Vous connaissez le fond de ma pensée. […] J’étais la seule maison de paysan qui vous accueillît au fond comme un autre paysan. […] Au fond nous ne cherchons pas même à nous en dépouiller. […] Et encore au fond l’événement était toujours le même. […] Au fond tout le monde en reçoit un grand soulagement.
C’est que le Mal est au fond de tout, seul réel et seul vrai, tandis que le Bien n’est qu’une conception de notre esprit. […] Je crois bien que cela est son fond. […] Tout de même cette culture n’a pas modifié le fond de l’être. […] C’est bien là en effet ce qui se cache au fond de ce prétendu mysticisme. […] Au fond un timide, un tendre et un emballé.
» cria une voix au fond de l’église. […] Le panthéisme est le fond de son œuvre. […] Schrœter, éprouve une passion d’autant plus profonde qu’elle dort muette au fond de son âme. […] Freytag sa couleur ; c’est la poésie qui forme le fond des caractères et des récits. […] Jadis une lettre, adressée du fond de la Chine à M.
La source n’en est pas seulement troublée et souillée, elle est tarie jusqu’au fond. […] Le prétendu orgueil du grand poète n’est autre chose, au fond, que l’aveu pur et simple qu’il est Victor Hugo. […] Elle va chercher, au fond des sphères inférieures, Celui qui souffre et qu’elle veut consoler, et qui l’entraîne dans l’abîme. […] Au fond, et en réalité, c’est un homme de concorde et de paix, revêtu de la Peau de Némée. […] Pour mieux nous en convaincre, les Châtiments, les Contemplations, la Légende des Siècles nous vinrent du fond de l’exil.
Nous touchons évidemment ici le fond des Mystères. […] On dirait que, du fond de l’Asie, les Huns ont emporté le désert, et qu’ils le déroulent comme un linceul sur le monde ancien. […] On comprend qu’une sultane en ait rêvé au fond du sérail. […] Une noire méchanceté devint le fond de son caractère. […] C’est l’image exacte de ce roi spectral, achevant, du fond d’un tombeau, l’œuvre funèbre de son règne.
Aimez-moi malgré mes folies ; je suis un bon diable au fond. […] Savez-vous que ce Voltaire que vous haïssez était un bon homme au fond, prêtant, donnant, obligeant, faisant du bien sans cet amour-propre que vous lui reprochez tant ? […] On peut répondre aujourd’hui en parfaite certitude : C’est que tout cet édifice public si brillant, si orné, était au fond destitué de principes, de fondements ; c’est que le tout était bâti sur l’amas de poussière et de cendre que nous avons vu. […] En politique de même, il perce au fond de tous les écrits de Benjamin Constant un grand désir de convaincre, si toutefois l’auteur était convaincu. […] On sent trop qu’au fond il s’agit, en effet, d’une personne indéterminée, qui n’a pas de nom, ou qui peut en clianger, qui peut être aujourd’hui l’une et demain l’autre.
Au fond des écoles nouvelles, il ne serait pas difficile de retrouver les antiques querelles d’Aristote et de Platon. […] J’admets les formes les plus bizarres, les plus maniérées, les plus tourmentées, quand le fond en vaut la peine. […] Tel est, à la grosse, le fond de ce tableau, auquel je préfère pour ma part l’Enterrement à Ornans. […] Le sentiment du devoir perce sans cesse au fond de ses pages malicieuses. […] Proudhon vous a laissés au fond de l’antiquité bloqués à l’absurde.
L’oiseau qui passe, la voile qui blanchit, la mouche heureuse qui scintille dans le soleil, se peignent plus distincts que jamais dans ce lac de l’âme, uni à la surface, et dont les grandes douleurs ont creusé et abîmé le fond. […] La portion de progrès, telle qu’elle s’offre par M. de Lamartine, n’a rien d’âcre ni de blessant ; jamais de bile ni au bord ni au fond ; on a beau presser, il est impossible qu’aucun sentiment équivoque sorte de là. […] Tous les rêves bucoliques des Florian, des Gessner, des Haller, sont élevés ici à la hardiesse et à la grandeur, dans ce cadre majestueux des Alpes, et 94 au fond. […] Si, dans le Jocelyn que nous possédons, on aperçoit jusqu’à la fin quelque trait d’amour trop tendre, ce reste de faiblesse a dû être corrigé, durant les longues années suivantes, par cette vie toute pratique, de laquelle le Botaniste nous a dit : La douleur qu’elle roule était tombée au fond ; Je ne soupçonnais pas même un lit si profond ; Nul signe de fatigue ou d’une âme blessée Ne trahissait en lui la mort de la pensée ; Son front, quoiqu’un peu grave, était toujours serein ; On n’y pouvait rêver la trace d’un chagrin Qu’au pli que la douleur laisse dans le sourire, À la compassion plus tendre qu’il respire. […] Coleridge, dans sa jeunesse, a fait d’admirables Poëmes méditatifs, dans lesquels la nature anglaise domestique, si verte, si fleurie, si lustrée, décore à ravir, et avec une inépuisable richesse, des sentiments d’effusion religieuse, conjugale ou fraternelle ; soit que le soir dans son verger, entre le jasmin et le myrte, proche du champ de fèves en fleur, il montre à sa douce Sara l’étoile du soir, et se perde un moment, au son de la harpe éolienne, en des élans métaphysiques et mystiques, qu’il humilie bientôt au pied de la foi ; soit qu’il abandonne ensuite ce frais cottage, de nouveau décrit, mais trop délicieux, trop embaumé à son gré pendant que ses frères souffrent (vers l’année 93), et qu’il se replonge vaillamment dans le monde pour combattre le grand combat non sanglant de la science, de la liberté et de la vérité en Christ ; soit qu’envoyant à son frère, le révérend George Coleridge, un volume de ses œuvres, il y touche ses excentricités, ses erreurs, et le félicite d’être rentré de bonne heure au nid natal ; soit qu’un matin, visité par de chers amis, dans un cottage encore, et s’étant foulé, je crois, le pied, sans pouvoir sortir avec eux, du fond de son bosquet de tilleuls où il est retenu prisonnier, il fasse en idée l’excursion champêtre, accompagne de ses rêves aimables Charles surtout, l’ami préféré, et se félicite devant Dieu d’être ainsi privé d’un bien promis, puisque l’âme y gagne à s’élever et qu’elle contemple ; soit enfin que, dans son verger toujours, une nuit d’avril, entre un ami et une femme qu’il appelle notre sœur, il écoute le rossignol et le proclame le plus gai chanteur, et raconte comme quoi il sait, près d’un château inhabité, un bosquet sauvage tout peuplé de rossignols chantant à volée, en chœur, et entrevus dans le feuillage sous la lune, au milieu des vers luisants : Oh !
