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997. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. LOUIS DE CARNÉ. Vues sur l’histoire contemporaine. » pp. 262-272

Cet homme s’appelle La Fayette, et il est le dernier des anciens hommes de l’Europe en qui vit encore l’esprit de sacrifice ; débris de l’esprit chrétien. » Dans le livre de M. de Carné, bien que le fond et le tissu en soient véritablement historiques et politiques, l’idée religieuse domine et rabat souvent les autres considérations à un ordre tout secondaire. « Plus les événements marcheront, dit-il, et mieux on comprendra que la question purement politique perd chaque jour de son importance, qu’elle s’amoindrit à vue d’œil, à mesure que se dessine et grandit la question de la régénération morale. » L’auteur s’est attaché surtout à démontrer que la réforme de 89 fut chrétienne dans son principe, bien qu’elle ne dût malheureusement s’accomplir qu’à travers une apostasie, au moins temporaire, du dogme religieux.

998. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Relation inédite de la dernière maladie de Louis XV. »

Ami de M. de Choiseul, ennemi du ministère d’Aiguillon et de la maîtresse favorite, il eût pu dire aux approches du danger, comme Saint-Simon à la nouvelle de la mort de Monseigneur : « La joie néanmoins perçoit à travers les réflexions momentanées de religion et d’humanité par lesquelles j’essayois de me rappeler. » A nos yeux comme aux siens, est-il besoin d’en avertir ?

999. (1874) Premiers lundis. Tome I « M. A. Thiers : Histoire de la Révolution française. IXe et Xe volumes »

« Elle n’est pas venue, dit-il : elle viendra. » Espérons-le avec lui : il est de ceux qui ont le plus droit de la promettre ; car il la sert, il en hâte le triomphe ; et certes, lorsqu’à la lecture de son livre nous voyons ce que nos pères ont souffert pour elle, et que nous sentons en nos cœurs ce que nous serions prêts à souffrir nous-mêmes, quand il nous semble qu’à travers les larmes, le sang et d’innombrables douleurs, tout a été préparé par une providence attentive pour son mystérieux enfantement, nous ne pouvons imaginer que tant de mal ait été dépensé en pure perte, que tant de souffrances aient été vainement offertes en sacrifice ; et dût-il nous en rester encore quelque part à subir, nous croyons plus fermement que jamais au salut de la France.

1000. (1874) Premiers lundis. Tome I « Diderot : Mémoires, correspondance et ouvrages inédits — I »

La vie, le sentiment de la réalité, y respirent ; de frais paysages, l’intelligence poétique symbolique de la nature, une conversation animée et sur tous les tons, l’existence sociale du xviiie  siècle dans toute sa délicatesse et sa liberté, des figures déjà connues et d’autres qui le sont du moment qu’il les peint, d’Holbach et le père Hoop, Grimm et Leroy, Galiani le cynique ; puis ces femmes qui entendent le mot pour rire et qui toutefois savent aimer plus et mieux qu’on ne prétend ; la tendre et voluptueuse madame d’Épinay, la poitrine à demi nue, des boucles éparses sur la gorge et sur ses épaules, les autres retenues avec un cordon bleu qui lui serre le front, la bouche entr’ouverte aux paroles de Grimm, et les yeux chargés de langueurs ; madame d’Houdetot, si charmante après boire, et qui s’enivrait si spirituellement à table avec le vin blanc que buvait son voisin ; madame d’Aine, gaie, grasse et rieuse, toujours aux prises avec le père Hoop, et madame d’Holbach, si fine et si belle, au teint vermeil, coiffée en cheveux, avec une espèce d’habit de marmotte, d’un taffetas rouge couvert partout d’une gaze à travers la blancheur de laquelle on voyait percer çà et là la couleur de rose ; et au milieu de tout ce monde une causerie si mélangée, parfois frivole, souvent souillée d’agréables ordures, et tout d’un coup redevenant si sublime ; des entretiens d’art, de poésie, de philosophie et d’amour ; la grandeur et la vanité de la gloire, le cœur humain et ses abîmes, les nations diverses et leurs mœurs, la nature et ce que peut être Dieu, l’espace et le temps, la mort et la vie ; puis, plus au fond encore et plus avant dans l’âme de notre philosophe, l’amitié de Grimm et l’amour de Sophie ; cet amour chez Diderot, aussi vrai, aussi pur, aussi idéal par moments que l’amour dans le sens éthéré de Dante, de Pétrarque ou de notre Lamartine ; cet amour dominant et effaçant tout le reste, se complaisant en lui-même et en ses fraîches images ; laissant là plus d’une fois la philosophie, les salons et tous ces raffinements de la pensée et du bien-être, pour des souvenirs bourgeois de la maison paternelle, de la famille, du coin du feu de province ou du toit champêtre d’un bon curé, à peu près comme fera plus tard Werther amoureux de Charlotte : voilà, et avec mille autres accidents encore, ce qu’on rencontre à chaque ligne dans ces lettres délicieuses, véritable trésor retrouvé ; voilà ce qui émeut, pénètre et attendrit ; ce qui nous initie à l’intérieur le plus secret de Diderot, et nous le fait comprendre, aimer, à la façon qu’il aurait voulu, comme s’il était vivant, comme si nous l’avions pratiqué.

