Il y a un milieu entre l’ignorance absolue et la science parfaite, il n’y en a point entre le bien et le mal, entre la bonté et la méchanceté.
Le sentiment dont je parle est dans tous les hommes, mais comme ils n’ont pas tous les oreilles et les yeux également bons, de même ils n’ont pas tous le sentiment également parfait.
Cela ne lui réussit pas toujours, mais, quand il réussit, son œuvre est parfaite. » Ôtez, pour les comprendre en français, toute cette phraséologie allemande d’abstractions et d’images, toutes ces bandelettes de momie dans lesquelles les Allemands cerclent leurs plus vivantes pensées, et vous trouverez, quand vous lirez Hebel, que Goethe et Jean-Paul ont dit vrai.
En effet, l’héroïsme d’une vertu parfaite est une conception qui appartient à la philosophie et non pas à la poésie.
C’est d’une parfaite correspondance entre sa nature et la réalité précise des choses vues que Mme Lucie Delarue tire ce premier élément de sincérité qui s’affirme en ses vers. […] Le père de Mme Henri de Régnier, le parfait artisan de rimes José Maria de Hérédia, était Cubain. […] Un corps de rythme et d’harmonie, où chaque organe contribuait à la perfection de l’ensemble, et donnait ainsi l’impression, pris à part, d’une chose parfaite ! […] Et ce sont de parfaites latines, en effet, Mme Lucie Delarue-Mardrus et Mme Renée Vivien, ces Femmes-poètes, disciples de Baudelaire, le plus latin des maîtres de notre poésie contemporaine, qui atteignent à condenser comme lui, dans le raccourci d’une brève pièce, tout l’aigu d’une émotion rare, après s’être meurtries aux pointes extrêmes de la sensation. […] Ainsi s’affirme, par des indices certains, s’esquissant au premier âge, la parfaite unité de constitution mentale chez celle dont la vie a ce double but : créer, conserver.
Il arrive donc que le joueur se surestime constamment, et avec une parfaite bonne foi. […] Ceux-là même qui se vantent d’un détachement parfait sont souvent les plus âpres au gain, la partie une fois engagée ; ils s’entêtent et, battus, espèrent toujours un moment favorable. […] Cent cinquante photographies, d’une parfaite netteté, aident singulièrement à comprendre des récits qui, sans cela, auraient un peu l’air de se passer dans la lune. […] Ce sont là de parfaits exemples pour illustrer les théories nouvelles de la mutation, qui commencent à corriger les excès de l’idée évolutionniste. […] Meillet, dans sa parfaite Introduction à l’étude comparative des langues indo-européennes (1808), ne s’occupe pas de cette question.
Chacune de ces propositions a deux termes, l’un nécessaire, absolu, un, essentiel, parfait, infini ; l’autre imparfait, phénoménal, relatif, multiple, fini. […] Or l’idée de l’être le plus imparfait implique une idée plus ou moins claire, mais réelle, de l’être parfait, c’est-à-dire de Dieu. […] La spontanéité donne la vérité ; la réflexion produit la science : l’une fournit une base large et solide aux développements de l’humanité ; l’autre imprime à ces développements leur forme la plus parfaite. […] il naît un grand théologien pour le représenter ; et il se trouve encore que la nature du talent de l’interprète est en parfaite harmonie avec celle du point de vue qu’il s’agit de représenter. […] Le premier mérite de Tiedemann, c’est sa parfaite indépendance.
Lui-même fut un poète excellent non moins qu’un parfait prosateur. […] Un ordre parfait, pas besoin de sonnette ; ni sévérité du règlement, ni rien d’analogue. […] Et l’intensité, sinon la joie parfaite (où est-elle ?) […] , — mais d’un style, d’une syntaxe, d’un parfait, d’un net, d’un clair ! […] Cette conclusion, ainsi que les prémisses et les pièces intermédiaires, se présente dans le livre d’Emile Boissier, revêtue d’une forme parfaite — ou presque, puisqu’ici-bas rien n’est complètement parfait, — solide, souple et brillante comme une arme de luxe bien trempée.