C’est un des vrais amis de cette idole à terre, Qui, de son vieux perron, aime à le voir venir, Du fond de l’avenue aujourd’hui solitaire, Dans l’abandon de tous porter son souvenir. […] Sur sa noire jument, à la tête étoilée, Il allait, en causant, sous la nuit de l’allée, Comme sa sombre vie au fond de l’inconnu ; Il n’avait plus d’étoile, et son ciel était nu. […] …………………………………………………………… …………………………………………………………… …………………………………………………………… …………………………………………………………… Mais voici, du matin humant la fraîche haleine, Comme un marin serré dans sa veste de laine, Devant le cimetière et le sombre inconnu, Debout sur son balcon, qu’un homme, le cou nu, Jette aux oiseaux du pain ; ils viennent par volées, Du faîte de la tour et du fond des allées. […] » …………………………………………………………… …………………………………………………………… …………………………………………………………… …………………………………………………………… Un jour la parabole apparaîtra plus grande, Au fond du clair-obscur doré d’une légende, Des souvenirs confus dans le cœur des petits, Comme au fond des ravins de bleus myosotis.
À mesure qu’elle se rétrécit et qu’elle s’élève, on découvre au fond une perspective tout à fait alpestre, qu’on était loin de prévoir en s’y engageant pour remonter le cours de la rivière. […] Le vallon de Saint-Claude surtout, dont la ville se confond au fond d’une gorge avec les falaises grises de ses rochers, a une profondeur, des tourments, des anfractuosités, des abîmes, des vertiges qui fascinent les yeux du haut de ces divers plateaux qui la dominent de si haut et de si loin ; je n’ai vu de pareils effets de perspective dans les profondeurs que dans le Liban, quand au pied des cèdres on plonge de l’œil sur la petite ville industrielle de Zharklé, pleine de couvents et de fabriques d’armes, sur les deux marches d’un ravin, dans une anse, entre deux parois perpendiculaires de rochers crénelés de sapins. XXV Saint-Claude, ville aussi toute sacerdotale et toute laborieuse des petites industries du fer et du buis ciselé, est la Zharklé du Jura ; ses cloches retentissent et ses cheminées fument ; ses silences dorment et ses cours d’eau, et ses scieries, et ses enclumes, et ses tours où l’on façonne le buis, bruissent comme une ville fantastique qui apparaît hors de la portée des sens, au fond d’un des cercles du Dante, à travers le brouillard des eaux pulvérisées par leur chute et des rayons du soir répercutés par les parois de ces montagnes. […] Plus bas, on voit reluire et on entend gronder au fond d’un ravin inaccessible le torrent du Lignon qui court en circuitant autour des collines abruptes rejoindre la Bienne, rivière de Saint-Claude dans la vallée de Malingès. […] Fauvel, un creux habitable dans une ruine d’Athènes, une chambre basse sous un oranger et un figuier dans un jardin de Smyrne, ou, comme M. de Ronchaud, un vieux donjon de leurs pères sur un plateau pierreux au bord d’un torrent, en face de l’horizon præceps et dentelé du sauvage Jura, sont-ils au fond les plus heureux des hommes : leur caractère se ressent du calme des tombeaux qu’ils visitent, de la sérénité du désert qu’ils parcourent, de la splendeur limpide des cieux ; car l’antiquité grecque, romaine, asiatique, a laissé dans les pyramides, dans les Thèbes, dans les Panthéons, dans les Palmyres, dans les Balbeck, dans les Colisées, les vestiges de ses grandeurs, les cadavres de ses monuments mutilés.
J’entrai sur les pas du duc de Rohan dans une maison obscure de la rue du Pot-de-Fer, au fond d’une cour, au rez-de-chaussée ; un bourdonnement d’enfants qui répètent leurs leçons sortait des fenêtres basses, comme un bourdonnement de ruches qui font le miel au printemps. […] Elle nous ouvrit une salle basse, un peu isolée, au fond de laquelle un adolescent studieux, d’une belle tête lourde et sérieuse, écrivait ou lisait, loin du gai tumulte de la maison : c’était Victor Hugo, celui dont la plume aujourd’hui fait le charme ou l’effroi du monde. […] « Selon moi, le voici. » XI Alors, usant largement de l’attention passionnée qu’ils accordaient à ma personne et à mes paroles, je leur démontrai, avec une énergique sincérité, que personne n’avait le secret de l’organisation du travail, ni d’une organisation de fond en comble, d’une organisation parfaite de la société, dite socialisme, où il n’y aurait plus ni inégalité, ni injustice, ni luxe, ni misère ; qu’une telle société ne serait plus la terre, mais le paradis ; que tout le monde s’y reposerait dans un repos si parfait et si doux que le mouvement même y cesserait à l’instant, car personne n’aurait le désir de respirer seulement un peu plus d’air que son voisin ; que ce ne serait plus la vie, mais la mort ; que l’égalité des biens était un rêve tellement absurde dans notre condition humaine que, lors même qu’on viendrait à partager à parts égales le matin, il faudrait recommencer le partage le soir, car les conditions auraient changé dans la journée par la vertu ou le vice, la maladie ou la santé, le nombre des vieillards ou des enfants survenus dans la famille, le talent ou l’ignorance, la diligence ou la paresse de chaque partageur dans la communauté, à moins qu’on n’adoptât l’égalité des salaires pour tous les salariés, laborieux ou paresseux, méritant ou ne méritant pas leur pain ; que le repos et la débauche vivraient aux dépens du travail et de la vertu, formule révoltante, quoique évangélique, de M. […] hâtons-nous, lui dis-je, de nous y jeter, et que quelques-uns de vos amis en disputent un moment l’entrée à la foule : pendant ce temps-là, nous gagnerons plus facilement l’issue la plus voisine de la place Royale, et, une fois arrivés là, protégés par la galerie étroite et longue, j’atteindrai le numéro 6, au fond de la voûte qu’habite Hugo, et j’irai lui demander asile contre cet assaut de l’enthousiasme. […] « Sous les mers, sur les monts, au fond des catacombes, « À travers le marbre des tombes, « Son souffle remuera la poussière des morts !