1001. (1874) Premiers lundis. Tome II « E. Lerminier. De l’influence de la philosophie du xviiie  siècle sur la législation et la sociabilité du xixe . »

Mais cette espèce de travail minutieux et attentif de physiologie sociale, qui consisterait à chercher, même à travers les moindres rameaux, la circulation souvent insaisissable de chaque idée, à démontrer le cours de ce chyle subtil et nutritif jusqu’à son arrivée à un système de vaisseaux évident, à y mesurer la proportion dans laquelle il s’y mêle avec les éléments antérieurs et moins virtuels, ce travail-là, qui serait, en ce qui concerne le xviiie  siècle, le sujet de plusieurs beaux mémoires à faire, n’entrait pas dans le dessein de M. 

1002. (1874) Premiers lundis. Tome II « Henri Heine. De la France. »

Ses travaux substantiels, nourris d’idées et de faits, jetaient bien quelque confusion utile à travers les descriptions plus simples et moins approfondies de nos purs admirateurs de Schiller et de Goethe.

1003. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Troisième partie. Disposition — Chapitre II. Utilité de l’ordre. — Rapport de l’ordre et de l’originalité »

Qu’on prenne le genre qu’on voudra, discours, histoires, romans, comédies, on verra qu’il y a peu d’œuvres qui réussissent, encore moins qui durent à travers les siècles, sans une bonne économie : et pour peu qu’on ait de curiosité, on découvrira dans la multitude innombrable des écrits oubliés, pour peu qu’on ait d’attention, on notera dans le passage incessant des écrits qui ne naissent que pour mourir, plus d’une œuvre que les plus hautes qualités, que des morceaux admirables, des beautés singulières, semblaient adresser à l’immortalité.

1004. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « Conclusions » pp. 169-178

Conclusions Nous voici parvenu au second relai de notre randonnée à travers le mouvement symboliste.

1005. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre II. Enfance et jeunesse de Jésus. Ses premières impressions. »

Là aussi, sur cette terre où dorment le charpentier Joseph et des milliers de Nazaréens oubliés, qui n’ont pas franchi l’horizon de leur vallée, le philosophe serait mieux placé qu’en aucun lieu du monde pour contempler le cours des choses humaines, se consoler de leur contingence, se rassurer sur le but divin que le monde poursuit à travers d’innombrables défaillances et nonobstant l’universelle vanité.

1006. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Madame Therbouche » pp. 250-254

Je lui disais : effacez-moi tout cela ; mettez-moi cet amour en l’air ; qu’en emportant sur son dos le voile qui couvre la nymphe, il saisisse le satyre par la corne et le pousse sur elle. étendez-moi le front de ce satyre, raccourcissez ce visage niais, recourbez ce nez, étendez ces joues, qu’à travers les traits qui déguisent le maître des dieux je le reconnaisse.

