Weimar, où sont recueillis ses souvenirs, est devenu la Mecque d’une religion dont il est le dieu : on y conserve sa tabatière et ses collections, les cailloux qu’il ramassait dans ses promenades, les objets d’art qu’il rapportait d’Italie, les présents qu’il recevait de ses admirateurs. […] On répétait sans cesse, dans ces temps de tolérance, que chacun a sa propre religion, sa propre façon d’honorer Dieu. […] On ne pourrait dire, sans excès, qu’elle est la base d’une religion ou la quintessence d’un dogme. […] Shakespeare a trouvé ses plus beaux sujets dans le champ de l’histoire nationale : c’est ainsi qu’il a pu combiner les caractères de l’épopée avec ceux du drame, réunir les éléments poétiques que fournit la triple source de l’histoire, de la légende, de la religion : il fallait chercher et trouver dans le même ordre ; et là commençaient les difficultés, l’histoire de l’Allemagne n’offrant guère d’unité, du moins en ses époques les plus séduisantes. […] Il en fit l’expression la plus haute de l’espèce de programme esthétique qui devenait sa religion, mais aussi la moins vraie de ses œuvres et la moins humaine. « Le vrai Tasse était un grand poète, dit M.
Religion à part, les Évangiles sont un exposé de faits sans appréciation ni commentaires, à l’instar de l’Iliade et de Salammbô. […] Le mélange de la religion et de la politique rend pénible la lecture des Samedis de Pontmartin. […] Chateaubriand l’oublia longtemps encore, cette foi de sa jeunesse, parce que son christianisme, que Sainte-Beuve appelle spirituellement un christianisme de surface, était une religion d’artiste plutôt qu’une persuasion de croyant. […] Voilà pourquoi Chateaubriand n’a jamais été gêné dans sa vie par cette religion séduisante que sa plume contribua à restaurer. La religion était chez lui une poésie plus qu’une certitude, une affaire de tenue plus qu’un lien de conscience.
Mais ces circonstances s’étant présentées lui suggérèrent l’idée d’un ouvrage bien différent, qui devait s’intituler d’abord : Des Beautés poétiques et morales de la Religion chrétienne, et de sa supériorité sur tous les cultes de la terre, et qui s’intitula enfin : le Génie du Christianisme. […] Il est malaisé de savoir quelle était sa religion : le surnom de Fléau de Dieu, qu’il prenait lui-même, montre qu’il n’en croyait pas plusieurs (dieux). […] » Cette plaisanterie provoque le rire des assistants. — « Insensés, leur dit alors Genès, je désire mourir chrétien. » On appelle un prêtre ; les cérémonies du culte des chrétiens s’accomplissent sur la scène, comme c’était alors l’usage, dit la légende, pour railler la religion nouvelle. […] Toutes les fois que j’ai entendu seulement prononcer le nom de chrétien, j’en ai eu horreur, et j’ai insulté ceux qui étaient de cette religion.
La sensation y est peut-être, la sensation vague et indéterminée, la sensation de l’éblouissement et du rêve ; mais l’âme en est absente ; absente aussi des personnages : du prêtre, qui ne connaît de la religion que les extases et l’hallucination ; — d’Albine, qui ne sent guère de l’amour que le bouillonnement et l’afflux physique dans un corps vierge brûlé des ardeurs du Midi ; — de Désirée Mouret, la sœur de l’abbé, pauvre idiote à qui M. […] Dans la forme, ai-je besoin de dire que c’est toujours la même habileté d’exécution, — trop vantée peut-être, — le même scrupule, ou plutôt la même religion d’artiste, mais aussi la même préoccupation de l’effet ; la même tension de style, pénible, fatigante, importune, les mêmes procédés obstinément matérialistes ? […] Mais l’interprétation d’un papyrus, ou d’un simple cartouche hiéroglyphique devient à celui-ci l’occasion de récrire l’histoire d’Égypte ; et, de la discussion de l’âge exact d’un morceau de marbre ou d’un fragment de poterie, c’est plaisir de voir celui-là tirer toute une théorie de l’art et de la religion grecque. […] En vain protestez-vous ; et en vain appelez-vous les grands mots à votre aide : « l’amour de la littérature pour elle-même » ; le culte de « l’art pour l’art », « la religion de l’idéal » ! […] Et d’abord, ce n’est pas la ville qu’elle s’attache à décrire pour y loger les habitants ; ce sont les habitants qu’elle nous fait connaître, et qui plus tard, agissant sous nos yeux, selon leurs mœurs et dans la direction de leurs instincts, nous promèneront assez de par la ville. « La religion des Dodson consistait à respecter tout ce qui était selon la coutume, et respectable : il fallait être baptisé, autrement, on ne pouvait être enterré dans le cimetière, ni prendre les sacrements avant la mort ; … mais il était tout aussi nécessaire d’avoir à ses funérailles les porteurs de manteaux les plus convenables et des jambons bien préparés, comme aussi de laisser un testament inattaquable.