L’expédition d’Alexandre fond les races, les idées des deux mondes : la terre est connue. […] océan sans rivage et sans fond, qui, dans ton flux et reflux éternel, laisse écouler, sans jamais t’épuiser, ces myriades de mondes grands ou petits les uns vis-à-vis des autres, mais qui, par rapport à toi, sont tous également grands, — depuis le soleil qui arpente d’un pas l’incommensurable étendue, jusqu’aux animalcules impalpables dont l’univers est composé, qu’on ne distingue qu’au télescope, et dont les corps organisés et couchés par la mort dans leur sépulcre commun ne formeraient pas l’ongle du doigt d’un enfant avec deux cent millions de leurs cadavres en poussière ! […] Vous aurez mis dans votre tête beaucoup de mots, beaucoup de nombres, mais pas une idée ; vous aurez appris que la mécanique céleste consiste dans la supposition des globes circulant appelés planètes, les uns brillants de leur propre lumière, les autres reflétant la lumière d’astres par eux-mêmes lumineux ; qu’au-delà de ces soleils immenses, si nous les comparons à notre petitesse, il se cache au fond d’un éther sans fond et sans bornes des milliers d’autres soleils gouvernant par leur mouvement d’autres systèmes, d’autres planètes ; que plus loin encore on aperçoit, sans savoir ce que c’est, des voies lactées, vaste épanchement d’étoiles répandues dans cet éther et que le télescope arrive à distinguer par leur noyau solide et distinct de cette lumière diffuse avec laquelle on les confondait ; que plus loin encore on aperçoit les nébuleuses, magasin flottant de matières enflammées qui germent dans l’éther pour éclore un jour en soleils ; que plus loin encore, et à des distances que le calcul se refuse à calculer, quelques soleils invisibles, auprès desquels le nôtre est un atome qui brûle un certain nombre de siècles, minutes à l’horloge des cieux, repoussent ou attirent d’autres systèmes étoilés, jusqu’à ce qu’ils les consument dans un cataclysme du ciel. […] Le Brésil entier est pauvre en mammifères terrestres, et les espèces sont toutes de petite taille ; elles ne se détachent point sur le fond du paysage.
Du mois, si leur vois si pure, Est trop vague pour nos sens, Leur âme en secret murmure De plus intimes accents ; Au fond des cœurs qui sommeillent, Leurs souvenirs qui s’éveillent Se pressent de tous côtés, Comme d’arides feuillages Que rapportent les orages Au tronc qui les a portés. […] N’est-ce pas parce que la mort est le fond de tout tableau terrestre, et que la couronne blanche sur ses cheveux noirs me rappela la couronne blanche sur un linceul ? […] oui, reprit la jeune femme, nous l’avons été ; tenez, regardez ce champ de maïs, ce petit enclos où les vignes et les figuiers rampent contre les pierres grises, qui sortent de terre comme pour les supporter ; ce petit pré, au fond du ravin à gauche, qui nourrit deux vaches, et ce bois de jeunes châtaigniers et de lauriers sauvages, qui descend d’en haut vers le pré : tout cela a été à nous. […] L’enfant, en remuant ses petites mains du fond de son berceau, toucha par hasard l’outre dégonflée de la zampogna, où dormait un reste de vent de l’haleine de son père ; la musette rendit un petit son, comme la touche d’un clavier sur lequel un oiseau familier se perche par hasard en voltigeant libre dans la chambre d’une jeune fille. […] ajouta Fior d’Aliza en entendant deux rossignols qui luttaient de musique nocturne au fond du ravin, près de l’eau.
Si, au mystère de leur cœur grandit un amour secret, ils sentent sa force douce éclore en eux « comme un lis de mer s’épanouit au fond des eaux tièdes de l’Océan ». […] Maintenant, dans la maison, au fond de la cheminée, assis parmi le caprice des lueurs, un mendiant, un peu sorcier, un peu poète, un peu philosophe, « trace des cercles dans les cendres du bout de son bâton ». […] Lui, cependant, perdu dans un songe lointain, Sur le fond de la nuit vit ces fresques mouvantes. […] … Je vois s’enfler la voile au fond de l’estuaire ; Puis, derrière, au lointain, du côté de la plaine, Surgir, fondre et passer, l’ouragan pour haleine, Dans l’éclaboussement du sang crépusculaire, Et droits sur leurs chevaux cabrés qu’un rut enlève, Tes grands conquérants noirs, au profil surhumain, Qui, déployant leur geste avec l’éclair d’un glaive, Engouffrent dans la nuit leurs cavaliers d’airain. […] Sur le fond de la nuit, fuyant tout à l’heure, solide maintenant, son geste dessine d’étranges tableaux.
Il est d’une cruauté si polie, dans sa lutte avec la baronne, il mêle tant de finesses et de drôleries parisiennes à ses mauvais tours, il assaisonne, d’un si vif esprit, les amères déboires qu’il fait avaler, que ce duel d’homme à femme, cruel au fond, reste léger et presque gai à la surface. […] Pour fixer au net les traits douteux et brouillons de son caractère, il faut le revoir grossi, comme au microscope, dans un autre type que l’auteur a, depuis, porté sur la scène, et qui ne fait, au fond, que le répéter sous un aspect différent. […] Olivier n’est, en fin de compte, qu’un M. de Ryons en taille-douce, avant la lettre, et la seconde épreuve met en plein relief le fond, mauvais et faux, de cette ressemblance. […] Quel intérêt pathétique donne Balzac à cette bataille des intérêts qui fait le fond de la vie humaine, et où les plus forts succombent souvent faute de monnaie, faute de mitraille ! […] Il l’appelle voleur, il lui reproche des fugues en Belgique, il évoque devant lui, du fond de je ne sais quelle affaire de mines, le spectre de M.