1007. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 5, des études et des progrès des peintres et des poëtes » pp. 44-57

On y remarque à travers bien des défauts, un esprit qui veut atteindre à de grandes beautez, et qui, pour y parvenir, fait des choses que son maître n’a point été capable de lui enseigner.

1008. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « XIV »

Brunetière n’a pas attendu notre dernier livre pour apprendre tout cela ; et n’eût-il lu que ce livre, le nombre de nos exemples et de nos citations eût suffi à lui faire constater l’unanimité des mêmes efforts, des mêmes procédés, des mêmes méthodes à travers les âges et les écoles.

1009. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Les Philippiques de la Grange-Chancel »

Il l’a vu à travers tous les applaudissements contemporains, et c’était la meilleure manière de le mal voir et de le juger de travers.

1010. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Notre critique et la leur »

… Voyageur à travers les musées et les ateliers, il venait raconter ses impressions de voyage à la Revue des Deux Mondes, comme d’autres y revenaient du Groenland ou de Nubie raconter les leurs.

1011. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. Louis Nicolardot » pp. 217-228

On saura que penser de cet homme, dont le sang répandu fait pourpre sur sa vie entière et empêche de la voir et de la juger telle qu’elle fut, à travers l’auréole pourprée de ce sang.

1012. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Madame Sand »

Pour des écrivains perspicaces qui n’ont jamais été éblouis par cette gloire sans proportion avec le talent qui ne l’a pas faite, mais bien le sexe de l’auteur, Madame Sand était jugée déjà un peu à l’envers de sa gloire, et à travers ses œuvres nombreuses on avait pénétré jusqu’à la nature de son esprit et jusqu’au mystère d’une inspiration qui n’a aucun des caractères de l’inspiration du génie.

1013. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Lessing »

Prendre une pièce de théâtre, comme Rodogune, par exemple, comme la plus touffue, la plus crépue, la plus emmêlée des pièces de théâtre, et la faire passer, d’une main adextre et leste, à travers un démêloir d’acier assez souple pour ne se briser jamais, voilà la critique de Lessing !

1014. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « I. Saint Thomas d’Aquin »

Saint Thomas d’Aquin, c’est la nature se faisant écho à elle-même, à travers les temps, recommençant un homme comme une création et remoulant un Aristote sur l’exemplaire qu’elle avait gardé du premier.

1015. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. de Gères. Le Roitelet, verselets. »

Il moralise à travers les larmes et le sang du cœur ; c’est un âpre jugeur de la vie.

1016. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Victor de Laprade. Idylles héroïques. »

L’épée est faite du même fer que la charrue, et, fût-elle ensanglantée, sa lame brille plus belle à travers une guirlande d’épis.

1017. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XIX. »

« Tu iras chez les Daces, au Septentrion ; et, à travers les flots de la mer Égée, tu toucheras Thessalonique.

1018. (1912) Chateaubriand pp. 1-344

Ce que je vous propose, en somme, c’est une libre promenade à travers la vie et l’œuvre de Chateaubriand. […] C’est d’un homme qui a le sentiment de la vie à un prodigieux degré, et qui la retrouve et qui la voit à travers les siècles, et qui, ainsi, comprend le passé par le présent. […] On peut croire que, par suite des immenses coups de faux du premier Empire à travers les générations jeunes et vigoureuses, la France ressent, aujourd’hui encore, une diminution de force. […] Et, en réalité, cela signifie : mémoires des choses qui, publiées après la mort, nous parviennent à travers le tombeau. […] Mais, je l’avoue, j’ai un faible pour la dernière partie des Mémoires, pour les voyages à travers l’Allemagne et la Bohême.

