Les hommes d’État en ont comme cela, que leurs habitudes d’esprit transposent de la langue politique à la langue littéraire et qui prennent dans celle-ci physionomie piquante. […] Le diminutif est une grâce de la langue, dont le xvie siècle avait abusé, je le sais bien, mais c’est une grâce de la langue, dont la langue française est très capable, et qu’il ne fallait pas laisser comme un privilège à l’italien. […] Comme professeur de langue, Malherbe a eu une influence énorme et immédiate. […] Flaubert n’était pas très sûr de sa langue. […] Ce n’est pas en vain que la langue populaire appelle une conviction une manière de voir.
Dans l’Apollonide, son œuvre récente, comme dans les Érinnyes, comme partout, d’une grave voix de baryton, dans une langue douée de splendeur, des personnages rigides comme des marbres éginètes parlent et s’infléchissent, un peu raides. […] Brunetière qui, quoi qu’en disant moins qu’il n’en pense, sait bien ce que c’est qu’une langue forte, pour avoir fréquenté des classiques et doit reconnaître M. […] Borluut et Godelieve peuvent être la vraie vertu ; comme ils parlent une simple langue d’extase, ils ne pourront passer inaperçus dans une Babel du chiffre. […] Ce n’est pas germain du tout, ce poème de Lise ; c’est, dans une langue rajeunie, un peu de l’esprit de nos vieux auteurs ; ce n’est pas lyrique par expansion mais par concision, marque de bons esprits de notre littérature classique. […] Rimbaud, comme tous les jeunes gens de génie, eût certes désiré renouveler entièrement sa langue, trouver, pour y serrer ses idées, des gangues d’un cristal inconnu.
on peut le savoir, car il a gardé cette signification première dans les formules de la langue religieuse et dans celles de la langue juridique. […] La vieille langue en avait un autre qui désignait proprement le père et qui, aussi ancien que pater, se trouve, comme lui, dans les langues des Grecs, des Romains et des Hindous (gânitar, γεννητήρ, genitor). […] Dans la langue religieuse on l’appliquait à tous les dieux ; dans la langue du droit, à tout homme qui ne dépendait d’aucun autre et qui avait autorité sur une famille et sur un domaine, paterfamilias. […] Assurément cela ne serait pas conforme à la netteté et à la précision des langues anciennes. […] Un certain nombre de familles formèrent un groupe, que la langue grecque appelait une phratrie, la langue latine une curie317.
Combien de contresens et de sophismes peut imposer à la langue française une erreur d’esthétique ! […] Manier savamment une langue, c’est pratiquer une espèce de sorcellerie évocatoire. […] Tout le mérite (abstraction faite de la langue) gît donc dans l’interprétation. […] Ce sont de mauvaises langues ; mais il n’en est rien. […] Sa langue, vigoureuse et pittoresque, a presque le charme du latin.
Ils sont fréquents, et, par cela même que la parole intérieure y est plus intense, ils ont été plus remarqués que les autres, soit par les philosophes168, soit même par le sens commun, dont les observations imparfaites ont laissé une trace dans les littératures et dans les langues. […] Un assez grand nombre de formes de la langue française, où le mot voix et ses analogues sont employés métaphoriquement, me paraît s’expliquer à peu près comme les conseils des dieux d’Homère et comme les prosopopées, par des allusions plus ou moins directes à des vivacités subites, plus ou moins réelles, plus ou moins fictives, de la parole intérieure. Mais le génie d’une langue a ses mystères ; il est souvent difficile de justifier d’une façon satisfaisante pour l’entendement telle image, que, pourtant, nous comprenons sans peine, et qui, si notre réflexion se tait, nous paraît juste, et non pas seulement gracieuse ou brillante ; il me semble que, parfois, les figures du style plaisent à l’esprit pour plus d’une raison et ne peuvent être rangées exclusivement dans aucune des catégories que distinguent les dictionnaires. […] Mais, si cette transition d’un sens à un autre a été possible, c’est grâce à l’apparition intermittente dans la succession psychique de paroles intérieures particulièrement vives ; ce fait, vaguement aperçu par certains hommes, et désigné plus ou moins nettement dans leur langage, ne parut point étrange à leurs interlocuteurs ; ils reconnurent un phénomène qui leur était familier ; l’allusion étant comprise, elle s’acclimata dans la langue commune jusqu’à devenir une métaphore presque banale. […] Un degré de plus dans l’intensité intérieure, et la langue s’agitera, frappant sans bruit le palais, les dents ; puis les lèvres s’entr’ouvrent et s’animent à leur tour et coordonnent leurs mouvements à ceux de la langue ; ce n’est encore qu’un murmure, car l’organe sonore par excellence, le larynx, ne prend pas part au jeu ; on parle tout bas, ce qui n’est pas parler.
