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1290. (1874) Premiers lundis. Tome II « Jouffroy. Cours de philosophie moderne — II »

Un individu humain quelconque, bien organisé toutefois, pris au hasard dam l’époque présente ou dans toute autre époque, et se traitant lui-même par la méthode expérimentale intérieure, découvrira, autant qu’il est donné à l’homme de le faire, sa destinée propre, et la destinée des autres hommes ses semblables, et la destinée de l’espèce tout entière ; il saura déterminer, autant que cela nous est possible, la loi du passé et de l’avenir de l’humanité. […] La destinée de l’humanité n’est aucunement donnée par la destinée d’un individu humain quelconque à une époque quelconque ; de plus, la destinée de l’individu ne peut pas se déterminer directement et par l’analyse abstraite du moi, indépendamment de l’action et de la réaction perpétuelle qui lie cet individu à la nature et à l’humanité. […] Il ne serait pas difficile de le surprendre en contradiction avec lui-même dans le cours de ses développements ; le sentiment profond et sympathique qui appartient à sa nature d’artiste donne le démenti à son rationalisme dès qu’il aborde la réalité. […] Il ne faut pas prendre ici l’expression actif dans le sens que lui donnent les psychologistes. […] Une pareille vue de la nature humaine est évidemment fausse et incomplète : car elle ne peut donner le passage du moi à la nature extérieure.

1291. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre VIII. De l’éloquence » pp. 563-585

Ménager les convenances morales, c’est respecter les talents, les services et les vertus ; c’est honorer dans chaque homme les droits que sa vie lui donne à l’estime publique. […] comment donnerez-vous de l’enthousiasme aux hommes qui ne craignent ni n’espèrent rien de la renommée, et ne reconnaissent plus entre eux les mêmes principes pour juges des mêmes actions. […] Cette élévation n’ôte rien à la vivacité des sentiments, à cette ardeur si nécessaire à l’éloquence, à cette ardeur qui seule lui donne un accent, une énergie irrésistibles, un caractère de domination que les hommes reconnaissent souvent malgré eux, que souvent ils contestent, mais dont ils ne peuvent jamais se défendre. […] Ce sentiment de mélancolie que chaque siècle doit développer de plus en plus dans le cœur humain, peut donner à l’éloquence un très grand caractère. […] Le raisonnement, dans ses formes didactiques, ne suffit point pour défendre la liberté dans toutes les circonstances ; lorsqu’il faut braver un danger quelconque pour prendre une résolution généreuse, l’éloquence est seule assez puissante pour donner l’impulsion nécessaire dans les grands périls.

1292. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Deuxième partie. Invention — Chapitre VII. Induction et déduction. — Diverses causes des faux raisonnements »

On se laisse tromper à l’apparence ; on prend pour réel ce qui ne l’est pas, comme dans l’histoire de la dont d’or, et l’on donne la raison de ce qui n’existe pas. […] Ou bien on se presse trop de généraliser ; par légèreté, par impatience, on ne se donne pas la peine de ramasser un grand nombre d’observations, et sur deux ou trois exemples, sur un seul parfois, et qu’on n’étudie pas à fond, on pose une règle générale qui se trouve fausse. […] Je n’ai point vu de roman anglais ou russe, en dépit de l’impartiale observation des auteurs, où l’on donnât d’un Français autre chose qu’une charge ; et l’on peut croire que nous agissons de même à l’égard des étrangers. […] On ne saurait trop distinguer aussi à quel ordre appartient le sujet que l’on traite : de là dépendent les principes sur lesquels on peut s’appuyer et la preuve qu’il y faut donner. […] Il faut lire et méditer là-dessus les règles que donne Pascal dans son fragment de L’Art de persuader : nul n’a mieux connu que lui l’art de raisonner, nul n’a mieux raisonné.

1293. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Troisième partie. Disposition — Chapitre V. Subordination et proportion des parties. — Choix et succession des idées »

Selon l’étendue que vous pourrez donner à l’œuvre, chaque section aura plus ou moins de développement : mais, quelles que soient les dimensions qui vous seront imposées ou que vous choisirez, les proportions ne varieront pas. […] C’est son mérite singulier : et c’est par là qu’il a été un incomparable artiste : il a, sans l’altérer, sans la travestir, ni la farder, donné une forme souverainement aimable à une matière rude et sévère. […] De là vient aussi la prolixité stérile des écrivains qui s’abandonnent à leur facilité naturelle : ils reçoivent dans leurs ouvrages tout ce que leur présente leur fantaisie agitée, mais ils ne remarquent pas qu’elle leur envoie toujours les mêmes idées diversement habillées, comme au théâtre on fait passer et repasser sans cesse les mêmes figurants sur la scène pour donner l’illusion des grandes armées. […] L’ordre qu’on donne à ses idées doit être tel, en résumé, que ce qu’on dit, à chaque moment s’explique pleinement par ce qui a été dit déjà : ne demandez jamais de crédit au lecteur, ni pour donner la preuve d’une proposition, ni pour expliquer la possibilité d’un fait. N’ayez jamais recours à ces avertissements, qui sont comme les béquilles d’une composition boiteuse : « On verra plus tard pourquoi. — J’en donnerai la preuve tout à l’heure. » Ne cherchez pas à piquer la curiosité aux dépens de la clarté, à faire du mystère pour frapper un coup plus grand.

1294. (1925) Méthodes de l’histoire littéraire « III. Quelques mots sur l’explication de textes »

Oui, elles savent lire, au sens de l’école primaire, interpréter les signes imprimés ou manuscrits, en donner plus ou moins grossièrement le sens. […] Le ministère, après l’épreuve décisive de l’enseignement de l’histoire littéraire, leur donna raison, et l’explication française devint officiellement un des exercices réguliers et importants de la classe de français. […] Dans l’exercice littéraire, cela conduirait à penser qu’il est vain de chercher un sens aux Essais ou aux Pensées, et qu’on ne peut que constater, sans le contester jamais, le sens que leur donne M. X. et le sens que leur donne M.  […] Et il ne serait peut-être pas exagéré de penser que le sens de l’auteur est tout de même, un sens privilégie, auquel je puis donner une attention particulière.

1295. (1864) William Shakespeare « Deuxième partie — Livre IV. Critique »

Nous ne reprochons pas l’aiguillon à qui nous donne le miel. […] Il m’a paru que dans notre siècle cet exemple de bêtise était bon à donner. […] À Pégase donné, je ne regarde point la bride. […] Il donne à l’art ses ordres, dans les limites de son œuvre, bien entendu. […] Allume les cerveaux, enflamme les âmes, éteins les égoïsmes, donne l’exemple.