1019. (1888) Impressions de théâtre. Première série

Lorsque Énée l’aperçut dans le sentier obscur, vague et pareille à la lune nouvelle qu’on devine plus qu’on ne la voit à travers la fuite des nuages, il lui parla doucement… Mais elle, se détournant de lui, fichait ses yeux en terre et demeurait immobile comme un roc marpésien. […] Songez à la vie de Roman comique qu’il a menée pendant vingt ans à travers la province, jouant dans des granges, couchant dans des gîtes de hasard et cheminant dans des voitures qui ne devaient pas sensiblement différer de ces maisons roulantes de saltimbanques où règne une si naïve promiscuité. […] Je ne trouve pas moins de vérité, en y songeant, dans les pupazzi grotesques qui gesticulent à travers le drame d’amour. […] Ainsi, ce qui rend ce livre si attachant et si singulier, c’est que l’amour charnel y est absous et glorifié par un homme pour qui cet amour a été la suprême souillure, et qu’on le sent à travers les hardiesses trop préméditées de cette glorification inquiète. […] Si nous voulions… Et pendant ce temps-là, à travers la forme bizarre et dépourvue pour nous de beauté proprement littéraire, à travers la singularité et parfois l’obscurité de tournures et d’images probablement intraduisibles, subitement l’âme de Tolstoï m’ébranlait d’une secousse, s’emparait de moi et bientôt me possédait tout entier.

1020. (1910) Propos littéraires. Cinquième série

À travers tout cela, le problème, le fameux problème (pourquoi Jeanne d’Arc a-t-elle réussi ? […] Elle représenta, plus que toute autre, l’esprit de sociabilité subsistant et se sauvant à travers la mêlée des partis. […] Le féminisme a fait à travers bien des déclamations et des divagations ridicules, de très bonne besogne. […] Il s’élance à travers champs vers les peupliers et attrape un rhume. […] Il s’agit de la particule nobiliaire et de son histoire à travers les âges.

1021. (1890) La bataille littéraire. Troisième série (1883-1886) pp. 1-343

Il regardait toujours ce ciel si haut au-dessus de lui, dont l’azur insondable apparaissait à travers de légers nuages. […] À travers cette vapeur de tristesse, il aperçut, comme dans un éclair, une maison de lui bien connue, et les visages penchés sous la lampe, parmi les portraits de famille, des deux femmes qui l’avaient élevé. […] À travers la mince cloison, un tapage infernal arrivait jusqu’à nous : un bruit de tasses et de verres, les cris de gens qui jouaient aux tartes, des injures, des blasphèmes. […] … Quand donc aurait-il fini de toujours pousser son cheval sur cette terre nostalgique, de toujours se frayer un chemin à travers les ruines des choses et la mort des hommes, de toujours tuer, de toujours être maudit ! […] À travers les États-Unis

1022. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « Lamartine »

Et enfin « la vérité matérielle a très peu de prix pour l’Oriental ; il voit tout à travers ses idées ». […] Je vous prie de relire, dans la Préface des Méditations écrite en 1849, le récit d’une de ses excursions d’enfant, avec son père, à travers la montagne, et la visite au vieux gentilhomme qui vivait dans une si jolie maisonnette de curé et qui copiait ses vers sur de si beaux cahiers  et de savourer la couleur et l’accent du morceau. […] Et c’est comme si l’œil de Lamartine ne voyait les objets qu’à travers un voile diaphane qui en émousse et en agrandit les contours, et comme si, au contraire, leurs saillies subitement démesurées heurtaient l’œil visionnaire de Victor Hugo. […] Et comme on voit, dans la Légende, l’humanité s’élever peu à peu à une morale plus pure, ainsi sans doute devait s’épurer, dans ses vies successives à travers les siècles, l’âme déchue dont le premier nom est Cédar, et le dernier, Jocelyn. […] Au surplus, mettez-vous à la place de ce vieillard qui va être guillotiné demain, qui voit les choses d’ici-bas, non seulement à travers sa foi, mais du seuil de la mort et de l’éternité et comme de la fenêtre d’un autre monde ; et jugez quelle misère doit lui paraître la petite aventure alpestre du jeune lévite.

