Il est facile, à présent qu’ils ont péri, de venir dire qu’ils méritaient sans doute assez peu de survivre ; que les meilleurs, après tout, et les plus dignes, ont surnagé et nous en tiennent lieu ; que ces poëtes d’une seconde époque devaient en avoir bien des défauts qui les rendent médiocrement regrettables, le raffinement, l’obscurité, le néologisme.
Et pourtant que de moments faciles et gais, insensiblement heureux, dus au printemps, au soleil de chaque matin !
C’est une arme facile à l’usage des gens qui sont à bout de raisons ou qui ne savent pas raisonner : que de discussions où l’on voit les adversaires se jeter mutuellement leurs vérités au nez, n’avoir souci que de se noircir réciproquement, sans toucher au sujet qui est en délibération, comme s’il suffisait de déshonorer son contradicteur pour prouver qu’on a raison sur un fait particulier !
En même temps, l’Astronomie nous apprenait à ne pas nous effrayer des grands nombres, et cela était nécessaire, non seulement pour connaître le Ciel, mais pour connaître la Terre elle-même ; et cela n’était pas aussi facile qu’il nous le semble aujourd’hui.
. — Toutefois les causes extérieures à l’homme me paraissent être à la fois les plus importantes pour l’histoire et les plus faciles à pénétrer : au lieu, en effet, d’être particulières à un individu, elles portent le plus souvent sur un grand nombre ; elles peuvent par là même être mieux contrôlées et conduire à des résultats généraux.
[Henri de Régnier] Henri de Régnier essaya d’être un poète noble et réussit à être un versificateur facile et symétrique.
Du moment où Dieu lui avait révélé divinement la parole et l’intelligence de la parole, il lui avait donné par là l’instrument nécessaire et facile de toute convention et de tout progrès.
Si la nymphe eût été belle, l’amour charmant, le satyre de grand caractère, elle en eût fait ce qu’on en pouvait faire de pis ou de mieux, que son tableau eût été admis, sauf à le retirer sur la réclamation publique ; car enfin n’avons-nous pas vu au sallon, il y a sept à huit ans, une femme toute nue étendue sur des oreillers, jambes deçà, jambes delà, offrant la tête la plus voluptueuse, le plus beau dos, les plus belles fesses, invitant au plaisir et y invitant par l’attitude la plus facile, la plus commode, à ce qu’on dit même la plus naturelle, ou du moins la plus avantageuse ?
Il a mieux aimé exploiter un malentendu fécond en plaisanteries faciles, et dont le public, il faut l’avouer, n’a pas été dupe.
Dans ce grand sujet de Rome et la Judée, dans ce vis-à-vis énorme, mais si facile à la rhétorique et aux déclamations, du monde de l’ancien Testament aboli, de la Synagogue dispersée par l’épée romaine, et de la chaire de Saint-Pierre érigée debout, dans l’apocalypse d’un monde nouveau, il aurait fallu une touche si mâle et si ferme, il aurait fallu quelque reflet surnaturel de saint Paul et de saint Jean réunis, formant le rayon d’une inspiration plus que pittoresque et plus que littéraire, et, au lieu de cela, nous avons un peintre grêle de salon, — presque un feuilletoniste d’histoire, quelque chose comme un Pontmartin historique ; car Champagny, dans ce dernier livre, a beaucoup de Pontmartin !
Il a copié fidèlement et intégralement le Journal de Louis XVI, et il l’a planté sous les yeux du public dans toute son authenticité, étonné lui-même de n’avoir pas été devancé par quelqu’un dans cette besogne si facile ; car bien des gens étaient passés par là !
C’est bien dit, c’est facile, c’est aimable, c’est négligé, et de cette négligence de grand seigneur, peu paternel, qui commet le soin de ses enfants aux autres.
La conséquence d’une telle théorie, c’est de mettre la combinaison, le machiavélisme, la rouerie de l’effet, à la place du mouvement, de la passion, de l’impétuosité, de l’abandon naïf et facile, et en effet, M.
