Lorsque Rousseau fut décrété de prise de corps à Paris et à Genève, après l’Émile, Voltaire lui offrit l’hospitalité. […] Le Contrat social n’est pas isolé dans son œuvre et fait corps avec tout ce qui n’y est pas purement romanesque ou poétique. […] Ni un corps ni une pensée ne peuvent tomber hors de l’univers, hors du temps et de l’espace. […] Au-delà, l’âme était tout aussi inconnue. » Il aboutit logiquement à l’ascétisme, au dégoût de la chair, à cause de « l’impossible union des âmes par les corps ». […] Bien mieux, « tant que le corps vivra, l’amour sera contraint, mais sitôt la mort venue, l’amour triomphera de toutes les entraves ».
Ce besoin de déplacer le corps quand on ne peut faire agir l’esprit, est un phénomène moral, qui se retrouve à toutes les époques fortement tenues, où l’on respire un air douteux, mêlé. — La veille de la révolution d’Angleterre, Pyne, Hampden et Cromwell allaient partir. […] Le réalisme artistique accompagne dans sa sphère secondaire3 un corps d’idées supérieures. […] Si je vous adresse cette lettre, madame, c’est pour la vive curiosité pleine de bonne foi que vous avez montrée pour une doctrine qui prend corps de jour en jour et qui a ses représentants dans tous les arts. […] Le réalisme, ou nous nous trompons fort, est la réalité humaine, révélant un corps et une forme artistiques. […] Au fond, les critiques sont de drôles de corps ; les mêmes choses que, par politesse, ils se garderaient bien de dire directement à leur homme, ils s’empressent de le crier du haut des toits de la publicité, par discrétion.
À chaque minute, nous éprouvons vingt sensations, de chaud, de froid, de pression, de contact, de contraction musculaire ; il s’en produit incessamment de légères dans toutes les parties de notre corps ; en outre, les sons, les bruissements, les bourdonnements sont continus dans notre oreille ; quantité de petites sensations de saveur et d’odeur s’éveillent dans notre nez et dans notre bouche. […] D’autre part enfin, les images s’émoussent par leur conflit, comme les corps s’usent par leur frottement.
Il a dessiné dans ses Mémoires d’amusantes silhouettes d’ambassadeurs, de ministres, de courtisans ; le corps diplomatique à Rome est une jolie collection de grotesques lestement enlevés. […] Et ses héroïnes, ses amoureuses, Géluta, Mila, Atala, Cymodocée, les indiennes et la grecque sont de jolies statuettes d’albâtre, dont l’élégance molle écœure vite : Chateaubriand ne connaît pas la femme ; il nous présente toujours des variantes du même type irréel ; toujours il a logé son fantôme d’amour 657 vague et insubstantiel, dans des corps charmants, entrevus un jour par lui en quelque lieu des deux mondes, et qui ont caressé ses yeux ou fait rêver son âme, sans qu’il ait jamais su ou daigné pénétrer la personnalité réelle qui s’y enveloppait.
Car quand, par le plaisir de luy, qui tout régit et modere, si mon ame laissera cette habitation humaine, je ne me reputerai totalement mourir, ains passer d’un lieu en un aultre, attendu, que en toy et par toy je demeure en mon image, visible en ce monde, vivant, voyant, et conversant entre gens d’honneur et mes âmys, comme je souloys… (solebam)… Par quoy, ainsi comme en toi demeure l’image de mon corps, si pareillement ne reluysoient les moeurs de l’ame, l’on ne te jugeroit estreguarde et thresorde l’immortalité de nostre nom ; et le plaisir que prendroys ce voyant seroit petit, Considérant que la moindre partie de moy, qui est le corps, demeureroit, et la meilleure, qui est l’ame, et par laquelle demeure nostre nom en bénédiction entre les hommes, seroit degenerante et abastardie. » Cette lumière dont Rabelais parle à Tiraqueau, ce soleil qu’il oppose aux brouillards plus que cimmeriens du moyen âge, il prit plaisir à s’en éblouir.
Mais souvent à leurs vers défailloit la beauté, Comme aux corps qui n’ont rien qu’une lourde santé. […] Malherbe marqua le caractère et assura l’avenir de la haute poésie en France, le jour où il substitua au mécanisme qui permettait à Ronsard de faire deux cents vers à jeun, et autant après dîner122, un ensemble de difficultés ou plutôt un corps de lois qui devait interdire l’art aux vaines vocations, et ne le rendre accessible qu’aux poëtes vraiment inspirés.
Quant aux apologistes, il se trouvait des corps savants, la Sorbonne par exemple, pour qualifier de sujet royal tel des sujets qu’il avait traités. […] Soit esprit de corps, soit que le jeune feuillant n’eût été que le prête-nom de sa jalousie, il répondit à l’Apologie par des lettres qui, parmi beaucoup de critiques passionnées ou puériles, exprimaient les vrais principes et donnaient les vraies raisons du refroidissement qui suivit le premier enthousiasme pour les écrits de Balzac.
Le correspondant n’y fournit guère que les formules de politesse du commencement et de la fin ; le corps de la lettre pourrait être adressé à tout autre. […] De même que Bossuet trouvait dans sa croyance passionnée à la tradition de l’Église, la sagacité historique qui en aperçoit l’enchaînement sous la mobilité et sous les contradictions des grands corps qui la perpétuent, le sens du moraliste qui découvre au fond des cœurs les causes de la longue obéissance des peuples, l’intelligence qui comprend les grands orthodoxes, et je ne sais quelle amitié, à travers les siècles, qui fait de lui leur frère d’armes dans leurs luttes théologiques ; de même la prévention de Saint-Simon pour une monarchie absolue appuyée sur la noblesse, lui inspira une pénétration impitoyable pour découvrir les vices de la monarchie absolue remplaçant par des roturiers la noblesse disgraciée.
Il possédait le corps complet du péripatétisme, c’est-à-dire l’encyclopédie philosophique de l’antiquité ; il y joignait de nombreux documents sur le platonisme et possédait dans les œuvres de Cicéron, de Sénèque, de Macrobe, de Chalcidius et dans les commentaires sur Aristote presque autant de renseignements sur la philosophie ancienne que nous en possédons nous-mêmes. […] Elle est aux sciences de l’humanité ce que la physique et la chimie sont à la science philosophique des corps.
Le 259 la statue a été découverte au milieu d’une grande affluence, des corps d’état et des sociétés littéraires et artistiques. […] Il insiste et se livre aux plus grands dangers ; mais un génie mystérieux le protège, — c’est le cygne, dans le corps duquel se trouve, l’âme du petit prince, frère de la princesse de Brabant, — péripétie qui se révèle au dénoûment, et qui ne peut être admise que par un public habitué aux légendes de la mythologie septentrionale.
Mais ils se persuadaient qu’il continuait à vivre sous terre, qu’il demeurait uni au corps avec lequel il était né, et que l’homme après la mort continuait d’être animé des mêmes besoins qu’il avait ressentis durant la vie. « Pour que l’âme fût fixée dans cette demeure souterraine qui lui convenait pour sa seconde vie, il fallait que le corps auquel elle restait attachée fut recouvert de terre.
L’Église catholique n’est point une république où l’on recueille les avis des citoyens, et où l’opinion générale se forme par le débat contradictoire des opinions particulières, où l’on peut arriver à persuader le corps tout entier en persuadant successivement chacun de ses membres. […] Je pourrais être chrétien, non de spéculation, mais de cœur, d’âme et de pratique, et ne pas savoir si, en approchant de la sainte table, c’est Jésus-Christ lui-même, corps et âme, que je vais m’assimiler, ou si au contraire l’hostie n’est qu’un symbole d’une assimilation toute spirituelle !
Il a fait plus, et ici je crois en être sûr : je ne crois pas que Vigny malgré ses souvenirs de chasseur, qui certainement l’ont aidé, je ne crois pas que Vigny aurait écrit la Mort du Loup si La Fontaine n’avait pas existé, et aurait compris aussi bien le sublime stoïcisme du loup qui souffre et meurt sans parler, sous les six couteaux qui lui sont entrés dans le corps ; — et il n’aurait pas dit : Comment on doit quitter la vie et tous les maux, C’est vous qui le savez, sublimes animaux. […] Que ces castors ne soient qu’un corps vide d’esprit, Jamais on ne pourra m’obliger à le croire ; Mais voici beaucoup plus… Et alors arrive l’histoire des Renards polonais, dont La Fontaine a reçu le rapport de Jean Sobieski.
La prétention de Michelet est de faire des corps adroits, un dressage de forces manuelles. Mais comme, malgré l’importance que prend la main dans le système de Michelet, il y a toujours en l’homme un bout d’intelligence qui ne tient pas — comme le croyait ou comme le disait Helvétius, dont Michelet semble un disciple retrouvé, — « à la conformation de la main », ce bout d’intelligence a ses exigences et doit être éduqué aussi, comme le corps.
Puis, — cet homme une fois instruit, forgé, fourbi, astiqué comme une arme, un revolver à dix mille coups, à autant de coups qu’il y a occasions de tirer sur l’ennemi dans la vie, et mis face à face avec toutes les difficultés, tous les obstacles, tous les problèmes, tous les sentiments, toutes les passions, toutes les résistances d’une société comme la nôtre, qui n’est pas plus athée résolument qu’elle n’est chrétienne, qui trempe par un bout dans l’athéisme, par l’autre bout dans un christianisme ramolli, — engager la lutte, une lutte hardie, à pleins bras, à plein corps, entre cet homme, trempé dans le feu et la glace de l’enfer, et cette société, écrasante de son poids seul, qui lui oppose la masse de ses préjugés, de son hypocrisie, de son ignavie, et même de sa moralité, s’il lui en reste encore. […] » Voyez enfin la scène du billet par lequel elle se donne à lui, corps et âme, et qui le foudroie de plus belle, qui le fait tomber sous ce pied qui le roule dans la fange et qui l’y maintient jusqu’au moment (car il faut bien que les romans finissent) où une autre femme, la sienne, et son enfant, l’arrachent à cette domination honteuse, si longtemps subie, pour le faire mourir de désespoir !
Elle en poliça tout ce qu’elle put, tout ce qu’il lui fut donné de voir et d’atteindre de ce grand corps par elle-même et de ses propres yeux.
Le ministre de la guerre, Berthier, écrivait à son sujet, le 29 nivôse an ix (19 janvier 1801) : « Citoyens consuls, j’appelle votre attention sur la conduite distinguée du citoyen William Dalton (etc) qui, en combattant avec courage à la bataille du Mincio, où le corps, à la tète duquel il était, a contribué puissamment à la victoire, a été atteint d’une blessure dangereuse et presque mortelle.
Jusqu’à ce moment ses palettes incertaines se chargeaient de couleurs, ses imaginations se heurtaient sans prendre corps, sa muse ne trouvait pas jour ; il attendait.
Si celle-ci ne les surprend et ne les enchaîne, en quelque sorte, par une expression rapide et flexible, qui leur donne à l’instant de la couleur et du corps, tout lui échappe aussitôt, et il ne lui reste plus qu’à combiner ensemble des syllabes et des rimes pour se consoler ou du moins s’étourdir.
La phrase se développe comme une ligne ; elle n’a plus de corps, de modelé ; rien que des contours, ou des arêtes.
Bossuet nous parle de l’ennui qui est naturel à toute âme bien née. « Quelle solitude que ces corps humains !
C’était une opinion universelle, non-seulement en Judée, mais dans le monde entier, que les démons s’emparent du corps de certaines personnes et les font agir contrairement à leur volonté.
Ne craignez point ceux qui ôtent la vie du corps, et qui ne peuvent rien sur l’âme.
On lit dans les mémoires de Montpensier « qu’immédiatement après la mort de Madame (le 20 juin 1670), le roi et la reine allèrent à Saint-Cloud pour jeter de l’eau bénite sur le corps de Madame ; de là au Palais-Royal pour rendre visite à Monsieur.
Madame de La Sablière regarda d’abord cette distraction, cette désertion ; elle examina les mauvaises excuses, les raisons peu sincères, les prétextes, les justifications embarrassées, les conversations peu naturelles, les impatiences de sortir de chez elle, les voyages à Saint-Germain où il jouait, les ennuis, les ne savoir plus que dire ; enfin, quand elle eut bien observé cette éclipse qui se faisait, et le corps étranger qui cachait peu à peu tout cet amour si brillant, elle prit sa résolution, le ne sais ce qu’elle lui a coûté.
Les sujets du grand Roi lui appartenaient corps et biens ; aucune distinction dans leur esclavage.
Il avait, rapporte-t-il, « la gueulle fendue jusques aux aureilles, dedans la gueulle sept langues et chasque langue fendue en sept parties : quoique ce feust, de toutes sept ensemblement parlait divers propos et langages divers : avait parmi la teste et le reste du corps autant d’aureilles comme jadis eut Argus d’yeulx : au reste était aveugle et paralytique des jambes ».
Ceux qui s’établissent d’eux-mêmes les organes de l’opinion doivent se borner à éclairer les gouvernements par leurs écrits ; sitôt qu’ils ont la prétention de vouloir les diriger et en appeler à l’opinion, ils deviennent factieux, En un mot, il faut que l’opinion délègue ses organes, soit dans le corps représentatif, soit dans les jurys, et qu’ensuite elle s’en rapporte à eux, sauf à leur retirer son mandat dans le temps, et avec les formes consacrées.
pour nous prouver que cet Ange de peuple n’est pas tout à fait un corps glorieux.
Qui sait si la plupart des pensées les plus individuelles de Rivarol lui-même ne passeront pas un jour dans la langue française et ne feront pas corps avec elle, comme des inscriptions sur le marbre où elles sont gravées, — et si, comme tant de mots dont le génie qui les a prononcés a été exproprié, pour cause d’utilité publique, avant le Code Napoléon, elles ne seront pas recueillies par quelque Quitard de 1990 ?
Charles de Barthélemy a retiré du corps de l’affreux Python immolé quelques-unes des floches lumineuses qui éclairèrent la laideur du reptile en l’atteignant, et que Fréron tant de fois lança sur Voltaire avec le calme et la sérénité d’un Dieu.
Elle n’a pas à entrer dans l’examen de conscience fait bien indiscrètement, selon moi, dans son épilogue expiatoire… dans la peur du reproche — immérité, dit-il, — d’avoir critiqué l’enseignement moderne à travers l’enseignement ancien, et d’avoir écrit « une satire, historiquement allégorique », du corps enseignant actuel.
Lui aussi était un corps dont son âme ne savait que faire, ainsi que le disait Madame de Châtenay de son ami Joubert.
Il a décrit les premiers spectacles qu’il eut sous les yeux, et qu’on pourrait appeler les Géorgiques de la maison de son père, où son père, adoré comme un roi : Comptait ses gras troupeaux rentrant des pâturages, comme, plus tard, quand il entra aux Gardes du Corps, sous Louis XVIII, il a écrit les choses du temps de cet Empire qui finissait dans le désespoir et de cette monarchie qui recommençait, pour finir avec son espérance.
La brusque disparition d’un dixième peut-être de notre corps électoral jettera un trouble profond dans la direction des affaires publiques.
Il finit par dire qu’il veut renvoyer à Athènes le corps de Démosthène, et que sa tombe sera un plus grand ornement pour sa patrie, que le tombeau de ceux qui sont morts à Marathon.
Chaque mouvement me fait croire que mes pieds sont rompus ; enfin, il saisit les couvertures qui sont sous moi, les tire avec tant de violence que mon corps, rivé au lit de camp par les pieds, en fait un soubresaut et que ma tête va rebondir trois fois sur la planche. […] Il était petit, maigre, étroitement enveloppé d’une redingote de drap marron, et tout ce corps grêle, quoique très robuste peut-être, — l’air d’un paquet de ressorts, — avait, dans l’agacement de l’attente, le tremblement presque convulsif d’une femme qui a ses nerfs. […] On vit leurs corps épris, ceints d’une lueur blonde, Lentement se confondre et se vaporiser ! […] Il était temps que les enfants de naguère prissent des attitudes d’hommes, que notre corps de tirailleurs devint une armée régulière. […] Le peuple regardait, étrangement jaloux, Palpiter ce corps blanc près de ce mufle roux, Et montrait, allumé d’une affreuse luxure, Des rictus de baiser, peut-être de morsure.
Le conseil des ministres, le corps diplomatique, le conseil d’État, les pairs et les députés, ont envahi tous les bancs, et c’est à peine s’il a été permis à quelques journalistes persévérants de pénétrer au milieu de l’auditoire. […] Guizot, et l’histoire telle qu’elle se manifeste par les événements, il y a la même différence qu’entre la mécanique rationnelle et la mécanique appliquée à un genre déterminé de corps. […] Quoiqu’il fût possible d’entrevoir dans Hernani et Marion la perpétuelle opposition de la liqueur et du vase, du diamant et de la gangue, de l’âme et du corps, cependant, cette opposition ne se manifestait pas encore aussi hardiment que dans Triboulet. […] Après avoir caché l’âme de Socrate dans le corps d’un valet, il a jeté l’amour maternel dans le cœur d’une femme adultère, incestueuse, qui partage son lit entre son père et ses frères. […] À proprement parler, ces fils de soie dorée et de laine vulgaire ne tiennent que faiblement au corps de l’étoffe ; ce n’est pas dans ces hors-d’œuvre qu’il faut étudier le dialogue de Shakespeare.
Sa femme, du moins, s’est donnée à lui corps et âme ; mais lui, tout en subissant sa « beauté dévorante », n’a pas donné à Rita tout son cœur. […] Car, finalement, les infirmités de son corps le sauveront peut-être d’autant de déceptions et de douleurs qu’elles lui interdiront de joies. […] Mais, un instant après, un serviteur vient annoncer à Gismonda qu’on a découvert, dans un ravin de la colline des Nymphes, le corps de Zaccharia assassiné. […] Mais Militza-Mignon, d’un coup de poignard, le délivre et se tue sur son corps. […] Mais c’est que, là, elles prennent corps.
Il a dû être, il a été robuste de corps, car son corps tout entier entrait dans l’action. […] Sur les larges feuilles des plantes aquatiques, des serpents d’eau faisaient reluire au soleil leurs corps visqueux, entrelacés en hideux réseaux. […] Cette peinture, souvent d’ailleurs poussée jusqu’à la caricature, est inséparable des mœurs de ce temps et fait corps avec elles. […] Nous avons devant nous des corps vivants, et, l’œil sec, vous travaillez sur eux comme sur des cadavres ! […] C’était là, au point de vue réaliste, la seule fin digne de ce triste corps.
Je vais donc vous parler d’un mouvement littéraire, dans lequel je suis engagé corps et âme, de certaines idées qui me sont consubstantiels comme les vivantes parcelles de ma chair. […] Et, pauvre corps sans âme, il va périr dans des contrées inconnues. […] Désormais, en dehors des corps constitués et des rouages d’État, il existe donc une puissance sociale et intellectuelle, composée de toutes les intelligences de la nation, dont le grand rôle est de préserver contre certaines tentatives rétrogrades les acquisitions de l’espèce humaine. […] Nous sommes grands, nous sommes beaux, nous sommes purs, tellement que nous croyons qu’un matin nous nous réveillerons dans un nouveau corps, nouvelles formes, nouvel être, être supérieur inconnu qui, dans la gradation des êtres, occupe la place au-dessus de l’homme. » De telles paroles, lyriques et fleuries, suffisent à nous prévenir de la portée morale d’un ouvrage. […] Il s’est penché sur le corps en fleur de la bien-aimée, avec le même sentiment d’extase qu’un chrétien qui s’agenouille devant l’hostie.
N’y qu’au milieu de l’Afrique, A qui le chaud qui la pique Noircit mesme jusqu’au sang, Parmi des visages sombres, Où les corps passent pour ombres, Il s’en trouvast un si blanc ? […] Quant à l’autre couplet, j’y reprends la nature, Qui des corps azurés a formé la structure, De n’avoir su placer à ce haut firmament Qu’un soleil seulement. […] Quand il se prit corps à corps avec eux, souvenons-nous qu’il avait vingt-cinq ans, qu’il s’attaquait à des poètes en crédit, que ces poètes étaient tous contre un seul. […] Oui, si les pensées empruntées ne font pas corps avec l’ouvrage ; si je les rencontre parmi des pensées faibles et languissantes, et comme en mauvaise compagnie ; si elles ne sont point amenées invinciblement par la suite du discours ; si je puis les en ôter sans qu’il y ait lacune ; si exprimées en perfection dans l’original, elles ne sont qu’ébauchées dans l’imitateur, oui, il y a imitation, ou plutôt il y a plagiat.
Si l’on s’en tient au sens étroit et étymologique, presque rien — si l’on passe outre, cela peut vouloir dire : individualisme en littérature, liberté de l’art, abandon des formules enseignées, tendances vers ce qui est nouveau, étrange et même bizarre ; cela peut vouloir dire aussi : idéalisme, dédain de l’anecdote sociale, antinaturalisme, tendance à ne prendre dans la vie que le détail caractéristique, à ne prêter attention qu’à l’acte par lequel un homme se distingue d’un autre homme, à ne vouloir réaliser que des résultats, que l’essentiel ; enfin, pour les poètes, le symbolisme semble lié au vers libre, c’est-à-dire démailloté, et dont le jeune corps peut s’ébattre à l’aise, sorti de l’embarras des langes et des liens. […] Le privilège de l’âme élevée au mysticisme est la liberté ; son corps même n’est pour elle qu’un voisin auquel elle donne à peine le conseil amical du silence, mais s’il parle elle ne l’entend qu’à travers un mur, et s’il agit elle ne le voit agir qu’à travers un voile. […] En « poésie » comme en religion, il faut la foi, et la foi n’a pas besoin de voir avec les yeux du corps pour contempler ce qu’elle reconnaît bien mieux en elle-même… » De telles idées furent maintes fois, sous de multiples formes toujours nouvelles, toujours rares, exprimées par Villiers de l’Isle-Adam dans son œuvre. […] En fixant ses yeux monstrueux, mon corps tremble… Il y a comme une auréole de lumière éblouissante autour de lui… Qu’il est beau… Tu dois être puissant, car tu as une figure plus qu’humaine, triste comme l’univers, belle comme le suicide… Comment ! […] Remarque ma figure, calme comme un miroir… je ne suis qu’un simple habitant des roseaux, c’est vrai, mais grâce à ton propre contact, ne prenant que ce qu’il y a de beau en toi, ma raison s’est agrandie et je puis te parler… Moi je préférerais avoir les paupières collées, mon corps manquant des jambes et des bras, avoir assassiné un homme, que ne pas être toi !
» La négresse marronne, le corps tout rouge des coups de fouet qu’elle a reçus, vient implorer Virginie, qui lui dit : « Pauvre misérable, j’ai envie d’aller demander votre grâce à votre maître. […] Pendant que l’un des esprits disait cela, l’autre pleurait tellement, que, de pitié, je perdis connaissance, comme si je mourais, et je tombai comme tombe un corps mort. » Le principe de la littéralité a des ennemis. […] Le poil de mon corps s’est hérissé et j’ai senti passer sur ma face comme un petit souffle. » « J’ai donné le plus souvent possible, dit M. […] Et Telemakos revint à la hâte, ayant laissé sa longue lance dans le corps d’Amphinomos, car il craignait qu’un des Achaïens l’atteignît, tandis qu’il l’approcherait et le frappât de l’épée sur sa tête penchée. […] Ce sont les Pères de l’Église qui lui ont donné ces singularités de style dont s’étonnaient ses contemporains, quand ils l’entendaient appeler Dieu, d’après Tertullien, le souverain grand, Jésus l’Illuminateur des antiquités, le corps de la Vierge une chair angélisée
D’ailleurs, dans les temps de discorde politique, les collections d’intérêts ou d’opinions prennent si bien corps, vivent si bien d’une vie presque individuelle, qu’on ne peut guère les juger sans les irriter, et que des réflexions générales sont parfois aussi offensantes que si elles se rapportaient à des noms propres. […] Ainsi se formaient des corps de doctrine construits avec conséquence et méthode, et textuellement exposés. […] Entre la masse du peuple et les souverains se trouvaient des corps de citoyens qui avaient plus de privilèges à défendre et plus de moyens de résistance ; c’était avec eux seulement que la souveraineté avait à débattre ses intérêts. […] L’examen des statuts de cette société puissante et des doctrines qui lui étaient imputées, le danger de son existence comme corps dans l’État, son influence sur la nation par l’enseignement, c’étaient là des questions de la plus haute importance, et qu’il fallait discuter pour l’Europe entière. […] Pour surcroît d’embarras, déjà une voix éloquente, plus digne que nulle autre de louer M. de Sèze, s’est fait entendre à la tribune du premier corps de l’État6.
Ce thème, qui était celui, le plus ordinairement, des conversations de Villiers, nous le retrouvons dans son œuvre, varié avec une incomparable virtuosité d’inventions comiques ou terribles, car tantôt il attaque « l’ennemi » de front et lutte avec lui corps à corps ; tantôt il ruse et l’attire en des pièges où se montrent toute sa laideur et toute sa bassesse. […] Ce fut à cette époque que je l’ai connu, précocement vieilli, épuisé de corps, mais dans sa plus belle activité d’esprit. […] Le corps social n’est-il point un organisme sujet à des maladies plus ou moins guérissables ? […] Qui de nous n’a senti, dans son sommeil, son corps s’alléger soudain et ses membres perdre leur poids ordinaire ? […] Rapidement son corps s’élevait dans l’air, où il était transporté par une force inconnue et surnaturelle.
L’Étourdi et le Dépit amoureux, premières pièces régulières de notre poète, ne furent imprimés que dix ans après leur apparition à la scène (1653-1663) ; les Précieuses le furent dans les environs du succès, mais malgré l’auteur, comme l’indique la préface ; et ce n’est pas ici une simagrée de douce violence comme tant d’autres l’ont jouée depuis : l’embarras de Molière qui se fait imprimer pour la première fois, à son corps défendant, est visible dans cette préface. […] Tout ce qui n’entre point dans le corps, dit-il, je l’éprouve volontiers ; mais les remèdes qu’il faut prendre me font peur ; il ne faut rien pour me faire perdre ce qui me reste de vie. […] Il fut décidé qu’on accorderait un peu de terre, mais que le corps s’en irait directement et sans être présenté à l’église. Le 21 février, au soir, le corps, accompagné de deux ecclésiastiques, fut porté au cimetière de Saint-Joseph, rue Montmartre.
cette épaule nacrée a bien gagné depuis ; la voilà qui a envahi tout le corps.
Deplace prêtait souvent sa plume aux idées et aux ouvrages de ses amis ; pour lui, il ne chercha jamais les succès d’amour-propre, et je ne saurais mieux le comparer qu’à ces militaires dévoués qui aiment à vieillir dans les honneurs obscurs de quelque légion : c’est le major ou le lieutenant-colonel d’autrefois, cheville ouvrière du corps, et qui ne donnait pas son nom au régiment.
Il protège les sots contre le bourreau comique qui leur enfonce aux applaudissements des sages, ses coups d’épingle dans le corps, et lui arrachant l’épingle, il la plonge agrandie et transformée en glaive de feu dans le sein du bourreau, et dans celui des sages qui applaudissent129. — L’humoriste installe sa propre personne sur le trône130, parce que le petit monde intérieur, plus vaste que le vaste monde extérieur, ouvre à l’imagination un champ infini ; mais s’il élève son moi, c’est pour l’abaisser et l’anéantir poétiquement comme le reste de l’univers. — Il déborde de sensibilité131 : lorsque, planant sur le monde, il se balance dans sa légère nuée poétique, ses larmes brûlantes tombent comme une pluie d’été qui rafraîchit la terre.
Sauf en Vendée, je ne vois aucun endroit ni aucune classe où beaucoup d’hommes, ayant confiance en quelques hommes, puissent, à l’heure du danger, se rallier autour d’eux pour faire un corps.
Cela s’ensuit de l’organisation du corps humain.
C’est là que Chamfort a péri, suicidé deux fois, dans son corps et dans sa pensée.
On n’avait pas montré à ses ouvrages ce dédain et cette hostilité qu’on a pour tous les livres forts dans ce monde quand ils touchent à des idées faites ; car l’homme n’aime pas plus à être dérangé dans son esprit que dans son corps.
Des soldats du régiment de Flandre et de divers corps avaient été admis à ce spectacle, afin qu’ils pussent en porter à leurs camarades le récit et les impressions.
Voir à la fin du volume le corps du délit.
Le maître à danser compte les pas et décrit les révérences de droite à gauche ou de gauche à droite, en avant, en arrière et sur les côtés, et le valet de chambre, qui croit sans douté qu’il n’y a que des corps glorieux à la cour, nous fait le détail des panades du cardinal de Fleury et des coliques du roi, eu termes qu’un écrivain moins royaliste est embarrassé d’indiquer.
Il en a l’éclair et l’éclat de ce grand rire gouailleur qui descend un homme du troisième ciel avec une épithète et lui passe la flèche du ridicule à travers le corps. — Rabelais n’est pas seulement un caricaturiste de premier ordre, comme j’ai appelé Carlyle au commencement de ce chapitre.
Seulement, la trombe hideuse reviendra, et pas plus dans l’avenir que dans le passé, cette poésie de Chénier ne l’empêchera de nous passer sur le corps !
… N’est-il pas digne d’un véritable historien de se demander si jusqu’ici la viabilité de ce grand corps des États-Unis qui se désunira un jour et dont on a déjà entendu craquer les jointures, n’a pas été une viabilité trompeuse ?
Paulin et Littré, ses éditeurs, n’ont songé qu’à la fin de 1857 à réunir en un corps d’ouvrage les écrits dispersés du célèbre rédacteur du National.
Il est évident, en effet, que de ces quatre-vingts lettres retrouvées et publiées il se dégage une tête de vieille femme qui n’est pas celle de la marquise de Créqui des Mémoires, quoique le costume soit le même et bien souvent le ton aussi, ce costume intime, ce linge de corps de la pensée des femmes !
Énigme de corps ou énigme d’âme, quoi qu’elle soit dans l’un ou dans l’autre, laissons ce problème d’une femme qui n’aime point, et qui, par ce côté, ressemble au Démon : « le malheureux qui n’aime pas !
Ils ne sont pas nombreux, heureusement, mais ces sept morceaux, d’assez courte haleine, et que l’on croirait composés pour des revues à deux sous, s’il y en avait en Allemagne, ont tous les défauts et toutes les débilités de ce talent qui n’a pas de corps et peu d’âme, et dont les œuvres, sans statique et sans équilibre, forment un Alhambra, ou, pour mieux parler, une Babel de vapeur, que le premier coup de vent un peu franc va dissiper.
Les philosophes seuls auront le courage de s’enfoncer dans les tautologies et les logomachies de ce Bouddhiste de la logique, qui a créé la science absolue, c’est-à-dire la science qui se connaît par l’idée et dans l’idée, « cette idée qui enveloppe tout l’esprit, qui absorbe l’être et la pensée, l’expérience et la raison, l’histoire et la science, et qui est la raison des choses, leur fin et leur principe ; cette idée qui unit l’âme et le corps, dont l’évolution a trois moments (ce qui est exquis) : être en soi, être contre soi et être pour soi (sans doute le moment le plus agréable !)
Soury, lorsqu’il nous fit l’histoire de Madame Louise de France, la fille de Louis XV, — cette rachitique qui ne l’était pas, — et dont il expliquait, quoiqu’elle fût une adorable femme d’esprit, la sainteté et la bêtise — deux faits, selon lui, congénères, — par le charriage d’un sang immonde et vicié à travers les plus pures veines qui aient jamais étendu leur réseau autour d’un corps virginal… Il procédait par les pustules chimériques de la religieuse Louise de France, pour arriver à la chimérique folie de son divin Maître.
Pauvre de corps, non d’esprit, mais surtout très pauvre d’études, on avait failli lui refuser la prêtrise à cause de son ignorance, et puis on avait cédé à son amour de Dieu et on lui avait donné, de confiance, cette petite cure dans un petit coin de terre, dont il a fait quelque chose de si resplendissant que, de tous les points de la terre, on est venu pour en contempler la splendeur !
Issu d’une famille profondément religieuse, qui l’avait destiné, dès son plus bas âge, au sacerdoce, il n’eut pas besoin pour aller à Dieu de passer, comme saint Colomban, par-dessus le corps de sa mère.
Il dit les tristes variations des corps savants sur ce sujet, et, mêlant la polémique à l’histoire, séparant, dans la question magnétique, l’agent mystérieux confondu tous les jours avec le fluide qu’il emploie, il marque l’agent magnétique du double caractère de la fascination et de la surintelligence, et fait alors sortir la notion catholique de l’observation de tous les faits.
…………………………………………… Elle allait, chantant d’une voix affaiblie, Mêlant la pensée au lin qu’elle allongeait, Courbée au travail comme un pommier qui plie, Oubliant son corps où l’âme se délie.
J’ai l’âme si pesante, Que mon corps gigantesque et ma tête puissante Qui soutiennent le poids des colonnes d’airain Ne la peuvent porter avec tout son chagrin !
Quoique le romancier voie les réalités, et, quand il s’agit de les nommer, ne barguigne pas, le cynisme de ce terrible Richepin, qui ne craignait pas autrefois d’être cynique, qui n’hésitait jamais devant l’expression et se jetait à corps perdu sur elle, n’a plus guères, dans tout ce livre, que quelques traits fort rares, et encore le romancier ne s’y arrête pas, ou, s’il les ose, le croiriez-vous jamais ?