Au fond, la Révolution française a tué la discipline de la nation, a tué l’abnégation de l’individu, entretenues par la religion et quelques autres sentiments idéaux. Et ce qui avait survécu de ces sentiments idéaux, notre premier sauveur, Louis-Philippe l’a achevé avec la phrase de son premier ministre : « Enrichissez-vous » ; et notre second sauveur, Napoléon III, avec son exemple et celui de sa cour, qui disait : « Jouissez. » Puis, quand toutes les religions désintéressées des âmes étaient mortes, on faisait, par le suffrage universel, du vote destructif et désorganisateur du bas de notre société, la véritable souveraineté française. […] Non, non, il n’y a plus, derrière ce mot République, une religion, un sentiment faux, si vous voulez, mais un sentiment idéal qui transporte l’humanité au-dessus d’elle et la fait capable de grandeur et de dévouement.
Je ne sais quel goût de distinction native : se sent toujours chez ceux qui, jeunes, ont eu de ces religions secrètes ; même quand l’heure de l’érudition est venue, on se dit en les lisant, et on devine à un certain air, que la poésie a passé par là.
Mais il est vrai qu’on verra peu de gens de cette qualité embrasser un genre de vie comme le sien, et demeurer fermes jusqu’au bout dans les grandes vérités de la religion, dans un grand mépris de soi-même, ce qui paroissoit jusque dans ses habits, et dans une uniformité pour ses devoirs essentiels comme elle l’a toujours témoigné.
Une époque pareille se présente au lendemain des atroces guerres de religion qui ont ensanglanté le xvie siècle.
Les élèves de César Franck s’interrompent de louer Bach pour ne plus songer qu’au Parsifal ; les élèves de Saint-Saëns ne songent pas à railler des pasticheurs de Wagner ; et un ami de Benjamin Godard accepte sans trop s’irriter qu’un rédacteur de la Revue wagnérienne lui expose la haute philosophie et la religion du maître, le » néo-christianisme » … Mais voici que, dans un grand brouhaha, se complimentent, grasseyent, s’effacent, se saluent, s’emmêlent les simples amateurs, les wagnériens selon la mode : cavaliers élégants, mondaines, docteurs très répandus, belles juives, flâneurs cosmopolites.
Schuré29, qui trouve absurde « qu’un jeune homme, qui n’est après tout qu’un niais, pénètre d’un seul coup toutes les profondeurs de la religion et de la philosophie parce qu’une femme a posé ses lèvres sur les siennes !
Qualifié de wagnérien, il y a plus de vingt-cinq ans, alors qu’il fallait un certain courage pour proclamer hautement son admiration envers l’auteur de Lohengrin, je passe aujourd’hui pour un tiède, n’ayant pas consenti à m’enrôler dans la confrérie, qui voudrait faire du wagnérisme une sorte de religion, excluant tout libre examen et toute critique.
Et qui peut songer, sans injustice et sans impiété, à lui reprocher la religion de sa race et le culte de ses reliques ?
Demandons à cette Nature, impersonnelle et froide, ce qu’elle fait de la justice, si elle lui a réservé quelque part un asile, ou si ses oracles sacrés ne sont que la dernière forme des religions, la superstition suprême de l’humanité.
Ces seigneurs en perruques majestueuses, ces princesses aux coiffures étagées, aux robes traînantes, ces magistrats, ces prélats agrandis par les magnifiques plis de leurs robes violettes, ne s’entretenaient que des plus beaux sujets qui puissent intéresser l’homme ; et si parfois des hauteurs de la religion, de la politique, de la philosophie, de la littérature, ils daignaient s’abaisser au badinage, c’était avec la condescendance et la mesure de princes nés académiciens.