Le doute méthodique de Descartes n’en est, au fond, qu’une application. […] « Malheur, écrit un éloquent historien des religions, malheur au savant qui aborde les choses de Dieu sans avoir au fond de sa conscience, dans l’arrière-couche indestructible de son être, là où dort l’âme des ancêtres, un sanctuaire inconnu d’où s’élève par instants un parfum d’encens, une ligne de psaume, un cri douloureux ou triomphal qu’enfant il a jeté vers le ciel à la suite de ses frères et qui le remet en communion soudaine avec les prophètes d’autrefois25 ! » On ne saurait s’élever avec trop de force contre cette doctrine mystique qui — comme tout mysticisme, d’ailleurs — n’est, au fond, qu’un empirisme déguisé, négateur de toute science. […] Dans ces conditions, en effet, la science, après les avoir signalés, n’aurait aucun moyen d’aller plus loin ; elle ne pourrait descendre plus bas dans la réalité, puisqu’il n’y aurait aucun rapport entre la surface et le fond. […] Par conséquent, si superficielles qu’elles soient, ces propriétés, pourvu qu’elles aient été méthodiquement observées, montrent bien au savant la voie qu’il doit suivre pour pénétrer plus au fond des choses ; elles sont le premier et indispensable anneau de la chaîne que la science déroulera ensuite au cours de ses explications.
J’ai peut-être oublié quelques détails, mais j’affirme la vérité du fond. […] Cherchant ce qu’il pourrait bien me faire encore, il aperçoit, blottie au fond du cachot, ma petite chienne. […] Pas de temps perdu en de sympathiques confidences, — bien que la sympathie fût déjà au fond de nos âmes, — ou en de frivoles causeries ! […] De prime abord, le fond même de la chose paraît confiner à l’impossibie et presque à l’Insanité. […] L’homme, ainsi que la bête au fond de ses tanières.
Mais la raison qui l’a fait adopter n’est précisément au fond, ainsi que nous le verrons plus loin, que spécieuse ou apparente. […] Mais cette distinction n’est que dans la forme, à la surface et non au fond des phénomènes. […] Les réserves qui sont en réalité le fond nutritif des êtres vivants sont identiques dans les animaux et dans les végétaux. […] La pellicule tombe au fond. […] Ainsi l’autonomie des tissus n’est au fond qu’une différenciation protoplasmique.
Cette noblesse une fois tombée, il est reste un fond indistinct de médiocrité, sans originalité ni hardiesse, une roture ne comprenant ni le privilège de l’esprit ni celui de l’épée. […] L’économie politique, uniquement préoccupée de la création de la richesse par le travail, n’a jamais compris la féodalité, laquelle était au fond tout aussi légitime que la constitution de l’armée moderne. Les ducs, les marquis, les comtes, étaient au fond les généraux, les colonels, les commandants d’une Landwehr, dont les appointements consistaient en terres et en droits seigneuriaux. […] Pas de royauté sans noblesse ; ces deux choses reposent au fond sur le même principe, une sélection créant artificiellement pour le bien de la société une sorte de race à part. […] Nous touchons ici à la question qui est au fond de toutes les autres.
Nombreux sont les philosophes qui ont senti l’impuissance de la pensée conceptuelle à atteindre le fond de l’esprit. […] Nous croyons qu’elles peuvent, l’une et l’autre, toucher le fond de la réalité. […] Parmi ces ressemblances il en est, sans aucun doute, qui tiennent au fond des choses. […] Tel est le fond de la pensée des métaphysiciens, comme aussi de ceux qui, avec Kant, nient la possibilité de la métaphysique. […] L’idée qu’il met au fond de l’aristotélisme est celle même qui a inspiré la plupart de ses méditations.
Voilà pour le fond. […] Mais où le but, où la forme, où le fond diffèrent, peut-on dire qu’il y ait continuité des traditions ? […] En tout cas, les recherches de la critique l’ont ruinée pour toujours, et de fond en comble. […] Gil Blas n’est pas en révolte ouverte contre la société, comme le sont au fond les gueux du roman espagnol. […] Mais au contraire, le fond n’est pas moins intéressant que la forme, et il est facile, et instructif, de le montrer.
« Parce que c’est là une preuve de confiance en soi-même. » Voilà le fond du cœur humain. […] C’est un Hobbes, non pas méditatif et tranquille comme l’autre, mais actif et irrité, qui ne voit que du vice dans l’homme, et se sent homme jusqu’au fond. […] Une pareille vie est le chef-d’œuvre d’un pareil monde ; des dehors très-beaux et un fond moins beau : en voilà l’abrégé. […] Ils s’attachent médiocrement au fond, et beaucoup à la forme. […] Il est sombre au fond, amer, et par-dessus tout pernicieux.
Ce sont elles qui composent le fond des romans de M. de Gourmont. […] Faut-il avouer ce qu’au fond il aime le mieux en poésie ? […] Cela tient à ce qu’il est conservateur, et que son vrai fond est le conservatisme. […] Et, au fond, dans tout le livre, ne sent-on pas l’esprit et comme le souffle de Taine, à qui M. […] L’idée qui se répand, c’est qu’il y a un principe d’anarchie, le même principe d’anarchie, c’est-à-dire de destruction, de mort et de ruine au fond du Romantisme et au fond de la Révolution.
Mais dans tous, si l’on va au fond et à la souche, on retrouve, à travers la diction, de vives traces et comme des herbes folles de la végétation libre et vaste du xvie siècle, sur lesquelles, je crois l’avoir dit ailleurs, le rouleau du tapis vert de Versailles n’a point passé. […] Est-il besoin, pour la confirmer, de dire que le fond de ce naturel tableau procède de souvenirs qui appartiennent à la première enfance de l’auteur ? […] Serait-ce jamais le cas au mot de Cicéron du fond de sa Cilicie : Urbem, urbem, mi Rufe, cole, et in istâ luce vive ? […] Et qu’importe, si on avait le fond, si on était heureux et sage, si les dissipations de l’âme s’amortissaient ? […] Ce sauvage Cyclope dont parle Jean-Paul, et qui habite toujours au fond du cœur de l’homme, est sorti brusquement de son antre, et il a tout ravagé… fontibus aprum.