1023. (1888) Impressions de théâtre. Deuxième série

Comment ne pas croire pourtant qu’elle ait été sérieusement projetée, lorsque en dehors des égorgements judiciaires, on suit, étape par étape, l’armée castillane à travers les Flandres ? […] » Il la poursuit à travers la chambre. […] L’unité, dans Sapho, est surtout constituée par la continuité d’une idée qui circule à travers tout le drame et en relie les épisodes, et par la peinture d’un milieu moral particulier. […] Elles s’approchent de la grande cage, conduites par la petite princesse de Tarente, regardent… et, à travers les barreaux, aperçoivent le prince Charmant, recroquevillé comme un oiseau qui dort sur son bâton. […] L’un n’est sensible qu’à la beauté plastique ; il ne connaît et n’aime que les apparences pittoresques de la nature et de l’humanité à travers les siècles.

1024. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre I. Les origines. — Chapitre II. Les Normands. » pp. 72-164

Le petit vers de ses fabliaux gambade et sautille comme un écolier en liberté, à travers toutes les choses respectées ou respectables, daubant sur l’Église, les femmes, les grands, les moines. […] Voyez cette peinture du vaisseau qui amène en Angleterre la mère du roi Richard : « Le gouvernail était d’or pur ; — le mât était d’ivoire ; — les cordes de vraie soie,  — aussi blanches que le lait,  — la voile était en velours. —  Ce noble vaisseau était, en dehors, tout tendu de draperies d’or… —  Il y avait dans ce vaisseau — des chevaliers et des dames de grande puissance ; — et dedans était une dame — brillante comme le soleil à travers le verre128. » En pareils sujets ils ne tarissent jamais. […] Lentement, par degrés, à travers les douloureuses plaintes des chroniqueurs, on voit ce nouvel homme se former en s’agitant, comme un enfant qui crie parce qu’une machine d’acier en le blessant lui fortifie la taille. […] Les meurtrissures une fois données et reçues, ils se prennent par la main et dansent ensemble sur l’herbe verte147. « Trois hommes joyeux, trois hommes joyeux, nous étions trois hommes joyeux. » Comptez, de plus, que ces gens-là, dans chaque paroisse, s’exercent tous les dimanches à l’arc, et sont les premiers archers du monde, que, dès la fin du quatorzième siècle, l’affranchissement universel des vilains multiplie énormément leur nombre, et vous comprendrez comment à travers tous les tiraillements et tous les changements des grands pouvoirs du centre, la liberté du sujet subsiste. […] I, 13. « À travers toutes les dispositions perce un but unique : c’est que tout homme, en Angleterre, a sa place définie, et son devoir défini, et que nul être humain n’a la liberté de mener sa vie à son gré sans en rendre compte à personne.

1025. (1895) Journal des Goncourt. Tome VIII (1889-1891) « Année 1889 » pp. 3-111

Retour à pied à Auteuil à travers la foule. […] Aujourd’hui je prononce le nom d’Octave Mirbeau devant ma cousine, qui me dit : « Mais Mirbeau… attendez, c’est le fils du médecin de Remalard, de l’endroit où nous avons notre propriété… eh bien, je lui ai donné deux ou trois fois des coups de fouet à travers la tête… Ah ! […] Lundi 9 septembre Des rejets dans de petits sentiers à travers le bois, au loin au loin : une perspective de raquettes de coudrier, aux béquilles basculantes, s’offrant perfidement au sautillement voletant des oiseaux. […] Promenade à travers la peinture étrangère. […] Et malgré moi, je suis touché, et je sens qu’à travers l’abominable jalousie qu’il a eue de moi, toute sa vie, une vieille habitude, un restant tendre de notre acoquinement artistique dans le passé, enfin le plaisir de causer avec moi du Japon, triomphe de cette jalousie, et le fait, par les moments tristes de sa vie, presque aimant de ma personne.

1026. (1882) Hommes et dieux. Études d’histoire et de littérature

Néron fait rouler son char infernal à travers une illumination de martyrs ! […] L’horreur ne varie pas à travers cette atroce histoire : ce sang qui tombe comme la pluie est, à la fin, ennuyeux comme elle. […] Il est attaché à son cheval, comme son ami Mazeppa, et se laisse emporter à travers le monde. […] » — dit le roi Lear à son bouffon fidèle qui le suit, en grelottant, à travers la neige et la nuit—, « pauvre fou ! […] Regardez bien : à travers ce masque décharné, on entrevoit une tête plébéienne.

