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1358. (1890) L’avenir de la science « VI »

Et à l’adventure encore sçay-je la prétention des sciences en général, au service de nostre vie : mais d’y enfoncer plus avant, de m’estre rongé les ongles à l’estude d’Aristote, monarque de la doctrine moderne, ou opiniastré après quelque science, je ne l’ay jamais faict : ny n’est art de quoy je puisse peindre seulement les premiers linéaments.

1359. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Première Partie. Des Langues Françoise et Latine. — Les traductions. » pp. 125-144

On desire de connoître, d’après lui, Tacite, cet historien qui a si bien peint l’ame fausse, impérieuse, dissimulée & cruelle de Tibère, exécrable imposteur, modèle de Cromwel pour les grandes qualités & les grands vices ; cet historien, qui a si bien nuancé le caractère des Romains, qui veut prouver que tout, dans le sénat & chez Tibère, se faisoit par une combinaison de crimes ; cet historien dans qui l’on remarque un esprit d’ordre & de suite, des réflexions & des vues profondes & lumineuses, un talent merveilleux pour faire des tableaux.

1360. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 45, de la musique proprement dite » pp. 444-463

Comme les beautez de l’execution doivent servir en poësie, ainsi qu’en peinture, à mettre en oeuvre les beautez d’invention et les traits de génie qui peignent la nature qu’on imite, de même, la richesse et la varieté des accords, les agrémens et la nouveauté des chants, ne doivent servir en musique que pour faire et pour embellir l’imitation du langage de la nature et des passions.

1361. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « VIII »

., Fénelon aurait expressément voulu signifier ceci : Ce vieillard était noble et majestueux et non pas sordide et vulgaire ; ce teint était frais et vermeil, et non pas fané et pâle ; la demeure de Pluton est sombre, et non pas claire ; sa démarche est douce et légère, et non pas insolente et lourde, Quand il dit : « Ce secret s’échappa du fond de son cœur », ce serait pour donner plus de force que s’il eût dit : « Ce secret s’échappa de son cœur », Quand il remplace « troupeaux » par « tendres agneaux », c’est pour mieux accentuer l’innocence des victimes ; quand il dit : « Comme un serpent sous les fleurs », c’est pour peindre l’astuce et le danger, et lorsqu’il répète six fois par page (voir nos citations) le mot doux, c’est probablement encore pour souligner l’idée de douceur.‌

1362. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre IV. Mme Émile de Girardin »

Mme de Staël, ce Diderot-femme et qui, parce qu’elle était femme, valait mieux que Diderot, a, offert le même spectacle que Diderot, dont Mme Necker disait, sans regarder sa fille : « Il n’eût pas été si naturel, s’il n’avait pas été si exagéré. » Mlle Delphine Gay, qui a presque failli être Corinne Gay, mais que l’esprit, l’esprit grandi et trempé, comme un acier, dans la vie, a sauvé du vertige, au bord du ridicule, Mlle Delphine Gay, cette de Staël, blonde et belle, et qui faisait des vers, trois supériorités qui eussent passionné, jusqu’à la petitesse de la jalousie, la grande âme de Mme de Staël, mais qui n’en restera pas moins inférieure à Mme de Staël, malgré ces trois supériorités, Mlle Gay, née à Aix-la-Chapelle, fut baptisée, dit-on, sur le tombeau de Charlemagne et élevée à l’ombre de ce cap Misène, peint par Gérard, qui, alors, projetait sa cime lumineuse sur toutes les imaginations.

1363. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XIV. L’auteur de Robert Emmet »

Parce qu’on a eu une adorable et admirable grand’mère, qui s’est peinte en pied dans un tableau qui s’appelle Corinne, on veut se montrer la petite-fille de cette grand’mère, fût-ce en miniature.

1364. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Ch.-L. Livet »

… Ou il doit recommencer sérieusement, ce qui ne manquerait pas de hardiesse, la comédie de Molière, cette comédie des Précieuses, qui n’a point passé comme le temps qu’elle a peint, et dans laquelle tout est resté aussi vrai et aussi réel que cet éternel bonhomme que Molière met partout, ce Gorgibus qui est Chrysale ailleurs, et Orgon, et même Sganarelle ; car Sganarelle, c’est Gorgibus avec quelques années de moins et une… circonstance de plus ; ou bien — ce qui serait beaucoup plus crâne encore — il doit être, ce livre, la défense enfin arborée des Madelon et des Cathos contre les moqueries de Molière, la négation des ridicules mortels qu’il leur a prêtés, et la cause épousée par un spiritualiste du xixe  siècle de ces idéales méconnues qui tendaient à s’élever au dernier bien des choses, et voulaient des sentiments, des mœurs et une langue où tout fût azur, où tout fût éther !

1365. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Édouard Fournier »

Il s’agit de l’éducation des hommes par l’histoire, par cette histoire qui nous fait aimer la patrie et qui nous l’enfonce dans le cœur à coups de grands exemples, à coups de grands hommes morts pour elle et dont l’âme vibre en certains mots qui les peignent, — ne les eussent-ils pas dits ! 

1366. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Louis XIV. Quinze ans de règne »

Obstiné revenant, il a, depuis vingt ans14, assez dressé sa face de momie, peinte à l’égyptienne, dans toutes les œuvres de la littérature française, dans toutes les glaces où nous nous mirions.

1367. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Histoire de la Révolution »

De tempérament, et je n’entends pas uniquement le tempérament physiologique, mais le tempérament moral, de tempérament l’auteur des Soixante ans est un écrivain d’imagination, qui est peut-être entré dans l’histoire encore plus pour faire des tableaux que pour faire de la politique ; car l’histoire a cela de bon qu’elle fournit l’occasion de peindre quand on ne sait pas inventer.

1368. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Les Femmes de la Révolution » pp. 73-87

Pour lui, la Révolution, qu’il disait — et avec raison — ne s’incarner dans aucun homme, se fait femme aujourd’hui, et tout aussitôt, avec la piété d’un enlumineur de fétiches, le voilà qui se met à nous peindre ce multiple visage de femme sous lequel l’idée révolutionnaire lui apparaît, peut-être d’autant plus puissante… Il est vrai qu’un remords le prend vers la fin de son travail : « Le défaut essentiel de ce livre — dit-il — c’est de ne pas remplir son titre.

1369. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XVII. Mémoires du duc de Luynes, publiés par MM. Dussieux et Soulier » pp. 355-368

Sainte-Beuve, je pourrais bien ajouter, pour être juste, aux deux anecdotes qu’il en extrait à si grand’peine, une troisième que j’aime, parce qu’elle peint bien cette fière aristocratie française, telle qu’elle était avant qu’elle se fût enversaillée, comme disait le vieux Mirabeau, et qu’on lui eût mis autour du cou le collier de chien de l’étiquette : « En 1674, à la bataille de Senef, dit le duc, tous les officiers des chevau-légers ayant été tués ou mis hors de combat, M. le Prince (le grand Condé) vint à eux et leur dit : “Vous êtes autant d’officiers et vous n’avez besoin d’aucun, mais je vais charger à votre tête” Il sortit un chevau-léger du rang, qui lui dit : “Monseigneur, vous pouvez n’être pas en peine de nous.

1370. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. Charles d’Héricault » pp. 291-304

Charles d’Héricault pouvait peindre à grands traits, avec les reliefs du style et de la langue et le frémissement d’un artiste, il l’a dit sans s’y arrêter, avec la sobriété voulue, réfléchie et maintenue résolument, tout le temps de son livre, et que je ne puis m’empêcher d’admirer.

1371. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Madame de Créqui »

L’auteur de Volupté a-t-il bien vu et pouvait-il bien voir, sous son extérieur de grâce patricienne, cette femme qui répugne au pastel et qui méritait d’être peinte, non par une main plus habile que la sienne, mais peut-être plus sympathique ?

1372. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Benjamin Constant »

L’espèce de fatuité qu’on attribuait à l’auteur d’Adolphe, qui, disait-on, avait dans ce roman écrit sa propre histoire et peint la fatigue d’une liaison qui justifiait le mot fameux des Liaisons dangereuses : « on s’ennuie de tout, mon ange », ne tient plus devant le ton de ces lettres écrites par le plus maltraité des hommes qui aiment, — par le plus patito des patiti qui aient jamais existé !

1373. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Hoffmann »

Les Suites d’une queue de cochon (on n’est pas responsable du titre qu’on est obligé de citer), les Suites d’une queue de cochon, à part le décousu d’intelligence et le délire sans gaieté de ce cauchemar qui veut être gai, et la Fenêtre du coin de mon cousin, sont des exemples de cette manière de peindre détaillée, sans finesse et sans choix, et qui, par la vulgarité du dessin et de la couleur, arrive souvent jusqu’à la platitude.

1374. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « G.-A. Lawrence »

Dans cette société de dandys qui ont six pieds de haut et qu’il nous peint, Georges Lawrence nuance la force ; mais une seule fois, exceptionnellement, il a opposé à toutes les riches nuances de la force, à toutes ces exaspérations ou extinctions de l’écarlate sur de l’écarlate, une faiblesse et le contraste d’une pâleur, et c’est quand il a fait raconter toute cette vie de Guy Livingstone à un pauvre camarade de collège, chétif et souffrant, qui la regarde et l’admire du fond de la sienne et de sa faiblesse.

1375. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Byron »

Sous les brumes du spleen anglais, on retrouvait l’azur lumineux de la Grèce éternelle, de la Grèce aux immuables horizons, aux lignes sinueuses, aux contours arrêtés dans leur splendeur nette, en ces vers anglais plus étonnants que s’ils avaient été écrits dans la langue d’Alcée et de Pindare, et qui, bien plus sculptés que peints encore, ressemblent à des bas-reliefs de Phidias !

1376. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « José-Maria de Heredia »

Ce peintre, qui s’enivre de sa peinture, ne se met, je l’ai dit, je crois, jamais à part de ce qu’il peint.

1377. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « Mme de Girardin. Œuvres complètes, — Les Poésies. »

Elle a peint ce moment de sa jeunesse dans des vers que M. 

1378. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Alfred de Vigny »

Le Romantisme de 1830, dont il fut un des Rois chevelus, s’y atteste par une opulente chevelure blonde, digne du peigne d’or avec lequel il la peignait peut-être, cet homme qui avait, pour les autres, le culte de soi des natures élevées et délicates, en toutes choses… Alfred de Vigny ne fut point un dandy comme Byron et comme Alfred de Musset, qui, lui, commença comme Byron et finit comme Sheridan.

1379. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « Jean Richepin »

Il est impossible de supporter longtemps l’analyse, même la mieux faite, de tant de choses méprisables… Je conçois que Le Sage peignît un laquais dans Gil Blas, à l’époque où les laquais intéressaient une société qui donnait chaque jour sa démission de sa noblesse.

1380. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Jules Sandeau » pp. 77-90

Ce n’est pas, assurément, la première fois qu’un romancier a peint l’orgueil nobiliaire, ce magnifique sentiment social, périssant invaincu sous sa couronne fermée, dans l’inflexible pureté de son blason, et qu’on a essayé de nous montrer, comme M. 

1381. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Armand Pommier » pp. 267-279

Pommier, qui ne fait pas du tout du fantastique pour du fantastique, a prétendu nous intéresser, et, comme je l’ai dit, il nous y intéresse tout le temps qu’il ne peint que par dehors l’épouvantable créature, et que nous croyons qu’il y aura un défaut de cuirasse humaine dans cette organisation de l’enfer.

1382. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « G.-A. Lawrence » pp. 353-366

Dans cette société de dandys qui ont six pieds de haut et qu’il nous peint, M. 

1383. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXIV. Siècles de barbarie. Renaissance des lettres. Éloges composés en latin moderne, dans le seizième et le dix-septième siècles. »

Leurs ouvrages seront une espèce de production équivoque, qui ne tiendra à rien, ne peindra rien, et restera à jamais sans caractère et sans couleur.

1384. (1910) Variations sur la vie et les livres pp. 5-314

On savait que le fameux Giotto, ami affectionné de Dante, avait peint en fresque, dans une salle de palais, le portrait du poète. […] Les Cyclopes ne construisaient aucun navire aux flancs peints pour aller vers les cités lointaines, mais ils demeuraient sur leur terre qui était capable de donner des fruits en chaque saison, et que coupaient des prairies molles et aqueuses. […] Ses yeux brillent d’un feu ardent, et son visage, malgré sa douceur, est peint de couleurs trop vives. […] Dans une autre église, j’ai contemplé un grand Christ en bois peint, semblable peut-être à celui d’Avignon, à qui le fanfaron Stendhal voulait donner des coups de poing. […] Banville, Rollinat, Vicaire, Quellien, et ce jeune Olivier Calemard de La Fayette, qui peignait comme son grand-père, l’auteur du Poème des champs, mais d’un pinceau plus tragique, les paysages de la Limagne.

1385. (1915) Les idées et les hommes. Deuxième série pp. -341

Il y avait un petit café, dont le store peint représentait une forêt sombre et Geneviève de Brabant. […] Dupuy a peint, à la manière de Holbein, portrait complet, pareil au modèle et d’où j’ai tiré, comme du modèle, une esquisse, le trait d’une physionomie. […] Les peintres les plus attentifs à noter fortement l’aspect des heures incertaines peignent des matins qui ont l’air de soirs ; et ils peignent des soirs si roses qu’on les prendrait pour des matins. […] Par exemple, dans L’Air des cimes, il a peint le vieux Juste-Agénor de Baraglioul, son père. […] Le projet littéraire de Julius, l’intention qu’il a de peindre un jeune criminel tout pareil à Lafcadio, il l’a, sans le savoir, attrapée de Lafcadio.

1386. (1908) Jean Racine pp. 1-325

Seulement, c’est plus fort qu’eux, ils ne peuvent la peindre sans mêler à leurs peintures, trop menues, trop sèchement détaillées, de l’esprit et des pointes, et une trop piquante mythologie. […] Là, mille autres petits oiseaux Peignent encore dans les eaux Leur éclatant plumage : L’œil ne peut juger au dehors Qui vole ou bien qui nage De leurs ombres et de leurs corps. […] Ce sentiment plus profond — ou plus voulu — de la nature et cette façon plus riche de la peindre sont assurément un gain, qui le nie ? Mais que la manière exacte et sobre de nos classiques retrouve d’agrément, après tant d’orgies de couleurs et tant d’efforts trop visibles pour voir et pour peindre ! […] Sur quoi Racine se dit : « Je vais leur montrer, moi, ce que peut être l’amour chez un sexagénaire : le sentiment le plus fort, le plus exigeant, le plus douloureux, le plus féroce. » Il était d’ailleurs assez naturel qu’aux autres variétés de l’implacable amour il voulût ajouter celle-là, qui n’avait pas encore été peinte dans toute sa vérité.

1387. (1882) Types littéraires et fantaisies esthétiques pp. 3-340

Une des choses qui ont perdu la littérature dramatique française, c’est la manie de vouloir peindre des caractères abstraits et tout d’une pièce. […] Le poète doit peindre des caractères, cela est vrai, mais ces caractères ne doivent pas être artificiellement, conçus : ils doivent être le résultat même de la vie. […] Il l’a oublié ; ce qui est certain, c’est qu’un merveilleux édifice s’est élevé avec son chœur mystérieux, son jubé, ses vitraux peints et sa rosace en pierre brodée. […] Avec quelle profondeur ils pensent, mais aussi avec quelle puissance ils peignent ! […] Défiguré n’est pas tout à fait le mot propre, et je désespère de trouver une expression convenable pour peindre les ravages particuliers que la maladie avait faits sur lui.

1388. (1895) Les mercredis d’un critique, 1894 pp. 3-382

Lavedan excelle à peindre ces beaux fils de famille, tirés à quatre épingles, absolument inutiles et assez fiers de leur inutilité. […] Convaincus que l’à-peu-près suffirait, ils se sont lancés dans l’à-peu-près, et ceux-là surtout qui voyaient mal ou pas du tout se sont empressés de peindre comme ils voyaient ou croyaient voir. […] Maintenant on a le droit de dire, sans provoquer des clameurs, qu’il a été donné, aux gens de ce temps-ci, d’assister à un magnifique phénomène d’évolution artistique, par cette succession de toiles peintes par Claude Monet depuis une vingtaine d’années. […] Ce qu’il faut ajouter, c’est qu’à côté de toutes ces scènes pleines de gaîté où est peinte d’une touche légère la stupidité mondaine, on trouve le petit grain de philosophie qui donne la saveur à toutes ses œuvres. […] On le trouverait là, peint de sa propre main, avec la plus fine plume de prosateur, et de ce volume ainsi composé, sortirait une des figures de poète les plus originales et les plus attachantes de notre siècle.

1389. (1881) Études sur la littérature française moderne et contemporaine

Peu disposé à peindre en beau les hommes et la plupart des femmes, cet Anglais mordant et morose n’a que des expressions d’estime affectueuse lorsqu’il rencontre sous sa plume le nom de la comtesse de Rochefort et ceux des personnes qui composaient sa société intime. […] Il est prouvé aujourd’hui que la langue française peut tout peindre, et nos poètes ont entre les mains un instrument d’une puissance qu’on n’avait jamais soupçonnée. […] J’appelle ainsi un poète qui voit la nature avec les yeux de l’âme, et qui ne se contente pas de la peindre, mais qui la sent profondément. […] À sa bouche pendait une longue pipe de porcelaine peinte, et la fumée qui s’en exhalait montait vers l’azur, solennelle et douce comme un parfum d’encensoir. […] Il songea : « Mais peut-être que les vertus que j’ai peintes comme un sacrifice de notre intérêt propre à l’intérêt public ne sont qu’un pur effet de l’amour de nous-mêmes.

1390. (1895) Nouveaux essais sur la littérature contemporaine

Un Bernardin plus complet en ressort, peint par lui-même, cette fois-ci, dans ses lettres intimes, et comme achevé de peindre dans les lettres de ses correspondantes, de ses « amies », —  plus nombreuses encore que celles de Rousseau, — dans les lettres aussi de ses deux « femmes », la pauvre Félicité Didot, et l’heureuse Désirée de Pelleporc. […] L’un nous peint la tourterelle d’Afrique avec sa teinte coralière sur le cou. […] si jamais on a peint en vers, ou pour mieux dire, si jamais on a « sculpté », c’est dans des vers comme ceux-ci ; et, naturellement, je ne les ai pas choisis sans quelque intention de montrer comment le souci de la forme se lie au respect de l’antiquité. […] Paul Bourget a usé pour la peindre ou pour la dessiner, l’idéalise. […] Henriette Scilly est plutôt de la famille des saintes ou des vierges dont les primitifs italiens aimaient à peindre eux aussi les âmes.

1391. (1782) Essai sur les règnes de Claude et de Néron et sur la vie et les écrits de Sénèque pour servir d’introduction à la lecture de ce philosophe (1778-1782) « Essai, sur les règnes, de Claude et de Néron. Livre premier. » pp. 15-203

Ce n’est pas sans dessein que j’ai peint ces philosophes. […] Mais quels pouvaient être le fruit de leur exemple et l’effet de leurs discours sur un prince mal né, et d’ailleurs environné d’esclaves corrompus et de femmes perdues, qui en applaudissant à ses penchants, lui peignaient Sénèque et Burrhus comme deux pédagogues importuns ; l’un, plus fait pour pérorer dans l’ombre d’une école, que pour être admis à l’intimité d’un empereur ; l’autre, plus propre à commander dans un camp à la soldatesque, qu’à représenter dans un palais ? […] Il graverait volontiers sur la tombe de Sénèque les lignes énergiques avec lesquelles l’historien Tacite peint un stoïcien hypocrite. « Il affectait la gravité de la secte stoïcienne, il avait le manteau et la physionomie d’une école honnête ; mais il était perfide, mais il était fourbe, mais cet extérieur imposant masquait l’avarice et la débauche. » Et voilà l’homme qu’on va reconnaître pour le héros de Tacite ! […] Il y a des circonstances, telles que celles-ci, où le discours perdra toute sa force, si l’on ne se peint pas le ton, le regard, le maintien de celui qui parle : il faut voir la consternation sur le visage de Sénèque, l’indignation sur celui de Burrhus. […] « Et pour dire ma pensée en deux mots, ni Sénèque ni Burrhus ne sont pas d’aussi honnêtes gens qu’on nous les peint. » Et qui est-ce qui prononce avec ce ton de suffisance de deux célèbres personnages que leurs talents et leurs vertus conduisirent aux premières fonctions de l’Empire romain ; qui firent, pendant cinq années sur un règne de quatorze, du prince le plus malheureusement né, un des meilleurs souverains ; qui jouirent d’une considération générale pendant leur vie ; qui scellèrent de leur sang leur fidélité à remplir leurs devoirs, et qui laissèrent, après une mort violente, de longs regrets à tous les bons citoyens de Rome ?