Mais, jeune ou non, éprouvé par le travail ou caressé par l’inspiration facile, qu’il se souvienne du conseil que nous lui donnons en toute sympathie et dans l’intérêt de ses œuvres futures ; il y a deux hommes en lui, — l’homme de la veine et l’homme de la culture ; l’homme de la poésie sentie et l’homme de la poésie ressouvenue.
Bourgeois, le maire de Poitiers, — ni les deux autres espions, Degranges et Méhu, — ni les personnages historiques, qu’il fallait d’autant plus intensément peindre qu’on ne les nommait pas et que leur visage devait crever le masque d’incognito que l’auteur leur attache, — ni le jeune frère de Rochereuil, — ni sa mère, — ni la femme aimée de Rochereuil, profonde comme une grisette, fusain à peine indiqué de fille facile, — rien de tout ce monde ne sort, ne se détache, mais tout reste blafard, exsangue, indécis et inanimé, sous la plume la plus mâle, la plus appuyée, la plus énergique et la plus amoureuse d’énergie.
N’est-il pas naturel en effet que la Providence divine ayant pour instrument la toute-puissance, exécute ses décrets par des moyens aussi faciles que le sont les usages et coutumes suivis librement par les hommes… que, conseillée par la sagesse infinie, tout ce qu’elle dispose soit ordre et harmonie… qu’ayant pour fin son immense bonté, elle n’ordonne rien qui ne tende à un bien toujours supérieur à celui que les hommes se sont proposé ?
La victoire était facile, et la cause gagnée d’avance. […] On sait qu’il n’est pas facile de pénétrer dans cette chasse gardée des membres de l’Institut. […] Il n’était pas homme à reculer devant une audace, d’ailleurs facile à l’époque naturaliste. […] Henri de Régnier, que ce n’est pas facile, et que cette enchanteresse n’excite guère à l’activité intellectuelle. […] C’est trop facile !
songe le doux Gilles, quel joli métier, facile et lucratif ! […] car il est plus facile à une femme d’expirer que de souffrir. […] Cela est plus facile à affirmer qu’à vérifier. […] Mais, pour que la chose soit facile, il sera bon que Philippe ait une raison de faire sa cour à Marcelle. […] Voyez combien il est facile de commettre des péchés avec vous.
ça ne devait pas être facile !) […] On trouverait, dans les Harmonies, jusqu’à trois ou quatre « cavatines » un peu faciles. […] Voilà bien des métaphores, d’ailleurs faciles et que je n’ai pas inventées. […] On sait que rien n’est plus facile à faire qu’un sonnet passable. […] Vous vous doutez que cela n’est pas facile.
Les Écrivains ont répandu des trésors véritables, en nous donnant des idées plus saines, plus douces ; en nous inspirant les vertus faciles & indulgentes qui forment & embellissent la société. […] Il est bon, il est court ; la contrefaçon en devient plus facile, & que revient-il à l’Auteur qui s’est consumé pour l’utilité publique ? […] La réponse est bien simple ; c’est qu’il a été plus facile de copier le théâtre ancien que d’en créer un relatif à nos mœurs. […] C’est que le charlatanisme enfin s’est glissé jusques dans la Littérature, & qu’un mensonge bien impudent, fait au nom du Grec, a paru d’autant plus facile à avancer qu’on risquoit moins de recevoir un démenti. […] Le trait facile & libre du crayon a disparu devant la sécheresse de la combinaison, & les entraves de la routine qui ont enchaîné l’Art dans sa naissance.
Lui aussi, peu jaloux des succès faciles, il n’aspire qu’à ceux qu’il faut payer des plus rudes efforts et des plus durs sacrifices. […] Que citer parmi tant de couplets gracieux, d’un rythme si facile, d’une émotion si vraie ? […] Cela est d’une habileté très grande, mais d’une monotonie facile à prévoir. […] L’amour vrai et l’honneur, c’est là tout le fond de l’histoire, débarrassée de ce romanesque facile auquel l’auteur a trop souvent recours. […] Quelle bonne occasion et quel triomphe pour la raillerie facile !