Bourget doit à ses préoccupations psychologiques de rares qualités de pénétration et d’analyse, sensibles jusqu’en ces poèmes d’une langue à ce point discrète et musicale, qu’on croit entendre le dialogue aérien de Miranda et d’Ariel.
. — Esthétique de la langue française (1899). — Le Songe d’une femme (1899). — Oraisons mauvaises (1900).
C’est là qu’on admire à la fois tout ce que le sentiment a de plus vif, tout ce que la piété a de plus noble & de plus tendre, tout ce que la Langue Latine a de plus énergique & de plus mélodieux, tout ce que la Religion peut ajouter à l’enthousiasme, en lui fournissant des sujets vraiment propres à l’échauffer.
L’émotion qu’on éprouve en lisant leurs vers fait bien sentir que la nature même s’y explique en sa propre langue.
Fiches relatives à l’invention, aux idées nouvelles ; fiches relatives à la disposition, au plan, à la manière dont l’auteur conduit ses idées ou conduit son récit, ou mêle ses idées à son récit ; fiches sur le style, sur la langue ; fiches de discussion enfin, c’est-à-dire sur les idées de l’auteur comparées aux vôtres, sur son goût comparé à celui que vous avez, sur ses idées encore et son goût comparés à ceux de notre génération ou à ceux de la génération dont il était, etc.
L’oubli complet de quelque langue étrangère est un des effets les plus ordinaires de la commotion… Les malades ne se souviennent jamais de la manière dont leur accident leur est survenu ; s’ils sont tombés de cheval, ils se souviennent bien qu’ils sont montés et descendus, mais ils ne se rappellent pas les circonstances de leur chute. […] Dès que la mouche est dans le vase, la grenouille modifie son attitude, semble épier l’insecte, et, au moment où il s’approche, elle fait un saut peu étendu et cherche à le happer avec sa langue ; mais elle ne le saisit pas du premier coup, elle est obligée de recommencer le mouvement de projection de sa langue, et cette fois elle réussit. […] Un Napolitain mime involontairement tous ses récits et tous ses projets : s’il annonce qu’il va monter à cheval, il lève la jambe ; s’il raconte qu’il a mangé d’un plat de macaroni, il ouvre les narines afin de mieux flairer et avance la langue entre les lèvres ; s’il pense à une ligne sinueuse ou droite, il la décrit de l’œil et du doigt. […] Quand nous lisons le nom d’un objet, aussitôt, par association, nous imaginons cet objet lui-même ; de plus, nous prononçons mentalement son nom, nous entendons mentalement ce nom prononcé, et, si nous savons d’autres langues que la nôtre, nous lisons, entendons, prononçons mentalement le nom correspondant dans chacune des autres langues. […] Dès lors, on comprend à quoi servent les cinq cents millions de cellules et les deux milliards de fibres de notre écorce cérébrale ; grâce à leur multitude, notre mémoire est pleine de clichés ; c’est pour cela qu’un cerveau humain peut posséder une ou plusieurs sciences complètes, cinq ou six langues et davantage, se rappeler des myriades de sons, de formes et de faits.
Mercredi 11 février Autant c’est chafriolant d’entendre parler cuisine, par des gens curieux de nourriture délicate, raffinée, originale, enfin de petits mangeurs qui ont l’imagination de l’estomac ; autant c’est répugnant, dégoûtant même, d’entendre des goinfres d’une chatte qui se gave de mou, et un bout de langue remueur dans une rotation pourléchante. […] Lundi 2 mars Avant de me lever, au petit jour, je réfléchissais dans mon lit, au sujet d’Henriette Maréchal, que si je continuais à faire du théâtre, je voudrais le balayer de tout le faux lyrisme des anciennes écoles, et remplacer ce lyrisme par la langue nature de la passion. […] Lundi 23 mars Auguste Sichel affirmait, ce soir, que l’allemand de Henri Heine, était un allemand tout spécial, presque une langue particulière, une langue à phrases courtes, sans précédents dans la langue germanique, et qu’il croyait formée par l’étude du français des encyclopédistes, du français de Diderot. […] Oui, c’est positif, le public n’aime pas la simplicité de cette prose dramatique, il veut autour des catastrophes de la vie, la langue du boulevard du Crime. […] Là dedans, un petit homme au front socratique, aux oreilles rouges de sang, au nez sensuel où danse une verrue sur une narine, nous récite de sa poésie, dans la langue de musique du lieu.