1392. (1911) Nos directions

Il eût pu peindre à fresque une harmonieuse, épique et rude société ; il préféra faussement illustrer une théorie. — Qu’y gagna l’Art ? […] Et il peignit non des hommes, mais des « groupes d’hommes », famille, ferme, village, ville. […] Rien de plus dangereux à peindre au théâtre que le génie, que le génie en plein travail agissant, découvrant, créant. […] Racine dessinait d’abord ; mais peignait tout de même ensuite, encore que de couleurs discrètes et lavées. […] Racine, loin d’élire des héros nobles mais moyens, se soit plu à ne peindre que « des bêtes féroces » — le mot est de Brunetière, comme on sait.

1393. (1928) Quelques témoignages : hommes et idées. Tome I

Et, de même que nous disons qu’elle est bien peinte, osons dire que la Comédie humaine est bien écrite, puisqu’elle est réellement ce que son auteur a voulu qu’elle fût : l’évocation vivante de tout un monde. […] Ces portraits d’Hommes et Dieux, que Sainte-Beuve admirait tant, le Néron, le Marc-Aurèle, le César Borgia ne sont pas seulement peints avec une fougue qui rappelle le coup de brosse des coloristes de Venise. […] Il nous les peint dans leurs robes rouges, dans leurs hermines « dont ils s’emmaillotent en chats-fourrés ». […] Étant donné un sentiment à noter, une histoire à raconter, un personnage à peindre, ils recherchent le trait unique et significatif et qu’ils s’appliquent à marquer sobrement, mais clairement aussi et élégamment. […] Que la Révolution est voisine, mais aussi comment croire à la durée de la société peinte dans ce roman et d’un monde où plus rien n’est honorable ?

1394. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) «  Chapitre treizième.  »

Il semble qu’il se soit peint dans un portrait de saint Paul, un des plus beaux qu’il ait tracés. […] Par ce sentiment de la réalité, qui est comme un premier, intérêt involontaire pour tout ce qui est de l’homme, tout en humiliant nos passions il ne se défend pas d’une sorte de plaisir à les peindre. […] Condé n’eût pas mieux caractérisé la valeur impétueuse des Perses, ni la savante tactique des Grecs, ni la roideur de la phalange macédonienne, ni le choc de la légion romaine ; il n’eût pas mieux peint ses propres modèles, les Alexandre, les Ahnibal, les Scipion, les César. […] S’agit-il d’un politique, il entrera dans ses conseils ; il peindra les événements qu’il a dirigés ou suivis. […] Chacun y est peint sous ses traits caractéristiques.

1395. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Première partie. — L’école dogmatique — Chapitre III. — Du drame comique. Méditation d’un philosophe hégélien ou Voyage pittoresque à travers l’Esthétique de Hegel » pp. 111-177

Mais la tragédie moderne est encombrée de personnages, et les incidents s’y multiplient au gré de l’imagination du poète, parce qu’ici toute chose est bonne, propos hors du sujet, situations extraordinaires, interruptions de l’action dramatique, embarras compliqués de l’intrigue, toute chose est bonne qui peut servir à ce premier dessein du poète moderne : faire vivre des êtres individuels et réels, peindre des caractères 201. […] Horace seul s’est montré vraiment poète dans quelques-unes de ses satires, où il a eu le bon goût de peindre sans colère, sans amertume, la société dissolue de son temps, se perdant elle-même par l’excès de sa folie211. […] Montrer le cœur humain, créer, en Angleterre, des caractères individuels, en France, des types généraux, est devenu pour le poète la grande chose, et si l’on a quelquefois exagéré dans Corneille et dans Racine cette connaissance de l’homme et ce talent pour le peindre, il faut avoir l’impertinente suffisance ou le coup d’œil superficiel de certains petits critiques allemands, pour ne pas reconnaître en ce genre une rare supériorité chez Molière.

1396. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCIIIe entretien. Vie du Tasse (3e partie) » pp. 129-224

« Je ne trouverai jamais d’éloquence, lui dit le Tasse dans ses billets, qui arrive à égaler votre tendre courtoisie pour moi, ni d’images qui puissent peindre votre modestie. » Le Tasse, protégé par tant de hautes influences à Naples, intenta un procès pour réclamer la dot considérable de sa mère, retenue par les oncles de Porcia, et cinq mille écus des propriétés confisquées de son père Bernardo Tasso. […] Quant aux femmes, la coquetterie est peinte dans Armide, la sensibilité dans Herminie, l’indifférence dans Clorinde. […] Au son des paroles sacrées qu’il prononce, Clorinde se ranime ; elle sourit, une joie calme se peint sur son front et y éclaircit les ombres de la mort.

1397. (1864) Cours familier de littérature. XVII « CIIe entretien. Lettre à M. Sainte-Beuve (2e partie) » pp. 409-488

Auguste Le Prévost, un ami de l’auteur, peint admirablement l’impression du dimanche, aussi poétique à force de verve que les sonores épanchements de la cloche de village dans la nature agreste de Bretagne par Chateaubriand. […] C’est à un souvenir de ce moment que se rapporte la pièce de vers suivante, dans laquelle on a tâché de rassembler quelques impressions déjà anciennes, et de reproduire, quoique bien faiblement, quelques mots échappés au poète, en les entourant de traits qui peuvent le peindre. — À lui, au sein des mers brillantes où ils ne lui parviendront pas, nous les lui envoyons, ces vers, comme un vœu d’ami dans le voyage. » Un jour, c’était au temps des oisives années, Aux dernières saisons, de poésie ornées Et d’art, avant l’orage où tout s’est dispersé, Et dont le vaste flot, quoique rapetissé, Avec les rois déchus, les trônes à la nage. […] « Même lorsqu’il arrivera, plus tard, à toute la grandeur de sa manière, il excellera surtout à peindre de grands paysages reposés.

1398. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 avril 1885. »

. — Puis l’aube apparaît, le ciel hésitant blanchit comme peint avec des sons blancs de harpe, se teint de couleurs encore tâtonnantes qui peu à peu se décident et resplendissent dans le magnifique alléluia, dans la fracassante splendeur des timbales et des cuivres. […] La musique descriptive demeure pour nous celle qui veut peindre les faits matériels, et nous la condamnons, parce que la musique a un autre objet. […] Il oublie que l’exemple des plus grands maîtres, en théorie, ne vaut pas contre la vérité ; il oublie encore que ces artistes ont usé de la description fort rarement ; qu’ils n’ont jamais fait la description pure, mais seulement comme une préface à des expressions ; que les Saisons resteraient un chef-d’œuvre sans les imitations, assez pauvres, qu’elles contiennent ; que Haydn, mourant, regrettait avoir suivi la mode en employant ces imitations ; que Beethoven, enfin, dans la Symphonie pastorale, — son œuvre la plus faible, — a voulu, clairement, peindre les émotions d’un amant devant la nature champêtre.

1399. (1857) Cours familier de littérature. IV « XXIVe entretien. Épopée. Homère. — L’Odyssée » pp. 445-524

Ce miroir, où se peignaient les arbres renversés et les nuages blancs passant sur le ciel, réfléchissait toute cette scène. […] le poète, bien supérieur à l’historien, car l’historien raconte, et le poète peint !  […] En un mot, ne sentez-vous pas pour la première fois que tout est poésie dans la nature, et que nous-mêmes, qui ne nous en doutons pas, nous sommes peut-être, à notre insu, un tableau d’intérieur aussi intéressant et aussi pittoresque, si nous étions aussi bien peints par un Homère que Télémaque et son hôte Mentor ?

1400. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « DÉSAUGIERS. » pp. 39-77

J’ai vu son portrait peint par Riesener le père, datant de 1812, et avant cet embonpoint qu’il prit dans la suite : la finesse et la sensibilité y frappent tout d’abord. […] Je continue de le peindre tel qu’on me l’a montré, tel qu’il m’apparaît tout à fait présent.

1401. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXIVe entretien. Fior d’Aliza (suite) » pp. 257-320

L’Italie seule voudrait-elle n’être peinte que des traits de l’adulation ? […] Puis elle peignait négligemment les longues tresses blondes de ses cheveux, tantôt recouvrant l’enfant et elle comme d’un voile, tantôt relevés et rattachés à son front, avec des bouquets d’œillets rouges et de giroflées autour de sa tempe.

1402. (1892) Boileau « Chapitre I. L’homme » pp. 5-43

L’homme s’y peint, avec son caractère original, et comme peu d’écrivains ont été plus sincères que celui-là, on se prépare, en le regardant vivre, à mieux comprendre sa poésie et sa critique. […] La page charmante du roman de Psyché, où La Fontaine a peint cette intimité délicieuse de nos grands écrivains, est dans toutes les mémoires : il serait oiseux de la citer.

1403. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série «  Leconte de Lisle  »

X Le même pessimisme et, comme conséquence, le même parti pris de ne peindre que l’extérieur se retrouvent dans les paysages. […] XI La forme des Poèmes antiques et des Poèmes barbares, on a pu le remarquer déjà, répond exactement au dessein que l’artiste a formé de ne voir et de ne peindre les choses que par le côté plastique.

1404. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre IX. Le trottoir du Boul’ Mich’ »

Faguet se regarde pour peindre Montesquieu, il voit Montesquieu patriote à la façon d’Émile Faguet, qui est presque celle de Jules Lemaître. […] Il veut Peindre des sentiments que nul ne pense avoir, Raffiner sa couleur et compliquer sa tâche.

1405. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Alfred de Musset » pp. 364-375

Alfred de Musset, comme plus d’un des personnages qu’il a peints et montrés en action, s’était dit qu’il fallait tout voir, tout savoir, et, pour être l’artiste qu’il voulait être, avoir plongé au fond de tout.

1406. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Béranger — Béranger, 1833. Chansons nouvelles et dernières »

Béranger tient au terroir ; la nature qu’il peint à la dérobée et qu’il aime, ce sont nos cantons fleuris, notre joli paysage entrecoupé, des vignes, des bois, de petites maisons blanches, Passy, même Surène.

1407. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamennais — Lamennais, Paroles d'un croyant »

À la rigueur, et à ne s’en tenir qu’au détail de l’expression et à l’ensemble du vocabulaire employé, quelqu’un de Port-Royal aurait pu écrire en cette manière et peindre avec ces images.

1408. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Victor Hugo — Victor Hugo, romans (1832) »

Or, le monde qu’on n’entrevoit à cet âge que dans une confusion éblouissante, la vie qui ne s’offre aux yeux encore que comme une tour magique dont les vives arêtes étincellent, les hommes qu’on se figure alors tout bons ou tout méchants, détestables ou sublimes, comment rentrer chez soi pour les peindre, comment cheminer au dehors pour les connaître, et s’en laisser coudoyer sans les heurter ?

1409. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « FLÉCHIER (Mémoires sur les Grands-Jours tenus à Clermont en 1665-1666, publiés par M. Gonod, bibliothécaire de la ville de Clermont.) » pp. 104-118

On y reconnaît, à chaque phrase du narrateur, le Fléchier tel qu’il s’est retracé lui-même dans un portrait déjà connu, adressé, selon toute apparence, à mademoiselle Des Houlières43, portrait à la mode du temps, dans le goût un peu flatté des ruelles et des bergeries, tout peint et comme peigné par lui de charmantes caresses.

1410. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « VICTORIN FABRE (Œuvres publiées par M. J. Sabbatier. Tome Ier, 1845. » pp. 154-168

Virgile, au livre III des Géorgiques, nous a peint admirablement la rivalité et le combat de deux taureaux pour la belle génisse : le vaincu, tout farouche, ne peut supporter sa défaite ; il s’exile et va dans les bois, loin des pâturages connus, nourrir sa sombre blessure.

1411. (1875) Premiers lundis. Tome III « M. Troplong : De la chute de la République romaine »

Dans cette improvisation historique nouvelle, l’auteur a fait preuve, une fois de plus, de ce talent de peindre en courant, de deviner au risque d’imaginer, de faire vivre des portraits, de dramatiser des scènes, et de verser l’émotion poétique, romanesque même, dans de graves récits.

1412. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Quatrième partie. Élocution — Chapitre III. Association des mots entre eux et des mots avec les idées »

Bientôt des cordons de lumière se sont allongés à perte de vue, et le flamboiement indistinct, fourmillant du Paris populeux a surgi vers l’ouest, tandis qu’au pied des arches, le long des quais, dans les remous, le fleuve, toujours froissé, continuait son chuchotement nocturne. » Chaque fois que j’ai relu cette page, une vision se formait en moi dès les premières lignes, qui allait sans cesse se précisant et s’agrandissant, jusqu’à ce qu’au milieu j’arrivais au mot plage : alors dans ce tableau parisien surgissait soudain, crevant, déchiquetant les premières images, un paysage maritime, comme les Flamands et les Hollandais en ont tant peint, une mer houleuse et jaune, une côte basse et large, presque du même ton que la mer, de lourds bateaux, des charrettes, des moulins, un clocher lointain.

1413. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « Anatole France, le Lys rouge »

Paul Hervieu : Peints par eux-mêmes.

1414. (1920) La mêlée symboliste. I. 1870-1890 « La Plume » pp. 129-149

Tout au bout, une scène minuscule, encadrée de rideaux de bois peint ; quelques coups de pinceau sur le mur de fond offrent la plus simple expression d’une marine casquée d’une lune symbolique.

1415. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre IX. Les disciples de Jésus. »

Habitué à remuer ses souvenirs avec l’inquiétude fébrile d’une âme exaltée, il transforma son maître en voulant le peindre, et parfois il laisse soupçonner (à moins que d’autres mains n’aient altéré son œuvre) qu’une parfaite bonne foi ne fut pas toujours dans la composition de cet écrit singulier sa règle et sa loi.

1416. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XXVIII. Caractère essentiel de l’œuvre de Jésus. »

Ceux-ci l’ont peint comme ils le concevaient, et souvent, en croyant l’agrandir, l’ont en réalité amoindri.

1417. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. John Stuart Mill — Chapitre III : Théorie psychologique de la matière et de l’esprit. »

L’ensemble des sensations, considérées comme possibles, forme une base permanente pour les sensations actuelles ; le rapport des sensations possibles est considéré comme le rapport d’une cause à ses effets, d’une toile aux figures qui y sont peintes, d’une racine à son tronc, ses feuilles et ses fleurs, d’un substratum à ce qui le recouvre.

1418. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1852 » pp. 13-28

— Gavarni disait de Dickens « qu’il avait une vanité énorme et paralysante, peinte sur la figure ».

1419. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — L’abbé d’Aubignac, avec Ménage, Pierre Corneille, Mademoiselle de Scudéri et Richelet. » pp. 217-236

Le célèbre Nanteuil peignit en pastel mademoiselle de Scudéri.

1420. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Troisième Partie. De la Poësie. — La déclamation. » pp. 421-441

On le peint à grandes touches, on en exagère les traits.

1421. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre septième. »

La Fontaine emploie près de vingt vers à peindre les travaux de la mouche, et son sérieux est très-plaisant ; mais peut-être fallait-il être La Fontaine pour songer air moine qui dit son bréviaire.

1422. (1760) Réflexions sur la poésie

Celui qui le premier a peint l’amour sous les traits d’un enfant, avec des ailes, un bandeau, et des flèches, a montré beaucoup d’esprit : il n’y en a point à le répéter.

1423. (1824) Notice sur la vie et les écrits de Chamfort pp. -

Depuis que son esprit et ses succès l’avaient lancé dans le grand monde, il n’y était pas resté spectateur oisif, ni, si l’on veut, spectateur bénévole ; les vices qu’on appelait aimables, les ridicules consacrés et passés en usage, avaient fixé ses regards ; et c’était par le plaisir de les peindre qu’il se dédommageait souvent de l’ennui et de la fatigue de les voir.

1424. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre III. Besoin d’institutions nouvelles » pp. 67-85

Sans nous arrêter à un parallèle qui nous forcerait à une trop longue digression, et qui se fera de lui-même par la suite, continuons donc de peindre l’âge actuel, celui des ruines.

1425. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre VI. Du trouble des esprits au sujet du sentiment religieux » pp. 143-159

Nous devons auparavant peindre le symptôme qui rend la crise actuelle si peu semblable aux autres crises de l’esprit humain ; je veux dire l’affaiblissement du sentiment religieux, sans qu’on puisse entrevoir aucune doctrine nouvelle préparée d’avance, et croissant derrière celles qui paraissent devoir s’éteindre.

1426. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XVIII. Souvenirs d’une Cosaque »

… Je ne dis pas que, dans son livre, elle en impose, mais je dis qu’elle y pose… Elle s’y peint en fer, et même en fer rouge ; mais c’est pour l’effet qui, avec cette femme de bruit, est du bruit encore, car l’effet c’est le bruit des yeux.

1427. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XXI. Mme André Léo »

Elle ne se contente pas de peindre la campagne, elle la cultive et la fume… On est étonné dans ses œuvres de l’amour de la nature qui se voit, à côté de la nature qui rapporte… On est étonné de ces descriptions, romantiques et mièvres, sous la plume d’un écrivain si sérieux, quand tout à coup au milieu d’elles, dans le plus brillant de leurs draperies et de leurs déroulements de paysages, il se fait un trou ; et la tête de l’institutrice passe par ce trou et nous lâche des phrases de cette institution : « l’âme échappant aux lois dont elle fait partie, habite le monde absolu des idées où la durée s’absorbe dans l’éternité de l’être ».

1428. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XXIV. Mme Claire de Chandeneux »

On ne peint pas un colonel, parce qu’on lui donne de grosses moustaches et qu’on lui fait dire : « Sacrebleu ! 

1429. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XXV. Mme Clarisse Bader »

Elle a eu l’ambition du lion qui disait : « Si les lions savaient peindre ! 

1430. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « M. Ernest Hello » pp. 389-403

Ernest Hello pense plus qu’il ne peint.

1431. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « La Grèce antique »

… À travers ce beau tableau, non de la Grèce, mais des républiques de la Grèce, — espèces de Cyclades de l’histoire, sans esprit général, sans cohésion et sans unité, et que Lerminier nous peint les unes après les autres avec un pinceau si lumineux et si pur, — ne voit-on pas tout ce qui nous sépare de cette Grèce qui a tant pesé dans les destinées de la pensée européenne, moins pour sa gloire que pour son malheur ?

1432. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « L’Angleterre depuis l’avènement de Jacques II »

Ce que Macaulay ne trouve presque rien n’est pas seulement la mort d’un droit et la mort d’une race, mais c’est, en plus, l’hérédité monarchique bouleversée, — en d’autres termes, l’institution monarchique niée dans ce qui la constitue et frappée à la racine, encore plus par l’élection de Guillaume et de Marie, dans la salle peinte, que par la hache du bourreau masqué de Whitehall.

