au long les combats qui en si peu de jours mettent la Hollande aux abois, et la forcent à se noyer pour se sauver ; — mais ce sont là des mémoires militaires.
Puis il lui raconte comme quoi, devant cent cinquante mille francs à mistress Clarkson, il a épousé Catherine Mauriceau pour la rembourser.
Cette carte est l’abomination de la dégoûtation, Dimanche 18 avril Flaubert nous racontait aujourd’hui qu’avant d’aller chez Lévy, il avait proposé à Jacottet, de la Librairie Nouvelle de lui éditer Madame Bovary.
La mort d’Inés de Castro, femme du Roi Dom Pedre, qui fait partie de cette histoire, est racontée dans le troisiéme Livre, & ce morceau passe pour le plus beau du Camoens.
Le conteur, pour les chanter, adoucit la rudesse de sa voix masculine en prenant une voix de tête dont l’effet devient assez comique, par contraste, lorsque c’est, par exemple, un garde-cercle qui raconte.
Byron raconte, en ses Mémoires, qu’il fut témoin de l’introduction, dans les salons de Londres, de miss Edgeworth, et qu’elle ressemblait à l’idée qu’on peut se faire de Jeannie Deans.
Il attend ses supérieurs à l’épreuve. » En conformité de ces vues, j’ai entendu un prêtre sous-officier raconter que dans certaines compagnies les hommes se fient de préférence à certains d’entre eux, parfois de simples soldats, qui ont montré l’art de se débrouiller.
Pour peindre la fille de la malheureuse Fantine, abandonnée, livrée à un couple affreux d’aubergistes de campagne qui la maltraitent, il met presque autant de pages que pour raconter Waterloo ; il accumule des détails et des scènes d’une puérilité admirable et profonde.
Aussi Tite-Live, tout ignorant qu’il est de ce qui regarde la constitution ancienne de Rome, nous raconte que les nobles se plaignaient d’avoir plus perdu par la loi Publilia, que gagné par toutes les victoires qu’ils avaient remportées la même année71.
« Mais à l’impie Dieu a dit : Pourquoi racontes-tu mes lois, et de tes lèvres publies-tu mon traité d’alliance ?
Il résumait une opinion très répandue, le savant qui, à ce que l’on raconte, disait : « Vous voulez écrire un livre sur la Philologie ; faites-nous donc plutôt un bon ouvrage de Philologie. […] Ceux qui, les premiers, ont essayé d’écrire l’histoire d’après les sources, se sont trouvés dans une situation embarrassante. — S’agissait-il de raconter des événements relativement récents, dont tous les témoins n’étaient pas morts ? […] Daunou « n’hésite point » à indiquer en première ligne « les chefs-d’œuvre de la poésie épique », car « ce sont les poètes qui ont créé l’art de raconter, et qui ne l’a point appris d’eux ne le sait qu’imparfaitement ». […] Tite Live et Tacite, pêle-mêle avec les guerres et les révolutions, racontaient les inondations, les épidémies et la naissance des monstres. […] — Doit-on commencer par décrire des états de choses ou par raconter des événements ?
France nous raconte qu’aux temps de son enfance, il avait parmi ses joujoux « une arche de Noé, peinte en rouge, avec tous les animaux par couple, et Noé et ses enfants faits au tour ». […] En réalité, elle n’explique point, elle constate ; et elle décrit, ou elle commente, mais elle ne « raconte » point. […] Il ne s’est pas donné son talent ; il a même failli, si nous en croyons ce que nous raconte M. […] Ou plutôt, si quelquefois, nous leur avons fait un reproche, n’est-ce pas de manquer de sympathie, d’indulgence, et de pitié, pour les « humbles » dont ils nous racontaient les histoires ? […] « Messieurs, de la douceur, disait Chardin aux critiques d’art de son temps, et à Diderot en particulier, qui nous le raconte.
Beyle, ce profond observateur, raconte qu’un jour (il aimait alors je ne sais quelle personne) la musique le rendit plus enamouré que jamais ; il crut d’abord que cet art avait sur l’amour une influence particulière. […] Parce que le peuple moderne aime ses théâtres plus ou moins grossiers, ses chansons gauloises, sa musique aux refrains sautillants, ses romans de cour d’assises, on dit que l’art s’abaisse ; au contraire, de la farce au vaudeville, il y a quelque progrès ; les paroles et la musique d’opérette sont encore de l’esprit « mis en gros sous » ; enfin les romans judiciaires sont le pendant des histoires de brigands qu’on se racontait jadis au coin du feu et qui défrayent encore l’imagination des Napolitains ou des Siciliens. […] Nous pouvons avoir des préférences pour Alfred de Musset ou pour Victor Hugo, pour Beethoven, Chopin ou Berlioz ; nous sommes peut-être plus attirés par eux, ils nous racontent « notre propre rêve », comme disaient les anciens ; n’importe : nous pouvons comprendre aussi Racine, même Boileau, nous admirons Haydn ; il est douteux que Boileau et Haydn eussent compris Victor Hugo et Berlioz. […] Lorsque le poète décrit ou raconte, l’exagération du coloris est encore pardonnable : on peut charger un paysage, cela n’a qu’un demi-inconvénient ; la terre est grande, et il est généralement possible de localiser quelque part ce que le poète nous fait voir. […] Un professeur me racontait qu’un jour, en ouvrant un vieux dictionnaire, l’odeur toute particulière de papier jauni qui s’en exhala suffit à évoquer devant lui sa jeunesse passée sur les livres, ses innombrables veillées occupées à tourner les feuillets ; puis, l’image s’agrandissant, il revit son collège, sa maison, ses parents, un âge entier de sa vie, et tout cela enveloppé en quelque sorte de cette odeur âcre des livres, dans laquelle il respirait son passé même.
Avant lui, la fable n’était qu’une moralité ; tandis que Phèdre, par exemple, compose de dessein délibéré, avec des réflexions philosophiques, enfermé dans son cabinet, appliquant sa leçon à tous les hommes, disant en style sec que « le faible périt quand il veut imiter le puissant26 », La Fontaine vient de la cour ou de la ville, raconte sans songer ce qu’il a vu, et sa morale s’applique aux contemporains. […] Il ne faut pas, comme le singe, approuver trop les exécutions, louer la griffe du prince, les boucheries et leur odeur, « dire qu’il n’y a ambre ni fleur qui ne soit ail au prix. »47 L’abbé de Polignac raconte Saint-Simon, se promenant à Marly avec le roi, par un mauvais temps, disait que la pluie de Marly ne mouillait pas.
L’épouse voyageuse qui a traversé cinq maris sait par quel art on les dompte et raconte comment elle les persécutait de ses jalousies, de ses soupçons, de ses gronderies, de ses querelles, quels soufflets elle donnait et recevait, comment le mari, maté par la continuité de la tempête, baissait la tête à la fin, acceptait le licou et tournait la meule domestique en baudet conjugal et résigné204. « Je les faisais frire dans leur propre graisse, de colère et de jalousie. […] Chaque conte est approprié au conteur ; le jeune écuyer raconte une histoire fantastique et orientale ; le meunier ivre, un fabliau graveleux et comique ; l’honnête clerc, la touchante légende de Griselidis.
La société, en effet, commence par chanter ce qu’elle rêve, puis raconte ce qu’elle fait, et enfin se met à peindre ce qu’elle pense. […] De graves personnages placés, comme le chœur antique, entre le drame et nous, viennent nous raconter ce qui se fait dans le temple, dans le palais, dans la place publique, de façon que souventes fois nous sommes tentés de leur crier : « Vraiment !
Ces princes, ces vieillards, ces femmes, ces courtisans, cette jeune noblesse, ces militaires, ces hommes de lettres, ces poètes expatriés, ces jeunes filles qui croissaient en âge et en grâce dans l’exil, pénétraient dans toutes les familles, y payaient l’hospitalité en enseignant la langue et les lettres de leur patrie aux enfants de leurs hôtes, racontaient leurs malheurs, intéressaient à leur ruine et naturalisaient en Europe une France errante et fugitive qui devenait plus chère par les asiles qu’on lui prodiguait. […] Mon père et ma mère m’ont trop souvent raconté depuis ce singulier hasard de mon enfance pour qu’il ne se soit pas gravé dans ma mémoire et pour que je ne le compte pas au nombre des bonnes fortunes de ma vie.