Dans une époque comme la nôtre, sans force de principe et sans force de volonté, je sais bien que ce misérable type d’homme ou de femme à deux amours, indésouillable du premier, ayant pris corps avec cette fange, est le type commun et presque universel ; que c’est le cri du sang, de ce sang que nous avons gâté, et que de son temps tout romancier, qui en porte le joug comme un autre homme, peut jeter ce cri à son tour !
L’intérêt humain du roman a expiré, perdu dans la curiosité pathologique d’un descripteur de phénomènes inouïs, qui, s’ils contractaient un jour l’éternelle clarté de la certitude, en nous donnant (comme c’est la prétention des esprits qui les interprètent), l’abolition de toute distance, la transparence des corps et la vue immédiate des âmes, changeraient toutes les conditions des œuvres humaines, d’un seul coup, et chasseraient jusque du souvenir les littératures.
Tel est, dans le premier, un morceau sur l’éducation des princes, où Julien parle de la nécessité de former leur corps avec leur âme.
Il fallait donc que les grands souverains et les rois commençassent par former des corps de toutes ces masses dispersées ; il fallait rétablir des liens entre les hommes.
Alors il fait voir ce grand homme étendu sur ses trophées ; il présente l’image de ce corps pâle et sanglant, auprès duquel, dit-il, fume encore la foudre qui l’a frappé, et montre dans l’éloignement les tristes images de la religion, et de la patrie éplorée.
Mais tout son corps était déjà usé ; il dut reprendre le chemin de l’hôpital. […] Il l’a représenté tel qu’il était, depuis qu’une congestion l’avait terrassé jeune encore, et lui avait laissé presque un côté du corps inhabile, invalide, paralysé. […] Dans cette extrême faiblesse du corps il y avait visiblement une vive énergie de l’esprit. […] C’est bien là le Bordes des dernières années : une sensibilité admirable, une foi héroïque dans un corps à demi glacé. […] Enfin, le jour tant souhaité arrive, et, à la messe solennelle de la Fête de l’Assomption, Verlaine reçoit l’hostie où la prière et la bénédiction de l’officiant font descendre le corps du Christ.
Ce n’est plus seulement le cœur de Blacas, mais le corps de Blacas tout entier qu’on coupe, qu’on divise, et que le poëte propose d’envoyer à divers peuples de la chrétienté, aux vaillants Poitevins, aux couards Anglais, etc. […] Le Cid, à la fin du onzième siècle, le Cid au siège de Tolède ; les combats corps à corps livrés entre les chefs des deux armées ; cette diversité de mœurs, de costumes, d’armures ; ces hommes du Nord, du Midi, accourus de toute la chrétienté, pour servir sous le drapeau du Cid ; ce grand homme dont la gloire prédomine ; sa vie pleine d’aventures et de périls ; sa générosité : tout cela, diversement reproduit dans les chants populaires, devait donner naissance à un nouvel ordre de compositions romanesques. […] Il y avait plusieurs ordres d’écuyers : écuyer de corps ou d’honneur ; c’était celui qui montait à cheval et marchait à la suite du chevalier ou de la dame du château ; écuyer tranchant ; écuyer échanson ou pannetier ; toutes formes de domesticité. […] Et quand la messe fut chantée, bientôt maintes dames montèrent pour voir et pour regarder ceux, qui veulent garder leur honneur, et mettre cœur, corps et âme pour l’amour de l’honneur et des dames.
je sais bien, elle l’aimait ; et puis…, le printemps, l’énervement des soirs d’otage, les troubles secrets de son corps et, enfin, la grande excuse : son « ignorance » ! […] de ne pas apporter une attention trop soutenue à ce que fait son corps, et de pouvoir se créer une vie morale profondément séparée de l’autre, qui va son train comme elle peut. […] Katerina, vaincue, n’obéit plus qu’aux forces obscures de son corps. […] Mais des passants ont repêché le corps, sur lequel Kanabov se précipite en sanglotant : « Assez ! […] Elle est vivante ou, mieux, vivace ; elle a le diable au corps ; elle est, elle aussi, « une force de la nature », avec des épaules encore maigriottes et deux nattes sur le dos.
Comme, après avoir mis les jésuites à la tête des moines les plus dangereux, il fut sur le point de prendre leur défense, lorsque l’autorité civile les eut bannis du royaume, et l’autorité ecclésiastique retranchés du corps religieux. […] Les veines lui sont ouvertes ; elle expire étouffée par la vapeur d’un bain trop chaud ; sa tête est séparée de son corps et présentée à sa rivale. […] On le lui présenta : il le but, mais sans effet ; ses membres étaient froids, et son corps fermé à l’activité du venin. […] Mais quand les Romains, d’un concert unanime, et rassemblés en corps, seraient venus présenter la couronne impériale à Sénèque, l’aurait-il acceptée ? […] Il ordonne sa fosse sur la mesure de son corps ; il pleure, il s’écrie223 : Quelle fin pour un si grand musicien !
Le Français est actif de corps et paresseux d’esprit. […] L’Église est d’État, elle est, comme nous-mêmes, nommée par le corps de la nation. […] L’Église de France avait été un corps de l’État ; elle avait cessé de l’être et le Concordat ne la replaçait pas, et tant s’en faut, dans cette situation. […] Quoi qu’il en soit, pour résumer, Napoléon Bonaparte a fait de l’Église un corps de fonctionnaires soumis ; il a empêché que toute autre Église ou quasi Église existât en France ; il a préparé ainsi les voies, sous des gouvernements moins autoritaires, à une résurrection ou à un rajeunissement très puissant des corps religieux non assermentés au gouvernement. […] Quelqu’un commandant aux âmes et quelqu’un commandant aux corps, c’est-à-dire chacun de mes sujets coupé en deux !
Pendant une journée et sa nuit, le corps d’armée fait cinquante kilomètres. […] Des corps inconnus, une artillerie gigogne descend de ce Nord où gagnait notre chasse allègre. […] Une lueur douce tombait du ciel… » Au décès de Tranquilin Mazurel, ses camarades acceptent la corvée de veiller le corps, la première nuit. […] C’est que son âme tourmentée a brisé son corps ; et c’est beau. […] Son corps fléchissait ; sa pensée, non.
Il serait des plus facile, à quelqu’un qui croirait que cela en valût la peine, de retracer les pentes d’habitude devenues le lit profond ou non, clair ou bourbeux, où s’écoulent mon style et ma manière actuels, notamment l’un peu déjà libre versification, enjambements et rejets dépendant plus généralement des deux césures avoisinantes, fréquentes allitérations, quelque chose comme de l’assonance souvent dans le corps du vers, rimes plutôt rares que riches, le mot propre évité des fois à dessein ou presque… En même temps la pensée triste et voulue telle, ou crue voulue telle. […] C’était, pour le moment, une vraie tête d’enfant, dodue et fraîche sur un grand corps osseux et comme maladroit d’adolescent qui grandissait encore et de qui la voix, très accentuée en ardennais, presque patoisante, avait ces hauts et ces bas de la mue. […] La nature se livre à qui la veut comprendre ; J’ai goûté la douceur de son corps merveilleux. […] Vous ne l’ignorez pas, nous sommes, apparemment, divisés en quatre camps… Laissez-moi, dire plutôt, puisque nous voici en pleine phraséologie militaire, en quatre corps d’armée sous le même généralissime, l’Art ! Ces quatre corps d’armée seraient donc : Le Symbolisme, le Décadisme, le partisan du vers libre — et les autres, dont je suis.
Mais de bonne heure son organisation délicate s’altéra, son corps frêle ne réussit point à triompher du travail de la puberté ; avant même que sa santé fût totalement perdue, une inégalité d’épaule se prononça, et on a cherché à expliquer en lui par un douloureux ressentiment cette amertume incurable qui se répandit dès lors sur les objets et qui, en toute occasion, s’en prenait au sort. […] Sinon que, pour consolation en ces derniers temps, j’ai acquis des amis tels que vous ; et votre compagnie, qui me tient lieu de l’étude, et de tout plaisir et de toute espérance, serait presque une compensation à mes maux, si la maladie me permettait d’en jouir comme je le voudrais, et si je ne prévoyais que bientôt peut-être ma fortune va m’en priver encore, en me forçant à consumer les années qui me restent, sevré des douceurs de la société, en un lieu beaucoup mieux habité par les morts que par les vivants ; votre amitié me suivra toutefois, et peut-être la conserverai-je même après que mon corps, qui déjà ne vit plus, sera devenu poussière. […] Souvent, lorsqu’à l’excès le soupir enflammé Ne laisse plus de souffle au mortel consumé, Ou bien le frêle corps, mourant de ce qu’il aime, Sous l’effort du dedans se dissout de lui-même ; Et la Mort, par son frère, en ce cas-là prévaut ; Ou bien l’Amour au fond redouble tant l’assaut, Que, n’y pouvant tenir et fatigués d’attendre, Le simple villageois, la jeune fille tendre, D’une énergique main, jettent leurs nœuds brisés, Et couchent au tombeau leurs membres reposés.
En conséquence de ce principe, qui a eu de si grands résultats, Pythagore a soumis au calcul les phénomènes des corps sonores et fixé la justesse absolue des intervalles qui sont contenus dans les limites de l’octave. […] À Viterbe nous avons vu sainte Rose, dont le corps est intact comme celui de Catherine de Bologne, à Bologne. […] J’étais glacé, non seulement des mains et des pieds, mais de tout le corps, et la tête commençait à me faire mal.
Un jour, le prélat étant à sa fenêtre, Benvenuto allait tirer sur lui, s’il ne s’était retiré ; mais, ayant manqué son coup, il tira sur un pigeon qui couvait au haut du palais, et lui enleva la tête, chose difficile à croire ; car il ne voyait que cela du corps de l’oiseau. […] Je vis alors que cet ange m’avait dit la vérité ; et ayant jeté les yeux sur des morceaux de brique que j’aiguisai en les frottant l’un contre l’autre, et avec un peu de rouille que je tirai des ferrures de ma porte avec les dents, et dont je fis une espèce d’encre, j’écrivis sur le bord d’une des pages de ma Bible, au moment où la lumière m’apparut, le dialogue suivant entre mon corps et mon âme : Le Corps.
On dira, de Paris, dans cent ans, comme aujourd’hui, de Paris, la ville active, ingénieuse, orageuse et turbulente, qu’elle était la tête d’un corps énorme, et qu’elle absorbait injustement tout un vaste empire. […] jetez-vous, à corps perdu, dans les bras de la fée lumineuse embrassez-la, qu’elle vous aime, vous encourage et vous console ! […] … Mais enfin l’arrêt était porté ; il a fallu descendre dans l’oubli, cette tombe anticipée des plus grands artistes. — Âme, je te dégage de ton corps !
Défié par le formidable génie saxon, qui l’attirait et faisait pétiller son vieux sang normand, il prit corps à corps le terrible texte de Shakespeare, et il y trouva un Hastings… en sens inverse. […] La gourme de sa jeunesse est jetée… « Le dernier souffle — dit le poète par la bouche de Canterbury — avait à peine quitté le corps de son père, que son extravagance, en lui mortifiée, a semblé expirer aussi.
Et n’y aurait-il pas pour l’humanité une autre vie possible, en dehors de cette éternelle soumission d’esprit et de corps à une poignée de prévaricateurs, forts d’insolence et d’hypocrisie ? […] S’enfuir de l’erreur et revenir à la vérité ; cesser toute relation avec ce grand corps rongé par la lèpre de l’orgueil et du mensonge ; se mettre en rapport direct avec la divinité, désormais absente de sa primitive Église. […] Quoique gentilhomme catholique, Saint-Simon fut assez large d’esprit et de cœur pour ne pas dissimuler la sympathie profonde que lui inspirèrent ces victimes de la théocratie : « La révocation de l’édit de Nantes, écrit-il, sans le moindre prétexte et sans aucun besoin, et les diverses proscriptions plutôt que déclarations qui la suivirent, furent les fruits de ce complot affreux qui dépeupla un quart du royaume, qui ruina son commerce, qui l’affaiblit dans toutes ses parties, qui le mit si longtemps au pillage public et avoué des dragons, qui autorisa les tourments et les supplices dans lesquels ils firent réellement mourir tant d’innocents de tout sexe par milliers, qui ruina un peuple si nombreux, qui déchira un monde de familles, qui arma les parents contre les parents pour avoir leur bien et les laisser mourir de faim ; qui fit passer nos manufactures aux étrangers, fit fleurir et regorger leurs États aux dépens du nôtre et leur fit bâtir de nouvelles villes, qui leur donna le spectacle d’un si prodigieux peuple proscrit, nu, fugitif, errant sans crime, cherchant asile loin de sa patrie ; qui mit nobles, riches, vieillards, gens souvent très estimés pour leur piété, leur savoir, leur vertu, des gens aisés, faibles, délicats, à la rame, et sous le nerf très effectif du Comité, pour cause unique de religion ; enfin qui, pour comble de toutes horreurs, remplit toutes les provinces du royaume de parjures et de sacrilèges, où tout retentissoit de hurlements de ces infortunées victimes de l’erreur, pendant que tant d’autres sacrifioient leur conscience à leurs biens et à leur repos, et achetoient l’un et l’autre par des abjurations simulées d’où sans intervalle on les traînoit à adorer ce qu’ils ne croyoient point, et à recevoir réellement le divin corps du Saint des saints, tandis qu’ils demeuroient persuadés qu’ils ne mangeaient que du pain, qu’ils devoient encore abhorrer.
Mais, le corps étendu, n’oublions pas que l’âme, De même que l’oiseau monte sans agiter Son aile, ou qu’au torrent, sans fatiguer sa rame, Le poisson sait tout droit en flèche remonter, — L’âme (la foi l’aidant et les grâces propices) Peut monter son air pur, ces torrents, ses délices ! Lamartine, très-probablement, ayant fait le même pèlerinage, eût entonné son hymne d’actions de grâces, au sommet, sans s’arrêter à cette comparaison, fort belle d’ailleurs, mais cherchée, de l’oiseau et du poisson, avec l’âme qui monte, tandis que le corps est étendu immobile. — S’il arrivait devant la hutte d’un Highlander, avec une femme, une dame, pour compagne de voyage, qui marquerait quelque répugnance à entrer dans cette hutte enfumée, il la lui décrirait avec détail, avec grâce, comme il fait pour Valneige, et se complairait bientôt magnifiquement à la bénédiction de Dieu sur les cœurs simples qui y sont cachés, mais sans trop s’arrêter et sans plus revenir à l’hésitation de sa compagne.
… toi que le naïf Homère et le sombre Byron lui-même chantèrent dans leurs plus beaux vers, toi qui ranimas longtemps le génie dans le corps débile du maladif Hoffmann ! […] Si la cause de la gaieté se perdait de plus en plus dans l’ensemble, il lui rendait l’avantage dès qu’il paraissait sur un point, et, comme ces foudres de guerre qui ne meurent qu’en triomphant, il ramenait la victoire partout où il était de sa personne. — Dans les repas de corps de la garde royale, il avait nom l’aumônier du régiment. — Sa maladie, une maladie bien cruelle, la pierre, interrompit à peine les saillies de sa vive et indulgente humeur ; il chansonna son mal comme toute chose, sans amertume et en lui pardonnant ; il fit en riant son épitaphe, sans y croire encore.
Non seulement, dans le corps des contribuables, les privilégiés sont dégrevés au détriment des taillables, mais encore, dans le corps des taillables, les riches sont soulagés au détriment des pauvres, en sorte que la plus grosse part du fardeau finit par retomber sur la classe la plus indigente et la plus laborieuse, sur le petit propriétaire qui cultive son propre champ, sur le simple artisan qui n’a que ses outils et ses mains, et, en général, sur le villageois D’abord, en fait d’impôts, nombre de villes sont abonnées ou franches.
Ta chute laboura, comme un coup de tonnerre, Un arpent tout entier sur le sol paternel ; Et, quand son sein meurtri reçut ton corps, la terre Eut un rugissement terrible et solennel : Car Cybèle t’aimait, toi l’aîné de ses chênes, Comme un premier enfant que sa mère a nourri ; Du plus pur de sa sève elle abreuvait tes veines, Et son front se levait pour te faire un abri. […] D’une main supportant son corps demi-penché, Rejetant de son front ses longs cheveux, Psyché Écarte l’herbe haute et les fleurs autour d’elle, Respire, et sent la vie, et voit la terre belle ; Et, blanche, se dressant dans sa robe aux longs plis, Hors du gazon touffu monte comme un grand lis.
À l’appel du soleil on se lève soudain ; Le corps prend sa fraîcheur, l’âme son innocence, Dans cet air transparent et vierge du jardin. […] On eût dit que ce corps si léger n’aurait pas eu besoin de ses pieds pour le porter ; ce n’était qu’une âme habillée.
Peut-être mon frère est là qui souffre et nous appelle dans les gémissements comme il faisait dans les souffrances du corps : “Soulagez-moi, vous qui m’aimez.” […] non, je ne souffre pas dans mon corps.
J’essayai de fermer les yeux pour dormir, mais ce fut impossible, monsieur ; plus je fermais mes paupières, plus j’y voyais en moi-même des personnes et des choses qui me donnaient un coup au cœur et des sursauts à la tête : les sbires sortant de derrière les arbres et tirant cruellement, malgré mes cris, sur mon chien et mes pauvres bêtes ; Hyeronimo lâchant sur eux son coup de feu ; le bandit de sbire mort au pied de l’arbre ; Hyeronimo, surpris et enchaîné, conduit par eux au supplice ; mon père aveugle et ma tante désespérée tendant leurs bras dans la nuit pour le retenir et ne retenant que son ombre ; des juges, un corps mort étalé devant eux ; des soldats chargeant leurs carabines avec des balles de fer dans un cimetière ou une fosse, toute creusée d’avance, attendait un assassin condamné à mort ; puis deux vieillards expirant de misère et de faim à côté de leur pauvre chien blessé dans notre cahute de la montagne, puis des ruisseaux de larmes sur des taches de sang qui noyaient toutes mes idées dans un déluge d’angoisses. […] CLXXII Mais au lieu de cela, mon père, elle ne parla seulement pas de la musique nocturne, pensant sans doute que j’avais étudié un air pour la neuvaine de Montenero, pèlerinage de matelots de la ville de Livourne, et, d’une voix très douce et très encourageante, elle me demanda ce que je comptais faire tout à l’heure en sortant de chez eux, et si j’avais quelque père et quelque mère ou quelque corps de pifferari ambulants qui me recueillerait à Prato, ou à Pise, ou à Sienne, pour me reconduire dans les Abruzzes, d’où je paraissais être descendu avec ma zampogne.
Sa foi était d’attitude, mais l’attitude ne console que le corps : il était très-malheureux. […] Quoi qu’on ait dit d’elle, la nature ne l’avait pas faite à moitié, elle avait l’esprit de son âme, et cette âme était digne d’habiter un si beau corps.
Il ne francise pas moins de mots latins que Rabelais de grecs ; mais, comme Rabelais, quand il n’a songé qu’à s’entendre avec lui-même, il ne réussit pas toujours à les faire entrer dans le corps de la langue. […] Je prends de la fortune le premier argument ; ils me sont esgalement bons154. » Comme il a le mieux peint son humeur, Montaigne a le mieux défini son style « Le parler que j’ayme, dit-il, c’est un parler simple et naïf, tel sur le papier qu’à la bouche ; un parler succulent et nerveux, court et serré, non tant deslicat et peigné que véhément et brusque, Haec demum sapiet dictio, qUse feriet plutôst difficile qu’ennuyeux, esloigné d’affectation, desreglé, descousu et hardy, chaque loppin y face son corps ; non pedantesque, non fratesque, non plaideresque. » C’est là, en effet, le style de Montaigne.
Il y avait dans tout son corps, où régnaient les nerfs, une électricité que chaque sensation renouvelait et qui se communiquait à ses auditeurs. […] Iseult court où elle voit le corps ; elle se tourne vers l’orient, elle prie pour lui, en sanglotant : — Ami Tristan, quand je vous vois mort, je ne puis vivre plus longtemps : vous êtes mort d’amour pour moi ; je meurs aussi d’amour, ami, quand je n’ai pu venir à temps.
Une franche courtisane, étrangère aux roueries et aux rubriques du demi-monde, aurait été plus habile que cette illustre baronne ; elle aurait tout avoué à son amant ; elle lui aurait étalé toutes les souillures de son âme et toutes les profanations de son corps. […] Son âme est pure encore, mais ses paroles, ses manières, ses regards ne le sont plus déjà : le corps est chaste, la robe est souillée.
De même que ses phrases, ses poèmes, ses recueils, ses romans et ses drames sont le développement d’antithèses de plus en plus générales, ses personnages sont presque tous de nature double, comme dimidiés portant en eux la lutte constante ou passagère de deux passions adverses, constitués contradictoirement dans leur âme et dans leur corps, dévoyés par une crise qui retranche leur existence antérieure de leur existence actuelle. […] Elles lui font concevoir trois sortes d’âmes : celles qui sont unes et nues, invariables pendant toute leur existence factice, nettes de tout mélange, constituées comme une force physique ou un corps simple, par une seule tendance et une seule substance.
À revoir ton arbuste et ta demeure vide, Comme l’insecte ailé revoit sa chrysalide, Balayure qui fut son corps ? […] Puis les refroidissements d’ardeur, les déchirements de destinée, les martyres d’esprit, les pertes de cœur, les dépouillements obligés des choses ou des lieux dans lesquels on s’était enraciné, les transplantations plus pénibles pour l’homme que pour l’arbre, les injustices, les ingratitudes, les persécutions, les exils, les lassitudes du corps avant celles de l’âme, la mort enfin, toujours à moitié chemin de quelque chose.
Mais ce qui n’avait été qu’un ornement dans la tragédie, en étant devenu la partie principale, on regarde la totalité des épisodes comme ne devant former qu’un seul corps dont les parties soient dépendantes les unes des autres. […] Ce mot veut dire en grec constitution, parce que c’est cette partie qui forme comme le corps de l’action théâtrale, que la protase ne fait que préparer, et la catastrophe démêler.
Pour Alfred de Musset, la poésie était le contraire ; sa poésie, c’était lui-même, il s’y était rivé tout entier ; il s’y précipitait à corps perdu ; c’était son âme juvénile, c’était sa chair et son sang qui s’écoulait ; et quand il avait jeté aux autres ces lambeaux, ces membres éblouissants du poète qui semblaient parfois des membres de Phaéton et d’un jeune dieu (se rappeler les magnifiques apostrophes et invocations de Rolla), il gardait encore son lambeau à lui, son cœur saignant, son cœur brûlant et ennuyé.
Feydeau ne ressemble pas à ce général de la guerre de Sept Ans qui, lorsqu’il avait ses corps d’armée réunis, ne savait qu’en faire et se hâtait de les disperser, apparemment pour être plus sûr d’être battu ; il ne craint pas d’assembler ses personnages, et, quand il les tient sous sa main, il les fait s’entrechoquer et ne les lâche plus qu’ils ne se soient dit l’un à l’autre ce qu’ils avaient sur le cœur.
Mais, s’il exerça une heureuse influence sur les individus distingués, il échoua dès qu’il voulut introduire une partie de ses idées de réforme dans l’enseignement public ; il ne put faire brèche ; l’Université en corps résista, elle tint bon pour sa grammaire traditionnelle, qui avait été un progrès, en son temps, mais qui était certainement dépassée ; on eut même, je le crois, quelque peine à pardonner à Dübner sa tentative d’amélioration et ses insistances ; car il revint plus d’une fois à la charge, la polémique fut longue, bien des considérations étaient en jeu… N’insistons pas nous-même : le souvenir de ces désaccords et de ces démêlés ne serait point à sa place ici, en présence d’une tombe.
L’auteur nous fait suivre les corps au gibet ; il nous fait toucher du doigt les squelettes ; mais des destinées morales, spirituelles, pas un mot.
Depuis, la décadence a tout envahi : beaucoup de lois et beaucoup de corruption ; des mesures engendrées par les dissensions, arrachées par la violence et dictées par l’ambition, la haine et la jalousie contre les hommes éminents ; les Gracques, les Saturninus et les Drusus, ces agitateurs du peuple ; la corruption et les prétentions insolentes des alliés ; la guerre Italique, puis les guerres civiles ; le bien public oublié et les lois faites à cause des hommes et non pour la République ; enfin, le mépris des coutumes et du droit, jusqu’à ce qu’Auguste donne un corps de lois, qui aboutit à la délation, à la confiscation et à la terreur (terror omnibus intentabatur).
Un vrai comédien copie involontairement les personnages qu’il rencontre ; sa voix monte et baisse avec leur ton, son corps prend leurs attitudes, son visage se grime selon leurs physionomies, leur être passe en lui et transforme le sien.
Dans ce cadre charmant, elle posait l’idéal de l’homme complet : le corps souple, robuste, gracieux, amené à la perfection de sa force et de sa forme, non plus instrument vil et méprisé, mais valant par soi, ayant droit à l’entière réalisation de ses fins propres et particulières, droit d’être et de jouir le plus possible ; l’âme parfaite aussi en son développement, enrichie de tous les modes d’existence qu’il lui est donné de posséder, s’épanouissant avec aisance dans sa triple puissance d’agir, de comprendre et de sentir.
Ou peut-être imaginent-ils une parenté sacrilège entre les désirs inapaisés des âmes saintes d’autrefois et l’inassouvissement de leurs propres corps.
Jésus n’est pas un spiritualiste ; car tout aboutit pour lui à une réalisation palpable ; il n’a pas la moindre notion d’une âme séparée du corps.
Sur ce sujet, l’éloquence de Stelio-Gabriele est intarissable ; ses phrases et ses mains, en un interminable tremblement heureux, caressent sur le corps des lévriers son propre prurit de tuer.
Un grand, gros, fort garçon, occupé à remonter à toute minute, par un geste bête, une paire de lunettes qui lui dévale du nez, et si soufflé par tout le corps d’une mauvaise graisse, qu’il semble en baudruche, et que la plaisanterie ordinaire de Pouthier est de crier : « Fermez les fenêtres ou Pamphile va s’envoler !
Il y a surtout dans cette famille deux oncles très navrés de la mauvaise bonne conduite de leur neveu : deux hommes à femmes ; l’un, un amoureux sentimental et langoureux et qui, surpris par sa belle-sœur dans le lit d’une dame qui venait de quitter sa maison de campagne, lui disait plaintivement : « Je n’ai pu obtenir rien d’elle ; j’ai voulu avoir au moins la chaleur de son corps !
Rien ne se fane plus vite dans une langue que les mots sans racines vivantes : ils sont des corps étrangers que l’organisme rejette, chaque fois qu’il en a le pouvoir, à moins qu’il ne parvienne à se les assimiler.
maigreur terrible du pauvre corps humain !
Il se dévoua pour l’honneur du corps, & le vengea d’une oppresseur, qui faisoit un si grand abus du titre de président.
« Il n’y a que le corps qui prêche ; la mémoire seule dirige la langue, les yeux, les bras : l’esprit & le cœur semblent absens.
En un sens, la théorie classique, comme on l’appelle, convient par un côté à notre philosophie, car elle proclame l’idéal comme loi suprême de l’art, de même que nous considérons l’absolu et le divin comme cause suprême de la nature ; elle préfère, comme nous-mêmes, l’âme au corps et la raison aux sens ; elle place le beau dans l’expression de la vérité et du sentiment, non dans l’imitation colorée et violente des formes matérielles : par ces différentes raisons, la critique classique que représente M.
Molière même, pour ne pas se brouiller avec un corps si dangereux, appela précieuses ridicules celles qu’il mit sur la scène ; depuis ce temps le mot précieuse se prit en mauvaise part, et c’est en ce sens que La Fontaine s’en sert dans cette petite historiette, qu’il lui plaît d’appeler une fable.
Cependant, comme c’était sous le masque du patriotisme et au nom de la liberté, qu’à cette époque déplorable on persécutait les patriotes et qu’on établissait la tyrannie, Chamfort était assez difficile à atteindre : depuis le commencement de la révolution, il marchait sur la même ligne, et en quelque sorte aux premiers rangs de la phalange républicaine ; nul n’avait supporté, avec plus de courage, et ses propres pertes, et les crises violentes qui avaient agité le corps politique, et cette espèce de réforme, ou si l’on veut ce commencement de dégradation sociale, qui, rangeant l’esprit parmi les objets de luxe, privait nécessairement l’amour-propre d’une partie de ses jouissances.
Or le problème ainsi posé n’avait pas été résolu par moi, pas plus que par d’autres philosophes ; je ne puis le nier ; mais ce n’était pas là le problème que j’avais l’intention de résoudre, car c’est identiquement celui de l’union de l’âme et du corps : il y a un terme qu’aucune psychologie ne saurait franchir.
L’agriculteur n’épouse pas la femme, qu’il aime moins que sa charrue et se rejette à corps perdu dans l’amitié.
Et encore pour dire… qu’on vit l’ombre de deux personnes assises au soleil, elle écrit doctement : « Les deux corps, producteurs de l’ombre, venaient de s’asseoir !
C’est un discours sur la cause de l’écho ; un mémoire sur la Transparence des corps, sur le Mouvement relatif ; un Projet d’histoire physique de la terre.
Quand le cercueil fut déposé sur la montagne, des hommes impossibles à méconnaître — car ils avaient sur leurs livrées le chien qui porte une torche allumée dans sa gueule, — élevèrent tout à coup avec des branches d’arbres le bûcher traditionnel de la Sainte Inquisition, sur lequel ils couchèrent, l’ayant arraché de sa bière et roulé dans une chemise d’amiante, le corps de l’empereur décédé.
Ses Mémoires, doivent dire s’il avait été baptisé autrement qu’à la Jean-Jacques Rousseau, le Spartiate de Genève, qui voulait qu’on plongeât le corps de l’enfant, pour le faire fort, dans l’eau glacée, au sortir du ventre des mères, dût-il en mourir, et tant pis pour lui s’il en mourait !
Adam, qui représente la sagesse, la vérité et l’opinion de Μ. de Girardin tout le long de la pièce, « ne sont pas faits comme les autres hommes (textuel) ; ils sont les centaures de ce temps-ci : ils ont une tête de savant sur un corps de soldat », ce qui est la manière progressive d’être centaure au xixe siècle.
Ce roseau pensant de Pascal, qui n’avait pas besoin que la nature s’armât pour l’écraser quand il remuait, lui, l’univers, et qui, comme tous les roseaux, aimait le bord de l’eau, même la plus humble, ce fortuné de renommée qui s’appelait Félicité, le nom le plus mélancoliquement moqueur qui puisse être donné à un homme, ne fut jamais heureux et n’était rien de plus qu’une âme triste dans un corps malade.
Les rhéteurs seuls ont pu inventer cette platitude du vêtement et du corps, pour dire le style et la pensée.
La fonction de la Raison, en un mot, est de rappeler constamment l’homme des perceptions contingentes et personnelles aux perceptions impersonnelles et immuables ; de la nature physique où le retient le corps, à la Raison éternelle d’où lui descend la vérité. » Une telle faculté, qui soude presque l’homme à Dieu, s’il est permis de parler ainsi, devait être la première que la philosophie du dix-huitième siècle, la philosophie du moi et de la chose exclusivement humaine, dût fausser.
« Ce fut encore le clergé français, — dit très bien Rohrbacher, qui ne bronche pas, lui, quand il s’agit de marcher sur le corps des mauvaises doctrines et qui ne bégaie pas quand il faut être net, — ce fut encore le clergé de cette France à laquelle on fait honneur en l’appelant chrétienne, qui y ajouta un troisième schisme, celui du conciliabule de Pise, et dans ces deux siècles (le xive et le xve ) ne produisit ni un saint, ni un docteur d’une doctrine entièrement approuvée par l’Église.
En regard et en contraste, d’un autre côté, je pourrais citer, avant tout, pour prouver ce que j’ose appeler le catholicisme inné des facultés de Dargaud, cette sereine figure du curé et celle plus divine encore de la vieille tante Berthe, deux anges captifs dans des corps de vieillards, deux adorables têtes de saints comme le catholicisme seul en peut produire et le sentiment deviné du catholicisme en peut seul exprimer !
Ce type de femme, simple comme la bête, mais la bête malade et affolée, et d’autant plus affreuse de cette simplicité dégradante qu’elle est un être doublé de la dualité d’une âme qui devrait retenir le corps sur la pente de ses infamies, Juvénal en a gravé l’horreur dans ses vers qui n’ont peur de rien, et qui ont dû faire pousser les hauts cris aux petits maîtres de moralité, s’il y en avait à Rome ; car les moralistes de ce temps étaient des Cyniques qui ne tremblaient pas non plus devant le mot, quand il s’agit de dire les choses.
Ce sage conteur, qui s’appelle providentiellement Le Sage, ne ressemble guères, par exemple, à cet autre conteur à tous crins qui, dans ses romans et dans ses contes, est toujours le philosophe Diderot, ce diable au corps de Diderot !
Ménécée promet d’obéir et se retire ; mais, avant de quitter la scène, il prévient le chœur qu’il n’a fait cela que pour amuser et endormir Créon, et qu’il va se sacrifier lui-même… On apprend, par un premier messager : 1° que Ménécée s’est tué en se précipitant du haut des remparts ; 2° qu’Argiens et Thébains sont aux prises et que les Argiens plient… On apprend, par un second messager, que Polynice et Etéocle se sont battus personnellement l’un contre l’autre et qu’ils se sont tués tous les deux et que Jocaste s’est poignardée sur leurs corps. […] Puis il a fait raconter, comme Euripide — ici, à son grand désespoir sans doute, il ne pouvait pas mettre en tableau ce qui est en récit dans son modèle — les combats des Argiens et des Thébains ; et le combat singulier d’Etéocle et de Polynice, et la mort de Jocaste sur les corps de ses fils. […] Créon ayant, comme dans Euripide, à la fois condamné Œdipe à l’exil et le corps de Polynice à n’être pas enseveli, Œdipe et Antigone feignent de s’éloigner ; puis, quand Créon et tout ce qui l’entoure sont rentrés dans le palais, Œdipe et Antigone reviennent sur la scène, s’emparent du cadavre de Polynice qui est resté là et l’emportent. […] Elle a contre elle son habitude de corps où je ne sais quelle force et vigueur plébéienne se marque, plus que la grâce alanguie, brisée et défaillante. […] Ce général Bourgachard a le diable au corps.