La vie de Voltaire est amusante ; mais, quand nous ne la connaîtrions pas, son œuvre n’en serait pas moins facile à comprendre et à juger. […] Mais ce n’est pas tout, et il n’a pas encore épuisé son facile paradoxe. […] Les objections sans fin qu’on y peut faire paraissent naïves et superflues parce qu’elles sont trop faciles, — si faciles qu’on rougit de les énoncer si on a l’esprit un peu délicat. […] Il n’y a qu’avec la facile madame de Larnage, qui avait tant de bonne volonté… Mais ce n’a guère été qu’une rencontre d’auberge. […] Dans toute l’œuvre de Rousseau ce volume est, avec certains chapitres de l’Émile, celui sur lequel il est le plus facile de s’égayer.
Il a raison ; mais rien ne serait plus facile que de faire exactement la même chose avec le nom de Titus, sauf, je le reconnais, pour le premier acte. […] Mais le moyen est trop facile et on pourrait parfaitement l’appliquer à Bérénice elle-même, prétendre qu’elle n’a jamais cru sérieusement que Titus voulût l’épouser, qu’elle n’a jamais songé sérieusement à se tuer, etc., etc. […] Mais pourtant, c’est facile ! […] Elle est spirituellement épigrammatique sur ce point : « On a reproché aux réalistes d’affecter un style par trop incorrect, sous prétexte de forme facile, naturelle et positive. […] Il serait un peu trop facile.
L’entreprise en serait peut-être moins facile, et de plus longue haleine qu’on ne le croit. […] Pour le moment, la question est plus facile à poser qu’à résoudre ; on l’agitera plus tard, dans cent cinquante ou deux cents ans d’ici. […] Je sais bien qu’ils l’affectent un peu, et qu’ils se donnent, en l’affectant, le plaisir facile, toujours cher à la jeunesse, d’irriter la contradiction. […] Le reproche, aussi bien, n’est pas grave ; et quand les omissions seraient encore plus nombreuses, il n’y aura rien de plus facile M. […] Mais ce qui est certain, c’est qu’il est plus facile de se préserver des défauts d’Hugo que d’imiter ses beautés.
Il est trop facile de répondre que, même en acceptant cette étroite définition de l’art classique, Voltaire, puisque les modèles sont dans la nature et chez les anciens, au lieu d’imiter Racine, n’avait, comme avant lui Racine, qu’à imiter directement la nature et les anciens. […] N’altère-t-on pas sensiblement, ou plutôt ne mutile-t-on pas, si je puis ainsi dire, les vraies intentions de Pascal quand on réduit les Provinciales à ce qu’elles contiennent sur le sujet de la morale facile ? […] Je ne dis pas, d’ailleurs, en terminant, que ce plan soit facile à trouver, ni qu’il soit aisé de composer un vrai livre qui réponde à ce programme, — puisqu’après avoir essayé d’en indiquer la nature, je laisse à de plus audacieux et de plus habiles que moi le soin et l’honneur de l’écrire sur Pascal. […] Leur œuvre, ou du moins ce que j’en ai lu pour m’en faire une idée juste, m’a paru d’un style assez négligé, facile, souvent heureux dans sa négligence, en somme et au fond assez médiocre. […] Mais au contraire, le fond n’est pas moins intéressant que la forme, et il est facile, et instructif, de le montrer.
Sénard l’occasion d’un facile triomphe sur M. […] Nisard tonnait dans son Manifeste sur la littérature facile. […] Il lui sera bien plus facile, ayant ceux-là, d’avoir un jour les autres, qu’à ceux qui ont la foule, de plaire jamais à l’élite. […] « C’était vraiment trop facile, dit-il quelque part, de tromper un mari comme celui-là. » Nous sommes absolument de cet avis, et pourtant Risler, tel que l’a conçu et décrit M. […] Et leur esprit rude, avec cette naïveté et cette illusion des foules, concevait une victoire facile et certaine.
