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736. (1885) La légende de Victor Hugo pp. 1-58

Durant l’Empire, dans l’intérêt de la propagande anti-bonapartiste et républicaine, on n’osait s’opposer à cette cristallisation de la fantaisie, en quête de demi-dieux : après le 16 mai, il n’y avait pas nécessité de troubler les dernières années d’un homme âgé, dont le rôle était fini. […] Sans nul doute, les honorables Michelin, Ruel et Lyon Allemand de Londres s’imaginèrent que l’écrivain, qui venait de trépasser, était un de ces prolétaires de la plume, qui louent à la semaine et à l’année leurs cervelles aux Hachette de l’éditorat et aux Villemessant de la presse. […] L’engagement pour tous prendrait la date même de leur embarquement et ne pourrait excéder 15 années, à l’expiration desquelles il cesserait de droit. […] De 1848 à 1885, Hugo se comporte en « républicain honnête et modéré » et l’on peut défier ses adversaires de découvrir pendant ces longues années, un seul jour de défaillance. […] Ils n’avaient qu’à rester les maîtres du pouvoir, pour que Hugo conservât jusqu’à sa quatre-vingt-troisième année, la foi au Dieu des prêtres : mais il dût se rendre à l’évidence et suspendre son culte pour ce Dieu qui cessait de révéler sa présence réelle par la distribution de pensions.

737. (1856) Cours familier de littérature. II « VIIe entretien » pp. 5-85

C’est à l’intensité des sensations que la vie de l’âme se mesure, ce n’est pas à la longueur des années. […] si vous me connaissiez mieux, dirai-je à ces critiques, combien vous seriez loin de m’accuser de cette puérile vanité, morte en moi depuis bien des années ! […] J’avais acheté, quelques années avant, à Lyon, une édition de Milan de ce Corneille italien, en douze volumes. […] Reculer de quelques années sa mort, c’est toujours mourir. […] Enfin le prétendant était mort de tristesse et de dégoût plus que d’années à Rome ; cette mort avait rendu la liberté à la comtesse d’Albany.

738. (1857) Cours familier de littérature. III « XVIIe entretien. Littérature italienne. Dante. » pp. 329-408

Indépendamment de son mariage avec une fille d’une famille illustre de Florence, dont il avait eu sept enfants, Boccace confesse, dans l’histoire de sa vie, écrite sur les lieux et si peu d’années après la mort de Dante, que son héros et son poète avait eu la faiblesse des héros et des poètes : un amour de la beauté poussé quelquefois jusqu’à la licence du cœur. […] Mais nous avons vécu de longues années en Italie dans la société de ces érudits commentateurs et explicateurs du Dante, qui se succèdent de génération en génération comme les ombres des hiéroglyphes sur les obélisques de Thèbes. […] Il avait passé alors à Florence de longues années dans la société d’Alfieri et de la comtesse d’Albany. […] Ma passion précoce pour l’Italie poétique l’intéressa à moi ; il m’ouvrit le sanctuaire du Dante ; il m’apprit à épeler vers à vers ce grand poème ou cette grande énigme dont il était le sphinx depuis tant d’années. […] « J’accomplis aujourd’hui ma quarantième année, plus que la moitié du chemin ordinaire de la vie.

739. (1914) L’évolution des genres dans l’histoire de la littérature. Leçons professées à l’École normale supérieure

Mais quand il en choisirait une autre, ce qu’il faudrait, c’est que le travail fût fait ; et j’ajoute qu’à mesure que le temps s’écoule, la difficulté de le bien faire augmente elle-même d’année en année. […]   Tel est, messieurs, le programme du cours que nous essayerons de traiter cette année. […] Les premières années du xviiie  siècle rappelleront à cet égard les premières années du xviie . […] Ce qui revient à dire qu’entre les années 1820 et 1830, le mouvement romantique, très loin d’aider l’évolution de la critique, l’aurait troublée plutôt. […] Il se pourrait, depuis une cinquantaine d’années, que l’on eût un peu perdu de vue ces considérations.

740. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre I — Chapitre deuxième »

Il mourut dans les premières années du xive  siècle. […] L’expérience et les années semblaient lui avoir donné, avec la satiété des spectacles qui avaient amusé sa jeunesse et son âge mur, un certain goût de pénétrer dans les causes et de tirer la morale des événements. […] La chronique de George Chastelain commence à l’année 1419, et se termine en 1474, date présumée de sa mort. […] Les Mémoires d’Olivier de la Marche commencent au règne de Charles le Téméraire, et se terminent à l’année 1501, quelques mois ayant sa mort. […] Quelques années auparavant, Olivier de la Marche traçait ce portrait de Philippe le Bon Philippe le Bon, duc de Bourgogne, « avoit une identité de son dedans à son dehors ; n’y avoit qui desmentît l’ung l’autre, ne visaige coraige, ne coraige semblant (physionomie).

741. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1882 » pp. 174-231

Oui, il y a quelque chose de neuf dans mon dernier bouquin, et il ne serait pas impossible qu’il se créât dans une vingtaine d’années, une école autour de La Faustin, comme il y en a aujourd’hui une, autour de Germinie Lacerteux. […] Ça pour venir quand même, à défaut d’innocence d’une époque, ça demande chez les nations, des illusions, des illusions comme il y en avait autour de l’année 1789, et comme il n’y en a pas autour de l’année 1882. […] Mercredi 31 mai Aujourd’hui, une femme mariée disait à une de ses amies : « Je n’ai eu qu’un bon mois, cette année… celui du krach ! […] Cette année-ci, il lui a demandé, si elle avait un calorifère dans sa maison. […] * * * — Une folie, un prurit de japonaiseries, cette année, j’aurai dépensé là-dedans 30 000 francs : tout l’argent que j’ai gagné, et parmi tout cet argent, je n’aurai jamais trouvé 40 francs pour m’acheter une montre en aluminium.

742. (1896) Les origines du romantisme : étude critique sur la période révolutionnaire pp. 577-607

C’était par de semblables imprécations que les classiques accueillaient, dans les premières années du siècle, le Romantisme vagissant. […] Mais Rolla possédait « trois bourses d’or » ; pendant trois années il vécut en débauché vulgaire et « la meule de pressoir de l’abrutissement » le broya. […] Il est des années que j’enlève des foires d’Allemagne de fort belles parties de littérature brute, que je fais dégrossir à Paris, dans un atelier de traduction. […] La vie politique intense qu’on avait menée pendant des années avait habitué aux longues discussions, qui à elles seules ne pouvaient distinguer un roman d’entre les douzaines paraissant tous les mois. […] Quelques années après les bourgeois de Paris devaient montrer leur patriotisme en léchant les bottes des Prussiens de Blücher et des Cosaques d’Alexandre qui ravageaient et pillaient la France vaincue.

743. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Duclos. — III. (Fin.) » pp. 246-261

Comme Duclos, après avoir donné ses Considérations sur les mœurs où il avait oublié de parler des femmes et où il avait à peine prononcé leur nom62, voulut réparer cette omission singulière en publiant l’année suivante (1751), sous le titre de Mémoires pour servir à l’histoire des mœurs du xviiie  siècle, une espèce de répétition de ses Confessions du comte de…, Voltaire qui trouvait ce genre de romans détestable, et qui voyait dans ceux de Duclos une preuve de plus de la décadence du goût, écrivait : « Ils sont d’un homme qui est en place (dans la place d’historiographe), et qui par là est supérieur à sa matière. […] Voltaire avait beau lui écrire, toujours en cette même année 1760 : « Vous êtes ferme et actif, vous aimez le bien public ; vous êtes mon homme, et je vous aime de tout mon cœur. […] Sachons-le : Duclos a été maire de Dinan pendant plusieurs années ; il a trouvé moyen de concilier cette vie bretonne avec son existence parisienne ; il a été membre des états de sa province ; c’est un homme de lettres qui a de la pratique administrative, et qui a connu un coin de vie parlementaire et politique. […] Il se sentit un redoublement de colère et d’indignation contre les hommes en place tracassiers ou timides, qui l’avaient empêché de faire sa visite accoutumée en Bretagne cette année.

744. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Montluc — I » pp. 56-70

Il faudrait, pour son honneur, lui retrancher les douze dernières années de sa vie active. […] Montluc a oublié de nous dire la date et le lieu précis de sa naissance ; il dut naître dans les premières années du xvie  siècle et vers 1503. […] Il insiste peu sur ses débuts, et n’a pas les tendresses de l’enfance ni des premières années ; il ne pense qu’à prendre l’essor, à aller par-delà les monts, à voir l’Italie, le Milanais, qui depuis les expéditions de Charles VIII et de Louis XII était le champ de bataille et l’école militaire de la jeune noblesse. […] Dans l’invasion de la Provence par Charles-Quint (1536), il se signale par un coup de main heureux et qu’il raconte avec complaisance ; car c’est par là qu’après cette interruption pénible, lui qui ne hait rien tant que sa maison et à qui les « jours de paix sont des années », il se remet en train aux choses de guerre et qu’il rafraîchit l’idée de sa réputation que ce temps d’oisiveté et la longueur de sa blessure avaient un peu mise en oubli : « Ce n’est rien, mes compagnons, dit-il, d’acquérir la réputation et un bon nom, si on ne l’entretient et continue. » Il s’agissait d’affamer l’armée de Charles-Quint et de détruire certains moulins d’où il tirait ses farines, notamment les moulins d’Auriole entre Aix et Marseille.

745. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Souvenirs et correspondance tirés des papiers de Mme Récamier » pp. 303-319

Cette beauté faisant retraite avec les années, — une retraite bien lente —, et se voilant insensiblement, l’esprit avait apparu peu à peu, comme à certains jours, bien avant le soir, l’astre au front d’argent se dessine dans un ciel serein du côté opposé au soleil. […] Il ne cessa, dans aucun temps, d’être pour Mme Récamier un ami fidèle, constant, attaché, non exigeant, se plaignant à peine d’être rejeté au second ou au troisième plan (car il y avait une hiérarchie marquée dans ce monde d’amis), mais prouvant par la délicatesse et la suite de son affection qu’il eût été digne d’être mieux traité, d’être avancé au moins d’un cran. « Il n’y a de doux, de consolant, et je dirais même d’honorable, lui écrivait-il après trente années de liaison, que la suite et la persévérance des sentiments. […] Pour celui qui y entrait, ne fût-ce qu’une fois, il n’y avait pas à s’y méprendre : le roi de céans, le Dieu du petit temple, durant toutes les dernières années, c’était M. de Chateaubriand. […] Il est fâcheux que les défauts de sa manière se marquent trop avec les années, et je regrette qu’on nous ait donné, dans la dernière moitié du second volume, un trop grand nombre de ces pages qui sont des certificats de décadence.

746. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Entretiens de Gœthe et d’Eckermann (suite et fin.) »

Si cet événement était arrivé dans ma vingtième année, je ne serais pas resté le dernier, mais j’avais déjà plus de soixante ans. […] Je ressens là, sous une nouvelle forme, la vieille haine dont on me poursuit depuis des années et qui cherche à s’approcher tout doucement de moi. […] Vous, me connaissez depuis des années, et vous savez tout ce qu’il en est. […] Cette hauteur convenait à ma nature, et, longtemps avant d’avoir atteint ma soixantième année, je m’y étais fermement établi. » Acceptons cette généreuse déclaration pour la France, et, au lieu de faire chorus avec les détracteurs, honorons le sentiment élevé qui l’a dictée.

747. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « M. Octave Feuillet »

» On devine le reste ; c’est la femme qui tout à l’heure est allée brouiller la serrure, en y jetant du sable ; elle retient insensiblement son mari chez elle ; ce jour même, elle a découvert sur la tête du volage ce bienheureux cheveu blanc si désiré, elle prétend bien en tirer parti ; elle s’en empare au moral, ouvre son cœur, exhale ses plaintes du délaissement auquel elle s’est condamnée, dix années durant, pour lui laisser une indépendance entière à laquelle il tenait tant et dont, elle, elle n’a jamais entendu se prévaloir ni s’autoriser ; elle dit et fait si bien qu’elle reconquiert enfin l’infidèle qui ne pense plus à sortir du délicieux réduit. […] Il y en a d’autres qui ne les en chassent que deux ou trois ans après, pour leur tenir rigueur pendant des années entières et les reprendre ensuite et les raccrocher par une rouerie innocente et légitime. […] Il est méthodique, ponctuel, à l’heure et à la minute ; mais cette année il retarde de cinq minutes sur l’an passé : sa vieille amie s’en aperçoit et tout bas s’en alarme ; elle y voit un acheminement à la fin prochaine. […] cet homme, jeune encore d’air et d’années, est assis devant vous, de côté, près d’une fenêtre ; le soleil se couche ; un rayon glisse et l’effleure, et alors, sur cette tête si riche et si fière de sa brune parure, vous voyez tout à coup se dessiner, avec une précision désespérante, quelques mèches qu’on ne soupçonnait pas et qui ont beau être mêlées artistement aux autres plus naturelles : une couleur rougeâtre, sous cette lumière rasante, les a trahies.

748. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « La civilisation et la démocratie française. Deux conférences par M. Ch. Duveyrier »