Molinier, dans le corps même des Pensées. […] et dans le corps de l’Apologie prétendue ? […] Jamais, sans doute, dans un corps de soixante-dix ans, usé de travaux et perclus de souffrances, l’activité de l’esprit n’a gouverné plus souverainement. […] Tout son corps se porte en avant et semble provoquer la lutte. […] Ses mains mêmes, longues et maigres, crispées sur les bras du fauteuil, ne semblent attendre qu’un signal pour soulever et lancer tout le corps d’une seule détente.
Ils ont imaginé en conséquence de rendre les gens de lettres responsables en corps de toutes les sottises que font quelques-uns d’entre eux. […] Il faut observer que les gens de lettres ne forment point un corps, & conséquemment n’ont point de jurisdiction les uns sur les autres. […] Il se passionne vivement dans son heureuse ignorance, & il jouit de même ; tel un corps sonore frémit au ton qui lui est propre. […] Les Ecrivains ne doivent faire corps que par leurs idées. […] Tout Écrivain qui veut dire la vérité, ne sçauroit remuer la plume, sans blesser nécessairement quelques corps.
Le réalisme, ou nous nous tromperions fort, est la réalité humaine revêtant un corps et une forme artistiques. […] » Le pied étranger, qui avait conscience d’un corps étranger, ne bougea pas. […] Il remue alors des plaisanteries du poids de 100 kilos, qu’il ne peut soulever qu’à demi, et qui, en lui retombant sur le corps, lui cassent jambes et bras… Il faut voir sa dextérité ! […] L’école du Bon Sens en profita pour lui faire passer sur le corps, à l’exemple de Tullie, sa lourde charrette attelée de bœufs comme le char de nos anciens rois ; et elle empocha la victoire. […] Mais où sont les œuvres qui résument l’effort révolutionnaire, et qui prêtent un corps au monde d’idées qu’il a soulevées ?
Le mariage d’un corps et d’une âme. […] Le corps est une âme qui se sert d’un corps, a énoncé un philosophe antique. […] Dans la religion poétique, l’âme est une harpiste dont la harpe est le corps : harpe à cinq cordes. […] Serait-ce pas au moins joli de dire que les sensations sont la forme insaisissable du corps et la forme saisissable de l’âme ? […] Sur la cheminée, un bronze de Rodin, une faunesse au corps souple, au visage funèbre.
j’ai vu l’une d’entre elles baignée de pleurs, dépouillée de ses vêtements, le corps renversé, la tête dans la fange. […] Les raisons politiques, tirées de l’état présent des esprits, ne manquaient pas à l’argumentation de Camille Jordan : il les développait pleinement et les mettait en lumière ; mais elles étaient vraies alors et avouées, ces raisons de prudence sociale et de sagesse, partout autre part qu’au sein des corps officiels, pour qui l’intérêt personnel et l’instinct de conservation offusquaient le droit, et qui, sans cesse sur la défensive et se sentant menacés, n’avaient de prochain salut et de ressource que dans une crise violente. […] Dans cette triple carrière et en ces trois grandes conjonctures, Camille Jordan fut fidèle à ses principes et à lui-même ; mais sous la Restauration il avait toute sa maturité, son autorité croissait de jour en jour, son éloquence dans un corps usé avait grandi, et le poids de chacune de ses paroles, auquel s’ajoutaient tous les titres du passé et l’honneur d’une belle vie, était considérable. […] Esménard, poète de beaucoup de talent, mais homme de plaisir, sans principes, qui s’était fait par besoin intrigant et instrument de la police, et qui s’attachait aux pas des étrangers de marque et des membres du corps diplomatique, offrit à M. de Senfft ses services dans cette affaire, et en reçut quelques centaines de louis sous prétexte de prévenir par leur emploi les rapports défavorables de la police westphalienne, qui auraient pu donner à l’affaire une tournure plus odieuse. » — En ce qui concerne l’affaire de Mme de Staël, il est toutefois à remarquer, à la décharge d’Esménard, que, dans la lettre à Camille Jordan qu’on va lire, Mme de Staël ne le distingue point des autres censeurs, qu’elle donne pour favorables à la publication.
Un juge compétent, et qui a le droit d’être sévère87, me dit : « En littérature, comme en toutes choses, il faut du saisissable esprit ou corps ; mais que faire de spectres et de fantômes ? […] Ampère allait commencer véritablement et dresser le corps de l’édifice lorsqu’il se découragea. […] L’esprit d’Ampère offrait table rase aux doctrines et aux méthodes des Fauriel, des Niebuhr, Grimm, Goethe… Il ne recevait pas ces doctrines sur la défensive en quelque sorte, et, comme doit faire tout bon universitaire, la baïonnette en avant, à son corps défendant, ce que fit toujours le docte Victor Le Clerc par exemple. […] La lecture de la grammaire de Champollion, qu’il ouvrit un matin sans dessein arrêté, détermina en lui comme une vocation subite, irrésistible : devenu du jour au lendemain disciple de l’illustre inventeur et l’émule de Lepsius, il se plongea à corps perdu dans cette neuve étude qu’il prétendait bien ne pas aller vérifier seulement sur place, mais faire marcher à son tour et avancer.
Au-dessous des longs calculs, des formules d’algèbre, des déductions subtiles, des volumes écrits qui contiennent les combinaisons et les élaborations des cervelles savantes, il y a deux ou trois expériences sensibles, deux ou trois petits faits qu’on vous fait toucher du doigt, un tour de roue dans une machine, une coupure de scalpel sur un corps vivant, une coloration imprévue dans un liquide. […] Son esprit est singulièrement analogue à son corps. […] Ils mettent ici les affaires religieuses, un peu plus loin les événements politiques, ensuite des détails littéraires, à la fin des considérations générales sur les changements de la société et du gouvernement, croyant qu’une collection d’histoires est l’histoire, et que des membres attachés bout à bout sont un corps. […] Parfois, une bande égorge d’un coup cinquante ou soixante bêtes, enlève les peaux et abandonne les corps qui empoisonnent l’air.
Pareil à certains corps radioactifs, il dégagera une énergie perpétuelle sans rien perdre de sa puissance. […] Vous avez livré un corps, mais non l’âme qui l’habite. […] Une lettre missive n’a été établie qu’en vue d’être donnée, sans distinction entre son corps et son âme. […] Nous y faisons allusion, d’ailleurs, dans le corps même de ce présent petit livre52.
Que ton corps tout entier y participe. […] C’est grâce à ces deux vertus qu’il obligea son corps maladif de recouvrer plusieurs fois la santé et qu’il parvint à écarter ces avalanches d’inquiétudes et de doutes toujours suspendues sur la tête de ceux qui ne craignent pas de se colleter avec la pensée. […] Les salariés y apprennent à vouloir ; les divers corps de métier se solidarisent peu à peu. […] Au vrai, chaque fois qu’il y a contrainte, momentanée ou permanente, exercée au nom d’un intérêt commun ou d’un intérêt particulier, le corps social tombe malade ; des éléments qui le constituent, les uns s’atrophient, les autres s’hypertrophient. […] On leur arrache les ongles des pieds et des mains, on leur promène des fers rouges sur le corps ; on les pend, la tête en bas ; on leur broie les parties sexuelles.
Il fonda tout exprès une Revue, pour se payer le plaisir de passer, comme il le disait, sa plume au travers du corps du malencontreux critique. […] La voici au Cirque : il s’agit d’une acrobate qui marche au plafond et semble se mouvoir en l’air sans aucun effort : « C’est déjà presque, dira-t-il, le corps glorieux dont parlent les théologiens. » Et les théologiens ne s’en tiennent pas à cette unique et bizarre apparition ; ce sont encore eux qui viennent aider l’auteur à définir une variété de la sensualité et, pour se montrer encore plus hommes d’église, ils parlent latin cette fois. […] Il a pris corps à corps, pour les renverser, les réputations qui lui ont semblé surfaites. […] Serait-ce une œuvre très difficile que de grouper en corps de doctrines ses principes esthétiques, son Credo littéraire ? […] Il est altéré d’amour éternel, passionné, poétique, et son expérience de la vie parisienne le conduit à considérer l’amour comme un mensonge ou comme un mystère du corps qui dévore la force et la pensée des jeunes hommes36.
Les amusements idiots et méchants de quelques petits vicieux, le scepticisme même de quelques enfants avertissent que le mondain au corps soigné, au langage léger, à l’âme pourrie, ne disparaîtra pas avec la présente génération. […] Or elle est dupe à rebours, car elle généralise ce qu’elle voit dans son pauvre monde factice et, inepte sédentaire de la pensée, elle nie l’amour et l’amitié, comme elle nierait l’Océan et la montagne si son corps n’avait voyagé. […] C’est Habimélah qui parle : « De ses immenses ailes qui couvraient son corps, ramenées en avant comme une sorte de voile pudique (oh ! […] Des vers grandiloquents sont précédés de ces lignes : « La séparation de corps ne rompt point le lien du mariage, elle ne fait que le relâcher. […] Dans le corps dit au repos s’agite l’innombrable armée des mouvements moléculaires, et tel choc dont la masse ne semblera point émue les exaspérera.
Nous le voyons avec les yeux du corps, et tel que M. […] Mais toutes ses sympathies vont à des êtres simples, dont les corps sont vigoureux et sains et qui, uniquement jaloux de développer leurs muscles et de jouir des biens de la terre, retrouvent, en ne suivant que les impulsions de l’instinct, le vrai sens de la destinée humaine13. […] C’est elle que nous recherchons à travers les formes, si incomplètes soient-elles, qu’elle revêt dans nos corps imparfaits ; elle qui nous attire par un invincible attrait. […] Et Villon, qui parlait avec la même ardeur sensuel du corps de la femme « qui tant est tendre et souef », tremblait avec la même épouvante devant les affres de la mort. […] C’est un être très compliqué, un garçon invraisemblable et rempli de contradictions ; pour tout dire d’un mot, c’est un drôle de corps. » Nous ne pouvons mieux faire, pour notre part, que de nous en tenir à l’opinion du plus intime ami de Loti, et de chercher à découvrir quelques-unes des contradictions qui font de ce marin littérateur un si « drôle de corps ».
Votre corps s’est fortifié par cette lutte. […] D’Axa goguenard apprend qu’il est saisi au corps en vertu des Capitulations c’est-à-dire d’un traité conclu, vers 1530, entre le Grand-Turc et François Ier. […] Bêlante d’effroi devant le fantôme de sa fin prochaine, elle appelle à son aide le Porte-Sabre et le Porte-Fétiche, le tueur du corps et le tueur de l’âme. […] Malade de corps et d’âme, possédé de l’inquiétude d’aimer, il va vers l’enfance — il se réfugie dans la foi des ancêtres. […] Par la parole, l’écrit et l’exemple, il ne cessa de recommander la lutte effective, la prise corps à corps constante, individuelle ou collective, avec le régime capitaliste. — « Nous devons faire sans cesse des tentatives révolutionnaires, disait-il à Mokriévitch, dussions-nous être battus et mis en déroute une, deux, dix fois, vingt fois même.
Cette morale, si elle arrivait à se préciser davantage, à prendre corps et à se répandre, n’aurait guère qu’un défaut : celui d’être peu pratique. […] Ils savent comment l’âme se détache du corps, comment elle monte au ciel ; ils connaissent l’architecture du paradis et le minute du jugement dernier. […] Seule, l’âme importe, et l’âme est plus belle dans un corps émacié vêtu de bure que dans un corps pompeux vêtu de soie. […] En sorte que les lois et les usages se trouvent d’accord pour favoriser le règne de la bête et jettent dans sa gueule ouverte les corps et les âmes qu’elle broie. […] Mais, entourés que nous sommes par les diverses formes du mal, qui exposent notre corps et notre âme à de continuels dangers, nous pouvons, selon que nous en avons le sentiment plus ou moins vif, échapper à leur tyrannie.
Dans sa flamme amoureuse croissante, il s’écrie : « Ni la boucle de cheveux de Timo, ni la sandale d’Héliodora, ni le vestibule de la petite Démo, toujours arrosé de parfums, ni le tendre sourire d’Anticlée aux grands yeux, ni les couronnes fraîchement écloses de Dorothée, non, non, ton carquois, Amour, ne cache plus rien de ce qui te servait hier encore de flèches ailées ; car en moi sont tous les traits127. » Il diversifie cette pensée, et, y entremêlant d’autres noms, il se plaît à la redire, non point en pure fantaisie, mais d’un accent pénétré : « J’en jure par la frisure de Timo aux belles boucles amoureuses, par le corps odorant de Démo, dont le parfum enchante les songes, j’en jure encore par les jeux aimables d’Ilias, j’en jure par cette lampe vigilante qui s’enivre, chaque nuit, de mes chansons, je n’ai plus sur les lèvres qu’un tout petit souffle que tu m’as laissé, Amour ; mais si tu le veux, dis, et ce reste encore, je l’exhalerai. » C’est là sa plainte constante, c’est son vœu, même lorsqu’il a l’air de crier merci : « Le son de l’amour plonge sans cesse en mes oreilles, mon œil offre en silence sa douce larme aux désirs ; ni la nuit ni le jour n’ont endormi le mal, mais l’empreinte des filtres est déjà reconnaissable à plus d’un endroit dans mon cœur. […] Vois, la rose amoureuse est en pleurs de ne plus la sentir ici, de ne plus la voir sur mon sein131. » Un autre jour, un matin qu’il est près d’elle et qu’il est heureux, il dit à l’abeille qui voltige : « Abeille qui vis de fleurs132, pourquoi me viens-tu toucher le corps d’Héliodora, quittant pour elle les calices du printemps ?
Le duc de La Rochefoucauld étoit philosophe et n’étoit pas peintre. » Quelqu’un a dit en ce même sens : « Chez La Bruyère, la pensée ressemble souvent à une femme plutôt bien mise que belle : elle a moins de corps que de tournure. » Mais, sans prétendre diminuer du tout La Bruyère, on a droit de trouver dans La Rochefoucauld un angle d’observation plus ouvert, un coup d’œil plus à fond. […] En avançant dans la vie, il en est déjà des pensées de la plupart des hommes comme il en sera bientôt de leurs corps, qui tous iront en poussière aux mêmes éléments.
Le moyen âge, on le sait et on l’ose dire aujourd’hui, fut pour elle une grande époque ; je le répète après tant d’autres, mais avec une conviction d’autant plus profonde que j’y ai été amené avec lenteur et presque à mon corps défendant. […] Jadis il a bondi sur ce même rivage, Où son corps épuisé se repose aujourd’hui ; Il folâtrait dans son jeune âge Sur ce même bâton qui devient son appui… Est-ce assez prosaïque et sec ?
Rousseau aussi est un artisan, un homme du peuple mal adapté au monde élégant et délicat, hors de chez lui dans un salon, de plus mal né, mal élevé, sali par sa vilaine et précoce expérience, d’une sensualité échauffée et déplaisante, malade d’âme et de corps, tourmenté par des facultés supérieures et discordantes, dépourvu de tact, et portant les souillures de son imagination, de son tempérament et de son passé jusque dans sa morale la plus austère et dans ses idylles481 les plus pures ; sans verve d’ailleurs, et en cela le contraire parfait de Diderot, avouant lui-même « que ses idées s’arrangent dans sa tête avec la plus incroyable difficulté, que telle de ses périodes a été tournée et retournée cinq ou six nuits dans sa tête avant qu’elle fût en état d’être mise sur le papier, qu’une lettre sur les moindres sujets lui coûte des heures de fatigue », qu’il ne peut attraper le ton agréable et léger, ni réussir ailleurs que « dans les ouvrages qui demandent du travail482 » Par contre, dans ce foyer brûlant, sous les prises de cette méditation prolongée et intense, le style, incessamment forgé et reforgé, prend une densité et une trempe qu’il n’a pas ailleurs. […] Un soir, au moment de partir pour le bal de l’Opéra, elle trouve sur la toilette la Nouvelle Héloïse 486, je ne m’étonne point si elle fait attendre d’heure en heure ses chevaux et ses gens, si, à quatre heures du matin, elle ordonne de dételer, si elle passe le reste de la nuit à lire, si elle est étouffée par ses larmes ; pour la première fois, elle vient de voir un homme qui aime Pareillement, si vous voulez comprendre le succès de l’Émile, rappelez-vous les enfants que nous avons décrits, de petits Messieurs brodés, dorés, pomponnés, poudrés à blanc, garnis d’une épée à nœud, le chapeau sous le bras, faisant la révérence, offrant la main, étudiant devant la glace les attitudes charmantes, répétant des compliments appris, jolis mannequins en qui tout est l’œuvre du tailleur, du coiffeur, du précepteur et du maître à danser ; à côté d’eux, de petites Madames de six ans, encore plus factices, serrées dans un corps de baleine, enharnachées d’un lourd panier rempli de crin et cerclé de fer, affublées d’une coiffure haute de deux pieds, véritables poupées auxquelles on met du rouge et dont chaque matin la mère s’amuse un quart d’heure pour les laisser toute la journée aux femmes de chambre487.
La nuit je ne trouve ni repos de corps ni repos d’esprit ! […] Ils passèrent près de nous, étendirent le corps du pestiféré, enveloppé de ses habits, sur la terre, et se mirent à creuser en silence son dernier lit, sous les pieds de nos chevaux.
La couleur de ses cheveux et de sa barbe tenait le milieu entre le noir et le blond, dans une telle proportion cependant, que le sombre l’emportait sur le clair, mais que ce mélange indécis des deux teintes donnait à sa chevelure quelque chose de doux, de chatoyant et de fin ; son front était élevé et proéminent, si ce n’est vers les tempes, où il paraissait déprimé par la réflexion ; la ligne de ce front, d’abord perpendiculaire au-dessus des yeux, déclinait ensuite vers la naissance de ses cheveux qui ne tardèrent pas à se reculer eux-mêmes vers le haut de la tête, et à le laisser de bonne heure presque chauve ; les orbites de l’œil étaient bien arqués, ombreux, profonds et séparés par un long intervalle l’un de l’autre ; ses yeux eux-mêmes étaient grands, bien ouverts, mais allongés et rétrécis dans les coins ; leur couleur était de ce bleu limpide qu’Homère attribue aux yeux de la déesse de la sagesse et des combats, Pallas ; leur regard était en général grave et fier, mais ils semblaient par moments retournés en dedans, comme pour y suivre les contemplations intérieures de son esprit souvent attaché aux choses célestes ; ses oreilles, bien articulées, étaient petites ; ses joues plus ovales qu’arrondies, maigres par nature et décolorées alors par la souffrance ; son nez était large et un peu incliné sur la bouche ; sa bouche large aussi et léonine ; ses lèvres étaient minces et pâles ; ses dents grandes, régulièrement enchâssées et éclatantes de blancheur ; sa voix claire et sonore tombait à la fin des phrases avec un accent plus grave encore et plus pénétrant ; bien que sa langue fût légère et souple, sa parole était plutôt lente que précipitée, et il avait l’habitude de répéter souvent les derniers mots ; il souriait rarement, et, quand il souriait par hasard, c’était d’un sourire gracieux, aimable, sans aucune malice et quelquefois avec une triste langueur ; sa barbe était clairsemée et, comme je l’ai déjà dépeinte, d’une couleur de châtaigne ; il portait noblement sa tête sur un cou flexible, élevé et bien conformé ; sa poitrine et ses épaules étaient larges, ses bras longs, libres dans leurs mouvements ; ses mains très allongées mais délicates et blanches, ses doigts souples, ses jambes et ses pieds allongés aussi, mais bien sculptés, avec plus de muscles toutefois que de chair ; en résumé, tout son corps admirablement adapté à sa figure ; tous ses membres étaient si adroits et si lestes que, dans les exercices de chevalerie, tels que la lance, l’épée, la joute, le maniement du cheval, personne ne le surpassait. Cependant, ajoute Manso, il ne parlait pas en public, devant les princes ou devant les académies avec autant de force, d’assurance et de grâce dans l’accent, qu’il y avait de perfection dans le style et dans les pensées, peut-être parce que son esprit, trop recueilli dans ses pensées, portait toutes ses forces au cerveau, et n’en laissait pas assez pour animer le reste de son corps ; néanmoins, dans toutes ses actions, quelque chose qu’il eût à dire ou à faire, il découvrait à l’observateur le moins attentif une grâce virile et une mâle beauté, principalement dans sa contenance, qui resplendissait d’une si naturelle majesté qu’elle imposait, même à ceux qui ne savaient pas son nom et son génie, l’admiration, l’étonnement et le respect. » Manso dit que Torquato avait la vue courte et faible par la continuelle lecture à laquelle il se livrait sans repos, et même par celle de sa propre écriture prodigieusement fine et souvent illisible.
Mais la première douleur qu’éprouva le navigateur, ce fut lorsqu’il découvrit un jour, au loin, le corps et les débris d’un malheureux navire que les plantes marines enlaçaient de toutes parts. […] Alors, dans le silence de la nuit, le vieillard, plein d’une vigueur surprenante, reprenait cette activité toute particulière qu’il avait vouée à son grand ouvrage, et ce n’était qu’à trois heures du matin, quand, pendant l’été, la clarté du jour venait le saluer, qu’il s’accordait le sommeil de courte durée dont avait besoin ce corps tyrannisé par le travail de l’esprit.
Un officier indiscipliné, qui s’absente de son corps sans congé, grognon et grincheux, médisant du métier, dont il sent la servitude et pas du tout la grandeur, un soldat qui ne voit de la guerre que l’horreur, la misère, la brutalité, la face laide et mesquine : voilà Courier au régiment674. […] Un des plus grands monuments de son éloquence, c’est le discours par lequel il refusait d’admettre dans le corps électoral les avocats, les médecins, les capacités, comme on disait, qui n’avaient pas le cens obligatoire, c’est-à-dire cette partie même de la bourgeoisie qui n’avait que les lumières, le travail, sans l’argent.
Le poète n’a plus d’intermédiaires entre nous et lui, ni d’enchanteurs pour nous corrompre, ni le débit et le geste d’un Lekain pour donner de l’accent et du corps à des pensées faibles ou vagues, ni les yeux et la voix d’une Clairon ou d’une Lecouvreur pour prêter de la tendresse à des développements de rhétorique. […] Mais ces beaux échantillons de style ne suffisent pas à donner à son discours un corps et un caractère.
Elles ne font point corps, elles ne font point agrégation ; mais elles sont une société libre, ou, comme le dit Somaise, un état libre dont le gouvernement n’est pas monarchique . […] Ils corrigent les vers médiocres, et font à ces dames des réputations d’esprit. » « Une précieuse », dit-il ailleurs, « doit avoir l’adresse de donner du prix à ses sentiments, de la réputation à ses ouvrages, d’assurer approbation à ses railleries, force à ses sévérités. » Les auteurs soudoyés étaient les ilotes de la république ; aussi se rencontrait-il des précieuses de mauvais caractère qui, oubliant la politique du corps, se donnaient habituellement le plaisir de mettre les auteurs et les beaux-esprits de ce genre à la gêne, et de mortifier leur vanité ; et elles se vantaient de cette habitude : mais leur sévérité, dit de Pure, était combattue par d’autres précieuses.
Ce ne serait pas même rendre justice à la nature ; elle fond d’un seul jet l’âme et le corps, et elle ne permet pas qu’on les sépare, sans mutiler l’impression qu’elle veut produire en nous par les chefs-d’œuvre de sa création. […] Partout dans la chaudière un corps qui se consume ; Partout l’âcre parfum du naphte et du bitume ; Partout l’orgueil humain, follement excité, Luttant dans sa misère avec l’éternité… Des peuples disparus qu’importent ces vestiges ?
Venu après son ami Théophile Gautier, le lapidaire des Émaux et Camées, qui, lui aussi, grave sur pierre et peint sur caillou, Flaubert a été un Théophile Gautier prosaïque, descriptif jusqu’à la minutie, découpant tout et empâtant la couleur sur tout, pour que tout se voie, bombant l’atome et pointillant l’éléphant, et finissant par donner aux yeux de l’esprit la sensation, insupportable pour ceux du corps, que donne une tôle brillant au soleil ; car ses paysages si vantés, ces paysages sans nuances flottantes, sans tons fondus et sans transparence, ont la solidité et l’éclat brusque d’un métal. […] Fatigué, blasé, flétri, vieilli, éreinté de cœur, de corps et d’esprit, Frédéric Moreau, qui a demandé le bonheur de sa vie à l’amour, comme son meilleur ami l’a demandé à l’ambition, repasse un jour avec cet ami leurs deux vies d’hommes à sentiment, et après avoir fait le compte de leurs illusions, souillées dans les malpropretés de l’ambition et de l’amour, ils avisent tout à coup dans leurs souvenirs le petit tableautin du lupanar (pardon !)
Le duc de Mayenne était incommodé d’une grande masse de corps qui ne pouvait supporter ni les armes ni les corvées : l’autre, ayant mis tous les siens sur les dents, faisait chercher des chiens et des chevaux pour commencer une chasse ; et, quand ses chevaux n’en pouvaient plus, forçait une sandrille65 à pied.
Aussi a-t-on pu comparer la double série des orateurs qui se succédaient à la tribune à deux corps d’armée qui auraient défilé l’un devant l’autre, chacun en sens inverse, tirant et faisant feu en l’air, sans se viser ni s’atteindre.
Sitôt que ces enfants étaient en âge, il leur faisait apprendre à tous un métier de leur goût, n’excluant que les professions oiseuses, futiles, ou sujettes à la mode, telles, par exemple, que celle de perruquier, qui n’est jamais nécessaire, et qui peut devenir inutile d’un jour à l’autre, tant que la nature ne se rebutera pas de nous donner des cheveux. » On reconnaît bien là notre consciencieux abbé qui faisait tout tourner à l’utile, même ses habitudes ancillaires, et qui peuplait de ses bâtards les divers corps de métiers.
Il faut supposer qu’elle a été faite pour une belle personne qui, dans un bal costumé, était en lune ou en Reine de la nui t : Son corps était couvert d’un voile en gaze noire Où, sans nombre, on voyait luire des diamants ; Son front, plein du frisson magique de la gloire, Portait le croissant mince et pur des firmaments.
La différence profonde qui, dans le sentiment de Rancé et d’après l’institution rigoureuse de l’Église, devait distinguer les moines proprement dits d’avec le corps du clergé séculier, s’effaçait de plus en plus dans les esprits et n’était plus parfaitement comprise, même des estimables Sainte-Marthe, même des vénérables Mabillon.
Mais si l’on considère de l’humanité son âme, son intelligence, sa moralité, sa destinée évidemment supérieure à cette vie et à cette mort entre lesquelles elle s’agite, sa connaissance de Dieu, l’hommage qu’elle rend à ce maître suprême de ses destinées individuelles ou collectives, la transition entre le fini et l’infini dont elle paraît être le nœud par sa double nature de corps et de pensée, sa conscience, faculté involontaire, révélation, non de la vérité, mais de la justice, son instinct évidemment religieux, son inquiétude sacrée qui lui fait chercher son Dieu, avant tout créature sacerdotale, chargée spécialement par l’Auteur des êtres de lui rapporter en holocauste les prémices de ce globe, la dîme de l’intelligence, la gerbe de l’autel, l’encens des choses créées, la foi, l’amour, l’hymne des créations muettes, la parole qui révèle, le cri qui implore, l’obéissance qui anéantit le néant devant l’Être unique, le chant intérieur qui célèbre l’enthousiasme, qui soulève comme une aile divine l’humanité alourdie par le poids de la matière, et qui la précipite dans le foyer de sa spiritualité pour y déposer son principe de mort et pour y revêtir d’échelons en échelons sa vraie vie, son immortalité dans son union à son principe immortel !
L’homme, en effet, ne change pas quand on passe des Elégies aux Églogues : mais ici l’épicurien mondain du xviiie siècle enveloppe sa conception matérialiste de la vie des sensations fines d’un artiste grec : il traduit en païen son amour de la nature, de la jeunesse, de la vie riante et facile, des beaux corps gracieux et fermes.
Oratio loue la beauté du corps et décrit l’une après l’autre ses perfections.
» au peuple : « Il te faut marcher… en montrant la trique et les dents. » — « Pourquoi ne pas descendre des faubourgs en agitant vos bannières de charité, en avançant les reliques de vos saints légendairement fraternels, en imposant, dans les feux de l’ostensoir, le corps du Christ ?
Les positions et les vitesses des trois corps à un instant donné suffisent pour déterminer leurs positions et leurs vitesses à l’instant suivant, et par conséquent à un instant quelconque.
Les nations modernes ressemblent aux héros, écrasés par leur armure, du tombeau de Maximilien à Innsbruck, corps rachitiques sous des mailles de fer.
Il est donc essentiel que l’homme commence par s’établir en maître dans le monde des corps, afin de pouvoir ensuite être libre pour les conquêtes de l’esprit.
En résumé, deux sortes d’investigations tout aussi nécessaires pour l’étude des phénomènes de l’esprit que pour celle des phénomènes matériels : la première, dont la généralisation de Newton est le type le plus parfait, ramène les faits à des lois et celles-ci à d’autres lois plus générales ; la seconde, dont l’analyse chimique est le type, s’applique non aux successions de phénomènes, mais aux phénomènes complexes eux-mêmes, et les résout en éléments simples, comme cela se fait en chimie pour tout corps composé.
Le plus répandu, ou plutôt le moins obscur, est la Lettre d’un Théologien, dont nous avons eu occasion de parler dans le Discours préliminaire de cette quatrieme édition & dans le corps de l’Ouvrage, à l’article de M. de Condorcet.
Toutes ces vertus ne sont possibles qu’au prix d’un travail constant, d’une épuration perpétuelle, d’études rigides et sévères, Les mathématiques qui expliquent les nombres, la physique qui règle les rapports des corps entre eux, la chimie qui expose leurs décompositions, l’astronomie qui enseigne les mouvements des astres, l’agriculture qui révèle les principes terrestres, la botanique et la médecine qui instruisent les hommes sur les choses du monde, telles sont les sciences nécessaires à la création des stances et des drames.
Il faudrait seulement que les gouvernements, quels qu’ils fussent, que les grands corps littéraires, les Académies elles-mêmes, en revinssent à l’idée qu’une littérature se peut jusqu’à un certain point contenir et diriger.
Le tout est enveloppé dans une sorte de circulation vive qui ne laisse apercevoir aucun intervalle, et qui fait que les jets du moment, les pensées méditées ou notées, les morceaux tout faits, se rejoignent, s’enchaînent avec souplesse, et se meuvent comme les membres d’un même corps.
Comme critique, outre ses travaux sur le théâtre grec, il reste l’auteur d’une Physiologie des écrivains et des artistes ou essai de critique naturelle (Hachette, 1864), visant à remonter du style au corps de l’écrivain, puis au « climat physique et moral » qui enveloppe l’œuvre (p. 190), et du Romantisme des classiques (Calmann-Lévy, 1883), ouvrages qui ont fait date, et ont donné lieu à discussion.
Pendant que le corps se déplace, grâce au chemin de fer, à la diligence ou au bateau à vapeur, l’imagination se déplace aussi.
Qu’est-ce que ces paternités doubles, paternité du corps, paternité de l’esprit, comme celle de David pour Salomon ?
Plus vers la gauche, presqu’au centre de la toile, une grande figure de face, nue depuis la ceinture, couronnée de pampre, bien barbue, bien raide, imitant bien le fauteuil par les deux angles droits que ses jambes font avec ses cuisses et ses cuisses avec son corps, ses cuisses maigres, maigres, ses jambes grêles, grêles.
C’est ainsi qu’une infinité de fausses opinions sur les influences des astres, sur le flux et reflux de la mer, sur le présage des cométes, sur les causes des maladies, sur l’organisation du corps humain, et sur plusieurs autres questions de physique se sont établies.
C’est ce qui ne devoit pas arriver, si la bouche et les parties interieures du masque les plus voisines de cette bouche n’eussent pas été revêtuës d’un corps dur et resonnant qui changeoit quelque chose au son naturel de la voix en augmentant ce son.
Elles prennent ainsi un corps, une forme sensible qui leur est propre, et constituent une réalité sui generis, très distincte des faits individuels qui la manifestent.
Mais que deviendra le corps, « cette vile partie de nous-mêmes » ?
J’appelle nombre une phrase d’une certaine longueur qui est bien faite, dont les différentes parties sont en juste équilibre et satisfont l’oreille comme un corps aux membres proportionnés et bien attachés satisfait les yeux : une phrase nombreuse, c’est une femme qui marche bien.
Pour nous, il y a identiquement les mêmes différences de l’homme à la femme, dans son esprit que dans son corps.
Il se passa bravement autour du corps les bricoles de son entreprise et tira ferme… Un Suisse, c’est presque un Auvergnat !
Il a oublié que, pour l’homme, l’abîme le plus terrible n’est pas celui qu’il a sous les pieds, mais celui qu’il a sur la tête, et que l’âme, comme le corps, meurt aussi bien de trop monter que de trop descendre.
Et dites si tout cela n’appartient pas, corps et biens, depuis des siècles, à l’auteur d’Émaux et Camées et de La Comédie de la mort ?