Mais la nature voluptueuse du créole s’imprégna en lui de bonne heure de la philosophie régnante, et tout d’abord cette philosophie semblait, en effet, n’être venue que pour donner raison à cette nature ; l’accord entre elles était parfait. […] Avec son organisation délicate et fine, avec ses instincts de simplicité et de mélodie, il est permis de conjecturer que, nourri à une meilleure époque, plus loin de Trianon, et venu du temps de Racine, il aurait été un élégiaque parfait. […] » Mais pourquoi n’oserait-on pas tout révéler aujourd’hui que vous n’êtes plus, ô homme excellent, si l’on s’empresse d’ajouter que le poëte vous dut ces soins d’une grâce parfaite, ces attentions du cœur qui ne se séparent pas du bienfait, et si l’on remarque à l’honneur de tous deux, comme l’a très-bien dit M.
Non ; il a marché à reculons sans voir l’avenir, et en contemplant uniquement le passé pour y découvrir ce qui a été fait, pourquoi cela a été fait, sans se préoccuper nullement de ce qui sera fait pour conformer les lois futures à une plus grande justice ou à une plus parfaite moralité. […] M. de Montesquieu qui, à la page suivante, peint l’Angleterre comme le type du gouvernement parfait, ignore-t-il que le bâton appliqué à la discipline de l’armée y joue un rôle mille fois plus habituel que la baguette du mandarin dans le Céleste Empire, et cependant déshonore-t-il les institutions de la Grande-Bretagne parce qu’elles préfèrent, dans leur logique, cette peine disciplinaire à la prison ? […] Il exalte d’une manière absolue le gouvernement, selon lui parfait, de l’Angleterre.
Mais, du moins, cet esprit paraît jouir encore de lui-même ; l’habileté du travail, les premières caresses de la réputation qui le découvre derrière l’anonyme, quelque reste des idées du monde qui l’ont suivi dans sa retraite à Port-Royal, la vivacité de la polémique, le désir de n’avoir pas le dessous, la joie secrète de voir les gens de bon sens et les rieurs de son côté, toutes ces choses qui ont leur douceur honnête et permise, même pour les parfaits, le tiennent dans une disposition qui nous paraît heureuse, comparée à l’ardeur fébrile des Pensées. […] La méthode, qui est comme une première vérité générale et éternelle, et donne de la vie à tout écrit ; l’invention ; l’expression parfaite de toutes les vérités générales intéressées dans le débat ; le style, par lequel se révèlent avec éclat ces trois grandes qualités des écrits durables. […] Les écrits de Pascal sont plus parfaits que ceux de Descartes : non que le style de Descartes soit en aucun endroit moins clair, moins précis, moins frappant que sa matière ne le voulait ; mais cette matière n’a pas eu besoin de toutes les nuances d’expression, de toute la force d’accent, qui varient et passionnent la langue de Pascal.
Incapables de se faire une idée de la perfection, ils se crurent parfaits, et se mirent au ciel de leurs propres mains. […] Dans cette pièce admirable, ils déterminent leurs fonctions par l’idée même qu’ils se font de la langue française, « laquelle, disent-ils, plus parfaite déjà que pas une des langues vivantes, pourrait bien enfin succéder à la latine, comme la latine à la grecque, si on prenait plus de soin qu’on n’avait fait jusqu’ici de l’élocution, qui n’était pas, à la vérité, toute l’éloquence, mais qui en faisait une fort bonne et fort considérable partie. » Il ne s’agit donc pour eux que de l’empêcher de manquer à cette grande destinée, de l’épurer et non de la créer, et, comme ils le disent avec une naïveté énergique, de « la nettoyer des ordures qu’elle avait contractées, ou dans la bouche du peuple, ou dans la foule du palais et dans les impuretés de la chicane, ou par les mauvais usages des courtisans ignorants, ou par l’abus de ceux qui la corrompent en écrivant, ou par les mauvais prédicateurs53. » Ils se tiennent dans les bornes d’une institution réelle et pratique, n’outrant rien, ne s’exagérant pas leur autorité, n’entreprenant ni sur la liberté ni sur l’originalité des esprits. […] Ce qui donna confiance en l’institution nouvelle, c’est la parfaite mesure qui marqua tous les actes relatifs à sa fondation, et ses premiers travaux.
» Et la définition est parfaite. […] Il joue de la langue française, avec une parfaite connaissance de tous les parisianismes, pimentés d’une certaine gouaillerie sentant le ruisseau. C’est cependant un vieux Turc, un tranquille metteur à l’ombre de ses ministres, qui bonhomise merveilleusement sa pensée, en les euphémismes spirituels d’un parfait civilisé.