Bien qu’il soit très soucieux du rythme et qu’il ait réussi à merveille de rares et précieux essais, on ne peut considérer en Cros un virtuose en versification, mais sa langue très ferme, qui dit haut et loin ce qu’elle veut dire, la sobriété de son verbe et de son discours, le choix toujours rare d’épithètes jamais oiseuses, des rimes excellentes sans l’excès odieux, constituent en lui un versificateur irréprochable qui laisse au thème toute sa grâce ingénue ou perverse.
Paul Léautaud Malgré tant de points parfaits où la modernité s’allie au grand passé que nous tous portons en nous, où « l’harmonie, la grâce du paysage, le charme virgilien, loin de nuire à l’originalité de l’auteur, y ajoutent encore », et qui sont d’une langue et d’un rythme admirables, c’est surtout comme poète satirique que M.
Ce n’est que de sa langue maternelle que l’on perçoit jusqu’au bout les fines et mystérieuses résonances.
Le comique tombe souvent sur des querelles entre l’Eglise anglicane & la presbytérienne, & sur des jeux de mots particuliers à la langue angloise.
Pour ces diverses raisons, la plupart des cantinières de lettres que j’ai rencontrées m’ont paru méprisables : et celles qui m’offraient leur vin frelaté en chantant dans la langue de Déroulède qu’elles prennent pour la langue des dieux, et celles qui s’expliquèrent en prose académique ou soldatesque. […] Mme Jean-Bernard, grâce à la merveilleuse précision de sa langue, réussit cette fois à calomnier M. de la Palice. […] Mais il y eut visiblement, lorsque commença le baiser, de l’effort, de la comédie, et, pour parler une langue aussi respectueuse que la sienne, du chiqué. […] Leur seul intérêt est de montrer deux intelligences d’hommes d’affaires qui essayent de parler passion et héroïsme et qui balbutient ridiculement ces langues étrangères. […] sorte de Jocelyn mélodramatique où j’ai surtout admiré des épigraphes en langues fort diverses : français, latin, italien, allemand, anglais et même droit.
C’est par là que le mot s’est introduit dans notre langue, et dans presque toutes les langues d’Occident, pour signifier la femme qui n’est pas votre épouse, toutefois à qui l’on se donne, et qui se donne. […] Avec la Renaissance et la découverte, la fréquentation assidue des auteurs grecs et latins, latins surtout, notre langue vise au synthétisme des langues antiques, de plus au style oratoire, à la période, justement, à la cadence. […] C’est un écrivain né, un artiste né : et il écrit la langue la plus unie, la plus dépouillée d’artifices. […] Il était lu, et il était traduit dans un grand nombre de langues, et particulièrement en allemand. […] Ce sera ainsi sans doute jusqu’à la disparition de la langue française, événement qui n’apparaît pas devoir arriver aujourd’hui, ni même demain.
Les Fleurs du mal, tenons-nous-en à ce recueil, sont-elles écrites d’une robuste et ferme langue ? […] Ses Contes drolatiques l’attestent, il connaissait à fond les secrets de notre langue. […] Sainte-Beuve paraissent traduites d’une langue étrangère par quelqu’un qui ne connaîtrait cette langue qu’imparfaitement. […] Discuter avec quelqu’un, c’est d’abord accepter sa langue. […] La langue en est si simple, si directe.
C’est par ce respect de la langue que M. de Maupassant a conquis la situation qu’il occupe encore jeune dans les lettres ; est-ce à dire qu’il ait atteint déjà la perfection ? […] On y retrouvera, dans cette bonne langue que M. […] Péladan et que je blâme de toutes les forces de mon respect pour la langue française. […] que cet homme joue bien du violon, on dirait une flûte. » Notre vieille langue française, elle, ne consent pas à ces échanges. […] Dans celui qui est consacré à Nicolas Ier, l’auteur nous montre le grand souverain encourageant et imposant la langue française à sa cour.