Mais pour que l’on puisse apprécier tout ce qu’il y avait d’étrange, de hardi dans ce qu’osa dire Maurice dans un lieu à peu près public tel que l’école de David, il faut se reporter à l’an 1797, alors que la religion était encore l’objet de la dérision publique, avant que Bonaparte eût rouvert les églises. […] À l’atelier de David, comme par toute la France alors, on était et l’on affectait surtout d’être très-indévot ; mais le courage que montra Maurice en défendant un nom et une religion que tout le monde attaquait et vilipendait, ainsi que la pensée heureuse qu’il eut de découvrir à de jeunes artistes une source de beautés nouvelles au moins pour eux, séduisit et entraîna leurs jeunes âmes. […] Les groupes de sculpture saisis sont : la Liberté couronnant le génie de la France, Jupiter foudroyant l’aristocratie, et la Religion assise soutenant le génie de la France, dont les pieds posent sur les nuages, et dont la tête, ornée de rayons, indique qu’il est la lumière du monde. […] les abbati du gouvernement ont répandu dans toute la ville que Chinard avait outragé la religion, qu’elle était foulée aux pieds, etc.
Comme le vieil Héraclite, ému de l’universelle fugacité des choses, fit du Devenir l’essence génératrice du Cosmos, Laforgue, ainsi du reste que Hartmann, réalisa métaphysiquement l’Inconscient… « L’Inconscient, dit-il, n’est pas à chercher dans les perceptions infinitésimales uniquement », et, dépassant donc l’idée Leibnizienne, il déclare l’Inconscient « la force monstrueuse qui me mène, la force qui me fait me développer selon mon type, la vertu qui raccommode ma main qui s’est blessée, etc… » Ailleurs, cette philosophie est sur le point de se transformer en une religion et cette croyance à l’Inconscient, origine et raison suffisante de tout, aboutit presque à du mysticisme, « Le dernier divin, … le seul divin minutieusement présent et veillant partout, le seul infaillible, le seul vraiment et sereinement infini, le seul que l’homme n’ait pas créé à son image…26. » En réalité, par l’Inconscient Laforgue entend le principe actif du Cosmos et il pourrait, comme d’autres, l’appeler, ce principe actif, Ame du monde, Vie ou Volonté, tandis qu’il le désigne par celle de ses qualités qu’il considère comme la plus caractéristique. […] Elle est environnée d’un culte pieux ; en souvenir de ses caresses, des chapelles s’élèvent comme pour des Notre-dames, temples païens aussi, car toute religion lui est due puisque toute excellence lui appartient. […] Au point où s’arrêtait sa dialectique, Platon plaçait des mythes, fables très simples que parfois il imaginait lui-même, que d’autres fois il empruntait à la légende, à la religion, aux traditions populaires.
la « revendication du droit de l’individu à son développement intégral », malgré les religions, les codes et les préjugés sociaux ! […] Et, donc, les fils des acquéreurs de biens nationaux estimèrent qu’il faut une religion pour le peuple, et retournèrent eux-mêmes à la messe. […] comme le dit Maréchal de la religion, il faut du roman pour le peuple. […] Car, dans le Cid, dans Horace, dans Polyeucte, entre la patrie ou l’honneur ou la religion — et les obligations et affections de famille ou les passions privées, le cœur pouvait hésiter, mais non le jugement. […] Car, ce que jamais un homme ou une femme du peuple ne consentirait à faire, crainte de se déshonorer, les princes et les princesses le font communément : des princes changent de nationalité pour demeurer riches ou pour servir les intérêts momentanés de leurs familles ; de fières princesses changent tranquillement de religion pour faire de beaux mariages.
CXXXIII Le Saint-Simonisme que j’ai vu de près et par les coulisses m’a beaucoup servi à comprendre l’origine des religions avec leurs diverses crises, et même (j’en demande bien pardon) Port-Royal et le christianisme. […] Je ferai remarquer que, pour l’exactitude du sens, il né faudrait pas dire un réformé, car les réformés, c’étaient précisément ceux qui prétendaient à bien rimer et à réformer la poésie, et les réformés en religion, les calvinistes, n’étaient pas non plus des plus coulants.