Une des femmes qui le servaient dans ses derniers mois raconte qu’elle le surprit quelquefois agenouillé dans sa chambre, les mains jointes sur le bord du lit, comme l’enfant qui se souvient des attitudes de sa mère. […] J’aurais aimé à connaître son histoire ; d’autres la raconteront sans doute.
Sur ce, je racontais à l’abbé que Jupiter un jour fut attaqué d’un grand mal de tête ; le père des dieux et des hommes passait les jours et les nuits le front penché sur ses deux mains, et tirant de sa vaste poitrine un soupir profond. […] Je vous raconte simplement la chose ; dans un moment plus poétique j’aurais déchaîné les vents, soulevé les flots, montré la petite nacelle tantôt voisine des nues, tantôt précipitée au fond des abymes, vous auriez frémi pour l’instituteur, ses jeunes élèves et le vieux philosophe votre ami.
Victor Hugo raconté par un témoin de sa vie, II, 38.] […] Ce que Victor Hugo, ce que Musset, le vieux Dumas ou George Sand ont imité de Goethe ou de Byron, ce n’a jamais été que leur manière de vivre leurs romans, ou de « romancer » leur vie ; de se mettre eux-mêmes en scène ; de raconter, de confesser publiquement leurs amours ; le Werther du premier, le Don Juan du second ; — mais non pas la rare application de l’un au perfectionnement de sa propre individualité, ni la mort héroïque de l’autre. […] Aussi, et presque à ses débuts, de bons juges ne s’y étaient-ils pas mépris : « Buchez et ses amis, raconte Sainte-Beuve, avaient remarqué au sein de l’école romantique la haute personnalité de M. de Vigny et avaient tenté de l’acquérir » ; et il résista, continue le critique, — ayant trop d’orgueil, et de juste orgueil, pour être jamais d’une autre école que la sienne, — « mais il fut amené dès lors à s’occuper de certaines questions sociales plus qu’il ne l’avait fait jusque-là » [Cf. […] Baudelaire, « Notice » [très remarquable], dans le Recueil des poètes français de Crépet, Paris, 1862 ; — Victor Hugo raconté par un témoin de sa vie, Paris, 1863 ; — Edmond Biré, Victor Hugo et la Restauration, 1869 ; et Victor Hugo avant 1830, Paris, 1883 ; Victor Hugo après 1830, Paris, 1891 ; Victor Hugo après 1852, Paris, 1893 [cinq volumes formant ensemble la plus exacte biographie qu’il y ait de Victor Hugo, mais non pas la plus impartiale] ; A. […] La jeunesse de Victor Hugo. — La famille du poète et les Hugo de Lorraine ; — sa mère « Vendéenne » ; — et à ce propos qu’il ne faut guère accorder plus de confiance à Victor Hugo raconté par un témoin de sa vie qu’aux Confessions de J.
Pepys raconte des fêtes où les seigneurs et les dames se barbouillaient l’un à l’autre le visage avec de la graisse de chandelle et de la suie, « tellement que la plupart d’entre eux ressemblaient à des diables. » La mode était de jurer, de raconter des scandales, de s’enivrer, de déblatérer contre les prêtres et l’Écriture, de jouer. […] Un jour l’entreprise tourna mal ; ayant voulu prendre part à une querelle littéraire, et réclamer la supériorité pour les anciens contre les modernes, il se crut helléniste, antiquaire, raconta les voyages de Pythagore et l’éducation d’Orphée, fit remarquer que les anciens sages de la Grèce « étaient communément d’excellents poëtes et de grands médecins ; si versés dans la philosophie naturelle, qu’ils prédisaient non-seulement les éclipses dans le ciel, mais les tremblements de terre et les tempêtes, les grandes sécheresses et les grandes pestes, l’abondance ou la rareté de telles sortes de fruits ou de grains609 », talents admirables et que nous ne possédons plus aujourd’hui. […] Ses désespoirs sont du même goût ; il perce de ses cris les allées de Penshurst, « raconte sa flamme aux hêtres », et les hêtres bien appris « inclinent leurs têtes par compassion. » Il est probable que dans ces promenades douloureuses son plus grand soin était de ne pas mouiller ses souliers à talons.
Vers le milieu du siècle dernier, La Condamine racontait que la cuisson du poison était confiée à une vieille femme : si cette femme mourait, le curare était jugé de bonne qualité ; si elle ne mourait pas, on la battait de verges. […] J’ai entendu souvent raconter à M. […] Watterton raconte qu’en traversant les terres qui séparent l’Essequibo du Démérary, lui et ses compagnons rencontrèrent une troupe de sangliers. […] Carrey, comme si un fluide vital s’écoulait. » Watterton, qui nous a donné le plus de détails sur les effets du curare raconte que lorsqu’un oiseau est blessé à la chasse par une flèche empoisonnée, il reste environ trois minutes avant de tomber, mais que sa chute n’est précédée par aucun signe de douleur, qu’il y a seulement une sorte de stupeur qui se manifeste par une répugnance apparente au mouvement.
» — Bénédict raconte une conversation qu’il vient d’avoir avec sa maîtresse : « Oh ! […] Il raconte qu’il a combattu seul contre deux hommes. […] Elle agace et tourmente son prétendu mari ; elle lui raconte toutes les fantaisies qu’elle aura, toutes les méchancetés qu’elle fera, toutes les taquineries qu’il endurera.
Dans une admirable lettre datée de Chambéry, où il raconte à Deleyre sa visite à la Grande-Chartreuse, il revient sur ses pertes cruelles, et il en parle avec des paroles de Job dans l’abondance de sa douleur : « J’ai semé, mon cher ami ; qu’ai-je recueilli ?
J’ai fait de ce bon et charmant homme un portrait un peu arrangé, mais véridique et fidèle au fond, dans la première des Pensées d’Août ; c’est lui qui est Doudun, et dont j’ai raconté l’histoire ; dont j’ai surtout retracé la touchante piété filiale.
Comment raconter la vie de Jean-Jacques, son enfance, ses durs commencements, ses belles années, comment retracer de nouveau les particularités de sa physionomie de jeune homme, après les Confessions ?
Ses meilleurs morceaux, les plus délicieux d’entre ses petits papiers, sont certainement ceux où il les met en scène, où il raconte les abandons, les perfidies, les ruses dont elles sont complices ou victimes, leur puissance d’amour, de vengeance, de sacrifice ; où il peint quelque coin du monde, quelque intérieur auquel elles ont été mêlées.
C’étoit une meule toujours en l’air, qui faisoit fuir devant elle, et dont ses amis n’étoient jamais en sûreté, tantôt par des insultes extrêmes, tantôt par des plaisanteries cruelles en face, etc. » A l’année 1697, il raconte comment, tenant les États de Bourgogne à Dijon à la place de M. le Prince son père, M. le Duc y donna un grand exemple de l’amitié des princes et une bonne leçon à ceux qui la recherchent.
Il redit la même chose dans la longue épître où il raconte son partement de France et sa prise devant Pavie : Car tu sçaiz bien qu’en grande adversité Le recorder donne commodité D’aulcun repoz, comptant à ses amys Le desplaisir en quoy l’on est soubmys.
L’abbé Pernetti, l’historien des célébrités de Lyon, raconte que le peuple de cette ville l’appelait la Sainte.
Il me racontait que, quelques années auparavant, cet enfant, faisant ses études à Grenoble, d’une figure agréable et spirituelle, en aidant sa mère dans les soins de sa petite hôtellerie, servait souvent la chopine de bière mousseuse et le petit verre de ratafia de Grenoble à lui et à ses amis, sans que cette modeste apparence de servilité banale nuisît en rien à l’estime que la jeunesse de Grenoble témoignait à ce jeune homme dévoué à sa famille.