Marcel Schwob, qui fait de si beaux contes, qui sait si bien la vieille langue française et qui a tant d’humour et de philosophie. […] Cette langue est très belle. […] Et dans ce domaine-là je me sens supérieur à tous parce que je connais les richesses cachées de notre langue. […] La langue nouvelle est encore à naître et aujourd’hui il y a partout de la confusion parce qu’on se sert de langues différentes. […] Vous n’ignorez pas qu’un des mots les plus nobles de notre langue, « la tête », est sorti de la rue.
Lacordaire, l’alliance du christianisme et des lettres n’a pas trop porté malheur à la langue française ! […] … Si c’est là le dernier mot du réalisme, il pourrait nous le dire dans une meilleure langue. […] Goriot achève de se ruiner pour subvenir aux fredaines de son Anastasie et de sa Delphine, ou, pour parler sa langue, de Fifine et de Nasie. […] Cette malédiction d’un lyrisme dont nous taisons les plus choquantes crudités est à l’adresse des professeurs dont le pédantisme nous gâte les belles fleurs de latinité et nous explique en langue vulgaire Horace et Virgile. […] Crois-tu qu’elle ne soit qu’une langue épaissie ?
Imaginez Jouy ou Jay qui croient bonnement que c’est là leur langue qu’on vient de retrouver tout exprès pour leur faire plaisir.
En écoutant vos leçons sur la plus belle des langues et des littératures du monde primitif, j’ai rencontré la réalisation de ce qu’auparavant je n’avais fait que rêver : la science devenant la philosophie et les plus hauts résultats sortant de la plus scrupuleuse analyse des détails.
« C'est avec un vrai plaisir, Monsieur, que je donne ce témoignage de votre Ouvrage, très-flatté d'avoir cette occasion de rendre justice à vos talens, & de vous marquer le parfait & sincere dévouement avec lequel j'ai l'honneur d'être, &c. » Outre ce suffrage si flatteur de la part d'un homme en place, & sur-tout d'un Etranger qui s'exprime si bien dans notre Langue, M.
Renée Dunan, qui goûte les mots rares, emprunte de nouveau le terme au lexique symboliste et décadent : térébrant est employé dans ce sens figuré chez Huysmans (Trésor de la langue française). […] Andreas Latzko (1876-1943), pacifiste hongrois, écrivain de langue allemande, connu pour son recueil Les Hommes en guerre paru en français chez Flammarion en 1920 dans une traduction de Magdeleine Marx. […] On trouve le dérivé clysopomper chez Tristan Corbière (Trésor de la langue française). […] Ses romans abordent la question de la foi, dans une langue classique.
Le premier pourrait, à la rigueur, se traduire d’une langue dans une autre, quitte à perdre la plus grande partie de son relief en passant dans une société nouvelle, autre par ses mœurs, par sa littérature, et surtout par ses associations d’idées. […] Et comme il y a des phrases toutes faites dans toutes les langues, M. […] Également comique est l’extension de la langue des affaires aux relations mondaines, par exemple cette phrase d’un personnage de Labiche faisant allusion à une lettre d’invitation qu’il a reçue : « Votre amicale du 3 de l’écoulé », et transposant ainsi la formule commerciale : « Votre honorée du 3 courant. » Ce genre de comique peut d’ailleurs atteindre une profondeur particulière quand il ne décèle plus seulement une habitude professionnelle, mais un vice de caractère. […] Mais il n’y a pas d’étang qui ne laisse flotter des feuilles mortes à sa surface, pas d’âme humaine sur laquelle ne se posent des habitudes qui la raidissent contre elle-même en la raidissant contre les autres, pas de langue enfin assez souple, assez vivante, assez présente tout entière à chacune de ses parties pour éliminer le tout fait et pour résister aussi aux opérations mécaniques d’inversion, de transposition, etc., qu’on voudrait exécuter sur elle comme sur une simple chose.