Il n’y avait pas à parler aux souverains de leurs affaires, la chose n’eût pas été de leur goût ; ni des grands sujets de la pensée, religion, politique, philosophie : la domination espagnole en Italie, en Espagne l’inquisition y eût mis bon ordre. […] La sévérité de mœurs de Boileau, ses scrupules de religion, sa probité peut-être trop exigeante, le gênaient devant La Fontaine, qui pratiquait de plus en plus la morale de ses contes.
Celle de Mahomet est de la plus grande importance ; elle sert à développer les projets d’un ambitieux qui veut donner de nouvelles lois et une nouvelle religion à l’univers ; elle est d’ailleurs intimement liée à l’action. […] S’ils rencontrent par hasard, dans le cours d’une scène, les mots de misère, de vertu, de crime, de patrie, de superstition, de prêtres, de religion, etc., ils ont, dans leurs portefeuilles, une demi-douzaine de vers faits d’avance, qu’ils plaquent dans ces endroits.
Selon qu’il les caractérisera par telle ou telle image, il pourra nous dire ce qu’il pense de la religion, de la justice telle que nous l’entendons, de la charité telle qu’elle devrait être, du luxe, de la misère, de la lutte des classes. […] On s’est adressé à eux pour figurer les mystères de la religion en symboles visibles. […] Conçue en dehors de l’art, la religion s’est après coup adressée et imposée à lui. […] Je comprends que certaines religions, pour se garder plus pures de tout fétichisme, se soient interdit à elles-mêmes toute image. Mais l’art à coup sûr a gagné beaucoup à se mettre au service de la religion.
Le drame musical devenait ainsi une sorte de religion : aux plus sublimes révélations des mystères purificateurs il pouvait opposer les orgies les plus déchaînées des bacchanales ; il célébrait sous mille formes diverses la lutte de l’homme et contre les forces aveugles de la nature et contre son propre cœur. […] Wagner a, autrement encore, remanié la légende : il n’a pas laissé s’accomplir le retour désespéré de Tannhäuser ; il l’a remplacé par un dénouement édifiant, où la religion, l’amour et la pureté d’âme triomphent des forces de l’enfer ; la dissonance tragique et douloureuse qui terminait le vieux chant s’est transformée en un accord céleste, où les voix des anges font taire les derniers appels des démons. […] Ce qui en fait le plus grand intérêt, c’est que, sous le nom du prince indien Joasaph, l’auteur raconte en réalité l’histoire légendaire du Bouddha, devenu sous sa plume un ascète chrétien converti de l’idolâtrie à la vraie religion par un certain Barlaam. […] L’idée de faire donner par l’oiseau les préceptes de l’amour courtois lui était tout naturellement suggérée : on voit de bonne heure au moyen âge les oiseaux considérés comme des sortes de prêtres de la religion d’Amour, qui en promulguent les dogmes et en interprètent les lois.
C’est comme une rélation de voyage, où l’on ne garantit ni la bonté des moeurs, ni celles des idées des peuples qu’on décrit ; et comme on n’éxige point du voyageur qu’il louë la religion, le gouvernement ni la morale des nations dont il rend compte, on ne doit pas non plus éxiger du traducteur, qu’il louë les auteurs qu’il veut faire connoître, et qui peuvent avoir des utilitez curieuses, indépendamment de la perfection de leur esprit. […] On a été choqué de ce merveilleux apocryphe, qui blesse le respect dû à la religion. […] Et la religion ne demandoit-elle pas également et la confiance pour l’une et l’obéïssance pour l’autre ?
Le jeune Saint-Simon est vertueux ; il a des mœurs, de la religion ; il a surtout d’instinct le goût des honnêtes gens.
Pour ne pas avoir l’air d’éluder le jugement littéraire, même en telle matière où la question morale et sociale domine tout, nous dirons une bonne fois que n’avoir lu la Bible, comme le fit Parny, que pour en tirer des parodies plus ou moins indécentes, c’était se juger soi-même et (religion à part) donner, comme poëte, la mesure de son élévation, la limite de son essor.
La séve et le sang, toutes les formes du fait multiple, les actions et les idées, l’homme et l’humanité, les vivants et la vie, les solitudes, les villes, les religions, les diamants, les perles, les fumiers, les charniers, le flux et le reflux des êtres, le pas des allants et venants, tout cela est sur Shakespeare et dans Shakespeare, et, ce génie étant la terre, les morts en sortent.