Si l’épopée admet des apparitions, c’est qu’elle raconte et ne représente point : les conditions d’un spectacle sont incomparablement plus rigoureuses que celles d’un récit.
Ce que l’histoire anecdotique de nos grands écrivains nous raconte de ces manuscrits raturés à toutes les lignes, de ces rédactions premières qui n’ont été que des tâtonnements et des acheminements laborieux vers la rédaction définitive, nous autorise à dire que la langue française, si complaisante pour le lecteur, est sans pitié pour l’écrivain.
., 1878, 100), et le sommeil de Kundry, d’où elle se réveille sans force, est analogue à celui de Brunnhilde ; Klingsor, qui se mutile pour s’approcher du Gral et qui devient ainsi la cause efficiente du drame, est évidemment conçu d’après le prototype Alberich, qui « maudit l’amour » pour se saisir de l’Or du Rhin … Connaissant cette intention, on pourrait poursuivre ces analogies sans crainte d’aller trop loin : la lance, par exemple, qui a donné tant de mal aux savants critiques, parce qu’ils ne la retrouvaient pas (sous cette forme) dans les poèmes qui racontent les légendes de Parsifal et du Gral, cette lance que Parsifal conquiert par la chasteté on l’aurait trouvée, si on avait songé à la « sainte lance » de Wotan, taillée dans le bois de « l’arbre du monde » … Nous expliquerons la raison de cette intention poétique ; pour le moment, il nous suffît d’avoir établi par quelques indications précises, l’existence dans Parsifal d’une parenté, ou antithèse, voulue avec le Ring39.
me disais-je, ma carrière est à sa fin, mon ambition, est morte… Aujourd’hui je pense comme hier, mais j’éprouve une certaine douceur à me raconter à moi-même, ces mois de désespoir !
« Un homme paraît grossier — déjà le premier mot n’est pas aimable lourd, stupide, il ne sait pas parler ni raconter ce qu’il vient de voir.
En lisant Virgile, on voit ou l’on croit voir Homère mourir sur le calvaire de Troie dont il a raconté les écroulements, et ressusciter, adolescent, ombre élyséenne et prophétique, pour préluder à la splendeur de Rome en se transfigurant à son berceau !
Capefigue, que les faits qu’il raconte et qui devraient l’avertir ne l’avertissent pas.
Renan et ne sent jamais le grand, parce que le grand ne se sent qu’avec l’âme, l’écrivain n’est jamais, dans son Antechrist, au niveau des choses horriblement grandioses qu’il avait à raconter, et qu’il n’avait pas à diminuer puisque ce ne sont pas des choses chrétiennes… Le Néron que je cherchais dans cet Antechrist, qui est Néron et qui le fût aux yeux des chrétiens de son temps, lesquels avaient plus d’imagination que le détracteur qui leur prend ce nom pour en tirer un livre, Néron est moins terrible, moins extraordinaire et moins frappant sous les phrases trop modernes que M.
J’ai raconté sans commentaires.
Ils racontent que dans la nuit on entend une voix lamentable s’écrier entre des pleurs : Italica n’est plus !
Ce genre fut le type du poème didactique, dont le but est d’instruire ; de même que la simple narration des entreprises héroïques fut la source de l’Épopée, qui ne raconta pas seulement les faits comme ils s’étaient passés, mais qui les embellit par les fictions que sut y mêler le génie. […] La différence de celle-ci consiste dans la fiction et dans le merveilleux du sujet raconté, qu’elle borne à une principale action, entremêlée de ses épisodes. […] C’est cette perfection idéale qui, selon l’avis d’Aristote, rend la poésie plus instructive que l’histoire : celle-ci ne raconte, en effet, que les choses qui ont été, et n’a le droit d’en rien omettre et d’y rien ajouter : les hommes dont elle parle conservent dans ses portraits les imperfections que la nature avait mêlées à leur caractère : ils ne peuvent donner l’image que de la vertu qui leur était propre, et qui souvent n’est pas accomplie en tous ses points. […] L’auteur, qui raconte, allonge ou abrège ses récits sans danger, s’il les diversifie par les ornements et par les épisodes. […] Les Nymphes du Cygnus racontent le danger qu’elles lui avaient fait courir, lorsqu’il se baigna dans leurs eaux, et qu’il en sortit mourant.
Réserves faites pour La Fontaine, dans une période d’ailleurs si riche et si grande, aucun poète, aucun prosateur ne témoigne le sentiment des beautés visibles de l’univers, des monts où des traces divines et primitives semblent encore imprimées, des flots qui suggèrent une image de l’infini, des bois d’où Tacite rapportait l’impression d’un secret et la sensation d’un mystère, des deux qui, selon la parole du psalmiste, racontent la gloire de Dieu. […] Et il les raconte à merveille, soit qu’il nous décrive l’intérieur galant du roi Louis XV, qu’il nous dépeigne la grâce puritaine de Kitty Bell, ou qu’il nous trace le crayon ravissant de Mlle de Coigny, cette jeune captive du plus adorable des poètes. […] Voici quelques lignes bien significatives, empruntées à une lettre de Mme Desbordes-Valmore : « Je voudrais pouvoir vous raconter tout ce que je sais de vrai, d’honorable et de touchant sur ce cœur-là qui se cache sous tant d’esprit… je ne crois pas qu’on oblige mieux que lui ni qu’on l’oublie plus noblement…. […] Pour nous faire arriver à ce repos promis, mais qui tient seulement la moitié du livre, Michelet n’emploie pas moins de 142 pages à nous raconter, avec quel charme : l’histoire d’un voyage au pays de la faim. […] La partie lyrique de ce volume se rattachait aux deux recueils précédents, mais le poème de la Tour d’ivoire dénotait un progrès dans l’art si malaisé de raconter en vers, mais surtout l’Entretien avec Corneille, l’apostrophe aux Polonais, marquaient une transition à ce qu’on pourrait appeler la troisième manière de Victor de Laprade.
C’est qu’ils oseront se servir de ce mot propre, unique, nécessaire, indispensable, pour faire voir telle émotion de l’âme, ou pour raconter tel incident de l’intrigue. […] Madame du Hausset nous apprend que leurs maîtresses se moquent d’eux comme les nôtres de nous ; et M. le duc de Choiseul, premier ministre, fait avec M. de Praslin un certain pari que je ne puis raconter.
Aimé Martin raconte ses scandales et son égoïsme ; Molière en avait pitié, mais continuait par habitude à l’aimer. […] Horace lui raconte les tendres regards d’Agnès du haut du balcon. « Quant à l’homme qui entretient Agnès dans cette maison, ajoute-t-il, on m’en a parlé comme d’un ridicule, ne le connaissez-vous pas ?
Il nous raconte quelque part qu’il a vu en rêve un « ange blanc » passant sur sa tête et qui venait « prendre son âme » : « Es-tu la mort, lui dis-je, ou bien es-tu la vie ? […] Comme Lamartine dans Jocelyn, Hugo raconte à son tour, en symboles et en mythes, la destinée humaine, — ou plutôt la destinée universelle.
Salmon raconte plus longuement cette anecdote dans ses Souvenirs sans fin, op. cit. […] Dans la nouvelle La Cause (1915), il raconte le meurtre de son ancien maître d’école, incarnation de la loi, par le héros, le poète Anton Seiler : il illustre là de façon caractéristique le thème expressionniste du meurtre du père.
Victor Hugo, Stendhal veulent raconter la bataille de Waterloo, l’un dans Les Misérables, l’autre dans La Chartreuse de Parme. […] Nous ne raconterons point par quels patients efforts Gluck arrive à réprimer ces caprices et à discipliner ces fantaisies. […] Flaubert raconte quelque chose de ses désillusions dans L’Éducation sentimentale. […] On y joindrait la Salammbô de Flaubert, ce récit de la guerre inexpiable, plus atroce que la guerre qu’il raconte. […] Zola étale les pires conséquences, celui des festins curieux et des griseries superfines de la jeunesse aristocratique de Russie, dont les dangereux paris, racontés par Tolstoï, font frémir.