Ajoutez que ces deux parfaits gentilshommes de lettres semblent avoir été particulièrement dépourvus de véritable imagination créatrice. […] C’est qu’il aimait « le bijou » en écriture, le joyau parfait, bien serti, la pièce à mettre dans une anthologie, tel le Dialogue de Sylla et d’Eucrate, de Montesquieu. […] Il faut lire ces œuvres parfaites qui se nomment La Pécheresse, La Double Maîtresse, L’Amour et le Plaisir. […] Je m’en applaudirais : c’est vraiment un écrivain parfait, d’une qualité rare. […] » Parfaite et magnifique définition.
Elles ont la parfaite loyauté d’un inventaire bien fait. […] Et, dans cette résurrection de l’ancienne légende, que de tableaux il peint, d’une grâce délicate et forte, d’une précision sûre et d’une pureté parfaite ! […] Les transformations de ses théories littéraires ont été accompagnées de transformations semblables dans sa manière et, pour illustrer chacune de ses tentatives, il est facile de trouver dans ses livres des poèmes parfaits. […] Joie merveilleuse et parfaite extase, amour infini de la paix retrouvée ! […] … Infiniment plus souple et variée dans son rythme, plus musicale, docile aux vaines alternatives de la pensée, la mélodie est d’une grâce aisée et parfaite.
« Mon mariage a été, disait-il, une licence poétique. » Il aima sa femme, vécut avec elle en parfaite union, et en eut trois enfants auxquels il survécut, deux fils et une fille. […] André Chénier, qui admire ce tableau de la paix, plein et achevé, renvoie à cet autre tableau qu’en a tracé Tibulle, d’une couleur moins forte, également vrai et parfait dans son genre : Interea Pax arva colat. […] Il nous a mis hors du lit ; il s’en va nous rendre notre santé parfaite, et après la santé un teint plus frais et une vigueur plus forte qu’en siècle qui nous ait jamais précédés. […] Ils y ont gagné, Racan et même Maynard, de laisser quelques strophes parfaites, dans le sens de l’imitation d’Horace et selon les règles posées par le chef de l’école restaurée.
Thiers quand il parle du style et qu’il le compare à une glace, glace d’autant plus parfaite, dit-il, qu’elle se borne à réfléchir avec plus de fidélité les objets, sans les colorier de teintes empruntées à sa propre surface, nous dirons que c’est rabaisser l’intelligence que de l’assimiler à un miroir inerte. […] Il écrit avec ostentation des lettres conciliantes au roi d’Angleterre et à l’empereur d’Allemagne ; en attendant les réponses, il organise le système administratif que nous voyons encore aujourd’hui, système plus simple que parfait, né de lui-même, de la destruction des provinces et de la division en départements, œuvre de l’Assemblée constituante. […] Doué d’un goût exquis, d’un tact sûr, même d’une paresse utile, il pouvait rendre de véritables services, seulement en opposant à l’abondance de parole, de plume et d’action du premier Consul, sa sobriété, sa parfaite mesure, et jusqu’à son penchant à ne rien faire. […] L’attachement du général Bonaparte pour elle, ses brusqueries quand il s’en permettait, réparées à l’instant même par des mouvements d’une parfaite bonté, finissaient aussi par la rassurer.
tu n’es pas encore achevé, tu n’es pas complet, tu n’es pas parfait, tu n’es pas le dernier terme de ta propre évolution ; — mais, ajouterons-nous, il faut aussi que le réel ne puisse refuser son assentiment à l’idéal même et lui dire : — Non, je ne te connais pas ; non, car tu m’es indifférent, m’étant étranger ; non, car tu es faux. […] Le parfait de tout point, l’impeccable ne saurait nous intéresser, parce qu’il aurait toujours ce défaut de n’être point vivant, en relation et en société avec nous. La vie telle que nous la connaissons, en solidarité avec toutes les autres vies, en rapport direct ou indirect avec des maux sans nombre, exclut absolument le parfait et l’absolu. […] Ruskin, le célèbre critique anglais, sépare entièrement la vie physiologique de la vie intérieure ; non sans raison d’ailleurs, il refuse à un détail anatomique parfaitement rendu le pouvoir de produire l’émotion. « Une larme, par exemple, peut être, dit-il, très bien reproduite avec son éclat et avec la mimique qui l’accompagne sans nous toucher comme un signe de souffrance. » Soit, mais n’oublions pas que le physique et le moral sont intimement liés, que, si un détail physiologique d’une parfaite exactitude ne nous touche pas, c’est qu’il n’est pas suffisamment fondu avec l’ensemble ; qu’enfin, si le peintre avait parfaitement reproduit à nos yeux tous les caractères physiologiques de l’émotion, il ne pourrait manquer d’exciter l’émotion, parce qu’alors il aurait rendu aussi avec la même exactitude la vie intérieure du personnage.