1433. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. H. Wallon » pp. 51-66

Sa politique, à lui, son action sur les hommes, c’était l’exercice des plus belles et en même temps des plus charmantes vertus ; car, j’en demande bien pardon à Messieurs les pécheurs, les vertus peuvent être charmantes… Fra Angelico, pour les peindre, se mettait à genoux.

1434. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Émile de Girardin » pp. 45-61

Le dernier comte du nom vient de mourir, laissant toute une famille que Μ. de Girardin nous peint avec le goût désintéressé qu’il a pour la famille.

1435. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Auguste Vacquerie » pp. 73-89

Il a de ces petites phrases caressantes : « Quand Charles (Charles Hugo) s’est reposé à peindre, il se remet à écrire.

1436. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXXI. Sainte Térèse »

Peinte pour Chateaubriand et pour la société qui était redevenue chrétienne en lisant le Génie du christianisme, c’est la Sainte Térèse de ce livre rhétorico-religieux, mais ce n’est pas la Térèse de la Tradition espagnole et de l’histoire.

1437. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Raymond Brucker. Les Docteurs du jour devant la Famille » pp. 149-165

Il y a Paul Féval, — Paul Féval, le converti de Brucker, — qui l’a peint, dans ses Étapes d’une conversion, de manière à donner de cet homme la grande idée qu’on doit en garder.

1438. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « M. Funck Brentano. Les Sophistes grecs et les Sophistes contemporains » pp. 401-416

Funck Brentano et qu’il était capable de peindre, que nous allons tomber maintenant ; mais heureuse chute !

1439. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Edgar Quinet »

La science, d’ordinaire sobre et mordante à force de précision, ne décrit que ce qu’elle a observé ; mais l’auteur de la Création aime surtout à peindre ce qu’il n’a pas vu.

1440. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Édouard Gourdon et Antoine Gandon » pp. 79-94

Quand il parle ou qu’il peint l’amour, c’est d’une plume positive et consciente qui rappelle Alexandre Dumas fils, ce travailleur à l’emporte-pièce, sobre, mordant et sec, chez qui l’observation ne monte jamais jusqu’à l’idéal, — qui n’est cependant qu’une observation supérieure.

1441. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Arthur de Gravillon »

Pour un chrétien, resté tel, dans la fidélité du mot, il y a certainement trop de voluptés dans la mort comme Arthur de Gravillon sait la peindre.

1442. (1883) Essais sur la littérature anglaise pp. 1-364

Lorsqu’elle fait effort pour se le représenter elle le conçoit comme l’idéal du pédant et le peint à peu près avec les mêmes couleurs enfantines que certain personnage de Goethe employait pour peindre l’industrie. […] Voilà le culte qui me plaît et non vos spectacles de chair et de sang, avec, leurs pompes de carton peint et de papier doré. » M.  […] La meilleure preuve que Shakespeare a su qu’il peignait des Italiens, c’est qu’il a donné le même caractère de spontanéité et d’irréflexion aux diverses passions de ses personnages. […] Laisse ton imagination se peindre cette retraite comme un petit cottage doré du soleil, sur le flanc d’une colline romantique. — Et penses-tu que je laisserai derrière moi l’amour et l’amitié ? […] Il y a en anglais une expression intraduisible qui seule peut bien peindre Sterne : knowing.

1443. (1905) Études et portraits. Sociologie et littérature. Tome 3.

Il lui communique cette sève virile, cette fermeté de mœurs, cette dignité saine dont le romancier nous a donné un exemple inoubliable, lorsqu’il nous peint, après l’égarement criminel d’un des leurs, les Tascheron s’expatriant et leur dernier repas dans la maison héréditaire. […] Rien de plus curieux que de reprendre, au sortir de la correspondance, les pages de Jacques Vingiras, où le maître de pension est peint sous le nom caricaturalement déformé de Legnagna. […] Toutes les émotions ont été peintes par des analystes lucides, soucieux uniquement d’égaler la variété de la nature et parfaitement indifférents à la bienfaisance ou à la nocivité de leurs peintures. […] Qui a pu regretter, devant les prophètes et les Sibylles de la chapelle Sixtine, que le statuaire de la Nuit se soit essayé à ce paradoxe audacieux d’une sculpture peinte ? […] pour toujours adieu… » sa voix, volontiers vibrante et cinglante, s’altérait, s’adoucissait jusqu’au soupir, Pour des raisons semblables, il préférait par-dessus tout, dans Balzac, la suite de romans où se trouve peinte la figure d’Ether, la courtisane amoureuse, et dans Stendhal, les chapitres du Rouge et Noir où Mathilde et Mme de Rénal visitent Julien dans sa prison.

1444. (1856) À travers la critique. Figaro pp. 4-2

Il écrit comme Boucher peignait. […] Il existe de par la littérature une école qui a la prétention, non pas d’écrire, encore moins de penser, mais de sculpter et de peindre. […] Je m’empresse de garnir ma palette, de saisir mes pinceaux et de peindre, — au lieu du front puissant de M.  […] Théophile Gautier, — qui s’efforce de peindre lorsqu’il faudrait écrire, — en est arrivé à réaliser en littérature l’hypothèse magnifiquement absurde que je viens de poser. […] Veuillez me passer une image empruntée au duc de Saint-Simon, et qui peint à merveille l’enthousiasme foudroyant du critique.

1445. (1891) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Quatrième série

« Ni la nature, ni Dieu même, a-t-on bien osé dire, ne débutent tout à coup par leurs grands ouvrages : on crayonne avant que de peindre, on dessine avant que de bâtir » ; et l’admiration intéressée ou convenue des décadents pour les primitifs ne changera rien à cette loi, qui n’est dans l’histoire des genres littéraires que l’application de la loi la plus générale des choses. […] On le pourrait croire, à les entendre se vanter de ne rien dire « qu’ils ne puissent soutenir véritable quand il leur plaira », ou à les voir insister sur de certains détails : « Il prit alors, dit Mlle de Scudéri, des tablettes de bois de cèdre, de plomb et d’écorce, les plus magnifiquement enrichies, car toute l’antiquité ne connut ni papier ni encre… » À moins encore qu’ils ne mettent leur principal effort à peindre les passions de l’amour, ou à tracer les portraits de leurs contemporains, ou à romancer l’histoire qui se fait autour d’eux, ou à embarrasser agréablement la curiosité du lecteur dans l’inextricable complication de leurs intrigues ? […] Racine seul, au xviie  siècle, saura peindre et représenter comme d’Urfé les passions de l’amour. […] Cette mauvaise langue de Furetière n’a-t-il pas insinué qu’on payait pour être peint, sous quelque nom grec ou babylonien, dans ces romans célèbres ? […] L’intention est sans doute évidente ici ; Tartufe est bien la satire ou la charge de l’hypocrisie ; les termes dont il use ne sauraient faire un instant illusion à personne ; et si l’on osait adresser une critique à Molière, ce serait, avec La Bruyère, de l’avoir peint de couleurs trop crues.

1446. (1913) Les livres du Temps. Première série pp. -406

« Le mieux, disait-il, est de les peindre tout bonnement, ces choses qui vous exaspèrent. […] Il admet sa sincérité ; il ne rabaisse pas non plus Émilie, qu’il peint comme une héroïne admirable. […] Je n’ai voulu ni discuter des talents, ni peindre des caractères. […] M. de Pomairols y peint des rondes de nymphes, dans la fluide lumière d’or des clairières, de façon à rappeler le Corrège ou l’Albane. […] Misanthrope et maniaque, vieux bureaucrate et vieux garçon, Huysmans s’est peint lui-même sous les traits de M. 

1447. (1927) André Gide pp. 8-126

C’est ce qui lui paraît si beau de la vie ; il y faut « peindre dans le frais ; la rature y est défendue ». […] » L’opinion du pasteur, qu’il ne donne pas à Gertrude, est que Beethoven peignait par ces harmonies ineffables « non pas le monde tel qu’il était, mais bien tel qu’il aurait pu être, qu’il pourrait être sans le mal et sans le péché. » Mais jamais encore il n’avait osé parler à Gertrude du mal, du péché, de la mort. […] Ce qu’il peint est plus beau que nous ne l’aurions senti par nos seuls moyens, mais non pas sans doute supérieur à ce qui est. […] Gide ajoute : « Ce que le grand Arnauld constate en le déplorant, Barrès en fait la base de son éthique… » Et il observe que Barrès a peint comme kantien et allemand, ou protestant, ce qui est janséniste et profondément français… Mais lui-même, Gide, il n’en écrira pas moins : « Que m’importe que cette théorie soit vraie, si elle est laide et ruineuse, et nocive pour l’œuvre d’art ? 

1448. (1867) Cours familier de littérature. XXIV « CXLe entretien. L’homme de lettres »

Les pluies, que leurs pitons attirent, peignent souvent les couleurs de l’arc-en-ciel sur leurs flancs verts et bruns, et entretiennent à leur pied les sources dont se forme la petite rivière des Lataniers. […] Une nourriture saine et abondante développait rapidement les corps de ces deux jeunes gens, et une éducation douce peignait dans leur physionomie la pureté et le contentement de leur âme. […] Elle part ; le désespoir de Paul est peint avec la simplicité et la force de Théocrite. […] Ils portaient leurs fusils baissés: leurs tambours, couverts de longs crêpes, ne faisaient entendre que des sons lugubres, et on voyait l’abattement peint dans les traits de ces guerriers, qui avaient tant de fois affronté la mort dans les combats sans changer de visage.

1449. (1841) Discours aux philosophes. De la situation actuelle de l’esprit humain pp. 6-57

Pourquoi Michel-Ange, voulant peindre des êtres à cet état de charité qui leur fait sauver les objets de leur amour, n’a-t-il donc représenté que des femmes ? […] L’ordre social autrefois se peignait dans tous les arts ; l’art était comme un grand lac qui n’est ni la terre ni le ciel, mais qui les réfléchit. […] Werther et Faust, Child-Harold et don Juan, suivent l’ombre d’Hamlet, suivis eux-mêmes d’une foule de fantômes désolés qui me peignent toutes les douleurs, et qui semblent tous avoir lu la terrible devise de l’enfer : Lasciate ogni speranza. […] Ou bien ils essaient vainement de se rejeter en arrière et de se rattacher aux solutions du Christianisme ; ou bien ils prodiguent leurs forces à peindre l’aspect matériel de l’univers ; et quand il s’agit du divin, de l’absolu, de l’éternel, ils font du fantastique sans croyance, uniquement pour faire de l’art.

1450. (1890) Les romanciers d’aujourd’hui pp. -357

Et à qui donc, mieux qu’aux auteurs de La Fille Élisa et de Germinie Lacerteux, appartenait-il de nous révéler que l’auteur de l’Iliade n’a jamais peint au monde que des souffrances physiques ? […] Ou bien, ce sont des croix, de minuscules chapelles peintes, surmontées d’un cœur, des plaques en marbre, des losanges à jour et ouvrés à la main, naïvement. […] Pour décrire cette nature une et diverse des pays de France, chacun d’eux a trouvé l’épithète vraie, le verbe et le mot qui peignent, et M.  […] Peut-être aussi se figure-t-il qu’il suffit de peindre le « grand monde » pour être un idéaliste. […] Les monstres le tentent, l’intéressent ; il aime mieux peindre les déviations de l’amour que l’amour lui-même ; il se grise avec ses recherches.

1451. (1884) La légende du Parnasse contemporain

Pour un dîner de moins dans son sobre estomac, pour une déchirure de plus au coude de son habit, il se fût plaint, lui qui, en plein hiver, sous les froides étoiles, après avoir soupe d’une carotte arrachée dans un champ voisin, n’avait eu, un soir, d’autre vêtement qu’un étrange costume de théâtre fait avec de vieux journaux peints de couleurs voyantes ? […] Un seul écrivain a failli peindre la vie telle qu’elle est, dans ses petitesses, il est vrai : Henri Monnier, qui observait et ne pensait pas, — n’importe quel passant aux yeux grands ouverts. […] Au premier étage un long couloir jaune, pareil à ceux des prisons, — je pouvais encore me croire à Sainte-Pélagie, — avait de petites portes étroites où des numéros étaient peints en noir, et chacune de ces chambres était l’alvéole de quelque pauvre Parnassien. […] S’il lui arrive de peindre des choses qu’il a vues, il se gardera bien des tons violents. […] Et moi seul sur sa joue Ai peint en vermillon de bizarres oiseaux, Ou bien, à l’ocre jaune, une charmante roue.

1452. (1925) Les écrivains. Première série (1884-1894)

Il a peint des Hollandais ; la lumière qui entre par la fenêtre entr’ouverte, c’est le jour jaune de la Hollande. […] Il y a dans ces pages une puissance sauvage qui fait frissonner, d’admirables paysages peints au couteau, on pourrait dire au couperet. […] C’est à peins si on le tolère encore au théâtre, où il ne fait pas d’argent, d’ailleurs, et où il nous ennuie prodigieusement, tant il nous apparaît faux, ridicule, barbare et caduc. […] Paul Hervieu ne peint point ce qu’on appelle des milieux ; il n’inventorie pas les salons, les chambres à coucher. […] Il les peint et il les chante.

1453. (1894) Dégénérescence. Fin de siècle, le mysticisme. L’égotisme, le réalisme, le vingtième siècle

Raffaelli, au dessin intense, mais peints avec de l’eau de bourbier et de l’argile délayée. […] Le possesseur d’un cerveau difficilement excitable a bien rarement l’idée de faire des vers ou de peindre. […] C’est du radotage peint, de l’écholalie par le pinceau. […] Il était réaliste lorsqu’il peignait les choses supra-sensibles. […] Les vers symboliques peignent le contraste entre la destinée brillante de l’élue et la triste destinée des dédaignées.

1454. (1898) Manuel de l’histoire de la littérature française « Livre II. L’Âge classique (1498-1801) — Chapitre II. La Nationalisation de la Littérature (1610-1722) » pp. 107-277

Nous nous révélons dans nos manières, que l’on connaît à nos paroles encore bien plus qu’à nos gestes ; une race ou un peuple se trahissent dans le caractère de la langue qu’ils parlent ; et une époque, enfin, se peint dans le choix de ses mots et dans le tour de ses phrases. […] Non seulement il peint d’après nature ; mais c’est véritablement de « l’actualité » qu’il s’inspire, et toute son ambition n’est que de représenter au vif « les mœurs de son temps ». […] — Le prétendu roman de Pascal. — Si Pascal a été « joueur », comme le veut Sainte-Beuve ; — « beau, souffrant, plein de langueur et d’ardeur, impétueux et réfléchi, superbe et mélancolique », comme le peint Cousin ; — ou, comme le croit un autre encore, s’il a rêvé de jouer un personnage politique [Cf.  […] Marc Monnier, la Renaissance, de Dante à Luther, Paris, 1884]. — Comment les contemporains ont accueilli les Contes. — Que la « naïveté » de La Fontaine ne l’a pas empêché de se peindre en beau dans le Prologue de Psyché ; — ni de s’entendre admirablement à « vivre sans rien faire » ; — et comment, en dépit de la morale, ses défauts mêmes se sont tournés en quelques-unes de ses plus rares qualités. […] Lessing, Abhandlungen]. — Et il a peint aussi des astres, des ciels et des eaux, toute une « nature extérieure » qui est absente de l’œuvre des autres. — C’est ce qui en fait le charme ; — et au moins par un côté, quoi qu’on en ait dit [Cf. 

1455. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « MME DESBORDES-VALMORE. » pp. 124-157

Raspail, où elle est peinte en quelques expressions frappantes de vérité. […] Je ne puis te peindre l’effet que cela m’a fait ; je me suis retracé dans un instant la rue Notre-Dame, le cimetière, qui était nos galeries ; toute notre enfance s’est déroulée devant moi comme si c’était hier.

1456. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE RÉMUSAT » pp. 458-491

Mme d’Houdetot était de ces âmes qu’on peindrait d’un mot : elles ont passé dans le monde en voyant le bien. […] Elle a peint elle-même cette décroissance graduelle dans des Mémoires que je me crois à peine le droit d’effleurer241.

1457. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Charles Labitte »

Les journées n’étaient pas rares pour lui où il pouvait écrire à son ami, après des pages toutes remplies d’effusions : « Je suis dans un jour où je vois tout idéalement et douloureusement, et enfin, s’il m’est possible de m’exprimer ainsi, lamartinement. » Faisant allusion à quelque projet de poème ou d’élégie, où il s’agissait de peindre un souvenir qui datait de l’âge de douze ans (ils en avaient seize), il écrivait à la date de juin 1832 : « Mais revenons au souvenir. […] Si Lucrèce nous rend avec une saveur amère les angoisses des mortels, nul aussi n’a peint plus fermement et plus fièrement que lui la majesté sacrée de la nature, le calme et la sérénité du sage ; à ce titre auguste, le pieux Virgile lui-même, en un passage célèbre, le proclame heureux : Félix qui potuit rerum , etc… Quoi qu’il en soit cependant de l’énigme que le poëte nous propose, et si tant est qu’il y ait vraiment énigme dans son œuvre, c’était aux expressions de trouble et de douleur que s’attachait surtout notre ami ; le livre III, où il est traité à fond de l’âme humaine et de la mort, avait attiré particulièrement son attention ; dans son exemplaire, chaque trait saillant des admirables peintures de la fin est surchargé de coups de crayon et de notes marginales, et il s’arrêtait avec réflexion sur cette dernière et fatale pensée, comme devant l’inévitable perspective : « Que nous ayons vécu peu de jours, ou que nous ayons poussé au-delà d’un siècle, une fois morts, nous n’en sommes pas moins morts pour une éternité ; et celui-là ne sera pas couché moins longtemps désormais, qui a terminé sa vie aujourd’hui même, et celui qui est tombé depuis bien des mois et bien des ans : Mors aeterna tamen nihilominus illa manebit ; Nec minus ille diu jam non erit, ex hodierno Lumine qui finem vitaï fecit, et ille Mensibus atque annis qui multis occidit ante. » Notre ami était donc en train d’attacher ses travaux à des sujets et à des noms déjà éprouvés, et les moins périssables de tous sur cette terre fragile ; il voguait à plein courant dans la vie de l’intelligence ; des pensées plus douces de cœur et d’avenir s’y ajoutaient tout bas, lorsque tout d’un coup il fut saisi d’une indisposition violente, sans siège local bien déterminé, et c’est alors, durant une fièvre orageuse, qu’en deux jours, sans que la science et l’amitié consternées pussent se rendre compte ni avoir prévu, sans aucune cause appréciable suffisante, la vie subitement lui fit faute ; et le vendredi 19 septembre 1845, vers six heures du soir, il était mort quand il ne semblait qu’endormi.

1458. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Introduction. » pp. -

Certainement, à chacun de ces deux points extrêmes, la conception générale n’a pas changé ; c’est toujours le même type humain qu’il s’agit de représenter ou de peindre ; le moule du vers, la structure du drame, l’espèce des corps ont persisté. […] Les constitutions, les religions n’en approchent pas ; des articles de code et de catéchisme ne peignent jamais l’esprit qu’en gros, et sans finesse ; s’il y a des documents dans lesquels la politique et le dogme soient vivants, ce sont les discours éloquents de chaire et de tribune, les mémoires, les confessions intimes, et tout cela appartient à la littérature ; en sorte qu’outre elle-même, elle a tout le bon d’autrui.

1459. (1862) Cours familier de littérature. XIII « LXXIIIe entretien. Critique de l’Histoire des Girondins (4e partie) » pp. 1-63

Est-ce démoraliser le peuple que lui peindre ainsi ses victimes, et que lui arracher des larmes sur les victoires mêmes que ses tribuns remportent en son nom ? […] « Dumouriez, qui avait entrevu le jeune duc de Chartres à l’armée de Luckner, l’observa attentivement dans cette occasion, fut frappé de son sang-froid et de sa lucidité dans l’action, pressentit une force dans cette jeunesse, et résolut de se l’attacher. » XII La lutte des Girondins avec Marat s’ouvre par un portrait que j’ai copié sur l’image de Marat mort dans sa baignoire, peint par le peintre David, qui osa se déclarer l’ami de ce forcené.