Un ancien, sans doute Tite-Live (et je note en passant que la guerre des Gaules, chez Tite-Live, fut peut-être racontée avec plus d’intelligence du pays qu’elle ne le fut chez César lui-même), un ancien a précisément fait remarquer ce caractère dispersé, rural, de la Belgique préromaine. […] Ferdinand Bouché, avant de publier son recueil de contes, Les Chrysalides, avait raconté un drame d’amour farouche, en un roman trop long, inégal, mais, par endroits, puissamment dramatique48. […] Les deux auteurs belges racontent leur voyage à travers l’Alsace-Lorraine en compagnie du vaillant Georges Ducrocq. […] Jules Leclercq, James Vandrunen, Léopold Courouble racontent leurs séjours en Afrique et Adrien de Gerlache nous entraîne vers l’Antarctique.
Henry Bidou raconte avec simplicité et vérité scrupuleuse une aventure où beaucoup de romanciers que vous connaissez aussi bien que moi n’eussent découvert que prétextes à décors, à mièvres attitudes et à descriptions de meubles anciens ou de costumes plus que modernes. […] André Hallays raconte, dans le Journal des Débats, une excursion qu’il a faite en quelque région de la terre française ; et ces articles, réunis en volumes, forment un inventaire de toutes nos richesses, un inventaire qui révèle non seulement l’existence des objets, mais leur charme essentiel, leur aspect, leur parfum, leur pouvoir de suggestion. […] Maurice Barrès m’a raconté qu’un jour, entré dans la villa Saïd, et contemplant les meubles, les tableaux et les statuettes que l’auteur de la Reine Pédauque a réunis là, comme des reposoirs pour la procession de ses songes, il demanda à M. […] Voici comment l’auteur nous raconte la première visite de Georges Lendrieux chez Madame de Jussey : « Georges regardait l’antichambre aux lourdes colonnes de marbre rouge, et le départ d’un escalier pompeux et sombre, au bas duquel se dressait une statue froide et digne, qu’il attribua machinalement à Simart ou à Pradier. » Ailleurs, quand il s’agit d’exprimer le ravissement de deux cœurs unis par la plus tendre amitié, M.
C’est lorsque dans les descriptions on peint les faits dont on parle, come si ce qu’on dit étoit actuèlement devant les yeux ; on montre, pour ainsi dire, ce qu’on ne fait que raconter ; on done en quelque sorte l’original pour la copie, les objets pour les tableaux : vous en trouverez un bel exemple dans le récit de la mort d’Hyppolite. […] Marot, dans une de ses plus belles épitres, raconte agréablement au roi François I le malheur qu’il a eu d’avoir été volé par son valet, qui lui avoit pris son argent, ses habits, et son cheval : ensuite il dit : et néantmoins ce que je vous en mande, etc. […] Mon génie me porte à raconter les formes changées en de nouveaux corps : il étoit plus naturel de dire, à raconter les corps, c’est-à-dire, à parler des corps changés en de nouvèles formes.
Je ne raconterai point sa vie : elle a jadis été contée copieusement par son ami Des Maizeaux — le biographe attitré des « libertins » français d’alors, — et, plus brièvement, par M. […] Peu favorisée de la fortune, on la plaça, toute jeune encore, auprès de Mme de Guise, comme fille d’honneur, et quelques biographes racontent qu’elle attira, pour son coup d’essai, l’attention du dauphin, fils de Louis XIV. […] C’est encore une femme auteur, et elle s’est elle-même racontée dans ses Mémoires. […] Mais, encore une fois, je ne juge pas ; j’expose, je raconte, je constate. […] Une femme d’esprit raconte en ses Mémoires qu’étant jeune fille encore, âgée de seize ou dix-sept ans, il lui fallut, certain soir de 1710 ou de 1711, coucher dans une « vraie taverne » de la vallée d’Auge, à Saint-Pierre-sur-Dive.
Mais maintenant il est décidé que je périrai de mort misérable… » — Lorsque nous eûmes quitté l’île (c’est Ulysse qui raconte), et quand il ne nous apparaissait plus aucune terre, mais seulement le ciel et la mer, alors le fils de Saturne, Jupiter, arrêta un noir nuage au-dessus du vaisseau creux et la mer s’en obscurcit alentour. […] Marmontel raconte pourtant que Voltaire, dans sa jeunesse, réussit à faire passer une fable de Lamotte pour une fable de La Fontaine. […] Vous voulez faire raconter par un soldat, au moment de la bataille de Waterloo, le passage à cheval de Napoléon Ier, entrevu au loin, dans le fourmillement d’une armée. […] Si la marmite bout, elle chante, on nous raconte ce qu’elle dit, etc.
Je ne crois pas rêver à cette distance, et il me semble que, sauf rectification, mes souvenirs ne me trompent pas ; la petite comédie se passa à très peu près comme je viens de la raconter, à la chinoise.
Ses trois élégies, coulantes et gracieuses, sentent l’école de Marot ; elle y raconte comment Amour l’assaillit en son âge le plus verd et la dégoûta aussitôt des œuvres ingénieuses où elle se plaisait ; elle s’adresse à l’ami absent qu’elle craint de savoir oublieux ou infidèle, et lui dit avec une tendresse naïve : Goûte le bien que tant d’hommes désirent, Demeure au but où tant d’autres aspirent, Et crois qu’ailleurs n’en auras une telle, Je ne dis pas qu’elle ne soit plus belle, Mais que jamais femme ne t’aimera Ne plus que moi d’honneur te portera.
Piscatori père, qui l’a connu avant la Révolution, m’a raconté qu’un jour, particulièrement, il l’avait entendu causer avec feu et se développer sur Rabelais.
Je passais une partie des jours à côté de lui, à la cuisine, à écouter les vieilles légendes de la famille, qu’il se plaisait lui-même à me raconter.
Je n’y vois rien, quoi qu’il soit venu dans l’histoire de ma vie, parce que tout reste au dedans, que je n’ai plus d’intérêt à rien raconter, ni moi ni autre chose.
Lorsque Copernic, dans sa dédicace au pape, raconte l’histoire de son ouvrage, il n’hésite pas à traiter de conte absurde la croyance à l’immobilité et à la position centrale de la terre, croyance répandue généralement chez les théologiens eux-mêmes.
Puis il mettait une gloriole d’enfant à me raconter à son tour ceci et cela sur cette belle noce qu’il conduisait à la ville, et sur les personnages qui remplissaient derrière nous le chariot couvert de toile et de feuilles.
Nous ne savons ce qu’aurait été le règne de Louis le Grand raconté par Racine et Boileau : leur manuscrit, inachevé, périt en 1726 dans un incendie.
Il raconte donc une multitude de faits personnels pour montrer comment de toute son existence sortit un jour Werther, écrit (ce sont ses expressions) dans une sorte de somnambulisme.
Raconter, peindre, c’est tout le génie d’Augustin Thierry.
On a raconté l’histoire de l’homme qui a perdu son ombre.
Lewes raconte que, étant entré dans un restaurant, il y trouva un garçon endormi au milieu du bruit ; qu’il l’appela vainement par son nom et par son prénom, mais dès qu’il eut prononcé le mot « garçon !
Fechner raconte que, s’éveillant dans son lit, étant immobile, il regarde sa pipe noire sur le mur opposé ; puis, fermant les yeux, il a la sensation de son lit en noir et de la pipe en blanc ; mais les deux sensations consécutives lui apparaissent sur le même plan, avec le lit considérablement raccourci.
Je n’y étais pas ; mais cette scène bruyante m’a été racontée par vingt témoins.
Voici comme il la raconte : « Au sortir de là [de l’église où il avait vu le tombeau de Louis XI], je pris une autre hôtellerie pour la nôtre ; il s’en fallut peu que je n’y commandasse à dîner, et, m’étant allé promener dans le jardin, je m’attachai tellement à la lecture Tite-Live qu’il se passa plus d’une bonne heure sans que je fisse réflexion sur mon appétit.