Le beau a ses conditions mathématiques et dynamiques, et la principale de ces conditions est la parfaite adaptation de la force dépensée par l’auteur au résultat obtenu : une bonne machine est celle qui a le moins de heurts ou de frottements ; il y a longtemps qu’on a dit que la nature agit par les voies les plus simples, selon la loi de « la moindre action », qui devient, chez les êtres vivants et sentants, la loi de la moindre peine. […] Nous ne sympathisons qu’avec l’homme : les choses ne nous arrivent et ne nous touchent que comme vision et émotion, comme interprétation de l’esprit et du cœur humains ; et c’est pour cela que « le style est l’homme. » Le vrai style naîtra donc de la pensée et du sentiment mêmes ; il en sera la parfaite et dernière expression, à la fois personnelle et sociale, comme l’accent de la voix donne leur sens propre aux paroles communes à tous. […] Le même procédé est applicable à tous les styles, mais seulement comme moyen d’obtenir la première de ce qu’on peut ap peler les qualités sociales du langage, qui est de faire saisir nos idées à tous. « La règle du bon style dit scientifique, Renan, c’est la clarté, la parfaite adaptation au sujet, le complet oubli de soi-même, l’abnégation absolue. […] Ici, la seule règle pour maintenir l’harmonie que nul arrangement n’assure à l’avance, c’est précisément cet accord parfait de l’idée et du mot : celui-ci doit la rendre avec une telle exactitude que, l’exprimant, il semble s’effacer et qu’elle seule apparaisse.
La Poésie n’exclut pas la vérité de ses attributs ; et un seul volume parfait rend plus de services à l’humanité qu’une édition nationale illustrée en soixante-douze tomes. […] — À tous les poètes qui ont fait la gloire de la France dans le siècle qui vient de finir et qui sont morts maintenant, Lamartine, Victor Hugo, Musset, de Vigny, je préfère infiniment Leconte de Lisle pour l’admirable concision de ses poèmes, l’abnégation de sa personnalité et cette parfaite adaptation de notre langue poétique qui fait que l’on ne pourrait changer une strophe ni un mot de ses beaux vers. […] Remy de Gourmont a mille fois raison : Victor Hugo n’est pas toute la poésie — c’est d’une évidence parfaite… Et cependant, l’œuvre de Hugo, c’est immense, grandiose, arc-de-triomphal ! […] À ceux qui s’étonneraient, je répondrai : « Considérez que ce poète, peu lu et mal connu, jugé d’après ses théories étroites et paradoxales, fut harmonieux comme Lamartine, profond comme Baudelaire, poignant comme Musset, grave comme Alfred de Vigny et musical comme Verlaine ; songez que les Poèmes barbares ont précédé la Légende des Siècles et la surpassent certainement en largeur épique ; méditez enfin religieusement cette œuvre parfaite, où la langue poétique n’a été maniée qu’avec ce respect sacré que possèdent seuls les génies.
Balzac et Michelet sont grands ; Flaubert parfait. […] Je ne sais s’il ne mettait pas quelque coquetterie à y être parfait et impeccable. […] Washington en fut le type parfait. […] Homme public par hasard, si l’on peut dire ; outil parfait de la circonstance. […] Il est l’a plus parfaite, et la plus complète figuration de l’Idée.
Je laisse la fable agréable, mais un peu moins parfaite de l’amour de Flore pour Zéphyre ; le tout se termine par un vœu : Puisses-tu, beau Zéphyre, auprès de ton poète, Pour seul prix de mes vers, au fond de ma retraite, Caresser un jour mes vieux ans !