On oubliait le fond par trop d’attachement à l’expression, on se flattait dépenser assez noblement, si l’on savait se passer de quelque mot proscrit. […] Le correctif le plus naturel du purisme était d’appliquer l’esprit de choix, dont le purisme n’est que l’exagération, à des ouvrages d’un fond assez attachant pour que le lecteur y fût plus occupé des choses que des mots. […] La profonde piété, l’esprit de détachement qui faisait le fond de la vie des solitaires, leur rendait ce sacrifice de la personne plus facile qu’aux esprits mondains dont se composait l’Académie française. […] C’est la part du juge qui voit mieux au fond de nous que nous-mêmes, qui se range du côté de notre raison contre notre imagination, qui nous avertit des pièges de la mode, et nous fait trouver plus de douceur dans le travail méconnu que dans la négligence en réputation. […] Il existe deux ouvrages où cet esprit collectif, ce sacrifice de la personne qui faisaient le fond de la doctrine de Port-Royal, ont été des qualités originales : ce sont la Grammaire générale et raisonnée et la Logique.
Ils constituent une réaction de l’être vivant par rapport à ces objets, et aucune explication en termes d’objets ne rendra jamais compte de la réaction subjective qui est au fond du plaisir ou de la souffrance, surtout au fond du désir, sans lequel il n’y aurait ni plaisir ni souffrance. […] Le sentiment que nous croyons avoir de notre pouvoir des contraires n’est au fond que l’expérience de la possibilité du hasard dans nos résolutions mêmes. […] Vouloir la liberté, c’est au fond se vouloir soi-même, c’est vouloir la conservation et l’expansion de son vrai moi, sans obstacles et sans limites, autant qu’il est possible. […] Au fond, il s’agit de développer en nous une puissance consciente et intelligente ; donc, plus j’ai conscience, plus la puissance croit : l’idée même de la puissance s’ajoute à la puissance réelle et l’élève à un degré supérieur. […] Et n’oublions pas que ce hasard est, au fond, le déterminisme cérébral : quand j’imprime indifféremment telle direction à mon bras, l’indifférence de ma volonté n’empêche pas certaines différences mécaniques d’exister dans mon cerveau en faveur de tel mouvement, par exemple vers la droite ou la gauche.
Au fond, je vois dans votre pièce, non pas précisément une pièce bien faite, mais un début très remarquable, et pour ma part je serais heureux de présenter au public cette première passe d’armes de deux vrais et sincères talents qui gagnent leurs éperons au théâtre. […] Qu’y a-t-il maintenant au fond de toutes ces colères, au fond de toutes ces passions ennemies et jalouses ? […] Tout à coup, une actrice, connue par le cynisme de son esprit, interrompit les doléances littéraires par cette apostrophe : « Vous êtes jeunes, vous autres, mais le théâtre au fond, mes enfants, c’est l’absinthe du mauvais lieu. » Et ladite actrice avait toujours l’habitude d’appeler les sales choses par leurs noms propres. […] * * * Au fond, nous avons échoué au Théâtre-Français pour le crime d’être des réalistes, et sous l’accusation d’avoir fait une pièce réaliste. […] Les journalistes qui me disaient que ma tentative était absurde, et que seules les mœurs de la bourgeoisie présentaient de l’intérêt, ne se doutaient guère, que plus de cent ans avant, quand paraissait Marianne, les gazetiers jetaient à Marivaux qu’il n’y avait uniquement que les aventures de l’aristocratie qui pouvaient intéresser le public, qu’au fond les mœurs des bourgeois étaient de basses mœurs, indignes de la lecture d’un homme qui se respecte.
Alors, derrière l’exhibition toute superficielle et toute dramatique de la scène extérieure, se laisse apercevoir au fond du théâtre une action moins animée, moins brillante, moins intéressante pour un simple public de spectateurs, mais bien plus propre à fixer les regards de l’observateur curieux de savoir le mystère des choses. […] Le récit des guerres médiques n’est-il pas une sorte de poëme non-seulement pour le langage, qui rappelle Homère, mais surtout pour le fond des choses ? […] Tandis que là ils semblent, à part le destin, en être les rois absolus, ici ils n’en sont plus que les ministres, obéissant à un souverain qui leur dicte ses volontés du fond du théâtre où l’historien les montre aux spectateurs. […] Parce qu’elle y éclate en traits de feu, parce qu’on y retrouve le mouvement, la couleur, l’accent, la passion, tous les caractères de la vie, en est-elle moins féconde en explications, en révélations sur le fond des choses ? […] Toute œuvre esthétique, comme toute institution politique, est l’expression d’une idée, laquelle vient elle-même d’une idée plus générale, et ainsi de suite jusqu’à ce qu’on arrive à l’idée première, à l’élément simple, comme diraient les chimistes, qui constitue le fond de l’être historique.
Pour la forme, oui ; mais, pour le fond, c’est toujours la même histoire. […] Ils étaient, au fond, attirés l’un vers l’autre. […] C’est toujours, au fond, le secret esprit de rivalité avec l’empereur. […] Et, au fond, c’était bien aussi leur avis. […] Est-ce qu’il n’y a pas, au fond de cela, une véritable niaiserie ?
La comparaison entre Adolphe et Fanny ne saurait s’établir que sur la forme et pour le cadre, pour le nombre et le chiffre des acteurs : le fond de la situations d’ailleurs, est des plus dissemblables. […] Puis, quelques jours après, le comte, de retour, rencontre Adolphe et l’invite à souper avec Ellénore : ils vont se revoir pour la première fois : Il était assez tard lorsque j’entrai chez M. de P…, j’aperçus Ellénore assise au fond de la chambre, je n’osais avancer, il me semblait que tout le monde avait les yeux fixés sur moi. […] Je comptais que nous pourrions ainsi deviser de nous tout à notre aise, avec un peu d’habileté, la maîtresse de la maison s’étant assise, au fond de la pièce, devant le piano dont elle effleurait les touches du bout des doigts.
Il m’a reproché un jour de m’être occupé de Rabelais, de qui La Bruyère a dit que c’est tantôt « le charme de la canaille », et tantôt « le mets des plus délicats. » Je viens à lui au même titre, comme à un grand satirique et railleur, quoiqu’au fond je le trouve souvent moins raisonnable que Rabelais. […] C’est ici que ma querelle sérieuse avec lui commence, et qu’avant de louer l’écrivain, l’excellent prosateur, et d’admirer le peintre vigoureux de la réalité, j’ai besoin absolument de m’expliquer sur le fond des choses, de marquer mes réserves ; car tout ce qui n’est pas croyant et convaincu à sa manière, gallicans, protestants, à plus forte raison déistes, naturistes ou panthéistes, comme on dit, tout y passe ; il les raille, il les crible d’épigrammes flétrissantes (car il a la touche flétrissante) ; il les traite même, en ses heures d’indignation, comme des espèces de malfaiteurs publics. […] Est-il possible d’allier la charité, qui passe, aux yeux même des indifférents, pour faire le fond du Christianisme et pour être la plus excellente des vertus chrétienne, avec la censure énergique non-seulement des vices criants, mais des inconséquences de tout genre qu’un catholique rigide rencontre à chaque pas dans la vie du siècle ?