1460. (1869) Cours familier de littérature. XXVII « CLXIIe entretien. Chateaubriand, (suite.) »

Les sons que rendent les passions dans le vide d’un cœur solitaire ressemblent au murmure que les vents et les eaux font entendre dans le silence d’un désert : on en jouit, mais on ne peut les peindre. […] À l’offertoire, le prêtre se dépouilla de ses ornements, ne conserva qu’une tunique de lin, monta en chaire, et, dans un discours simple et pathétique, peignit le bonheur de la vierge qui se consacre au Seigneur.

1461. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — CHAPITRE IX »

Elle n’était pas de celles qui peignent en rouge le vice sur leurs joues, et dont les yeux, indécents comme une nudité, sollicitent le scandale et marchandent le désir. […] J’insiste sur cette figure peinte, par elle-même, dans un cruel monologue, parce qu’elle est d’une vérité poignante, d’une souffrance amère, et que, quoiqu’elle ne fasse que passer dans le drame, elle ne reste pas moins une de ses plus vives impressions.

1462. (1856) Cours familier de littérature. I « Digression » pp. 98-160

Un peintre n’aurait pas choisi pour la peindre une attitude, une expression et un jour plus conforme à sa grandiose beauté. […] On lui avait appris à sentir et à parler en vers ; elle avait l’image dans les yeux, l’harmonie dans l’oreille, la passion en pressentiment dans le cœur, l’éclat dans l’esprit ; ses strophes peignaient, chantaient, pleuraient, brillaient comme les gazouillements poétiques de l’oiseau qui s’essaye au bord du nid à demi-voix, et dont on écoute en avril les notes futures.

1463. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. Taine » pp. 305-350

Étant ce qu’il est, il ne pouvait pas ne pas voir, sous les surfaces peintes ou arrangées dont on la couvre, la réalité révolutionnaire. […] Ils sont emportés et noyés dans ce Jacobinisme hideux, et l’historien n’a plus devant lui à peindre qu’une tourbe anonyme, enivrée et soulée de ce mot de patriotisme, qu’elle ne comprend pas, et qui veut, gorgée du sang qu’elle boit, plus de sang encore !

1464. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre premier. Des principes — Chapitre II. Axiomes » pp. 24-74

Plus les secondes s’élèvent aux généralités, plus elles approchent du vrai ; les premières au contraire deviennent plus certaines (c’est-à-dire qu’elles peignent plus fidèlement), à proportion qu’elles descendent dans les particularités. […] À ce langage naturel dut succéder le langage poétique, composé d’images, de similitudes et de comparaisons, enfin de traits qui peignaient les propriétés naturelles des êtres.

1465. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Agrippa d’Aubigné. — II. (Fin.) » pp. 330-342

Sa femme disait de lui, dans une lettre qui nous le peint le même jusqu’à la fin : La grande promptitude de Monsieur n’est point amoindrie avec l’âge, ni son excellent esprit, à qui il donne quelquefois plus de liberté que les affaires de ce temps ne permettent.

1466. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « M. Viguier »

Viguier, quand il lisait et expliquait à sa conférence de l’Aristophane, — de ce Voltaire-Rabelais, et qui était encore quelque chose de plus, — était lui-même tout à fait à peindre, ne se tenant pas d’aise et de surprise à chaque instant, trépignant de plaisir, riant et pleurant tout ensemble, rougissant lorsqu’une énormité succédait dans le texte à des détails exquis ; et il s’écriait avec une douceur charmante : « Ah !

1467. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Lettres de Rancé abbé et réformateur de la Trappe recueillies et publiées par M. Gonod, bibliothécaire de la ville de Clermont-Ferrand. »

Cependant, comme il est difficile de se voir peint en beau sans en prendre quelque complaisance, j’appréhende avec raison que je n’y en aie pris plus qu’il n’appartient à un mort, et que vous n’ayez en cela donné une nouvelle vie à mon orgueil et à ma vanité, et je vous en dis ma coulpe. » Voilà qui est de l’homme d’esprit resté tel sous le froc, de celui dont Nicole disait qu’il avait un style de qualité.

1468. (1874) Premiers lundis. Tome II « Mémoires de Casanova de Seingalt. Écrits par lui-même. »

Le chanoine Gozzi avait une sœur de quatorze ans, Bettine, la plus jolie fille du quartier, toujours à la fenêtre, grande liseuse de romans, laquelle soignait et peignait les écoliers de son frère.

1469. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre VII. Du style des écrivains et de celui des magistrats » pp. 543-562

Quand vous découvrez une pensée nouvelle, il y a dans la nature une image qui sert à la peindre, et dans le cœur un sentiment qui correspond à cette pensée par des rapports que la réflexion fait découvrir.

1470. (1861) La Fontaine et ses fables « Première partie — Chapitre III. L’écrivain »

Il s’agit de peindre toute la vie humaine, et non plus seulement les parties défendues de la vie humaine.

1471. (1925) Méthodes de l’histoire littéraire « II  L’esprit scientifique et la méthode de l’histoire littéraire »

C’est un critique nationaliste qui s’effare, au nom de la patrie, que nos grands Français aient été des hommes et soient peints comme tels, avec leurs travers et leurs petitesses, et qui nous somme de sacrifier l’histoire vraie au mensonge religieux que sa naïveté lui figure essentiel à l’honneur de son pays.

1472. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre VII. Maurice Barrès et Paul Adam » pp. 72-89

Une pochade de Forain représentait deux rapins de brasserie, masqués par une pile de soucoupes, qui disaient « Quel tableau on ferait, si on pouvait peindre ! 

1473. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre IV. La littérature et le milieu psycho-physiologique » pp. 126-137

Ou bien encore n’arrive-t-il jamais qu’à force de peindre des détraqués on aboutisse à en créer ?

1474. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre II » pp. 12-29

Il peignit dans une pièce de théâtre et sa passion et l’indifférence de celle qui en était l’objet ; mais il supprima ensuite les deux premiers actes, pour ne pas donner, dit-il, à la marquise le plaisir de voir ses malheureux amours décrits par lui-même.

1475. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Cours de littérature dramatique, par M. Saint-Marc Girardin. (2 vol.) Essais de littérature et de morale, par le même. (2 vol.) » pp. 7-19

S’agit-il de peindre la lutte de l’homme contre le danger ?

1476. (1901) La poésie et l’empirisme (L’Ermitage) pp. 245-260

Il eut pu peindre à fresque une harmonieuse, épique et rude société, il préféra faussement illustrer une théorie. — Qu’y gagna l’Art ?

1477. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 12, des masques des comédiens de l’antiquité » pp. 185-210

C’est sur le visage que l’ame se peint, et les yeux sont la partie du visage, qui, pour ainsi dire, nous parle le plus intelligiblement.

1478. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre VII. Les hommes partagés en deux classes, d’après la manière dont ils conçoivent que s’opère en eux le phénomène de la pensée » pp. 160-178

Il en est résulté néanmoins un grand trouble dans les esprits ; c’est celui que nous avons cru devoir peindre comme tous les autres symptômes de l’époque actuelle.

1479. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « L’empire russe depuis le congrès de vienne »

Tel était l’homme que Beaumont-Vassy avait voulu peindre, dans un cadre digne tout au plus de Cagliostro.

1480. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Buloz »

Il s’y peint comme le plus intelligent et le plus patriarcal des directeurs, et il a raison, puisqu’il parle de lui !

1481. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Léon XIII et le Vatican »

Avant d’être un noble roi, Henri V d’Angleterre fût le ribaud et le voleur de nuit qu’a peint Shakespeare.

1482. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Sainte Térèse » pp. 53-71

Peinte pour Chateaubriand et pour la société qui était redevenue chrétienne en lisant le Génie du Christianisme, c’est la sainte Térèse de ce livre rhétorico-religieux, mais ce n’est pas la Térèse de la Tradition espagnole et de l’Histoire.

1483. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « VI. M. Roselly de Lorgues. Histoire de Christophe Colomb » pp. 140-156

Il nous peint admirablement ce petit homme, grandi par le reflet de sa femme, ce conquérant ménager qui, du génie magnifique et généreux de la Féodalité, n’a gardé que la manière de lacer son casque et de se tenir sur la selle.

1484. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Vie de la Révérende Mère Térèse de St-Augustin, Madame Louise de France »

C’était un esprit et une âme d’un charme robuste, dans un corps qui, bien loin d’être rachitique et malingre, avait le défaut opposé, — l’embonpoint un peu trop développé des Bourbons de ces derniers âges… Dans un portrait où elle s’est sabrée plus qu’elle ne s’y est peinte, elle s’est comparée « à une boule », avec l’insouciance de la force qui fait bon marché de la beauté, et ce feu de gaieté gauloise — car c’est une gauloise, Madame Louise ! 

1485. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Léon Gozlan » pp. 213-230

On a souvent reproché à Balzac de peindre un monde qui n’est pas le vrai et sur lequel le vrai a pris modèle, par ainsi de ne pas réfléchir les mœurs et la nature humaine réelles, mais de créer, par un coup de baguette de sa magie, une nature humaine et des mœurs qui n’ont existé que depuis qu’il les a montrées.

1486. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre X. Des Romains ; de leurs éloges, du temps de la république ; de Cicéron. »

Enfin, peu accoutumés à méditer, la partie du langage qui peint les idées abstraites et les mouvements de l’âme se repliant sur elle-même, leur devait être presque inconnue.

1487. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXI. De Thémiste, orateur de Constantinople, et des panégyriques qu’il composa en l’honneur de six empereurs. »

Dans ce moment, l’orateur se peint vieux, accablé d’infirmités et de faiblesse, courbé sous le poids des ans, mais ranimant ses forces languissantes, pour former ce prince destiné à commander un jour au monde : « Viens mon fils, dit-il, viens sur les genoux d’un faible vieillard, recevoir les leçons que la sagesse destine aux princes ; ce sont celles que reçut Antonin, Numa, Marc-Aurèle et Titus.

1488. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre VII. »

Ailleurs cette poésie plus simple nous donnera déjà l’image de la vie, comme la peignit chez les Hébreux le livre de la Sagesse, et comme la décrira quelque jour, dans une société plus raffinée, l’ingénieux Horace.

1489. (1890) La bataille littéraire. Troisième série (1883-1886) pp. 1-343

Le ciel était très noir ; il était comme dans ce tableau où le Poussin a voulu peindre le déluge ; seulement toutes les nuées remuaient, tourmentées par un vent qui faisait peur. […] Claretie a voulu peindre. […] Ce livre va être beaucoup lu j’en suis certain, je ne doute pas de son succès de librairie, mais il me tarde de voir le jeune auteur nous peindre la société par d’autres côtés. […] Ce récit peint sur le vif l’influence bienfaisante du romancier. « On nous conduisit dans une salle étroite, froide et sombre. […] Lui aussi n’a pu s’empêcher de se peindre, au milieu de ses amis, die ceux qu’il a vus passer dans sa vie d’artiste.

1490. (1864) Histoire anecdotique de l’ancien théâtre en France. Tome I pp. 3-343

Un peu plus tard, et presque au moment où Corneille fit jouer sa première tragédie, Raissigner, avocat languedocien, protégé du duc de Montmorency et amant malheureux, lança sur la scène plusieurs pastorales de mauvais goût et qui peignaient la douleur de son âme méconnue. […] Toutefois il eût mieux peint les passions terribles, telles que la vengeance, la fureur, que la tendresse et l’amour. […] Les poëmes sans prix, où son illustre main, D’un pinceau sans pareil a peint l’esprit romain Rendront de leurs beautés votre oreille idolâtre, Et sont aujourd’hui l’âme et l’amour du théâtre. […] Le rapin peignit le bouclier de son Achille en détrempe. […] Voici comment Ferrier peint Charles VIII pour en faire le portrait de Louis XIV : L’exemple du plus sage et du plus grand des rois, Fait autant de héros que l’on voit de François.

1491. (1895) Nos maîtres : études et portraits littéraires pp. -360

Ils ont employé les couleurs et les lignes dans un pur agencement symphonique, insoucieux d’un objet visuel à peindre directement. […] Le plus souvent l’objet qu’ils peignent nous est indifférent ; ils ne nous montrent rien, ou ce qu’ils nous montrent est dénué de réalité et de vie, impuissant à nous suggérer une vie réelle de vision. […] Il ne néglige point les sensations, peint d’étonnants paysages où se meuvent des formes gracieuses et légères ; mais il nous en montre tout juste ce qu’en percevait son âme, amoureuse des seules idées. […] Étendu sur un banc du Luxembourg, je lus, je relus l’admirable histoire, où il me semblait en outre — je me le rappelle à présent — retrouver peinte une jeune âme pareille à la mienne. […] On criait à l’imitation ; mais l’année prochaine le pli sera pris, et tout le monde sera content : les peintres, parce qu’ils sauront enfin comment ils doivent peindre, et le public, parce qu’on se remettra enfin à lui présenter des œuvres bien peintes.

1492. (1898) Impressions de théâtre. Dixième série

Bref, Octave Feuillet n’a pas eu le courage de peindre l’homme fort dans la vérité de sa nature. […] Donnay ne veut que peindre ; M.  […] Déroulède a-t-il voulu nous peindre un type de soldat honnête empêtré dans la politique, ferme dans les choses de son métier, hésitant et faible partout ailleurs ? […] Et, par surcroît, l’intérieur du vieux ménage provincial est peint, au second acte, de façon vraiment savoureuse. […] Toute une famille bourgeoise et chacun des membres de cette famille y étaient peints à loisir, avec une ferme et tranquille minutie.

1493. (1896) Les idées en marche pp. 1-385

Sauf un, les Mimes de Marcel Schwob échappent à la définition, car ils ne sont point dialogués, mais plutôt monologués ou peints. […] Peints par eux-mêmes est un roman par lettres. […] Peints par eux-mêmes donne un choc brutal. […] De Peints par eux-mêmes, je rapprocherais plutôt un bref et fulgurant opuscule de Machiavel : Règlement pour une société de plaisirs. […] Ce sont ces précieuses qualités que nous retrouvons dans Peints par eux-mêmes.

1494. (1866) Dante et Goethe. Dialogues

Quel privilège pour les artistes grecs et italiens de sculpter ou peindre des sujets connus de tous ! […] J’aurais dû vous peindre cette douce Francesca, avec l’amant « qui jamais d’elle ne sera séparé », venant vers Dante, à travers les airs, d’une aile ouverte et ferme, ainsi que vers leur nid deux colombes pressées par le désir. […] Sept flambeaux, radieux comme les sept étoiles du char de David, vingt-quatre vieillards vêtus de blanc, quatre animaux ailés, tels que les a peints Ézéchiel, nous dit le poëte, ouvrent un céleste cortège. […] Comme son ami Giotto, il peint avec prédilection saint François, et je ne doute pas, à son style, qu’il n’ait lu et relu avec amour le livre des Fioretti. […] Dans une image d’une grâce infinie, il la peint semblable à l’oiseau qui, posé sur le bord du nid où repose sa douce couvée, regarde fixement et prévient d’un ardent désir le lever du soleil, guettant les premières lueurs de l’aube sous la nocturne feuillée.

1495. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Alexis Piron »

Tout cela est fait à la française ; mais aussi longtemps que nos auteurs dramatiques ne sauront pas peindre les mœurs des personnages qu’ils mettent sur la scène, ni l’esprit des peuples et des siècles dont ils empruntent leurs sujets, je regarderai leurs pièces comme des ouvrages faits pour amuser ou épouvanter des enfants ; mais jamais je ne les croirai dignes de servir d’instruction et de leçon aux souverains et aux nations ; c’est pourtant là le véritable but de la tragédie. » Il nous est impossible aujourd’hui, — à moi du moins, — de nous former une idée nette de ces pièces, surtout des tragédies d’alors, ni d’y saisir quelque différence à la lecture ; elles me semblent à peu près toutes pareillement insipides et d’un ennui uniforme. […] Sans cela, Virgile et Chapelain, Racine et Campistron, Milton et Ogilby, Le Tasse et Rolli, seraient égaux. » Ce fut pourtant un succès pour Piron, et des juges même assez sévères, comme le fut l’abbé Prévost dans son Pour et Contre, rendaient justice chez lui à une certaine force d’imagination : « Il peint vivement, il a de grands traits. » C’était l’éloge qu’on lui accordait généralement. […] Voici l’inscription à mettre au bas par Piron : Latour va trop loin, ce me semble, Quand il nous peint l’abbé Le Blanc : N’est-ce pas assez qu’il ressemble ?

1496. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Première partie. — L’école dogmatique — Chapitre premier. — Une leçon sur la comédie. Essai d’un élève de William Schlegel » pp. 25-96

Je ne demande point au poète comique une morale positive ; je ne lui demande même pas de s’interdire la représentation de la ruse, du mensonge, de l’égoïsme, des mauvaises passions, de 1 immoralité en un mot ; la comédie ferait mieux de ne rien peindre de pire que des ridicules, mais il lui est permis de produire sur la scène le vice lui-même, pourvu que le poète ait une assez grande intelligence de son art et assez de tact moral pour empêcher que ma conscience ne vienne élever sa voix au milieu de la fête qu’il donne à mon esprit. […] Je sais qu’un caractère peint par lui-même peut aussi être comique ; mais encore faut-il que la peinture soit involontaire et que le caractère soit ridicule. […] Le but de l’auteur a été de peindre à fond un caractère ; mais les hommes ne parles guères de leur caractère, et ils ne le font connaître que par les relations qu’ils soutiennent avec leurs semblables, et comment se fait-il qu’Alceste choisisse pour son ami un personnage tel que ce Philinte, dont les opinions sont diamétralement opposées aux siennes ?

1497. (1938) Réflexions sur le roman pp. 9-257

La servante Nicaise reste une servante peinte avec le même souci de vérité qu’une figure hollandaise. […] Le romancier qui les prend au-dessus de lui les prend mal, les peint mal, échoue. […] Une autre façon beaucoup plus naturelle et plus tentante pour un écrivain, de peindre l’intellectuel parmi les hommes, ce sera de le peindre parmi les femmes, de le montrer au moment où il ressemble à presque tous les hommes, au moment où il aime. […] Or cela me paraît encore plus difficile que de les peindre. […] (Sinon à celle des femmes : le rapport est inverse, et maintenant les lionnes savent peindre.)

1498. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre I. Les origines. — Chapitre II. Les Normands. » pp. 72-164

Les poëtes saxons la peignaient comme une fureur meurtrière, comme une folie aveugle qui ébranlait la chair et le sang et réveillait les instincts de la bête de proie ; les poëtes normands la décrivent comme un tournoi. […] Chez eux toutes les impressions s’atténuent : le parfum est si faible que souvent on ne le sent plus ; à genoux devant leur dame, ils chuchotent des mièvreries et des gentillesses ; ils aiment avec politesse et esprit ; ils arrangent ingénieusement en bouquet « les paroles peintes », toutes les fleurs « du langage frais et joli  » ; ils savent noter au passage les sentiments fugitifs, la mélancolie molle, la rêverie incertaine ; ils sont aussi élégants, aussi beaux diseurs, aussi charmants que les plus aimables abbés du dix-huitième siècle : tant cette légèreté de main est propre à la race, et prompte à paraître sous les armures et parmi les massacres du moyen âge, aussi bien que parmi les révérences et les douillettes musquées de la dernière cour !  […] Ils ne sont point frappés par la magnificence de la nature, ils n’en voient guère que les jolis aspects ; ils peignent la beauté d’une femme d’un seul trait qui n’est qu’aimable en disant « qu’elle est plus gracieuse que la rose en mai. » Ils ne ressentent pas ce trouble terrible, ce ravissement, ce soudain accablement de cœur que montrent les poésies voisines ; ils disent discrètement « qu’elle se mit à sourire, ce qui moult lui avenait. » Ils ajoutent, quand ils sont en humeur descriptive : « qu’elle eut douce haleine et savourée », et le corps aussi blanc « comme est la neige sur la branche quand il a fraîchement neigé. » Ils s’en tiennent là ; la beauté leur plaît, mais ne les transporte pas. […] Mais ce que le baron se fait le plus volontiers traduire, ce sont les poëmes de chevalerie, car ils lui peignent en beau sa propre vie.