À propos du second acte et de cette scène parfaite entre Raymond et Olivier chez Mme de Vernières, il a été remarqué, et par les juges les moins soupçonnés d’être complaisants, qu’il y avait là une leçon en même temps qu’une définition, une leçon donnée sur place, au cœur du camp ennemi, de la façon la plus insultante, la plus neuve et qui se retient le mieux.
Ce qu’Horace disait à un ami qui était devenu amoureux de son esclave : “Il est beau, il est adroit, il a des mœurs, de l’esprit, des connaissances, c’est un enfant parfait de tous points ; mais je vous en préviens, il est un peu fuyard…” ».
Dieu, qui voulut si jeune l’initier à une vie plus parfaite, ne laissa pas ses derniers jours sans joie ; et de son lit de mort, Eugène vit fonder la constitution définitive de la hiérarchie au sein de la famille saint-simonienne.
Néanmoins on se demande pourquoi les anciens, et surtout les Romains, ont possédé des historiens tellement parfaits, qu’ils n’ont été jamais égalés par les modernes, et en particulier pourquoi les Français n’ont aucun ouvrage complet à présenter en ce genre.
Si les passions renaissaient sans cesse de leur cendre, il faudrait y succomber ; car on ne peut pas livrer beaucoup de ces combats qui coûtent tant au vainqueur : mais bientôt on s’accoutume à trouver de vraies jouissances ailleurs que dans les passions qu’on a surmontées, et l’on est heureux et par les occupations de l’esprit, et par l’indépendance parfaite qu’on leur doit.
Le Maistre est plus magnifique que Demosthène ; Pascal est au-dessus de Platon ; Despréaux vaut Horace et Juvénal, et « il y a dix fois plus d’invention dans Cyrus que dans l’Iliade. » Il y a six causes qui font les modernes supérieurs aux anciens dans la littérature : le seul fait d’être venus les derniers, la plus grande exactitude de leur psychologie, leur méthode plus parfaite de raisonnement, l’imprimerie, le christianisme, et enfin la protection du roi.
Et ils ont encore ce mérite d’être écrits, sinon en dehors de toute réminiscence, du moins en dehors de tout préjugé d’école, et avec une loyauté parfaite.
Il portait longtemps son idée dans sa tête, sans en précipiter l’enfantement, et il ne la livrait au jour que sous une forme harmonieuse et parfaite.
Lo Ipocrito et Le Tartuffe Dom Juan et Le Tartuffe sont aujourd’hui considérés généralement comme les deux créations, nous ne disons pas les plus parfaites, mais les plus vigoureuses du génie de Molière.
Il les chatouille où ça les démange, c’est parfait.
Son cri d’angoisse expire en refrains de café-concert, préoccupé qu’il est de se blaguer lui-même, et cela explique qu’en dépit de dons prestigieux, son lyrisme échoue avant la cristallisation parfaite et qu’il demeure un essayiste impénitent, comme s’il dédaignait d’être autre chose que le héros qu’il avait ambitionné de peindre : un raté de génie.
Vous trouverez peut-être que ce sonnet amalgame bien des motifs de différentes catégories ; peut-être le qualifierez-vous de rastaquouère sur le Parnasse — j’entends celui d’Apollon ; peut-être le trouverez-vous parfait et bien à sa place dans le livre.
Du moment qu’elle devint confidente et dépositaire des sentiments et des pensées du roi, et même des secrets de l’État, elle cessa de s’appartenir à elle-même : ce fut un devoir pour elle de donner au roi une parfaite sécurité sur le dépôt que sa confiance mettait à la discrétion de son amie ; elle lui devait de rompre toute familiarité qui aurait pu compromettre ce dépôt : il n’y a rien de si difficile à cacher qu’un secret avec tes personnes à qui l’on parle habituellement à cœur ouvert ; et il y a des secrets à la cour qui se découvrent par le soin de les cacher ; si bien qu’affecter de taire certaines choses, c’est les dire.
Apelle ne crut pouvoir former le Tableau d’une Beauté parfaite, qu’en empruntant de chaque Beauté ce qu’elle avoit de plus agréable & de plus régulier.
Richet compare ingénieusement l’animal « à un mécanisme explosif, mécanisme d’autant plus parfait que l’intervention d’une force de plus en plus faible pourra déterminer une explosion de plus en plus forte » ; cette explosion n’en est pas moins toujours déterminée par des lois inflexibles.
Pour avoir une Phédre parfaite, il falloit le plan de Pradon, & les vers de Racine.