Quelques-uns vont plus loin : en présence du spectacle qui se déroule depuis une quarantaine d’années environ, ils sont saisis d’un redoublement d’ardeur, d’une espérance, d’une audace toutes nouvelles : il leur semble qu’une direction plus juste, des plus salutaires en même temps que des plus grandioses, soit imprimée a l’humanité, et qu’elle ait désormais une mission à accomplir plus nette, mieux définie, et digne à la fois de la passionner, de l’enflammer, si elle sait la comprendre. […] Dans ce laps de temps, les fortifications d’Alexandrie seraient achevées ; cette ville serait une des plus fortes places de l’Europe ; … l’arsenal de construction maritime serait terminé ; par le moyen du canal de Rahmaniéh, le Nil arriverait toute l’année dans le port vieux, et permettrait la navigation aux plus grandes djermes ; tout le commerce de Rosette et presque tout celui de Damiette y seraient concentrés, ainsi que tous les établissements civils et militaires ; Alexandrie serait déjà une ville riche ; l’eau du Nil, répandue autour d’elle, fertiliserait un grand nombre de campagnes, ce serait à la fois un séjour agréable, sain et sûr ; la communication entre les deux mers serait ouverte ; les chantiers de Suez seraient établis ; les fortifications protégeraient la ville et le port ; des irrigations du canal et de vastes citernes fourniraient des eaux pour cultiver les environs de la ville… Les denrées coloniales, le sucre, le coton, le riz, l’indigo, couvriraient toute la Haute-Égypte et remplaceraient les produits de Saint-Domingue. » Puis, de dix années de domination il passe à cinquante ; l’horizon s’est étendu ; l’imagination du guerrier civilisateur a pris son essor, et les réalités grandioses achèvent de se dessiner, de se lever à ses yeux de toutes parts : « Mais que serait ce beau pays, après cinquante ans de prospérité et de bon gouvernement ? […] Mille écluses maîtriseraient et distribueraient l’inondation sur toutes les parties du territoire ; les huit ou dix milliards de toises cubes d’eau qui se perdent chaque année dans la mer, seraient réparties dans toutes les parties basses du désert, dans le lac Mœris, le lac Maréotis et le Fleuve sans eau, jusqu’aux Oasis et beaucoup plus loin du côté de l’ouest, — du côté de l’est, dans les Lacs Amers et toutes les parties basses de l’Isthme de Suez et des déserts entre la mer Rouge et le Nil ; un grand nombre de pompes à feu, de moulins à vent, élèveraient les eaux dans des châteaux d’eau, d’où elles seraient tirées pour l’arrosage ; de nombreuses émigrations, arrivées du fond de l’Afrique, de l’Arabie, de la Syrie, de la Grèce, de la France, de l’Italie, de la Pologne, de l’Allemagne, quadrupleraient sa population ; le commerce des Indes aurait repris son ancienne route par la force irrésistible du niveau… » Le mot de civilisation ne s’est pas rencontré encore ; il n’échappe qu’à la fin et aux dernières lignes, comme le résumé de tout le tableau ; il introduit avec lui et implique l’idée morale, qui a pu paraître jusque-là assez absente : « Après cinquante ans de possession, la civilisation se serait répandue dans l’intérieur de l’Afrique par le Sennaar, l’Abyssinie, le Darfour, le Fezzan ; plusieurs grandes nations seraient appelées à jouir des bienfaits des arts, des sciences, de la religion du vrai Dieu ; car c’est par l’Égypte que les peuples du centre de l’Afrique doivent recevoir la lumière et le bonheur ! 

749. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Les cinq derniers mois de la vie de Racine »

Il n’en fallut pourtant pas davantage, sans doute, avec la sensibilité qu’avait Racine, pour lui donner cette maladie de foie qui, un peu plus d’une année après, causa sa mort. […] Il n’y est tenu aucun compte de l’élément intérieur, du ressort principal qui explique les actions et toute la conduite de Racine dans ses dernières années, de son inspiration religieuse véritable, de son âme en un mot : et c’est elle qu’un ami du dedans va nous découvrir dans toute sa sincérité. […] Quand on a lu cette correspondance et qu’on a vu de quoi s’entretenaient en secret ces hommes respectables ; quand on sait de plus que, peu d’années après, M.  […] M. de Saint-Séverin en fit la cérémonie à Saint-Sulpice avec l’agrément du curé, car c’est depuis quelques années la paroisse de M. 

750. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Le comte de Clermont et sa cour, par M. Jules Cousin. (Suite.) »

Il avait eu l’idée, quelques années auparavant, d’être grand prieur de Malte. […] En revanche, on lit dans ce même Journal de Luynes, vers ces mêmes années, qu’un jour le roi étant allé voir le château d’Anet, appartenant à la duchesse du Maine, au défaut de la duchesse qui ne s’y trouvait pas, les princes ses fils, le prince de Dombes et le comte d’Eu lui en firent les honneurs : « M. le comte de Clermont y était aussi ; il s’éloigna dans le moment que le roi se mit à table, pour que M. le prince de Dombes pût présenter la serviette à Sa Majesté. » Ainsi il voulut bien, dans ce cas d’exception, céder l’insigne honneur de présenter la serviette, prérogative à laquelle il tenait beaucoup sans doute, mais à laquelle certainement les mêmes personnes, qui devaient bientôt s’opposer à ses désirs académiques comme à une dérogation, attachaient un souverain prix. […] La même année qu’il prétendait à un siège à l’Académie et qu’il ambitionnait d’appeler confrères les gens de lettres, il méconnaissait ce qu’il y a de sérieux dans les Lettres mêmes et ce qui leur confère le seul caractère sans lequel elles resteraient à jamais futiles. […] Monseigneur, traiter Jean-Jacques comme le poëte Roy, faire bâtonner l’un et l’autre en moins d’une année ; mais y pensez-vous bien ?

751. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « M. de Sénancour — Note »

Je vois, en effet, dans l’un des petits papiers, qui me sont communiqués par sa fille, un feuillet de dossier avec cette indication : « — Notes pour les années 14 août 1789-31 décembre 1809. — Donc vingt ans quatre mois et demi. […] J’ai été séparé de mes amis ; je n’ai pu conduire les premières années de mes enfants ; et, aujourd’hui, dans le vingt et unième de ces tristes printemps, j’ignore quelle région j’habiterai dans quelques mois et dans quelle autre peut-être sera ma fille. […] Quand je jette un coup d’œil sur le passé, sur tout le non-succès de mes desseins, sur la perte de tant d’années, je me condamne, je me dis : « Il fallait prendre tel parti ; » puis je trouve qu’il a été si mal à propos de ne pas prendre ce parti que je me mets à examiner mieux les circonstances pour voir ce qui a pu faire obstacle : alors je me rappelle des choses qui me prouvent qu’en effet cette conduite qui eût été la plus sage n’a pas été praticable. […] « Et dois-je chercher avec tant de soin pour quelques années rapides qui me restent d’ici à la vieillesse ?

752. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre X. La commedia dell’arte en France pendant la jeunesse de Molière » pp. 160-190

La troupe italienne ne fit pas cette fois un long séjour à Paris ; elle partit à la fin de l’année 1647 ou au commencement de 1648. On entrait dans les années de la Fronde. […] Pendant ces années qui précédèrent immédiatement le retour de Molière à Paris, les Italiens eurent une grande vogue ; ils étaient les héros comiques du moment ; on leur faisait jouer des scènes burlesques, même à la ville, et hors du théâtre. […] Voyez ci-contre Scaramuccia, tel qu’il a été dessiné par Callot dans les premières années du dix-septième siècle.

753. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre XIV. La commedia dell’arte au temps de Molière (à partir de 1662) » pp. 265-292

Cette pension resta fixée au même chiffre, que l’on trouve inscrit encore dans les comptes de l’année 1674 et de l’année 1688. En outre, Scaramouche et sa femme Marinette, qu’il avait emmenée avec lui, touchaient, à la date de 1664, un supplément de pension personnelle, ainsi qu’il résulte des mêmes comptes : « À Tiberio Fiurelli dit Scaramouche, comédien italien, pour ses gages, tant de lui que de sa femme, pendant une année finie le dernier juin 1664… 200 liv. » Ce n’est pas tout. […] Pendant une première période de cinq années, ils jouèrent exclusivement les pièces qu’ils avaient rapportées d’Italie.

754. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Despréaux, avec le plus grand nombre des écrivains de son temps. » pp. 307-333

C’est du fameux poëme de la Pucelle dont il vouloit parler, poëme à jamais mémorable par les ridicules qu’on y a jettés, & qui cependant est l’ouvrage de trente années d’un travail assidu. […] Il y a quelques années qu’il parut, à Paris, un prospectus d’une nouvelle édition de la Pucelle, avec les douze derniers chants. […] Tant de ridicules essuyés à la fois plongèrent Cotin dans une affreuse mélancolie ; de manière que plusieurs années avant sa mort, il tomba dans une espèce d’enfance. […] Il passa les dernieres années de sa vie à Auteuil, s’y occupant de dieu, de l’étude & de ses amis.

755. (1876) Du patriotisme littéraire pp. 1-25

le patriotisme littéraire, c’est-à-dire la foi dans la supériorité du génie français, me semble depuis longues années exposée à d’inquiétantes défaillances. […] Est-il besoin de passer en revue les prosateurs qui se succèdent sans relâche au dix-septième, au dix-huitième et au dix-neuvième siècle, dont les soixante premières années, selon l’heureuse expression de M.  […] Des délégations de tous les pays venaient trouver ce châtelain de Ferney, toujours plus jeune sous le redoublement des années, et recevoir la parole d’émancipation de cette bouche qui avait si fréquemment jeté le cri de la pitié et de l’humanité méconnues. […] Il n’est pas de moment plus captivant pour l’historien et le penseur que ces années d’étincelante polémique et de propagande au grand jour, où la reconnaissance du genre humain saluait avec une ferveur enthousiaste ceux qui faisaient ainsi resplendir la France sur l’univers, Montesquieu, cette clarté, Rousseau, cet orage, Diderot, cette flamme, Voltaire, cette lumière !

756. (1892) La vie littéraire. Quatrième série pp. -362

Aujourd’hui elle édite ou réimprime chaque année plus de deux millions de volumes ou de pièces de théâtre. […] Il est mort plein d’années, Dieu ait son âme ! […] Il y a quelques années M.  […] Le texte que j’en ai sous les yeux date de 1678, c’est-à-dire de l’année même où parut l’Avare. […] Il y mourut, après douze jours de maladie, le 29 mai 1889, dans sa vingt-septième année.

757. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Appendice. — Notice sur M. G. Duplessis. » pp. 516-517

Duplessis, à Lyon, à Caen, à Douai, ou à Chartres, pendant les séjours qu’il y faisait chaque année au sein de sa famille. Je citerai dans ce nombre : Les Faintises du monde de Pierre Gringore ; L’Advocat des dames de Paris, etc. ; Le Doctrinal des nouveaux mariés ; Le Doctrinal des nouvelles mariées ; Le Mirouer des femmes vertueuses, etc., etc. : ces petits livrets renouvelés du gothique qui se trouvaient il y a quelques années chez le libraire Silvestre.

758. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Appendice. — [Baudelaire.] » pp. 528-529

Le poète Baudelaire, très raffiné, très corrompu à dessein et par recherche d’art, avait mis des années à extraire de tout sujet et de toute fleur un suc vénéneux, et même, il faut le dire, assez agréablement vénéneux ; il avait tout fait pour justifier ce vers d’un poète : La rose a des poisons qu’on finit par trouver. […] Mais en obéissant à l’impulsion et au progrès naturel de mes sentiments, j’ai écrit l’année suivante un recueil, bien imparfait encore, mais animé d’une inspiration douce et plus pure, Les Consolations, et grâce à ce simple développement en mieux, on m’a à peu près pardonné.

759. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — G — Ghil, René (1862-1925) »

[L’Année littéraire (7 juin 1887).] […] La première partie de cette œuvre, qui est aujourd’hui réalisée, compte cinq livres, lesquels se composent chacun d’un ou de plusieurs petits volumes paraissant à peu près chaque année.

760. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XVI » pp. 188-192

Chapitre XVI Années 1660 et 1661 (commencement de la septième période). — Mœurs de la cour. — Mœurs des précieuses. — Mœurs de la société d’élite. — Madame de Montausier, gouvernante de M. le Dauphin. — Mademoiselle de La Vallière, maîtresse du roi. […] Un chagrin mortel l’atteindra dans cette période, et elle y succombera quelques années plus tard, victime d’une perfidie du roi et de sa maîtresse.

761. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XVII » pp. 193-197

Chapitre XVII Années 1662 et 1663 (suite, de la septième période). — Concours de Molière, La Fontaine, Boileau et Racine, pour exalter les brillantes qualités du roi. — Ils favorisent le règne naissant de la galanterie. […] En 1663, les fêtes de Versailles font oublier le carrousel de l’année précédente.

762. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — F. — article » pp. 348-354

Freron le fils est peu jaloux de ces prérogatives, puisque dans la continuation de l’Année Littéraire, il s’efforce de marcher constamment sur les traces de feu M. son pere. […] Voyez l’Année Littéraire, 1754, tom. 3.

763. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « M. DE LA ROCHEFOUCAULD » pp. 288-321

La Fronde présente donc la seconde période de la vie de M. de La Rochefoucauld ; la troisième comprend les dix ou douze années qui suivirent, et durant lesquelles il se refit, comme il put, de ses blessures au physique, et s’en vengea, s’en amusa, s’en releva au moral dans ses Maximes. […] J’ai raconté, en parlant d’elle, les douceurs graves et les afflictions tendrement consolées de ces quinze dernières années. […] Il avait fait son entrée dans le monde vers 1666, à peu près l’année des Maximes : le livre chagriné et la jeune espérance, ces deux enfants de la Fronde ! […] Voir tout le récit dans les Mémoires de l’abbé Arnauld, à l’année 1672. […] L’Étude sur La Rochefoucauld annonce la guérison et marque la fin de cette crise, le retour à des idées plus saines dans lesquelles les années et la réflexion n’ont fait que m’affermir (1869).

764. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLIIe entretien. Madame de Staël »

Mademoiselle Necker n’avait pas encore atteint les années arides du bons sens. […] Le roi de Suède promit, pour faciliter le mariage, qu’il conserverait pendant de longues années à ce gentilhomme la place d’ambassadeur à Paris. […] « Voilà le tableau de l’année que cette femme infortunée vient de parcourir. […] non pour être désarmés par sa beauté ; mais, si les pleurs l’ont flétrie, regardez-la pour contempler les traces d’une année de désespoir ! […] Elle était loin des années où le cœur refroidi et la vanité corrigée par le malheur ne laissent à l’homme et à la femme que la faculté de l’analyser eux-mêmes.

765. (1908) Esquisses et souvenirs pp. 7-341

Quelques années après, le poète aimé donne au public de nouvelles productions, d’une veine plus heureuse. […] Mais c’est aux environs de la seizième année que la chose m’arriva ; et je ne suis pas si vieux ! […] Je n’allai voir Stéphane Mallarmé que l’année suivante. […] Malheureusement je retournai à L… l’année suivante, et le Diable eut son tour. […] À ce propos, je me souviens d’une méprise où je tombai il y a quelques années.

766. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Diderot »

Ces premières années, cette vie de famille et d’enfance, qu’il aimait à se rappeler et qu’il a consacrée en plusieurs endroits de ses écrits, laissèrent dans sa sensibilité de profondes empreintes. […] Ce moyen pathétique réussit, et toutes les préventions qui avaient duré des années s’évanouirent en vingt-quatre heures. […] Madame de Puisieux (autre erreur) durant dix années, mademoiselle Voland, la seule digne de son choix, durant toute la seconde moitié de sa vie, quelques femmes telles que madame de Prunevaux plus passagèrement, l’engagèrent dans des liaisons étroites qui devinrent comme le tissu même de son existence intérieure. […] Diderot dit que c’était une des plus puissantes affections de l’homme : « Un cœur paternel, repris-je ; non, il n’y a que ceux qui ont été pères qui sachent ce que c’est ; c’est un secret heureusement ignoré, même des enfants. » Puis continuant, j’ajoutai : « Les premières années que je passai à Paris avaient été fort peu réglées ; ma conduite suffisait de reste pour irriter mon père, sans qu’il fût besoin de la lui exagérer. […] Mais Socrate, à ma place, la leur aurait arrachée. » Il dit en un endroit au sujet de Grimm : « La sévérité des principes de notre ami se perd ; il distingue deux morales, une à l’usage des souverains. » Toutes ces idées excellentes sur la vertu, la morale et la nature, lui revinrent sans doute plus fortes que jamais dans le recueillement et l’espèce de solitude qu’il tâcha de se procurer durant les années souffrantes de sa vieillesse.

767. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre premier »

On a vu, dans les premières années du dix-septième, Charron tenter d’y arriver, former un plan, couper et diviser sa matière. […] La vie littéraire de Balzac fut attristée, après quelques années brillantes, par une double disgrâce : ses qualités ne lui valurent pas les récompenses solides qu’il ambitionnait, et ses défauts suscitèrent contre lui un injuste retour d’opinion. […] Ses dernières années furent d’un chrétien, presque d’un théologien. […] L’année 1656 allait en voir paraître un autre, les Lettres provinciales. C’est le lieu de remarquer, en ce qui regarde les Lettres provinciales, ce que font quelques années de plus dans le développement d’une littérature, et comment de sujets analogues naissent, selon les talents, des ouvrages médiocres ou des chefs-d’œuvre.

768. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre VI. Premiers pas hors de Saint-Sulpice  (1882) »

Les poissons du lac Baïkal ont mis, dit-on, des milliers d’années à devenir poissons d’eau douce après avoir été poissons d’eau de mer. […] Pas plus que nous, cette année terrible ne devait résoudre les problèmes qu’elle posait. […] Saint-Sulpice, en effet, avait laissé en moi une si forte trace, que, pendant des années, je restai sulpicien, non par la foi, mais par les mœurs. […] Dieu soit loué, si c’est pour m’épargner des années de décadence et d’amoindrissement, qui sont la seule chose dont j’aie horreur ! […] À moins que mes dernières années ne me réservent des peines bien cruelles, je n’aurai, en disant adieu à la vie qu’à remercier la cause de tout bien de la charmante promenade qu’il m’a été donné d’accomplir à travers la réalité.

769. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Monsieur de Latouche. » pp. 474-502

Il fut envoyé à Rome, je ne sais en quelle qualité, et il voyagea durant trois années à cheval par toute l’Italie : ce furent là ses véritables études, et auxquelles il dut les couleurs si vraies et si senties avec lesquelles il a su peindre depuis, en toute occasion, ces belles contrées. […] Quelques années après, M. de Latouche, de société avec M.  […] … Tel M. de Latouche était dans son bon temps, en sa verte jeunesse et avant l’âcreté soi-disant patriotique et tout à fait incurable des dernières années. […] Pendant les onze années suivantes, et jusqu’à la fin de la Restauration (1819-1830), M. de Latouche se montre comme appartenant décidément à l’école poétique qu’on qualifiait alors de romantique, en même temps qu’il tenait par ses opinions très prononcées au parti libéral, qui ne songeait pas alors à s’intituler démocratique. […] Il prit part sourdement par des romans politiques, par des préfaces ambiguës, et jusque dans des élégies, à toutes les animosités des dix-huit années.

770. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Mémoires de l’impératrice Catherine II. Écrits par elle-même, (suite et fin.) »

Mais il y eut quelque chose de plus efficace et de plus puissant à produire cette révolution, que toutes les intrigues particulières ; ce fut, à un moment donné, le concert universel et la conspiration véritable de tous, le mépris profond dans lequel était tombé Pierre III, l’intérêt qu’inspirait Catherine, et la faveur populaire qui n’avait cessé de la suivre pendant des années jusque dans sa disgrâce. […] Dans ce rapprochement qui se faisait naturellement d’elle et de Louis XIV, elle n’était pas sans se rappeler les revers qui attristèrent les dernières années du grand roi ; mais ces idées ne faisaient que lui traverser l’esprit et « passaient comme des nuages. » Elle retrouvait aussitôt sa sérénité, n’oubliant jamais cependant que rien n’est stable sous le soleil, et que la gloire et le succès sont choses passagères et incertaines. […] Sa plus grande dissimulation en causant était de ne pas dire tout ce qu’elle pensait et ce qu’elle savait, mais elle ne s’abaissait jamais au mensonge ; elle aimait par goût la vérité, et « à s’approcher d’elle le plus qu’elle pouvait toujours. » Sa littérature nous est connue ; elle nous a dit elle-même ses lectures ; elle était devenue plus difficile avec les années : « Elle aimait (c’est le prince de Ligne qui parle) les romans de Le Sage, Molière et Corneille. — “Racine n’est pas mon homme, disait-elle, excepté dans Mithridate.”

771. (1874) Premiers lundis. Tome I « Espoir et vœu du mouvement littéraire et poétique après la Révolution de 1830. »

La Restauration prit la France sur ces entrefaites ; les trois ou quatre premières années en furent peu littéraires ; les factions politiques, les débats orageux et hostiles, les luttes renaissantes de l’ancien régime et de la Révolution tuèrent toute cette frêle poésie delillienne ; mais ce n’est guère qu’en 1819 qu’on voit une poésie nouvelle éclore sur les hauteurs de la société, dans les endroits les plus abrités du souffle populaire et les moins battus de la foule. […] Les vagues émotions religieuses et les rêveries de cœur qu’ils savaient communiquer aux âmes, et qui étaient comme une maladie sociale de ces dernières années, leur conciliaient bien des suffrages de jeunes gens et de femmes que la couleur féodale ou monarchique, isolée du reste, n’aurait pu séduire. […] Mais ce qu’il serait injuste de contester, c’est le développement mémorable de l’art durant ces dernières années, son affranchissement de tout servage, sa royauté intérieure bien établie et reconnue, ses conquêtes heureuses sur plusieurs points non jusque-là touchés de la réalité et de la vie, son interprétation intime de la nature, et son vol d’aigle au-dessus des plus hautes sommités de l’histoire.

772. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre II. Les formes d’art — Chapitre II. La tragédie »

Voilà ce que Voltaire aperçut nettement, et ne cessa de répéter pendant soixante années. […] Avec une conviction véritablement profonde, il essaya d’exprimer les généralités des caractères et des passions dans toutes les tragédies qu’il écrivit, si l’on excepte quelques œuvres de ses vingt dernières années, où les personnages représentent plutôt des opinions philosophiques que des êtres moraux. […] Il y eut une vingtaine d’années, après son retour l’Angleterre (1730-1750), pendant lesquelles il subit visiblement l’influence de Shakespeare.

773. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XXII. Machinations des ennemis de Jésus. »

Jésus entreprit peu après un voyage en Pérée et sur les bords du Jourdain, c’est-à-dire dans les pays mêmes qu’il avait visités quelques années auparavant, lorsqu’il suivait l’école de Jean 1006, et où il avait lui-même administré le baptême. […] » Poser la question, c’était la résoudre, et sans être prophète, comme le veut l’évangéliste, le grand-prêtre put très bien prononcer son axiome sanglant : « Il est utile qu’un homme meure pour tout le peuple. » « Le grand-prêtre de cette année », pour prendre une expression du quatrième évangéliste, qui rend très bien l’état d’abaissement où se trouvait réduit le souverain pontificat, était Joseph Kaïapha, nommé par Valérius Gratus et tout dévoué aux Romains. Depuis que Jérusalem dépendait des procurateurs, la charge de grand-prêtre était devenue une fonction amovible ; les destitutions s’y succédaient presque chaque année 1020.

774. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XIX. Abailard »

Il y a quelques années, M.  […] » Et, plus loin, toujours dans le même rythme et le même français, « deux années, urnes aux blancs cailloux, ont disparu comme un monde englouti, comme une Atlantide qui a sombré au milieu des flots, avec ses villas embaumées, ses asiles verts, consacrés à Palès (pourquoi Palès ?) […] ces deux années n’ont pas laissé de traces, sœurs gracieuses qui avaient pris pour elles toutes les joies nuptiales, etc., etc., etc. » Et M. 

775. (1773) Essai sur les éloges « Morceaux retranchés à la censure dans l’Essai sur les éloges. »

Le clergé, qui sous Henri IV donnait avec peine treize cent mille livres, sous les dix dernières années du cardinal, paya, année commune, quatre millions. Enfin ce ministre endetta le roi de quarante millions de rente ; et à sa mort il y avait trois années consommées d’avance.

776. (1890) Dramaturges et romanciers

Erckmann-Chatrian, auteur de Contes fantastiques qui ont eu dans ces dernières années un succès qu’ils méritaient en partie. […] Pour qui sait bien lire, elles reportent invinciblement l’esprit vers les dernières années de la monarchie de Juillet. […] Si le ciel nous prête vie, nous espérons le retrouver dans quelques années aussi grand artiste que nous le quittons artiste délicat. […] On passe souvent des années avant que la pioche ait remué autre chose qu’une argile sans valeur ; puis tout à coup la pierre précieuse se découvre. […] Les années s’écoulent et le souvenir de cette apparition reste toujours vivant dans le cœur de Sibylle.

777. (1923) Critique et conférences (Œuvres posthumes II)

C’était sous les toutes dernières années de l’Empire. […] Dans ces dernières années, l’auteur en publiant en librairie son œuvre de prédilection, l’altéra quelque peu, en supprima ou retoucha trop de passage. […] Aussi, pour nos visiteurs de l’année dernière, l’exquise surprise que nos murs tapissés de chefs-d’œuvre, tout simplement ! […] Depuis quelques années que mon nom a quelque notoriété, j’ai, parbleu ! […] Je saisis cette occasion pour m’excuser auprès des innombrables personnes à qui je n’ai pas répondu depuis des années.

778. (1881) Le roman expérimental

On veut avoir ses années de belles erreurs. […] Ce fut alors qu’eut lieu l’insurrection romantique qui couvait depuis de longues années. […] Ils publient trop ; le chiffre des volumes parus chaque année en France est de plusieurs milliers. […] Dix années de son existence se passent dans cette lutte terrible. […] Les années peuvent passer, le cerveau conserve l’image, le temps ne fait souvent que l’enfoncer davantage.

779. (1889) Derniers essais de critique et d’histoire

Jusque dans les dernières années, il étudiait avec un Grec érudit les monuments de l’antiquité grecque. […] De retour à Manille, il disparut ; un naturaliste allemand le retrouva quelques années après parmi les petits noirs de la montagne. […] J’ai beaucoup connu Gleyre pendant les six dernières années de sa vie. […] Maintenant, elle dépensait les dernières années de sa vie à consoler ou distraire M. de Chateaubriand attristé, malade et vieilli. […] Beaumarchais, Mirabeau, le père de Mirabeau, ont plaidé pendant des années.

780. (1868) Curiosités esthétiques « V. Salon de 1859 » pp. 245-358

L’artiste, aujourd’hui et depuis de nombreuses années, est, malgré son absence de mérite, un simple enfant gâté. […] Cette année-ci, M.  […] Liès s’est présenté, cette année, sans son Pollux ; M.  […] On ne trouvera donc pas surprenant que je sois bref dans l’examen des œuvres de cette année. […] On s’est amusé, depuis quelques années, à critiquer, plus qu’il n’est permis, un de nos amis les plus chers ; eh bien !

781. (1903) Hommes et idées du XIXe siècle

Le règne de Louis XIV, cent cinquante années de vie de salon, d‘honneur mondain et de galanterie l’ont étouffée. […] La commotion violente qu’il reçut des événements des années 1870 et 1871 le détermina à passer à l’action. […] Aussi, lorsque éclatèrent les malheurs de l’année terrible, Pasteur eut l’âme déchirée. […] Grâce à lui, les années de jeunesse du mystérieux dandy de lettres n’ont plus pour nous de secret. […] Barbey d’Aurevilly n’est tout à fait en possession de son rôle qu’à partir de l’année 1846.

782. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Duclos. — II. Duclos historien » pp. 224-245

Duclos a fait quelques ouvrages qui prouvent ou supposent de l’érudition : comme membre de l’Académie des inscriptions et belles-Lettres, il y lut plusieurs mémoires sur des points d’Antiquité ou de Moyen Âge ; mais la première production importante, par laquelle il rompit avec les romans et se déclara un écrivain tout à fait sérieux et solide, fut son Histoire de Louis XI, publiée en 1745 avec la nouvelle année. C’étaient là pour le public des étrennes tout autres que le conte d’Acajou publié l’année d’auparavant : elles ne prirent pas moins bien. […] Commynes ne passa en effet de la cour de Bourgogne à celle de France qu’en 1472, et n’assista point aux premières années du règne. […] Il commence par un tableau circonstancié des dernières années de Louis XIV : ici, malgré les imitations et les emprunts que nous allons signaler, on sent dans le récit de Duclos une vive impression personnelle, qui y donne le mouvement. Enfant, né en 1704, il avait vu cette fin de Louis XIV, comme ceux qui sont nés au commencement de ce siècle, à la date correspondante, ont pu voir les dernières années de l’Empire.

783. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Saint-Martin, le Philosophe inconnu. — I. » pp. 235-256

Taschereau, à qui j’en dois communication, se compose d’une suite de pensées et de souvenirs tracés par Saint-Martin dans les dernières années, et ne s’arrête que peu avant sa mort. […] Ce ne fut que dans les dernières années de sa vie qu’il s’enhardit peu à peu et se dilata. […] De tous les livres que Saint-Martin composa et publia en ces années du règne de Louis XVI, il n’en est qu’un seul, L’Homme de désir, imprimé en 1790, qui appelle l’attention des profanes et à la fois des sincères par des beautés vives jaillissant au sein des obscurités et par des espèces d’effusion ou d’hymnes affectifs annonçant un précurseur. […] C’est dans les années qui suivirent la Terreur et dans le triomphe des institutions idéologiques dites de l’an III que Saint-Martin eut son jour et son heure d’utilité publique, et, si l’on peut dire, sa fonction sociale, lorsque âgé de cinquante-deux ans, élève aux Écoles normales, il engagea son duel avec la philosophie régnante dans la personne de Garat, et que l’homme modeste atteignit le brillant sophiste au front. […] [NdA] Ce serait à croire, si les dates permettaient de le supposer, qu’en répondant ainsi à son père, Saint-Martin faisait allusion à un événement très présent en Touraine, à la situation de M. de Choiseul exilé à son château de Chanteloup à la porte d’Amboise : mais il fit cette réponse plusieurs années auparavant, et pour se rendre si bien compte des temps divers d’une carrière ministérielle, il lui suffisait des disgrâces récentes et des exils de M. de Machault, de M. d’Argenson et du cardinal de Bernis.

784. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Histoire de la querelle des anciens et des modernes par M. Hippolyte Rigault — II » pp. 150-171

Il venait de publier son imitation d’Homère en vers français, c’est-à-dire un Homère abrégé, corrigé et perfectionné à la mode des Parisiens raisonneurs de l’an 1714, Homère tel qu’il aurait dû être s’il avait eu l’honneur de vivre aux dernières années du règne de Louis le Grand. […] On voit l’abbé de Pons, en ces années, devenir un des rédacteurs actifs et des soutiens de ce Nouveau Mercure qui cherchait à se régénérer. C’est là que parurent successivement sa Dissertation sur les langues en général, et sur la langue française en particulier, en tête du numéro de mars 1717 ; ses Réflexions sur l’éloquence, en tête du numéro de mai 1718 ; son Nouveau Système d’éducation, en tête du numéro de juillet, même année : notre auteur, toutes les fois qu’il y écrit, a de droit la place d’honneur dans le Mercure. […] L’abbé de Pons concède le latin, « il n’approuverait pas qu’on le laissât ignorer à un galant homme ; mais les premières années de la vie lui paraissent trop précieuses pour devoir être sacrifiées à cet objet ». […] J’ose assurer que nous ferons plus de progrès dans une année, que l’on n’en fait pour l’ordinaire dans tout le long cours des humanités.

785. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Benjamin Constant. Son cours de politique constitutionnelle, ou collection de ses divers écrits et brochures avec une introduction et des notes, par M. Laboulaye »

On a eu par lui, dans des lettres adressées à une amie, toutes ses confidences de jeunesse, et le dernier mot de son cœur et de ses sentiments en ces belles années. […] — Lorsque, dix-huit ans après, Napoléon, à son retour de l’île d’Elbe, fit appeler Benjamin Constant aux Tuileries (14 avril 1815) et le désigna pour dresser et rédiger l’Acte additionnel, il semble vraiment n’avoir fait que renouer cette relation ancienne, en être tout d’un coup revenu en idée à ce Benjamin Constant antérieur, et avoir mis à néant et en complet oubli quatorze années d’hostilité déclarée et de guerre. […] L’astre de Mme de Staël décida absolument du parti qu’il prit à l’époque du Consulat et dans les années suivantes : il vivait dans son cercle et se mouvait dans son tourbillon. […] Sa grande faute en 1815, cet article exalté du 19 mars, ce fut une femme, Mme Récamier, qui le lui fit faire ; et quand plus tard il dut s’excuser devant les royalistes accusateurs de s’être rallié à Napoléon, il eut à donner de bien bonnes raisons sans doute, les principes supérieurs aux hommes, la nation avant tout, la France à la veille d’une invasion, la nécessité alors pour tous les patriotes de se rallier à un grand général en présence de l’étranger ; mais par malheur, une autre femme (Mme de Staël), à la suite de laquelle il avait fui la France quelques années auparavant, était cause qu’il avait écrit cette autre phrase également exaltée et si antifrançaise, datée en effet de Hanovre ou du quartier général de Bernadotte, le 31 décembre 1813 : « Les flammes de Moscou ont été l’aurore de la liberté du monde. […] J’ai vu, pendant des années, des politiques vacillants et qui n’étaient pas bien sûrs d’avoir une opinion par eux-mêmes, ne jamais faire un pas sans se régler sur M. de Broglie.

786. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Histoire de la Restauration par M. Louis de Viel-Castel. Tomes IV et V. (suite et fin) »

Jeune, il avait passé ensuite plusieurs années en province, dans la solitude, à étudier, à bien lire un petit nombre de livres, à méditer surtout les écrits des géomètres, Clairaut, d’Alembert, Euler : il s’adressa une ou deux fois par lettres à l’abbé Bossut pour lui demander des conseils généraux ; mais il étudiait seul, et c’est ainsi qu’il se forma l’esprit : la géométrie, ce fut sa logique. […] Royer-Collard un fonds de vieux chrétien qui subsista toujours, qui se réveilla dans ses dernières années, mais qui, même dans la période la plus mondaine et la plus oublieuse, ne lui permit jamais de considérer la philosophie que comme la suivante et, tout au plus, comme la dame de compagnie de la religion. […] Decazes ; et ce premier mouvement, entretenu, cultivé par l’habile ministre, amena, quelques mois après, l’Ordonnance de dissolution du 5 septembre 1816, qui sauva la situation et qui fit rentrer pour quelques années la politique dans les voies modérées, d’où la rejetèrent trop tôt, comme on le sait, des récidives malheureuses. […] Royer-Collard, dans deux mémorables discours contre le droit que voulait s’arroger la Chambre, professa une théorie qu’il modifia et parut contredire plus tard dans le cours de sa carrière publique : il refusait alors, en effet, à la Chambre élective un droit inhérent à elle et lui appartenant, qui est dans l’essence du régime parlementaire et qu’il semble, quelques années plus tard, lui avoir expressément accordé. […] On voudrait pouvoir étudier et dépeindre avec un détail aussi vivant son ami M. de Serre, celui qui alors professa aussi résolument cette même doctrine de la prédominance royale, et qui s’y ancra bientôt et s’y enchaîna avec les années : par malheur, il ne reste de cette puissante et large éloquence, dont M. 

787. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Madame Desbordes-Valmore. » p. 232

— D’un autre côté, plus je lis, plus je pénètre sous les voiles qui me cachaient nos grandes gloires, et moins ] j’ose écrire ; je suis frappée de crainte, comme un ver luisant mis au soleil. » Et cette autre lettre encore, qui semble résonner et bruire de tous les carillons de ces jolies villes flamandes à toutes les grandes et moyennes fêtes de l’année : « Le 1er novembre 1840. — Bruxelles. — 10 heures du soir. — Je vous écris, mes chères âmes, au milieu de toutes les cloches battantes de Bruxelles qui se répondent pour les Saints et pour les Morts. […] Son autre amitié également tendre, et celle-ci de toute la vie, c’était Mme Pauline Duchambge, auteur de douces mélodies que nos mères savaient par cœur et soupiraient du temps de l’impératrice Joséphine et depuis aux belles années de la Restauration. […] ici pour nous la pauvreté pesante fait le métier du soleil d’Italie : elle nous rend immobiles et moines, quelque part que nous soyons renfermés… » Les années pour Brizeux se succédaient de plus en plus âpres et sévères, et quoiqu’une pension accordée ou augmentée sous M.  […] Pauline, n’être que poëte, n’être qu’artiste au milieu de toutes les faims dévorantes des ours et des loups qui courent les rues… J’ai l’âme triste comme la tienne, et je crois que c’est tout dire… » Dans les trois ou quatre dernières années de sa vie, Brizeux avait notablement changé ; après chaque disparition, il revenait autre et presque pas reconnaissable, plus saccadé, plus brusque, plus négligé : ces longues solitudes ne lui étaient pas bonnes. […] » Et qui a connu Mme Valmore en ces longues années d’épreuves, qui l’a visitée dans ces humbles et étroits logements où elle avait tant de peine à rassembler ses débris, qui l’y a vue polie, aisée, accueillante, hospitalière même, donnant à tout un air de propreté et d’art, cachant ses pleurs sous une grâce naturelle et y mêlant des éclairs de gaieté, brave et vaillante nature entre les plus délicates et les plus sensitives, qui l’a vue ainsi et qui lira ce qui précède se prendra encore plus à l’admirer et à l’aimer.

788. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Madame de Krüdner et ce qu’en aurait dit Saint-Évremond. Vie de madame de Krüdner, par M. Charles Eynard »

Nous hâtons de tous nos vœux cette publication. » C’est ce travail, fruit de plusieurs années d’une recherche suivie et d’un culte patient, qui paraît aujourd’hui et qui justifie amplement notre promesse. […] Durant ces années et toutes celles qui suivent, M.  […] de Frégeville, après avoir franchement déclaré à son mari que le lien conjugal était rompu , et s’être vue l’objet de sa clémence, habite le Nord pendant quelques années, et ne revient en Suisse, puis à Paris, que vers 1801, à cette époque d’une renaissance sociale universelle. […] Après deux mois de deuil et de retraite à Genève, Mme de Krüdner se rendit à Lyon pour y passer l’automne et l’hiver de cette même année. […] Eynard cite à ce sujet le docteur Portal et son procédé si souvent raconté pour se créer, à son arrivée à Paris, une réputation et une clientèle ; mais, en rapportant ce trait de charlatanisme aux premières années du siècle, il commet un anachronisme de plus de trente ans.

789. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XII. La littérature et la religion » pp. 294-312

Dès les premières années du seizième siècle, elle engage en effet une lutte formidable avec l’esprit classique, avec les idées païennes, avec les systèmes de la philosophie antique, avec les souvenirs des premiers siècles du christianisme. […] Depuis lors, suivant les moments et les besoins, l’Eglise a essayé soit de faire alliance avec la démocratie montante, comme on l’a vu un instant lors de la révolution de 1848 et dans les premières années du pontificat de Léon XIII, soit, ce qui est plus conforme à sa tradition, d’enrayer la marche du peuple en s’unissant aux partis conservateurs, représentants, comme elle, du passé. […] Dans les vingt dernières années du siècle, une teinte catholique s’impose à toutes les œuvres qui se publient. […] Dans les premières années du règne, l’éloquence de la chaire avait une rivale dans la poésie dramatique. […] Une crainte de l’art dramatique, si puissante et si durable, que les Genevois, il y a cent ans, brûlèrent la première salle de spectacle qui se fut élevée sur leur territoire, et que la création d’un théâtre dans la ville de Lausanne rencontra, voici une trentaine d’années, une vive opposition religieuse ; un goût persistant pour le roman sérieux, moral et volontiers prêcheur ; une philosophie, qui, grâce à l’élasticité de la doctrine protestante, n’a pas eu besoin, comme en pays catholique, de secouer un joug pesant et est demeurée par cela même en bon accord avec la théologie108.

790. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Huet, évêque d’Avranches, par M. Christian Bartholmèss. (1850.) » pp. 163-186

On sait que lorsque Huet fut nommé à l’évêché d’Avranches, et pendant les huit ou neuf années qu’il remplit les fonctions épiscopales si peu d’accord avec son amour opiniâtre pour l’étude, il passait bien des heures dans son cabinet, et quand on venait le demander pour affaire, on répondait : Monseigneur étudie, ce qui faisait dire aux gens d’Avranches, pleins d’ailleurs de respect pour lui : « Nous prierons le roi de nous donner un évêque qui ait fini ses études. » C’est cette idée de savant toujours absorbé et rêveur, tel qu’on se le figure communément, qui se sera répandue dans le peuple et qui aura donné lieu à ce dicton : T’es tout évêque d’Avranches. […] Ménage, qui était galant comme un pur érudit et sans véritable monde, lui envoyait des épigrammes en toute langue, des madrigaux grecs, latins, italiens, sur toutes sortes de beautés plus ou moins métaphoriques et allégoriques ; Huet lui répond, en lui rendant la monnaie de ses confidences : Je vous envoyai l’année passée ma première élégie, je vous enverrai bientôt mon premier sonnet, mais il est encore brut. […] Pendant des années il ne laissa jamais passer un mois de mai, qui était son mois favori, sans le fêter et l’égayer d’une nouvelle lecture de Théocrite ; il avait ainsi, même comme érudit, ses à-propos de saison. […] Cette correspondance, dont j’ai eu sous les yeux soixante-dix-sept lettres, toutes de la main de Huet, de cette petite écriture, nette, fine, serrée, minutieuse et distincte jusque dans les abréviations, et qui se retrouve aux marges de ses livres, s’étend depuis l’année 1660 jusqu’en 1691, avec une lacune toutefois pour les années du milieu (1665-1682).

791. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « La Grande Mademoiselle. » pp. 503-525

Les années donnèrent à ses traits et à ses formes plus de raideur, sans lui ôter de cette promptitude et de cette pétulance qui ne lui permirent jamais la gravité. […] Dans les années qui suivirent, elle eut à se faire pardonner du roi, et à la longue elle y réussit. […] Mademoiselle avait quarante-deux ans ; elle avait manqué tant et de si grands mariages, qu’elle semblait n’avoir plus qu’à demeurer dans cet état indépendant et libre de la plus riche princesse de France, lorsqu’elle commença (1669) à remarquer M. de Lauzun, favori du roi, et plus jeune qu’elle de plusieurs années. […] Elle eut des années à méditer sur cette amère découverte. […] Avec ses dix années de plus que le roi, Mademoiselle fut toujours un peu arriérée et de la vieille Cour.

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