Celui-ci, présent à la séance, ne fut point charmé du tour et fut choqué du fond ; il se scandalisa des éloges que Perrault décernait à son siècle au préjudice de l’Antiquité ; il éclata avec colère en se levant, et depuis lors il ne perdit aucune occasion de piquer d’épigrammes celui qu’il avait surpris en flagrant délit de poésie médiocre, mais qui ne lui était inférieur que par cet endroit. […] — Sont-ce, au contraire, les résidus combinés des religions, des superstitions diverses, celtiques, païennes, germaniques, qui, rejetées et refoulées au sein des campagnes, y ont fermenté et ont produit, à une certaine heure de printemps sacré, cette flore populaire universelle, comme, au fond des mers où tout s’accumule et se précipite, fermente déjà peut-être ce qui éclora un jour ? […] Qu’il y ait au fond de son imagination un horizon d’or, l’âge féerique, homérique, légendaire, appelez-le comme vous le voudrez, — un âge d’une poésie naturelle et vivante.
« Les Français, dans leur révolution poétique actuelle, disait Gœthe, ne demandaient rien autre chose d’abord qu’une forme plus libre ; mais ils ne se sont pas arrêtés là, ils rejettent maintenant le fond avec la forme. […] Je pourrais (si c’était le lieu) mettre ici la suite de ses jugements ou de ses impressions sur Hugo et ses divers ouvrages jusqu’à Notre-Dame de Paris inclusivement56, et l’on verrait, sans avoir besoin d’entrer dans aucune discussion du fond, qu’en parlant de la sorte il n’était que conséquent avec lui-même et sincère. […] Au fond, que nous fassions comme nous voulons, nous sommes tous des êtres collectifs ; ce que nous pouvons appeler vraiment notre propriété, comme c’est peu de chose !
Son mot n’emporte pas la pièce, comme ferait un La Rochefoucauld et à plus forte raison un Saint-Simon ; mais, cette légère draperie secouée et sous cette surface, on a la pensée du fond qui se retrouve avec tout son sel et son piquant. […] C’est qu’au fond, toute administration à part, Rœderer ne faisait pas autre chose que M. […] Beugnot, à ce propos, a tracé le plus fin portrait de cet agent d’intrigue et qui était dès longtemps suspect à Napoléon2 ; mais il a beau faire et essayer de nous amuser au détail, il a beau donner un tour plaisant au récit de son voyage à travers la Picardie après qu’il s’est enfui et comme évadé de sa préfecture, il ne réussit pas à pallier le fond : l’acte est là qui parle assez haut : il y a quelque chose dans la conscience qui se refuse à admettre que le ministre d’hier à Düsseldorf, le préfet de Lille, d’une ville frontière, soit passé dès le premier jour, et pendant que Napoléon luttait encore, dans le Gouvernement intermédiaire qui le détrônait.
Il ne devient pas moins évident que plus on va, et plus l’amabilité sérieuse, la distinction du fond et du ton se trouvent naturellement compatibles avec une condition moyenne ; et le nom de Mme Roland signifie tout cela. […] La correspondance de Mme de Staal avec Mme du Deffand trahit les misères du fond sous la forme toujours agréable ; on y suit l’habitude de l’esprit et l’ironique gaieté persistant à travers une existence sans plaisir et comblée d’ennui. […] Il est un degré d’expérience et de connaissance du fond, passé lequel il n’y a plus d’intérêt à rien, pas même au souvenir ; il faut se hâter, à cet endroit-là, de tirer la barre, et fermer à jamais le rideau.
Elle ne sera délogée et reléguée entre les conventions surannées que par Racine, qui retrouvera l’amour douloureux, l’antique désir, enveloppé et compliqué de tout ce que quinze ou vingt siècles ont ajouté au fond naturel de l’homme. Nos hommes du Nord, quand ils connurent la poésie provençale, furent étonnés, éblouis, charmés : fond et forme, tout était pour eux une révélation. […] Dans le lyrisme savant, en résumé, rien n’est populaire, ni fond, ni forme ; par le raffinement des pensées, par l’artifice des vers, ces œuvres procèdent d’une essentielle aversion pour le vulgaire naturel : au bon sens, elles substituent l’esprit, et se proposent le plaisir d’une élite d’initiés, non l’universelle intelligibilité.
Le fond de la poésie de La Fontaine, c’est cette spontanéité, cette richesse des émotions, qui, dans la vie réelle, en font le plus incorrigible des fantaisistes ; c’est la simplicité, l’absolue et immobile raie irréflexion (en un sens) de l’expression qu’il leur donne. […] Enfin, son originale propriété, l’inexplicable fond de son individualité, c’est, dans une race, dans un siècle peu poétique, la puissante expansion de son tempérament poétique ; c’est cette souplesse de l’âme universellement impressionnable, et capable d’absorber, d’amalgamer et de fondre toutes les autres influences. […] Sous l’apparente fadeur des idylles de madame Deshoulières426, dans les retours fréquents qu’elle fait sur sa fortune, quand on perce les transparentes allégories, il y a bien de l’amertume, un triste désenchantement des hommes et de la vie, un fond singulier de libre pensée.
Je veux dire qu’il faut considérer tour à tour en elle le fond et la forme, ces deux choses intimement unies qu’on peut cependant séparer par abstraction. […] Voilà donc une première distinction à faire dans les émotions : c’est, au fond, les distinguer d’après leur qualité essentielle, suivant qu’elles sont agréables ou désagréables, qu’elles impliquent attraction ou répulsion. […] L’amour de l’art devenant une maladie, une frénésie, fait le fond de tel roman des Goncourt ou de Zola (Manette Salomon, L’œuvre).