1296. (1765) Essais sur la peinture pour faire suite au salon de 1765 « Ce que tout le monde sait sur l’expression, et quelque chose que tout le monde ne sait pas » pp. 39-53

Pour arracher de l’homme la vérité, il faut à tout moment donner le change à la passion, en empruntant des termes généraux et abstraits. […] Il lui a plu de nous faire bons, et de nous donner le visage du méchant ; ou de nous faire méchants et de nous donner le visage de la bonté. […] Si l’âme d’un homme ou la nature a donné à son visage l’expression de la bienveillance, de la justice et de la liberté, vous le sentirez, parce que vous portez en vous-même des images de ces vertus, et vous accueillerez celui qui vous les annonce. […] Je rajeunis de deux mille ans, pour vous exposer comment dans les temps anciens ces artistes influaient réciproquement les uns sur les autres, comment ils influaient sur la nature même, et lui donnaient une empreinte divine. […] Attendez, mon ami : peut-être que ce qui suit donnera quelque vraisemblance à des idées qui ne vous ont amusé jusqu’à présent que comme un rêve agréable, que comme un système ingénieux.

1297. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Les Nièces de Mazarin » pp. 137-156

Problème singulier dont le livre de Renée donne le mot plus que tout autre livre. […] Sans Richelieu, — qui paraît tout à coup dans sa vie et dont la confiance donne du sérieux à ce singulier capitaine qui, devant Casal, vole la croix du légat et fait faire la paix à force de coups de chapeau et en criant : La paix ! […] Pendant de longues années il donna à la France, qui n’y comprenait rien, le spectacle d’un mariage à l’italienne. […] Sans parler des équipées des nièces de Mazarin, qui gardèrent toujours un peu l’air aventurier de monsieur leur oncle, il y a telle anecdote dans cette piquante histoire qui donne une idée singulière du ton et du goût du grand siècle dans sa jeunesse. […] Tous ceux qui voudront ajouter à leurs notions sur le grand siècle devront consulter cet ouvrage, où l’érudition brille et fourmille sous les douces lueurs d’un esprit qui a les grâces que donne la vie, et qui est, comme toutes les supériorités expérimentées, tout à la fois désabusé et charmant.

1298. (1922) Durée et simultanéité : à propos de la théorie d’Einstein « Chapitre II. La relativité complète »

Bref, ce qui est réellement donné est une réciprocité de déplacement. […] Il allait même bien au-delà de la science de son temps, au-delà de la mécanique newtonienne, au-delà de la nôtre, formulant un principe dont il était réservé à Einstein de donner la démonstration. […] Descartes posait que tout ce qui relève de la physique est étalé en mouvement dans l’espace : par là il donnait la formule idéale du mécanisme universel. […] Certes, rien n’empêchera de supposer, à un moment donné, que le système de référence est lui-même en mouvement. […] Mais alors elle oscille entre les deux, les immobilisant tour à tour par des allées et venues si rapides qu’elle peut se donner l’illusion de les laisser en mouvement l’un et l’autre.

1299. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XX. De Libanius, et de tous les autres orateurs qui ont fait l’éloge de Julien. Jugement sur ce prince. »

Il parvint d’abord à en imiter parfaitement le style ; mais dans la suite, il y ajouta ces grâces piquantes que donne la cour, et ces beautés mâles que donne la philosophie. […] Les princes et tous ceux qui, sans être princes, ont ou croient avoir quelque supériorité sur les autres, sont sujets à porter le despotisme jusque dans l’amitié ; ils exigent beaucoup et donnent peu. […] Photius lui reproche de laisser trop apercevoir dans ses discours l’empreinte du travail, et d’avoir éteint, par un désir curieux de perfection, une partie de ces grâces faciles et brillantes que lui donnait la nature lorsqu’il parlait sur-le-champ. […] L’indignation que le vice donne aux âmes dignes d’éprouver ce sentiment affermit quelquefois son style, et lui communique un degré de force qu’il n’a pas toujours. […] On sait que dans l’Europe et l’Asie ensemble, jamais il n’y eut autant de mouvement dans les esprits qu’il y en avait alors ; les progrès du christianisme, et le choc de ceux qui combattaient pour la religion de l’empire, avaient donné cette secousse.

1300. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Vie militaire du général comte Friant, par le comte Friant, son fils » pp. 56-68

La guerre seule pouvait donner plein essor à cette jeunesse : elle éclata. […] Mais dans les épreuves multipliées, dans les vicissitudes de chaque jour, les incapables étaient vite balayés, tandis que les hommes de talent, une fois promus et dans des postes élevés, prenaient de l’ascendant, acquéraient l’habileté que donne la guerre ; ils sauvèrent le pays en s’illustrant. […] Quelques lettres du général Desaix à Friant, dans cette guerre de la Haute Égypte, en établissent bien le caractère et donnent le ton des généraux entre eux. […] Alors il tire son épée, chose unique dans sa vie ordinaire, fait battre un ban, reconnaît lui-même le général Friant et lui donne l’accolade. Le ban fermé, les officiers sont appelés à venir former le cercle, et l’empereur leur dit : « Officiers des grenadiers de ma Garde, voilà le chef que je vous donne. » Puis se tournant vers le nouvel élu : « Général Friant, c’est la récompense de vos beaux et glorieux services. » Et plus familièrement, il ajouta : Mon cher Friant, vous ne prendrez ce commandement qu’à la fin de la campagne ; ces soldats-ci vont tout seuls, et il faut que vous restiez avec votre division, où vous aurez encore de grands services à me rendre.

1301. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « VICTORIN FABRE (Œuvres publiées par M. J. Sabbatier. Tome Ier, 1845. » pp. 154-168

Sabbatier ne craint pas de s’exprimer : « Quant à l’ouvrage de M. de Barante, des considérations particulières avaient bien pu lui faire accorder une mention, mais ne pouvaient donner à personne l’idée de le mettre en parallèle avec un écrit de Victorin Fabre !  […] Mais savez-vous bien que cela donne envie à quelques-uns de ceux qui ont connu Victorin Fabre et qui voudraient d’ailleurs observer le respect dû à sa mémoire (et je suis du nombre), que cela leur donne envie de dire tout net que cet écrivain de talent était surtout un écrivain de labeur, qu’il pensait peu, hormis dans les sillons déjà tracés, que sa rhétorique, pour ne s’être pas faite à temps au collége, se prolongea trop longtemps dans les concours académiques, que ces concours académiques où il triompha coup sur coup en vers et en prose ne firent jamais de lui qu’un magnifique écolier, que son front de lauréat ploya, à la lettre, sous le poids de ses couronnes, et que, dès qu’un premier échec l’eut jeté hors de l’arène des concours, on ne retrouva plus en lui, devant le grand public, qu’un talent fatigué et non pas un esprit supérieur ? […] Si, en le lisant, il verse des larmes d’admiration et de douleur, s’il rougit d’avoir été couronné, s’il jette, s’il dépose cette couronne aux pieds du vaincu, alors il donnera de hautes espérances ; s’il continue à se croire vainqueur, il restera, à peu près, aussi petit que son discours. » O Garat, Garat ! […] Or (Université à part), il est remarquable que le suffrage qui se retira de Victorin Fabre, et qui donna le signal d’arrêt, ait été précisément celui de Fontanes, du plus homme de goût de ce temps-là. […] Sabbatier ne soient que celles de l’auteur même, traduites par un disciple et plutôt grossies que dénaturées, il n’est pas moins à regretter que le biographe se soit donné ainsi pleine carrière, et que sa misanthropie, en s’ajoutant aux humeurs noires d’Auguste Fabre et de Victorin, vienne aujourd’hui compromettre, sous une teinte aussi fâcheuse et trois fois morose, une publication qui, présentée sous un meilleur jour et ne réclamant que d’équitables éloges, eût mérité de tous indulgence et sympathie.