Et, par exemple, lui qui savait si bien le latin et qui avait une des plus belles bibliothèques de particulier, il avait peu étudié le grec, et des oracles qu’il citait sans cesse, il y avait une bonne moitié qu’il ne prenait pas directement à leur source : J’ai grand regret, écrivait-il à Spon, de n’avoir exactement appris la langue grecque tandis que j’étais jeune et que j’en avais le loisir ; cela me donnerait grande intelligence des textes d’Hippocrate et de Galien, lesquels seuls j’aimerais mieux entendre que savoir toute la chimie des Allemands, ou bien la théologie sophistique des Jésuites… Pour bien juger Gui Patin, il le faut voir en son cadre, en sa maison, dans son étude ou cabinet, et, par exemple, le jour enfin où, ayant été nommé doyen de la Faculté (honneur pour lequel il avait déjà été porté plus d’une fois, mais sans que le sort amenât son nom), il traite ses collègues dans un festin de bienvenue (1er décembre 1650) : Trente-six de mes collègues firent grande chère : je ne vis jamais tant rire et tant boire pour des gens sérieux, et même de nos anciens. […] En littérature française, jeune il avait causé avec M. de Malherbe, et il le citait quelquefois ; mais il en avait gardé mémoire bien moins pour ses odes ou sa réforme de la langue que pour ses gaillardises. Ii appréciait Balzac et estimait la grande édition posthume qu’on préparait de ses Œuvres (1665) capable de faire honneur à la France et à notre langue.
Lassay a pour nous cet avantage, précisément parce qu’il n’est qu’un homme de société et un amateur, non un auteur, de nous représenter au juste le ton de distinction et de bonne compagnie du xviie siècle, et la langue parlée que ce siècle finissant transmit au xviiie . […] Lassay, je l’ai dit, n’est pas un écrivain ; son style est sans cachet, mais il parle en perfection cette langue pure, polie, incolore, exempte du moins de tout mélange, et parfaitement naturelle, que continuent de parler et d’écrire les personnes de goût de l’époque qui succède, le président Hénault, Mme de Tencin. […] Quand la langue est restée pure, elle permet de ces acceptions heureuses et justes, trouvées en passant et sans qu’on appuie trop. — Il y a bien des années, un jeune écrivain, depuis célèbre, M.
Mais la force romaine, le bras romain, la langue et la pratique romaines sont aussi partout : ça été le grand instrument de propagation et de culture. […] C’est l’inconvénient de ceux qui ne possèdent qu’une langue, une littérature. […] Je m’inclinerai devant la grande, la puissante et sublime parole de Bossuet, la plus impétueuse certainement et la plus pleine qui ait éclaté dans la langue française ; mais s’il s’agit d’agrément et de grâces, je les réserverai pour Fénelon.
Il ne marchande pas ce qu’il veut dire… Le public lui doit beaucoup d’avoir pris soin de ces Mémoires… Notre langue n’a plus cette naïveté et cette simplicité nécessaires pour un tel Journal, et nous n’avons point de Henri IV, à qui il échappe à tous moments des mots vifs et plaisants que l’on puisse recueillir. » Marais a exprimé en maint endroit son regret de la vieille langue et des libertés qu’elle autorisait. […] Je l’ai lu : c’est un ouvrage merveilleux, un chef-d’œuvre d’esprit, beau comme Virgile, et voilà notre langue en possession du poëme épique comme des autres poésies.
« J’étudie, je tâche d’étudier, de joindre l’espagnol à la langue anglaise que je sais tolérablement. […] Et tout cela me rend l’étude de l’espagnol plus intéressante qu’une autre, parce que je pense que tu as parlé cette langue dans ta jeunesse guerrière. » Elle ennoblit tant qu’elle peut le passé de ce cher frère pour le relever lui-même à ses propres yeux ; elle y verse de la poésie comme sur toute chose, en croyant n’y mettre que du souvenir. Cette idée d’une descendance espagnole sourit à son imagination ; elle n’en est pas bien certaine, mais elle tâche de se le persuader, et elle convie son frère à l’aider à y croire : « Je me suis toujours sentie attirée vers l’étude de la langue espagnole, parce que Douai est tout rempli des vestiges de cette nation. — Nous-mêmes, je crois, mon bon frère, nous en sortons du côté de la mère de mon père.