1027. (1898) Ceux qu’on lit : 1896 pp. 3-361

Connue à travers une dentelle rousse, et déchirant ce délicat réseau, plongeait la rudesse du soleil. […] Si intéressante que soit la fabulation sous laquelle il a enveloppé les épisodes, les événements réels de sa vie, on ne peut s’empêcher de chercher à les en faire sortir, à les dégager de tout ce qui est imaginatif pour ne voir que l’homme réel à travers le héros, aux dépens même de ce héros. […] » Ainsi, l’histoire du monde nous révèle un progrès qui s’est continué à travers les âges. […] À travers une porte, j’aperçois une cour silencieuse et verdie par l’humidité. […] La nuit aux bises mortelles secoue votre manteau, qui n’est plus, trous, pièces et reprises, qu’une chose innommable à travers laquelle on aperçoit la lamentation de votre corps.

1028. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des pièces de théâtre — Préface de « Cromwell » (1827) »

Puis, tandis que les critiques s’acharnent sur la préface et les érudits sur les notes, il peut arriver que l’ouvrage lui-même leur échappe et passe intact à travers leurs feux croisés, comme une armée qui se tire d’un mauvais pas entre deux combats d’avant-postes et d’arrière-garde. […] Pouvait-il ne pas voir toutes choses sous un aspect nouveau, depuis que l’évangile lui avait montré l’âme à travers les sens, l’éternité derrière la vie ? […] Du reste, nos grands poëtes ont encore su faire jaillir leur génie à travers toutes ces gênes. […] On a pu remarquer que dans cette course un peu longue à travers tant de questions diverses, l’auteur s’est généralement abstenu d’étayer son opinion personnelle sur des textes, des citations, des autorités.

1029. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Histoire du Consulat et de l’Empire, par M. Thiers. Tome xviii » pp. 84-92

On sait quelle trace lumineuse, et non effacée encore, il a laissée dans cette marche rapide à travers les diverses phases de cette grande et terrible époque.

1030. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Histoire du Consulat et de l’Empire, par M. Thiers, Tome xix. (L’île d’Elbe, — L’acte additionnel. — Le champ de mai.) » pp. 275-284

Mais tout cela nous montre, dans un dernier exemple, la fièvre qui s’est emparée de quelques esprits sur ce chapitre de 1815, et comment chacun s’est mis à revoir et à repeindre cette époque de crise à travers ses préventions d’aujourd’hui.

1031. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Hommes et dieux, études d’histoire et de littérature, par M. Paul De Saint-Victor. »

Ne cherchez rien de gaulois en lui : on parle souvent d’esprit gaulois, d’humeur gauloise, à tort et à travers, et on en prête à bien des gens qui n’en ont pas ; mais lui, soyez sûr qu’il n’en a pas un grain ; ces vieilles saveurs domestiques lui vont peu au fond ; il ne les prise pas très-haut : il a vu mieux que cela dans le monde des Médicis et dans la patrie du soleil.

1032. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Virgile et Constantin le Grand par M. J.-P. Rossignol. »

Il n’y avait donc rien que de simple et plutôt d’heureux à un rapprochement et à un sentiment de tendre sympathie, tel qu’en pouvait éprouver pour lui un Dante touché du mystique rayon, ou encore un saint Augustin à travers ses larmes.

1033. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Pensées »

retirées, et c’est tout si parfois, à travers les sables, sous l’aride chaleur ou le froid mistral, je trouve un instant à m’asseoir à l’ombre d’un rare tamarin.

1034. (1874) Premiers lundis. Tome I « J. Fiévée : Causes et conséquences des événements du mois de Juillet 1830 »

Si cette minorité était arrivée d’une manière naturelle, peut-être aurait-elle été favorable au développement de nos libertés ; mais à travers deux abdications, toujours et nécessairement conditionnelles, avec le besoin cruel de séparer un enfant de ses parents-exilés, de ne pouvoir former sa raison sans lui apprendre à les juger au moins aussi sévèrement que l’histoire le fera, avec le danger de les voir un jour se rapprocher de lui, il n’aurait été qu’une cause de soupçons, d’agitation, que l’étendard d’un parti qui n’a que trop prouvé ses fureurs et son incapacité.