Je ne cite pas beaucoup d’ordinaire, mais je me fais un rude plaisir en vous citant cela : « Je voudrais — dit-il au commencement de son livre — qu’au lieu de cette scène de repos nous puissions voir ici à plein, des yeux du corps, les royaumes du monde et leurs magnificences.
Les poètes parcourent dans la nature tout ce qui donne des impressions ou agréables, ou fortes, et transportent ensuite ces beautés ou ces impressions dans le langage ; ils attachent par une sensation un corps à chaque idée, donnent aux signes immobiles et lents la légèreté, la vitesse ; aux signes abstraits et sans couleur, l’éclat des images ; aux êtres qui ne sont vus et sentis que par la pensée, des rapports avec tous les sens.
C’est une honte, en effet, que, tombé au premier rang, un vieillard soit gisant à terre, en avant des jeunes, avec une tête blanchie, une barbe grise, exhalant sur la poussière son âme courageuse, couvrant de ses mains les blessures sanglantes, hideuses, de son corps à nu : mais aux jeunes tout sied bien, tant qu’ils ont la fleur brillante du bel âge.
Il emprunte à Stace cet épisode : après le duel des deux frères, la nuit, sur le rempart de Thèbes, Argis, veuve de Polynice, cherche son corps « une lanterne à la main ». […] Un faiseur de romans et un poète de théâtre est un empoisonneur public, non des corps, mais des âmes des fidèles, qui se doit regarder comme coupable d’une infinité d’homicides spirituels, ou qu’il a causés en effet, ou qu’il a pu causer par ses écrits pernicieux. […] » et va se tuer sur le corps de Pyrrhus, laissant Oreste en proie à un accès de folie. […] Victime d’une fatalité qu’elle porte dans son corps ardent et dans le sang de ses veines, pas un instant sa volonté ne consent au crime. […] Tout est indiqué, même les effets physiologiques : Je sentis tout mon corps et transir et brûler… Que ces vains ornements, que ces voiles me pèsent !
Le digne Chiron lui enseignait, pour la consoler de Thésée, que le corps n’a pas d’importance et n’est rien sans l’âme. […] « Mon corps parfait », comme elle dit avec modestie, appartiendra donc à Pâris. […] Vous vous rappelez l’admirable passage de l’Iliade où Hélène, pleurant sur le corps de ce chef tué par Achille, rappelle qu’il ne lui adressa jamais un mot de reproche. […] Je doute que Balzac eût été grand partisan du vote des femmes, et qu’il eût compté dessus pour élever la moyenne intellectuelle du corps électoral. […] Bref, pour Tolstoï, il est absurde de soutenir que le cerveau guide le corps, et il serait aussi raisonnable de placer la direction dans les viscères ou dans les pieds.
C’est Condorcet, optimiste corps et âme, cœur et pensée, par le sentiment et par l’idée, visionnaire froid, qui voit comme flegmatiquement l’humanité bonne en son principe et en son origine, bonne en son développement, quoique contrariée par quelques accidents historiques, bonne, dans son avenir, parfaitement, éperdument, à donner un peu la satiété préalable de tant de bonté et de tant de bonheur. — Mais Condorcet est méthodique, logicien et abstrait. […] Il les habillait de pourpre, bien entendu ; mais aussi il faisait courir la pourpre dans les veines de ces vieux corps. […] Depuis que dans les Odes et ballades il avait parlé d’un « dragon au corps bleu » et qu’on s’était moqué de ce corps bleu, et qu’il s’était résigné à le remplacer par front bleu, il était assez sensible aux équivoques que les mauvais plaisants pouvaient trouver ou mettre dans ses vers. […] Sur quelques seigneurs qui suivaient sa fortune, pour une raison ou pour une autre, peu sûrs ; sur le peuple, très papalin d’ordinaire, mais qui était corps inconsistant et qu’il fallait acheter et racheter sans cesse. […] Elle ne pouvait que prier Dieu ; s’en entretenir, plume en main, de la façon la plus délicate, la plus pénétrante et la plus charmante ; et soigner les corps et soigner les âmes.
Mais une troupe de dauphins auraient rapporté son corps au rivage ; le crime eût été ainsi dénoncé. […] Les Allégories prennent si naturellement les beaux voiles sous lesquels on sent tressaillir un corps de déesse ! […] Avec les yeux spirituels, je pus contempler ce qu’auparavant j’avais souhaité de voir avec les yeux du corps, et je vis une lumière éblouissante. […] On ne pleure pas ; on ne s’évanouit pas : on ne tombe pas comme un corps mort dans les légendes musulmanes. […] Puis il s’abandonna à l’exécuteur, et son corps mort fut brûlé suivant l’arrêt.
Plus en effet nos idées s’élèvent, et plus elles se détachent de terre ; plus elles s’épurent, et moins il y en a de traductions plastiques ; ou encore, plus elles se subtilisent, et moins elles ont de corps. […] Ils ne sont pas encore assez éloignés de leur première existence, assez détachés de leur ancien corps de mort, pour que le malheur d’autrui n’entre pas de quelque chose dans la composition de leur félicité. […] La vie a déserté, d’âge en âge plus brève, Son corps plus affaibli par le luxe et le rêve ; Par sa victoire même il a péri vaincu. […] Comme en effet on voit, dans la nature, les mêmes éléments simples, combinés en des proportions différentes, engendrer des corps dont les propriétés diffèrent également de celles des corps qui leur ressemblent le plus, et de leurs propres éléments ; ainsi, chacun de nous apporte en naissant des aptitudes qui sont uniquement siennes ; et pas plus que nous ne rencontrons deux visages humains qui se ressemblent, deux Ménechmes ou deux Sosies, pas plus il n’y a deux esprits parfaitement semblables. […] Il en résultait une sorte d’universelle humanité ou d’univers humanisé dont le corps humain, dans ses proportions idéales, était le prototype.
Jamais, peut-être, plus qu’au temps de l’Allighieri, ces courants de chaleur, de lumière et d’électricité n’avaient pénétré ce que nous appellerions aujourd’hui le corps social, ce que l’on appelait alors en Italie la patrie, la cité : grands mots dont nous avons perdu le sens. […] Chose grave, dans cette ville des élégances attiques, Dante néglige tout soin de sa personne ; il demeure inculte de corps et d’esprit. […] Lorsque Béatrice dit à son amant que son seul souvenir aurait dû régner sur lui sans partage, elle exprime la théorie, l’idée de l’amour platonique, où la beauté de l’âme a plus de part que la beauté du corps. […] Dans ces sépulcres sont couchés les hérésiarques, les partisans d’Épicure, « qui font mourir l’âme avec le corps. » dit Virgile à Dante : Che l’anima col corpo morta fanno. […] Vous allez me trouver bien obstiné ; mais dans cette beauté, dans cette joie, dans cette activité incessante du corps et de l’esprit, du code aux patins, de l’amphithéâtre à la flûte douce, je ne découvre toujours ni place ni prétexte à la mélancolie.
Quand il se trouvait en face de Voltaire, lui grand, robuste, un colosse de verve et de gaîté, et qu’il avait devant lui ce corps maigre, chétif, tout esprit et vif-argent, mais armé à la légère, il se disait en lui-même, et il disait aux autres : « Je le roulerai quand je voudrai. » Dans cette espèce de duel qu’il engagea plus d’une fois, et où la riposte, bonne ou mauvaise, suffit si elle est roide et prompte, il avait ses avantages, et Voltaire le craignait avec raison ; hors de là, Voltaire méprisait, et il en avait bien un peu le droit, un esprit, un génie même, mais si confiné, si localisé, qui, pourvu qu’il eût ses coudées franches, se complaisait à demeure dans un assez bas étage et ne sentait pas le besoin d’en sortir. […] Il va un peu loin encore, lorsque, désavouant un propos qu’il aurait tenu au roi de Prusse à son sujet, il écrit : « Le roi de Prusse peut m’être témoin qu’il ne m’a jamais parlé de Piron, et que je ne lui ai jamais parlé de ce drôle de corps, qui était alors absolument inconnu. » Piron, en 1740, n’était point « absolument inconnu » ; mais Voltaire a complètement raison lorsque, dans une lettre de cette même année 1776, il donne ce jugement aussi modéré que bref, définitif, et qui achève de régler leurs comptes à tous deux devant la postérité : « Mes amis m’ont toujours assuré que, dans la seule bonne pièce que nous ayons de lui, il m’avait fait jouer un rôle fort ridicule. […] Ce fut, du petit clergé calotin, a qui serait l’aumônier du régiment ; les caillettes de tout parage, du Marais et de Versailles, formèrent le corps des vivandières ; et les racoleurs enrôlèrent sans peine tout le badaudois.
Ne vous mettez pas devant mon soleil de province ; je vous le prêterai pour la santé de votre corps, laissez-le-moi pour le salut de mon esprit. […] elle s’abandonnait corps et âme à cet enivrement ; elle croyait que cette fête serait éternelle. […] Singulier corps que cet historien ! […] David, ne s’est dévoué corps et âme à la représentation des têtes historiques. […] — Et l’œil, et le regard, et le port ; — moins que cela, l’odeur errante autour de ce corps bien ou mal vêtu !
Emigré, misérable, sans pain, en face de la Révolution triomphante, de Voltaire et Rousseau passés dieux, il prend corps à corps le xviiie siècle et veut le convaincre de puérilité. […] Dieu lui dit : « Pourquoi as-tu détruit ton corps ? […] Son corps fut déposé au Panthéon, après les funérailles les plus magnifiques que la France ait vues depuis Mirabeau. […] La raison en est que le poète peint des âmes et non plus des corps, et que les aimer et les faire aimer, les admirer bonnes ou les souhaiter meilleures, est un exercice naturel de ses facultés de penseur. […] Le développement est tellement la forme du lieu commun qu’il fait comme corps avec lui.
Hormis cet homme égoïste, et cette femme au corps si beau, à l’âme si nulle, il n’y a personne dans ces poèmes. […] Beauté, jeunesse, force, santé, voilà pour son corps ; fermeté, courage, bonté, humeur magnanime, c’est la part de son âme. […] Ce sont là des costumes grecs, mais sur des corps vivants ; quant à cette inerte enluminure de Fortunio, elle n’appartient guère aux plus nobles travaux de l’esprit que les prospectus de M. […] Certainement ils n’auraient pour leurs corps aucun danger à courir ; mais du côté de leur succès, ils trouveraient, dans le public, des dispositions capables de les faire reculer.
Et, en attendant qu’ils forment une espèce de « corps », ou presque d’État dans l’État, la fortune et la naissance s’étonnent un peu d’abord, font mine de s’irriter, mais au fond ne s’effarouchent pas, et finalement s’arrangent d’être traitées par eux avec autant de désinvolture et d’agréable impertinence qu’elles se permettaient de les traiter autrefois. C’est qu’aussi bien, depuis quelques années, il s’est fait de singuliers mélanges de la naissance et de la fortune elles-mêmes : « Le corps des laquais — écrit Montesquieu dans ses Lettres persanes, en 1721 — est plus respectable en France qu’ailleurs ; il remplit le vide des autres états. […] Montesquieu avait débuté par des discours sur l’Usage des glandes rénales, 1718, sur la Cause de la pesanteur des corps ; et le premier grand ouvrage dont il eut formé le projet c’était une Histoire physique de la terre. […] Du côté de l’Asie était Mars impétueux et brutal, c’est-à-dire la guerre faite avec fureur ; du côté de la Grèce était Pallas, c’est-à-dire l’art militaire et la valeur conduite par esprit… La Grèce, depuis ce temps, … ne pouvait souffrir que l’Asie pensât à la subjuguer, et en subissant ce joug, elle aurait cru assujettir la vertu à la volupté, l’esprit au corps, et le véritable courage à une force insensée qui consistait seulement dans la multitude. » On n’a jamais mieux défini ce que l’esprit classique avait vu dans les chefs-d’œuvre de l’antiquité : des leçons de morale sociale enveloppées sous les plus poétiques fictions. […] II. — Jean Le Rond d’Alembert [Paris, 1717 ; † 1783, Paris] Sa naissance [il était fils de Mme de Tencin, et, dit-on, du commissaire Destouches] ; — ses études au collège Mazarin ; — sa vocation pour la géométrie ; — ses premiers travaux : Sur la réfraction des corps solides, 1739 ; et Sur le calcul intégral, 1740. — Sa nomination à l’Académie des Sciences, 1741. — Son Traité de dynamique, 1743, et son Mémoire sur la cause générale des vents, 1746 [Cf. sur la valeur des travaux scientifiques de D’Alembert, J.
Rien de plus comique, en effet, que de rencontrer à chaque page, sous la plume de la jeune fille folle de son corps et du précepteur qui a détourné son élève, l’éloge de cette vertu qu’ils bafouent si délibérément. […] Elle se disait qu’elle avait trente ans ; une fatigue infinie allongeait alors son visage et appesantissait son corps, et elle passait sa main sur son front et sur ses yeux, en appuyant et en glissant fortement, comme pour qu’un air neuf la raffermit d’un nouveau contact. […] Les héros prennent corps peu à peu, par petits fragments accumulés. […] Si la première de ces contrées peut être dite le cœur de la France, l’autre n’a pas un rôle négligeable dans l’économie de ce grand corps. […] Stendhal le dit : « Quelques femmes vertueuses et tendres n’ont presque pas l’idée des plaisirs physiques ; elles y sont rarement exposées, si je puis dire, et même alors les transports de l’amour-passion ont presque fait oublier les plaisirs du corps. » Mais c’est la logique sentimentale de Cécile que je ne saisis pas bien.
Comme s’il était le créateur de l’ouvrage, comme s’il était le véritable enchanteur entouré des illusions de son art, Prospero, en s’y montrant à nous, semble le seul corps opaque et solide au milieu d’un peuple de légers fantômes revêtus des formes de la vie, mais dépourvus des apparences de la durée. […] Shakespeare n’a voulu nous intéresser à l’événement de sa pièce que par rapport à Brutus, de même qu’il ne nous a présenté Brutus que par rapport à cet événement ; le fait qui fournit le sujet de la tragédie et le caractère qui l’accomplit, la mort de César et le caractère de Brutus, voilà l’union qui constitue l’œuvre dramatique de Shakespeare, comme l’union de l’âme et du corps constitue la vie, éléments également nécessaires l’un et l’autre à l’existence de l’individu. […] Il n’y trouva plus que le cadavre de Macdowald au milieu de ceux de sa famille ; et la barbarie de ce temps fut révoltée de ce qu’insensible à ce tragique spectacle, Macbeth fit couper la tête de Macdowald pour l’envoyer au roi, et attacher le reste du corps à un gibet. […] Les choses se passèrent comme l’avait annoncé Lonardo ; mais Roméo ayant appris indirectement la mort de Juliette avant d’avoir reçu la lettre du religieux, partit sur-le-champ pour Vérone avec un seul domestique, et, muni d’un poison violent, se rendit au tombeau, qu’il ouvrit, baigna de larmes le corps de Juliette, avala le poison et mourut. […] Dans une de ces ballades, rapportée par Johnson sous le titre de : A lamentable song of the death of king Leir and his three daughters, Lear, comme dans la tragédie, devient fou, et Cordélia ayant été tuée dans la bataille, que gagnent cependant les troupes du roi de France, son père meurt de douleur sur son corps, et ses sœurs sont condamnées à mort par le jugement « des lords et nobles du royaume ».
Je finis ma dixième heure de travail depuis hier au soir, et je suis excédé de toutes les peines de corps qu’il m’a fallu me donner depuis quelques jours. […] Le prince de Ligne, avec la désinvolture qui lui est habituelle, disait : « Le duc de Nivernais écrivait mieux que le duc et le menuisier de Nevers, cet ancien maître Adam qui se servait si souvent des chevilles de son métier ; mais il était aussi délicat d’esprit que de corps, et cela ne l’a mené qu’à sept ou huit fables très ingénieuses.
Il s’ingénia à s’inventer des souffrances, des gênes : il persécuta son pauvre corps avec des raffinements incroyables de dureté. […] On disposera le corps, l’automate, de façon que ses habitudes ne fassent pas obstacle aux mouvements de l’âme, quand la grâce l’inclinera.
L’esprit de corps en offre beaucoup de variétés, l’esprit de famille également et le patriotisme aussi parfois, bien qu’il puisse aussi s’élever très haut. […] Pourtant, la santé de la société, comme celle du corps et celle de l’âme, la santé relative que nous pouvons, avec quelque témérité, espérer, ne peut naître que d’un équilibre de forces opposées, d’un système de tendances divergentes qui abandonnent, pour s’unir, quelque chose de leur nature et se méconnaissent elles-mêmes.
Puis, lorsque j’ai voulu descendre à celles qui étaient plus particulières, il s’en est tant présenté à moi de diverses, que je n’ai pas cru qu’il fût possible à l’esprit humain de distinguer les formes ou espèces de corps qui sont sur la terre, d’une infinité d’autres qui pourraient y être si c’eut été le vouloir de Dieu de les y mettre, ni par conséquent de les rapporter à notre usage, si ce n’est qu’on vienne au devant des causes par les effets, et qu’on se serve de plusieurs expériences particulières. […] Quand une idée simple prend corps, il y a une révolution.
Et tantôt ont éclaté des grèves, ces étranges guerres en pleine paix, où les deux adversaires, au lieu de se saisir et de s’étreindre corps à corps, luttent à qui pourra rester le plus longtemps les bras croisés ; tantôt aux faubourgs des grandes capitales ont surgi des émeutes formidables, prélude sanglant de la guerre la plus implacable qui existe, la guerre de classes, la guerre entre pauvres et riches.
« Brusquement, dit Wagner, l’œil est ébloui par un amoncellement de couleurs éclatantes, un effet de rayonnement qui rend tout indistinct. » Aucune proportion, le monstrueux luxuriant après le monstrueux terrible ; des fleurs énormes et touffues, des orchidées gigantesques et bizarres sort un essaim de fleurs plus frêles, plus animées, vivantes, constamment mobiles ; émergeant à peine de la végétation, vagues, elles traversent la scène en courant ça et là ; puis, tout à coup, le mouvement cesse et ces apparitions prennent corps en devenant immobiles : elles sont couvertes de cépales aux couleurs tendres remontant et descendant de la taille à mi-sein et à mi-jambe ; de fixes étamines ondulent sur elles à chaque mouvement imperceptible. […] A la rigueur inspirée du théâtre antique et la revendication d’un accès populaire au théâtre, se dressent les dorures et les velours, les petites loges intimes et la mise en valeur du corps de ballet, pour le plaisir des bons abonnés qui entretenaient une danseuse.
Au corps matériel de la hiérarchie bourgeoise qui achève sa décomposition, correspond la décomposition des valeurs spirituelles de cette hiérarchie. Le corps matériel retourne à la poussière, l’esprit retourne au néant.
de ta chair, du limon, De ce corps qui, créé par ta faute première, Ayant rejeté Dieu, résiste à la lumière. […] ………………………………………………… La hache souffre autant que le corps, — le billot Souffre autant que la tête, ô mystère d’en haut !
Or, la philosophie chimique cherche à démontrer que ces prétendues forces originales ne sont que les résultantes de la composition toute mécanique des atomes élémentaires ; en sorte que les mouvements intérieurs des corps rentreraient sous les lois de la mécanique aussi bien que les mouvements extérieurs : nouveau pas fait dans la voie de l’imité. […] Le chimiste et le physicien comprennent que ces atomes eux-mêmes qui se combinent sous l’action de lois chimiques et mécaniques pour former les corps ne se meuvent ainsi qu’en vertu d’une activité spontanée.
Hier j’ai dîné ou soupé (il était sept heures du soir) chez le général Thiébault avec le général Lasalle arrivant de Madrid, et se rendant en toute diligence au corps d’armée commandé par le maréchal Masséna en Allemagne, l’empereur lui ayant donné le commandement d’une division de huit régiments de cavalerie légère et de huit pièces de canon.
Aristote a beau nous dire que le corps est dans toute sa force de trente à trente-cinq ans, et que l’esprit atteint à son meilleur point dans l’année qui précède la cinquantaine.
Bossuet, dirai-je donc, c’est l’esprit qui embrasse le mieux, le plus lumineusement, le plus souverainement un corps, un ensemble de doctrines morales, politiques, civiles, religieuses, qui excelle à l’exposer avec clarté et avec éclat, avec magnificence, en se plaçant au point de vue le plus élevé ou au centre, à une égale distance de toutes les extrémités ; à en retenir, à en réunir, à en développer tous les ressorts, à en faire marcher tous les mouvements, à en faire bruire et résonner l’harmonie, comme sous la voûte d’une nef les tonnerres d’un orgue immense ; — mais en même temps, c’est un esprit qui n’en sort pas, de cette nef, de cette sphère si bien remplie, qui ne sent pas le besoin d’en sortir, qui n’invente rien au fond, qui n’innove jamais : il hait la nouveauté, l’inquiétude et le changement ; en un mot, c’est le plus magnifique et le plus souverain organe et interprète de ce qui est institué primordialement et établi.
Entré le second, sorti le second, — le premier dans les mines, il fut bientôt ingénieur en chef dans ce corps savant et professeur de métallurgie à l’École même des mines.
Frochot, dans une première combinaison et par le concours de ses amis du Sénat, est nommé membre du Corps législatif.
Aux époques où l’humanité brise les liens qui l’unissaient sympathiquement à ce qui l’entoure, et où ses propres parties éparses luttent et se dévorent entre elles, quand la plus grande ardeur de destruction est calmée, une anxiété profonde succède ; le malaise moral et la misère matérielle rongent le corps social par sa double extrémité ; un vague et confus besoin d’association se fait sentir et s’exhale en gémissements mal définis, en mouvements désordonnés ; les uns ont faim de pain, les autres ont soif de parole ; tous sont malades et aspirent à la vie.
On accordait, dans l’héroïsme antique, une grande estime à la force du corps ; la valeur se composait beaucoup moins de vertu morale que de puissance physique ; la délicatesse du point d’honneur, le respect pour la faiblesse, sont les idées plus nobles des siècles suivants.
Il jouit du tumulte et de l’incohérence des pensées, des désespoirs qui se livrent, des indignations qui consentent et abdiquent, et des corps vibrants, des cheveux dénoués, des larmes qui voilent et attendrissent la splendeur des beaux, yeux.
Elle fut bientôt la seule voix qu’il écouta, et, les jours qu’il appareillait vers son rêve d’égalité et de fraternité, elle se penchait comme une chimère à l’avant de son navire, le corps hardi, les yeux fixes, la voix grande, les mains et les seins levés vers les fêtes humaines de l’avenir.
Inhabile à flatter, incapable d’offrir à la Fortune le sacrifice de ses pensées, il renonce à ces places où il faut adopter un esprit de corps, c’est à-dire de cupidité, & c’est ici le vrai triomphe de l’homme de Lettres.
Oui, hommes de Lettres vous ne formez qu’un corps, vos intérêts sont les mêmes, rendez-vous respectables ; l’union seule peut concentrer vos forces.
« On prétend, dit Arlequin, que vous avez fait mentir le proverbe, qui dit que la chemise est plus proche de la chair que l’habit, en ne portant point de chemise. » Le capitan avoue que c’était autrefois sa coutume, parce qu’alors, comme il était extrêmement irritable, aussitôt qu’il se mettait en colère, le poil qu’il avait abondamment sur tout le corps, étant aussi velu qu’Hercule, se dressait, perçait sa chemise de toutes parts, et y faisait tant de trous, qu’on l’aurait prise pour une écumoire.
L’idée pour lui est tout ; le corps, qui fait la distinction des personnes, n’est rien.
Il faut se rappeler que les pieds des convives n’étaient point, comme chez nous, cachés sous la table, mais étendus à la hauteur du corps sur le divan ou triclinium.
Elle passa neuf années avec lui, dans une liaison qu’elle ne regardait pas comme un mariage ; depuis la mort de Scarron, elle écrivit à son frère : « Je n’ai jamais été mariée : dans mon union avec Scarron le cœur entrait pour peu de chose, et le corps, en vérité, pour rien77. » Et Scarron, avant de l’épouser, disait à ses amis : Je lui apprendrai bien des sottises, mais je ne lui en ferai point.
Quel cerveau que celui d’une femme qui « épouse Jésus-Christ dans une des ses extases ; qui suffoque de la grace intérieure, & qu’on étoit obligé de délacer ; qui se vuide (à ce qu’elle disoit) de la surabondance de graces, pour en faire enfler le corps de l’élu assis auprès d’elle » !
On a bien de la peine à les reconnoître aux différentes attitudes du corps.
Il pourra donc et, par suite, il devra prendre pour matière principale de ses inductions les sociétés dont les croyances, les traditions, les mœurs, le droit ont pris corps en des monuments écrits et authentiques.
Le trésor des remèdes de l’âme ; mais le trésor des remèdes de l’âme ne me paraît pas plus riche que tant de vastes pharmacopées qui annoncent des remèdes pour tous les maux du corps, et qui guérissent fort peu de malades.
Excepté le mot du duc de Doudeauville, en parlant d’une femme dont le nez était exorbitant : « Je vous conseille de la ménager, car, si vous la fâchiez, elle vous le passerait au travers du corps !
Il a tant bien que mal agencé en corps de doctrine les réflexions, les élucubrations, parfois les divagations de chacun sur la chose poétique.
Elle trouve maintenant à ce corps d’émeraude, soutenu d’ailes de pourpre, une vague ressemblance avec l’image du Saint-Esprit. […] — cette tête qui gouvernait ce corps. […] Si vous n’admettez pas que la peinture suppléera systématiquement, par les moyens qui lui appartiennent et qui font qu’elle est la peinture, à la représentation du corps solide sous ses trois dimensions, il n’y a plus de peinture. […] C’est pourquoi, ne lui parlez pas d’une liberté qui se détacherait en quelque façon du corps, qui le dominerait, et qui l’asservirait à des fins plus élevées que le satisfaction des désirs corporels : il ne vous entendrait pas. […] L’idée, peut-être l’entrevoyez-vous maintenant, c’est que le démon du théâtre, « le diable au corps » dont parlaient nos pères, ne lâche pas sa proie ; et sans doute elle était vraiment neuve.
Ce jour-là a eu lieu l’enlèvement, précédé déjà du don de son corps qui ne trouva point, en l’échange de leurs caresses, le secret de l’impulsion qui les poussait l’un vers l’autre. […] Seigneur, donnez-moi la force et le courage de contempler mon corps et mon cœur sans dégoût, dans cette phrase ; être un saint et un grand homme pour soi-même. […] Aussitôt commence la lutte avec le corps social, les terreurs causées par les moindres coïncidences et la maladie survient, dénouement fatal d’un état de crise intellectuelle. […] C’est l’Époux infernal qui singe la voix, les gestes, les allures de la vierge folle qu’il domine en son corps, et dont il tient toute l’âme, sauf une échappatoire, un sourire, une ironie, une restriction dans l’admiration. […] Sur le seuil de l’enfer, il y a des clartés spirituelles vers où tendre ; armé d’une ardente patience, absorber des réalités ; être soi totalement, âme et corps, penseur indépendant et chaste.
Ce corps de doctrines, d’observations et de résultats, propre à faciliter la critique des diplômes et des chartes, existe : c’est la Diplomatique. […] Pour les organiser en un corps de science il faut une série d’opérations synthétiques. […] CONDITIONS MATÉRIELLES. — 1° Étude des corps : A. […] Emploi du temps (toilette, soins du corps, repas). […] Pouvoirs élus, assemblées, corps électoraux (pouvoirs, procédure). — 2° Institutions ecclésiastiques (mêmes questions). — 3° Institutions internationales : A.
Vous l’avez vu épanoui, élargi, souriant de la bouche, des yeux, et pour ainsi parler, de tout le corps. […] La simplicité voulue est souvent plate et même l’involontaire… Nous comprenons que le poète, par cette facilité d’avatars qui le rapproche des dieux de la mythologie hindoue, aime à s’absenter de son corps et à revêtir pour quelque temps une individualité différente. […] Voyez sa peau qui blêmit et tout son corps que la douleur brise ! […] Elle dit ceci : … Le corps plus jeune que son âme, Archis avait raison, c’est la tunique infâme De Nessus consumant Alcide sur l’Œta. […] ces beautés du corps de la femme, où vont-elles ?
« Quelles solitudes que tous ces corps humains ! […] Elle y mourra ; et nous aurons pitié de sa douleur scandaleuse et innocente, de son corps joli, de son cœur affriolé, de son espérance avilie. […] Il était tout cela, les temps et les pays aimés en lui et qui se détachent de lui : ainsi se défait l’amour, comme les corps se désagrègent. […] Il se termine par les Tombeaux : c’est là que butte finalement la pensée du poète, là, aux tombeaux de pierre qui enferment les corps défunts. […] Il n’a jamais considéré comme vraie, profonde et substantielle l’union des âmes plus que celle des corps.
Il se donne raison contre tous : de même que les résistances des corps savants n’ébranlent point sa foi en sa théorie des couleurs, il demeure fidèle à sa philosophie qui semble un anachronisme. […] Ces petits poèmes, dont la forme est parfaite, sont en effet la glorification de l’amour charnel, de l’inconscience qui entraîne les amants robustes, jeunes et heureux, de l’harmonie qui existe entre la beauté du corps et la beauté des pensées : Ne te repens pas, ma bien-aimée, de t’être sitôt donnée à moi ! […] Il est même prêt à démontrer par une expérience de chimie comment cela se passe : un corps A est uni avec un corps B, « sans que de nombreux essais et de nombreux efforts aient pu les sépare » ; d’autre part, des corps C et D sont unis dans des conditions pareilles. […] Et puis, par-delà les êtres que crée la fantaisie du poète et qui prennent corps à nos yeux, il y a autre chose encore : il y a la force cachée et terrible qui les conduit ; il y a ce qu’on chercherait en vain dans les autres romans de Goethe : le sentiment profond de la destinée, maîtresse irrésistible de nos sentiments, de nos douleurs, de notre vie, qui combine leur marche à sa guise et fait servir à ses fins secrètes jusqu’aux incidents les plus insignifiants en apparence. […] Le major accompagnait de son violon le clavecin de Charlotte ; la flûte d’Édouard s’harmonisait comme autrefois avec le jeu d’Ottilie. » Rien de coupable ne subsiste des violences éteintes : des miracles s’accomplissent sur la tombe d’Ottilie, parce qu’elle fut une sainte de l’amour ; Charlotte a la piété de faire déposer le corps d’Édouard dans le même caveau, qui leur sera réservé à jamais : « des anges, leurs frères, abaissent sur eux, de la voûte, des regards sereins.
Quelles solitudes que tous ces corps humains ! […] Et convient-il de présenter les idées seules ou vêtues seulement d’allégories, sans la réalité qui en est peut-être le corps manifeste ? […] Analogues à des âmes, les idées n’ont pas dans la réalité un domicile meilleur que les âmes dans les corps. […] C’est dans cet esprit que je rejoins mon corps. […] » Et l’on croit que son corps s’est enfoncé, perdu dans la boue.
Comment va-t-elle prendre corps ? […] Marion Delorme est la courtisane à qui l’amour a refait une virginité, âme pure dans un corps souillé ; Triboulet est le bouffon transfiguré par l’amour paternel, âme tendre dans un corps biscornu ; Marie Tudor est la reine sacrifiant à son amour la raison d’État, la femme dans la reine. […] Le beylisme lui eût dit : deux corps se rapprochent, il naît de la chaleur et une fermentation, mais tout état de cette nature est passager. […] L’esprit de corps est, dans son essence, une force qui maintient et soutient les individus, les discipline et les moralise. […] Ces minces plaquettes qui, du vivant de Verlaine, paraissaient isolément, tapageuses et furtives tout à la fois, forment maintenant un corps compact de cinq forts volumes qui font monument.
emprisonner l’âme dans les occupations du corps ! […] Il saisit corps à corps le panthéisme ; il le discute principe par principe, phrase par phrase ; il le pousse en ses derniers retranchements ; il disperse les nuages resplendissants derrière lesquels il se dérobe, et, le mettant aux prises avec la vie pratique, il le force à répondre à son vrai nom, qui est l’athéisme. […] Si je prétends maintenir un pot de fleurs en équilibre sur une fenêtre, sans me conformer aux lois de l’équilibre des corps, le pot, que je le veuille ou non, tombe et se brise. […] N’avaient-ils jamais, en lâchant la bride à leurs passions, excité chez les humbles des passions contraires, de ces passions qui tuent le corps en bouleversant l’âme ? […] » Il vit son père étendu sur son lit de mort, sa barbe blanche tombant sur son corps amaigri, et il respira profondément.
Je conçois bien que le vent agite les feuilles, enfle les voiles d’un navire ; mais je ne comprends pas, je ne crois pas que personne comprenne comment le vent agiterait les corps célestes : la figure employée par M. […] Vous rappelez-vous, mon ami, avoir vu passer dans la demi-teinte projetée sur eux par les œuvres voisines, ces idéales et merveilleuses créations qui, comme les anges de Martinn, portent leur lumière en eux-mêmes : lampes d’albâtre que l’âme fait resplendissante à travers le corps. […] Ce serait faire injure à ce corps, car ce serait supposer que ses membres ne lisent pas et qu’ils restent tout à fait étrangers au mouvement littéraire de notre époque.