1499. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Benjamin Constant et madame de Charrière »

« En fouillant dans d’autres papiers, je trouvai une autre lettre d’une de mes parentes, qui, en me parlant de mon père, me peignait son mécontentement de ce que je n’avais point d’état, ses inquiétudes sur l’avenir, et me rappelait ses soins pour mon bonheur et l’intérêt qu’il y mettait. […]   « Du thé devant moi, Flore à mes pieds, la plume en main pour vous écrire, me revoilà comme en Angleterre, et celui qui ne peindrait que mon attitude me peindrait le même qu’alors. […] Quelques lettres d’un émigré rentré et ami de Mme de Charrière nous le peignent alors sous son vrai jour extérieur ; nous savons mieux que personne le dedans : « Paris, 11 messidor (30 juin 1795.) […] Celle lettre est très-peu connue en France ; elle peint déjà le Benjamin tel qu’il sera un jour, avec sa légèreté, sa mobilité d’émotions, ses instincts de joueur et de moqueur, et aussi avec toute sa grâce.

1500. (1925) Feux tournants. Nouveaux portraits contemporains

Dans son dernier livre, rompant avec sa tradition, Miomandre résiste à son esprit vagabond et peint la Naufragée avec une grande sobriété. […] Ce n’est pas toujours son Poitou qu’il peint, mais plus souvent les Landes, le Berry, où il vit aujourd’hui une grande partie de l’année, et avec une affection qui jamais ne se dérobe. […] D’avoir peint la vie sous des couleurs souvent si funestes, il n’en a pas moins des yeux ravis, une voix chaleureuse et les cheveux blancs sur cette tête, ce n’est pas le casque du temps ! […] L’enseigne peinte par Jean Hugo se balance au-dessous du ventilateur. […] Les funérailles de Shelley, à la manière antique, sont peintes avec un souci d’objectivité qui en détermine la beauté.

1501. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre premier. Ce que devient l’esprit mal dépensé » pp. 1-92

Il a peint par des traits forts, tout ce que nous voyons de déréglé et de ridicule. […] Despréaux que Molière, qui peint avec tant de force et de beauté les mœurs de son pays, tombe trop bas quand il imite le badinage de la comédie italienne. » Et Fénelon cite, pour finir, les deux vers de Boileau à propos du sac ridicule où Scapin s’enveloppe. […] En sa qualité de grand roi, il savait que la gloire et la majesté de cette ville nouvelle qu’il avait créée, n’étaient pas dans le marbre et la pierre, dans les toiles peintes, dans les bronzes, et dans toutes les magnificences de ce beau lieu ; la majesté du palais de Versailles, c’étaient les grands hommes qui entouraient ce règne illustre, c’était Molière aussi bien que le prince de Condé. […] de peindre les mœurs, de les corriger, de représenter ad vivum l’avare, la coquette, le bourru, l’hypocrite, les timides amoureux qui se regardent sans se rien dire, les vieillards jaloux de toute joie, et les précieuses, et les femmes savantes, le Don Juan adultère et débauché ? […] Adraste, lui, est bien plus heureux ; il a toujours coutume de parler quand il peint, car il est besoin dans ces choses d’un peu de conversation « pour réveiller l’esprit et tenir les visages dans la gaîté nécessaire aux personnes que l’on veut peindre ! 

1502. (1930) Le roman français pp. 1-197

C’est qu’il s’est passé ceci : Zola a peint une classe bourgeoise, et travaillé pour elle. […] Regarder ce que personne, depuis Saint-Simon, n’avait pu ni voir ni peindre — sauf, ce semble, Stendhal dans Le Rouge et le Noir. […] Combien ce passé était différent de ce que nous croyions nous rappeler, et que notre mémoire volontaire peignait, comme les mauvais peintres, avec des couleurs sans vérité ! […] Et que cela est exquisement, délicatement peint ! […] François Mauriac ne sait peindre que des adolescents qui séduisent, mais qui sont « perdus » et des dames plus ou moins pieuses qu’il admire, mais qui sentent irrémédiablement mauvais… M. de Lacretelle aussi… M. 

1503. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE LONGUEVILLE » pp. 322-357

MADAME DE LONGUEVILLE Les noms de Mme de La Fayette et de M. de La Rochefoucauld, auxquels on s’est précédemment arrêté, semblent en appeler un autre, lié naturellement au leur par toutes sortes de relations attrayantes, de convenances et de réverbérations plus ou moins mystérieuses : Mme de Longueville, dans sa délicate puissance, est encore à peindre. […] On se rappelle cette paresse et cette langueur, qu’il nous peint interrompue tout d’un coup chez elle par des réveils de lumière.

1504. (1859) Cours familier de littérature. VII « XXXIXe entretien. Littérature dramatique de l’Allemagne. Le drame de Faust par Goethe (2e partie) » pp. 161-232

C’est la nature bien peinte, le cœur humain bien compris, la poésie, c’est-à-dire la beauté latente de la vie domestique bien chantée. […] « Leur image penchée sur l’eau limpide se réfléchit sur le ciel bleu peint dans le bassin ; ils s’y voient en puisant l’eau, ils s’y sourient, et s’y inclinent amicalement l’un devant l’autre. — “Laisse-moi boire”, lui dit Herman en badinant.

1505. (1862) Cours familier de littérature. XIII « LXXVIIIe entretien. Revue littéraire de l’année 1861 en France. M. de Marcellus (1re partie) » pp. 333-411

« Lady Stanhope portait un manteau de drap jaune foncé ; une tunique rayée, de couleur violette et blanche, descendait jusqu’à ses pieds ; de longues manches ouvertes laissaient apercevoir la blancheur de ses bras ; des babouches en cuir jaune s’élevaient jusqu’à la moitié de ses jambes ; un cachemire blanc couvrait entièrement sa tête, et un mouchoir peint de mille couleurs, ainsi qu’on les fabrique à Smyrne, entourait son visage : les deux bouts de ce mouchoir tombaient sur ses épaules. […] Sa figure allongée et pâle aurait peint le sentiment, si elle n’avait voulu lui faire exprimer l’énergie et le courage.

1506. (1867) Cours familier de littérature. XXIII « cxxxviie entretien. Un intérieur ou les pèlerines de Renève »

Tenez, là, en bas du chemin où nous sommes, vous voyez bien une grande porte à deux battants réparée par morceaux et peinte en vert-jaune, eh bien, c’est la porte de Milly. […] Le papier peint en était taché d’encre et déchiré, pour bien rappeler son ancien usage, puis, dans une pièce ouvrant sur le jardin au nord, sur le midi et sur la cour d’un autre côté.

1507. (1869) Cours familier de littérature. XXVII « CLVIIe Entretien. Marie Stuart, (Reine d’Écosse). (Suite et fin.) »

L’historien que nous citons et qui a visité ses ruines décrit ainsi cette première prison de la reine : « Ce séjour de Lochleven, sur lequel le roman et la poésie ont répandu des lueurs si charmantes, l’histoire plus vraie ne peut le peindre que dans sa nudité et dans ses horreurs. […] Les six conjurés ne pouvaient nier le complot, car ils s’étaient fait peindre tous les six dans un tableau régicide avec cette devise écrite au bas de leurs portraits : « Nos périls communs sont le nœud de notre amitié ! 

1508. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre I. La préparations des chefs-d’œuvre — Chapitre II. Attardés et égarés »

Mais il a peint des amants respectueux, des hommes du monde qui attendent patiemment la volonté des dames, incapables de brutalité, tout attachés à mériter par la constance de leur sentiment et l’ingéniosité de ses expressions : ils donnaient à nos gentilshommes des leçons de galanterie mondaine et de savoir-vivre. […] Son Francion (1622) est le premier de nos romans réalistes, où sont peints, en couleurs peu flatteuses, les bas-fonds de la société, et le monde vaniteux ou servile des gens de lettres ; et son Berger extravagant (1627) a été pour la mode des pastorales ce que les Précieuses ridicules ont été pour le romanesque et les pointes.

1509. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre troisième »

Lui-même était très vif sur le sentiment de l’honneur, et l’on sait qu’à vingt ans il avait connu dans toute sa force la passion qu’il peint dans Rodrigue. […] « Corneille, dit-il, nous assujettit à ses caractères et à ses idées… Il peint les hommes comme ils devraient être.

1510. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre premier »

Ils n’avaient pas sous les yeux, pour peindre l’homme, l’idéal du Clovis, le guerrier sans faiblesse, toujours égal à lui-même, que son courage n’emporte ni ne trahit jamais, un héros dans la langue des romans, un parfait dans la langue de la théologie. […] C’est Fontenelle peint par lui-même, et trahissant en plus d’un endroit son faible, l’amour du vrai moins fort que l’amour de sa commodité.

1511. (1878) La poésie scientifique au XIXe siècle. Revue des deux mondes pp. 511-537

— On ne conseille pas pour cela de déserter leur école, mais de s’inspirer d’eux librement : Changeons en notre miel leurs plus antiques fleurs ; Pour peindre notre idée, empruntons leurs couleurs ; Allumons nos flambeaux à leurs feux poétiques ; Sur des pensers nouveaux faisons des vers antiques. […] Et cette imitation si pénible de Lucrèce, qui nous peint l’homme se ruant à la volupté et en sortant avec une tristesse invincible : Amour, ne ris-tu pas des roucoulants aveux Que depuis tant d’avrils la puberté rabâche, Pour en venir toujours (triste après) où tu veux.

1512. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Victor Hugo »

Le peintre ardent des Orientales, le magnifique et le puissant de la Légende des Siècles, qui faisait ruisseler la couleur par si larges touches, n’a plus maintenant, pour peindre ce qu’il voit ou ce qu’il veut montrer, qu’un hachis de hachures pointues… Voyez son pendu, dans ce premier volume de l’Homme qui rit, cette description qui dure le temps d’une dissertation, et qui n’est, après tout, qu’un cul-de-lampe extravasé, malgré sa visée d’être un tableau net et terrible ! […] multiplier les exemples de cette caresse à l’impossible, de cette création à plaisir de la difficulté, pour la vaincre, qui fait ressembler Hugo à un homme qui peindrait un tableau à cloche-pied ou au saltimbanque qui boit et mange la tête en bas et que je trouve en tant de pages de ce livre, où, quand l’héroïsme royaliste tarit ou s’interrompt, il n’y a plus que des complications insensées ou d’immenses ridiculités !

1513. (1900) Le rire. Essai sur la signification du comique « Chapitre I. Du comique en général »

Un drame, même quand il nous peint des passions ou des vices qui portent un nom, les incorpore si bien au personnage que leurs noms s’oublient, que leurs caractères généraux s’effacent, et que nous ne pensons plus du tout à eux, mais à la personne qui les absorbe ; c’est pourquoi le titre d’un drame ne peut guère être qu’un nom propre. […] Néanmoins l’imagination la tient pour vraie. « Un nez rouge est un nez peint », « un nègre est un blanc déguisé », absurdités encore pour la raison qui raisonne, mais vérités très certaines pour la simple imagination.

1514. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Le président Jeannin. — II. (Suite.) » pp. 147-161

Le duc de Mayenne, lorsque Villeroi lui en parla bientôt dans un sentiment de reproche, répondit par toutes sortes d’excuses, et conclut en ces termes qui peignent au vrai sa situation comme chef de parti, « qu’il priait ses amis de plaindre plutôt sa condition et lui aider à conduire ses affaires à bon port, que de s’offenser de ses actions, étant toutes forcées comme elles étaient ».

1515. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Mémoires et journal de l’abbé Le Dieu sur la vie et les ouvrages de Bossuet, publiés pour la première fois par M. l’abbé Guettée. — I » pp. 248-262

Les succès de Bossuet dans les chaires de Paris, lorsqu’il y vient faire des apparitions périodiques et assez fréquentes pendant ses années de résidence habituelle à Metz, sont peints avec une vivacité et avec une grâce qu’on ne s’attendrait pas à trouver dans un compte rendu de sermons ; on y assiste à ce premier règne de la grande éloquence avant la venue de Bourdaloue.

1516. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Parny poète élégiaque. » pp. 285-300

On lisait à l’Académie ces quatre vers qui peignent si bien un profond besoin d’apaisement : Calme des sens, paisible Indifférence, Léger sommeil d’un cœur tranquillisé, Descends du ciel ; éprouve ta puissance Sur un amant trop longtemps abusé !

1517. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Frochot, Préfet de la Seine, histoire administrative, par M. Louis Passy. »

Comme le dit son ami Regnaud de Saint-Jean-d’Angély, d’un mot expressif à la fois et indulgent, « ce jour-là et à cette heure-là, Frochot fut frappé d’une sorte d’apoplexie morale. » Il n’en revint, une demi-heure après, que par un autre mouvement excessif, et qui peint bien le désordre de sa pensée ; lorsqu’il apprit que tout ce qu’il avait cru d’abord n’était qu’une déception et qu’un rêve, quand les écailles tout à coup lui tombèrent de dessus les yeux : « Ah !

1518. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « HOMÈRE. (L’Iliade, traduite par M. Eugène Bareste, et illustrée par M.e Lemud.) —  second article  » pp. 342-358

Ce qui frappe aujourd’hui, c’est encore dans les traits généraux et dominants une grandeur terrible ; Jupiter, Neptune, Apollon, Minerve, ces dieux principaux, ne sont pas peints à faire sourire.

1519. (1902) L’observation médicale chez les écrivains naturalistes « Chapitre III »

C’est un cerveau très affiné, un cerveau supérieur depuis qu’il est malade. » Et Xaxier Aubryet, en temps ordinaire strictement homme d’esprit42, atteignait au plus terrible pittoresque dès qu’il peignait ses douleurs : « Je deviens aveugle, disait-il, de jour en jour, je descends dans l’ombre ; j’ai vu, tour à tour, disparaître les barreaux de ma fenêtre puis la vitre elle-même ; et maintenant je n’aperçois plus qu’une tache de lumière lorsqu’elle m’arrive à bout portant !

1520. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre VIII. De l’éloquence » pp. 563-585

Les pensées philosophiques vous placent naturellement à cette élévation où l’expression de la vérité devient si facile, où l’image, où la parole énergique qui peut la peindre se présentent aisément à l’esprit animé du feu le plus pur.

1521. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre premier. La structure de la société. — Chapitre I. Origine des privilèges. »

En fait d’œuvres littéraires modernes, l’état de l’âme croyante au moyen âge a été parfaitement peint par Henri Heine dans le Pèlerinage à Kevlaar, et par Tourguenef dans les Reliques vivantes.

1522. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Deuxième partie. Invention — Chapitre VII. Induction et déduction. — Diverses causes des faux raisonnements »

Récemment, un pédant, pesant docteur, essayait de peindre à ses compatriotes allemands ce qu’il avait vu chez nous.

1523. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre IV. Les tempéraments et les idées (suite) — Chapitre II. Diderot »

» Et Greuze peignait en effet des drames édifiants et ennuyeux comme le Père de famille.

1524. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — G — Gautier, Théophile (1811-1872) »

Jules Claretie Un jour, dans un sonnet magique de splendeur, Il peignit les contours de la fleur de Hollande, La tulipe superbe, altière, droite et grande, Plus hautaine qu’un lis, — belle mais sans odeur.

1525. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — L — Lamartine, Alphonse de (1790-1869) »

Quand il a à peindre les choses vulgaires de la vie, il est au-dessous du commun.

1526. (1863) Molière et la comédie italienne « Textes et documents » pp. 353-376

Elle mit le sonnet suivant au bas d’un portrait en vers, qu’elle adressait à la signora Isabella C…, qui peignait parfaitement et qui avait fait le portrait de la comédienne : Voi col penello il mio ritratto fate, Et io con la mia penna forme il vostro ; Voi stemprate i colori et io l’inchiostro ; Io carta adopro, e voi tela adoprate.

1527. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre premier. La critique et la vie littéraire » pp. 1-18

Si j’estime excellent Peints par eux-mêmes, ce n’est pas pour faire ma cour à l’auteur.

1528. (1911) La valeur de la science « Première partie : Les sciences mathématiques — Chapitre I. L’intuition et la logique en Mathématiques. »

Évidemment, il voit et il cherche à peindre, c’est pour cela qu’il appelle le geste à son secours.

1529. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXV » pp. 259-278

Nous verrons en plusieurs occasions qu’elle déclare cette ambition ; qu’elle s’accuse d’être une glorieuse ; que madame de Sévigné se sert de cette expression pour peindre son caractère.

1530. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Mémoires touchant la vie et les écrits de Mme de Sévigné, par M. le baron Walckenaer. (4 vol.) » pp. 49-62

Un homme de ses amis (l’abbé Arnauld), qui avait aussi peu d’imagination que possible, en a trouvé pour la peindre, lorsqu’il nous dit : Il me semble que je la vois encore telle qu’elle me parut la première fois que j’eus l’honneur de la voir, arrivant dans le fond de son carrosse tout ouvert, au milieu de monsieur son fils et de mademoiselle sa fille : tous trois tels que les poètes représentent Latone au milieu du jeune Apollon et de la jeune Diane, tant il éclatait d’agrément dans la mère et dans les enfants !

1531. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Journal de la campagne de Russie en 1812, par M. de Fezensac, lieutenant général. (1849.) » pp. 260-274

Je n’entreprendrai point de peindre tout ce que nous eûmes à souffrir pendant cette nuit cruelle.

1532. (1761) Apologie de l’étude

Mais l’éloquence n’en use pas autrement ; elle ne peint jamais que de profil.

1533. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Jules Janin » pp. 137-154

Les blasés des La Harpe, des Chénier, des Féletz trouvèrent cela délicieux… Le vieux Bertin, ce bœuf de génie qui a laissé dans la presse française l’ineffaçable sillon du Journal des Débats, et qu’Ingres nous a si bien peint, dans sa force fatiguée, fit son favori de ce jeune homme, qu’il tutoya comme les Rois d’Espagne tutoient leurs favoris, et à qui, en dehors de ses appointements, il donnait des gratifications de mille écus pour un feuilleton qui lui plaisait !

1534. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « De Stendhal »

Ils tournent autour de lui-même comme la vie de chaque jour que cette correspondance réfléchit ou domine ; mais l’homme qui les regarde, qui les peint ou les juge, n’est pas changé.

1535. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « Stendhal » pp. 43-59

Ici ses horizons varient ; ils tournent autour de lui comme la vie de chaque jour que cette Correspondance réfléchit ou domine ; mais l’homme qui les regarde, qui les peint ou les juge, n’est pas changé.

1536. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Eugène Fromentin ; Maxime du Camp »

C’est un esprit sain, très naturel, sans utopie, admirant et comprenant très bien les arabes, qu’il nous a peints en larges traits, — et ce sont les meilleures pages, parce qu’elles sont morales, de ce récit, abusivement physique, où l’éternelle description dévore tout et en a le droit, car dans les livres de voyage elle est sur son terrain plus qu’ailleurs.

1537. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Madame Paul de Molènes »

Elle les comprend et elle s’en moque, — et c’est là ce qui lui donne tant de piquant et d’ironie quand elle les peint.