Tout cela est excellent, et le discours de la mère est parfait : pas un mot de trop dans toute la fable, et pas une seule négligence.
Ce professeur remplira ses leçons de l’histoire naturelle de chaque drogue ; il décrira les caractères particuliers qui la constituent dans son état le plus parfait, dans son état de médiocrité et dans son état défectueux.
Jusque-là tout était parfait, — un peu ardent peut-être, — mais enfin…, bien, et, catholique comme je le suis, je n’aurais été qu’édifié de cette conduite et je n’en aurais parlé que discrètement et pour l’édification des âmes, si la trop crâne dévote qui avait effarouché les Pères de la Terre-Sainte ne s’était pas avisée de publier le livre que je vous annonce ; livre qui tient tout à la fois des Mémoires et du Roman, et dans lequel, Mme Marie-Alexandre Dumas, nous parle d’elle-même sans guimpe ni voile, et de son couvent et de sa cellule et de ses communions, comme de choses officielles et connues, que tout le monde doit savoir, sans explication préalable, et si ce livre n’avait pas la portée voulue d’une prédication mauvaise à entendre, et compromettante pour qui la fait… Certes, je ne veux pas ici nier la pureté d’intention, ni même la ferveur d’âme de l’auteur d’Au lit de mort, mais je dis que, même après la péripétie de la conversion, on n’a peut-être point dans cette dramatique famille Dumas, une idée bien nette de la sainteté !
Un héros de roman qui se porte bien et qui jouit de toutes ses facultés dans leur parfait équilibre est une chose infiniment rare et presque un phénomène.
Il est adressé à un gouverneur de province, que l’orateur ne manque pas d’appeler vir perfectissime, c’est-à-dire, homme très parfait ; ce titre d’honneur était apparemment une leçon adroite, donnée, sous le voile du respect, à un homme puissant.
Voltaire s’est permis de le trouver parfait.
Boileau, ce parfait Honnête homme, se dit seulement « ami de la vertu », ce qui est déjà bien joli.) […] Ils ont des façons parfaites, c’est vrai, et personne ne sait mieux qu’eux et mieux qu’elles tourner un compliment. […] A part cela, ils passent leur temps à déplorer ensemble l’incrédulité de Wolmar, homme parfait, mais athée. […] Un gouvernement si parfait ne convient pas à des hommes. […] En un mot, je ne vois pas de milieu supportable entre la plus austère démocratie et le hobbisme le plus parfait ; car le conflit des hommes et des lois, qui met l’État dans une guerre intestine continuelle, est le pire de tous les états politiques.
François Coppée garde presque toujours une mesure parfaite. […] Elles sont parfaites toutes deux. Un miroir concave en produirait une troisième fort différente et toute aussi parfaite. […] Thiers sa parfaite exactitude. […] Là tout est ordonné, lumineux, simple ; Tite-Live, ce n’est pas un génie profond ; c’est un parfait pédagogue.
Stella qui jusqu’alors lui était apparue sous sa figure terrestre, revêt devant lui sa parfaite beauté. […] Comme écrivain, c’est un parfait snob. […] la parfaite politesse d’un écrivain. […] Sa parfaite courtoisie n’en laisse rien voir ; mais je devine qu’il trouve que nous durons trop. […] Voilà précisément pourquoi il est exquis, pourquoi il est parfait.
Voilà la question qu’il pose avec une parfaite netteté et une fermeté impérieuse. […] Les caractères, tous poussés à la charge, comme il allait de soi dans une pièce de ce genre, sont du reste d’une parfaite justesse. […] Il a raisonné en parfait absurde. […] Enfin il est effaré que les hommes ne soient point parfaits. […] Seulement il n’est pas parfait, ce que La Bruyère exigerait qu’il fût.