Si, pour goûter, parmi ces vérités, les vérités de pure foi, il faut l’esprit de mortification qui reconnaît, avec l’auteur, tantôt le mal dans ce qui est le bien selon la sagesse humaine, tantôt le bien dans ce qui paraît le mal, toutes les autres sont goûtées par tous les esprits droits, fussent-ils prévenus contre la religion.
Mais, je le répète, on n’aura rien fait pour l’Art tant qu’on permettra de faire du wagnérisme une religion fermée, pratiquée dans un petit coin par quelques convaincus et des extatiques qui confinent à l’hystérie ; la plus grande injure qu’on puisse faire au maître c’est de tomber en pâmoison devant n’importe quelle de ses doubles croches.
Constituer la théorie des droits et des devoirs de l’homme, sans rien demander non-seulement à la religion, mais à la philosophie ; poser la morale à titre de science première, et qui ne relève que d’elle-même ; l’affranchir de la nécessité préalable d’une doctrine métaphysique dont elle ne serait que la conséquence : telle est la tâche qu’ont poursuivie quelques contemporains.
Enfin, puisque le théâtre n’est pas encore mort et qu’il a peut-être devant lui la durée cahin-caha, qu’on prête à cette heure à la religion catholique, moi qui ne crois pas au théâtre naturaliste, au transbordement, dans le temple de carton de la convention, des faits, des événements, des situations de la vraie vie humaine : voici ma conviction.
C’est par des recherches de ce genre qu’on pourra fonder véritablement une « psychologie des peuples »eb exacte et sérieuse, surtout si on complète les renseignements qu’elle pourra exiger par ceux d’une science connexe à fonder, la psychologie des grands hommes d’action, des fondateurs de religions, de morales, de lois et d’états, qui comprendra, de même que l’esthopsychologie, trois parties : l’analyse des actes des héros, la détermination de leur organisme mental spécifique et individuel, les faits sociologiques d’adhésion à ces actes et de ressemblance avec cet organisme.
La religion peut rêver, quoique le christianisme lui-même ne l’ait point fait, une âme qui contemple, qui aime, qui jouisse, sans aucune espèce de corps, dans une vie future.
On s’est passionné de part et d’autre, comme s’il s’étoit agi du renversement de l’état ou de la religion ; les injures étoient souvent en plus grand nombre et plus fortes que les raisons ; et comme la passion se justifie toujours elle-même, on imputoit au seul zéle du vrai, tous les excès de la vanité et de l’idolatre amour de son opinion. […] L’instruction seroit solide, si Homere n’en perdoit tout le fruit, en donnant pour cause de la protection des dieux, plutôt leur caprice, que notre religion et notre fidélité à nos devoirs.
Oui, on eût cru, à certains soirs, être dans une de ces églises au cinquième, ou au fond d’une cour, où la manne d’une religion nouvelle est communiquée à des adeptes qui doivent, pour entrer, montrer patte blanche ; la patte blanche là c’était un poème ou la présentation par un accueilli déjà depuis quelque temps. […] Il a, comme les mystiques, le culte de la Vierge à laquelle il adresse de pénétrants cantiques ; mais là encore c’est la religion anthropomorphique, la création d’un idéal féminin, l’évocation cérébrale d’une femme avec laquelle il ne faille point débattre les choses de la vie. […] … Pour bien comprendre Victor Hugo et l’enthousiasme qu’il excita, qu’il excite encore chez certains écrivains, et comprendre aussi le refus d’obéissance et d’inclinaison absolue devant cette gloire dont on voulut faire une religion, d’écrivains plus récents (encore que Beyle déjà parmi les contemporains lui fût carrément hostile), il faut se figurer la double et divergente direction des cerveaux capables de littérature et de progrès, l’évolution si l’on préfère, la décadence si l’on veut, — ces trois mots ne sont que des opinions contraires, désignant un phénomène inéluctable, qui serait là course à la vie de la littérature, sa course vers une intellectualité plus entière ; il faut aussi se demander quelles furent pour Hugo jeune, entrant dans la littérature avec le sentiment de sa force, les besoins de rénovation les plus urgents, le rôle que lui créait son ambition d’être le réformateur et le régénérateur de la poésie française. […] Non point que je veuille dire que nos classes supérieures vaillent mieux, et que nos classes inférieures soient plus heureuses que celles qu’il a pu voir ; mais dans sa médication à l’ordre de choses, pour la possibilité d’élever des malheureux à une idée plus haute d’eux-mêmes, il compte certainement sur des éléments de mysticisme et de religion plus profonds en des races plus neuves que nos races occidentales.