1538. (1888) Impressions de théâtre. Deuxième série

Et jamais anachorète tenté n’a fait si plaisante mine que le vénérable Hermocrate quand il se décide à poser devant la suivante Corinne qui peint pour sa maîtresse le portrait du vieux philosophe. […] Le Paysan parvenu nous offre déjà des personnages en chair et en os, parfaitement vrais et concrets : cas assez rare dans notre littérature classique, qui se contente, en général, de peindre les âmes, et qui dédaigne bien des choses comme basses et vulgaires ou comme inutiles. […] Dumas est plus attiré par les questions morales, que par la vie elle-même, et il se soucie encore plus de comprendre et de juger la vie que de la peindre : et il s’ensuit qu’il y a dans le théâtre de M.  […] Mario se met à la disposition de Cesare ; il le cachera dans sa villa aux environs de Rome… Tandis que Cesare se déguise dans la chapelle, Floria Tosca, une célèbre cantatrice, vient voir Mario, qui est son amant, et lui fait une scène de jalousie parce qu’il a donné à la Madeleine peinte sur le mur les traits de la marquise Attavanti. […] Un autre monsieur, qui s’est assis sur un banc fraîchement peint, découvre le fond de son pantalon zébré de vert.

1539. (1890) Nouvelles questions de critique

Avancer, en effet, qu’il n’y a pas d’art de parler ou d’écrire, c’est à peu près comme si l’on osait dire qu’il n’y a pas d’art de peindre ou de sculpter. […] Le Petit en a une encore de parler « d’Artus Gouffier ; duc de Roannez », qui l’achève de peindre ! […] et que, ne faisant pourtant de leurs œuvres et d’eux que le cas qu’il convient d’en faire, nous nous représentions Buffon tel qu’ils nous l’ont peint ? […] Qu’après cela, d’ailleurs, les conditions de l’art de peindre ne soient pas celles de l’art d’écrire, j’en conviens sans difficulté. […] Pour peindre « la terre monstrueuse », avant l’histoire et avant l’homme, quelles métaphores n’a-t-il pas trouvées ?

1540. (1895) Impressions de théâtre. Huitième série

C’est déjà le comique d’Un Vénérable, de Richepin, ou de quelques-unes de ces chansons de café-concert où sont peintes, avec une ironie si bienveillante, pour l’éjouissement des bourgeois parisiens, les mœurs amoureuses des boulevards extérieurs. […] En 1647, reçu à l’Académie à la place de Maynard, il a recours, pour peindre sa reconnaissance, aux moyens les plus étranges : il emploie le langage de Tartufe ; il parle d’« épanouissement du cœur », de « liquéfaction intérieure. » Est-ce de l’ironie ? […] Il vient de peindre l’âpre solitude de la haute montagne et les tempêtes dont elle est battue, et de montrer, à ses pieds, la vallée charmante où le lac recueille l’onde des glaciers. […] Il faut que ces détails coexistent tous dans notre mémoire, comme ceux d’une toile peinte coexistent sous notre regard. […] Il peint leurs mœurs avec une exactitude paisible et minutieuse.

1541. (1889) La bataille littéraire. Première série (1875-1878) pp. -312

C’est pour moi comme un recueil de tableaux divers peints par un grand coloriste. […] Cependant défilent devant lui peints d’une touche magistrale, les types les plus frappants de la société pétersbourgeoise. […] Les remords de la coupable, le suicide, tout est peint de main de maître, et bien à plaindre sont les cœurs qui n’en seront point touchés. […] Vous vous arrangerez pour qu’il y ait sur les miroirs et sur les vitres des fleurs peintes par Diaz. […] Voici un tableau peint de main de maître.

1542. (1892) Un Hollandais à Paris en 1891 pp. -305

L’impression que laisse le tableau est trop compliquée pour qu’on puisse la résumer banalement ; aussi la foule réserve-t-elle son jugement sur les œuvres d’art, jusqu’à ce qu’elle soit arrivée devant de l’imagerie moins troublante. « C’est du papier peint !  […] Dans une nouvelle d’une beauté parfaite, Louise Leclercq, Verlaine nous a peint, à sa façon, la société bourgeoise de Paris. […] La petite salle du restaurant, bien banale et toute nue, avec sa boiserie de chêne peint, comprimait les sons des paroles qu’on aurait voulu s’imaginer chantées en prière sous les voûtes d’une cathédrale. […] L’artiste, après avoir peint des paysages normands et l’agitation des grandes capitales, avait voué une année de sa vie à observer l’existence d’une meule au milieu des reflets changeants de la lumière : il avait choisi une chose très simple, tout près de sa maison, et qu’à chaque instant il avait sous la main. […] « C’est la même jeune femme, mais peinte au milieu d’une atmosphère différente ; j’aurais pu faire quinze portraits d’elle, tout comme de la meule.

1543. (1894) La vie et les livres. Première série pp. -348

Zola lui-même eut d’excellentes intentions lorsqu’il peignit d’une main si vigoureuse les tableaux épiques et saisissants de la Débâcle. […] Bourget eût aimé à nous conter cette aventure avec le symbolisme très simple des « moralités » et des images peintes que l’on voit dans les vieux livres d’édification. […] Telle femme du monde, outrageusement peinte, évoque, à ses yeux, les « singesses » kalmoukes, qui se vernissent la face avec de la farine et du vieux beurre. […] Après quoi, cette femme très belle et très sensible se reposait en admirant l’innocence des chevriers et des pastoures qu’avait peints, en d’immortelles bergeries, Théocrite de Syracuse, ingénieux courtisan. […] Mais quand le vaillant pasteur quitte les sommets de l’histoire, qu’il parcourt, comme les dieux d’Homère, en quelques enjambées, il excelle à peindre ce qu’il a vu de ses propres yeux : les jeunes gens, qu’il connaît bien pour les avoir pratiqués dans des milieux différents, à tous les degrés de l’échelle sociale.

1544. (1884) Les problèmes de l’esthétique contemporaine pp. -257

La science a, de nos jours, fabriqué des corps nouveaux ; si l’art humain pouvait ainsi produire des êtres vivants au lieu de peindre la vie, il ne songerait plus, en imitant encore les types fournis par la nature, qu’à les embellir. […] En somme, dans la poésie et la littérature, la faculté de peindre, de dessiner, le soin de la perspective, l’architectonique, tout cela n’a rien de commun avec ce que désignent ces mots quand ils s’appliquent à un art particulier, ayant pour fin la vue. […] Pour peindre les choses, le poète est réduit à se peindre lui-même, à exprimer ses propres sentiments et les pensées où ils se formulent ; or, dès que le sentiment et l’idée interviennent, le mot doit perdre sa valeur pour lui-même, s’effacer. […] C’est donc la beauté de la laideur même, l’harmonie persistante sous les discordances, c’est la vie réalisant un certain ordre au sein du désordre, qui fait la beauté d’un bossu peint ou sculpté par un maître. […] Si les poètes peignent un combattant qui frappe, la phrase même tend à se disposer comme un bras levé, puis à retomber, frappant elle-même l’oreille (par exemple dans le combat du fils d’Égée contre le centaure, décrit par A. 

1545. (1867) Cours familier de littérature. XXIII « cxxxvie entretien. L’ami Fritz »

Vous allez voir ; ici il faut beaucoup plus citer que dire ; car on peut raconter le dessin, mais il faut peindre la couleur. Peignons donc. […] La joie se peignait sur tous les visages.

1546. (1903) Légendes du Moyen Âge pp. -291

Sur les quatre faces sont peintes toutes les guerres qui se sont faites en ce lieu, et aussi la trahison ; le tout est peint en clair-obscur14. […] Les traits dont les peint Einhard sont d’ailleurs exacts. […] Ce commensal habituel des rois et des ducs a peint la vie bourgeoise avec une minutie, une exactitude et un relief surprenants. […] Le chœur est illuminé par les fresques de Filippo Lippi, les dernières qu’il ait peintes. […] Ni les prédicateurs ni les poètes n’y font la moindre illusion ; les artistes ne l’emploient pas dans leurs compositions peintes ou taillées.

1547. (1912) Réflexions sur quelques poètes pp. 6-302

Moitié naïf, moitié subtil, il peint tantôt violemment, tantôt à petits traits et avec des couleurs assez fines. […] Je le vis blanc de poussière et de canicule, ou diversement peint par l’automne : je l’admirai sous le printemps au beau sourire et sous les glaces de l’hiver. […] Les oiseaux peints vous disent en leurs chants : Retirez-vous, ne touchez à ces champs ; A Mars n’est point ceste terre sacrée, Ains6 à Phœbus, qui souvent se recrée. […] Voici le sonnet et la petite strophe à propos du portrait de Claudine peint par Sève : Sève, qui peins l’objet dont mon cœur sait la loi, Son pouvoir sans ton art assez loin peut s’étendre ; Laisse en paix l’univers, ne lui va point apprendre Ce qu’il faut ignorer, si l’on veut être soi. […]                 Damon voyant Clarice peinte,                 Soudain en ressentit l’atteinte ;                 Il s’écria dans ce moment : « Est-il une beauté sur les cœurs plus puissante ?

1548. (1904) Le collier des jours. Souvenirs de ma vie

Il y avait aussi, dans des cadres ovales, quatre têtes de femmes que mon père, en 1829, n’ayant pas alors 18 ans, avait peintes à l’occasion de la fête de sa mère. […] La Montrougienne terminait sa course au Petit-Montrouge, sur une place, qui avait à un de ses coins un puits, en forme de tourelle, et peint en rouge sang. […] Les bancs, de chaque côté, tenaient aussi à la table, le tout peint en noir. […] Une sainte Anne, en plâtre peint, apparaissait tout au fond de cette salle, plus longue que large. […] LI Une fois, en ouvrant le secrétaire, pour y ranger des quittances, tante Lili, remuant des papiers, en tira un parchemin, qu’elle me montra, sur lequel était peint un blason.

1549. (1929) Critique et conférences (Œuvres posthumes III)

Le dessus de cette cheminée, manteau Louis XV qu’un plâtre peint en marbre noir non veiné simule assez, soutient tout un monde : l’Ariane, de Pradier, flanquée de deux vases de verre opalisé, en toute saison fleuris, et d’autres petits vases craquelés et granulés également fleuris, tasses à café, à thé, baguiers, cendriers, deux lampes énormes, en porcelaine, jamais usitées, de pur décor, aux deux extrémités. Au-dessus, une glace dans le mur, entourage de bois peint en blanc, de style Premier Empire des plus sobres, et bordée de cartes, d’enveloppes, de menus illustrés peu répondus. […] Moi-même qui tourne et sautille, peint, douloureusement gai, une chanson vide sur les lèvres dans un rôle de jour de fête : moi, moi, cet être qui tourne et sautille. […] Comme construction, le bâtiment était de style gothique, mais assez délabré et tout entier crépi de plâtre grossier ; avec la charpente extérieure peinte en rouge foncé. […] Elle contenait des places pour deux cents personnes environ ; un autel élevé, de forme gothique, une statuette de la Vierge et de saint Joseph, qui paraissaient venir tout droit de Nuremberg, et, de gauche à droite, un chemin de croix en bas-relief, peint par le frère du Révérend Père Sabela : c’était là tout l’ameublement de l’église, hormis les fonts baptismaux et la chaire, des plus simples.

1550. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLVIIIe entretien. Littérature latine. Horace (2e partie) » pp. 411-480

Didot ; ces vues en miniature sont la nature elle-même vue à travers le microscope ; l’atmosphère même est peinte : on croirait voir dans ces petits tableaux à l’encre de Chine une Italie exhumée à travers la distance et la brume des siècles. […] Bien que tu sois construit d’un pin de Bithynie, et que, noble fils de la forêt, tu te glorifies d’une origine et d’un nom illustre, les décorations peintes sur ta proue ne rassurent pas le pilote !

1551. (1863) Cours familier de littérature. XV « LXXXVIIe entretien. Considérations sur un chef-d’œuvre, ou le danger du génie. Les Misérables, par Victor Hugo (5e partie) » pp. 145-224

C’est une étrange prétention des hommes de vouloir que l’amour conduise quelque part. »………………… II Une autre digression, mais qui tient au sujet, nous entraîne chez le grand-père de Marius, ancien émigré de quatre-vingts ans, dont l’intérieur est bien peint, mais un peu trop en caricature. […] Tout ce pêle-mêle de grisettes, de filles perdues, de vieillards désespérés, d’étudiants goguenards, de philosophes radicaux, de braves rêveurs, de héros sans cause, est d’un mouvement désordonné qui peint bien l’imagination populaire un jour de révolution.

1552. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXIIIe entretien. La Science ou Le Cosmos, par M. de Humboldt (2e partie). Littérature de l’Allemagne. » pp. 289-364

Comme compensation, et sans compter les descriptions, peut-être même un peu trop fréquentes, de grottes, de sources et de clairs de lune, ce poète, qui possédait à un si haut degré le talent de peindre, nous a laissé un récit singulièrement exact et intéressant, même pour la géologie, d’une éruption volcanique près de Méthone, entre Épidaure et Trézène. […] On est surpris, dans un poème lyrique aussi court, de voir le monde entier, la terre et le ciel, peints en quelques traits.

1553. (1865) Cours familier de littérature. XX « CXVIe entretien. Le Lépreux de la cité d’Aoste, par M. Xavier de Maistre » pp. 5-79

Quand il eut reproduit avec son crayon et ses pinceaux (car il peignait le paysage comme il écrivait) les plus beaux sites, les plus riches pampres serpentant sur les remparts et les eaux les plus limpides de la vallée d’Aoste, les heures s’écoulaient fastidieusement pour lui. […] Cela n’est que trop vrai, et en vous racontant cette époque de ma vie je sens trop que je perdrai beaucoup dans votre estime ; mais je ne veux pas me peindre meilleur que je ne suis, et vous me plaindrez peut-être en me condamnant.

1554. (1890) L’avenir de la science « X » pp. 225-238

Aliéné de lui-même, selon l’expression de Maine de Biran, l’homme devenait, comme dit Leibniz, le miroir concentrique où se peignait cette nature dont il se distinguait à peine. […] La vraie littérature d’une époque est celle qui la peint et l’exprime 105.

1555. (1896) Les origines du romantisme : étude critique sur la période révolutionnaire pp. 577-607

Les romantiques, qui sont les domestiques chargés de satisfaire les goûts intellectuels de la classe régnante et payante, prétendirent ne peindre dans leurs chefs-d’œuvre que « l’homme de tous les temps », « que les passions de l’être humain invariable à travers les siècles ». […] Le cerveau de l’artiste de génie n’est pas, selon l’expression de Hugo, « le trépied de Dieu », mais le creuset magique où s’entassent pêle-mêle les faits, les sensations et les opinions du présent et les souvenirs du passé : là, ces éléments hétérogènes se rencontrent, se confondent, se fusionnent et se combinent pour en sortir œuvre parlée, écrite, peinte, sculptée ou chantée ; et l’œuvre née de cette fermentation cérébrale est plus riche en vertus que les éléments qui concourent à sa formation : c’est ainsi qu’un alliage possède d’autres propriétés que les métaux qui entrent dans sa composition.

1556. (1856) Cours familier de littérature. I « Ier entretien » pp. 5-78

Je résolus de me passer de la nature imaginaire et de peindre le printemps dans les impressions, dans le cœur et dans les travaux des villageois, tel que je l’avais vu pendant mes heureuses années d’enfance, au hameau où j’avais grandi. […] Les allées du jardin, que le râteau ne peignait jamais, étaient entièrement effacées par les orties et par les mauves parasites, promptes à s’emparer du sol négligé par l’homme.

1557. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome I « Bibliotheque d’un homme de goût. — Chapitre V. Des orateurs anciens et Modernes. » pp. 223-293

Il y a peu de ces traits qui peignent d’un mot, de ces expressions de génie qui présentent une vérité commune sous une face toute nouvelle. […] M. l’Evêque de Senlis a l’art de peindre noblement les sentimens de l’ame de ceux qu’il célébre.

1558. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Le président Jeannin. — I. » pp. 131-146

Avant de nous peindre, de nous raconter le jeune homme, il nous exprime le vieillard tel qu’il se montre encore aujourd’hui à la postérité dans les austères et magnifiques portraits qui le font reconnaissable entre tous : Qui que tu sois qui regardes l’image de ce grand homme, s’écrie Saumaise, ne te semble-t-il pas, à la voir seulement, que la vertu vient au-devant de toi, et qu’elle descend des rides de ce front comme des degrés d’un théâtre ou d’un magnifique palais ?

1559. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Montluc — I » pp. 56-70

Pourtant, comme il est un guerrier de l’époque intermédiaire, il le faut voir tel qu’il se peint à nous lui-même, une hallebarde à la main dans la mêlée ; c’était son arme ordinaire de combat. — Ou comme il le dit encore d’un air de fête : « J’ai toujours aimé à jouer de ce bâton. » La première bonne occasion où il se trouve commander n’étant qu’enseigne, et où il commence à marquer sa réputation auprès de ses camarades et de ses chefs, est sur la frontière d’Espagne, du côté de Saint-Jean-de-Luz (1523).

1560. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Les Chants modernes, par M. Maxime du Camp. Paris, Michel Lévy, in-8°, avec cette épigraphe. « Ni regret du passé, ni peur de l’avenir. » » pp. 3-19

On doit choisir, quand on veut les peindre, entre ses souvenirs et même entre ceux d’autrui.

1561. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « M. Octave Feuillet »

Feuillet un auteur qui s’est livré à cette veine de réhabilitation des bons ménages et des mœurs provinciales honnêtes par impuissance d’en comprendre et d’en peindre d’autres, ou, dans un autre sens, de faire de lui un auteur tout à fait dégagé, qui n’aurait choisi ce motif et ce thème de talent que comme le plus neuf et le plus opportun pour le quart d’heure, le plus susceptible de succès.

1562. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Souvenirs d’un diplomate. La Pologne (1811-1813), par le baron Bignon. (Suite et fin.) »

J’ignore, Sire, sous quels traits vos généraux et vos agents vous peignent la situation des esprits en Allemagne.

1563. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Le comte de Clermont et sa cour, par M. Jules Cousin. (Suite et fin.) »

J’aurais aimé encore être en villégiature à l’Isle-Adam, à prendre le thé dans ce salon que nous a peint Olivier, à écouter, pendant que Mozart était au piano, les discussions d’art ou de politique qui se tenaient dans quelque aparté.

1564. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Essai sur Talleyrand »

Dumont, qui le vit beaucoup à ce moment, nous l’a peint au physique et au moral avec vérité : « Je ne sais s’il n’avait pas un peu trop l’ambition d’imposer par un air de réserve et de profondeur.

1565. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Mémoires de madame de Staal-Delaunay publiés par M. Barrière »

Je ne me suis peinte qu’en buste , répondit-elle un jour à une amie qui s’étonnait à l’idée qu’elle eût tout dit.

1566. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Chapitre IV. De l’amour. »

La plupart des hommes, et même un grand nombre de femmes, n’ont aucune idée du sentiment tel que je viens de le peindre, et Newton a plus de juges que la véritable passion de l’amour.

1567. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre I. Littérature héroïque et chevaleresque — Chapitre IV. Poésie lyrique »

Celui qui n’est pas fait à tout souffrir, et à faire la volonté de l’objet aimé, n’est pas digne du nom d’amant. » Il n’y a pas un de ces mots par où l’imitation peint l’amour de Dieu, qui ne réponde à une des lois de l’amour courtois : tant les deux amours ne sont qu’une même essence !

1568. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre III. Les grands artistes classiques — Chapitre V. La Fontaine »

La Fontaine a l’intuition psychologique, et il a le sens du réel : il a peint des hommes de tout caractère et de toute condition, rois, seigneurs, bourgeois, curés, savants, paysans, orgueilleux, poltrons, curieux, intéressés, vaniteux, hypocrites, chacun dans l’attitude et avec le langage qui lui conviennent et l’expriment.