Il n’était pas facile de pénétrer dans cette maison, mieux gardée que le jardin des Hespérides. […] Il est toujours facile aux poêles de descendre à la prose. […] Les tribus émerveillées accouraient avec acclamations sur le bord de sa route, et rien n’eût été plus facile au poëte que de se faire proclamer calife. […] Sa vie littéraire est digne de servir d’exemple aux vocations poétiques qui se laissent si aisément détourner par les succès faciles et les occasions de gain rapide qu’offre aujourd’hui la multiplicité des journaux. […] En effet, c’est une œuvre facile et commode que le feuilleton de théâtre !
Et il est écrit ailleurs : « Je vous le dis encore une fois, il est plus facile qu’un chameau passe par le trou d’une aiguille qu’un riche entre au royaume des cieux. » Mais si la lettre de ces paroles n’est pas développée par l’esprit de la tradition, quel effet ne produiront-elles pas sur un humble lecteur — infimæ sortis, pauperculæ domus — puisqu’elles ont fourvoyé dans ce dédale d’erreurs le plus grand écrivain de la Russie contemporaine ! […] disait déjà saint Augustin, tandis qu’il n’est pas de science ou d’art si faciles qu’ils ne réclament un guide et un maître, la religion, seule au monde, n’aurait pas besoin qu’on l’enseigne et qu’on la dirige ! […] » La réponse est facile à ces interrogations un peu trop sûres d’elles-mêmes. […] Mais je crois d’autre part les avoir assez loués ; « Intolérants et orgueilleux, — disais-je encore, il n’y a pas trois ans, — difficiles à manier, chagrins et moroses, méprisants et austères, affectant la religion jusque dans leur costume, les protestants, en revanche, possédaient la vertu dont ces défauts étaient comme l’enveloppe, et grâce à elle on peut dire qu’en 1685 et depuis plus d’un siècle, ils représentaient la substance morale de la France… Écartés des tentations par les mesures mêmes qui les éloignaient des emplois, ils se dressaient, dans la société du temps de Louis XIV, comme un enseignement vivant par l’ardeur de leur foi, par leur constante préoccupation du salut, parleuréloignement des plaisirs faciles, par la dignité de leurs mœurs, par la raideur même enfin et la fierté de leur attitude. » Ne pouvant pas abuser ici du droit de me citer moi-même, je renvoie le lecteur à l’étude, Sur la formation de l’idée de progrès dont je tire ces lignes.
De toutes les branches des lettres, c’est celle concernant le roman qui a pris le plus d’extension, parce que le roman est la lecture la plus facile, la plus récréative et en même temps à la portée de toutes les intelligences. […] Soit, mais pas au même degré, parce qu’il est infiniment plus facile d’enfreindre la loi du devoir que de s’y conformer. […] L’accomplissement de tous les devoirs n’est doux pour personne, parce que la plupart des devoirs ne correspondent pas à des sentiments profonds, à des sympathies réelles qui nous rendent faciles les abnégations. […] La raison en est simple, c’est qu’ils n’écrivent pas pour moraliser, mais pour gagneur de l’argent, et que le vice et le crime offrent des tableaux à sensation qui ont prise sur la masse du public ; et que cette peinture au niveau de toutes les intelligences, voire même les plus incultes, les dispense de style et de talent, et qu’ils l’adoptent comme étant la plus facile et la plus lucrative.
Cette langue de terre ménagée en pointe au devant de ces arbres, et descendant par une pente facile vers la surface de ces eaux, est tout à fait pittoresque. […] Qui sont donc les hommes les plus faciles à émouvoir, à troubler, à tromper peut-être ? […] — C’est cela, et si vous n’y prenez garde, vous deviendrez philosophe. — C’est une maladie facile à gagner avec vous. — Vraie maladie. […] Entraîné par le charme du clair de lune de Vernet, j’ai oublié que je vous avais fait un conte jusqu’à présent et que je m’étais supposé devant la nature (et l’illusion était bien facile), puis tout à coup je me suis retrouvé de la campagne au sallon. — Quoi l’instituteur ; ses deux petits élèves, le déjeûner sur l’herbe, le pâté, sont imaginés ?