Laisné, et ce travail le formait aux règles de l’orthographe et de la langue. […] Mais Béranger vit à merveille que, dans une langue aussi peu rhythmique que la nôtre, le refrain était l’indispensable véhicule du chant, le frère de la rime, la rime de l’air comme l’autre l’est du vers, le seul anneau qui permît d’enchaîner quelque temps la poésie aux lèvres des hommes. […] Il pousse même la rancune contre ce pauvre latin qu’il n’entend pas, et que parlait son ancêtre Horace, jusqu’à reprocher avec assez d’irrévérence à notre langue, à notre poésie, d’avoir été élevée et d’avoir grandi dans le latin : témoin Malherbe et Boileau qui l’ont coup sur coup disciplinée en ce sens, il ajoute méchamment que cet honnête latin a tout perdu ; que, sans les lisières de ce mentor, il nous resterait bien d’autres allures, plus libres et cadencées : Courier, en son style d’Amyot, ne marquerait pas mieux ses préférences.
Ce fut pourtant, si l’on parle un instant avec lui la langue vaguement complaisante de Louis XIV, ce fut, à tout prendre, un heureux et facile génie, d’un savoir étendu et lucide, d’une vaste mémoire, inépuisable en œuvres, également propre aux histoires sérieuses et aux amusantes, renommé pour les grâces du style et la vivacité des peintures, et dont les productions, à peine écloses, faisaient, disait-on alors, les délices des cœurs sensibles et des belles imaginations. […] Riche de savoir, rompu à l’étude, propre aux langues, regorgeant, en quelque sorte, de souvenirs et d’aventures éprouvées ou recueillies qui s’étaient amassées en lui dans le silence, il saisit sa plume facile et courante pour ne la plus abandonner ; et par ses romans, ses compilations, ses traductions, ses journaux, ses histoires, il s’ouvrit rapidement une large place dans le monde littéraire. […] Les conseils du Mentor à son élève, son souci continuel et respectueux pour la gloire de cet aimable marquis ; ce qu’il lui recommande et lui permet de lecture, le Télémaque, la Princesse de Clèves ; pourquoi il lui défend la langue espagnole ; son soin que chez un homme de cette qualité, destiné aux grandes affaires du monde, l’étude ne devienne pas une passion comme chez un suppôt d’université ; les éclaircissements qu’il lui donne sur les inclinations des sexes et les bizarreries du cœur, tous ces détails ont dans le roman une saveur inexprimable qui, pour le sentiment des mœurs et du ton d’alors, fait plus, et à moins de frais, que ne pourraient nos flots de couleur locale.
En voici tout d’abord une raison : c’est que la langue, qui n’a pas beaucoup changé depuis que le xviie siècle s’est flatté de la fixer, a pourtant changé un peu : en sorte que, quand nous lisons Boileau, ou Racine, ou Corneille, leurs expressions ne suscitent plus en nous tout à fait les mêmes représentations qui surgissaient dans l’esprit des contemporains, et la traduction mentale que nous en faisons en courant, n’est qu’une suite d’à peu près, d’inexactitudes et de faux sens. […] C’était bien par là le seul écrivain raisonnable de notre langue, et voilà pourquoi Boileau mettait ce moderne-là au-dessus de tous les anciens. […] Mais Boileau n’avait pas lui-même le tempérament assez lyrique, et notre langue était trop pauvre alors en poésie lyrique, pour qu’il arrivât à définir exactement l’essence du genre.
Des vivacités de langue, exploitées par des envieux, le brouillent avec Mme de Pompadour. […] Un besoin réel d’exercice intellectuel, une sincère admiration pour la belle intelligence de Voltaire animent Frédéric : mais c’est un homme pratique ; il « utilise » son illustre ami ; il fait corriger par lui son orthographe, ses solécismes, ses fautes de versification ; il a pour rien le meilleur maître de langue française qui existe. […] Si disposé qu’il soit par sa vanité à être un plat courtisan, jamais il n’a pu tenir sa langue ni sa plume.
Le vocabulaire se montre relativement restreint ce qui n’est pas toujours, en soi, un défaut à mes yeux ; n’y a-t-il même pas pour un poète un mérite nouveau à exprimer avec un petit nombre de moyens autant et plus que d’autres, qui remuèrent toute la langue française ? […] Mais une certaine indigence de mots et d’images se découvre à des prosaïsmes, à des expressions trop approximatives, qui étonnent et détonnent ; ou bien, à maintes places, un adjectif, un nom, un verbe qui ne sont plus de la langue chantée, ou qui ramènent trop près de nous. […] Et en même temps que la légende, interprétée avec simplesse mais illuminée de symboles et grandie par toutes les magies de la langue, je voudrais la chanson enfin, car la chanson parfaite doit naître assurément en France !