1569. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « (Chroniqueurs parisiens III) Henri Rochefort »

Sur le drame ou la comédie des vingt dernières années, cette face pâle de mime n’a cessé de pencher sa grimace immuable, et qui paraît automatique, comme ces masques que l’on peint au-dessus des rideaux de théâtre, et qui semblent railler tout ce qui s’agite sur les planches.

1570. (1890) L’avenir de la science « XII »

M. de Maistre peint quelque part la science moderne « les bras chargés de livres et d’instruments de toute espèce, pâle de veilles et de travaux, se traînant souillée d’encre et toute pantelante sur le chemin de la vérité, en baissant vers la terre son front sillonné d’algèbre ».

1571. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Deuxième partie. Ce qui peut être objet d’étude scientifique dans une œuvre littéraire — Chapitre II. L’analyse interne d’une œuvre littéraire » pp. 32-46

Racine, à côté de ces grandes amoureuses qui s’appellent Hermione et Phèdre, a peint cette mère admirable qui s’appelle Andromaque, ce croyant fanatique qui se nomme Joad, cette ambitieuse qui est Agrippine.

1572. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XIX. Cause et loi essentielles des variations du gout littéraire » pp. 484-497

Prédominance de la prose sur la poésie ; substitution de l’observation précise et directe aux envolées de l’imagination ; effort des romanciers pour écrire, comme des greffiers impassibles, sous la dictée des choses ; propension à peindre, au lieu d’hommes et de faits grandis et embellis, les mesquineries de la vie journalière ou la brutalité des instincts grossiers ; certes, la réaction est nettement caractérisée.

1573. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 15 janvier 1887. »

Remarquons encore qu’il figure sur le célèbre tableau d’Henri Fantin-Latour Autour du piano, aussi appelé « les wagnéristes », peint en 1885.

1574. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Poésies nouvelles de M. Alfred de Musset. (Bibliothèque Charpentier, 1850.) » pp. 294-310

Et M. de Musset va essayer de le peindre avec les couleurs les plus fraîches, les plus enchantées, avec des couleurs qui me rappellent (Dieu me pardonne !)

1575. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Pensées de Pascal. Édition nouvelle avec notes et commentaires, par M. E. Havet. » pp. 523-539

Il vient de nous peindre cette jouissance spirituelle du premier ordre, qui commence par Pythagore et par Archimède, qui passe par Aristote, et qui arrive et monte jusqu’aux saints : il semble lui-même, en l’envisageant dans ce suprême exemple, n’avoir fait que monter un degré de plus à l’autel.

1576. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Saint Anselme, par M. de Rémusat. » pp. 362-377

En ce genre, Anselme croyait voir assurément beaucoup plus qu’il n’est donné à la faiblesse humaine d’apercevoir ici-bas ; mais sa bonne foi, sa candeur, sa ferveur ardente et son talent se combinaient pour lui peindre distinctement ce que d’autres ne font que chercher et désirer.

1577. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Seconde Partie. De l’Éloquence. — Éloquence de la chaire. » pp. 205-232

Il ne parla point des prédicateurs du Nord, & peignit mal les nôtres.

1578. (1876) Du patriotisme littéraire pp. 1-25

Encore me prendrais-je à contester que notre langue ne soit pas, sinon au même degré que l’espagnol et l’italien, au moins à un très haut peint, une langue musicale en dépit de certaines assonances trop lourdes, une langue réellement douée de sonorité rythmique et de mélodieuse douceur.

1579. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre XI. Seconde partie. Conséquences de l’émancipation de la pensée dans la sphère de la littérature et des arts » pp. 326-349

Un sujet ancien doit, sans doute, admettre les croyances du temps où sa fable est placée ; car on ne peut pas être infidèle à la première de toutes les lois, celle qui oblige à peindre un âge de l’esprit humain ; mais il faut s’abstenir de faire intervenir comme agents visibles les êtres surnaturels dont la croyance n’existe plus.

1580. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre XVI. »

Il peindra de vives couleurs la corruption romaine ; et, singulier hasard !

1581. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre VI. Milton. » pp. 411-519

John Milton n’est point une de ces âmes fiévreuses, impuissantes contre elles-mêmes, que la verve saisit par secousses, que la sensibilité maladive précipite incessamment au fond de la douleur ou de la joie, que leur flexibilité prépare à représenter la diversité des caractères, que leur tumulte condamne à peindre le délire et les contrariétés des passions. […] Chacune de ses images s’étale en un petit poëme, sorte d’allégorie solide, dont toutes les parties attachées entre elles concentrent leurs lumières sur l’idée unique qu’elles doivent embellir ou éclairer. « Les prélats, dit-il470, sortis d’une vie basse et plébéienne, et devenant tout d’un coup seigneurs de palais somptueux, d’ameublements splendides, de tables délicieuses, de cortéges princiers, ont jugé la simple et grossière vérité de l’Évangile indigne d’être plus longtemps dans la compagnie de leurs seigneuries, à moins que la pauvre et indigente madone ne fût mise en de meilleurs habits : ils chargèrent de tresses indécentes son chaste et modeste voile qu’entouraient les rayons célestes, et, dans un attirail éblouissant, la parèrent de toutes les fastueuses séductions d’une prostituée. » Les politiques répondent que cette fastueuse Église soutient la royauté : « Quelle plus grande humiliation peut-il y avoir pour la dignité royale, dont la hauteur solide et sublime s’appuie sur les fondements immuables de la justice et de la vertu héroïque, que de s’enchaîner pour subsister ou périr ensemble aux créneaux peints et à la pourriture splendide d’un épiscopat qui n’a besoin que du souffle du roi pour s’écrouler comme un château de cartes471 !  […] L’esprit systématique et lyrique se peint dans le pamphlet comme dans le poëme ; la faculté d’embrasser des ensembles et d’en être ébranlé restes égale en Milton dans ses deux carrières, et vous allez voir dans le Paradis et dans le Comus ce que vous avez rencontré dans le Traité de la Réforme et dans les Remarques sur l’Opposant. […] Pour exprimer un pareil sentiment, ce n’était pas assez des images, et de la poésie qui ne s’adresse qu’aux yeux ; il fallait encore des sons, et cette poésie plus intime qui, purgée de représentations corporelles, va toucher l’âme : il était musicien ; ses hymnes roulaient avec la lenteur d’une mélopée et la gravité d’une déclamation ; et lui-même semblait peindre son art en ces vers incomparables qui se développent comme l’harmonie solennelle d’un motet : Dans la profondeur des nuits, quand l’assoupissement494 — a enchaîné les sens des mortels, j’écoute — l’harmonie des sirènes célestes — qui, assises sur les neuf sphères enroulées, —  chantent pour celles qui tiennent les ciseaux de la vie, —  et font tourner les fuseaux de diamant — où s’enroule la destinée des dieux et des hommes. —  Telle est la douce contrainte de l’harmonie sacrée — pour charmer les filles de la Nécessité, —  pour maintenir la Nature chancelante dans sa loi, —  et pour conduire la danse mesurée de ce bas monde — aux accents célestes que nul ne peut entendre, —  nul formé de terre humaine ; tant que son oreille grossière n’est point purifiée495.

1582. (1926) La poésie pure. Éclaircissements pp. 9-166

Enseigner, raconter, peindre, donner le frisson ou tirer des larmes, à tout cela suffirait largement la prose, dont c’est aussi bien l’objet naturel. […] Que le poète le sache ou non, définir, peindre, émouvoir, choisir et disposer ses mots, tout cela n’est pour lui qu’un moyen de se libérer de la force mystérieuse qui le possède, de s’approprier la réalité, d’ailleurs ineffable, que l’inspiration lui a offerte. […] La poésie ne se dispense communément ni de définir, ni de peindre, mais elle ne s’en tient pas là : sans cela qu’aurions-nous besoin d’elle ? Définir et peindre, cela est pour elle un moyen, non une fin, et un moyen qui, seul, ferme tout.

1583. (1848) Études sur la littérature française au XIXe siècle. Tome III. Sainte-Beuve, Edgar Quinet, Michelet, etc.

L’imagination, retentissement de l’âme de tous dans l’âme de chacun, suffit à décrire les premiers de ces états ; elle en porte en soi les données, le dessin ; mais les impressions des doctrines évangéliques sur une âme ne sont pas également à sa portée ; elle ne les peut concevoir, n’en concevant pas le principe ; elle ne peut donc pas les peindre, ou elle les peint sans vérité et sans vie ; car en aucun genre, sa puissance ne va jusqu’à peindre ce dont elle n’a nulle connaissance anticipée, nulle perception intérieure. Des passions générales ont souvent été rendues avec une vérité si flagrante, qu’il ne semblait pas que le poète eût pu les peindre mieux, les eût-il lui-même éprouvées ; mais je ne crois pas qu’il en puisse être de même des émotions positivement chrétiennes. […] Cet amour que ne traverse jamais la pensée des liens sacrés qu’il outrage, cet amour que le jeune homme converti compte à peine encore au nombre de ses remords, et pour le souvenir duquel il demande un privilège à sa conscience, cet amour, dont il pare sa vie, et qui, entouré par lui d’une espèce d’auréole, apparaît presque comme une vertu dans le naufrage de sa vertu, n’y a-t-il donc aucun inconvénient à le peindre si idéal et si beau ? […] Un saint Marc, peint dans les vitraux, parle à son tour, pour annoncer et décrire la ronde nocturne des morts. […] »124 Le pape Grégoire se dispose à bénir le mariage des deux fiancés, et lorsque Ahasvérus, pressé de dire son nom, s’y refuse, le Christ, peint sur un des vitraux, dit : « C’est Ahasvérus, le Juif-Errant ; et moi, je suis le Christ que vous avez cherché dans vos tombes… Allez, rentrez sous vos dalles jusqu’au jugement dernier.

1584. (1906) Propos de théâtre. Troisième série

Nous avons, par un assez rare bonheur, quelques pages, où quelques-uns d’entre eux se peignent eux-mêmes. […] C’est en effet le sujet d’un très beau tableau, parce que dans un tableau on ne peint qu’un instant [Eh ! […] Il est certain que Molière a exécré ce personnage et a voulu le peindre aussi odieux que possible. […] Ce que Molière a voulu peindre dans les Femmes savantes, c’est le travers des femmes savantes, sans doute ; mais c’est aussi, c’est tout autant, le danger que l’homme de lettres constitue pour les bourgeois qu’il fréquente. […] Seulement, au lieu de nous montrer toutes les phases de la guerre, au lieu de nous étaler les blessures cruelles reçues par le champion de la Vertu dans des combats trop inégaux, au lieu de bien faire ressortir à nos yeux la défaite du droit contre le nombre, — ce qui eût choqué notre sensibilité et notre esprit d’équité, — Molière nous peint les dépits et les colères ridicules de son héros — ridicules parce qu’ils sont vains — après chacun de ses engagements.

1585. (1892) Essais sur la littérature contemporaine

France nous raconte qu’aux temps de son enfance, il avait parmi ses joujoux « une arche de Noé, peinte en rouge, avec tous les animaux par couple, et Noé et ses enfants faits au tour ». […] Une image authentique et fidèle n’est pas celle en effet dont vous avez rassemblé les traits pour la peindre, c’est celle qui s’est gravée d’elle-même dans des yeux qui la voient tous les jours. […] Car, si c’est le « ménage à trois » que vous avez voulu peindre, que signifient ces oripeaux ? […] « Peindre les hommes d’après nature ?  […] Il ne paraît pas effectivement prouvé que la comédie ne soit pas avant tout la satire des ridicules ou des vices, et, conséquemment, qu’il ne soit pas de son essence ou de sa définition de nous peindre la nature en laid.

1586. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre huitième. L’introduction des idées philosophiques et sociales dans la poésie (suite). Victor Hugo »

Au reste, un poète qui peint la Nature et l’anime est toujours plus ou moins panthéiste. […] Cette bonté de cœur ne s’est point fait jour tout de suite ; le tempérament premier de Victor Hugo était violent et passionné ; ses toutes premières œuvres ne peignent que lutte, coups d’épée, chocs de toutes sortes, y compris les chocs des rimes et des couleurs. […] Hugo sont peintes dans ces quelques lignes : « Elle avait dans toute sa personne la bonté et la douceur… pour travail de se laisser vivre, pour talent quelques chansons, pour science la beauté, pour esprit l’innocence, pour cœur l’ignorance… Il l’avait élevée plutôt à être fleur qu’à être femme232. » Hugo a d’ailleurs compris et admirablement exprimé une des fonctions de la femme : « Ici-bas, le joli, c’est le nécessaire.

1587. (1911) Lyrisme, épopée, drame. Une loi de l’histoire littéraire expliquée par l’évolution générale « Chapitre II. Vérification de la loi par l’examen de la littérature française » pp. 34-154

Son art fait précisément qu’on voit surtout la valeur absolue des Caractères ; leur valeur relative est considérable : La Bruyère nous peint la fin d’une époque, il fait deviner la suivante et en a déjà l’esprit dramatique. […] Des Lettres il faut remarquer qu’elles contiennent en germe ses autres ouvrages ; elles sont d’ailleurs une « forme » bien intéressante ; c’est du roman satirique, fantaisiste, naturaliste, et c’est de la comédie ; comme une première esquisse de Peints par eux-mêmes. […] ; l’évolution de Paul Hervieu pourrait se caractériser par trois titres : Flirt (1890), Peints par eux-mêmes (1893), Les Tenailles (1895).

1588. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « DE LA MÉDÉE D’APOLLONIUS. » pp. 359-406

« Les Anciens ne se sont pas contentés de peindre simplement d’après nature, ils ont joint la passion à la vérité. » Fénelon, Lettre sur l’Éloquence. […] Au reste, dès qu’on veut peindre cette passion identique et une en tous les âges, il n’y a pas de choix : il faut passer par les mêmes traits, revenir sur les mêmes symptômes ; et c’est toujours le cas de s’écrier avec la Religieuse portugaise, dans ce conseil éperdu qu’elle donnait à son trop raisonnable amant : « Mais avant de vous engager dans une grande passion, pensez bien à l’excès de mes douleurs, à l’incertitude de mes projets, à la diversité de mes mouvements, à l’extravagance de mes lettres, à mes confiances, à mes désespoirs, à mes souhaits, à ma jalousie !

1589. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « M. Ampère »

Ballanche, lui adressait de Lyon ces avertissements, où se peignent les craintes de l’amitié redoublées par une imagination tendre : … Ce que vous me dites au sujet de vos succès en métaphysique me désole. […] Virgile, en une sublime églogue, a peint le demi-dieu barbouillé de lie, que les bergers enchaînent : il ne fallait pas l’enchaîner, lui, le distrait et le simple, pour qu’il commençât : Namque canebat, uti magnum per inane coacta Semina terrarumque animaeque marisque fuissent, Et liquidi simul ignis ; ut his exordia primis Omnia, etc., etc.

1590. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre premier. La structure de la société. — Chapitre III. Services locaux que doivent les privilégiés. »

Les habitants de Saint-Savin, dans les Pyrénées, « peignent avec des larmes de douleur leur consternation » à l’idée qu’on va supprimer leur abbaye de Bénédictins, seule fondation de charité dans ce pays pauvre. […] On trouvera dans ces passages des détails sur les types énergiques de l’ancienne noblesse. — Ils sont peints avec force et justesse dans deux romans de Balzac : Béatrix (le baron de Guénic) et le Cabinet des antiques (le marquis d’Esgrignon).

1591. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLIIIe entretien. Vie et œuvres du comte de Maistre (2e partie) » pp. 5-80

Le soleil était descendu sous l’horizon ; des nuages brillants répandaient une clarté douce, un demi-jour doré qu’on ne saurait peindre et que je n’ai jamais vu ailleurs. […] C’est ce que je pus trouver de plus ministériel ; car, si Noé entend qu’on nie son ivresse, il peut s’adresser à d’autres qu’à moi. » Et à quelques jours de là, après une imprécation contre le cardinal Consalvi, le Fénelon de la cour romaine dans ce siècle : « Je n’ai point de terme, ajoute-t-il, pour vous peindre le chagrin que me cause la démarche du pape.

1592. (1860) Cours familier de littérature. IX « XLIXe entretien. Les salons littéraires. Souvenirs de madame Récamier » pp. 6-80

Quand je vous aurai dit des yeux bleu de mer azurés jusqu’à la nuit par l’ombre des voiles ; des cheveux de fils de la Vierge brunis au feu du soleil ; des joues de pêche veloutée dont le velours renaissait tous les matins comme pour tamiser le jour sur une peau d’enfant ; des couleurs nuancées et fondues où le blanc et le rose ne formaient qu’une teinte ; un regard qui s’ouvrait et se refermait sous des cils ruisselants d’ombre ou de lumière ; des lèvres où la langueur pensive ou la joie épanouie donnait toutes les inflexions de l’âme ; un sourire qui caressait l’air ; une taille ni grande ni petite, mais qui, par sa flexibilité, se prêtait à la majesté autant qu’à la grâce ; une démarche de reine ou de bergère tour à tour ; un étonnement de l’impression qu’elle faisait partout, comme si les regards de la foule eussent été autant de miroirs qui lui répercutaient sa figure et qui la faisaient rougir de sa miraculeuse beauté ; les pas qu’elle entraînait sur sa trace ; les murmures d’admiration qui s’élevaient à sa vue ; les exclamations mal contenues ; les femmes charmées, mais jalouses ; les hommes attirés, mais contenus par le respect de tant d’innocence sous tant d’enivrements ; quand je vous aurai dit tout cela, je ne vous aurai rien peint de visible à votre imagination. […] Or l’innocence du génie c’est sa modestie. » Ce mot charmant la peignait elle-même, car elle avait de l’enfance sur ses joues et de la maturité dans l’esprit.

1593. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CVIIe entretien. Balzac et ses œuvres (2e partie) » pp. 353-431

Je ne sais quel instinct révélateur et observateur lui a appris que les lieux et les hommes se tiennent par des rapports secrets ; que tel site est une idée, que telle muraille est un caractère, et que pour bien saisir un portrait il faut bien peindre un intérieur. […] Cette pièce, dont les deux croisées donnaient sur la rue, était planchéiée ; des panneaux gris, à moulures antiques, la boisaient de haut en bas ; son plafond se composait de poutres apparentes, également peintes en gris, dont les entre-deux étaient remplis de blanc en bourre qui avait jauni.

1594. (1865) Cours familier de littérature. XX « CXVIIe entretien. Littérature américaine. Une page unique d’histoire naturelle, par Audubon (1re partie) » pp. 81-159

Il lui fallait des races ailées à peindre, à observer, à détailler, à aimer ; des concerts à écouter dans les bocages ; des plumes brillantes à reproduire ; des ailes vagabondes à suivre dans leurs courbes et dans leurs spirales. […] Plus mes oiseaux étaient mal dessinés et mal peints, plus les originaux me semblaient admirables.

1595. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 juillet 1885. »

Ensuite je me peignis involontairement l’état délicieux d’un homme en proie à une grande rêverie dans une solitude absolue, mais une solitude avec un immense horizon et une large lumière diffuse ; l’immensité sans autre décor qu’elle-même. […] Ainsi que le Drame ne cherche pas à peindre, par une description, le caractère humain, mais laisse ce caractère se représenter, immédiatement, lui-même, devant nous ; ainsi la Musique, au moyen de ses motifs, nous donne le Caractère de toutes les Apparences de l’Univers, dans leur essence et leur Moi le plus intime.

1596. (1857) Cours familier de littérature. III « XIIIe entretien. Racine. — Athalie » pp. 5-80

C’est que le poète tragique est conduit à ne peindre que des péripéties ou des convulsions suprêmes de l’âme de ses personnages, et que tous les sentiments doux, habituels, modérés du cœur humain, sont retranchés forcément de sa poésie. […] Peut-on dire qu’avec ces trois causes d’infériorité relative dans le cadre même de son œuvre, le poète épique, qui peint et qui chante la nature entière et l’homme tout entier, n’est pas supérieur, non pas en génie, mais en genre et en charme au poète de théâtre ?