Coulé et figé dans le bronze d’un système, il est identiquement le même homme, le même disciple de Vico et d’Hegel qu’il était, quand, pour la première fois, il a passé sous nos yeux ; et comme son histoire n’a d’autre unité que celle de son principe, comme d’elle-même elle n’en a pas plus que la nation multiple, anarchique et contradictoire qu’il a entrepris de raconter et de juger, il se trouve que quand on a flétri, comme nous l’avons fait, ce principe, honteusement commode, de la fatalité en histoire, on est à bout et on a tout dit !
Rabelais, ce grand rieur qui se permettait tout, cet Homère-Priape sans feuille de vigne ; Rabelais, l’auteur de Gargantua, a un jour raconté la bataille des Cervelas et des Andouilles, mais il riait au-dessus de sa plantureuse et folle Épopée.
Dans l’autre passage, Énée raconte à Achille que des hommes parlant diverses langues commencèrent à habiter Ilion depuis le temps où Troie fut rapprochée des rivages de la mer, et où Pergame en devint la citadelle . — Plaçons à côté de ces deux passages la tradition égyptienne d’après laquelle Thot ou Hermès aurait trouvé les lois et les lettres.
Auparavant, elle se faisait raconter par Raymond ses rencontres avec les « mauvaises femmes » et elle en pâlissait de douleur et de colère, bien qu’elles ne lui prissent rien de la pensée ni de l’affection de son fils. […] On m’a raconté que, lorsque M. […] Il ignore l’escapade de sa femme : elle la lui raconte pour le dégeler. […] Voilà Frédégonde fort ennuyée ; car assurément la petite racontera à son oncle ce qu’elle a entendu, et celui-ci préviendra Mérovée, dont il connaît la retraite. […] » Et elle raconte ses souffrances, ses humiliations, et la détresse de son cœur inassouvi.
Une actrice anglaise, mistress Bellamy, raconte dans ses Mémoires le fait suivant : « Un spectateur, qui était sur le théâtre, usa d’un moyen très peu convenable pour me montrer sa satisfaction. […] Ailleurs, mistress Bellamy nous raconte comme quoi un charmant jeune homme mourut d’amour pour elle, et voulut être enseveli avec un bout de ruban, qui venait d’elle, mais qu’elle ne lui avait pas donné, grand Dieu ! […] Après m’avoir raconté ces tristes particularités, il ajouta : « Et ainsi, « Mistress, vous voyez que vous avez tué votre « homme. » L’insensibilité qu’il montrait dans une occasion si touchante, loin de me prévenir en faveur de son esprit, excita en moi une espèce de mépris : nos âmes n’étaient pas à l’unisson. […] On raconte que Louis XIV invitait Boileau à lui lire ses vers, à mesure qu’il les composait. […] Le docteur Huffland, qui connut Mozart, raconte une curieuse conversation de ce grand musicien, au sujet des diverses espèces de voix humaines : Je n’ai, lui disait Mozart, qu’à jeter un coup d’œil sur un homme ou sur une femme pour savoir quelle espèce de voix ils ont.
Le voilà seul encore, replié sur lui-même par la monotonie du cachot, assiégé par les terreurs de l’Ancien Testament, par le délire vengeur des prophètes, par les dogmes fulminants de saint Paul, par le spectacle des ravissements et des martyres, face à face avec Dieu, tantôt désespéré, tantôt consolé, troublé d’images involontaires et d’émotions inattendues, apercevant tour à tour le démon et les anges, acteur et témoin d’un drame intérieur dont il peut raconter les vicissitudes. […] Le malheureux homme raconte qu’il tremblait de tous ses membres, et que dans ses convulsions il lui semblait que les os de sa poitrine allaient se briser. « Un jour, assis dans la rue, je tombai dans une profonde réflexion sur l’état effroyable où mon péché m’avait mis, et après une grande rêverie je levai la tête ; mais il me sembla voir comme si le soleil qui brille dans le ciel répugnait à me donner sa lumière, et comme si les pierres mêmes des rues et les tuiles des toits se conjuraient contre moi. […] Rien de plus passionné que la scène où, sous le nom de son pauvre pèlerin, il raconte ses doutes, sa conversion, sa joie et la soudaine transformation de son cœur. « Seigneur, dis-je, un si grand pécheur que moi peut-il être reçu par toi et sauvé par toi ?
Weill entend son apostolat d’une tout autre manière ; à preuve l’anecdote suivante que je vous demande la permission de vous raconter. — L’autre jour, j’avise donc à l’étalage d’un libraire cette fameuse brochure sur l’Homme de Lettres. […] Eugène Maron les eût faites comme nous, il aurait donné à son point de vue toute sa largeur historique, et raconté, dans son ensemble un et divers, une littérature qui a ses prodromes dans Rousseau et son couronnement dans les œuvres du génie moderne. […] Armand Baschet ; c’est lui, le premier, qui nous a raconté ces origines ; il est vrai que M.
Celui qui raconte les premiers siècles du christianisme se trouve en présence des Actes authentiques des martyrs de Ruinart ; pour le développement du dogme, les éditions bénédictines des Pères, Augustin, Athanase, Chrysostome, Origène, sont des chefs-d’œuvre de critique historique autant que d’exactitude philologique. […] Si l’on songe à ce que fut l’Église dans le moyen âge, au rôle politique et intellectuel qu’elle a joué, on concevra qu’il n’est pas indifférent non plus que Mabillon ait raconté les Annales ou dénombré Les Saints de l’ordre de saint Benoît. […] Ni Rolando ni Rafael ne sont des héros de mon goût, et je ne trouve pas le mot pour rire dans l’interminable suite de leurs friponneries : j’aime encore mieux les farces de commis voyageur dont s’égayait la jeunesse d’Issoudun et que Balzac raconte si complaisamment, au grand ennui de M. […] Intercaler des récits épisodiques dans une narration principale, raconter l’histoire de chaque acteur en l’amenant sur le théâtre, c’était le moyen le plus simple et le plus naturel de distribuer un sujet complexe, touffu d’action, nombreux en personnages Depuis, on a perfectionné le mécanisme du roman ; et cependant voyez ce que devient la composition quand l’action se transporte en des milieux très divers, à des étages de la société qui ne sont pas contigus ou de plain-pied : lisez Le Nabab, ou Mensonges ou Pêcheur d’Islande ; voyez par quels procédés s’obtient l’unité, ou un semblant d’unité. […] Lenient nous en raconte le succès, « plus fou que la pièce ».
Kahn raconte, dans son Essai sur le vers libre, que l’idée de cet arrangement lui fut suggérée par la comparaison « des parties rythmiques des Fleurs du Mal et des Poèmes en Prose », en particulier des Bienfaits de la Lune, qu’il considère comme le modèle accompli du genre ; mais ensuite il réprouve une telle combinaison de ces deux formes poétiques distinctes, considérant que « le vers libre a le devoir de tout rendre suffisamment dans le corps des poèmes. » On trouve encore, dans cet ouvrage ; quelques poèmes dont la métrique est à peu près régulière : mais ceux-là même ont déjà une sonorité toute nouvelle et presque tous sont d’un rythme complexe et varié, d’une polyphonie musicale jusqu’alors inouïe. […] … Tandis que, d’ordinaire, les vers d’amour racontent, avec plus ou moins de discrétion, quelque aventure heureuse ou triste dont on n’aurait pas beaucoup de peine à reconstituer les péripéties, l’anecdote ici ne se révèle pas, ni nul détail qui prive ce poème de son caractère universel et absolu. […] Et les yeux fous de la statuette flamboyaient… L’histoire de Jean Snul, que les bêtes aimaient, et de Nel Frankenlap, qui les mit en déroute ; celle de l’échevin Sixte, gourmand de pommes, et de Kleudde, l’esprit joyeux qui suit les ivrognes des nuits flamandes ; celle de la sorcière lubrique et d’Armenz, le fermier qu’elle prit au moyen d’un philtre, sont curieuses, terrifiantes, bizarres, et celle du vieux pèlerin de Montaigu qui se grisa trois fois avant d’arriver au sanctuaire et raconta finalement ses trois péchés à la Vierge indulgente, est délicieuse de bonne humeur et de vérité. […] Henri de Régnier s’est aperçu que l’analyse la plus minutieuse laisse échapper l’essentiel même des choses et, pour ainsi dire, leur substance, ce que l’on ne saurait ni décrire ni nommer, ce que l’on ne saurait raconter, ce que l’on peut sentir, ce que l’on peut aussi faire sentir, à la condition qu’on ne le décrive pas, mais qu’on tâche seulement de l’évoquer.