) Ce qui est certain, c’est que cette force morale nouvelle qui lui vint par la religion servit puissamment à le rendre capable des derniers efforts auxquels sa constitution physique semblait par elle-même se refuser.
La Religion, la Science, double besoin immortel !
Il sera tenté de les attribuer à un interlocuteur invisible, surtout si la religion environnante et sa croyance propre l’autorisent à s’en forger un.
Pour elle, la fortune n’était ni un pouvoir ni une consolation ; elle ne pouvait exister que par l’amour, par la religion, par la foi dans l’avenir.
Mais elle est à Cortez, Espagnol aussi, et à ce petit nombre d’Argonautes, descendus avec quelques compagnons de fanatisme, d’héroïsme et de férocité, sur l’Amérique du Midi pour la donner au roi d’Espagne et à sa religion alors conquérante.
Ils n’ont pas davantage observé que la cervelle d’un artiste occidental, dans l’ornementation de n’importe quoi, ne conçoit qu’un décor placé au milieu de la chose, un décor unique ou un décor composé de deux, trois, quatre, cinq détails se faisant toujours pendant et contrepoids, et que l’imitation par la céramique actuelle, du décor jeté de côté sur les choses, du décor non symétrique, entamait la religion de l’art grec, au moins dans l’ornementation.
Si les caractères ont quelque peu varié de l’état sauvage au nôtre, c’est surtout grâce aux mobiles que les religions dédaignent : l’orgueil, l’amour de la vie, l’amour des jouissances, l’amour sensuel même, l’intérêt, l’égoïsme individuel, l’égoïsme patriotique ; et dans ce lent travail de formation de lui-même, auquel l’ont si peu aidé ses prêtres, l’homme, en paraissant et en croyant les écouter, ne s’est défait que de ce qui lui nuisait, et n’a recherché qu’une somme supérieure de bonheur, se pliant mieux à la vie naturelle et sociale et suivant ces commandements véritables, que personne ne lui formulait, mais que les climats, la chasse, la guerre, ses sens, toute sa chair, lui ont impérieusement imposés.
Des couplets furent chantés, il s’ensuivit une espèce de baccanale qui, de nos jours, paraîtrait fort innocente, et qui parut alors un attentat à la religion. […] Dans l’Esther de ce même Du Ryer, il y a encore ces beaux vers : Car enfin quelle flamme et quels malheurs éclatent Quand deux religions dans un État combattent ! […] Aux premières représentations de cette tragédie, il y avait encore les quatre vers suivants, qui furent supprimés comme contenant une morale contraire à la religion et aux lois de l’État : Ces satisfactions n’apaisent point mon âme ; Qui les reçoit n’a rien ; qui les fait, se diffame ; Et de tous ses accords, l’effet le plus commun, Est de perdre d’honneur deux hommes au lieu d’un. […] On raconte qu’un révérend Père, prêchant un nouveau converti et l’engageant à abandonner son affection pour une jeune fille de la religion réformée, en eut pour réponse ces deux beaux vers des Horaces : Rome, si tu te plains que c’est là te trahir, Fais-toi des ennemis que je puisse haïr. […] En 1690, il donna à la scène Adrien, dans laquelle on trouve de beaux vers, ceux que nous allons citer, entre autres, dont Voltaire a pris la pensée pour son Alzire : A ma religion, vous préférez la vôtre.
Lui aprirent les dogmes de la religion catholique, et lui découvrirent les erreurs de l’hérésie, s’exprime en ces termes : « tombez, tombez, voiles importuns etc. ? […] Cette superstition paroissoit encore plus dans les cérémonies de la religion : on craignoit de doner aux dieux quelque nom qui leur fut desagréable. […] Si les explications des passages de l’ancien testament regardent l’eglise et les mystères de notre religion par analogie ou ressemblance, c’est le sens allégorique ; ainsi le sacrifice de l’agneau pascal, le serpent d’airain élevé dans le désert, étoient autant de figures du sacrifice de la croix.