1302. (1875) Premiers lundis. Tome III « M. Troplong : De la chute de la République romaine »

Il a semblé à l’éminent écrivain que tout un côté de la question était à remettre en lumière et à traiter avec cette sévérité d’analyse et cette autorité de raison qui lui appartiennent, et dont il a donné tant de preuves en ses autres écrits. […] Troplong, dans un premier chapitre publié il y a déjà quelques mois (31 août 1855), avait très-bien marqué ce qui manque aux historiens latins, même aux plus distingués, pour nous expliquer à fond leur société et pour nous donner la clef de ses progrès ou de son abaissement. […] Son portrait de Lucain est sévère et juste : il caractérise l’ensemble de ce poëme de la Pharsale avec l’impatience que ces enflures et ces ambitions de pensée donnent à tout esprit net et sain. […] Je ne connais vraiment pas de rôle plus commode que celui d’être pompéien sous un ferme et généreux César : on jouit de toutes les sécurités, de toutes les garanties contre les guerres civiles, et l’on se donne un air de vertu ou même une fraîcheur de souffle populaire. […] Le célèbre auteur de l’Histoire des Girondins nous a donné, il y a quelques mois, celle de César.

1303. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre III. De l’émulation » pp. 443-462

L’existence subalterne qu’on accordait aux gens de lettres dans la monarchie française, ne leur donnait aucune autorité dans les questions importantes qui tiennent à la destinée des hommes. […] Ce sont leurs lumières et leurs talents dans la carrière civile qui les ont rendus chers à la postérité, et leur ont fait obtenir, pendant leur vie, l’obéissance de l’admiration, cette obéissance qui donne au pouvoir absolu le plus bel attribut des gouvernements libres, l’assentiment volontaire de l’opinion publique. […] L’on est un grand écrivain dans un gouvernement libre, non comme sous l’empire des monarques, pour animer une existence sans but, mais parce qu’il importe de donner à la vérité son expression persuasive, lorsqu’une résolution importante peut dépendre d’une vérité reconnue. […] L’être moral d’un grand homme doit présenter cette organisation, cette balance, cette compensation, qui seule donne l’idée, dans les caractères comme dans les gouvernements, du repos et de la stabilité. […] La république doit donner beaucoup plus d’essor que tout autre gouvernement à ce mobile d’émulation ; elle s’enrichit des travaux multipliés qu’il inspire.

1304. (1823) Racine et Shakspeare « Chapitre premier. Pour faire des Tragédies qui puissent intéresser le public en 1823, faut-il suivre les errements de Racine ou ceux de Shakspeare ? » pp. 9-27

Le Romantique. — Prenez garde à ce que vous dites, Monsieur, vous me donnez un avantage immense ; vous convenez donc que le spectateur peut se figurer qu’il se passe un temps plus considérable que celui pendant lequel il est assis au théâtre. […] En Angleterre, depuis deux siècles ; en Allemagne depuis cinquante ans, on donne des tragédies dont l’action dure îles mois entiers, et l’imagination des spectateurs s’y prête parfaitement. […] Un homme qui aurait à faire sa réputation de littérateur instruit, se donnerait bien de garde d’être si clair et de raisonner d’une manière si précise. […] Chénier, Lemercier, Delavigne, eussent osé s’affranchir des règles dont on a reconnu l’absurdité depuis Racine, ils nous auraient donné mieux que Tibère, Agamemnon ou les Vêpres siciliennes. […] Nous avons des habitudes ; choquez ces habitudes, et nous ne serons sensibles pendant longtemps qu’à la contrariété qu’on nous donne.

1305. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre I. Renaissance et Réforme avant 1535 — Chapitre I. Vue générale du seizième siècle »

L’esprit bourgeois triomphait partout, tout positif, fait de bon sens et de raison pratique, mais desséché, démoralisé par le spectacle de la forme qu’avaient donnée au monde ces grandes puissances de l’Église et de la noblesse, tourné vers la défiance railleuse, vers la négation hostile, tirant du train des choses une leçon de ruse et d’égoïsme, le culte du fait et du succès, voué enfin à la poursuite des jouissances matérielles. Il avait fait la littérature à son image : une littérature pauvre d’idées, de sentiment vulgaire et cynique, de forme aisée et légère sans grandeur, à laquelle les érudits des cours féodales n’étaient arrivés qu’à opposer une littérature vide, de forme compliquée, capable seulement de donner le sentiment d’un immense effort évanoui dans le néant des résultats, dans le néant même des intentions. […] Le xive et le xve  siècle auraient fait la Renaissance, si l’antiquité seule avait suffi pour donner au génie français l’impulsion efficace et définitive. […] La secousse décisive était donnée ; tous les germes qui dormaient épars dans la décomposition de l’ancienne France commencèrent d’évoluer. […] Leur esprit plus ouvert veut qu’on l’amuse avec le jeu étincelant des idées, non plus avec le cliquetis baroque des mots ; et ils demandent aux lettres la même sensation de nette et lumineuse élégance, que leurs nouveaux palais, leurs tableaux, leurs habits même et leurs armes leur donnent.

1306. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre V. Le théâtre des Gelosi (suite) » pp. 81-102

Un cavalier de la ville l’ayant été voir, elle lui enleva du cou un joyau qui renfermait le portrait d’une très belle dame, donné par celle-ci à ce cavalier nommé Oratio. […] Le mari, qui se nommait Pantalon, demeura surpris, faisant de grandes instances à la comédienne pour savoir le nom de celui qui lui avait donné ce portrait. […] Flaminia lui donne quelques paoli et se retire. […] Arlequin répond qu’un nommé Flavio la lui a donnée pour remettre à une dame. […] Puis, Oratio répétant ce qu’il vient de dire à Pedrolino, elle l’appelle traître et lui dit qu’elle n’ignore pas qu’il aime la comédienne et qu’il lui a donné son portrait à elle.