Si obscure qu’ait été la vie d’un homme d’une intelligence ordinaire, mais témoin attentif de ce qui s’est passé pendant ces années, ce qu’il en raconte ne peut être dénué de tout intérêt, et lorsqu’ainsi qu’Étienne il s’est trouvé placé à un point de vue et près de personnes qui lui ont permis d’observer les événements et les hommes sous des aspects particuliers, peut-être est-ce un devoir pour lui de transmettre aux autres ce qu’il a vu, entendu et éprouvé. […] On raconte de lui, quand il était enfant, ce que l’on répète de tous ceux qui ont exercé l’art de la peinture avec éclat. […] On raconte sur ce peintre une anecdote qui prouve avec quelle opiniâtreté il poursuivait cette couronne, qu’il n’obtint qu’avec tant de peine. […] Ce fut précisément Étienne qui vint lui raconter comment les choses s’étaient passées à Saint-Cloud, la fuite des deux conseils et la réussite du nouveau César. […] Cette petite manœuvre avait ordinairement le plus grand succès auprès des belles dames de Paris, qui racontaient ensuite qu’elles avaient vu peindre Girodet, et qu’il n’était pas étonnant que les ouvrages de ce peintre fussent si parfaits, puisqu’il les corrigeait jusqu’au dernier moment.
Réduit à se faire maître d’école dans un village, après avoir professé dignement la rhétorique dans les premiers collèges de Paris, Geoffroy subit cette épreuve avec une philosophie digne d’être remarquée : aussi se plaisait-il à raconter cette singulière circonstance de sa vie. […] En détournant nos regards de ces misérables disputes, où l’orgueil des auteurs croit jouer d’abord un si grand rôle et ne se prépare que des regrets pour l’avenir, nous, ne quitterons pas cependant ce même feuilleton du 15 juillet 1806 : il renferme la vie de l’auteur ; Geoffroy s’y peint tout entier, et les faits qu’il cite à son avantage, quoique racontés par lui-même, sont exacts et vrais. […] Si Tite-Live était l’inventeur de tous les faits qu’il raconte dans sa première Décade, il aurait composé un admirable roman, bien supérieur à toutes les histoires. […] Aujourd’hui ce combat est très célèbre par sa singularité, par l’éloquence, avec laquelle Tite-Live le raconte, et par l’étonnant génie de Corneille, qui a mis en action le récit de Tite-Live. […] On sait quelle était à cet égard la petite vanité du grand homme ; il aimait à décorer ses pages de noms illustres, et prenait un merveilleux plaisir à étaler les princes, les maréchaux, les ducs, qui lui avaient dit ceci, écrit cela, raconté tel ou tel fait.
On raconte que lorsque le bourreau décoiffa, pour la faire tomber, cette tête charmante, on découvrit que ses beaux cheveux avaient légèrement blanchi.
Pourrai-je vous raconter quelques légères aumônes, qui ne me coûtaient aucunes privations ?
Ce suicide final qu’on raconte de Lucrèce ne lui semblait peut-être qu’un retour d’accès d’un mal ancien : « L’air d’autorité, écrivait-il, ne suffit pas à déguiser ses terreurs ; voyez, il s’en revient pâle comme Dante ; l’armure déguise mal l’émotion du guerrier. » Il croyait discerner, sous cet athéisme dogmatique, comme sous la foi de Pascal, le démon de la peur.
Si l’on résume les faits que je viens de raconter, on arrive aux conclusions suivantes ; c’est aux observateurs à les contrôler par des observations faites sur d’autres enfants : L’enfant crie et emploie son organe vocal à l’origine de la même façon que ses membres, spontanément et par action réflexe. — Spontanément, et par plaisir d’agir, il exerce ensuite son organe vocal de la même façon que ses membres, et il en acquiert l’usage complet par tâtonnements et sélection. — Des sons non articulés, il passe ainsi aux sons articulés. — La variété d’intonations qu’il acquiert indique chez lui une délicatesse d’impression et une délicatesse d’expression supérieures.
« Je vous raconterai Térée et son envie.
Il pourrait étudier, décrire, raconter tous les événements, toutes les transformations, toutes les révolutions qui se seraient accomplies dans l’intérieur de l’homme ; et quand il serait arrivé au bout, il aurait une histoire de la civilisation chez le peuple et dans le temps qu’il aurait choisi. » (Guizot, Civilisation en Europe, p. 25.)
« Les cieux racontent la gloire de Dieu ; le firmament prophétise l’œuvre de ses mains !
Il était mort sans bruit ; le concierge nouveau ne connaissait pas même son nom, il ne savait pas de qui je voulais parler. « Ce petit vieillard si bon et si gai, me dit-il, oui, on s’entretient encore de lui dans le quartier ; on l’a porté au cimetière du Mont-Parnasse ; ses livres de prières ont été son seul héritage. » Ainsi passe la mémoire d’un siècle, un à un et sans bruit ; puis l’histoire vient, qui nous raconte emphatiquement ses fables, et le monde croit que la terre était peuplée de géants, quand ces prétendus géants, bons ou mauvais, n’étaient que des hommes comme nous : major e longinquo !
Toutes ces horreurs sont racontées, dans Garin surtout, d’un style étrangement bref et sec, où pourtant le trait caractéristique est appuyé de façon à prendre une intense énergie d’expression : ainsi le monotone refrain des villes détruites ou incendiées par Bègue dans sa course en Bourgogne, finit par évoquer, avec une netteté singulière, je ne sais quelle image simplifiée et comme le symbole horrible de la guerre, de la guerre abstraite, d’une contrée imprécise où tout est ruine ou flammes.
Je devrais dire son Histoire, car Commynes n’écrit pas pour se raconter.
D’autres critiques racontent leur propre sensibilité à l’occasion des œuvres qu’ils analysent.
Il raconte alors l’existence de Prakriti dans une vie antérieure : — elle avait été la fille d’un fier Brahmane ; le roi Tchandala, qui se souvenait d’une existence antérieure de Brahmane, désirait pour son fils la fille d’un Brahmane, à laquelle son fils avait un violent amour ; par fierté et orgueil, la fille du Brahmane refusa le retour-d’amour et railla le malheureux.
Comme vous vous plaisez dans les détails de l’amitié, je vous raconterai brièvement les petits événements de mon voyage.
Ils dépensent tout ce qu’ils ont de poésie dans leur mémoire pour faire raconter un détail vulgaire, par un personnage subalterne, et lorsqu’arrivent les scènes de passion, ils n’ont plus que des lieux communs à nous débiter dans un style éteint, comme cet avocat des Plaideurs, Qui dit fort longuement ce dont on n’a que faire, et qui glisse sans qu’on s’en aperçoive sur le point essentiel.
Ainsi, dans le tableau que je viens de raconter, il y a un effet de profil extérieur et intérieur produit par la tête ouverte, et qu’il faut voir pour le comprendre et même pour comprendre le genre de hardiesse du talent de Doré.
On trouve dans Strabon un passage précieux de Platon, où il raconte qu’après les déluges particuliers d’Ogygès et de Deucalion, les hommes habitèrent dans les cavernes des montagnes, et il les reconnaît dans ces cyclopes, ces Polyphèmes, qui lui représentent ailleurs les premiers pères de famille ; ensuite sur les sommets qui dominent les vallées, tels que Dardanus qui fonda Pergame, depuis la citadelle de Troie ; enfin dans les plaines, tels qu’Ilus qui fit descendre Troie jusqu’à la plaine voisine de la mer, et qui l’appela Ilion.