L’ingénieux vaudevilliste s’aperçoit qu’une échelle est appuyée contre le corps de bâtiment où se trouve le cabinet directorial dont il voit la fenêtre ouverte. […] L’hémisphère a le corps dérangé. […] Mais, profitant de la circonstance qui m’avait attiré vers Westminster, j’ai réfléchi que je manquerais à tous mes devoirs de touriste si je n’entrais pas dans le vieil édifice où repose, parmi tant d’illustres personnages, le corps de l’immortel auteur de Richard III. […] Aussi la plainte d’un mari n’est-elle admise, judiciairement, qu’après une constatation évidente, et, comme on dit en vénerie, pour juger le délit, il faut l’avoir vu par corps ; autrement, le plaignant court le risque d’être considéré comme un vantard. […] Voyez ce cadran. — L’aiguille est arrêtée sur le chiffre indiquant la pesanteur du corps de ma femme, qui est dans la chambre voisine. — Le moindre objet ajouté à ce poids serait indiqué immédiatement par mon cadran.
Sur un corps encore solide reposait une tête noble et belle. […] N’y observons-nous pas, par exemple, combien le danger aiguise l’énergie individuelle, et la force et l’ingéniosité qu’il communique au corps et à l’esprit. […] Le corps même se met de la partie pour résister étrangement à des fatigues et à des privations bien au-dessus de celles que nous redoutons le plus pour lui. […] Ils allaient ainsi, pouvant à peine marcher quelques heures par jour les jambes en sang, le corps et le visage prodigieusement enflés par la piqûre des moustiques et des maringouins, l’estomac déchiré par les tortures de la faim. […] Elles forment, dites-vous assez plaisamment, « un corps vraiment respectable » sans que leur nombre vous ait paru répondre à ce que l’on s’imagine.
Il servait avant la révolution dans un corps de nobles, à Turin, qu’on appelait les chevaliers-gardes. […] Ainsi, pauvre malheureux, vous souffrez à la fois tous les maux de l’âme et du corps ?
Quand la royauté sera maîtresse, ou plutôt quand la nation se sera constituée en corps par la réunion de tous ses membres, le dialecte de l’Ile-de-France absorbera tous les autres ; il n’y aura qu’une langue, comme il n’y aura qu’une nation. […] « Je considérai, dit-il, que nulle espérance n’estoit, que aucuns faits d’armes se tissent es parties de Picardie et de Flandre, puisque paix y estoit. » Mais ne voulant pas être « oyseux », et se trouvant encore « sain de corps et de mémoire », il va trouver messire Gaston comte de Foix et de Bearn, pour savoir de lui « la vérité de lointaines besognes. » Chemin faisant, il rencontre un chevalier qui lui raconte des histoires de ce pays.
Une lumière magique caresse et moule les formes luxuriantes de son corps de neige. […] Les annales des arts occultes de tous les temps, qui étonneront un jour la science moderne lorsqu’elle saura les comprendre, nous apprennent que tous les magnétiseurs, évocateurs, dompteurs de corps ou d’âmes ont été des mâles puissants qui ont su diriger leurs forces physiques et psychiques vers un but déterminé.
Ce n’est point de son passé que la sensation se renforce et se grossit ; elle est renforcée par les conditions présentes du corps et du cerveau. […] Prétendre que cette auto-détermination, pour laquelle l’avenir même n’a plus de secret, exclut la liberté, c’est la plus étrange des erreurs, puisque la vraie liberté consiste à être déterminé par soi-même, en tant qu’être raisonnable, non à être indéterminé et indifférent, comme un corps en équilibre instable qui attend que le moindre souffle extérieur le fasse pencher d’un côté ou de l’autre.
Ces sociétés où primitivement la coopération était de tous les instants, où les besoins et les tâches étaient les mêmes pour tous, où tous étaient de même race, où la lutte encore ardue contre tout l’ambiant absorbait toute la force vitale de l’homme, le formait et le pétrissait, peuvent être conçues comme homogènesdi, comme formées de membres presque semblables en tout, de corps et d’âme, et s’il y fût né quelque individu original, différent, doué d’inclinations et de pensées qui n’étaient qu’à lui, cet individu, par la force même des choses, par l’oppression de ses compatriotes, aurait été assurément contraint de revenir au module commun. […] Mais, on le voit, la dichotomie est tout autre chez Hennequin, puisqu’elle ne recouvre pas le dualisme du corps et de l’âme.
La rigueur du châtiment est, dans certaines circonstances, un acte d’humanité pour la société en corps.
Quand ils virent ces hauts murs et ces riches tours dont elle était close, et ces riches palais et ces hautes églises dont il y avait tant que personne ne l’eût pu croire, s’il ne l’eût vu proprement à l’œil ; et quand ils virent le long et le large de la ville, qui de toutes les autres était souveraine, sachez qu’il n’y eut homme si hardi à qui la chair ne frémît par tout le corps ; et ce ne fut merveille s’ils s’en effrayèrent, car jamais si grande affaire ne fut entreprise d’aucunes gens depuis que le monde fut créé.
Aussi n’est-ce point une vaine pensée de croire que les corps des hommes illustres ne sont pas tout à fait mortels, et qu’il y a quelque esprit au-dehors qui ne se détache jamais des linéaments admirables dont la nature marque les gens de cette condition, en sorte que dans leurs portraits on connaît leurs génies, et qu’on y voit toujours je ne sais quoi de vif : ainsi qu’aux médailles antiques on dirait que ces têtes romaines respirent encore dans le métal quelque chose de leur vieille vertu.
M. de Carbonnières (c’était le nom aussi sous lequel on le connaissait alors) fut encore admis peu après, par la même protection, dans le corps des gendarmes dits du prince de Soubise.
Montluc s’en revient à pied pendant la plus grande partie du chemin, continuant de porter son bras en écharpe, « ayant plus de trente aunes de taffetas sur lui, parce qu’on lui liait le bras avec le corps, un coussin entre deux ; souhaitant la mort mille fois plus que la vie, car il avait perdu tous ses seigneurs et amis qui le connaissaient. » Il rentre en sa maison, est deux ou trois ans à s’y guérir, et plus tard, quand la guerre se réveille et qu’il reprend le service, il croit avoir tout à faire et à recommencer sa carrière comme le premier jour.
N’enviez point le plaisir qu’il y a de faire l’aumône, puisqu’on la recevant vous pouvez avoir autant de mérite devant Dieu… Votre cœur est content pendant que votre corps travaille ; la plupart des grands ont le cœur agité pendant qu’ils nous paraissent bien heureux.
Aujourd’hui que l’homme de lettres est tant célébré par la raison peut-être qu’il se célèbre lui-même, qu’on ne s’étonne pas trop de cette répugnance de Vauvenargues pour le métier d’homme de lettres, et de ce qu’il n’y arrive que si fort à contrecœur et à son corps défendant.
Le duc de Laval avait de la gaieté dans l’esprit ; c’est lui qui disait d’une grande femme qui avait un grand nez : « Il faut beaucoup la ménager, car si on la fâchait, elle vous passerait son nez au travers du corps. » Le mot a été relevé comme spirituel et original ; mais je ne saurais admettre, avec l’écrivain distingué qui en a fait la remarque, qu’il n’y ait que ce mot-là à retenir dans les deux volumes.
Ce peu pourtant est très digne d’être lu… » M. de Tocqueville avait un peu du dédain des esprits établis pour les aventuriers qui se risquent et commencent, pour ceux qui, engagés à corps perdu dans l’action, ne s’avisent pas d’en raisonner ; il oubliait qu’on ne raisonne pas des choses à perte de vue quand on les touche à bout portant.
il est poète, quoiqu’il n’ait pas la sainte fureur, ni cet aiguillon de désir et d’ennui, qui a été notre fureur à nous, le besoin inassouvi de sentir ; bienqu’il n’ait pas eu la rage de courir tout d’abord à toutesles fleurs et de mordre à tous les fruits ; — il l’est, bien qu’il ne fouille pas avec acharnement dans son propre cœur pour y aiguiser la vie, et qu’il ne s’ouvre pas les flancs (comme on l’a dit du pélican), pour y nourrir de son sang ses petits, les enfants de ses rêves ; — il l’est, bien qu’il n’ait jamais été emporté à corps perdu sur le cheval de Mazeppa, et qu’il n’ait jamais crié, au moment où le coursier sans frein changeait de route : « J’irai peut-être trop loin dans ce sens-là comme dans l’autre, mais n’importe, j’irai toujours. » — Il l’est, poète, bien qu’il n’ait jamais su passer comme vous, en un instant, ô Chantre aimable de Rolla et de Namouna, de la passion délirante à l’ironie moqueuse et légère ; il est, dis-je, poète à sa manière, parce qu’il est élevé, recueilli, ami de la solitude et de la nature, parce qu’il écoute l’écho des bois, la voix des monts agitateurs de feuilles, et qu’il l’interprète avec dignité, avec largeur et harmonie, bien qu’à la façon des oracles.
Mais il a beau faire, il en tient, lui, à son corps défendant et jusqu’aux moelles ; il est bien du fonds gaulois, du plus gras et du plus dru ; quoique, sous l’influence combinée de Bossuet et de M. de Maistre et sous le coup des événements, il ait eu ses inspirations éloquentes, il n’est complètement original que quand il coupe en pleindans sa première veine. — Car des pages même comme celle que je viens d’indiquer sur Saint-Simon, si vertes, si amères d’accent et où la verve, après tout, ne demande qu’à s’étaler insolemment au soleil, cela n’a rien d’épiscopal : c’est du mâle gaulois, c’est du bon Régnier en prose, c’est d’un rude et vaillant compère.
Vrai langage des rois et des maîtres du monde, Tu donnes à l’idée un corps ferme et vaillant.
Ses frères d’armes portèrent son corps à Mont-Louis, où il fut enterré « dans une tombe pareille à celle du pauvre », mais au pied de l’arbre de la liberté. — Ses restes furent ensuite transférés à côté de ceux de Dugommier, dans le cimetière de Perpignan où ils reposent.
Quand on s’est bien édifié autant qu’on le peut sur les origines, sur la parenté immédiate et prochaine d’un écrivain éminent, un point essentiel est à déterminer, après le chapitre de ses études et de son éducation ; c’est le premier milieu, le premier groupe d’amis et de contemporains dans lequel il s’est trouvé au moment où son talent a éclaté, a pris corps et est devenu adulte.
Si l’on ne voit pas, dit-il, « que tous les temps sont unis ensemble, que la tradition du peuple juif et celle du peuple chrétien ne font qu’une seule et même suite, que les Écritures des deux Testaments ne font qu’un même corps et un même livre » ; si on n’y découvre pas « un dessein éternel toujours soutenu et toujours suivi » ; si on n’y voit pas « un même ordre des conseils de Dieu qui prépare dès l’origine du monde ce qu’il achève à la fin des temps, et qui, sous divers états, mais avec une succession toujours constante, perpétue aux yeux de tout l’univers la sainte Société où il veut être servi, on mérite de ne rien voir et d’être livré à son propre endurcissement comme au plus juste et au plus rigoureux de tous les supplices. » A un moment l’orateur impatient, le prédicateur se lève : « Qu’attendons-nous donc à nous soumettre ?
« Voyez ces innombrables travailleurs se délassant au foyer de la famille, ou prenant part à une fête, à un banquet de corps à la face du soleil… « Tout à coup la cloche sonne, une dépêche arrive, le clairon retentit.
« Avec une santé généralement bonne en un sens et constante, mais un corps fatigué de tant d’ennuis et de tant de manières de vivre diverses et le plus souvent contraires, je suis découragé par cette incurable faiblesse des membres qui, en m’ôtant les ressources qu’un autre homme trouverait dans le malheur, me prive de cette résignation, de cette heureuse sécurité que je trouverais dans mes dispositions naturelles, dans les résultats de ma pensée, dans l’habitude d’être ou de me maintenir exempt de passions, de prestiges.
Fidèle au corps d’élite de la poésie, M.
Cet ennui consiste à ne rien voir qui me plaise, et à ne rien faire qui m’amuse ; mais quand le corps ne souffre pas et que l’esprit est tranquille, on doit se croire heureux258. » Un jour, après sa sortie de la Bastille et avant de s’être tout à fait résignée au joug, Mlle Delaunay avait projeté de s’en retourner vivre à son petit couvent de Saint-Louis à Rouen ; où elle avait passé ses seules années de bonheur.
Belle Amelot en chantant nomme son ami, et sa mère l’entend : belle Eglantine ne nomme pas le sien ; mais à voir son « gent corps », sa mère ne peut douter qu’elle en ait un.
En pleine force du corps et de l’esprit, il lâcha tout, charge, femme et fils, pour venir à Paris, et vivre à la solde d’amateurs généreux.
Ce révolutionnaire tintamarresque a des balafres sur la peau et, je pense, quelques balles dans le corps.
Avant que l’âge ne l’eût empâté et bouffi de graisse, il offrait l’image d’un adolescent aimable, au corps svelte moulé de complets ajustés.
En résumé, il y a deux manières d’agir sur le monde, ou par sa force individuelle, ou par le corps dont on fait partie, par l’ensemble où l’on a sa place.
Notre substance ne se renouvelle-t-elle pas plusieurs fois au cours d’une existence moyenne, si bien que le vieillard a dans son corps bien peu. des éléments qui composaient les membres de l’enfant ?
. — Je reviens au Raphaël d’aujourd’hui, à celui de M. de Lamartine : S’il eût tenu un pinceau, dit notre auteur, il aurait peint la Vierge de Foligno ; s’il eût manié le ciseau, il aurait sculpté la Psyché de Canova ; s’il eût connu la langue dans laquelle on écrit les sons, il aurait noté les plaintes aériennes du vent de mer dans les fibres des pins d’Italie… S’il eût été poète, il aurait écrit les apostrophes de Job à Jéhovah, les stances d’Herminie du Tasse, la conversation de Roméo et Juliette au clair de lune, de Shakespeare, le portrait d’Haydé de lord Byron… S’il eût vécu dans ces républiques antiques où l’homme se développait tout entier dans la liberté, comme le corps se développe sans ligature dans l’air libre et en plein soleil, il aurait aspiré à tous les sommets comme César, il aurait parlé comme Démosthène, il serait mort comme Caton.
Aux journées fatales, aux journées d’insurrection et d’émeute, quand sa demeure tout entière est envahie, elle est à son poste ; elle essuie l’outrage avec fierté, avec noblesse, avec clémence, en même temps qu’elle couvre de son corps ses enfants.
Il ne suffit pas à l’enfant de se représenter la corde et le saut pour actualiser pleinement les sensations que produirait la corde enveloppant le corps de son cercle mouvant, ni l’ivresse attachée à ces sensations.
Il vivoit avec tout ce qu’ils avoient en France d’écrivains de distinction : mais il n’aimoit pas le corps.
Il montra, dans sa réponse à l’académicien Dubois, que saint Augustin avoit eu souvent recours à l’art & aux règles de l’éloquence ; qu’il sçavoit être profond, lumineux & véhément à propos ; que, prêchant au peuple d’Hippone sur les sujets les plus stériles & les plus spéculatifs, il avoit mis dans ses discours du corps & de la consistance ; qu’il n’en étoit pas de tous les sermons de ce père comme de ceux qu’on a nouvellement traduits, & qui ne sont que des discours familiers, composés à la hâte, sans préparation & sans méthode.
En effet, si par exemple lorsque je rencontre dans Platon la distinction de l’âme et du corps, je développe ses arguments au point d’en tirer tout ce qu’ils peuvent contenir, et si je traite à fond cette question, je n’ai plus aucune curiosité de savoir ce qu’en ont pensé Descartes et les modernes.
. — Le roman en rimes des trois pèlerinages ; le premier de l’homme durant qu’est en vie ; le second de l’âme séparée du corps, le tiers de N.
Cette pensée magnanime fut mal interprétée par les uns, ne fut pas comprise par les autres ; et nous eûmes le 20 mars, terrible rechute qui faillit coûter la vie au corps social.
L’idée paraît alors une âme qui cherchant son corps l’a rencontré, elle pousse autour de l’image une cristallisation vivante.
« La vierge nubile apprend avec joie les danses a ioniennes ; elle assouplit son corps avec art ; déjà, dans un âge tendre, elle médite d’incestueuses amours.
(Costa) sur la vie et la mort de son fils Alexis-Louis-Eugène de Costa, lieutenant au corps des grenadiers royaux de Sa Majesté le roi de Sardaigne, mort, âgé de seize ans, à Turin, le 21 mai 1794, d’une blessure reçue, le 27 avril précédent, à l’attaque du Col-Ardent (Turin, 1794), avec cette épigraphe : Frutto senil insu ’l giovenil flore. […] A ces banales insultes l’auteur oppose le tableau de ce qu’était ce gouvernement modéré et paternel : il montre en Savoie le clergé et la noblesse ne formant pas de corps séparé dans l’État ; les libertés de l’Église gallicane observées par opposition à ce qui avait lieu en Piémont ; le haut clergé sans faste, exemplaire de mœurs ; le bas clergé (expression qui était inconnue) jouissant de toute considération, et la noblesse elle-même paraissant assez souvent dans cette classe des simples curés. […] Depuis plus de vingt ans, le tribunal supérieur chargé de cette opération délicate n’avait jamais suspendu ses fonctions. — Mais, à chaque instant, des vues lumineuses et de haute politique générale sillonnent le sujet et élargissent les horizons : « Il est bon, dit le publiciste, en tout ceci purement judicieux, qu’une quantité considérable de nobles se jette dans toutes les carrières en concurrence avec le second ordre ; non-seulement la noblesse illustre les emplois qu’elle occupe, mais par sa présence elle unit tous les états, et par son influence elle empêche tous les corps dont elle fait partie de se cantonner… C’est ainsi qu’en Angleterre la portion de la noblesse qui entre dans la Chambre des communes tempère l’âcreté délétère du principe démocratique qui doit essentiellement y résider, et qui brûlerait infailliblement la Constitution sans cet amalgame précieux. » Et plus loin : « Observez en passant qu’un des grands avantages de la noblesse, c’est qu’il y ait dans l’État quelque chose de plus précieux que l’or187. » Il raille de ce bon rire, qui s’essaye d’abord comme en famille, ses compatriotes devenus les citoyens tricolores, et se moque des raisonnements sur les assignats : « Lorsque je lis des raisonnements de cette force, je suis tenté de pardonner à Juvénal d’avoir dit en parlant d’un sot de son temps : Ciceronem Allobroga dixit 188 ; et à Thomas Corneille d’avoir dit dans une comédie en parlant d’un autre sot : Il est pis qu’Allobroge. » Mais déjà il passe à tout moment la frontière et ne se retient pas sur le compte de la grande nation : « Quand on voit ces prétendus législateurs de la France prendre des institutions anglaises sur leur sol natal et les transporter brusquement chez eux, on ne peut s’empêcher de songer à ce général romain qui fit enlever un cadran solaire à Syracuse et vint le placer à Rome, sans s’inquiéter le moins du monde de la latitude. […] Étonné lui-même de ce que son esprit ne se ressentait point de la faiblesse de son corps, il nous disait en riant : Vous serez fort surpris de ne trouver plus un jour dans ce lit qu’un pur esprit
Elle porta donc la peine d’être crue saine d’esprit et de corps. […] les membres d’un même corps, les enfants d’un même père, les héritiers d’un même royaume, les pierres d’un même édifice, les portions d’une même masse ; les chrétiens ! […] Les philosophes et les encyclopédistes, isolés il y a treize ans, et non seulement inconnus, mais hostiles les uns aux autres, maintenant groupés autour d’une entreprise commune, sont un corps dont l’esprit dirige à son gré l’opinion. […] Ils fuient cette scène de scandale ; à droite, le dernier fait le geste de l’indignation pharisaïque ; à gauche, le dernier fait le geste de la confusion exaspérée ; l’un et l’autre, par un même mouvement du bras, par une même indication de tout le corps, tourné de trois quarts, terminant l’action. […] Un contraste, idée plastique, un corps blanc, livide et mort, porté par des hommes sanguins, et pleuré, dans un deuil qui les rend plus belles, par de grandes Lombardes aux cheveux roux.
Il y joignit ces talents corporels qui développent l’énergie de l’âme et du corps ; il devint bientôt un habitué des salles d’armes, le lion de l’escrime et l’agneau des fils de l’homme. […] Il n’y eut pas été un moment qu’il envoya demander à sa femme un oreiller rempli d’une drogue qu’elle lui avait promis pour dormir. « Tout ce qui n’entre point dans le corps, dit-il, je l’éprouve volontiers ; mais les remèdes qu’il faut prendre me font peur ; il ne faut rien pour me faire perdre ce qui me reste de vie. » Un instant après, il lui prit une toux extrêmement forte, et après avoir craché il demanda de la lumière. « Voici, dit-il, du changement. » Baron, ayant vu le sang qu’il venait de rendre, s’écria avec frayeur […] Que le ciel à jamais, par sa toute-bonté, Et de l’âme et du corps vous donne la santé, Et bénisse vos jours autant que le désire Le plus humble de ceux que son amour inspire !
Il n’est donc point douteux qu’une déviation accidentelle dans la taille et la forme du corps d’un insecte quelconque, ou dans la courbure et la longueur de sa trompe, bien qu’inappréciable pour nous, pourrait lui être avantageuse, au point qu’un individu ainsi doué, pouvant se procurer plus aisément sa nourriture, aurait plus de chance que les autres de vivre et de laisser de nombreux descendants, qui hériteraient probablement de la même particularité de structure. […] Parmi les hermaphrodites qui ne croisent qu’accidentellement, de même que chez les animaux qui s’apparient pour chaque fécondation, mais qui vagabondent peu et qui peuvent multiplier rapidement, une variété nouvelle et supérieure pourrait se former en un lieu déterminé et s’y maintenir en corps, parce que les croisements qui surviendraient, quels qu’ils fussent d’ailleurs, auraient lieu principalement entre les individus de cette nouvelle variété. […] Quant à l’Autruche, un moment de réflexion suffira pour comprendre quel énorme accroissement de nourriture il faudrait à cet oiseau du désert pour acquérir la force de mouvoir dans les airs son énorme corps.
J’y avais, je crois, déjà critiqué Balzac, ou ne l’avais pas loué suffisamment pour quelqu’un de ses romans, et, dans un de ces accès d’amour-propre qui lui étaient ordinaires, il s’était écrié : « Je lui passerai ma plume au travers du corps. » Je n’attribue pas exclusivement à ces diverses raisons le succès moindre des Pensées d’Août ; mais à coup sûr elles furent pour quelque chose dans l’accueil tout à fait hostile et sauvage qu’on fit à un Recueil qui se recommandait par des tentatives d’art, incomplètes sans doute, mais neuves et sincères. […] On lit dans le Journal des Débats et des Décrets (n° 142, page 89), rédigé par Louvet, au compte rendu de la séance de la Convention du 7 février 1793 : « Aubry, ancien militaire, après beaucoup de difficultés, obtient la parole (dans la discussion d’un projet de nouvelle organisation de l’armée où la garde nationale et la ligne devaient se confondre). — Chasles interrompait presque chaque mot. — Louvet dit à Chasles : « Il n’est point questiond’organiser un corps de chanoines ; taisez-vous » ; — et Chasles parle toujours. » — Chasles, en effet, avait été chanoine au chapitre de Chartres avant La Révolution.
Pie VI avait perdu l’usage des jambes, et son corps n’était qu’une plaie. […] Le soir venu, le doyen et les cardinaux, réunis autour de lui, vinrent en corps baiser la main de Chiaramonti.
XXIX « Quelques tribuns voulaient établir dans leur assemblée une opposition analogue à celle d’Angleterre et prendre au sérieux la Constitution, comme si les droits qu’elle paraissait assurer avaient eu rien de réel, et que la division prétendue des corps de l’État n’eût pas été une simple affaire d’étiquette, une distinction entre les diverses antichambres du consul dans lesquelles des magistrats de différents noms pouvaient se tenir. […] J’ajoutai encore quelques mots sur le respect qu’on devait à la liberté des opinions dans un corps législatif, mais il me fut aisé de m’apercevoir qu’il ne s’intéressait guère à ces considérations générales ; il savait déjà très-bien que, sous l’autorité de l’homme qu’il voulait servir, il ne serait plus question de principes, et il s’arrangeait en conséquence.
Amfortas : Tandis que je rêvais à la splendeur de la Promise, dans une ombre de nuit je me suis comme éperdu ; alors j’ai vu un corps, un corps soupçonné de mes songes ; des chairs, des seins, des peaux mollement tressaillantes, un ventre alliciteur des lèvres, et des parfums où se baigner eût été l’exultation ; son visage était grave et riait d’appels aux joies ; elle était folle et manifeste ; ses mamelles se dévoilaient… Et pour avoir touché le sexe d’une advenue aux jours d’erreur, j’aurai les souvenances et les cogitations et des navrances, pendant que se traînera la vérité de mon amour.
Lundi 14 avril Aujourd’hui, lundi de Pâques, en ce jour, où l’industrie, le commerce, les affaires chôment, où l’on n’achète ni dans les boutiques fermées, ni à la Bourse, ni même rue Drouot, dans une salle basse, des commissaires-priseurs, entre brocanteurs infimes, au milieu de voyoutories sacrilèges, se vendent un tambourin, des guitares, des esquisses de peintres, des paniers de linge de corps et de gilets de flanelle. […] Une bousculade des deux corps, dans laquelle le rose derrière de ma cousine disparut si vite, que j’aurais pu croire à une hallucination… mais la vision cependant me resta.
Merdle qui la veille de sa faillite, est allé s’ouvrir les veines dans une baignoire de bains publics où son corps blanc et moite est étalé au milieu des caillots. […] Que les gens soient sans éducation, sans capacités, sans caractère, ridicules, stupides, laids, faibles d’âme et de corps, bas, écervelés et totalement nuls, Dickens les aimera ; pourvu qu’ils ne fassent souffrir personne directement dans leur carrière inutile ou ignoble, le romancier leur réservera ses sympathies, badinera avec eux, les fera plaisants ou amusants et donnera sans cesse ces humbles en exemple ; il sourit à leurs manies, les prend sous sa protection spéciale et grossit encore leurs rangs de quelques couples de braves idiots et de vertueux aliénés.
. — Athalie (suite) I Nous disions, à la fin du dernier de ces Entretiens, que, pour bien juger d’une œuvre dramatique, il ne suffisait pas de la lire (chose en général ingrate, souvent fastidieuse, toujours incomplète), mais qu’il fallait assister, en corps et en âme, à sa représentation. […] Les rois faisaient corps avec les poètes, et les poètes faisaient auréole avec les rois.
Qui veut se distinguer n’y saurait réussir qu’en s’isolant d’abord ; et l’homme du Moyen Âge ne semble avoir pensé, ou même senti qu’en corps, pour ainsi dire, et en groupe, ou en troupe. […] Mais il n’est plus qu’une ombre, un reflet de lui-même, sans corps qui le soutienne, et d’où la couleur, d’où la vie se retirent insensiblement.
Le Boulan ou Pigeon Grosse-Gorge (Pouter, C. gutturosa) a le corps, les ailes et la queue allongés. […] La largeur proportionnelle de l’ouverture du bec ; la longueur relative des paupières, les dimensions de l’orifice des narines et celles de la langue, qui n’est pas toujours en exacte corrélation avec, la longueur du bec ; le développement du jabot ou de la partie supérieure de l’œsophage ; le développement ou l’avortement de la glande oléifère ; le nombre des plumes primaires et caudales ; la longueur relative des ailes et de la queue, soit entre elles, soit par rapport au corps ; la longueur relative des jambes et des pieds ; le nombre des écailles des doigts ; le développement de la membrane entre ces derniers, sont autant de parties variables dans leur structure générale.
En un mot, pour la gloire de notre nation, recueillir en un corps d’histoire tout ce qui concerne la littérature française, c’est ce que personne n’avait encore exécuté et ce qu’entreprit le courageux solitaire.
Sa voix n’est point quelque chose d’étrange : Dieu est dans notre âme, comme notre âme dans notre corps. » Et ce qui suit.
La bourgeoisie de Paris ne fut pas insensible à son retour, et L’Estoile, qui en est l’écho dans son Journal, ne tarit pas en éloges du président : Nul, dit Salluste, ne saurait jamais se faire grand, et, mortel, atteindre aux choses immortelles, s’il ne méprise les richesses et les plaisirs du corps.
Il n’a pas, à la vérité, les traits aigus de Lucain et de Stace, mais il a quelque chose que j’estime plus, qui est une certaine égalité nette et majestueuse qui fait le vrai corps des ouvrages poétiques, ces autres petits ornements étant plus du sophiste et du déclamateur que d’un esprit véritablement inspiré par les muses.
Je voudrais que l’historien, quand il n’est pas tout spécial et militaire, n’entrât dans cette voie de considérations qu’à son corps défendant, et qu’en tant que cela est strictement indispensable pour l’intelligence du fait tel qu’il paraît s’être passé.
Combien je demande, désire et prie pour cette chère santé, tant de l’âme que du corps !
Et toutefois, après qu’on a bien envié ce bonheur d’une étude libre, ornée, active et oisive, ayant à elle une belle galerie bâtie tout exprès, remplie de livres, décorée de tableaux, de statues, et en vue d’un lac magnifique, on reconnaît tout bas, à la manière même dont il a usé de ses dons et de ses avantages, qu’il y a autre chose à faire encore qu’à jouir ainsi ; que, si noble et utile qu’ait été son exemple parmi ses compatriotes et pour ceux, qui le consultaient de près, il n’a pas donné tout ce qu’il aurait pu, et qu’un peu de contrainte, un peu de nécessité ne nuit pas ; que c’est sous ces rudes conditions seulement que l’homme, moitié de bon gré, moitié à son corps défendant, tire de lui-même, de son foyer et de ses couches intérieures, tout l’art, toute l’industrie dont il est capable, et le peu d’or qu’il doit à tous.
De bonne heure il déclare son goût pour la campagne, pour la résidence rurale et sa noble tranquillité ; il ne vient à Paris que pour affaires, à son corps défendant : il ne paraît en aucun temps avoir pris plaisir à se plonger dans le tourbillon.
Et sur la terre même, d’où vient la succession, la régularité des saisons ; et dans les végétaux, dans les corps organisés, cet ensemble de lois mystérieuses et manifestes qui y président et qui constituent la vie ; et ces mouvements d’un ordre supérieur et singulier, cette activité spontanée des animaux ; et nos propres sensations à nous, et ce pouvoir de penser, de vouloir et d’agir que je sens en moi ?
Je me souviens qu’un jour, à une de ces mascarades publiques, ayant appris que tout le monde se faisait faire des habits neufs, et les plus beaux du monde, désespérant de pouvoir surpasser les autres femmes, je m’avisai de mettre un corps couvert de gros de Tours blanc (j’avais alors la taille très-fine), une jupe de même sur un très-petit panier ; je fis accommoder mes cheveux de derrière la tète, qui étaient fort longs, très-épais et fort beaux ; je les fis nouer avec un ruban blanc en queue de renard ; je mis sur mes cheveux une seule rose avec son bouton et ses feuilles, qui imitait le naturel à pouvoir s’y tromper, une autre je l’attachai à mont corset ; je mis au cou une fraise de gaze fort blanche, des manchettes et un tablier de la même gaze, et je m’en allai au bal.
Suivent des observations physiques, hygiéniques, dignes d’un Hippocrate, sur la convenance des travaux selon les saisons, sur le corps plus léger en automne qu’en été ; des conseils techniques pour faire une charrue, de quel bois les différentes parties dont elle se compose ; de quel âge les bœufs qu’on y attelle ; le serviteur même n’aura pas moins de quarante ans, car plus jeune il s’égaye et quitte le travail pour aller courir avec ceux de son âge.
L’amour vient à Chloé d’avoir vu Daphnis au bain, un jour qu’étant tombé dans une fosse à loup, il a dû, au sortir de là, se laver et montrer, sans y songer, son beau corps.
La Grèce, telle qu’elle est aujourd’hui, a un trop gros cerveau ; c’est « une tête énorme sur un petit corps. » Ajoutez les habitudes invétérées d’une trop longue décadence, d’une société longtemps relâchée, décousue et dissoute ; les héros à pied et en disponibilité qui n’ont de ressource que de se faire brigands ; peu de respect pour la vie humaine ; pas d’idée bien nette du tien et du mien ; le vol sous toutes ses formes, la corruption et la vénalité faciles et courantes, comme l’admet trop aisément la moralité restée ou redevenue trop primitive.
« Sublime miroir de pensées sincères, montre-moi en corps et en âme tel que je suis : — cheveux maintenant rares au front, et tout roux ; — longue taille, et la tête penchée vers la terre ; — un buste fin sur deux jambes minces ; — peau blanche, yeux d’azur, l’air noble ; — nez juste, belles lèvres et dents parfaites ; — plus pâle de visage qu’un roi sur le trône ; — tantôt dur, amer, tantôt pitoyable et doux ; — courroucé toujours, et méchant jamais ; — l’esprit et le cœur en lutte perpétuelle ; — le plus souvent triste, et par moments très gai ; — tantôt m’estimant Achille, et tantôt Thersite. — Homme, es-tu grand ou vil ?
C’est la seconde partie qui est la principale et qui fait le corps de l’ouvrage ; c’est celle-là seule qui, avec la troisième, offre de véritables et grandes beautés.
Le corps de Ney ayant été détaché dans le Tyrol pendant que s’accomplissait ailleurs la seconde partie de la campagne, Jomini fut envoyé d’hispruck avec des dépêches du maréchal, et il ne rejoignit l’état-major de Napoléon qu’à Austerlitz, le lendemain de la bataille.
Le premier et le plus grand exemple de ce genre d’arrière-pensée, de cette duplicité de sentiments, non plus seulement gracieuse, mais pathétique et touchante, se rencontre dans Homère au chant XIX de l’Iliade, quand les captives conduites par Briséis se lamentent autour du corps de Patrocle, « tout haut sur Patrocle, mais au fond chacune sur soi-même et sur son propre malheur. » 162.