1307. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des pièces de théâtre — Préface des « Burgraves » (1843) »

que par les songeurs et les poètes ; donner une figure à cette leçon des sages ; faire de cette abstraction philosophique une réalité dramatique, palpable, saisissante, utile. […] Après avoir, comme il vient de l’indiquer et sans dissimuler d’ailleurs son infériorité, ébauché ce poëme dans sa pensée, l’auteur se demanda quelle forme il lui donnerait. […] La loi véritable, la voici : tout ouvrage de l’esprit doit naître avec la coupe particulière et les divisions spéciales que lui donne logiquement l’idée qu’il renferme. […] Ces trois sentiments donnaient à l’ouvrage sa division naturelle. […] Faire constamment effort vers le grand, donner aux esprits le vrai, aux âmes le beau, aux cœurs l’amour ; ne jamais offrir aux multitudes un spectacle qui ne soit une idée : voilà ce que le poëte doit au peuple.

1308. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre II : La littérature — Chapitre I : Une doctrine littéraire »

Nous n’avons donc pas à nous étonner ni à nous plaindre qu’un éminent critique, le seul qui nous ait donné une histoire complète de la littérature française, M.  […] Nous transportons ces vues dans la littérature et dans les beaux-arts ; nous pensons que c’est l’initiative individuelle qui a trouvé le beau, que l’idéal n’est passé dans la réalité et n’est devenu sensible que par la création libre des grands artistes et des grands écrivains, dont chacun lui a donné la couleur de son âme. […] En cela, elle n’a qu’à suivre les indications que lui donne l’opinion elle-même, un instant attachée à de fausses beautés, mais qui finit toujours par s’en dégager, et ne conserve dans ses admirations que ce qui est solidement vrai et solidement beau. […] Il poursuit toutes les fausses beautés partout où il les rencontre, et nous donne les raisons pour lesquelles elles ont succombé. […] L’imagination (et j’entends par là tout mouvement donné à la pensée) n’est donc pas une condition accessoire ou subordonnée dans les œuvres littéraires : elle y est essentielle, comme la couleur en peinture.

1309. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 2, de la musique rithmique » pp. 20-41

Or saint Augustin dit positivement qu’il étoit en usage de son temps, de donner le nom de rithme à tout ce qui regloit la durée dans l’execution des compositions. Rien n’est si commun dans toutes les langues que le nom de l’espece donné au genre et le nom du genre attribué à l’espece en stile ordinaire. […] Montrons donc en premier lieu que modulatio ne signifioit proprement que la mesure et le mouvement, que ce qui est appellé rithme dans Porphyre, et montrons en second lieu que malgré cela les romains ont souvent donné le nom de modulation à toute la composition musicale. […] Voila pourquoi la plûpart des auteurs grecs et latins qui ont écrit sur la musique, traitent fort au long de la quantité des sillabes, des pieds et des figures du vers ; ainsi que de l’usage qu’on en peut faire, pour donner plus d’agrément et plus d’expression au discours. […] Nous apporterons ci-dessous un de ces passages dans lequel Quintilien parle fort au long du soin qu’avoient ces artifices pronuntiandi, de donner à chaque comedien un masque assortissant au caractere du personnage qu’il devoit representer.

1310. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XX. Mme Gustave Haller »

Pour qui a pratiqué la vie, ou qui l’a seulement regardée, il n’est pas vrai que cette amitié puisse exister ; et si on l’a cru quelquefois, ce n’a été que par piperie d’âme abusée, à qui les sens, maîtres en amour, ont donné bientôt le plus éclatant démenti ! […] et qui est officier dans l’armée anglaise, on ne sait pourquoi, si ce n’est pour porter un joli uniforme, s’est donné la mission de vivre pour les autres. Impérieuse vocation qui ne se donne pas, mais qu’on reçoit des mains de Dieu ! […] le sort des femmes qui se vouent au bas-bleuisme, c’est de se donner beaucoup de mal pour arriver au niveau du premier homme médiocre qui écrit, et qui, pour être médiocre, ne se donne pas tant de peine que cela. […] que du pays de l’amour, vient indécemment chez l’homme qu’elle aime, et qui craint, le vertueux garçon, les petites sensations qu’elle lui donne, essayer de ces petites sensations-là et provoquer le baril de poudre à sauter, avec des coquetteries d’étincelle… J’ai assez dit, dans ce chapitre, de duretés à Mme Haller pour ne pas lui avouer que j’ai trouvé cette scène charmante, et autrement dans sa main, qui n’est pas celle d’une prude anglaise, que les frigidités vertueuses et protestantes de son roman.

1311. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Le roi René »

Lecoy de la Marche, qui a écrit l’histoire de René d’Anjou, un contemporain de Louis XI, et qui n’est pas plus content des histoires qui ont précédé son histoire que Legeay des histoires qui avaient précédé la sienne, nous donne-t-il à son tour cette chose plus rare qu’une histoire de plus et que Legeay nous a donnée ?… Nous donne-t-il un historien ? […] Dieu ne leur a pas donné pour consigne de faire le ménage des peuples, mais le leur. […] Louis XI lui donna la haute main dans sa guerre de Bretagne ; le défiant se confia, et le loyal René le méritait. […] Seulement, il n’a point assez insisté, selon moi, sur le contraste du malheur et du mérite de René d’Anjou, qui donne à cette figure d’histoire une originalité si mélancolique.

1312. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XVI. Buffon »

Il adore Buffon, et depuis trente ans il lui a donné probablement bien plus de vie qu’il n’en a reçu de ce grand-homme. […] Ce furent l’abbé Bexon, Gueneau de Montbéliard, Daubenton, ses lieutenants en histoire naturelle, auxquels il découpait le monde pour leur en donner à chacun une province à lui décrire et à lui rapporter. […] Très jeune à l’âge où les autres jeunes gens se dissipent, à l’âge des coups d’épée (il en donna un), il se fait rendre compte judiciairement par son père de la gestion de sa fortune, en proie aux plus affreuses dilapidations, rachète la terre de Buffon que ce bourreau d’argent avait vendue, et le garde tendrement chez lui, ce bourreau qui se remarie, et dont il garde également et élève les enfants ! […] ce n’est pas lui qui aurait quitté sa Bourgogne et Montbar pour venir se faire couronner à Paris par des cabotines et pour donner des bénédictions déclamatoires au marmot de Franklin. […] Mais la loi abstraite, la méthode qui donne tout dans un seul procédé, disons-le hardiment, ne pénétrait pas en cette tête pompeusement éprise de généralités, de différences et de coloris.