Ce sont là de trop grosses questions pour nous, et sur lesquelles, dans tous les cas, il nous paraît plus facile de raisonner après coup que de se prononcer de si loin avec certitude.
Ce dernier volume, par la vivacité des impressions, par la quantité de faits curieux qui y sont rassemblés et qui se déploient dans une trame facile, par la clarté qui y circule et qui y répand une sorte de sérénité inespérée, la seule possible avec Waterloo en perspective, par le talent enfin (car il faut appeler les choses par leur nom), mérite d’être signalé tout spécialement, même après les récents volumes, à l’attention et à la haute estime du public.
Je ne pense pas que Théophile Gautier, de qui on a souvent rapproché M. de Saint-Victor, et qui, en effet, a pu être son maître un moment, soit aussi neutre, aussi indulgent, aussi placide d’impression qu’on veut bien le dire : il est facile, quand on lit Gautier avec intelligence, de saisir sa vraie impression et de la discerner, comme un sable fin, au fond de ce beau lac d’indifférence où il se joue ; mais enfin M. de Saint-Victor se distingue absolument de lui par la vivacité avec laquelle il articule et accuse en toute rencontre ses affections ou ses répugnances.
Le tableau de l’élégiaque romain est touchant dans sa réalité, mais on sent aussitôt la différence : il y manque, pour égaler le rêve sicilien, je ne sais quoi d’un loisir tout facile, je ne sais quel horizon plus céleste.
Lorsqu’il portait à la Chambre des pairs les questions qu’il avait débattues à la Chambre des députés, il était facile de voir combien il avait gagné.
Néanmoins il était plus facile de façonner à la servitude les Grecs que les hommes du Nord.
L’élargissement du goût est facile à comprendre ; à mesure que nos préjugés tombent, beaucoup de nos répugnances doivent céder et disparaître.
Vous vous donnez le plaisir facile et puéril (en soulignant naïvement les phrases flatteuses) de dresser une liste des contradictions de la critique touchant Frédégonde.
Le père de d’Artagnan a une philosophie de l’histoire éminemment agréable et facile, où tout s’explique par l’amour, par la vaillance ou la subtilité des aventuriers généreux aimés des femmes et par l’influence des grandes dames scélérates ou des courtisanes sympathiques.
Il ne faudrait pas ici qu’un facile plaisant voulût rire en feignant une méprise.
. — Il est facile de voir les conséquences d’une telle théorie.
Il y a ceux qu’inquiète le problème redoutable de la Destinée ; ceux qui, méprisant les succès faciles, les satisfactions grossières et les lauriers monnayés, tentent l’escalade des sommets inaccessibles et cherchent seulement, en s’élevant, à s’abstraire Du vacarme que font les fantômes entre eux.
J’ai la faiblesse de regarder comme de mauvais ton et très facile à imiter cette prétendue délicatesse, qui ne peut se résoudre à prendre la vie comme chose sérieuse et sainte ; et, s’il n’y avait pas d’autre choix à faire, je préférerais, au moins en morale, les formules du plus étroit dogmatisme à cette légèreté, à laquelle on fait beaucoup d’honneur en lui donnant le nom de scepticisme, et qu’il faudrait appeler niaiserie et nullité.
Enfin, dans un moment où, moins exagéré, Jésus ne présente l’obligation de vendre ses biens et de les donner aux pauvres que comme un conseil de perfection, il fait encore cette déclaration terrible : « Il est plus facile à un chameau de passer par le trou d’une aiguille qu’à un riche d’entrer dans le royaume de Dieu 502. » Un sentiment d’une admirable profondeur domina en tout ceci Jésus, ainsi que la bande de joyeux enfants qui l’accompagnaient, et fit de lui pour l’éternité le vrai créateur de la paix de l’âme, le grand consolateur de la vie.
Mais mieux vaut dire qu’après toutes les analyses précédentes la réponse sera presque toujours prompte et facile.