La plupart de ces considérations ne peuvent s’appliquer aux succès militaires, la guerre ne laisse à l’homme, de sa nature, que ses facultés physiques ; pendant que cet état dure, il se soumet à la valeur, à l’audace, au talent qui fait vaincre, comme les corps les plus faibles suivent l’impulsion des plus forts.
Des réparations sont urgentes pour tous les corps de ferme, sauf trois, « l’entretien en ayant été négligé depuis trente ans ».
Elle modifie d’une curieuse façon la théorie de Montesquieu ; on ne l’a pas assez remarqué. « La division du corps législatif, l’indépendance du pouvoir exécutif, et avant tout la condition de propriété : telles sont les idées simples qui composent tous les plans de constitution possible. » Le premier article et le troisième sont surtout importants.
En mesurant une œuvre, il se souvient de toutes celles qu’il a déjà mesurées : il porte en lui une sorte d’étalon immuable ; Il demeure le même en face des œuvres multiples qui lui sont soumises : et c’est pour cela que l’on comprend les raisons de tous ses jugements et qu’ils peuvent former un corps de doctrine.
Ou si cette âme, à qui ce beau corps fut donné, Sur son type divin ne l’a pas façonné ?
Dieu ne voyant que le cœur, à quoi bon ces purifications, ces pratiques qui n’atteignent que le corps 250 ?
Il classe nos sensations sous huit titres : Odorat, ouïe, vue, goût, toucher, sensations de désorganisation dans quelque partie du corps, sensations musculaires, sensations du canal alimentaire.
Pavillon, avait également désapprouvé, dès le principe, l’idée de mettre en corps de communauté les filles destinées à l’éducation de l’enfance.
Voltaire pourtant, saisi de quelque compassion pour la pauvre femme qui était là chez eux, à leur merci, anéantie et en silence, prit à travers le corps Mme du Châtelet qui menaçait de se porter aux derniers excès, et il sembla, en voulant la modérer, se modérer un peu lui-même.
Ainsi le corps de ce prince choisi a été sain et sauf, pendant que l’âme s’est dégradée.
On eût dit qu’aussi bien que son âme, son esprit animait tout son corps ; elle en avait jusqu’aux pieds et dansait mieux que femme du monde.
Son corps était rongé de goutte, son âme l’était bien plus cruellement de souvenirs et de regrets ; et, à travers l’aimable accueil qu’il voulut bien me faire, je ne laissai pas de voir en lui une victime de tous les genres de douleur.
J’ai soin de mes deux santés : je tâche de les faire marcher ensemble, et de n’avoir mal ni à l’âme ni au corps.
La rencontre subite de ces deux états de connaissance fait jaillir le rire avec la même rigueur que le frottement du souffre sur un corps sec dégage une étincelle.
Les personnages allegoriques sont des êtres qui n’existent point, mais que l’imagination des peintres a conçus et qu’elle a enfantez en leur donnant un nom, un corps et des attributs.
L’auteur, en effet, en pleine possession non seulement de son génie, mais de son expérience théâtrale, aurait voulu forcer l’actrice, même de trois siècles après lui, à jouer comme il l’entendait et non pas à son gré à elle, qu’il n’aurait pas écrit autrement ; il semble avoir dicté la mimique mot à mot et c’est-à-dire geste par geste : N’allons pas plus avant, demeurons, chère Œnone, Phèdre n’a fait que quelques pas sur le théâtre et s’arrête, fatiguée, presque épuisée ; l’arrêt doit être brusque, une des mains de la reine cramponnée au bras de sa nourrice : Je ne me soutiens plus, ma force m’abandonne ; Toute une attitude lassée, déprimée ; une sorte d’écroulement du corps.
Ce grand luxe de la création, cet appareil de corps célestes semés dans d’espace comme une éclatante poussière, tout cela n’est pas trop pour l’homme, parce que l’homme est un être libre et intelligent, parce que l’homme est un être immortel.
Quand il dit ses vers ou qu’il les chante, avec cette voix stridente qui semble ne plus sortir d’entrailles humaines, il a ce que Voltaire exigeait qu’on eût quand on jouait la tragédie : il a, positivement, le diable au corps.
Ils ignorent Verhaeren et ses Villes Tentaculaires, ses adorables Petites Légendes et son récent recueil, les Forces Tumultueuses, tout plein d’un bruit de villes, d’un choc de métaux et d’activité industrielle, mais où l’on trouve aussi des vers comme ceux-ci : Dès le matin, par mes grandes routes coutumières Qui traversent champs et vergers, Je suis parti clair et léger Le corps enveloppé de vent et de lumière.
C’est d’abord la distinction de l’âme et du corps ; puis, c’est la découverte que cette âme est libre.
Supposons qu’un historien accepte cette idée générale ou toute autre, et la développe, non pas en termes généraux, comme on vient de le faire, mais par des peintures, par un choix de traits de mœurs, par l’interprétation des actions, des pensées et du style, il laissera dans l’esprit du lecteur une idée nette du dix-septième siècle ; ce siècle prendra dans notre souvenir une physionomie distincte ; nous en discernerons le trait dominant, nous verrons pourquoi de ce trait naissent les autres ; nous comprendrons le système des facultés et des passions qui s’y est formé et qui l’a rempli ; nous le connaîtrons, comme on connaît un corps organisé après avoir noté la structure et le mécanisme de toutes ses parties.
Le contraste est brusque et frappant : Aristote, dans son livre sur Xénophane, Gorgias et Zénon, Simplicius dans son Commentaire sur la physique d’Aristote, et Théophraste dans Bessarion, nous ont conservé le corps de l’argumentation par laquelle Xénophane démontrait que Dieu n’a pas eu de commencement et qu’il n’a pas pu naître.
À soudaine mort nous dévouons la moitié de ton corps.
Il fallait que Voltaire fût sorcier et qu’il eût le diable au corps, pour faire admirer à Paris, au centre des lumières, cet amas de folies burlesques, plus comiques que tragiques. […] Cependant telle est la versatilité de sa doctrine, que dans une autre lettre il félicite Le Kain d’avoir fait un miracle en faisant paraître un corps mort sur la scène . Il y a beaucoup d’acteurs glacés et inanimés qui opèrent ce miracle, et font paraître sur la scène des corps morts, sans mériter pour cela qu’on les félicite. […] Égisthe arrive, sur la nouvelle qui s’est répandue de la mort d’Oreste ; on lui fait accroire qu’on va lui montrer son cadavre ; il lève lui-même le voile qui le couvre, et voit le corps de Clytemnestre qu’on vient d’égorger ; c’est le dernier degré de la terreur. […] Ninias n’est autre chose qu’Alcméon, un peu plus poltron à la vérité ; car Alcméon n’a pas peur des ombres, et ne tremble pas de tout son corps au moindre bruit qui sort d’un tombeau.
Une des plus gracieuses canzoni est celle où le poète s’adresse au ruisseau qui a reçu dans ses ondes limpides le beau corps de la femme qu’il aime. […] Ce que la foule ignorante appelle mourir n’était dans ses beaux yeux qu’un doux sommeil, quand son âme avait abandonné son corps. […] Deschapelles, resté seul avec sa mère, il se livre à tous les, exercices de corps et d’esprit qui doivent faire de lui un homme accompli. […] Au troisième acte, la Grand’Rose, qui a vu le fils de son métayer étendu dans la grange comme un corps sans vie, et deviné l’unique moyen de le sauver, ramène Remy et Claudie. […] Il se passe, en effet, dans l’expression de la pensée, quelque chose d’analogue au phénomène observé dans la composition des corps.
Ton ombre suit ton corps de trop près, ce me semble, Car nous deux seulement devons aller ensemble. […] À la laide je tiens presque même langage… Enfin, également de toutes je me joue, Ce qu’elles ont de moins, c’est ce dont je les loue… Aux petites, je dis que leur corps est adroit ; Aux grandes, que leur corps, quoique en voûte, est bien droit ; À celle que je vois d’une taille bizarre, Qu’ainsi le ciel l’a faite, afin d’être plus rare ; Aux minces, qu’une reine a moins de gravité ; Aux grosses, qu’elles ont beaucoup d’agilité. […] Aussi pourra-t-on bien désormais emprunter des sujets à l’Espagne ou à l’Italie, — et Molière lui-même, et Regnard après lui, ne s’en feront pas faute, — mais on les transposera toujours ; on n’en gardera que le corps, pour ainsi parler, comme dans Don Juan, que l’on habillera d’ailleurs à la française. […] Mais, en réalité, malgré tant d’apparences, — j’ai tâché de vous le faire voir, — nous n’avons plus ici que l’enveloppe sans la substance, que le corps sans l’âme, je dirais volontiers, que le fantôme ou l’ombre sans le corps. […] Mon dessein était d’y mourir, mais je fis réflexion, au commencement du second jour, que son corps serait exposé, après mon trépas, à devenir la pâture des bêtes sauvages.
L’emblème est une figure par laquelle on matérialise, mais sous leurs noms, les idées, les passions, les vertus des hommes, ainsi que les abstractions pures, et surtout l’âme qui alors se trouve dédoublée et jouant dans la vie son rôle d’âme vis-à-vis du corps qui joue son rôle de corps. […] (Ils soulèvent le corps.) […] Des images sont d’une énergie comme surgie de l’obscurité de la conscience nerveuse, des images qu’on dirait nées, çà et là, le long d’un corps pensant, dans les plexus : … A quoi Quand mon corps comme un mont hérisserait Un taillis de membres, emploierais-je ma foule ?
Delille ne quitta Paris qu’après le 9 thermidor, c’est-à-dire au moment où c’était plutôt le cas de rester ; et, une fois parti, il ne parut occupé que de rentrer le plus tard possible et à son corps défendant, comme s’il eût boudé contre son cœur. […] Son corps resta exposé plusieurs jours au Collège de France, sur un lit de parade, la tête couronnée de laurier et le visage légèrement peint.
Les Alains et les Vandales ouvrirent la marche en passant sur le corps des Franks, qui avaient essayé de défendre la barrière de l’Empire en se protégeant eux-mêmes. […] Guizot alors ministre et qui le connaissait si bien, de débiter de vive voix ou de lire par cahiers ce qu’il hésitait à considérer comme définitivement écrit et comme digne d’être imprimé en corps d’ouvrage.
. — Toute la fausse enveloppe avait glissé à ses pieds comme une robe, — et la laissait femme, plus aimable que l’autre, — l’Immortelle, lorsqu’elle sortit de l’abîme stérile pour conquérir tout par l’amour, et que le long de son corps le cristal ruisselant coulait, — et qu’elle volait au loin le long des îles empourprées, — nue comme une double lumière dans l’air et dans la vague1535. » Voilà l’accent de la Renaissance, tel qu’il est sorti du cœur de Spenser et de Shakspeare ; ils ont eu cette adoration voluptueuse de la forme et de l’âme, et ce divin sentiment de la beauté. […] Mais en même temps il aime et pratique tous les exercices du corps.
Ce premier devoir étant rempli, les disciples achetèrent, au nom du petit-fils de leur maître, un terrain de cent pas carrés à quelque distance de la ville, pour y déposer le corps. […] Le corps fut mis en terre avec tout l’appareil de l’ancien cérémonial, et, après la cérémonie, tous se prosternèrent et pleurèrent sincèrement sur son tombeau.
Il n’y a rien de si paresseux que le bien-être ; le kef des Orientaux, cet état des sens où l’âme contemplative se détache du corps pour planer dans l’espace imaginaire, est l’état naturel de l’Allemagne. […] Oui, j’envie le corps du Seigneur quand ses lèvres pieuses y touchent !
Les deux chevaliers courent l’un contre l’autre ; Renaud traverse du fer de sa lance le corps de Polinesso ; le vaincu demande la vie. […] Je ne savais en vérité laquelle admirer davantage des deux : Thérésina, qui n’avait encore de formé que le corps, égalait Léna de taille et de stature ; mais elle était loin de l’égaler encore en charme et en maturité de physionomie.
« À ces mots, elles s’arrêtent et s’encouragent entre elles ; puis elles conduisent Ulysse vers l’abri, comme le veut la fille du magnanime Alcinoüs : elles déposent ensuite tout près de lui des vêtements, un manteau et une tunique, lui donnent dans la fiole d’or l’huile onctueuse, et l’engagent à se baigner dans le courant du fleuve ; mais alors le divin Ulysse leur parle ainsi : « “Femmes suivantes, tenez-vous loin de moi, pendant que je laverai moi-même l’écume de la mer sur mes épaules et répandrai l’huile sur mon corps : il y a longtemps qu’il est privé de toute onction ; mais je ne me baignerai point devant vous, car j’ai honte de me dépouiller en présence de jeunes filles aux beaux cheveux.” […] Et maintenant, grande âme, dépaysée dans un corps infirme et dans la région des faux jugements, des fausses gloires et des faux mépris de ce bas monde, tu as secoué vigoureusement ce vil tissu de matière, ce manteau de plomb qui t’embarrassait dans ton essor, et que tu soulevais à chaque pas comme une lourde chaîne dont les anneaux te retenaient au sol !
À peine redevenu sain de corps et d’esprit, j’oubliai les douleurs de cette longue absence qui, heureusement pour moi, fut la dernière, et je me remis au travail avec passion et fureur. […] Là nous apprîmes, par ceux de nos gens que nous avions laissés à Paris, que, ce même lundi 20 août fixé d’abord pour notre départ, que j’avais par bonheur avancé de deux jours, cette même section qui nous avait délivré nos passeports s’était présentée en corps (voyez un peu la démence et la stupidité de ces gens-là !)
Volontaire dans un corps de hussards, il fit la campagne de l’hiver de 1813-1814. Le corps auquel il appartenait guerroya, puis séjourna dans les Flandres et dans le Brabant ; le jeune soldat en sut profiter pour visiter les riches galeries de peinture dont la Belgique est remplie, et sa vocation allait se diriger tout entière de ce côté.
Il sentit son corps grelotter. […] Goulden, seul dans sa chambre, qui lisait dans la gazette que le 3e corps avait plus donné que les autres ; il se promenait la tête penchée et s’asseyait bien tard à l’établi, tout rêveur.
Rapports de la population avec les gouvernements, les lois et la religion ; constitution économique du commerce ; proportion des peines aux délits ; réduction de toutes les lois françaises en un code unique ; la liberté, pour attirer les étrangers par l’opulence qui la suit toujours ; l’égalité, pour porter l’abondance et la vie dans tout le corps politique ; la tolérance religieuse, pour assurer l’autorité du prince et la stabilité de l’Etat : voilà quelques-unes des nouveautés que Montesquieu proclame avec l’air de n’y penser que par plaisir, répandant à la fois les doutes, les vœux de réforme, les critiques déguisées du temps présent, tout, excepté des craintes sur le prix dont la France devait payer un jour ces conquêtes. […] Dès 172634, Montesquieu avait écrit que « le goût n’est que l’avantage de découvrir avec finesse et avec promptitude la mesure du plaisir qu’une chose doit donner aux hommes. » Définition qui en demanderait plus d’une autre, et que Montesquieu n’éclaircit guère par sa division des plaisirs en plaisirs de l’âme, plaisirs qui résultent de son union avec le corps, plaisirs fondés sur les préjugés ou la malignité.
Le Roman de la Rose est comme un animal chimérique, ayant une tête d’agneau et un corps de loup ; il passe de l’allégorie quintessenciée à l’attaque violente de l’Église et des autres puissances. […] Monstrelet, le chroniqueur, écrit : « En ce temps aussi, les hommes se prindrent à vestir plus court qu’ils n’eussent oncques fait, tellement que l’on voyoit les formes de leur corps, aussi comme l’on souloit145 vestir singes, qui146 estoit chose très malhonneste et impudique ; et si faisoient fendre les manches de leurs robes et de leurs pourpoints, pour montrer leurs chemises deliees147, larges et blanches ; portoient aussi leurs cheveux si longs qu’ils leur empeschoient le visage, mesmement leurs yeux ; et sur leurs testes portoient bonnets de drap, hauts et longs, d’un quartier ou plus.
Ici se séparent les deux penseurs : Schopenhauer conclut à l’Ascétisme : « La volonté se détourne du monde ; il éprouve une répulsion de l’espèce dont il est un produit ; il nie le vouloir et punit la tromperie du corps (la propagation de l’espèce) par la Chasteté. » Wagner semble s’être arrêté à la période du dévouement. […] Derrière cette joie il aperçoit la tristesse et reconnaît, comme dirait Schopenhauer, la « tromperie du corps », il aperçoit la souffrance que donne le désir (das sehnen, das furchtbare sehnen), et le secret du monde, la souffrance, lui apparaît dévoilé ; il se souvient d’avoir vu sur sa route des hommes qui souffraient, et sa propre souffrance, il la réunit avec la leur (Des Heilands Klage da vernehm ich, die Klage, ach !
La brise mélodieuse qui court sur l’Italie fait corps avec l’Italie elle-même. […] J’ose affirmer qu’il n’y a pas un homme sur la terre qui sente plus son néant que moi, et qui désirât plus sincèrement disparaître, âme, corps et nom, de toute scène ici-bas.
Ce sont les contes de Marcel Schwob, si pleins d’une atmosphère étrange de crypte souterraine, de fards milésiens, de jeunes corps amoureux, si ruisselants d’eaux, de miroirs, de gemmes, rappelant à la fois les encens du temple, les toiles de Rochegrosse et Gustave Moreau et cette angoisse qui flotte sur les ruines solitaires au crépuscule : les contes de Jean Lorrain, avec leurs gnomes, leurs fées, leurs éphèbes équivoques, leurs princesses d’ivoire et d’ivresse, leur frisson d’inconnu, leur ombre nostalgique et peuplée de fantômes luxurieux. […] Et quelque jour, sur une table de dissection, des carabins, en ricanant, ouvrent leur ancien corps vivant de petites Margot de quarante sous… » Marius-Ary Leblond : Dira-t-on les frères Leblond comme on dit les frères Rosny ou les frères Margueritte, comme on a dit les frères Goncourt ?
Aussi faible d’esprit qu’il était robuste de corps, sa force étant telle que d’un coup de massue il abattait le cheval et le cavalier, et rompait la plus forte lance sur son genou… Du reste, il n’avait point de vices d’homme privé, mais était vaste et sans mesure en toutes choses… Je ne fais que toucher les principaux traits, j’en supprime d’énergiques et de familiers, mais qui font bien en leur lieu.
La corruption et la licence est la plaie qui atteint la tête du corps social et qui va prendre les âmes par le fond.
Un travail définitif reste à faire, dans lequel on rassemblerait en corps d’ouvrage et l’on traduirait tout ce qui vaut la peine d’être recueilli.
sens, mémoire et bonne souvenance de toutes les choses passées, esprit clair et aigu pour concevoir tous les faits dont je pourrois être informé, âge, corps et membres pour souffrir peine24, je m’avisai que je ne voulois point tarder de poursuivre ma matière ; et pour savoir la vérité des lointaines besoignes et entreprises, sans que j’y envoyasse aucune autre personne en mon lieu, je pris voie et occasion raisonnable d’aller devers haut prince et redouté seigneur monseigneur Gaston, comte de Foix et de Béarn… Le comte de Foix ne l’a jamais vu, mais il le connaît de réputation et a bien souvent entendu parler de lui.
Dès l’abord, M. de Tréville, cet homme d’esprit, cet ancien ami de Madame Henriette d’Angleterre, devenu l’un des amis de Port-Royal, ce pénitent sincère, mais qui avait lui-même ses variations, avait averti Lassay en essayant de le consoler ; et ce dernier lui répondait : Je sais que vous me faites l’honneur de me dire que le temps adoucit les douleurs les plus vives ; mais les grandes afflictions font le même effet sur l’âme que les grandes maladies font sur le corps : quoique l’on en guérisse, le tempérament est attaqué ; on vit, mais on ne jouit plus d’une santé parfaite : il en est de même de l’âme, elle ne peut plus jamais sentir une joie pure.
Daru fut de ceux, qui, à la force de corps et à la force de tête, montrèrent qu’ils savaient unir celle de l’âme ; mais lui-même, si de son dernier séjour il y met encore sa pensée, il ne voudrait point qu’en passant devant ces grands désastres et ces luttes dernières, on n’y entrât que pour se donner occasion de le louer.
Elle sent d’ailleurs très bien le faible de cette génération à laquelle elle s’adresse, génération de cafés et d’Opéra, qui s’en tient à une première connaissance superficielle et va ensuite porter ses découvertes dans les belles compagnies pour s’y faire applaudir : Mais par quelle fatalité, s’écriait-elle, faut-il que ce soit de l’Académie française, de ce corps si célèbre qui doit être le rempart de la langue, des lettres et du bon goût, que sont sorties depuis cinquante ans toutes les méchantes critiques qu’on a faites contre Homère !
En 1800, Ramond rentra dans la vie politique : nommé au Corps législatif pour y représenter le département des Hautes-Pyrénées, il y prit la place qui était due à son caractère et à ses talents, et fut vice-président de cette assemblée.
Sans parler des allocutions de guerre à Coutras et à Ivry, on a de ce roi douze ou treize harangues adressées soit à l’assemblée des notables, soit à des parlements, à des chambres des comptes, soit à des corps de ville ou à des députés du Clergé.
L’esprit et la grâce qui animaient ce petit corps, l’étincelle qui en jaillissait à la première rencontre, la hardiesse et l’aisance, le don de l’à-propos, un soin vif entrecoupé parfois d’un air de rêverie et rehaussé d’un grain de caprice, faisaient de lui la personne la plus agréable et la mieux accueillie, et en particulier, auprès des femmes et des grands.
Ce ne sont pas des phrases, cela est vrai… Mon cœur et mon âme sont à Baireuth, chez vous, et mon corps chétif végète ici, sur les grands chemins et dans les camps.
— parce qu’enfin, comme Édith au col de cygne, s’il avait fallu choisir et reconnaître parmi les morts de la bataille le corps du roi vaincu qu’elle avait aimé, les moines eux-mêmes se seraient adressés à elle pour les aider dans leur pieuse recherche.
Il semblait donc, étant le dernier à opiner, devoir lever le partage et décider entre les concurrents ; chacun tâchait par ses regards de l’attirer dans son parti, lorsque, prenant la parole, il dit :« Je n’ai pas oublié, Messieurs, qu’un des principaux statuts de cet illustre Corps est de n’y admettre que ceux qu’on en estime les plus dignes : vous ne trouverez donc pas étrange, Messieurs, si je donne mon suffrage à M.
Il y avait bien dans ]’Institut une Classe qui répondait à ce qu’avait été l’Académie française ; mais cette Académie elle-même existait alors si peu comme un corps identique à l’ancien, qu’on a un mémoire rédigé par Fontanes vers cette date et en vue de son rétablissement : Napoléon, qui avait sans doute demandé le mémoire, ne donna pas suite à l’idée.
On voit très bien, dans la Correspondance de Goethe et de Schiller, l’effet qu’elle produisit sur ce monde allemand qu’elle allait découvrir avec une curiosité infinie et une admiration préconçue, mais qui ne l’accepta, elle, qu’avec de certaines réserves et presque à son corps défendant.
Les médecins liront avec intérêt toute cette description mémorable en son genre, et même, quand on est à demi profane, on partage presque l’enthousiasme du savant et pieux Vallot qui dit en finissant : « Cette évacuation (une très abondante sécrétion finale par les voies urinaires) continua neuf jours de cette même force, et fut tellement avantageuse qu’elle acheva ladite guérison de Sa Majesté, sans aucun accident et sans aucune rechute, et même sans aucun ressentiment de la moindre incommodité du monde ; de manière qu’après cette parfaite guérison, le roi s’est trouvé beaucoup plus fort, beaucoup plus vigoureux et plus libre de toutes ses actions, tant du corps que de l’esprit, et l’on peut dire avec vérité que Dieu a conduit cet ouvrage par des voies si extraordinaires et par des secours et des grâces si particulières, s’étant servi des causes secondes en une conjoncture qui semblait devoir être plutôt destinée au miracle qu’à l’industrie et l’expérience des médecins. » Vallot ne fait là que délayer le mot d’Ambroise Paré : « Je le traitai, Dieu le guarit.
L’élément trop austère, trop sérieux, s’il n’est corrigé par la grâce, court risque chez nous d’être évincé, — tôt ou tard évincé comme un corps étranger.
Il y a un autre système, un autre parti à prendre, celui des chercheurs de vérité et de nouveauté, des remueurs d’idées, des Staël, des Lessing, des Diderot, des Hegel comme des Voltaire : ici le mot d’ordre, c’est que le mouvement, quel qu’il soit et tant qu’on peut se le donner, est le plus grand bien de l’esprit comme du corps.
C’est comme si l’on voyait le corps humain après qu’on en aurait ôté la peau. » Puis, tout cela dit, il ne faut rien s’exagérer.
Il y a loin de là à ce siège en règle, monumental, classique, à ce siège modèle qu’a imaginé l’auteur de Salammbô, afin de se donner l’occasion d’énumérer toutes les machines de guerre, tous les instruments de balistique de l’ancien corps du génie, et de nous peindre l’effroi des Carthaginois « quand ils aperçurent, venant droit vers eux, comme des monstres et comme des édifices, avec leurs mâts, leurs bras, leurs cordages, leurs articulations, leurs chapiteaux et leurs carapaces, les machines de siège qu’envoyaient les villes tyriennes : soixante carrobalistes, quatre-vingts onagres, trente scorpions, cinquante tollénones, douze béliers, etc. » Évidemment l’auteur s’amuse.
Chaque jouissance est une perte, ou pour le corps ou pour l’âme ; et notre existence s’écoule dans une succession de sentiments inquiets qui se détruisent et nous emportent dans leur néant. » Rousseau, certes, ne sent pas plus et ne dit pas mieux. — Et ceci encore : « L’estime des hommes ne me touche point, depuis que je vois comme on la surprend.
Et La Fontaine, qui a traduit l’Eunuque, assez faiblement d’ailleurs, a dit dans un vers heureux : De corps auprès de lui, de cœur auprès de moi !
« Il me semble que depuis quelques jours une révolution s’est faite en moi ; je sens comme un brasier dans ma tête et dans tout mon corps.
Quand un écrivain, quand un artiste a créé un idéal, on se précipite dans la trouée qu’il vient de faire, comme les bataillons suisses sur le corps de Winkelried.
J’accorde que, dans ce qui paraît si redoutable de loin, il y a beaucoup de fantômes qui s’évanouissent si l’on ose s’approcher et souffler dessus ; qu’il n’y a pas un si grand nombre de libertés possibles à donner ; qu’on les a déjà en partie ; qu’il ne s’agirait que d’être conséquent, d’étendre et de consacrer le droit ; sans doute, le principe qui consiste à inoculer le vaccin révolutionnaire pour éviter les révolutions, à donner d’avance et à la fois plus qu’elles ne pourraient conquérir, ce principe est d’une analogie séduisante ; mais ceci suppose déjà une médecine bien hardie, et le corps social n’est point partout le même ni capable de porter toute espèce de traitement.
Dans ce que nous lisons chaque matin, combien de fois la parole donne un corps à ce qui n’en a pas !
Assujettir le corps aux exercices qui fortifient aussi l’âme, ne point le dépouiller de ses vêtements en présence des astres du jour ou de la nuit, n’y jamais introduire d’aliments impurs, le tenir toujours exempt de toute souillure, surtout ne pécher « ni par pensée, ni par parole, ni par action » ; pratiquer le repentir après la chute ; élever ses enfants ; ressembler, en un mot, à son bon Génie ou Fervers, type et représentation idéale de chacun, telle est la prière que le Persan adresse à Ormuz, « qui est toute pureté et toute lumière, esprit universel et source de toute vie. » Toujours, chez M.
Ce duché, grossi en 1809 par la paix de Vienne, devint en effet comme un corps étranger, remuant, qui ne demandait qu’à s’étendre encore et qui, interposé entre les liens des deux empires, finit par les distendre jusqu’à les briser.
Talleyrand et lui se voyaient alors pour la première fois : « Le Directoire, le Corps législatif et le ministre des relations extérieures donnèrent des fêtes à Napoléon.
Aura-t-on à présenter, sous les phénomènes excentriques éclatants qui illustrent et compromettent aussi une époque, et dans l’entre-deux de ces hasards de génie aussi souvent insensés que glorieux, un fonds plus sage, un corps de réserve et d’élite encore, rebelle à entamer, sensé, judicieux, fin, mesurant applaudissement ou sentence sur ce qui joue et brille ou s’égare devant lui ?
On dirait qu’il ne fait des vers qu’à son corps défendant ; sa verve l’importune, et il ne cède au génie qu’à la dernière extrémité.
Mais ce qu’il est impossible de supporter, c’est une éducation grossière que trahit chaque expression, chaque geste, le ton de la voix, l’attitude du corps, tous les signes involontaires des habitudes de la vie.
Je ne veux pas écraser cette jolie chose sous le souvenir des Provinciales : la disproportion est trop forte, et la gaieté des Mémoires a plus de mousse que de corps ; ils manquent par trop d’intérêt universel et humain.
L’allocution du 1er janvier 1814 aux députés du Corps Législatif est d’un ton singulier : volontairement l’orateur lâche sa colère en petites phrases hachées, brutales, même triviales : « M.
Ma vue avait affaire à des silences qui auraient pris corps.
Le climat, qui modifie les corps, qui, les endurcit ou les amollit, qui peut calmer les nerfs surexcités ou ranimer la sève vitale dans des veines épuisées, est lui-même un des grands facteurs de la race.
« Des mains d’amant les avaient caressées et déroulées. » Et le corps d’Antoinette ?
Le malheur de la France est qu’un tel gouvernement n’ait pas été constitué régulièrement quand le peuple était bon, les Communes consistantes, les grands corps de l’État animés d’un esprit de tradition, et la vitalité du royaume en son entier.
Mais, dans ce portrait du Napoléon de 1812, M. de Lamartine s’est trop abandonné à son nouveau style de prose, dans lequel il entre plus de Balzac que de Tacite, je parle de Balzac le romancier : L’Empire l’avait vieilli avant le temps, dit l’historien : l’ambition satisfaite, l’orgueil assouvi, les délices des palais, la table exquise, la couche molle, les épouses jeunes, les maîtresses complaisantes, les longues veilles, les insomnies partagées entre le travail et les fêtes, l’habitude du cheval qui épaissit le corps (tout ceci joue le Tacite), avaient alourdi ses membres et amolli ses sens.
Il est amené, à son corps défendant, à discuter les derniers discours de celui qu’il appelait en d’autre temps le chef sinistre de la Montagne : il y met toutes ses précautions et ses ressources d’analyse ; il cherche pour un moment à ôter à Robespierre sa férocité, pour ne lui laisser que la philanthropie : opération d’alchimie qui, certes, peut aussi s’appeler le grand œuvre.
qui se jette sur elle pour se couvrir contre les assassins du corps de sa reine, elle ne sachant si elle a affaire à un fou ou à un téméraire.
Cet Être souverain daigne s’abaisser un jour jusqu’à lui et lui dit : Je suis Celui par qui tout est ; sans moi, tu n’existerais point ; je te douai d’un corps sain et robuste, j’y plaçai l’âme la plus active : tu sais avec quelle profusion je versai la sensibilité dans ton cœur, et la gaieté sur ton caractère ; mais, pénétré que je te vois du bonheur de penser, de sentir, tu serais aussi trop heureux si quelques chagrins ne balançaient pas cet état fortuné : ainsi tu vas être accablé sous des calamités sans nombre ; déchiré par mille ennemis, privé de ta liberté, de tes biens ; accusé de rapines, de faux… Et lui, se prosternant devant l’Être des êtres, répond en acceptant toute sa destinée : Être des êtres, je te dois tout, le bonheur d’exister, de penser et de sentir.
Le style de Regnard est comme le bon vin qu’il versait à ses hôtes dans sa maison d’auprès de Montmartre ou dans son château de Grillon ; il a le corps et le bouquet.
Ici-bas ce grand corps n’a que trois pieds de tour ; Mais, si je le voyais là-haut dans son séjour, Que serait-ce à mes yeux que l’œil de la nature ?
Sous l’appel de l’émotion, les leitmotiv peuvent être précipités, ainsi on peut rimer en fin de vers et de la même rime une strophe ou diluer les rappels de sonorités à intervalles lointains dans le corps du poème, selon le sens et le goût, surtout d’après le sens (les rappels pour le sens sont nécessaires), mais aussi en arabesque, selon les timbres, les consonances, les allitérations, au gré du poète, à distance du machinalisme et de l’écholalie.
Je le dis simplement pour caractériser Chasles, et sa manière et sa critique, à lui, qui s’était plongé à plein corps dans la littérature anglaise et qui s’en est retiré ruisselant d’elle, qui était ressorti Anglais de cette littérature, comme Achille était ressorti invulnérable du Styx, Seulement, pour Chasles, anglais ne veut pas dire invulnérable.
Elle a le diable au corps, cette Rolande, mais son diable, à elle, est froid.
De ce sentiment, qui avait été pour Caton payen le désespoir, le christianisme fit la mélancolie… La nouvelle poésie se mettra à faire comme la nature, à mêler dans ses créations l’ombre à la lumière, le grotesque au sublime, en d’autres termes, le corps à l’âme, la bête à l’esprit.