Peut-être, et M. de Chateaubriand l’a remarqué dans un jugement porté sur elle vers l’époque de sa mort, pour rendre ses ouvrages plus parfaits il eût suffi de lui ôter un talent, celui de la conversation. […] Dans ses Considérations sur la Révolution française, qui parurent peu après la mort de l’auteur, M. de Chateaubriand n’est pas nommé ; et, dans un morceau de lui inséré au Conservateur (déc. 1819), on retrouve un de ces hommages à Mme de Staël, toujours respectueux et décents, mais d’une admiration tempérée de réserves, un hommage enfin de parfait et courtois adversaire. […] Dans le livre de la Littérature, avec quelle complaisance elle a cité les beaux vers qui terminent le premier chant de Thompson sur le printemps, et qui célèbrent cette parfaite union, pour elle idéale et trop absente ! […] Qu’après tout, et nonobstant toute justification, Delphine soit une lecture troublante, il faut bien le reconnaître ; mais ce trouble, dont nous ne conseillerions pas l’épreuve à la parfaite innocence, n’est souvent qu’un réveil salutaire du sentiment chez les âmes que les soins réels et le désenchantement aride tendraient à envahir. […] Deux fidèles et véritables portraits par le pinceau dispenseraient, d’ailleurs, de toutes ces esquisses littéraires : le portrait peint par Mme Lebrun (1807), qui nous rend Mme de Staël en Corinne, nu-tête, la chevelure frisée, une lyre à la main ; et le portrait à turban par Gérard, composé depuis la mort, mais d’après un parfait souvenir.
Le livre, écrin parfait des mots, suffit amplement au poème, tel en tout cas qu’on le conçoit actuellement, de moins en moins proféré et chanté ? […] Est-ce à dire que, théâtre type et art dramatique total, le Mystère du Moyen-Âge, des primitifs comme Rutebeuf aux « flamboyants » comme Gréban, nous proposât une forme accomplie, un exemple parfait, la règle d’or du genre ? […] Seule une parfaite bonhomie sauvera ses gestes gauchis, un peu gênés aux entournures. […] Les conditions d’une si parfaite réussite faut-il encore les rappeler ? […] Celui-ci inventa une sorte de réalisme synthétique, très proche du symbole, dont la Noblesse de la Terre est l’exemple le plus parfait.
Que le poëte choisisse un objet inutile ou desagreable ; il ne me causera que de l’ennui ou du dégoût : au lieu, qu’en blâmant un pareil choix dans le peintre, je puis encore admirer dans son ouvrage, la ressemblance parfaite avec les objets qu’il aura choisis. […] Il n’y a point de synonimes parfaits dans les langues ; un mot ne renferme point précisement, et dans toutes ses circonstances, le sens d’un autre mot ; chaque tour même exprime une maniere particuliére de sentir et d’envisager les choses. […] Ce n’est que la connoissance du parfait qui nous dégoûte du médiocre. […] On en a enfin donné des traductions françoises dont la derniere et sans comparaison la plus parfaite est celle de Madame Dacier. Ces traductions ont trouvé trois sortes de lecteurs, les uns prévenus, et qui ne doutant pas d’avance que les ouvrages d’Homere ne fussent parfaits, croiroient manquer d’esprit et de goût, s’ils n’en étoient charmés ; ainsi pour ne pas s’avilir à leurs propres yeux, ils s’excitent eux-mêmes à l’admiration, et ils s’estiment heureux de pouvoir sentir et parler comme les sçavans.
Mais, de même que les Idées platoniciennes nous révèlent, parfaite et complète, la réalité dont nous ne percevons que des imitations grossières, ainsi la religion nous introduit dans une cité dont nos institutions, nos lois et nos coutumes marquent tout au plus, de loin en loin, les points les plus saillants. Ici-bas, l’ordre est simplement approximatif et plus ou moins artificiellement obtenu par les hommes ; là-haut il est parfait, et se réalise de lui-même. […] Elle a d’ailleurs singulièrement facilité les choses en intercalant des intermédiaires entre nous et elle : nous avons une famille, nous exerçons un métier ou une profession ; nous appartenons à notre commune, a notre arrondissement, à notre département ; et, là où l’insertion du groupe dans la société est parfaite, il nous suffit, à la rigueur, de remplir nos obligations vis-à-vis du groupe pour être quittes envers la société. […] Tandis que la première est d’autant plus pure et plus parfaite qu’elle se ramène mieux à des formules impersonnelles, la seconde, pour être pleinement elle-même, doit s’incarner dans une personnalité privilégiée qui devient un exemple. […] Tandis que l’obligation naturelle est pression ou poussée, dans la morale complète et parfaite il y a un appel.