1313. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Madame Ackermann »

Se croyant philosophe, peut-être parce qu’elle est athée, elle doit certainement être plus-fière de l’adjectif que du substantif dans le titre qu’elle a donné à ses poésies. […] Elle donne horreur de l’implacable Erreur qu’elle chante et à laquelle elle ne fait pas croire, quoique, pour elle, ce soit la Vérité. […] Vous n’avez pas toutes les cordes de sa lyre, comme on dit séculairement, mais vous avez le son que donne le bois harmonieux. […] elle avait passé le milieu de la vie déjà quand parurent ces poésies, et elle ne nous a donné que quelques pièces de vers après tout, phénix consumé peut-être, et absorbé, en tout cas, par la philosophie, qui n’a jamais rencontré de poète lui appartenant si exclusivement· En donnera-t-elle encore ? N’en donnera-t-elle plus ?

1314. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre III. Les tempéraments et les idées — Chapitre I. Un retardataire : Saint-Simon »

Saint-Simon donna à plein dans le piège tendu par la royauté : trouvant les voies de l’ambition fermées, il se jeta furieusement dans celles de la vanité. […] Mais la nature l’a fait curieux, elle lui a donné des yeux aigus, qui ramassent tous les ensembles et tous les détails, une mémoire étonnante pour rappeler les images dans toute la fraîcheur de la sensation première. […] Son cas est singulier : injuste et partial jusqu’à la férocité, il ne voit jamais trouble ; la passion donne à son regard une vigueur plus perçante. […] De là vient qu’il nous donne plusieurs portraits de Fénelon, de la duchesse de Bourgogne, de Mme de Maintenon : et combien d’études du grand Roi ! […] Son récit est grouillant de vie, et l’impression a cette netteté qu’un art supérieur peut seul donner.

1315. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Corneille, et le cardinal de Richelieu. » pp. 237-252

La pièce fut donnée en 1637. […] L’auteur s’y donne pour un homme de grande considération dans le monde, fêté dans les meilleures compagnies, tenant à la cour par sa naissance, & connu de l’univers entier par ses poësies. […] Il sollicita vivement le corps pour donner son avis & prononcer entre Scudéri & Corneille. […] Ce poëte au-dessus de la critique, comme au-dessus de son siècle & de ses rivaux, donna son consentement. […] Le roi garda le silence, &, dès le même jour, il fit donner au moribond une somme d’argent.

1316. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre onzième. »

pourquoi lui donner cette mauvaise opinion des enfans de son âge ? […] Quant à M. le duc du Maine, il est fâcheux que l’assemblée des dieux ait oublié à son égard un article bien important ; c’était de lui donner un peu de caractère ; cette qualité lui eût épargné bien des dégoûts. […] Il choisit une nuit libérale en pavots : Il n’a été donné qu’à La Fontaine de jeter, au milieu d’un récit très-simple, des traits de poésie aussi nobles et aussi heureux. […] Le dieu Faune l’a fait, La vache Io donna le lait : La Fontaine brille toujours dans cet usage plaisant et poétique qu’il fait de la Mythologie. […] Mes arrière-neveux me devront cet ombrage : Hé bien, défendez-vous au sage De se donner des soins pour le plaisir d’autrui ?

1317. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Auguste Vitu » pp. 103-115

Auguste Vitu nous donne un volume. […] J’aurais par là donné plus d’intérêt, plus de profondeur d’intérêt à mes volumes, en leur donnant à chacun un ensemble et une unité. […] IV Mais, encore une fois, si cette biographie d’un homme qui a droit, sinon à la statue en pied de l’histoire au moins à la médaille de la biographie, si tout ce travail sur François Suleau est très élevé de renseignement, de vue et d’accent, et si l’écrivain qui l’a publié y a montré des aptitudes et des facilités vers l’histoire, grave ou tragique, telle qu’elle est le plus généralement conçue et réalisée par MΜ. les historiens ordinaires, je ne m’en opiniâtre pas moins à croire, ainsi que je l’ai dit au commencement de ce chapitre, que le vrai génie spécial de l’auteur Ombres et vieux murs, que son originalité la plus vive, serait, son genre d’esprit donné, la mise en scène ou en saillie de l’élément comique ou ravalant qui ne manque pas dans l’histoire, et qu’il saurait fort bien en dégager, ainsi que l’attestent les excellentes variétés historiques qu’il nous a mises sous les yeux, titres réveillants en tête : La Lanterne, Le Rhum et la Guillotine, Le Lendemain du massacre, etc., tous épisodes ou mosaïques d’anecdotes dont il faut juger par soi-même en les lisant et dont l’analyse, d’ailleurs, ne donnerait qu’une très imparfaite idée. […] Il ne nous a donné là que des variétés historiques, mais je suis sûr qu’il pourrait nous donner une fort rare variété d’historien.

1318. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Roger de Beauvoir »

j’en veux donner un à mon tour, non à Pontmartin, mais à Roger de Beauvoir. […] Mais je n’en aime pas mieux pour cela le titre qu’on lui a donné. […] Mais, franchement, pourquoi ne pas le dire, et le lui dire, à lui, cordialement, car c’est un cordial que je lui donne ? […] Quand il l’a dit, il s’est calomnié lui-même, et, puisque les démentis pleuvent, je lui donne encore celui-là ! […] Je lui rappelai ce qui donne à la Muse le plus magnifique accent qu’elle puisse avoir, c’est-à-dire l’inspiration chrétienne, qu’à tant d’endroits de ses œuvres a le dieu de sa génération poétique, notre grand et adoré Byron !

1319. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Victor de Laprade. Idylles héroïques. »

Il s’est bien un peu, — et surtout dans ces derniers temps, — embesogné d’idéal, mais il est de mesure et de donnée honnête. […] Il nous a donné sa poétique, qui n’est pas d’une complication bien difficile, mais qui consiste à nous prouver à l’aide de Beethoven et de Claude Lorrain, et de la musique, et des paysages et du dernier progrès des arts, que le poète n’a plus, pour toute ressource d’invention, qu’à faire parler les arbres, les fleurs, tous les objets de la nature, ce que M.  […] Ces trois poèmes, d’une donnée que tout le monde trouverait sans peine, sont évidemment des prétextes pour peindre la vie des champs et les sentiments, et jusqu’aux vertus que, selon le poète, elle inspire. […] Et toujours dans la même gamme : Donnez l’essor à votre âme, Elle aspire aux grands sommets : Et des grands il alterne aux chastes : Ton souffle m’a porté vers les chastes sommets ! […] Or, M. de Laprade n’est qu’un montagnard avec son crochet, un bon guide pour une de ces poétiques ascensions qui donnent envie de redescendre, voilà tout.