L’auteur du Conseiller d’État, après avoir raconté qu’une femme délaissée par son mari va se jeter dans les bras de son amant, se borne à ajouter ces paroles de l’Évangile : « Que celui de vous qui est sans péché, jette la première pierre à cette femme96. » Grandes et sublimes paroles sans doute, mais qu’il faut prendre garde de détourner de leur vrai sens ! […] Couche-tout-nu, le personnage qui a raconté cette histoire, prend soin d’en faire le commentaire et en tire en ces termes la conclusion : « Or, voyez-vous, j’étais gamin, mais l’histoire du père Arsène m’a appris une chose : c’est qu’on avait beau se crever de travail, ça ne profitait jamais qu’aux bourgeois ; qu’ils ne vous en savent seulement pas gré, et qu’on n’avait en perspective pour ses vieux jours que le coin d’une borne pour y crever… Aussi j’ai pris le travail en dégoût, … je suis devenu flâneur, paresseux, bambocheur, et je me disais : Quand ça m’ennuiera par trop de travailler, je ferai comme le père Arsène et sa femme248… » Ce thème de l’exploitation de l’ouvrier par le patron, du pauvre par le riche, qui va tenir une si grande place dans le roman contemporain, il faut dire qu’il n’était pas précisément une nouveauté dans notre littérature, à la date où s’en empara Le Juif errant de M. […] On raconte qu’un jeune homme, pris de cette sombre fureur, alla un jour s’asseoir dans le théâtre où se jouait ce drame de Chatterton, portant sous ses vêtements l’arme dont il voulait se frapper, et résolu de se donner la mort à l’instant où sur la scène le héros de la pièce s’empoisonne. […] Ce n’est plus la lutte et le triomphe du devoir sur la passion qu’il nous raconte, c’est le triomphe insolent de la passion sur le devoir.
Il me raconta son retour à Paris, et puis ses chagrins, une partie au moins ; là-dessus un petit bonhomme, un gosse passait, fin et svelte, grêle même. […] Si les principes même du réalisme, ne raconter que des faits de vie sans les interpréter et expliquer un décor réel sans le transposer, sont la forme la plus expresse de la haine de l’art, si les fondateurs du réalisme, M. […] Il a choisi une situation scabreuse de la vie, une situation qui, habituellement, se revêt d’élégance, mais qui, dans certains quartiers de Paris, à Montmartre par exemple, apparaît avec une certaine désinvolture : cette situation, prise à un moment extrême, l’agonie du coryphée du drame, il l’a racontée simplement, sauf quelques phrases prédicatoires et humanitaires. […] Un errant, plus ou moins musicien, raconte aux passants, en langage populaire et poétique, avec des refrains, des faits, et il appuie son dire en exhibant une image populaire. […] Aussi dans l’Ève future, ce rêve de si loin, qui peut venir, comme le raconte M. du Pontavice, d’une anecdote touchant quelque lord anglais dont le singulier suicide fut frappant, du propos un peu étonnant au moins d’un ingénieur américain, qu’on aperçoit là, ou plaisant à froid, ou un peu exalté d’enthousiasme pour Edison, mais qu’on pourrait aussi voir issu d’un esprit préoccupé longtemps du joueur d’échecs de Maelzel aussi ayant longtemps sondé le mystère de quelques-unes des plus poignantes nouvelles d’Hoffmann (car il existe le mythe de Coppélia), dans l’Ève future, dans cette production bien nouvelle les fanures sont la place presque maintenant vacante qu’y ont pris les lazzis, aussi des manques dans l’intérêt, au premier abord toujours croissant, lorsqu’on repasse par les longues préparations scientifiques, par où Villiers veut donner à son songe les allures de la vraisemblance et de la probabilité (soin inutile), tandis que s’ajeunit le long développement de l’idée mère « Ah !
Le premier Anglais qui s’y essaye est un prêtre d’Ernely, Layamon110, encore empêtré dans le vieil idiome, qui tantôt parvient à rimer, tantôt n’y réussit pas, tout barbare et enfant, incapable de développer une idée suivie, et qui balbutie de petites phrases heurtées ou inachevées, à la façon des anciens Saxons ; après lui un moine, Robert de Gloucester111, et un chanoine, Robert de Brunne112, tous deux aussi insipides et aussi clairs que leurs modèles français ; en cela ils se sont francisés et ont pris le trait marquant de la race, c’est-à-dire l’habitude et le talent de raconter aisément, de voir les objets émouvants sans émotion profonde, d’écrire de la poésie prosaïque, de discourir et développer, de croire que des phrases terminées par des sons semblables sont de vrais vers. […] Cependant, en leur présence, il mange la sienne de bon appétit, et leur dit de raconter à Saladin de quelle façon les chrétiens font la guerre, et s’il est vrai qu’ils aient peur de lui.
Et saint Louis qui racontait l’histoire, ne blâmait nullement, mais approuvait le chevalier, qui n’avait en cette rencontre agi que comme tout bon laïque devait faire, laissant les clercs disputer à souhait avec les mécréants et ne connaissant, lui, pour les mettre à la raison, que la pointe et le tranchant de l’épée.
Au contraire, le grand vicaire peut sourire à un propos contre la religion, l’évêque en rira tout à fait, le cardinal y joindra son mot. » — « Il y a quelque temps, raconte la chronique, on disait à l’un des plus respectables curés de Paris : Croyez-vous que les évêques, qui mettent toujours la religion en avant, en aient beaucoup Le bon pasteur, après avoir hésité un moment, répondit : Il peut y en avoir quatre ou cinq qui croient encore. » — Pour qui connaît leur naissance, leurs sociétés, leurs habitudes et leurs goûts, cela n’a rien d’invraisemblable. « Dom Collignon, représentant de l’abbaye de Mettlach, seigneur haut justicier et curé de Valmunster », bel homme, beau diseur, aimable maître de maison, évite le scandale, et ne fait dîner ses deux maîtresses à sa table qu’en petit comité ; du reste aussi peu dévot que possible et bien moins encore que le vicaire savoyard, « ne voyant du mal que dans l’injustice et dans le défaut de charité », ne considérant la religion que comme un établissement politique et un frein moral.
Les contes de fées racontés aux enfants par leurs nourrices ne sont-ils pas des chefs-d’œuvre de bon sens et de logique auprès de ces contes bleus du législateur de l’ermitage de Montmorency ?
C’était en effet la merveille du désert, la fabuleuse Balbek qui sortait tout éclatante de son sépulcre inconnu pour nous raconter des âges dont l’histoire a perdu la mémoire.
Ici c’est Harlay de Sancy qui raconte et justifie son apostasie, découvrant toute la bassesse de son âme avec toute la malice du papisme par un procédé d’exposition satirique renouvelé des harangues de la Ménippée ; là c’est la bonne et solide vertu sous les traits du vieux huguenot Enay (εἶναι) qui s’entretient avec le faux et frivole honneur incarné dans ie jeune papiste Fæneste (φαίνεσθαι).
Si j’étais un grand philosophe je n’aurais peut-être pas le droit de raconter l’histoire suivante.
L’étonnante Revue ne se contente pas de chercher à wagnériser les musiciens français, qui voudrait aussi wagnériser la langue française, parce que, dit-elle, dans l’état actuel de cette pauvre langue, il est impossible de raconter « une vie d’âme entière », la Revue vous indiquera le moyen de passer vos vacances mieux qu’au bord de la mer, dans une vraie mer d’incomparables délices.
Si nous les traduisons parfois, c’est symphoniquement ; je ne sais pas les raconter.
Lucrèce, à qui il faut bien toujours revenir (car c’est le maître dans ce grand art de la poésie scientifique), a lui aussi des morceaux d’une abstraction redoutable, comme quand il définit l’espace et le mouvement, quand il décrit la formation du monde par les atomes, ou qu’il analyse les simulacres qui expliquent la perception ; mais avec quel art il appelle à son aide d’éclatants épisodes, de grands tableaux, de longs récits comme tout le cinquième livre, où il raconte à sa manière la formation de la terre, l’éclosion de la vie, l’histoire des sociétés humaines !