1035. (1874) Premiers lundis. Tome II « Poésie — Alexandre Dumas. Mademoiselle de Belle-Isle. »

Dumas n’en est que plus grande d’avoir fait marcher son drame, sans coup férir, à travers ces invraisemblances, et d’avoir tenu constamment en haleine le spectateur sans lui laisser le temps de regimber.

1036. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre XI. De la littérature du Nord » pp. 256-269

L’imagination des hommes du Nord s’élance au-delà de cette terre dont ils habitent les confins ; elle s’élance à travers les nuages qui bordent leur horizon, et semblent représenter l’obscur passage de la vie à l’éternité.

1037. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section II. Des sentiments qui sont l’intermédiaire entre les passions, et les ressources qu’on trouve en soi. — Chapitre IV. De la religion. »

À travers tant de dangers, il persista à ne prendre pour guide que les maximes d’une piété superstitieuse ; mais c’est à l’époque où la religion seule triomphe encore, c’est à l’instant où le malheur est sans espoir, que la puissance de la foi se développa toute entière dans la conduite de Louis ; la force inébranlable de cette conviction ne permit plus d’apercevoir dans son âme l’ombre d’une faiblesse ; l’héroïsme de la philosophie fut contraint à se prosterner devant sa simple résignation ; il reçut passivement tous les arrêts du malheur, et se montra cependant sensible pour ce qu’il aimait, comme si les facultés de sa vie avaient doublé à l’instant de sa mort, il compta, sans frémir, tous les pas qui le menèrent du trône à l’échafaud, et dans l’instant terrible où lui fut encore prononcé cette sublime expression : Fils de Saint Louis, montez au Ciel.

1038. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre II. Distinction des principaux courants (1535-1550) — Chapitre II. Jean Calvin »

Qu’on lise ses Commentaires des Êpitres de saint Paul, on sera surpris, à travers tant de gravité dogmatique, de rencontrer un parler si familier, tant de rappels à la réalité commune, métaphores, comparaisons, apologues.

1039. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — D — Dumas, Alexandre (1802-1870) »

C’est même à travers l’influence de Schiller qu’il a subi le plus celle de Shakespeare.

1040. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — R — Régnier, Henri de (1864-1936) »

Il revoit le passé, et, dans cette vision rétrospective des joies d’alors, pendant que s’efface le présent, apparaît la Gardienne de son adolescence, la chimère qui jadis emplissait son âme tout entière, celle qui jamais ne se désouvint de lui-même quand il errait au plus fort de la mêlée humaine, oublieux d’espérances plus hautes : Je suis la même encor, si ton âme est la même Que celle que l’Espoir aventurait au pli De sa bannière haute, et je reste l’emblème Du passé qui résiste à travers ton oubli.

1041. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre X. L’antinomie juridique » pp. 209-222

Elle est favorisée en partie par le droit lui-même qui fournil au justiciable, par ses variations et ses contradictions, des moyens de tourner la loi, d’opposer la loi à elle-même, de passer à travers les mailles du code.

1042. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « L’Âge héroïque du Symbolisme » pp. 5-17

On voit, à travers le nuage des pipes, se succéder sur l’estrade Rachilde et Sébastien Faure, Paule Minck et Paul Adam, Séverine et Roinard, Ibels et le compagnon Martinet.

1043. (1890) L’avenir de la science « IX »

La loi régulière du progrès, prenant son point de départ dans le syncrétisme pour arriver, à travers l’analyse, qui seule est la méthode légitime, à la synthèse, qui seule a une valeur philosophique, pourrait le faire espérer.

1044. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre X. Prédictions du lac. »

En dégageant l’homme de ce qu’il appelait « les sollicitudes de ce monde », Jésus put aller à l’excès et porter atteinte aux conditions essentielles de la société humaine ; mais il fonda ce haut spiritualisme qui pendant des siècles a rempli les âmes de joie à travers cette vallée de larmes.