Duquesnel, de ce drame empoignant : les trappistes refusant d’ouvrir la porte de leur cloître à l’auteur des Blasphèmes, la malheureuse épouse partant à la poursuite du désespéré, et celui-ci, la saleté sur le corps et la révolte dans l’âme, s’enfonçant dans le désert, le désert mystérieux d’où nul n’est revenu, et où on nous le représentait déjà, aimé des panthères, domptant des lions et soulevant des peuplades errantes. […] *** Il y a quatre ans, après vingt-deux années de durs services dans les chasseurs d’Afrique, on réforma le vieux brigadier B… Son corps n’était que blessure. […] La vérité est qu’en plusieurs circonstances, le brigadier, par son courage et par sa folie de l’en avant qui le faisait ruer sur l’ennemi, comme un boulet, sauva des corps expéditionnaires qui, sans lui, fussent restés dans le désert ou au fond des gorges des montagnes. […] Stéphane Mallarmé m’a dit qu’il ressemblait beaucoup, par l’expression du visage et par l’habitude du corps, à Edgar Poe ; non point l’Edgar Poe tel que nous le restituent les gravures mensongères, mais tel que M. […] Il était miné par la lutte, par le travail ; le corps trop frêle, pour une âme si ardente, n’a pu supporter l’assaut de la maladie.
Ces étoffes grossières ne résisteront pas longtemps à l’usage des corps nerveux auxquels elles sont destinées ; si elles coûtent peu, elles ne dureront guère. […] Au commencement de son livre, il compare sa Muse à une belle fille enfermant son corps souple dans un corset juste et un vêtement qui serre les formes en les faisant valoir. […] L’image dans ses vers s’applique à l’idée philosophique et flotte autour d’elle comme une draperie laissant deviner le corps qu’elle cache et dont elle caresse les contours. […] Elle marchait, et le mouvement cadencé de ses épaules, suivant celui de tout son corps, marquait le rhythme harmonieux de sa démarche. […] Maréchal, dont Maximilien est secrétaire, doit lire au Corps législatif.
Tout jeune homme, fréquentant la ville de Péronne où son enfance s’était écoulée près d’une bonne tante, il pratiquait déjà la rime opulente à propos d’une corporation de tireurs d’arc offensée par un sien vaudeville : Le corps de l’arc outragé À tirer sur moi s’apprête ; Vous sentez la peur que j’ai, Car je suis plus gros qu’un geai. […] Notre parti, qui avait au début fait corps avec la nation, s’était lui-même anéanti par coupes réglées ou éliminations alternatives. […] D’où vient pourtant cette rencontre, ce voisinage avec la terrible ennemie des corps et des âmes, la faim farouche, l’impérieuse faim, comme disaient les Anciens ? […] « Étouffée par l’épaisseur des murailles, comme par une sourdine, la musique avait une douceur étrange ; c’était un chant d’une volupté triste, d’une langueur exténuée, exprimant la fatigue du corps et le découragement de la passion ; on y pouvait deviner aussi l’ennui lumineux de l’éternel azur, l’indéfinissable accablement des pays chauds. […] Ses articles, publiés dans le National et la Revue des Deux Mondes, réunis depuis en corps de volume (Allemagne, Italie, mélanges, t.
Au-delà, l’âme était tout aussi inconnue. » Il aboutit logiquement à l’ascétisme, au dégoût de la chair, à cause de « l’impossible union des âmes par les corps ». […] Bien mieux, « tant que le corps vivra, l’amour sera contraint, mais sitôt la mort venue, l’amour triomphera de toutes les entraves ». […] Il renvoie Bethsabé et se flatte qu’Urie ignorera tout. « Car la trace du navire sur l’onde, de l’homme sur le corps de la femme profonde, Dieu lui-même ne la connaîtrait pas. » Mais Urie a été tué au siège de Raba, par la faute d’un courtisan, qui croyant plaire à David, a exposé ce brave à l’endroit le plus périlleux.
J’avais passé trois mois seul, sans voir l’humeur, l’avarice et l’amitié qu’on devrait plutôt appeler la haine, se relevant tour à tour pour me tourmenter ; à présent faible de corps et d’esprit, esclave de père, de parents, de princes, Dieu sait de qui ! […] On n’a excepté que : 1º tous les régents, membres et administrateurs de la justice qui ont séduit par des promesses ou effrayé par des menaces ; 2° ceux qui ont eu des correspondances non permises, unerlaubte ; 3° ceux qui ont attiré des troupes étrangères ou abusé du nom du souverain ; 4° ceux qui ont effrayé la nation par la fausse nouvelle d’une attaque de la part du roi de Prusse ; 5° ceux qui ont eu part au traité de 1786 ; 6° ceux qui ont guidé les mécontents et eu part à l’assemblée de 1787 ; 7° ceux qui, tant régents que bourgeois, ont participé à l’expulsion des magistrats ; 8° les chefs, commandants et secrétaires des corps francs ; 9° ceux qui ont menacé indécemment les magistrats ; 10° ceux qui ont voulu rompre les digues nonobstant l’ordre du magistrat ; 11º ceux qui ont résisté aux magistrats ; 12°ceux qui se sont emparés des portes ; 13°tous les ministres et ecclésiastiques qui ont suivi les corps francs ou participé à l’opposition des soi-disant, patriotes (pflichtvergessene Prediger) ; 14° les directeurs et écrivains des gazettes historiques, patriotiques, etc., etc., etc. ; 15° tous ceux qui se sont rendus coupables de meurtres, de violences ouvertes ou d’autres excès graves. » « J’ai retranché toutes les épithètes, et la pièce a perdu dans ma traduction beaucoup de beautés originales. […] Vous êtes comme mon oncle, dont j’ai reçu, en même temps que votre lettre, une lettre bien aigre-douce, bien ironique, bien sentimentale, à laquelle j’ai répondu par une lettre de deux pages très-sérieuse, très-honnête et très-propre à me mettre avec lui sur le pied décent et poli qui convient entre des gens qui ne s’aiment qu’à leur corps défendant, pour ne pas être ou ne pas paraître, l’un insensible et un peu ingrat, l’autre entraîné par son humeur acariâtre ; — vous êtes, dis-je, comme mon oncle.
C’est qu’en effet on voit par là tout ce qu’il a souffert, on le voit dans tous les passages où l’intrus, désormais accepté dans l’honorable corps des auteurs parisiens, cherche à excuser, et aggrave en les excusant, les sacrilèges qu’il s’est permis la veille, en enfant perdu, contre un monde dont il n’était pas et dont il voulait être. […] Observant à la fois son âme, son esprit, son corps, son bonheur domestique détruit, sa situation dépendante, la mort imminente, proche et certaine, il est probable qu’il trouva à ridiculiser les médecins le même genre de plaisir âcre qu’il trouvait à jouer de sa personne les Dandin, les Sosie et les Sganarelle. […] La tradition des critiques classiques, du corps des critiques, je le dis en passant, n’est pas toujours de trop admirer, elle est bien souvent de ne pas assez admirer, et cela est arrivé plus qu’on ne croit en ce qui concerne Molière. […] Parce qu’elle l’appelle mon cœur et soigne très tendrement ce pauvre corps infirme. […] CÉSAR Après avoir combattu le Sénat, pouvais-je empêcher un corps toujours redoutable par le respect qu’il inspirait au peuple, pouvais-je l’empêcher d’achever de se perdre en me prodiguant de basses flatteries que je ne lui demandais point, et d’enlever à sa propre dignité tout ce qu’il imaginait d’ajouter à la mienne ?
Il peut tenir de l’antiquité, ou du voisinage, des costumes, à peu près, et des noms et des sujets ; mais ces costumes, de jadis ou d’ailleurs, vêtent des corps actuels, les noms sont des pseudonymes, les sujets s’adaptent à des actions contemporaines, imaginaires ou réelles. […] — et ne voyons, et n’entendons que le poète qui, les mains pleines d’espoir, de rêve, d’idéal, c’est-à-dire de vérité sublime et d’avenir, dit au monde : « Puisque je suis, dans un corps, une âme qui apporte aux âmes leur suprême nourriture, permettez-moi de ne pas mourir de faim ! […] Il connaît toutes les angoisses d’une sorte de rut mystique toujours déçu, toutes les extases vers une irréalité qui a des corps peut-être ! […] Il est impossible, désormais, de mourir jeune, tant les âmes en des corps récents sont vieilles déjà d’antérieures existences innombrables ; même dans un tout petit cercueil, ce que l’on porte en terre c’est l’éphémère enveloppe d’un immémorial esprit. […] Puis ce fut ce pauvre corps grêle, sur le lit blanc, avec des jacinthes et des roses blanches ; la mère en pleurs, le père qui ne voulait pas pleurer.
Il ne dira pas de bien soit des protestants zélés, plus attachés que lui à la cause des Églises et à l’esprit religionnaire, soit des catholiques devenus royalistes à leur corps défendant, soit du tiers parti et de ces hommes politiques qui « nagent tant qu’ils peuvent », dit-il, « entre deux eaux », Villeroi, Jeannin.
Il s’occupait des choses et non des mots ; il n’avait pas la splendeur naturelle de l’élocution, et il ne la cherchait pas : il s’en tenait à ce style d’honnête homme qui ne veut que donner à la vérité un corps sans lui imposer de couronne.
Je sens que mon corps s’affaiblit et tend vers sa fin.
Il y a un moment où Fabrice tue quelqu’un, en effet ; il est vrai que, cette fois, c’est à son corps défendant.
… Si, en sortant du lycée, les jeunes gens ont conservé une notion précise et durable de la nature et des propriétés de quelques corps d’un intérêt universel, comme l’air, l’eau, les métaux usuels, les acides, les alcalis et les sels les plus communs ; si les phénomènes de la combustion, ceux de la respiration et de la nutrition des plantes, ceux de la respiration et de la nutrition des animaux, ont été soigneusement étudiés devant eux, l’enseignement de la chimie aura atteint son but.
» Il avait des vues, de l’invention, des expédients sans rouerie, et qui tenaient compte des règles et de l’esprit des corps ; il appuyait ses projets d’un savoir étendu et judicieux, qu’il augmentait chaque jour par une lecture assidue.
Mais lorsqu’il lui est refusé d’étendre au dehors son action, elle l’exerce en elle-même, d’une manière inconnue aux esprits faibles et légers, que l’action du corps seul occupe.
Que de fois, trempé jusqu’aux os, j’ai séché mes habits sur mon corps, à la bise ou au soleil !
À midi, il dînait d’une grande variété de mets ; il faisait collation peu d’instants après vêpres, et, à une heure de nuit, il soupait, mangeant dans ces divers repas, toutes sortes de choses propres à engendrer des humeurs épaisses et visqueuses. » Même dans le cloître où il s’était retiré pour soigner la double santé de l’âme et du corps, il ne mettait (son médecin Mathys nous l’apprend) aucun frein à ses envies, et ne se privait ni de fruits ni de poissons : « Dans la saison des fruits, Charles-Quint commençait son dîner en mangeant une grande quantité de cerises et de fraises, celles-ci accompagnées d’une écuelle de crème : ensuite il se faisait servir un pâté assaisonné d’épices, avec du petit salé bouilli et du jambon frit.
Je ne puis parler du Corps de garde fort vanté, et qui, par malheur, manque à la collection du Louvre.
Les espérances ambitieuses du prélat durent se renouveler pourtant et s’irriter à chaque vacance des Sceaux ; il les convoitait encore de plus belle à la mort de Le Tellier, en 1685, et Saint-Simon, dans la revue qu’il fait à cette occasion des prétendants divers, a dit admirablement de lui45 : « Harlay, archevêque de Paris, né avec tous les talents du corps et de l’esprit, et, s’il n’avait eu que les derniers, le plus grand prélat de l’Église, devait s’être fait tout ce qu’il était ; mais de tels talents poussent toujours leur homme, et, quand les mœurs n’y répondent pas, ils ne font qu’aigrir l’ambition ; sa faveur et sa capacité le faisaient aspirer au ministère ; les affaires du Clergé, d’une part, et du roi, de l’autre, avec Rome, lui avaient donné des espérances ; il comptait que les Sceaux l’y porteraient et combleraient son autorité en attendant ; c’eût été un grand chancelier ; il ne pouvait être médiocre en rien, et cela même était redouté par le roi pour son cabinet, et encore plus par ses ministres. » Tout le portrait de l’homme est dans ces quelques lignes de Saint-Simon ; il y est en germe et ramassé comme tout l’arbre est dans le bourgeon trop plein qui crève de suc et de sève.
« Taisez-vous, mon enfant, lui dit-il en lui montrant le corps de Turenne étendu mort, voilà ce qu’il faut pleurer éternellement, voilà ce qui est irréparable. » Et lui-même il se mit à s’affliger et à pleurer.
Et maintenant qu’on sait comment Gavarni entendait le sentiment dans sa jeunesse, lorsqu’on verra ensuite tel de ses dessins, et pour n’en citer qu’un seul, cette aquarelle, par exemple, — véritable élégie, — où une châtelaine penchée au bord d’une terrasse attend impatiemment et semble appeler une lettre, apportée par le messager qui s’avance à pas lents et lourds dans un chemin couvert ; à ce moment de fièvre et de désir où elle croit distinguer le bruit de ses pas sans l’apercevoir encore, et où visiblement elle hâte de ses vœux, de son geste et comme de toute l’attitude de son corps, la marche du bonhomme qui ne se presse guère, on comprendra qu’il ne faisait que rendre là une de ces images de tout temps familières à sa fantaisie et à sa sensibilité gracieuse.
Nos fascines seront les corps des premiers de nos gens qui tomberont dans le fossé. » Ces rivalités jalouses sur un si beau fait d’armes accompli de concert sont misérables.
« C’est ainsi en effet qu’on la rêve, la Vénus de l’Adriatique, séchant sur sa rive de marbre son corps rose et blanc, humide encore des caresses de la nuit ; — et M.
Après avoir disposé de tous ses effets pour acquitter ses dettes, le testateur ajoutait : « Mais comme il pourrait se trouver quelques créanciers qui ne seraient pas payés quand même on aura réparti le tout, dans ce cas, ma dernière volonté est qu’on vende mon corps aux chirurgiens le plus avantageusement qu’il sera possible, et que le produit en soit appliqué à la liquidation des dettes dont je suis comptable à la société ; de sorte que, si je n’ai pu me rendre utile pendant ma vie, je le sois au moins après ma mort. » Il faut entendre probablement par là que Vaugelas, depuis longtemps malade d’une tumeur vers la rate ou l’estomac, autorisa l’autopsie après sa mort.
Victor-Amédée, lui aussi, contraint à son corps défendant de marcher avec Catinat, en profite pour apprendre le métier de la guerre sous un excellent maître, contre qui il se mesurera un jour.
« Le véritable esprit (ou talent), c’est la nature, — la nature mise à son avantage ; ce qui a été souvent pensé, mais ce qui n’avait jamais été encore exprimé si bien ; quelque chose dont la vérité nous trouve convaincus déjà à première vue, qui nous rend une certaine image que nous avions dans l’esprit. » Il est pour le choix, il n’est pas pour le trop, pas même pour le trop d’esprit ou de talent : « Une œuvre peut pécher par le trop d’esprit, comme le corps peut périr par excès de sang23. » Toutes ces vérités délicates sont rendues chez Pope en vers élégants et en bien moins de mots que je n’en mets ici ; car autant que de Malherbe on peut dire de lui : D’un mot mis en sa place enseigna le pouvoir.
Avertir ce digne homme qu’elle ne l’aime plus, mais qu’elle lui restera fidèle à son corps défendant, c’est dur, c’est impitoyable ; c’est par trop se faire valoir soi-même et trop peu accorder à la sensibilité des autres.
Vous, vous le faites embrasser ; par ma foi, vous êtes un drôle de corps. » Dans tous ces endroits, elle est naturelle, pleine de verve et d’abondance ; elle n’est plus tout à fait cette dame parfaite que Lemonteya vue à Lyon ; elle se livre, elle a du jet ; elle est ce qu’il faut, selon les lieux et les moments ; elle est ce qu’elle veut être, familière et vive quand le cœur lui en dit ; la plume alors prend le galop et court à bride abattue : nous avons une Sévigné de la bourgeoisie, et mieux que cela, une Sévigné George Sand.
Je reconnais bien là votre cœur, et je vous remercie de toutes mes forces ; mais, pardonnez-moi, je vous en conjure, si je continue à me refuser à votre conseil de quitter : songez donc que je ne m’appartiens pas ; mon devoir est de rester où la Providence m’a placée et d’opposer mon corps, s’il le faut, aux couteaux des assassins qui voudraient arriver jusqu’au roi.
Eugénie qui voit juste, qui voit bien, mais qui n’a pas, comme on dit, le diable au corps, continue en ces termes sa description souriante et sobre, que nous donnerons jusqu’à la fin comme un exemple parfait en son genre : « Le verre cassé, on s’est mis en danse.
L’opinion contraire est un véritable outrage à la mémoire d’Homère qui se trouve par là plus maltraité que le corps d’Hector ne le fut dans les champs de Troie. » Ce fut notre Credo français.
Ils sont bien des hommes de la fin du xviiie siècle en cela ; mais ils sont tout à fait des artistes du xixe par les touches successives du tableau et les nuances à l’infini : « Se trouver, en hiver, dans un endroit ami, entre des murs familiers, au milieu de choses habituées au toucher distrait de vos doigts, sur un fauteuil fait à votre corps, dans la lumière voilée de la lampe, près de la chaleur apaisée d’une cheminée qui a brûlé tout le jour, et causer là à l’heure où l’esprit échappe au travail et se sauve de la journée ; causer avec des personnes sympathiques, avec des hommes, des femmes souriant à ce que vous dites ; se livrer et se détendre ; écouter et répondre ; donner son attention aux autres ou la leur prendre ; les confesser ou se raconter ; toucher à tout ce qu’atteint la parole ; s’amuser du jour, juger le journal, remuer le passé comme si l’on tisonnait l’histoire ; faire jaillir, au frottement de la contradiction adoucie d’un : Mon cher, l’étincelle, la flamme, ou le rire des mots ; laisser gaminer un paradoxe, jouer sa raison, courir sa cervelle ; regarder se mêler ou se séparer, sous la discussion, le courant des natures et des tempéraments ; voir ses paroles passer sur l’expression des visages, et surprendre le nez en l’air d’une faiseuse de tapisserie ; sentir son pouls s’élever comme sous une petite fièvre et l’animation légère d’un bien-être capiteux ; s’échapper de soi, s’abandonner, se répandre dans ce qu’on a de spirituel, de convaincu, de tendre, de caressant ou d’indigné ; jouir de cette communication électrique qui fait passer votre idée dans les idées qui vous écoutent ; jouir des sympathies qui paraissent s’enlacer à vos paroles et pressent vos pensées comme avec la chaleur d’une poignée de main : s’épanouir dans cette expansion de tous et devant cette ouverture du fond de chacun ; goûter ce plaisir enivrant de la fusion et de la mêlée des âmes, dans la communion des esprits : la conversation, — c’est un des meilleurs bonheurs de la vie, le seul peut-être qui la fasse tout à fait oublier, qui suspende le temps et les heures de la nuit avec son charme pur et passionnant.
La Bruyère, en causant, sans jamais pouvoir être ennuyeux, pouvait parfois paraître un peu fatigant ; il avait la figure et tout le corps comme en travail.
Ainsi, en lisant celte énergique et gracieuse peinture de sa Marguerite, je ne puis m’empêcher de me reporter à la Simétha de Théocrite, lorsque, racontant le jour où le beau Delphis vint la visiter pour la première fois, elle s’écrie : « Dès que je le vis franchissant le seuil de la porte d’un pied léger, je devins tout entière plus froide que la neige, et la sueur me découlait du front à l’égal des humides rosées ; je ne pouvais rien articuler, pas même de ces petits cris que les enfants poussent en songe vers leur mère ; mais tout mon beau corps resta figé, pareil à une image de cire.
On ne le voyait plus du tout dans le monde, où il n’était jamais allé qu’à son corps défendant.
Il s’en est servi pour resserrer le poème dramatique dans l’espace et dans le temps, c’est-à-dire pour placer l’intérêt dans l’action morale et dans le mouvement des caractères plutôt que dans l’agitation des corps.
Obsédé et assoiffé de la mort, Baudelaire, sans être chrétien, nous rappelle le christianisme angoissé du xve siècle : par une propriété de son tempérament, la mort qui est sa pensée, la mort qui est son désir, c’est la mort visible en la pourriture du corps, la mort perçue sur le cadavre par l’odorat et le toucher.
la pensée est le produit du corps entier.
Une certaine insincérité collective est la base de tout esprit de corps.
La première loi pour les combats de l’esprit, comme pour ceux du corps, est l’égalité du terrain et des armes.
Mais pour cela il faut un corps, un ordre ; or, cet ordre est tout trouvé, il existe ; il ne s’agit que de le ressusciter en France. » Toutefois, l’entreprise au premier abord était étrange.
Ils étaient blonds ; ils avaient tout à fait bonne mine, de grands yeux bleus, les épaules bien avalées, le corps droit et bien planté.
« Bref, dit-il, son âme est immortelle, et force son corps à lui tenir compagnie. » Il y a deux traditions sur Mme Du Deffand : la tradition purement française, qui nous est arrivée à travers ceux qu’elle avait jugés si sévèrement, à travers les gens de lettres et les encyclopédistes ; il y a autre chose encore, la tradition directe et plus vraie, plus intime, et c’est chez Walpole qu’il faut l’aller puiser comme à sa source.
Le trait final est aussi le plus perfide et le plus humiliant ; on l’y montre comme s’attachant à tout prix à la célébrité de M. de Voltaire : « C’est lui qui la rend l’objet de l’attention du public et le sujet des conversations particulières ; c’est à lui qu’elle devra de vivre dans les siècles à venir, et, en attendant, elle lui doit ce qui fait vivre dans le siècle présent. » Pour compléter la satire, il faut joindre à ce portrait de Mme du Châtelet, par Mme Du Deffand, les lettres de Mme de Staal (de Launay) à la même Mme Du Deffand, où nous est représentée si au naturel, mais si en laid, l’arrivée de Mme du Châtelet et de Voltaire, un soir chez la duchesse du Maine, au château d’Anet : « Ils apparaissent sur le minuit comme deux spectres, avec une odeur de corps embaumés. » Ils défraient la société par leurs airs et leurs ridicules, ils l’irritent par leurs singularités ; travaillant tout le jour, lui à l’histoire, elle à Newton, ils ne veulent ni jouer, ni se promener : « Ce sont bien des non-valeurs dans une société où leurs doctes écrits ne sont d’aucun rapport. » Mme du Châtelet surtout ne peut trouver un lieu assez recueilli, une chambre assez silencieuse pour ses méditations : Mme du Châtelet est d’hier à son troisième logement, écrit Mme de Staal ; elle ne pouvait plus supporter celui qu’elle avait choisi ; il y avait du bruit, de la fumée sans feu, il me semble que c’est son emblème.
Remettant en honneur les dons naturels et les affections primitives, et leur laissant leur libre jeu, il s’oppose à l’excès de raisonnement et d’analyse qui voudrait tout réduire à un amour de soi égoïste et cupide : « Le corps a ses grâces, l’esprit ses talents : le cœur n’aurait-il que des vices ?
Cette nation qu’avait ébauchée avant lui le Grand Électeur, il acheva de la former, de lui donner un corps, de lui imprimer l’unité d’esprit : la Prusse n’exista réellement qu’au sortir de ses mains.
Dans un des articles sur la guerre d’Espagne que Carrel inséra en 1828 à la Revue française, il a raconté avec intérêt et vivacité l’épisode de ce petit corps étranger dont il faisait partie, ses combats, ses vicissitudes, et sa presque extermination devant Figuières ; les quelques débris survivants n’échappèrent que grâce à une capitulation généreusement offerte par le général baron de Damas, et qui garantissait la vie et l’honneur des capitulés (16 septembre 1823) : « Quant à ceux des étrangers qui sont Français, était-il dit dans la convention rédigée le lendemain, le lieutenant général s’engage à solliciter vivement leur grâce ; le lieutenant général espère l’obtenir. » Rentré en France à la suite de cette capitulation avec l’épée et l’uniforme, Carrel se vit arrêté à Perpignan et traduit devant un conseil de guerre.
[NdA] Bernardin n’alla jamais depuis dans le monde qu’à son corps défendant.
s’écrie saint François de Sales, vous sortirez un jour de ce corps.
Peut-être en effet, au point de vue physiologique, cette loi n’est-elle, comme la gravitation dans les corps et la sélection dans les espèces vivantes, qu’un cas particulier des lois qui règlent la propagation du mouvement selon la ligne de la moindre résistance.
Mardi 10 février Un drôle de corps que ce Doré.
Le demeurant de cette préoccupation se retrouve dans la disposition des Palais Nomades ; ce ne fut d’ailleurs qu’une étape, car le vers libre a le devoir de tout rendre suffisamment dans le corps des poèmes ; mais ceci marque le point de raccord avec la tradition.
La voix du sang — cette voix du sang dont le mélodrame a tant abusé — parle éloquemment au cœur des jeunes noirs, si l’on en croit le conte intitulé « L’épreuve de la paternité », où les fils adultérins, bien qu’ignorant leur origine réelle, font franchir délibérément à leurs chevaux le corps du mari de leur mère, alors que les véritables fils se refusent à cette épreuve, malgré tous leurs efforts pour obéir à l’ordre formel de leur père.
Il est vrai que c’est sur la même claie, devenue splendide, qu’il a étendu le corps rayonnant de Louis XIV !
Brizeux lui-même disait de sa personne d’alors : Je n’avais que seize ans, léger de corps et d’âme ; Mes cheveux entouraient mon front d’un filet d’or.
« Comme le moissonneur, abattant de sa faux les épis serrés sous un ardent soleil, dépouille les blondes campagnes, il abattra de son glaive ennemi les ce corps des Troyens.
Une société qui se prétend le premier corps littéraire de France, qui devrait réunir l’élite des écrivains, se prête servilement aux caprices des salons. […] Son front se dépouille, mais n’a pas de rides ; ses cheveux blanchissent, mais son corps n’est pas courbé. […] Mais l’humiliation suffisait ; pourquoi faire signer à Chatterton un billet par lequel il promet son corps à Skirner, en cas de non-paiement ? […] et à supposer que le poète l’eût choisi entre tous pour représenter, sous la forme la plus parfaite et la plus vive, ce sentiment spécial, était-il nécessaire de faire contraster la beauté de l’âme avec la difformité du corps ? […] A-t-elle gardée son âme en livrant son corps ?
Pour les rendre agréables, il eût fallu y mettre un cadre de fantaisie, comédie, conte, scènes dialoguées ou lettres, des descriptions pittoresques, une aventure, de l’amour, un « Père Coignard » quelconque, discourant et faisant semblant d’agir et de vivre, qui eût donné à vos idées abstraites un corps, une âme et une forme. […] Y a-t-il une idée plus fantastique que celle d’une société, ayant ses lois propres, sa vie, son âme comme un corps organisé, indépendamment des membres qui la composent ? […] Les voix que vingt échos répètent, puis cent, puis mille, puis des millions, et tout Paris et la France entière, sont donc uniquement celles des cinq ou six personnes influentes qui tiennent l’oreille du public parisien, et, comme le corps marche par l’ordre de la tête, l’oreille de tout le public français. […] Or, on trouve des artistes qui brillent et qui passent, parce qu’ils ont exprimé leur pensée dans une forme qui lui est si indissolublement unie, que la forme ayant vieilli par l’effet du temps, la pensée n’est bientôt plus qu’une fleur fanée dans un vase caduc ; mais il y a bien peu d’auteurs, même parmi les plus grands, dont l’âme s’échappe du corps et survive, toujours jeune, au dépérissement de la matière. […] Votre corps seulement au tombeau pourrira… mais Ronsard, poète pratique, répondit à ces rêveuses : Ô le gentil loyer !
Vous me dites que tel songe, « plein d’un tas de choses révoltantes11 », provient de telle position du corps. […] … Une détonation éclata, et dans le même temps que j’avais entrevu à travers un rond de fumée une botte en l’air, le pan tordu d’une capote, une crinière folle qui volait sur la route… puis rien, j’avais entendu le heurt d’un sabre, la chute lourde d’un corps, le bruit furieux d’un galop… puis rien… Mon arme était chaude et de la fumée s’en échappait… Je la laissai tomber à terre… Étais-je le jouet d’une hallucination ? […] Il en est un moins éthéré, plus voisin de nous, qui ne traite pas la vie avec ce sans-gêne, qui choisit, élimine, néglige volontiers de nous renseigner sur les fonctions du gros intestin, s’occupe médiocrement du corps, mais retient toute l’âme. […] Au physique, un corps d’ogre et une tête de Christ. […] Andrée, L’Unisson, Le Garde du corps, etc.
Grâce à l’emploi laborieux de ce procédé, sa pensée prend un corps et devient véritablement visible ; puis, par une transition à peine sentie, l’auteur se demande s’il n’est pas injuste envers ceux qu’il accuse, si l’or n’eût pas été sans pouvoir sur ses geôliers, si l’oubli n’est pas la seule chance de salut qui lui reste ; il fouille le passé, il interroge ses années de bonheur et de paix. […] Si Habibrah excite moins de dégoût que Han d’Islande, c’est que la ruse domine chez lui la férocité, c’est qu’il met au service d’un corps incomplet un esprit d’une vivacité, d’une souplesse singulière, c’est qu’il y a dans sa scélératesse un côté savant qui soutient l’attention. […] Dans cette œuvre si singulière, si monstrueuse, l’homme et la pierre sont confondus et ne forment plus qu’un seul et même corps. […] C’est donc à lui, à lui seul, qu’elle s’adresse en toute occasion : elle trouve dans le vocabulaire des mots qui traduisent tous les caprices de la lumière, toutes les formes des corps, toutes les nuances, tous les rayons, toutes les ombres. […] Il a beau faire, il se révolte inutilement contre son indignité ; il ne peut se défendre d’une joie cruelle en contemplant le corps inanimé de la femme qu’il a aimée avec frénésie, et dont l’amour obstiné a fait plus tard son supplice.
» Et comme bêtise engendre bouffissure, ainsi que nous le prouve l’exemple des crétins et des filles tolérées, il n’y a pas lieu de s’étonner que nos contemporains soient si sains de corps et d’esprit. — Vous savez ce que j’entends par santé. — Et, voyez ! […] Après d’absurdes et injusticiables échecs, il entra dans « le docte corps », mais il fallut pour cela que l’évidence se fit, que Victor Hugo, qui avait toujours voté pour lui, mourût, et que se vérifiât, une fois de plus, l’héroïque citation : Uno avulso non deficit alter. […] Après ce repas, la prière fut redite avec le même cérémonial que précédemment, le corps incliné et les mains jointes au bord de la table. […] avaient sombré, sombraient encore, corps et bien, au large ou dans le port. […] C’est avec une sorte de fièvre qu’il se livra à Elles corps et âme, et biens, pourrais-je ajouter, — car sa famille, semblable en cela aux trois quarts des familles, tenta d’abord de s’opposer à cette vocation, terrible en vérité, on finit toujours par plus ou moins le reconnaître, puis finalement rompit avec lui sans esprit de réconciliation.
Son corps était un orbe, et son âme sublime — se mouvait autour des pôles de la vertu et du savoir… — Viens, docte Ptolémée, et essaye — de mesurer la hauteur de ce héros… — Les pustules gonflées d’orgueil qui bourgeonnaient à travers sa chair, — comme des boutons de roses, s’enfonçaient dans sa peau de lis. — Chaque petite rougeur avait une larme en elle — pour pleurer la faute que commettait sa naissance ; — ou bien étaient-ce des diamants envoyés pour orner sa peau, — sa peau, le coffret d’une âme intérieure plus riche encore ? […] Maximin, ayant poignardé Placidius, s’assied sur son corps, le poignarde deux fois encore, et dit aux gardes : « Amenez-moi l’impératrice et Porphyrius morts ; je veux braver le ciel une tête dans chaque main713. » Nourmahal, repoussée par le fils de son mari, insiste quatre fois avec l’indécente pédanterie que voici : « Pourquoi ces scrupules contre un plaisir où la nature rassemble toutes ses joies en une seule ? […] Parlant d’Horace, il trouve que « son esprit est terne et son sel presque sans goût ; celui de Juvénal est plus vigoureux et plus mâle, et me donne autant de plaisir que j’en puis porter750. » Par la même raison, il rabaisse les délicatesses du style français. « La langue française n’est pas munie de muscles comme notre anglaise ; elle a l’agilité d’un lévrier, mais non la masse et le corps d’un dogue.
Tout semblait dire à l’homme : « Repose-toi aussi, notre frère ; respire allègrement, et ne te fais pas d’inutiles soucis avant d’entrer dans le sein du sommeil. » En ce moment, je soulevai la tête, et j’aperçus à la pointe d’une branche une de ces grandes mouches à la tête d’émeraude, au corps effilé, et portant quatre ailes de gaze, que les élégants Français ont appelées demoiselles. […] Ses cheveux pendaient en touffes grisonnantes sur son front peu élevé ; ses yeux petits et immobiles avaient l’éclat terne de charbons sur lesquels on vient de verser de l’eau ; il marchait lourdement, déplaçant à chaque pas toutes les parties de son corps disgracieux et difforme. […] il avait vieilli, non pas seulement de visage et de corps, mais son âme elle-même avait vieilli ; conserver jusqu’à la vieillesse un cœur jeune est, dit-on, chose difficile et presque ridicule.
ou « le diable au corps » de ce Gascon de La Calprenède ? […] Sans se séparer de l’Église, et même en continuant de faire corps avec elle presque malgré elle, il a réclamé pour « le monde » les explications qu’il semblait qu’on lui refusât. […] et comme si les exagérations — on dit même les extravagances — de quelques particuliers pouvaient, du fond d’un couvent d’Italie ou d’Espagne, engager, et surtout compromettre un grand corps ! […] Et Pascal n’a-t-il pas eu raison de leur imputer en corps les opinions des « classiques » dont on voit qu’ils tirent toujours les principes, les méthodes, et les décisions de leur casuistique ? […] Entre autres principes, ils professaient « qu’il n’y a point d’autre divinité ni puissance souveraine au monde que la NATURE — c’est Garasse qui imprime le mot en capitales, — laquelle il faut contenter en toutes choses, sans rien refuser à notre corps ou à nos sens de ce qu’ils désirent de nous ».