Elles désignent l’adaptation parfaite d’une suite de mots — non pas à une suite d’idées, comme dans la prose — mais à une expérience plus profonde que n’est l’acte de connaître, de raisonner, d’imaginer, de sentir : expérience que le poète est pressé de traduire, et qu’il ne peut s’approprier pleinement, maîtriser et achever qu’en la traduisant. […] Souday veut encore que, d’après moi, elle n’y fasse rien. à l’en croire, je conseille à l’âme d’imposer à l’esprit un jeûne total ; le poème, tel que je l’entends, serait d’autant plus parfait que la raison aurait plus de peine à y trouver sa nourriture habituelle, des idées, des raisonnements ; bref, je renverrais à la prose le de natura rerum, la divine comédie, les méditations. […] Bergson, vise à nous faire éprouver ce qu’il ne saurait nous faire comprendre. car l’objet de l’art est d’endormir les puissances actives ou plutôt résistantes de notre personnalité, et de nous amener ainsi à un état de docilité parfaite où nous réalisons l’idée qu’on nous suggère, où nous sympathisons avec le sentiment exprimé. […] Ces commentaires sont des types parfaits de « littératurite » à propos d’art. […] Il nous suffit que ce terme de musique soit parfait dans l’expression l’un par l’autre du temps et de l’espace ; il se comprend d’autant mieux qu’on ne le précise point, qu’on peut l’appliquer à toutes les valeurs de la composition.
Mais le plus admirable dans son cas est son accord parfait, son accord idéal, avec son temps, son milieu, son pays : son noble pays, si beau, si grand, et sans comparaison possible le premier de tous. […] Y a-t-il eu, cependant, une intimité aussi parfaite entre la nature et nos poètes français, qu’entre la nature et un poète anglais tel que Keats ? […] Je prends comme témoin le sachem du romantisme : Chateaubriand, qui a rempli son œuvre, en même temps que d’harmonies parfaites, d’images sublimes. […] Helvétius consacre tout un chapitre à prouver cette proposition : « De la supériorité des gens passionnés sur les gens sensés » ; et il donne à un autre le titre que voici : « On devient stupide dès qu’on cesse d’être passionné. » Il y montre que « l’absence totale de passions, si elle pouvait exister, produirait en nous le parfait abrutissement ; et qu’on approche d’autant plus de ce terme qu’on est moins passionné ». — Qui voudrait être rangé dans la classe des stupides ? […] Leibniz, le fondateur de l’optimisme, aussi grand poète que profond philosophe, raconte quelque part qu’il y avait dans un temple de Memphis une haute pyramide de globes placés les uns sur les autres ; qu’un prêtre, interrogé par un voyageur sur cette pyramide et ces globes, répondit que c’étaient tous les mondes possibles, et que le plus parfait était au sommet ; que le voyageur, curieux de voir le plus parfait des mondes, monta au haut de la pyramide, et que la première chose qui frappa ses yeux attaches sur le globe du sommet, ce fut Tarquin qui violait Lucrèce… »— Pensées sur l’interprétation de la nature, Œuvres, II, 85 ; à propos de Pope : « J’ai vu de savants systèmes, j’ai vu de gros livres écrits sur l’origine du mal ; et je n’ai vu que des rêveries.
Mais ces personnes, fort éclairées et d’un suffrage très précieux, tout en admirant profondément M. de Lamartine, disent qu’il lui serait facile d’ajouter à la gloire d’être un grand poète, celle d’être un poète parfait. […] Dans ce manque de but et de résultat, dans cette parfaite inutilité, il n’y a pas seulement de sa faute ; je le reconnais. […] La gloire de nos grands poètes, c’est surtout d’avoir exprimé dans un langage parfait, des vérités de la vie pratique ; c’est d’avoir créé en quelque sorte la poésie de la raison. […] Béranger, c’est le type le plus parfait, le plus ingénieux, le plus aimé du caractère de notre nation. […] Il aura beau mettre la main sur son cœur et protester de son parfait désintéressement, on soupçonnera de jalousie ses meilleures raisons.
Meurice et Vacquerie est près d’être parfaite ! […] C’est assurément une des choses les plus parfaites que M. […] Et pourtant ils sont heureux ; car, au surplus, la joie peut-elle être parfaite sans une secrète morsure de douleur ? […] En parfait « homme du monde », il tend sa carte à Boubouroche idiotisé, et se retire, « très chic », après lui avoir fait jurer qu’il ne touchera pas à un seul cheveu d’Adèle. […] Cela était si parfait que l’artifice en était insaisissable.