Les médecins ont un nom pour désigner ceux qui croient posséder le don des langues, de prédication, de prophétie. […] Jean Journet, de nos jours, a été mis à Bicêtre ; or Jean Journet ne croit pas faire de miracles, parler des langues qu’il n’a pas apprises, avoir été au troisième ciel, etc. […] Ce sont là les vrais fondateurs de l’unité allemande ; du moment où toutes les parties de ce beau pays se sont retrouvées dans la langue, la gloire et le génie de ces grands hommes, elles ont senti le lien qui les unissait et elles ont dû tendre à le réaliser politiquement.
À cette intelligence près d’une langue qui était pour elle la langue de la foi et de la prière, cette compatriote de Clémence Isaure eut le bonheur de vivre ignorante, — littérairement du moins, — et ne se développa que par le sentiment et la contemplation dans la solitude. […] Si les esprits contemporains n’étaient pas troublés et rompus jusqu’à l’axe même, il suffirait, sur Eugénie de Guérin, de cette page où l’écrivain oublie jusqu’à la langue qu’il emploie et se sert des mots comme d’un doigt pour montrer les choses.
Après avoir assisté pendant des heures à ces débats, souvent aussi éloquents que confus, sans prendre une note, mais aussi sans se dissiper en paroles, il rentrait chez lui tout plein de ce qu’il avait entendu, et il le jetait sur le papier avec feu et avec netteté dans un travail de soirée et de nuit, où sa plume, si hâtée qu’elle fût, ne rencontrait jamais un mot douteux ni une locution louche : il ne pouvait parler ni écrire d’autre langue que celle de sa famille et de sa maison, celle qu’il tenait de son illustre père, et de ses premiers maîtres, de ses premières lectures d’enfance. […] Or M. de Sacy qui était resté jusqu’au bout, et qui avait écouté en silence, avait apparemment souffert plus qu’un autre dans son bon sens, et dans ses habitudes de bonne langue, de bonne logique, de logique de Port-Royal.
Topffer, on le sait, a une langue à lui ; il suit à sa manière le procédé de Montaigne, de Paul-Louis Courier. Profitant de sa situation excentrique en dehors de la capitale, il s’était fait un mode d’expression libre, franc, pittoresque, une langue moins encore genevoise de dialecte que véritablement composite ; comme l’auteur des Essais, il s’était dit : « C’est aux paroles à servir et à suivre, et que le gascon y arrive, si le françois n’y peut aller. » Cette veine lui est heureuse en mainte page de ses écrits, de ses voyages ; il renouvelle ou crée de bien jolis mots.
Ce fils d’un petit coutelier de Langres n’a jamais été du monde : il a étalé dans les salons que sa renommée lui ouvrait, des façons débraillées, vulgaires ; mais de toutes les convenances mondaines, s’il y en a une qu’il a bien foulée aux pieds, c’est celle qui bride la langue. […] Mais aussi comme la langue lui démangeait pendant qu’il travaillait si sagement !
Dans son œuvre, en effet, plus d’une fleur svelte et capricieuse comme le chèvrefeuille s’entrelace à d’autres d’un coloris brillant comme l’œillet ou d’une senteur âcre comme le nénuphar ; mais sur tout le reste domine incessamment la pivoine, cette fleur monstrueuse et formidable, pour parler la langue familière à l’école dont M. […] Pour parler dignement de l’outil qui sert si bien cette passion du Beau, je veux dire de son style, il ne faudrait jouir de ressources pareilles, de cette connaissance de la langue qui n’est jamais en défaut, de ce magnifique dictionnaire dont les feuillets, remués par un souffle divin, s’ouvrent toujours juste pour laisser jaillir le mot propre, le mot unique, enfin de ce sentiment de l’ordre qui met chaque trait et chaque touche à sa place naturelle et n’omet aucune nuance.
Le Lac, quoique la langue en ait vieilli par endroits, me paraît un absolu chef-d’œuvre ; et, pour l’unité, la simplicité, l’émotion, l’emporte à mes yeux sur la Tristesse d’Olympio et le Souvenir. […] La langue aisée du poète ne tenait point la pensée à l’étroit, elle ouvrait des avenues au rêve.