Il y a deux actions dans Andromaque, mais étroitement unies ensemble : le destin d’Oreste et d’Hermione dépend de l’amour de Pyrrhus pour Andromaque : quelques fadeurs romanesques, quelques vers d’un faux goût, faible et dernier tribut que Racine payait à son siècle, annoncent la jeunesse de l’auteur, et semblent commander une admiration plus grande pour les traits sublimes qui les environnent de toutes parts ; ce sont des taches légères qui ne déplaisent pas dans un beau corps. […] Il en est de même de ces discussions sur l’infériorité et la dépendance des femmes, comme de ces questions métaphysiques sur l’origine des sociétés et sur les droits des gouvernements ; on ne peut les entamer sans ébranler les bases du corps politique et opérer des révolutions funestes. […] Exemple mémorable qui doit nous apprendre qu’autant un corps littéraire est utile quand il se renferme dans les bornes de la décence et du devoir, autant il est nuisible quand il est animé d’un esprit de vertige. […] Du moment que les Juifs furent constitués en corps de peuple dans la Palestine, Dieu lui-même s’établit leur souverain, et prétendit les gouverner en personne : c’était donc Dieu qui était le roi des Juifs ; et les magistrats chargés de l’administration, d’abord sous le nom de juges, ensuite sous celui de rois, n’étaient que des lieutenants de Dieu, de grands vassaux, des feudataires qui relevaient de Dieu immédiatement.
Il se mit dès lors à étudier résolûment ce qui fait la matière essentielle de toute histoire, c’est-à-dire le corps et les ressorts de l’État. […] Laissons de côté des voiles inutiles, qui n’en sont plus pour personne : le ministère Polignac avait été constitué exprès pour lancer les ordonnances ; le National fut créé exprès, et le cas prévu échéant, pour renverser la dynastie parjure ; tout y fut dirigé dans ce but, et avec le soin vraiment patriotique de ne frapper qu’à la tête, en respectant autant que possible le corps de l’État.
M. de Talleyrand donne le premier signe de son génie diplomatique en flairant le premier le génie de Mirabeau et en s’attachant, corps et âme, à ce grand homme. […] C’est dans ces négociations incessantes, discutées dans le cabinet avec le premier consul, élaborées en conférences, en notes ou en dépêches avec les cours et les ministres, conclues avec les puissances, exposées devant les corps délibérants, que M. de Talleyrand fonda la haute autorité de son génie diplomatique.
Non plus qu’un beau corps ne laisse voir le squelette ! […] « Générations après générations, écrit admirablement Carlyle, l’humanité prend la forme d’un corps, et, s’élançant de la nuit cimmérienne, apparaît avec une mission du ciel.
Si vous les portez comme il faut, ils seront solides et neufs toute votre vie ; de plus ils croîtront en même temps que votre corps de manière à vous aller toujours bien. […] » Pour Swift, il ne comprit pas ou feignit de ne pas comprendre les alarmes de l’Église et n’y vit qu’un mélange d’ineptie et d’ingratitude : « Je voudrais, écrivit-il, que ce corps respectable n’eût pas donné d’autres preuves de cette inhabileté, que j’ai souvent remarquée chez lui, à distinguer ses ennemis de ses amis. » Et c’est la reine Anne qu’il a plus tard représentée dans cette reine de Lilliput, qui ne peut pardonner à Gulliver d’avoir éteint, d’une façon inconvenante, l’incendie qui menaçait son palais.
En effet la Motte ne fit d’un corps plein d’embonpoint & de vie, qu’un squelette aride & désagréable. […] Quelle Poésie que celle du quatriéme Livre sur les simulacres & les images émanées des corps, dont il forme nos sensations ?
Certaines habitudes s’associent aisément avec d’autres, comme avec certaines époques du jour ou avec certains états du corps ; et, une fois acquises, elles persistent avec constance pendant toute la vie. […] En somme, et lors même que ce ne serait pas en vertu d’une déduction rigoureusement logique, il me paraîtrait encore plus satisfaisant pour l’esprit de considérer des instincts, tels que celui du jeune Coucou, qui repousse-hors du nid ses jeunes frères d’adoption, celui des Fourmis esclavagistes, ou celui des larves de l’Ichneumon qui se nourrissent dans le corps de la Chenille, non pas comme le résultat d’autant d’actes créateurs spéciaux, mais comme de petites conséquences contingentes d’une seule loi générale ayant pour but le progrès de tous les êtres organisés, c’est-à-dire leur multiplication, leur transformation, et enfin la condamnation des plus faibles à une mort certaine, mais généralement prompte, et la sélection continuelle des plus forts pour une vie longue et heureuse, continuée par une postérité nombreuse et florissante.
Les beautez qu’on tire du nud dans les corps representez en action, n’avoient point été imaginées de personne. […] Les romains ne tenoient pas un corps de troupes dans la Grece, comme ils en tenoient en d’autres provinces.
Ce génie philosophique répandu dans tous les livres et dans tous les états, est l’instant de la plus grande lumière d’un peuple ; c’est alors que le corps de la nation commence à avoir de l’esprit, ou plutôt, ce qui revient à peu près au même, commence à s’apercevoir qu’il en manque après deux siècles de peines prises pour lui en donner. […] Enfin un géomètre qui avait dans son corps une réputation méritée, et dont la Prusse a privé la France, s’est trouvé par hasard posséder dans un degré peu commun, cet agrément dans l’esprit dont nous faisons tant de cas, mais qu’il orne par des qualités plus solides, et que la géométrie ne peut pas plus ôter quand on l’a, que les belles-lettres ne peuvent le donner quand on ne l’a pas.
Le Paul Féval de ce livre, c’est Voltaire et Beaumarchais christianisés dans un homme, pour prouver au monde qu’en esprit et en gaîté ceux qui ont Dieu au cœur valent bien ceux qui ont le diable au corps. […] Il est des âmes frappées par la foudre du chemin de Damas et qui sont coupées en deux dans leur génie, comme le corps d’un soldat par un boulet de canon.
Taille et dimension sont des termes qui ont un sens précis quand il s’agit d’un modèle qui pose : c’est ce que nous percevons de la hauteur et de la largeur d’un personnage quand nous sommes à côté de lui, quand nous pouvons le toucher et porter le long de son corps une règle destinée à la mesure. […] Sans même aller jusque-là, je n’ai qu’à regarder les astres ; je vois des corps en mouvement par rapport à la Terre.
En ce qui était des vers en particulier, comme on venait de représenter pour la première fois La Métromanie (1738), Bernis donnait cours à ses réflexions : « Il est difficile d’être jeune et de vivre à Paris sans avoir envie de faire des vers. » Et de ce qu’on en fait avec plus ou moins de talent, il ne s’ensuit pas que ce talent entraîne avec lui toutes les extravagances qui rendent certains versificateurs si ridicules : Heureux, s’écriait-il avec sentiment et justesse, heureux ceux qui reçurent un talent qui les suit partout, qui, dans la solitude et le silence, fait reparaître à leurs yeux tout ce que l’absence leur avait fait perdre ; qui prête un corps et des couleurs à tout ce qui respire, qui donne au monde des habitants que le vulgaire ignore !
Il a la confiance de cette dernière compagnie, et son système est d’empêcher le choc des deux corps.
Ainsi, dans son audace première il voulait d’abord en tout et partout le triomphe du principe électif ; il voulait l’élection des juges, celle des dépositaires du Trésor et du corps même des finances : ces dépositaires du Trésor eussent été nommés par l’Assemblée et responsables devant elle ; il voulait que l’armée fût assermentée à la nation, toutes conditions reconnues depuis incompatibles avec la Constitution monarchique.
Un homme qui s’exprime comme il vient de le faire n’est point versatile ; il est né ministériel, et, s’il se trouve un moment jeté dans l’opposition, ce n’est qu’à son corps défendant, Cette place de lord du Conseil de commerce à laquelle Gibbon aspirait, il l’obtint et la conserva trois ans (1779-1782) avec un traitement annuel de sept cent cinquante livres sterling ; mais le Conseil de commerce ayant été supprimé, Gibbon, qui se trouvait gêné dans ses revenus, songea à sortir de la vie publique pour laquelle il était si peu fait, à recouvrer son indépendance, et à se retirer en Suisse pour y achever son Histoire.
À cela près, il déclarait admirer sincèrement l’auteur pour ses grâces d’esprit, et n’avoir voulu que noter quelques taches dans un beau corps.
Au sujet de ces agitations, de ces énergies de cœur et d’esprit qu’elle lui marquait, il lui disait encore : « Votre âme se porte trop bien, elle vous use ; vous n’aurez jamais un corps sain. » — À la paix, après quelques années passées à observer les riches héritières, le marquis de Créqui se maria avec Mlle du Muy ; cette union, tout en vue de la fortune, fut sans bonheur, et les zizanies, les chicanes qu’elle engendra rejaillirent jusqu’à Mme de Créqui, et lui causèrent bien des ennuis et même des pertes d’argent considérables ; mais ce qui l’atteignait plus que tout, c’était l’indifférence et l’ingratitude de cœur de son fils, qui ne parut jamais s’apercevoir des sacrifices et de l’affection de sa mère.
L’année d’après nous lisons cet article, qui complète les précédents : Ce samedi 24 (juillet 1706), cet agent (l’agent des Bossuet, Cornuau) m’a envoyé le missel de Meaux, en maroquin, de feu M. de Meaux, que j’avais demandé à l’abbé Bossuet dès Paris, et qu’il ne m’avait accordé qu’à son corps défendant ; mais enfin je le tiens : il faut tirer ce qu’on peut de mauvaise paye.
En attendant, il dresse pour son plaisir des listes ministérielles d’essai, dont il a soin d’exclure le plus qu’il peut M. son Frère, ou quand il l’admet, c’est bien à son corps défendant.
Il rentre dans la vie privée avant quarante ans, se retourne vers la terre avec une sorte de rage, travaille et laboure son champ, améliore son domaine et ne se relève qu’en 1814, devant l’invasion, pour y devenir colonel d’un corps franc ; puis, après un dernier effort patriotique et comme une dernière convulsion, il retombe et rentre derechef dans l’oubli pour mourir obscurément en 1833.
Comme nous ne jouissons pas ici de la liberté de la presse, le Parlement, par un Arrêt juste, s’il est, comme je n’en doute pas, conforme aux lois du royaume, mais néanmoins rigoureux, l’a décrété de prise de corps, et l’on prétend que, s’il n’avait pas pris la fuite, il aurait été condamné à la mort.
» 35 Le dernier tableau de cette existence mondaine de Mme de Boufflers, nous l’emprunterons encore à Mme du Deffand, malgré la teinte de malveillance qui se mêle toujours à ce qu’elle dit de l’Idole, mais enfin les traits finissent par se radoucir, et ce qu’elle est forcée de lui accorder à son corps défendant a d’autant plus de prix : « J’avais toujours oublié, écrit-elle à Walpole (4 avril 1780), de parler à l’Idole de la maladie de Beauclerk, et la première fois que je lui en ai parlé fut vendredi dernier que je lui ai appris sa mort ; elle en a été peu touchée, quoiqu’elle ait eu pour lui une petite flamme.
Son âme ardente ne pouvait pas exister davantage dans un corps qu’elle minait continuellement.
Envoyé par le roi pour châtier une rébellion et venger le meurtre du gouverneur de Bordeaux, Monneins son propre parent, qui y avait péri odieusement massacré, il arriva devant cette ville, enflammé de colère, n’y voulut entrer que par la brèche et en ennemi, après avoir fait abattre trente toises de murailles, désarma les bourgeois, en envoya cent cinquante au dernier supplice ; et en outre il fit dresser un épouvantable arrêt par le maître des requêtes, Étienne de Nully, le plus violent des hommes, arrêt par lequel il interdit le Parlement, fit enlever toutes les cloches de la ville, supprima les privilèges des bourgeois, les contraignit d’en brûler eux-mêmes les titres et chartes, et de plus, ils durent déterrer le corps du gouverneur Monneins « avec leurs ongles », aller en habits de deuil devant le logis du connétable lui crier miséricorde, et lui payer en fin de compte 200 mille livres pour les dépenses de son armée46.
Peu à peu, cependant, on voit sortir des porches entrebâillés de grandes figures pâles, mornes, vêtues de blanc, avec l’air plutôt exténué que pensif ; elles arrivent les yeux clignotants, la tête basse, et se faisant, de l’ombre de leur voile, un abri pour tout le corps, sous ce soleil perpendiculaire.
Faut-il s’étonner, après cela, que tout ce qui est amour et divin délire ait été peu compris par le docte Corps ?
Lorsqu’elle s’occupa de politique (et elle y fut bientôt forcée par les sollicitations et les exigences de sa coterie même), elle ne le fit qu’à son corps défendant sans doute, mais elle dut s’y prêter ; elle s’en occupa d’abord par le petit côté, et seulement pour faire prévaloir ses recommandations personnelles, ses propres préférences ou plutôt celles de ses intimes.
. — Il est fait mention dans la Correspondance de Napoléon Ier , au tome XXII, page 283, d’un général Lanchantin, que Napoléon met à la tête d’une 2me brigade destinée à la formation d’un corps d’observation de l’Italie méridionale, après la dissolution de l’armée de Naples (24 juin 1811).
. — J’avais, comme vous l’avez très-bien aperçu, commencé cette histoire de Saint-Julien dans d’autres vues, et les deux corps se joignaient fort mal.
Mais Belcolore, l’impure acharnée, cette Sirène au beau corps, à l’épaule charnue, A la gorge superbe et toujours demi-nue, Sous ses cheveux plaqués le front stupide et fier, Avec ses deux grands yeux qui sont d’un noir d’enfer, Belcolore, le brutal génie des sens, la volupté meurtrière, a suivi Frank ; elle s’est glissée sur le seuil nuptial, et entre le chaste baiser donné, et pas encore rendu69, elle trouve place pour un poignard au cœur innocent de Déidamia : Ah !
Nous eûmes ce jour-là un spectacle extraordinaire : toute l’Académie en corps dans l’appareil le plus respectable, une assemblée nombreuse, un vieillard qui ajoutait à sa réputation par ses cheveux blancs, qui fut précédé par des applaudissements généraux, et dont toutes les paroles étaient attendues comme des oracles ; et qui trouva moyen de perdre en un quart d’heure toute la masse d’estime littéraire qu’il s’était acquise depuis si longtemps ; le Vert-Vert et le Méchant restent, mais l’auteur n’est plus. » (Notice sur la Vie et les Écrits de G.
Deux œuvres mettent alors en lumière l’avortement du genre historique : d’abord l’admirable corps d’Histoires du président de Thou259, si exact, si informé, si impartial, et qui, écrivant en latin avec les mots et la couleur de Tite-Live, n’arrive qu’à faire un pastiche ; en second lieu la célèbre Histoire Romaine de M.
Cette correspondance dans laquelle Rousseau n’entra qu’à son corps défendant, et où, du premier au dernier jour, chaque billet lui fut comme arraché, a pourtant cela de remarquable et d’intéressant, qu’elle est suivie, qu’elle forme un tout complet, qu’elle n’était pas destinée au public, qu’elle nous montre Jean-Jacques au naturel depuis le lendemain de La Nouvelle Héloïse jusqu’au moment où sa raison s’altéra irrémédiablement.
« Continuez vos ouvrages, lui écrivait l’abbé Galiani ; c’est une preuve d’attachement à la vie que de composer des livres. » Avec un corps détruit et une santé en ruine, elle eut l’art de vivre ainsi jusqu’à la fin, de disputer pied à pied les restes de sa pénible existence, et d’en tirer parti pour ce qui l’entourait, avec affection et avec grâce.
Au siège d’Orléans, étant dans la ville, et informée par Dunois qu’un corps anglais commandé par Falstoff s’approchait pour secourir les assiégeants, elle en fut toute réjouie, et, craignant qu’on ne l’en avertît point à temps pour l’empêcher d’aller à la rencontre, elle dit à Dunois : Bâtard, bâtard au nom de Dieu (elle put bien dire : Par mon martin, mais le témoin qui dépose du fait aura jugé le mot trop peu noble), je te commande que, tantôt que tu sauras la venue dudit Falstoff, tu me le fasses savoir ; car s’il passe sans que je le sache, je te ferai couper la tête.
En décembre 1813, nommé membre de la commission du Corps législatif pour prononcer sur l’état des négociations entamées auprès des puissances, il osa, avec MM.
[NdA] Ceci est tiré, comme la citation précédente, du Mémoire pour Marie-Anne de Surcourt, femme du sieur Le Brun, plaidant pour la séparation de corps (1781).
La femme de chambre (car ici Mme de Motteville l’est bien un peu) nous montre avec admiration et avec amour sa royale maîtresse depuis l’instant où elle s’éveille, depuis celui où elle se lève et où on lui présente la chemise, jusqu’à son souper et à son coucher : Après avoir mis son corps de jupe avec un peignoir, elle entendait la messe fort dévotement ; et, cette sainte action finie, elle venait à sa toilette.
Quand quelque blessure est faite au corps de l’État, « ce n’est point assez de réparer le mal si l’on n’ajoute quelque bien qu’on n’avait pas auparavant ».
Le magistrat qui releva le corps de Courier (M.
Combattant, ainsi que nous avons vu faire aux Portalis et aux Rivarol, avec moins de vigueur qu’eux, mais dans le même sens, les philosophes et les sophistes qui avaient décomposé le cœur humain comme le corps social et voulu disséquer toutes choses, il disait : « La société doit avoir son côté mystérieux comme la religion, et j’ai toujours pensé qu’il fallait quelquefois croire aux lois de la patrie comme on croit aux préceptes de Dieu. » Il remarquait que « dans le cours ordinaire de la vie, et même sur la scène politique, il est des choses qu’on fait mieux lorsqu’on ne songe point à la cause qui nous fait agir : l’homme est souvent porté à la vertu et à l’héroïsme par un mouvement irréfléchi
S’il voit le mal, Montesquieu apprécie très bien les avantages qui le compensent ; ce qu’il exprime ainsi : L’Angleterre est à présent le pays le plus libre qui soit au monde, je n’en excepte aucune république… Quand un homme, en Angleterre, aurait autant d’ennemis qu’il a de cheveux sur la tête, il ne lui en arriverait rien : c’est beaucoup, car la santé de l’âme est aussi nécessaire que celle du corps.
La volumineuse collection de ses feuilles, malgré les défauts et les bigarrures, malgré les morceaux de différentes mains qui y sont entrés, fait un corps d’ouvrage et mérite d’être inscrite au nom de Grimm.
Il dit, à propos de ce grand corps : « La règle, en France, a précédé les chefs-d’œuvre ; la discipline a prévenu la liberté. » J’accorde que, pour la date, la création de l’Académie française est antérieure à la plupart des chefs-d’œuvre du xviie siècle ; mais y a-t-elle été pour quelque chose ?
Cette loi est évidente dans la structure des dents et des griffes du Tigre et dans celle des pieds et des crochets de l’insecte parasite qui grimpe aux poils de son corps.
Ne sera-t-elle pas tentée par cette grande et mystérieuse possession du corps et du sang de Notre-Seigneur par le moi, et, pour parler comme elle, le moi tout entier !
Mais à l’heure qu’il est, où l’atavisme est une idée admise par les savants et où la jeune physiologie moderne conclut, en matière d’hérédité, comme la vieille théologie, on reconnaîtra bien peut-être qu’il y a dans l’âme comme dans le corps des races d’épouvantables transmissions, et c’est la preuve expérimentale de cette vérité que Saint-Simon a faite avec une largeur de génie qui a dépassé de ses ailes l’étroite envergure d’un Mémoire… Il a recherché toutes les bâtardises des races royales qui ont régné dans notre histoire, et, à toutes les hauteurs, il a trouvé ce résultat formidable : c’est que partout où il y a eu bâtardise, il y a eu pour l’État trouble, péril et trahison… Saint-Simon n’est pas, lui, un nigaud à métaphysique.
Il a vu positivement, à l’œil nu, la main de Dieu, qui prit Habacuc par les cheveux, se perdre dans les cheveux embroussaillés de Hello, dont on peut dire peut-être ce que madame de Fontenay disait du doux platonicien Joubert : que son âme avait un jour rencontré son corps et qu’elle s’en tirait comme elle pouvait.
Il faudra donc admettre qu’un corps quelconque se mouvant avec une vitesse quelconque v subit, dans le sens de son mouvement, une contraction telle que sa nouvelle dimension soit à l’ancienne dans le rapport de équation à l’unité.
Les âmes s’y fortifiaient, non moins que les corps.
Que Notre-Seigneur soit loué de qui pardonne, en amour de lui, et de qui souffre les peines du corps avec patience, et la maladie avec allégresse d’esprit !
De taille ordinaire, cambrée, il était demeuré svelte sans maigreur, avec une sorte de correction et de grâce nette et mesurée de tous les mouvements du corps. […] Le corps regimbe, l’instinct regimbe, c’est une pure victoire d’esprit Et voilà à quelle sottise se passe mon temps. […] Quant au souci principal révélé par Mauclair d’exprimer la valeur des phrases selon l’emploi de lettres de divers corps, il dénonce simplement que Mallarmé en arrivait alors à n’avoir en vue que des recherches de Forme — qui, examinées, semblent nier la valeur en elle-même et du verbe et de la pensée. […] Elle n’est point un corps humain qui évolue mais pour lui, une métaphore : glaive, coupe, fleur une écriture corporelle, des signes, des images, animation d’hiéroglyphes… Si l’on examine de près ces propositions d’art scénique — scénique seulement, car d’idées génératrices, il n’en est question l’on trouve au résumé les divers aspects du Théâtre légendaire occidental, Grec et Wagnérien, avec prépondérance de nécessité Symbolique : l’évocation et la suggestion qui sont l’art propre de Mallarmé.
« Présumant que cet effet était dû à l’un des corps qui se trouvaient dans l’armoire, il les enleva l’un après l’autre, rapportant chaque fois une plaque impressionnée. […] Il supposa que les vapeurs de ce corps pouvaient avoir développé l’image. […] Et chaque décision nouvelle vient fortifier et développer la première invention en lui apportant un nouveau contingent d’idées, d’images, de faits qui viennent faire corps avec elle, la mettre en valeur et la faire vivre. […] Certains illogismes, certains défauts frappent davantage quand l’œuvre a pris corps, et comme ils deviennent plus gênants, ils tendent à susciter une réaction qui les élimine. […] « La pensée continue la vie, dit-il, elle tend à assimiler, à organiser tout ce qui pénètre en elle ; on peut la définir aussi justement que la vie du corps “une création”… Loin d’être un miracle qui rompe brusquement la continuité des choses, le génie est peut-être le fait le plus général de la vie intérieure. » Guyau rapproche aussi l’art et la vie.
encore un coup, qui oserait parler de cette honteuse plaie de la nature, de cette concupiscence qui lie l’âme au corps par des liens si tendres et si violents, dont on a tant de peine à se déprendre, et qui cause aussi dans le genre humain de si effroyables désordres ? […] » Sir Hall m’a montré, sous les armes, le corps qu’il a levé parmi ces ci-devant sauvages, et je n’en ai jamais vu de mieux discipliné parmi les troupes Indiennes. […] je me sens aussi frais d’esprit et aussi léger de corps, que si, au lieu de 43 degrés de chaleur, il y en avait seulement 14 ou 15 !
Le jour même de la formation du Conseil d’État, on avait dressé un projet de règlement pour les rapports à établir entre le Conseil, le Corps législatif et le Tribunat.
Vous ne devez pas être inquiet de ce que quelques morceaux épars et isolés, tirés de ses portefeuilles, seront peut-être imprimés : ils ne pourront jamais faire un corps d’histoire, et ne présenteront aucune liaison.
Il attendait l’arrivée du prince de Bade et du corps de troupes que ce général avait détaché de l’armée du Rhin.
Le corps de la Vénus me paraît merveilleux… […] Mais je hais les pleurards, les rêveurs à nacelles, Les amants de la nuit, des lacs, des cascatelles, Cette engeance sans nom qui ne peut faire un pas Sans s’inonder de vers, de pleurs et d’agendas.
Il a tracé de ce salon célèbre et de sa confusion première un piquant tableau : « Le salon de Mme de Staël se trouvait alors peuplé, disait-il, de quatre à cinq tribus différentes : des membres du gouvernement présent, dont elle cherchait à conquérir la confiance ; de quelques échappés du gouvernement passé, dont l’aspect déplaisait à leurs successeurs ; de tous les nobles rentrés, qu’elle était à la fois flattée et fâchée de recevoir ; des écrivains qui, depuis le 9 thermidor, avaient repris de l’influence, et du Corps diplomatique, qui était aux pieds du Comité de Salut public en conspirant contre lui. » « Au milieu des conversations, des actes, des intrigues de ces différentes peuplades, ma naïveté républicaine se trouvait fort embarrassée.
Il fait inventer les modes, la nouveauté et l’élégance dans les costumes ; il apprend aux femmes l’art de se bien mettre : « Et que dirons-nous des femmes, l’habit desquelles et l’ornement de corps dont elles usent est fait pour plaire, si jamais rien fut fait ?
Don Diègue reste seul, exhale son désespoir, déplore son infamie qui fait contraste à sa gloire passée, et, s’adressant à cette épée devenue inutile, il la rejette par ces beaux vers que chacun sait : « Et toi, de mes exploits glorieux instrument, Mais d’un corps tout de glace inutile ornement, Fer, jadis tant à craindre…… » Dans la pièce espagnole, c’est lorsqu’il est rentré dans sa maison où ses fils remarquent sa douleur sans en savoir d’abord le motif, que don Diègue, leur ayant dit de sortir, essaye s’il pourra encore manier le fer ; car devant le comte il n’avait pas d’épée et ne portait que son bâton qu’il a brisé de rage.
On raconte (et feu le chancelier Pasquier faisait ce récit fort vivement) qu’un jour, à une entrée de troupes, vers 1808, il y eut dans un faubourg de Mayence un grave désordre ; le préfet envoya aussitôt au maréchal Victor, commandant le corps d’armée, pour se plaindre et demander justice des soldats qui avaient vexé et violenté les habitants.
Se sentant vouée par les événements à une fin tragique, elle y avait beaucoup réfléchi et elle s’était dit qu’il fallait, quand on est appelé à représenter en public, faire un peu de toilette, pour le corps et pour l’âme.
L’ennemi était en forces ; l’Électeur de Bavière, avec un corps considérable de troupes, ayant joint le duc de Savoie, Catinat n’eut plus qu’à se tenir sur la défensive, et il parut, dans le reste de cette campagne, « prendre continuellement la leçon de ses adversaires et ne régler ses mouvements que sur les leurs. » C’est ainsi, du moins, qu’en jugeaient les critiques sévères.
Le roi consentait à signifier aux princes ses frères « que, dans aucun cas, il n’approuvait ni ne permettait leur entrée en France avec les armées ennemies, soit qu’ils s’y réunissent comme auxiliaires, soit qu’ils se crussent en état d’agir en corps séparé », Malouet proposa pour cette mission secrète auprès des princes son ami Mallot du Pan, qui voyait comme lui en politique : Mallet du Pan, après des retards, partit pour sa mission, muni d’instructions et d’un chiffre.
Non pas seulement assister d’une bonne place à ce savant et terrible jeu à combinaisons non limitées qu’on appelle la grande guerre, non pas seulement être appelé à donner en quatre ou cinq occasions des conseils plus ou moins suivis, mais être une bonne fois à même d’appliquer son génie, ses vues, sa manière d’entendre et de diriger les mouvements d’un corps d’armée, être compté, en un mot, lui aussi, dans la liste d’honneur des généraux qui ont eu leur journée d’éclat, qui ont combiné et agi, qui ont exécuté ce qu’ils avaient conçu.
Tout cet attirail est nécessaire à la suite d’un corps d’armée si savant.
Dans ce même chapitre, il s’adresse aussi aux prosateurs et les exhorte, en recueillant les fragments de vieilles chroniques françaises, à en bâtir le corps entier d’une belle histoire à la Tite-Live, à la Thucydide.
Il possède le secret ou l’instinct de cette puissante sympathie, qui est le lien incompréhensible du commerce des âmes. » Parmi les reproches qu’il se permet de lui adresser, il lui trouve un peu trop de ce vague qui plaît dans la poésie, qui en forme un des caractères essentiels, mais qui doit en être l’âme, et non le corps : est-il possible de mieux dire143 ?
Malgré tout, je l’avouerai, j’en veux un peu à nos auteurs dramatiques de la moderne école ; ils ont poussé en avant les critiques et ne les ont pas suivis ; ils se sont comportés comme les chefs d’une armée feraient avec le corps du génie, en lui disant : « Nous voulons passer là, il nous faut une route. » Les critiques se sont mis à l’œuvre hardiment, sous le feu ; il fallait passer jusqu’au travers de l’ancien théâtre, qui barrait et offusquait.
C’était comme le murmure lointain du vent dans les bois, qui vous frappe l’oreille avec les bruissements des feuillages et qui vous dit : « Tu es seul, tu es mélancolique ; resserre ton cœur ; jouis de ta solitude et de ta tristesse, et laisse les autres jouir du bruit qu’ils font ; ce qui t’attend ce soir vaut mieux que ce vain tumulte. » IV Quand mon ami, avant d’aller dans le monde, entrait un moment dans ma chambre pour étaler son costume devant ma cheminée, je le regardais en souriant d’une certaine pitié sans envie, et je lui disais : « Va te montrer, mais voici l’heure où, quand tu seras parti, je m’isolerai dans mon manteau ; je me glisserai sans bruit le long des murailles et j’irai attendre, sur le quai du Louvre, qu’une lumière solitaire s’allume, entre deux persiennes, pour m’annoncer que le dernier visiteur est retiré du salon, et pour laisser place à l’ami inconnu qui rôde dans le voisinage, comme l’âme cherchant son corps et n’en voulant point d’autre dans la foule de ceux qui ne sont pas nés. » V Il sortait, et je restais seul au coin de mon feu, un livre à la main, jusqu’à ce que la cloche de Saint-Roch sonnât onze heures, et que ce même onzième coup sonnât de l’autre côté de la Seine, dans un cœur qu’il faisait transir ou frissonner.
. — Tout le plaisir et le contentement Que peut avoir un gentil cœur honnête, C’est liberté de corps, d’entendement, Qui rend heureux tout homme, oiseau, ou bête !
A ses vieux griefs contre les Parlements jansénistes s’ajoutait une haine humanitaire contre les traditions surannées de ces corps, contre leur légèreté, leur présomption, contre leur égoïste indifférence, et la préférence qu’ils donnaient à leurs intérêts collectifs sur l’intérêt de la justice ou des particuliers : aussi applaudit-il des deux mains au coup d’État de Maupeou, à l’institution des nouveaux Conseils qui promettaient une justice plus rapide, plus sûre, plus humaine.
Ce n’est d’ailleurs que par cette docilité et cette entente qu’un corps de jugements littéraires peut se former et subsister.
78. » Cette morale apparaît surtout dans les professions dites libérales, accompagnée de toutes sortes de préjugés destinés à maintenir l’honneur et le prestige du corps. — Dans le régime socialiste, la solidarité professionnelle ne serait vraisemblablement pas moins tyrannique que dans l’économie bourgeoise.
Phœbé, quand tous les chats sont gris, Profile de sa pointe rêche Nos corps par la Gloire nourris Qui s’effilent en os de seiche.
France, en même temps qu’un imaginatif mitigé, mais dont l’intelligence du rapport domine le système, par cela même est un intellectuel d’envergure et de rare souplesse, — comment l’imaginerait-on mal armé pour l’attaque de l’idée, pour son observation intime, pour son enveloppement, mais, par contre, suffisamment doté du pouvoir de faire corps avec elle, en en endossant les sympathies multiples, et du pouvoir aussi de ne pas s’attarder au soin de pétrir, au tamisage de ses formules, soit qu’il en veuille émailler l’éclat, soit qu’il en adoucisse les saillies, ne se sentant ni assez visionnaire pour bien parfaire son ouvrage, ni tellement professionnel pour se contenter de butiner ?
La Muse, qui s’était endormie, le cothurne au talon et la perruque au front, le corps serré des bandelettes d’un classicisme étroit, se réveilla, au beau soleil de 1830, en pleine nature, les pieds nus, la chair rafraîchie, le teint vif, turbulente, rêveuse et passionnée.
Une foi brûlante, sacrée, précise, inaltérable, est le signe premier qui marque le réel artiste : — car, en toute production d’Art digne d’un homme, la valeur artistique et la valeur vivante se confondent : c’est la dualité mêlée du corps et de l’âme.
Il leur en demeura à jamais reconnaissant ; il garda avec eux de tout temps tous ses liens : et vieux, affaibli de corps, ce fut chez eux à Paris, dans leur maison de la rue Saint-Antoine, qu’il voulut achever de vieillir et qu’il vint mourir.
Mais, enfin, il commençait, bien qu’à regret et à son corps défendant, à faire la part des circonstances jusqu’au sein des principes.
Dans ce petit corps très bien taillé et très joli, ce n’était qu’esprit, grâce, saillie et sel pur ; la gaieté du masque couvrait bien du bon sens et des idées profondes.