Ainsi un bon prêtre désire imposer l’estime de sa robe à ceux qui restent hors sa religion. […] Si nous remontons aux sources, il continue l’état d’esprit qui naquit dans l’humanité lorsqu’il s’agit pour les Grecs d’Alexandrie d’expliquer la mythologie spontanée de leur race comme une enveloppe de vérités idéales, et qu’ensuite Alexandrie, métropole intellectuelle du christianisme, légua à la religion nouvelle comme une clef précieuse qui permît de faire concorder les deux Testaments chacun à chacun, l’ensemble des deux avec la sagesse grecque. […] Telle, en l’authenticité de fragments distincts, la mise en scène de la religion d’état, par nul cadre encore dépassée et qui, selon une œuvre triple, invitation directe à l’essence du type (ici le Christ), puis invisibilité de celui-là, enfin élargissement du lieu par vibrations jusqu’à l’infini, satisfait étrangement un souhait moderne philosophique et d’art. […] Ce que Socrate affirme du philosophe, ce que la religion affirme du chrétien, Mallarmé à chaque occasion l’affirme du poète.
Il n’a donc la religion d’aucun drapeau ? […] C’est ainsi qu’en apercevant toujours tous les aspects des choses, et la face et le revers, le critique poète semble hésiter et osciller, comme on le lui reproche dans les grandes questions qui touchent à la religion ou à la politique. […] Narbonne l’a porté l’autre jour en triomphe après un manifeste contre l’intolérance et le joug de la religion ; c’est aujourd’hui le tour de Ferney. […] que j’aurais bien voulu entendre Daniel Rochat lançant l’anathème aux religions !
L’auteur du poëme de la Religion, à quelques égards le père de la poésie descriptive au xviiie siècle, dut accueillir les vers élégants dont lui-même avait enseigné l’heureux tour dans son morceau sur le nid de l’hirondelle, sur la circulation de la sève et ailleurs.
On ne peut disconvenir en effet que les différences de religion, de climat, d’habitudes sociales, si elles n’ont pas changé le fond de la nature humaine, ont du moins donné à l’amour chez les modernes une tout autre forme que chez les anciens ; et lorsque les peintures que ceux-ci en ont laissées nous apparaissent dans leur nudité énergique et naïve, il y a un certain travail à faire sur soi-même avant de s’y plaire et d’oser admirer.
On oppose la poésie à la prose, à la science, à la religion, à l’industrie, à la musique, à la peinture, à la sculpture, à l’architecture, que sais-je ?
Les religions, leur gloire et leur ruine, le genre humain, ses douleurs et sa destinée, tout ce qu’il y a de sublime au monde lui est alors apparu dans un éclair.
On comprend, à de tels accents du beau page et de la comtesse, associant leur talent prédestiné au génie du Chérubin de la musique, on comprend que les religions antiques et modernes aient fait des concerts divins une des éternelles béatitudes du ciel, sans doute parce qu’il n’y a que les anges dignes de les chanter.
Ces poètes du soleil ne pleurent même pas comme nous ; leurs larmes brillent comme des ondées pleines de lumière, pleines d’espérance, parce qu’elles sont pleines de religion.
La vaine gloire était la vertu des grands hommes à ces époques où une religion, plus magnanime et plus épurée des vanités humaines, n’avait pas encore enseigné aux hommes l’abnégation, la modestie, l’humilité, qui déplacent pour nous la gloire de la terre, et qui la reportent dans la satisfaction muette de la conscience ou dans la seule approbation de Dieu.
Cette religion pratique, son seul refuge après la mort précoce de sa femme, avait redoublé en lui par l’isolement de son cœur.
On peut même ajouter que ces théories sont en parfait accord avec les croyances instinctives du genre humain, et que les religions les plus éclairées les sanctionnent, en même temps que la philosophie les démontre.
… Quatre jeunes femmes vont perdre leurs maris rien que dans notre village, et dix pauvres garçons vont tout abandonner, malgré père et mère, malgré la justice, malgré le bon Dieu, malgré la religion… n’est-ce pas abominable ?
Ainsi, lorsque Rousseau revendique la religion naturelle contre le matérialisme de son temps, il n’invente rien, et c’est tant mieux ; mais il y a des restaurations qui valent autant que des inventions ; et la profession de foi du vicaire savoyard est de celles-là.