Mais, au fond du désert le plus solitaire, s’accomplit la seconde métamorphose : ici, l’esprit devient lion, il veut conquérir la liberté et être maître de son propre désert ». […] Nietzsche exige que nous aimions l’univers, que nous aimions, dans l’heure présente, les heures qui l’ont amenée et les heures qu’elle amènera : il veut que nous l’aimions, cette heure, non pas une fois, mais une infinité de fois, aujourd’hui, et dans le passé sans fond, et dans l’avenir sans fond, dans toute « la profonde éternité ».
Or, je ne saurais recevoir cette impression-là, quand l’auteur, dans la traduction qu’il nous donne du portrait du peintre, s’épuise à nous décrire ces yeux, « qui sont, dit-il, imbibés de lumière jusqu’au fond, mais un peu humides des rayons délayés dans la rosée ou dans les larmes. » Je sens là une intention voluptueuse qui ne ressort pour moi d’aucune figure peinte par Raphaël, pas même de la sienne. […] Allons au fond de notre critique et dégageons toute notre pensée : l’auteur de Raphaël, dans cette partie délicate de son récit, a voulu tout nous dire, et il n’a pas osé. […] Y aura-t-il un lieu et un jour, ajouta-t-elle tristement, où la mémoire de ce qui s’est passé en nous, là, dans des heures immortelles, ne vous apparaîtra plus, dans le lointain de votre avenir, que comme cette petite tache sur le fond ténébreux de cette côte ?
Et son éducation sentimentale se fond dans une éducation intellectuelle qui est celle de Flaubert. […] Faguet dit qu’« au fond et tout compte fait, Frédéric est le fils de Bovary et de Mme Bovary ». […] Avec un fond comme le leur, être un homme constitue une chance, être une femme un malheur. […] Mme Arnoux se détachait sur un fond poétique et religieux. Mme Dambreuse se détache sur un fond de société, de civilisation et de luxe.
Dans le fond, deux aides de camp se tiennent silencieux. […] Lilia avait été couper des fleurs dans le fond du jardin, et Marc venait de l’y rejoindre, brusquement comme s’il prenait un parti. […] C’est au fond, et en y regardant bien, la thèse de la nouvelle de M. […] Car, au fond, je suis bougrement inquiet. […] L’atmosphère est fausse, craintive. » Au fond, ils se réunissent pour s’ennuyer ensemble. « … Bah !
Cette question ne sera approfondie que dans notre prochain chapitre, quand nous aurons traité de l’inconscient et montré en quoi consiste, au fond, la distinction du passé et du présent. […] L’habitude d’utiliser l’objet a donc fini par organiser ensemble mouvements et perceptions, et la conscience de ces mouvements naissants, qui suivraient la perception à la manière d’un réflexe, serait, ici encore, au fond de la reconnaissance. […] Au fond, c’est pour n’avoir pas démêlé ici l’élément moteur de la mémoire qu’on a tantôt méconnu, tantôt exagéré ce qu’il y a d’automatique dans l’évocation des souvenirs. […] Les idées, disions-nous, les purs souvenirs, appelés du fond de la mémoire, se développent en souvenirs-images de plus en plus capables de s’insérer dans le schème moteur. […] Mais ces complications ne changent rien au fond des choses.
On ne les explique pas, on les subit, on les vit, on s’en imprègne, on s’y abandonne, on les entend, non avec l’intelligence discursive et représentative, mais grâce à une faculté spéciale qui est, je dirais, le fond même de nous, l’intuition. […] Des souvenirs lointains, heures charmantes, attendries, remontent du fond de ma mémoire qui saigne. […] Il sait que dire d’un morceau : « le fond est bon, mais la forme mauvaise » équivaut à un non-sens. […] Il est clair, comme j’ai tendu à le montrer au début de cette étude, qu’il existe un fond permanent grâce auquel l’Iliade, la Divine Comédie, Andromaque, demeureront toujours actuelles. […] Au fond, le symbole est une vérité que la langue de l’homme ne peut pas dire à l’oreille de l’homme et que l’esprit dit à l’esprit. » Ballanche.
C’est bien là le fond de sa nature. […] Il a des pensées à double et à triple fond. […] Ce brutal est au fond un tendre. […] Son cœur se fond en pitié. […] C’est qu’au fond sa méthode est le bon sens.
Bien autrement que la poésie ou le théâtre, le roman invite aux descriptions : ainsi s’exaspère ce besoin de peindre qui gît au fond de tout auteur belge. […] Quelques-uns, après avoir mangé, se jetèrent pendant une heure sur des bottes de paille, au fond des hangars. […] Il les fond au même creuset et rien ne peut leur restituer ensuite leur substance première. […] Au fond d’un jardin, une maison ; dans la chambre du rez-de-chaussée la famille groupée autour de la lampe, le père, la mère, deux filles. […] C’est, de compte fait, pour l’instant, et malgré tous les efforts de nos volontés, le fond de notre vérité humaine.
« Trop impatient pour dissimuler ses sentiments nationaux et frappé dans sa position universitaire, il se tourna vers une profession indépendante, et vers celle en même temps qui permettait le mieux d’appliquer les inspirations humaines qui faisaient le fond de sa nature. […] Car, comme Metz et les amis de Metz fêtaient le docteur Paulin chaque fois qu’il y allait (et il y allait rarement) ; comme, à chaque retour de dix en dix ans, ils revenaient avec lui à leurs anciens souvenirs, à ces souvenirs de 1814 et de 1815, qui dataient déjà de bien loin, j’ai employé à dessein cette expression se ressouvenir, qui indique en effet qu’on a besoin de remonter en arrière et d’aller puiser au fond de sa mémoire.
Un homme véritablement criminel, ne peut donc point être ramené ; il possède encore moins de moyens en lui-même, pour recourir aux leçons de la philosophie et de la vertu ; l’ascendant de l’ordre et du beau moral perd tout son effet sur une imagination dépravée ; au milieu des égarements, qui n’ont pas atteint cet excès, il reste toujours une portion de soi qui peut servir à rappeler la raison : on a senti dans tous les moments une arrière-pensée, qu’on est sûr de retrouver quand on le voudra, mais le criminel s’est élancé tout entier ; s’il a du remord, ce n’est pas de celui qui retient, mais de celui qui excite de plus en plus à des actions violentes ; c’est une sorte de crainte qui précipite les pas : et, d’ailleurs, tous les sentiments, toutes les sources d’émotion, tout ce qui peut enfin produire une révolution dans le fond du cœur de l’homme, n’existant plus, il doit suivre éternellement la même route. […] Le scélérat est inquiet et défiant au fond de sa propre pensée ; il traite avec lui-même comme avec une sorte d’ennemi ; il garde avec sa réflexion quelques-uns des ménagements qu’il observe pour se montrer au public ; et, dans un tel état, il n’existe jamais l’espèce de calme méditatif, d’abandon à la réflexion, qu’il faut pour contempler toute la vérité et prendre d’après elle une résolution irrévocable.