Ils ont si fort senti combien il étoit difficile d’égaler cette touche mâle & vigoureuse ; cette versification aussi nombreuse que correcte ; cette tournure de pensées tantôt lumineuse & piquante, tantôt forte, pittoresque & majestueuse, qui caractérise ce Poëte, que leur amour-propre a pris le parti le plus facile, celui de le décrier.
Il étoit d’autant plus facile de le représenter coupable d’impiété, que le public connoissoit déjà sa Relation curieuse de l’isle de Bornéo ; relation qui contient l’histoire d’une étrange guerre civile*.
Nos Moralistes sont extrêmement multipliés, soit que les ouvrages de ce genre soient faciles à faire, soit qu’on n’écrive jamais plus sur la morale que lorsque tout le monde commence à manquer de mœurs.
J’appelle ici causes morales, celles qui operent en faveur des arts, sans donner réellement plus d’esprit aux artisans, et en un mot sans faire dans la nature aucun changement physique, mais qui sont seulement pour les artisans une occasion de perfectionner leur génie, parce que ces causes leur rendent le travail plus facile, et parce qu’elles les excitent par l’émulation et par les recompenses, à l’étude et à l’application.
Sans beaucoup de peine et d’efforts, et en restant dans les travaux de toute sa vie, il pouvait conquérir littérairement le nom d’Asiatique et se faire une gloire éclatante et facile, à une époque où l’esprit d’aberration philosophique qui mène le monde s’est engoué de l’Asie, et poétiquement, scientifiquement, politiquement, — de toutes les manières enfin, — en a monstrueusement exagéré la grandeur.
Alors aussi la Critique n’aura plus devant elle, comme aujourd’hui, ce tas de livres, faciles à bâcler avec des correspondances et des confidences tirées de l’oubli dans lequel elles pouvaient rester.
Je connaissais la vignette qui est partout, l’esprit joyeux et fin, le voluptueux embonpoint littéraire, le sensuel, le gourmand, le gourmet, — écrit ainsi et non comme cela : gourmé, car il ne l’est point, mais aimable au contraire, abandonné, facile, charmant, et, même quand il s’attendrit, toujours de la fantaisie la plus rose !
mais qui n’a pas de relief, et qui pourrait porter aussi bien la date du règne de Louis-Philippe, par exemple, que celle du règne de Napoléon III, l’homme qui l’a écrite étant identiquement le même professeur moyen, le même élève de l’École normale du milieu de la classe, qui pouvait l’écrire, il y a vingt ans, exactement de ce même style, — la construire exactement avec les mêmes renseignements, — y professer exactement les mêmes admirations pour les mêmes personnes, Casimir Delavigne et Béranger, — et, finalement, la saupoudrer de la même fleur d’érudition facile, cueillie dans tous les livres que la fonction met aux mains et force à feuilleter.
Mais il serait facile de montrer, l’histoire à la main, et ce serait là une étude curieuse et utile, que leurs plus grandes fautes vinrent justement de l’oubli de leur caractère et de leur devoir.
Mais c’est, surtout, quand il s’agit de l’homme redoutable envers lequel il était si facile à un écrivain comme Prescott d’être injuste, que ses paroles deviennent, à force d’impartialité, d’un grand poids : « Nous frémissons, — (je ne crois pas qu’il frémisse beaucoup, cet homme de race anglo-saxonne, fils de boucanier et de flibustier, mais passons-lui ce petit sacrifice à la rhétorique), — nous frémissons en regardant un tel caractère, — (il s’agit du monstrueux duc d’Albe), — mais, nous devons l’avouer, il y a quelque chose qui provoque notre admiration dans cette rigueur, dans cette inflexibilité, dans ce mépris de toute crainte et de toute faveur avec lesquels cette nature indomptable exécute ses plans !!!
Tous deux, ils ont cru, sur la foi de ses faciles larmes, à la sensibilité de Camille Desmoulins, et cette comédienne et physique sensibilité leur a paru une excuse suffisante pour toutes les fautes qu’il a commises, pour toutes les lâchetés dont il s’est rendu coupable, pour tous ces crimes de parti qu’il accomplit envers le sien et qui furent presque des trahisons !