1320. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « J.-J. Ampère ; A. Regnault ; Édouard Salvador »

Il voit l’Amérique du dehors et par dehors, mais il n’a ni le temps ni la volonté de la pénétrer : « Les prodiges de l’industrie humaine, voilà le spectacle — nous dit-il — que j’ai voulu me donner, après les chefs-d’œuvre de Phidias et les vers d’Homère, sur ce continent américain. À travers la fumée des usines et des locomotives, j’ai entrevu, pour les curiosités du savoir, quelques antiquités sur les bords de l’Ohio et sur le plateau mexicain ; pour les plaisirs de l’imagination, une poétique nature, la chute du Niagara, les palmiers des Tropiques. » Chateaubriand nous en avait donné quelque idée… N’importe ! […] D’un autre côté, les événements qui font en ce moment fermenter cette vieille terre, qu’on croyait épuisée, et qui se remue comme si elle était immortelle, donnent à un livre de voyage en ce pays un intérêt de hauteur d’histoire. […] Il les juge un peu à la vapeur, mais aussi bien qu’un esprit attentif puisse faire dans ce lancé de locomotive ou de steamer que l’on appelle maintenant voyager, et en attendant la découverte d’un moyen d’observation supérieure en rapport avec la rapidité des voyages ; car la vapeur, qui nous donne la vitesse des aigles, ne nous en donne pas le regard… Quoi qu’il en soit, des notions exactes en bien des choses, mêlées à des souvenirs classiques dont nous aimerons toujours l’écho, un style animé, qui a quelquefois, il est vrai, comme une éruption d’épithètes, — mais certaines marques ne nuisent pas à certains visages expressifs, — telles sont tes qualités d’un livre sans prétentions et dont l’auteur, d’un goût parfait, ne s’exagère pas d’ailleurs la portée : « J’ai vu — dit-il — Athènes avec bonheur, Constantinople avec étonnement, le Caire avec une vive curiosité. […] Quand on voudra en faire une boutique, fût-ce la boutique du monde, la Providence, qui est bien aussi spirituelle que nous dans les leçons qu’elle nous donne, lui enverra la nécessité d’une guerre ou la menace d’une famine, et on sera averti.

1321. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre premier. Des principes — Chapitre IV. De la méthode » pp. 81-92

Cependant, par un effet de leur nature corrompue, les hommes toujours tyrannisés par l’égoïsme, ne suivent guère que leur intérêt ; chacun voulant pour soi tout ce qui est utile, sans en faire part à son prochain, ils ne peuvent donner à leurs passions la direction salutaire qui les rapprocherait de la justice. […] Ils donnent le nom de théologie naturelle à la métaphysique, dans laquelle ils étudient cet attribut de Dieu, et ils appuient leurs raisonnements d’observations tirées du monde matériel ; mais c’était surtout dans l’économie du monde civil qu’ils auraient dû chercher les preuves de la Providence… La Science nouvelle sera, pour ainsi parler, une démonstration de fait, une démonstration historique de la Providence, puisqu’elle doit être une histoire des décrets par lesquels cette Providence a gouverné, à l’insu des hommes, et souvent malgré eux, la grande cité du genre humain. […] Pour déterminer l’époque et le lieu où naquirent ces idées, pour donner à leur histoire la certitude qu’elle doit tirer de la chronologie et de la géographie métaphysiques qui lui sont propres, la science nouvelle applique une Critique pareillement métaphysique aux fondateurs, aux auteurs des nations, antérieurs de plus de mille ans aux auteurs de livres, dont s’est occupé jusqu’ici la critique philologique. […] Cela même montre encore que les preuves dont nous avons parlé sont d’une espèce divine, et qu’elles doivent, ô lecteur, te donner un plaisir divin : car pour Dieu, connaître et faire, c’est la même chose. Ce n’est pas tout ; d’après la définition du vrai et du certain que nous avons donnée plus haut, les hommes furent longtemps incapables de connaître le vrai et la raison, source de la justice intérieure 39, qui peut seule suffire aux intelligences.

1322. (1911) La valeur de la science « Introduction »

Nous savons aussi combien elle est souvent cruelle et nous nous demandons si l’illusion n’est pas non seulement plus consolante, mais plus fortifiante aussi ; car c’est elle qui nous donne la confiance. […] L’une nous montre à quel but nous devons viser, l’autre, le but étant donné, nous fait connaître les moyens de l’atteindre. […] Mais si l’on a peur de la science, c’est surtout parce qu’elle ne peut nous donner le bonheur. Évidemment non, elle ne peut pas nous le donner, et l’on peut se demander si la bête ne souffre pas moins que l’homme. […] Elle ne peut donner au physicien qu’un langage commode ; n’est-ce pas là un médiocre service, dont on aurait pu se passer à la rigueur ; et même, n’est-il pas à craindre que ce langage artificiel ne soit un voile interposé entre la réalité et l’œil du physicien ?

1323. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXX » pp. 330-337

Ce ne fut pas seulement la mort de Molière qui marqua un terme à la protection que les lettres donnaient à la société licencieuse contre la société d’élite ; l’esprit satirique de Boileau, la courtoisie de Racine, la licence de La Fontaine, s’arrêtèrent en même temps devant les progrès de cette société : comme ces progrès atteignaient la cour elle-même, nos poètes virent que le temps était venu de prendre un autre ton, une autre direction, et ils furent plusieurs années à contempler en silence le changement qui s’opérait. […] Elle leur donne le peu de temps qu’elle a, avec un plaisir qui fait regretter qu’elle n’en ait pas davantage. […] Je consume les plus beaux jours de ma vie au service d’autrui… Je vis dans une action continuelle ; pas un moment à donner à mes amis ; les bontés du roi ne sauraient me dédommager de toutes ces pertes. » On pourrait trouver une nuance d’ingratitude dans ces paroles, si l’on n’y voyait la sage précaution d’une femme intacte contre des soupçons offensants. […] Elle lui donnait une existence considérable : et ce progrès de la fortune de la gouvernante n’était sans doute pas ce qui plaisait le plus à madame de Montespan, dans l’élévation de ses enfants. […] Elle ne pouvait se dissimuler que l’éducation donnée à ses enfants, par madame Scarron, avait contribué, dans l’esprit du roi, à la faveur qu’il leur accordait ; elle devait donc de la reconnaissance à la gouvernante qui plaisait trop au roi.

1324. (1898) Manuel de l’histoire de la littérature française « Avertissement » pp. -

Enfin, — et parce que ni l’originalité, ni le génie même, ne consistent à n’avoir point d’ancêtres ou de précurseurs, mais le plus souvent à réussir où beaucoup d’autres avaient échoué, — j’ai donné plus d’attention qu’on n’en accorde d’habitude aux Époques de Transition. […] En revanche, à d’autres écrivains, comme Honoré d’Urfé, par exemple, et comme Pierre Bayle, j’ai fait une place qu’on n’a point accoutumé de leur donner. […] Je dis : mathématiquement, parce que nos goûts personnels, en pareille affaire, n’ont rien encore à voir ; et on n’écrit point une Histoire de la Littérature française pour y exprimer des opinions à soi, mais, et à peu près comme on dresse la carte d’un grand pays, pour y donner une juste idée du relief, des relations, et des proportions des parties Et, — toujours afin que le livre fut plus utile, d’un secours plus efficace et plus constant, — j’ai donné à la Bibliographie une attention toute particulière. […] J’ai encore donné comme étant de Stendhal un mot que je crois qui est d’Alfieri.