Henri Rochefort, Émile Bergerat, Alphonse Allais, Étienne Grosclaude n’ont point d’analogues dans l’antiquité, et j’ose dire qu’ils n’ont, dans les temps modernes, que de vagues précurseurs : Swift, si vous voulez, et un peu Rabelais pour l’ironie méthodique du fond ; Cyrano et les grotesques du XVIIe siècle pour le comique du vocabulaire… Encore est-ce une concession que je vous fais. […] On va jusqu’à prétendre qu’on en trouverait plusieurs dans le fond de sa crypte… » Est-ce assez soutenu ?
Tel est le fond du poème, tel est le motif de roman ou de romance qui, par le détail, devient épique et qui fait jaillir de la pensée du poète tout un monde grandiose, passionné, héroïque, infini, où passent des lueurs à la […] Il ne renonce pas à l’élégance, mais quel sentiment hardi de la réalité, quelle énergie redoutable dans ses peintures, soit qu’il chante la Belle d’août et qu’avec une grâce funèbre il associe toute la nature éplorée aux malheurs de son héroïne ; — soit que, dans l’étrange pièce intitulée : Amarum, il attaque le débauché, le secoue, le flagelle, et l’enferme, épouvanté, au fond du sépulcre infect ; — soit que, devant un épi de folle avoine, son ironie vengeresse châtie l’oisiveté insolente, toujours il y a chez lui une pensée généreuse, une imagination agreste, un langage imprégné des plus franches odeurs du terroir.
Il y a de l’éther bleu vague et sans fond dans son talent. […] Alfred de Vigny, le fond incommutable de son génie, l’âme qui a rayonné — pressentiment ou souvenir — dans tout ce qu’il a écrit et tout ce qu’il écrira jamais, s’il écrit encore !
L’imitation est à peu près semblable : même contexture, mêmes personnages, mêmes situations, même fond d’intérêt, de sentiment & de pensées. […] C’est lorsque ces deux auteurs se rencontrent le plus pour le fond des choses, qu’on remarque mieux combien ils diffèrent pour la manière de les rendre.
Voilà pourquoi elle étale sans dignité, dans un livre passionné et plus que passionné, les souvenirs qu’elle devait garder au fond d’elle, puisqu’elle avait le bonheur ou le malheur de les avoir. […] III Oui, se vanter — du fond de sa vieillesse de femme, — cet antre vide, — se vanter plus que d’avoir aimé, se vanter d’avoir été aimée, et avec les noms à l’appui, — tout au long, — des noms d’évêques, — de princes, — de littérateurs, — de savants, — de membres du Parlement d’Angleterre, couronnés enfin, tous ces noms, qui passent dans le grand défilé de la Revue des Morts, à minuit — par le nom d’un homme de génie, attaché, dans un ridicule immense, au pilori de ces Mémoires, cela ne devait-il pas suffire à l’inflammation de la tête d’une femme qui n’a jamais compris l’amour que comme Aspasie, et qui a toujours cherché son Périclès ?
Le Protestantisme combattit pour Dieu, contre Dieu… Aux supplices atroces de Philippe II, les atroces supplices d’Élisabeth d’Angleterre répliquaient… L’auteur politique de l’histoire actuelle de Philippe II n’a pas regardé assez avant dans ce fanatisme religieux pour plonger au fond et voir clairement ce qu’il signifiait. […] Très au-dessous de Charles-Quint, son père, dont il n’avait, si l’on en croit ses portraits, que la mâchoire lourde et les poils roux dans une face inanimée et pâle ; ce scribe, qui écrivait ses ordres, défiant qu’il était jusque de l’écho de sa voix ; ce solitaire, noir de costume, de solitude et de silence, et qui cachait le roi net (el rey netto), au fond de l’Escurial, comme s’il eût voulu y cacher la netteté de sa médiocrité royale ; Philippe II, ingrat pour ses meilleurs serviteurs, jaloux de son frère don Juan, le vainqueur de Lépante, jaloux d’Alexandre Farnèse, jaloux de tout homme supérieur comme d’un despote qui menaçait son despotisme, Forneron l’a très bien jugé, réduit à sa personne humaine, dans le dernier chapitre de son ouvrage, résumé dont la forte empreinte restera marquée sur sa mémoire, comme il a bien jugé aussi Élisabeth, plus difficile à juger encore, parce qu’elle eut le succès pour elle et qu’on ne la voit qu’à travers le préjugé de sa gloire.
… À côté de ce superbe cadre d’événements dans lequel peut tenir cette fresque historique à tant de groupes (la vie de Napoléon, sa famille, son époque), on pourrait être beaucoup plus grand que lui et paraître petit encore… Mais, franchement, ce n’est pas même sous le coup terrible du contraste qu’il se rapetisse, se fond et disparaît. […] cela est certain, malgré la préoccupation éternelle que Napoléon a imposée à toutes les têtes de notre époque, on avait pourtant presque oublié le fond de la pensée du grand organisateur, interrompu à moitié de son œuvre.
Malgré son amour pour l’État, ce mystère des mystères dans son livre, cet incompressible persistant qui disparaît à chaque révolution sans cesser d’être, Dupont-White n’est, au fond, qu’un individualiste comme les autres, un individualiste sans le savoir, lequel, avec des airs d’Hercule, file un coton assez maigre, sur une quenouille assez mince, aux pieds de l’Omphale du progrès ! […] Le génie de la figuration d’un peuple, qui dresse ce peuple tout vivant et le fait flamber par les différences en face des autres peuples, sur le fond d’une civilisation commune, ce génie spécial de la figuration qui est le génie de l’histoire, Dupont-White n’en a pas une lueur.