Quelques-uns de ces moines bouddhistes vagabonds, qui couraient le monde, comme plus tard les premiers Franciscains, prêchant de leur extérieur édifiant et convertissant des gens qui ne savaient pas leur langue, n’avaient-ils point tourné leurs pas du côté de la Judée, de même que certainement ils l’avaient fait du côté de la Syrie et de Babylone 281 ? […] J’ai développé ce point ailleurs (Hist. génér. des langues sémitiques, III, IV, 1 ; Journ.
Le mot « fils » a, dans les langues sémitiques et dans la langue du Nouveau Testament, les sens les plus larges 700.
Bain, est un mécanisme fait de détails ; elle réclame des acquisitions aussi nombreuses et aussi distinctes que l’étude d’une langue étrangère. […] « Il est impossible de dire combien il faut de conjonctions fortuites pour produire une adhésion assez forte pour nous élever au-dessus des indécisions d’un commencement spontané. » Peu de besoins sont aussi pressants que la soif ; cependant l’animal ne devine pas tout d’abord que l’eau des étangs peut l’apaiser : le lait maternel, l’humidité de sa nourriture lui suffisent d’abord ; ce n’est que plus tard, dans ses courses, qu’il en vient à appliquer sa langue sur la surface de l’eau, à en ressentir du soulagement et à apprendre ainsi ce qu’il doit vouloir.
C’est avec Xénophane que la philosophie grecque nous parlé pour la première fois la langue de la poésie. […] Sa peinture des grossiers essais de formation échappés aux seules forces de la nature était le démenti d’une semblable origine pour l’homme ; et on peut supposer que c’est contre une telle erreur qu’il proteste dans un des plus poétiques débris qui nous restent de ses vers : « Mais, ô dieux92, écartez de ma langue la folie de ces hommes, et faites sortir pour moi de quelques bouches saintes des eaux salutaires.
Il n’eut jamais d’autres fonctions ; mais depuis, chargé de correspondance pour certains journaux, il revit l’Espagne, il visita l’Angleterre ; il savait à merveille ces deux pays, parlait leur langue dans toutes les propriétés de l’idiome, chérissait leurs portes, leurs peintres : il était intéressant à entendre là-dessus.
Mais il n’a point créé de types qui soient demeurés l’expression éternelle d’un sentiment, d’un vice, d’une passion ; il n’a pas perpétué dans la langue des noms de personnages qui aient servi à définir des familles264.
Pierre Quillard On crut d’abord que le vicomte de Guerne serait l’homme d’une œuvre unique et considérable, Les Siècles morts, où il a tenté d’inscrire la légende de quelques siècles, les plus lointains, de l’Orient, père des dieux féroces et des conquérants aussi féroces que les dieux ; il avait successivement assoupli sa langue et ses rythmes à redire la Chaldée et l’Iran hiératique en des poèmes massifs et sonores et à exprimer ensuite les subtilités de la Gnose et de l’Hellénisme finissant et de la première théologie chrétienne, si proche des métaphysiques ingénieuses et extravagantes qui lui furent contemporaines.
Certes, il la fuit, cette banalité, serait-ce parfois aux dépens de la clarté, de la régularité, de la forme ; tant pis pour les césures, pour les rimes, il s’élance résolument, cingle sans pitié son Pégase fin de siècle et arrive au but ; enfant de race habitué à réaliser tous ses caprices, les obstacles ne comptent pas pour lui ; rien ne l’arrête, il forge les mots que la langue ne lui donne pas, prend ses aspirations parfois d’une assonance ou d’une consonance, mais il dit tout ce qui lui vient à la tête, et, s’il y passe des choses un peu surprenantes, il y passe aussi, et le plus souvent, d’exquises… L’idée maîtresse du Chef des odeurs suaves, la dominante de cette œuvre de délicat, de raffiné, c’est l’influence qu’exercent sur nos sens les objets qui nous environnent.
. — Étude phonétique et morphologique sur la langue de Théocrite dans les « Syracusaines », avec M.
Ce n’est pas assez d’avoir de l’esprit, de savoir bien sa langue, d’écrire d’un style sentencieux & imposant ; il faut des remparts plus solides pour se garantir des insultes du temps.
Le Traducteur n’a pas toujours suivi littéralement son Original, parce que son Original n’est pas toujours propre à se soutenir dans notre Langue ; il a cru devoir adoucir certains traits qui nous eussent paru singuliers, & supprimer des traits ennuyeux ou extravagans, qui refroidissent l’intérêt & choquent les gens de goût.
… n’avez-vous pas épuisé toutes les injures de la langue ?