1045. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Deuxième partie. Ce qui peut être objet d’étude scientifique dans une œuvre littéraire — Chapitre III. L’analyse externe d’une œuvre littéraire » pp. 48-55

Le ton d’un morceau est la résultante de beaucoup de choses diverses ; il se détermine d’après la nature des mots, la disposition des phrases, l’emploi de certaines tournures, moyens d’expression à travers lesquels on remonte jusqu’au sentiment dominant qui donne au morceau son accent particulier.

1046. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre XVII. Morale, Livres de Caractéres. » pp. 353-369

Il est vrai qu’il avoit sur les yeux le bandeau de la foi ; mais il voyoit à travers son bandeau, comme l’a dit un homme d’esprit.

1047. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XII. Mme la Princesse de Belgiojoso »

Grand sujet de curiosité pour les utopistes de tous les genres, — et, dans ce temps-là, le catholicisme n’en manquait pas, — une révolution à Rome, une révolution qui allait, croyait-elle, jeter la barque de saint Pierre dans les aventures, fit lever et rallia, comme le coup de trompette du Josaphat des vivants, tous les fous superbes de l’univers, tous les bohèmes de la fortune, de l’esprit et de la beauté pour les rasseoir, il est vrai, un peu rudement, quand la machine chargée par Lamennais, Gioberti et tant d’autres, éclata, mais montrant, à travers ses débris, Rossi poignardé, le Pape en fuite et Mazzini régnant dans Rome assiégée.

1048. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Le Christianisme en Chine, en Tartarie et au Thibet »

L’auteur y remonte, à travers mille obscurités, jusqu’à la première lueur qu’on y voit poindre de cette doctrine chrétienne, en définitive étouffée par cette masse d’idolâtrie subsistant toujours et qui a fait de la Chine quelque chose de si abominablement exceptionnel parmi les peuples.

1049. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Pélisson et d’Olivet »

Il a la petite camisole de force de son habit, il la sent sur lui, et il en est gêné… Lorsque les notices qu’il s’est permises sur ses confrères morts doivent être suivies de notices sur ses confrères vivants, quand il a épuisé la liste des extraits mortuaires, il s’arrête… Il voudrait peut-être aussi, lui, comme Pélisson, pour continuer, des arbres et des fontaines, et peut-être va-t-il les chercher ; car il termine brusquement son histoire, si l’on peut nommer du nom d’histoire ces anecdotes et ces commérages, choses trop petites pour n’avoir pas passé à travers les trous de ce crible qu’on appelle la mémoire des hommes, et qu’il était si peu nécessaire de ramasser !

1050. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Paul de Saint-Victor » pp. 217-229

Quand l’auteur des Deux Masques va, par exemple, chercher l’Histoire, — dont il a besoin pour montrer jusqu’où plongent les racines du génie d’Eschyle et faire le lumineux décompte de ce qui est de la personnalité et de la race, — et qu’à travers l’antique Hérodote, et plus haut et plus loin qu’Hérodote, il va la chercher, cette fuyante histoire, jusque dans les derniers éloignements et les derniers effacements du passé, il la saisit et l’amène sous le regard par la force de la couleur, et il la pousse sur nous, pour ainsi dire, vainqueur des âges et des lointains !

1051. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Lenient » pp. 287-299

Il n’enfonce point et ne pose pas dans la psychologie le point de départ de son Histoire de la Satire, et voilà pourquoi il pousse tout droit devant lui, dès les premières pages, ce petit trot historique qui fait son bonheur sans danger, à travers les causes secondes et troisièmes sur lesquelles il a chance encore de se tromper.

1052. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « M. Eugène Talbot » pp. 315-326

Mais, au seizième siècle, elle est formée, sa mue est faite ; elle a traversé le Moyen Âge, elle a passé à travers Froissard et Commines, puis elle s’est engouffrée dans Rabelais, dans cette espèce d’orgue immense, aux mille tuyaux redoublés et prodigieux aux mille spirales sonores, et elle en est sortie, en harmonies variées et toutes-puissantes, pour ruisseler dans les œuvres d’un temps fécond en écrivains comme ceux que j’ai nommés plus haut.

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