1325. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 18, que nos voisins disent que nos poëtes mettent trop d’amour dans leurs tragedies » pp. 132-142

La posterité pourra donc blâmer l’abus que nos poëtes tragiques ont fait de leur esprit, et les censurer un jour d’avoir donné le caractere de Tircis et de Philene, d’avoir fait faire toutes choses pour l’amour, à des personnages illustres et qui vivoient dans des siecles où l’idée qu’on avoit du caractere d’un grand homme n’admettoit pas le mêlange de pareilles foiblesses. […] L’auteur anglois qui réprend la parole, prétend que nos poëtes, afin de pouvoir mettre de l’amour par tout, ont pris l’habitude de donner le nom d’amour et de passion à l’inclination generale d’un sexe pour l’autre sexe, determinée en faveur d’une certaine personne par quelques sentimens d’estime et de préference. […] Quelques-uns même n’ont pas de honte de donner pour un veritable amour une passion qui ne commence que durant le cours de la piece, quoiqu’il soit contre la vrai-semblance qu’une passion naissante puisse devenir en un jour une passion extrême. […] C’est avoir bien oublié la sage leçon que donne Monsieur Despreaux dans le troisiéme chant de son art poëtique, où il decide si judicieusement qu’il faut conserver à ses personnages leur caractere national. Gardez donc de donner ainsi que dans Clelie l’air et l’esprit françois à l’antique Italie, et sous des noms romains faisant notre portrait, peindre Caton galand et Brutus dameret.

1326. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 27, que les sujets ne sont pas épuisez pour les poëtes, qu’on peut encore trouver de nouveaux caracteres dans la comedie » pp. 227-236

Il est vrai, me dira-t-on, que les sujets ne sçauroient manquer aux poëtes tragiques, qui peuvent faire entrer dans une action des personnages ausquels ils donnent des caracteres faits à plaisir, et qui peuvent encore orner leur fable par des incidens extraordinaires inventez à leur gré. […] Nous nous mocquons des caracteres qu’il donne à ses personnages, si nous ne reconnoissons pas ces caracteres pour être dans la nature, et Moliere, et quelques-uns de ses successeurs se sont saisis de tous les caracteres vrais et naturels. […] Ce sont ces traits qui separez des choses indifferentes que tous les hommes disent et font à peu près les uns comme les autres, qui, rapprochez, et réunis ensemble, forment un caractere, et lui donnent, pour ainsi dire, sa rondeur théatrale. […] Ils ont tous le même air, parce que ces peintres n’ont pas les yeux assez bons pour discerner l’air naturel qui est different dans chaque personne, et pour le donner à chaque personne dans son portrait. Mais le peintre habile sçait donner à chacun dans son portrait l’air et l’attitude qui lui sont propres en vertu de sa conformation.

1327. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Les dîners littéraires »

voilà tout le contingent obligatoire auquel sont tenus ces hommes, modestes par l’offrande, mais immenses par le dévouement, qui, de présent, se donnent la fonction de dîner chez Véfour pour ranimer, dans leurs personnes, l’esprit français, manifestement défaillant. […] pourquoi des gens de talent et d’esprit, fatigués d’écrire, appesantis, ne dîneraient-ils pas ensemble, pour se donner le ton qu’ils n’ont plus ? […] Le Romantisme, qui n’eut jamais de gens d’esprit à son service (il n’eut que des gens de talent), le Réalisme, qui n’a ni les uns ni les autres, le Réalisme qui est le Romantisme du ruisseau lorsque le ruisseau n’est pas pur, sont deux faits d’ordre littéraire également mortels à plus d’une faculté de l’intelligence, et qui doivent, dans un temps donné, ruiner l’intelligence tout entière. […] Nous, nous ne fondons pas de dîner, nous ne donnons pas le gâteau de miel à Cerbère, qui n’a pas trois gueules pour ne rien manger. […] Le journal, moniteur officiel du buffet de ces dîners, spiritualisés par le motif, ne nous a encore donné que le plan géométrique de la table, le nom des convives et leurs places, — plus deux à trois bons mots de quelques-uns de ces messieurs.

1328. (1866) Nouveaux essais de critique et d’histoire (2e éd.)

Fourier vous tend la main et vous donne l’exemple. […] Je n’en veux donner qu’un seul exemple. […] Il vient donner à ses amis des nouvelles de son monde imaginaire comme on en donne du monde véritable. […] Son père l’a donnée ; elle se doit, elle se donne. […] Donne-toi, abandonne-toi, n’aie jamais égard à toi-même.

1329. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Horace, et les mauvais écrivains du siècle d’Auguste. » pp. 63-68

Et, quelle liaison en effet plus capable d’honorer un ministre, que celle des hommes qui donnent l’immortalité ! […] S’il dicte des règles de poësie, on voit que personne n’est plus en droit que lui d’en donner, qu’il joint le précepte à l’exemple. […] Qu’on nous donne, s’écrie-t-il, une chambre, des tablettes, une heure & des témoins ; & voyons qui de nous deux, d’Horace ou de moi, fera plus d’ouvrage. […] Toutes les démarches, tous les libèles, toute les chansons de ses ennemis, tournoient contr’eux, & ne servaient qu’à fournir à sa causticité, à donner du ressort à son imagination.

1330. (1913) Essai sur la littérature merveilleuse des noirs ; suivi de Contes indigènes de l’Ouest-Africain français « Contes — X. Service de nuit. »

Si tu fais ce qu’il faut, nous te donnerons 20 francs de bounia155 ». […] Je lui donne une forte claque pour le forcer à passer. […] Le lieutenant et le capitaine m’ont donné les 20 francs. […] Donne-moi l’alcool de menthe que tu m’as promis pour cette histoire là.

1331. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre troisième. Découverte du véritable Homère — Chapitre III. Du temps où vécut Homère » pp. 260-263

Aux funérailles de Patrocle, Achille donne tous les jeux que la Grèce civilisée célébrait à Olympie. — 2. […] Enfin vinrent les aliments assaisonnés. — Homère nous présente comme l’aliment le plus délicat des héros, la farine mêlée de fromage et de miel ; mais il tire de la pêche deux de ses comparaisons ; et lorsqu’Ulysse, rentrant dans son palais sous les habits de l’indigence, demande l’aumône à l’un des amants de Pénélope, il lui dit que les dieux donnent aux rois hospitaliers et bienfaisants des mers abondantes en poissons qui font les délices des festins . — 10. […] Les Latins en conservèrent epulæ, banquets somptueux, le plus souvent donnés par les grands ; epulum, repas donné au peuple par la république ; epulones, prêtres qui prenaient part au repas sacré.