Hugo, font le total de sa vie de poète, « C’est une âme, dit-il, qui se raconte » là-dedans.
Il vous est peut-être arrivé, en wagon ou à une table d’hôte, d’entendre des voyageurs se raconter des histoires qui devaient être comiques pour eux puisqu’ils en riaient de bon cœur.
Attendez ; voici un de ces soupers et un de leurs personnages : « Madame Panache était une petite et fort vieille créature avec des lippes et des yeux éraillés à faire mal à ceux qui la regardaient, une espèce de gueuse qui s’était introduite à la cour sur le pied d’une manière de folle, qui était tantôt au souper du roi, tantôt au dîner de Monseigneur et de madame la Dauphine, où chacun se divertissait de la mettre en colère, et qui chantait pouille aux gens à ces dîners-là pour faire rire, mais quelquefois fort sérieusement et avec des injures qui embarrassaient et divertissaient encore plus les princes et les princesses, qui lui emplissaient ses poches de viandes et de ragoûts, dont la sauce découlait tout du long de ses jupes ; les autres lui donnaient une pistole ou un écu, les autres des chiquenaudes et des croquignoles dont elle entrait en furie ; parce qu’avec des yeux pleins de chassie, elle ne voyait pas au bout de son nez, ni qui l’avait frappée, et c’était le passe-temps de la cour. » Aujourd’hui l’homme qui s’amuserait d’un tel passe-temps passerait probablement pour un goujat de bas étage, et je ne raconterai pas ici ceux qu’on prit avec la princesse d’Harcourt.
Il est ensuite reçu à l’agrégation de philosophie malgré les réticences de Jules Lachelier, figure marquante du jury, qui lui trouve « l’air d’un noceur », comme Lasserre le raconte lui-même dans Mes routes, avec étonnement, en protestant du sérieux de sa conduite. […] Je raconterai naïvement Jean-Jacques. […] Il a cru comme un enfant toutes les orgueilleuses balivernes qu’une âme plus enivrée et hardie lui racontait de ses mystères et de ses abîmes. […] On peul lui trouver des mérites là où elle peint ou raconte, mais dès qu’elle « pense » (et la philosophe enragée ne s’efface jamais pour longtemps), je conteste presque toujours à son écriture d’être du français. […] Mais relisez-vous, poète ; ce n’est pas du tout cela que vous racontez.
Tacite raconte de lui un trait curieux et à peu près dans le même genre. […] C’est à peu près ce que Pierre Corneille disait à un vieillard qui me l’a raconté : Cela est tendre, touchant, bien écrit ; mais c’est toujours un Français qui parle. » Il est difficile de renfermer en moins de lignes plus d’erreurs, plus d’artifice et de mauvaise foi : Voltaire lui-même convient, dans une autre lettre, qu’un vers détaché peut paraître faible, tandis qu’il produit un très bon effet dans le morceau où il se trouve placé ; il dit à M. […] Si Agamemnon sait l’aventure, si Calchas la lui a mille fois racontée, qu’est-il besoin que Clytemnestre s’engage dans un pareil détail ?
Et il ajoute un peu plus loin, sur le genre d’intérêt qu’il se flatte d’avoir mis dans le même Faramond : « Avec la décadence de l’empire, on y verra le commencement de notre belle monarchie, et, avec celle des Français, on y verra commencer celle des Espagnols, des Huns, des Vandales, des Lombards et des Bourguignons… Je n’ajouterai rien du mien aux choses de conséquence, et je ne dirai rien de l’origine de nos rois qui ne soit appuyé sur un grand nombre d’auteurs célèbres. » Les commencements de la monarchie française, la décadence de l’empire romain, la dissolution de l’empire d’Alexandre, telles sont donc les « grandes révolutions » — l’expression est encore de lui — que La Calprenède s’est proposé de raconter dans ses romans de douze tomes. […] En effet ces « grandes révolutions », outre que les historiens ne pouvaient pas manquer, tôt ou tard, de revendiquer pour eux le privilège de les raconter, elles faisaient déjà, aux environs de 1640, la matière propre de la tragédie. […] Mais, puisqu’il avait pris soin, racontent ses biographes, de consigner dans une espèce de Journal de ses voyages, aujourd’hui perdu, que le 10 novembre 1619, étant à Prague, « l’esprit de vérité était descendu sur lui » pour lui révéler les principes de sa méthode future, nous voudrons bien l’en croire. […] Sainte-Beuve, en son Port-Royal, et depuis lui quelques-uns de ses contradicteurs — parmi lesquels il convient de mentionner tout particulièrement M. l’abbé Fuzet, évêque aujourd’hui de la Réunion — ont assez amplement raconté ces premiers débuts du jansénisme pour qu’il soit sans doute inutile d’y revenir. […] « Allons, Baptiste, fais-nous rire », disait Molière à Lulli quand il éprouvait le besoin de rire d’autres bouffonneries que les siennes — lesquelles ne sont pas, au surplus, toujours gaies, — et la légende raconte que le Florentin s’y employait de son mieux.
Il a raconté lui-même sa visite à la comédienne, déjà vieille et encore charmante. […] Le vieux seigneur y racontait ses aventures et les récits des grands coups donnés ou reçus s’égayaient parfois de quelque bonne et lourde plaisanterie. […] Alcide Dusolier raconte très plaisamment comment Champfleury, déguisé en vieillard académique, les cheveux à la Louis-Philippe et le menton perdu dans une large cravate blanche, se fit présenter à madame Ancelot, sous le nom de Florestan Dufour, « mainteneur des jeux floraux, en mission poétique à Paris ». […] Cette maison de Marie fut portée, raconte la légende, de Palestine en Italie par les anges, et elle demeure, avec l’église que l’on a construite autour d’elle, un des sanctuaires les plus vénérés de la piété catholique. […] En ce mince petit livre (soixante-dix pages environ), le poète raconte, avec une évidente sincérité, ses souvenirs d’hôpital.
Cellini raconté qu’offensé, il essaya de se contenir, mais qu’il suffoquait, et que, pour ne pas mourir de ce tourment, il sauta avec son poignard sur l’homme. […] Une bataille s’est livrée ; au lieu de la raconter, ils l’amènent devant le public, clairons et tambours, foules qui se bousculent, combattants qui s’éventrent.
Mais que ne devrait pas savoir le petit Scarabée dont on a si souvent raconté l’histoire, le Sitaris ? […] On raconte qu’un enfant employé à ce travail, et fort ennuyé d’avoir à le faire, eut l’idée de relier les manivelles des robinets, par des cordons, au balancier de la machine.
Mais si les Anglais criaient le nom de sorcière, les Français taisaient le nom de magicienne, peut-être pour la même cause qui protégea si longtemps, à travers de si merveilleuses aventures, l’usurpateur Ta-Kiang, comme cela est raconté dans l’admirable Dragon impérial de Judith Gautier. […] Huysmans, si elle a eu, car la crédulité du public est illimitée, certaines conséquences pénibles, n’en était pas moins tout à fait légitime ; le romanesque est à sa place dans un roman : attendre, pour raconter un chanoine Docre, de rencontrer en chemin son véritable frère diabolique, on ne peut vraiment pas exiger cela, même d’un romancier didactique. […] Jusqu’au xvie siècle, on demeura persuadé « que sur cette terre tout est signe, tout est figure, que le visible ne vaut pas ce qu’il recouvre d’invisible » ; et le souci de l’art catholique fut de faire parler la nature, de forcer le ciel et la terre à raconter la gloire de Dieu ou à devenir les exemples et les conseillers de l’humanité. […] Hugo, à ce qu’il raconte, était sur la toit plat de sa maison, “vêtu de sa seule dignité”, et se livrait à des mouvements gymnastiques après avoir pris une douche froide.