1332. (1861) Questions d’art et de morale pp. 1-449

La grâce est donnée à tous ; toute conscience humaine est libre d’y concourir. […] Le talent s’acquiert ; le génie est fatalement donné. […] Ce que donne ce souffle imprévu est essentiel ; mais ce que la volonté peut acquérir est immense. […] qui lui a donné son nom véritable, si ce n’est la philosophie d’Athènes ? […] L’histoire abonde en prodigieux exemples du secours donné à la mémoire par le rythme.

1333. (1905) Études et portraits. Portraits d’écrivains‌ et notes d’esthétique‌. Tome I.

C’est Dieu qui nous a donné notre raison. […] Ensuite je lui donne plus d’esprit. […] Le positivisme en a donné la plus complète formule. […] Ce n’est pas une expérience sociale qui donne cela, ni qui l’enlève. […] Ce n’est pas la Science qui le donne et ce n’est pas elle qui peut l’enlever.

1334. (1926) La poésie de Stéphane Mallarmé. Étude littéraire

Écrire difficilement ne donne pas une raison suffisante à écrire peu. […] — Comment donner au non-être une certaine existence ? […] Ces rapports ne sont pas donnés à nos sens, mais induits et animés par notre esprit. […] Le mouvement donné par la nature de son imagination, il l’a fait précepte. […] Elles donnent une atmosphère à son hallucination du mot.

1335. (1896) Le IIe livre des masques. Portraits symbolistes, gloses et documents sur les écrivains d’hier et d’aujourd’hui, les masques…

Cette typographie a donné l’illusion à d’aimables critiques que M.  […] Surtout, il pourrait nous donner l’aide d’une critique sûre et semer, avec ironie, quelques vérités souriantes. […] … Ces vers simples et clairs donneraient, selon M.  […] Il donne alors au vers libre l’allure qu’il avait donnée à l’alexandrin ; il le fait lent, calme, un peu solennel, sérieux, un peu sévère : Midi s’apaise et les vagues s’allongent. […] Le ton singulier de cette tragédie est donné par une sorte de mysticisme charnel.

1336. (1912) Chateaubriand pp. 1-344

Ce sera donc un autre livre qui lui donnera la gloire. […] J’ai donné à ce petit ouvrage les formes les plus antiques ( ?)  […] Je vous en rappelle brièvement la donnée. […]donnait-on des fêtes aux infâmes princes étrangers ? […] Il ne s’y donnait que des défauts avantageux et fiers.

1337. (1894) Dégénérescence. Fin de siècle, le mysticisme. L’égotisme, le réalisme, le vingtième siècle

C’est elle qui nous donne la connaissance exacte du monde extérieur. […] Je voudrais en donner un seul exemple. […] Un fourbe seul donne plus qu’il n’a ». […] Mallarmé aux noms de ceux qui nous ont donné des livres. […] Il devient l’un ou l’autre par la voix qui lui donne l’existence.

1338. (1896) La vie et les livres. Troisième série pp. 1-336

Les savants nous racontent sur les Caciques des histoires à donner le cauchemar. […] Maurice Donnay a donné toute la mesure de son talent subtil et cruel. […] Ce qui lui donne beaucoup de prestige dans les cafés des boulevards de Paris. […] C’est Sa Hautesse qui vous donne congé. […] Rosières ont donné tour à tour leur avis sur la question du vers polymorphe.

1339. (1866) Dante et Goethe. Dialogues

Ce n’est rien… Marcel, donne-moi mon châle. […] Vous disiez que cette donnée de la vision est imposée à Dante ? […] Quant à la louve, partout la Bible lui donne l’épithète d’avide, de rapace. […] La compagnie qu’il lui donne est celle des hommes les plus lettrés, les plus en renom de son temps. […] Dante donne à Jésus le nom de Sommo Jove.

1340. (1899) Musiciens et philosophes pp. 3-371

Il fut un temps où elle se donnait cette mission, mais nous ne pensons plus aujourd’hui que ce soit là sa fonction. […] Ce n’est pas, comme on le croit, une faculté spéciale donnée seulement à quelques privilégiés. […] Tel homme du monde donnait à sa dame un baiser sur la main, tel autre sur l’épaule, un troisième sur la nuque. […] La Musique, au contraire, nous donne le noyau générateur de toutes choses, elle en est le cœur même. […] Pour parler plus clairement : Wagner ne nous donne pas assez à mettre sous la dent.

1341. (1920) Essais de psychologie contemporaine. Tome I

Au-delà du Rhin, la pensée religieuse, au contraire, se donnait un plein essor. […] Le milieu liquide et la rectitude du bâton une fois donnés, le bâton doit paraître brisé, précisément parce qu’il est droit Pareillement, tel milieu social étant donné, étant donnés tels ou tels esprits, tels ou tels dogmes ont dû s’établir. […] Etant donné l’esprit de M.  […] Pourrai-je faire un livre où je me donnerai « tout entier ? […] Renan donne la plus complète formule.

1342. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre II. Le théâtre. » pp. 2-96

Pour une pièce de théâtre, il donne sept ou huit livres sterling ; après l’an 1600, les prix montent, et vont jusqu’à vingt ou vingt-cinq livres. […] « Si j’avais autant d’âmes qu’il y a d’étoiles, je les donnerais toutes pour avoir à moi ce Méphistophélès. Je puis bien donner mon âme, puisqu’elle est à moi ; et puisque je suis damné et que je ne puis être sauvé, à quoi bon penser à Dieu ou au ciel ?  […] The White Devil, c’est le nom qu’il donne à son héroïne. […] Commission donnée par Henri VIII au comte d’Hertford, 1544.

1343. (1925) Dissociations

Mais je ne les donnerai pas non plus comme des exemples à suivre. […] Cela leur donne toujours quelque chose de pénible. […] Cela donne confiance. […] Les Finances ont donné de la présente histoire une interprétation différente. […] Cela donne une bonne idée de la justice de l’histoire.

1344. (1901) Des réputations littéraires. Essais de morale et d’histoire. Deuxième série

Le bon Dieu, vous l’avez rappelé vous-même, donne aux grenouilles de la satisfaction de leur chant. […] Le tort des égarés ne me donne pas raison. […] Que nous aurait donné Victor Hugo, s’il avait écouté Planche et Nisard ? […] Perron ne donne point son adresse à la fin de la phrase. […] C’est l’imagination qui donne aux choses leur prix.

1345. (1867) Cours familier de littérature. XXIII « cxxxviiie entretien. Littérature germanique. Les Nibelungen »

Donnez-moi plutôt des ordres avec courtoisie. […] Hagene avait donné ce conseil avec une intention perfide. […] Ils étaient disposés à donner ce que chacun désirait. […] Il distribua tout ce que le fils de Botelung lui avait donné. […] Je ne pense point que personne vous ait donné en otage.

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