1597. (1857) Cours familier de littérature. III « XVIIIe entretien. Littérature légère. Alfred de Musset » pp. 409-488

Si nous étions encore poète, nous dirions : « Il y a dans la famille des végétaux, des plantes, des arbres, des arbustes à doubles fleurs dont la sève ne se noue jamais en fruits, précisément parce que la fleur double épuise l’arbuste ; plantes dont la seule destination est de peindre la terre d’un arc-en-ciel de riantes couleurs étendues sur les pelouses, les parterres, les forêts, et d’embaumer le printemps en livrant au vent d’été leurs corolles stériles. […] Pardon de cette image, mais il ne s’en présente pas d’autre sous ma main pour peindre cet attrait mêlé de répulsion qui me saisit en lisant ces poésies renversées qui placent l’idéal en bas au lieu de le laisser où Dieu l’a placé, dans les hauteurs de l’âme et dans les horizons du ciel.

1598. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « III. M. Michelet » pp. 47-96

Pour lui, la Révolution qu’il disait, — et avec raison, — ne s’incarner dans aucun homme, se fait femme aujourd’hui, et tout aussitôt, avec la piété d’un enlumineur de fétiches, le voilà qui se met à nous peindre ce multiple visage de femme sous lequel l’idée révolutionnaire lui apparaît, peut-être d’autant plus puissante… Il est vrai qu’un remords le prend vers la fin de son travail. […] Peintes par un homme de talent, qui sans être austère, aurait eu le chaste pinceau de la force, quelle galerie magnifique elles auraient formée devant le petit Panthéon de terre cuite de M. 

1599. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Le Roman de Renart. Histoire littéraire de la France, t. XXII. (Fin.) » pp. 308-324

Le trouvère, dans le cas présent, a du poète en lui, il a du talent et sait peindre.

1600. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Geoffroy de Villehardouin. — I. » pp. 381-397

 » Là y eut si grand bruit et si grande noise qu’il semblait vraiment que toute terre tremblât ; et quand ce bruit fut apaisé, Henri (Dandolo), le bon duc de Venise, monta au lutrin et, parlant au peuple, leur dit : « Seigneurs, voilà un très grand honneur que Dieu nous fait, quand les meilleurs et les plus braves gens du monde ont négligé toute autre nation et ont requis notre compagnie pour une si haute cause que la vengeance de Notre-Seigneur. » Cette scène si parlante et si pathétique, précédée par un traité de commerce et de conquête en commun, si bien conçu et si sagement combiné, peint l’esprit d’un gouvernement et d’un peuple.

1601. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Léopold Robert. Sa Vie, ses Œuvres et sa Correspondance, par M. F. Feuillet de Conches. — II. (Fin.) » pp. 427-443

Théocrite, qui a si bien peint l’abondance et la joie des récoltes dans sa pièce des Thalysies, a fait aussi Les Syracusaines, une scène piquante et gaiement moqueuse ; et Léopold Robert, au sortir des Moissonneurs, n’a pu réussir à faire son tableau du Carnaval.

1602. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Journal du marquis de Dangeau — I » pp. 1-17

Il dit : Mon ordre, mon cordon bleu ; il l’étale ou il le cache par ostentation ; un Pamphile, en un mot, veut être grand ; il croit l’être, il ne l’est pas, il est d’après un grand. » Puis vient Saint-Simon, qui profite beaucoup du journal de Dangeau pour établir ses mémoires, pour en fixer bien des faits et en rajuster des souvenirs, mais qui se moque constamment et de l’œuvre et du personnage ; il achève de nous peindre Dangeau en charge, en caricature, tant il donne de relief à ses ridicules et tant il efface ses bonnes qualités : C’était le meilleur homme du monde, dit-il, mais à qui la tête avait tourné d’être seigneur ; cela l’avait chamarré de ridicules, et Mme de Montespan avait fort plaisamment, mais très véritablement dit de lui qu’on ne pouvait s’empêcher de l’aimer ni de s’en moquer.

1603. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Œuvres inédites de P. de Ronsard, recueillies et publiées par M. Prosper Blanchemain, 1 vol. petit in-8°, Paris, Auguste Aubry, 1856. Étude sur Ronsard, considéré comme imitateur d’Homère et de Pindare, par M. Eugène Gandar, ancien membre de l’École française d’Athènes, 1 vol. in-8°, Metz, 1854. — II » pp. 76-92

Ronsard y raconte à l’un de ses amis, Pierre Lescot, l’un des architectes du Louvre, comment dès son enfance il résistait à son père qui lui disait de renoncer à la poésie, et comment déjà le démon du rêve et de la fantaisie le transportait ; je crois bien qu’en la mettant à l’âge de douze ans, alter ab undecimo…, il antidate un peu sa jeune manie, pour la mieux peindre ; mais il exprime cela en jeune homme qui n’a pas cessé d’en être possédé au moment où il en parlef : Je n’avois pas douze ans, qu’au profond des vallées, Dans les hautes forêts des hommes reculées, Dans les antres secrets, de frayeur tout couverts, Sans avoir soin de rien je composois des vers.

1604. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Eugénie de Guérin, Reliquiae, publié par Jules Barbey d’Aurevilly et G.-S. Trébutien, Caen, imprimerie de Hardel, 1855, 1 vol. in-18, imprimé à petit nombre ; ne se vend pas. » pp. 331-247

Les paysages se peignent encore quelquefois sous sa plume par un charme involontaire, et ils font ressortir dans son éclat sombre l’unique pensée : 30 août. — Qu’il faisait bon ce matin dans la vigne, cette vigne aux raisins chasselas que tu aimais !

1605. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Correspondance de Buffon, publiée par M. Nadault de Buffon » pp. 320-337

Aucun d’eux n’a su, je ne dis pas peindre la nature, mais même présenter un seul trait bien caractérisé de ses beautés les plus frappantes. » Là encore, à ceux même qui n’aimeraient ni la grenouille ni le hanneton, je dirai : « Je passe condamnation sur le peu d’élégance de l’expression, mais trouvez-moi dans le siècle un jugement de plus de bon sens.

1606. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Louis XIV et le duc de Bourgogne, par M. Michelet »

L’historien reconnaît, en effet, ses bonnes intentions, sa tendre pitié pour le peuple et toutes ses vertus chrétiennes, mais il marque en même temps les étroitesses et les limites d’esprit de ce vénérable enfant, et il trouve, pour peindre le contraste de cette manière d’être individuelle avec les vertus publiques et les lumières étendues si nécessaires à un souverain, des expressions qui se fixent dans la mémoire et des couleurs qui demeurent dans les yeux.

1607. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Mémoires de l’Impératrice Catherine II. Écrits par elle-même. »

Un jour, à un de ces bals, je la regardais danser un menuet : quand elle eut fini, elle vint à moi ; je pris la liberté de lui dire qu’il était fort heureux pour les femmes qu’elle ne fût pas homme, et que son portrait seul ainsi peint pourrait tourner la tête à plus d’une.

1608. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « La Grèce en 1863 par M. A. Grenier. »

Musset nous présageait, à vingt ans de là, cet autre enfant charmant et cruel qui devait aller sur place observer et étudier la Grèce, qui l’a si bien peinte, mais si malignement et tout en gaieté, dans ses mœurs, dans sa politique, dans ses finances, dans sa police, dans sa pauvre royauté.

1609. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Poésies, par Charles Monselet »

C’est plus prosaïque que Baudelaire, lequel peint sur émail (se rappeler le Vieux saltimbanque, les Petites vieilles, le Café neuf ou les Yeux des pauvres) ; c’est moins cherché aussi.

1610. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « De la poésie en 1865. (suite et fin.) »

Luzel, et à en juger par ses traductions, on entrevoit qu’il a dû faire d’assez jolis chants que peuvent chanter, à la rigueur, les jours de Pardon, les paysans que nous a peints et repeints si souvent M. 

1611. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Le général Jomini. [I] »

Il faut être consommé pour les entendre ; et il est impossible de se former le jugement sur les historiens qui ne parlent de la guerre que selon qu’elle se peint à leur imagination… — Gustave-Adolphe a créé une méthode que ses disciples ont suivie, et tous ont fait de grandes choses.

1612. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « APPENDICE. — CASIMIR DELAVIGNE, page 192. » pp. 470-486

Comment le peint-il dans les trois derniers jours de crise et d’angoisses, entouré d’un équipage révolté qui va lui ravir ce monde auquel il touche et dont la brise lui apporte déjà les parfums ?

1613. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Racine — II »

Le pittoresque épique, le descriptif pompeux sied mal au style du drame ; mais sans se mettre exprès à décrire, sans étaler sa toile pour peindre, il est tel mot de pure causerie qui, jeté comme au hasard, va nous donner la couleur des lieux et préciser d’avance le théâtre où se déploiera la passion.

1614. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Jean-Baptiste Rousseau »

De la sorte, chez lui, nul sentiment vrai du passé non plus que du présent ; son esprit était le plus terne des miroirs ; rien ne s’y peignait, il ne réfléchit rien ; sans originalité, sans vue intime ou même finement superficielle, sans vivacité de souvenirs, aussi loin des chœurs d’Esther que des vers datés de Philisbourg, tenant tout juste au siècle de Louis XIV par l’Ode sur Namur, ce fut le moins lyrique de tous les hommes à la moins lyrique de toutes les époques.

1615. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Millevoye »

Elle, sensible bergère, pour emprunter à son poëte même des traits qui la peignent, elle est assez belle aux yeux de l’amant si, au sortir de la grotte bocagère où se sont oubliées les heures, elle rapporte Un doux souvenir dans son âme, Dans ses yeux une douce flamme, Une feuille dans ses cheveux.

1616. (1902) L’observation médicale chez les écrivains naturalistes « Chapitre II »

Il possède encore deux facultés remarquables : la qualification pittoresque avec laquelle il caractérise en passant, l’épithète rare avec laquelle il peint un ciel… » Modification du caractère. — « Avril : Absorption complète, refus de parler, toute l’après-midi, son chapeau de paille lui barrant la vue, il reste assis en face d’un arbre, dans une immobilité tristement farouche. » 8 avril : « Peu à peu il se dépouille de l’affectuosité, il se déshumanise ; les autres commencent à ne plus compter pour lui et recommence en lui le féroce égoïsme de l’enfant. » 16 avril : « Ce qu’il y a d’affreux dans ces abominables maladies de l’intelligence, c’est qu’elles détruisent souterrainement et à la longue, chez l’être aimant qu’elles frappent, la sensibilité, la tendresse, l’attachement, c’est qu’elles suppriment le cœur… cette douce amitié qui était le gros lot de notre vie, de notre bonheur, je ne la trouve plus, je ne la rencontre plus… Non je ne me sens plus aimé par lui, et c’est le plus grand supplice que je puisse éprouver, et que tout ce que je puisse me dire n’adoucit en rien… !

1617. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Chapitre premier. De l’amour de la gloire »

Celui qui n’aperçoit dans les mines où les métaux se préparent, que le feu dévorant qui semble tout consumer, ne connaît point la marche de la nature, et ne sait se peindre l’avenir qu’en multipliant le présent.

1618. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre III. Poésie érudite et artistique (depuis 1550) — Chapitre II. Les tempéraments »

Relisons toutes les pièces qu’on cite : ces sonnets, ces chansons, où le pétrarquisme est traverse des élans fougueux d’une passion sensuelle, où se fond une subtilité aiguë dans la douceur lasse d’une mélancolie pénétrante, ces élégies où le néant de l’homme, la fragilité de la vie, le sentiment de la fuite insaisissable des formes par lesquelles l’être successivement se réalise, s’expriment en si vifs accents par de si graves images, ces hymnes, comme l’hymne à Bacchus qui a le mouvement et l’éclat des Bacchanales que peignaient les Italiens, ces odelettes, où la joie fine et profonde des sens aux caresses de la nature qui les enveloppe, se répand en charmantes peintures, en rythmes délicats : tout cela, c’est le tempérament de Ronsard, fortuitement favorisé par son érudition, ou bien en rompant l’entrave.

1619. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre IV. Les tempéraments et les idées (suite) — Chapitre I. La lutte philosophique »

Vauvenargues n’est pas un moraliste détaché qui observe les hommes pour les peindre.

1620. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre I. La littérature pendant la Révolution et l’Empire — Chapitre III. Madame de Staël »

Elle n’a pas le sentiment de la nature : elle la voit quand elle veut regarder ; alors elle élabore ses perceptions en notions dont elle donne la formule intelligible : mais pour ce qui est de peindre, elle n’y peut arriver.

1621. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre IV. L’heure présente (1874) — Chapitre unique. La littérature qui se fait »

Hervieu, trop bizarre aussi et violent par inhabileté dans le maniement de la langue, mais créateur de types solides et fins, observateur clairvoyant et féroce des classes aristocratiques Peints par eux-mêmes, 1893.

1622. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Les deux Tartuffe. » pp. 338-363

Et, par cela seul qu’il applique à une passion profane le vocabulaire et les images de la « mystique » chrétienne, il se trouve presque composer, sans le savoir, une sorte d’élégie idéaliste aux airs déjà vaguement lamartiniens : Ses attraits réfléchis brillent dans vos pareilles… Il a sur votre face épanché des beautés Dont les yeux sont surpris et les cœurs transportés ; Et je n’ai pu vous voir, parfaite créature, Sans admirer en vous l’auteur de la nature, Et d’une ardente amour sentir mon cœur atteint, Au plus beau des portraits où lui-même il s’est peint.

1623. (1899) Le préjugé de la vie de bohème (article de la Revue des Revues) pp. 459-469

En face des tapageurs de Murger, il y a le Marius peint par Hugo dans les Misérables, avec une vérité autrement humaine, il y a Berlioz portant son pain dans la rue avec la sérénité d’un sage, il y a Wagner logeant dans le quartier des Halles et faisant sa partie dans des orchestres de cafés-concerts en méditant Lohengrin, il y a la belle, la silencieuse, la grave et pure misère des beaux créateurs d’art.

1624. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre XVI. Les derniers temps de la comédie italienne en France » pp. 311-338

On l’y fait à peindre.

1625. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Légendes françaises. Rabelais par M. Eugène Noël. (1850.) » pp. 1-18

On a fait ainsi pour Molière, et Camille Desmoulins, dans Le Vieux Cordelier, a dit : « Molière, dans Le Misanthrope, a peint en traits sublimes les caractères du républicain et du royaliste : Alceste est un Jacobin, Philinte un Feuillant achevé. »

1626. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Marie Stuart, par M. Mignet. (2 vol. in-8º. — Paulin, 1851.) » pp. 409-426

Ceux-ci ont consigné leurs regrets dans maintes pièces de vers qui nous peignent au vif Marie Stuart à cette heure décisive, la première heure vraiment douloureuse de sa vie.

1627. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Madame, duchesse d’Orléans. (D’après les Mémoires de Cosnac.) » pp. 305-321

C’est un récit écrit d’après une confidence, et destiné à celle même qui a raconté, qui sourit en se revoyant si justement, si légèrement peinte, et qui, avec une douce malice, prend à quelques endroits la plume pour y retoucher.

1628. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Th. Dostoïewski »

Quelques types secondaires, le prince Alexis et les Ikhménief dans Humiliés, le médecin Zosimoff et Razoumikhine dans Crime et châtiment sont peints en pleine vérité et apparaissent comme d’irrécusables individus.

1629. (1765) Essais sur la peinture pour faire suite au salon de 1765 « Paragraphe sur la composition ou j’espère que j’en parlerai » pp. 54-69

Préviens, si tu l’oses, le jugement de la postérité ; ou si tu n’en as pas le courage, peins-moi du moins celui qu’elle a porté.

1630. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « I »

Un autre s’en prend à notre physique et nous peint fantaisistement comme un vieux professeur à lunettes, qui ressemble à un chat tombé dans de la braise.

1631. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre IX. Seconde partie. Nouvelles preuves que la société a été imposée à l’homme » pp. 243-267

Ainsi l’amour, tel qu’il est peint dans une poésie chaste, l’amour tendre et sérieux est le véritable amour de la nature.

1632. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre V : M. Cousin historien et biographe »

La société que peint M. 

1633. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XXII. »

Shakespeare, avec son merveilleux génie pour tout peindre, ne fut pas le poëte courageux qui se charge de flétrir le vice et la mollesse.

1634. (1920) Impressions de théâtre. Onzième série

La comédie débutait, comme la peinture, par des figures immobiles, peintes dans les mêmes poses, avec les mêmes couleurs. […] Il saute effroyablement aux yeux que l’Institution de la femme chrestienne a été écrite par un homme. « Si les lions savaient peindre… » Je voudrais qu’une femme, même austère et sainte, écrivît, à son tour, son petit traité des devoirs féminins. […] Molière se maintient aussi strictement dans le comique que Racine dans le tragique, et pour les mêmes raisons… Après Molière, on rit encore ; mais le rire s’encanaille avec Regnard, Montfleury, Lesage… et, d’un autre côté, « ceux qui veulent peindre les honnêtes gens ne savent pas faire rire. » Bientôt même, « on ne peint plus de caractères plaisants. » Pourquoi ? […] Molière osa peindre des bourgeois et des artisans aussi bien que des marquis. […] Il peint la manie littéraire et ses effets dans un esprit de bienveillance et d’optimisme.

1635. (1907) Propos littéraires. Quatrième série

Vous avez remarqué la « note de l’auteur » que Molière met quelque part dans son texte même, pour avertir qu’Alceste est de la même famille que le Sganarelle de L’École des maris : Et je crois voir en nous, de mêmes soins nourris, Ces deux frères que peint l’École des maris… Quoique Alceste déclare la comparaison « fade », cela veut dire que Molière n’ignore point que « l’original », comme dit le peuple, est un misanthrope, et que le sociable est un philadelphe, et que le philadelphe n’est autre chose qu’un imitateur. […] Très vite, vous les voyez éclater en imprécations ou se répandre en lamentations à propos de ce qu’ils viennent de voir et de ce qu’ils viennent de peindre à peine. […] Et quant aux personnages principaux, comptez-les et voyez s’ils sont intéressants, divers, caractérisés, chacun infiniment curieux à étudier et à peindre. […] Et maintenant n’en parlons plus. » On prétend aujourd’hui honorer tout autrement les grands exemplaires de l’humanité. « Je ne me suis peinte qu’en buste », disait la spirituelle soubrette Mme de Staal. […] Quand il écarte Napoléon, Daudet se rabat sur Talleyrand, qui l’inquiète assez fort aussi et le sollicite : « Si Napoléon m’échappe, c’est celui-là que je voudrais peindre. » Chose qui m’étonne un peu, Daudet voit Talleyrand aussi en Méridional.

1636. (1914) L’évolution des genres dans l’histoire de la littérature. Leçons professées à l’École normale supérieure

Théoriquement, à l’origine même de l’art de peindre, au moins dans l’histoire de la peinture moderne, on peut placer la Peinture religieuse, telle que l’ont conçue, par exemple, les Cimabue et les Giotto en Italie ; ou, en Flandre, les Van Eyck et les Memling. […] Il faut peindre avec des couleurs vraies comme les anciens, mais il ne faut pas peindre les mêmes choses. […] Mais quand, en revanche, Boileau, dans L’Andromaque de son ami Racine, critiquait les « défauts » du caractère de Pyrrhus — qu’il trouvait trop semblable encore à un héros de Mlle de Scudéri, — cela servait à Racine pour mieux peindre, sous des traits plus naturels et plus vrais, l’Achille de son Iphigénie. […] Mais il faut pourtant être juste, et la méthode qu’un autre allait pousser plus avant, c’est bien lui qui ne s’est plus contenté de l’indiquer, comme avaient fait Mme de Staël et Chateaubriand, mais il l’a lui-même vraiment appliquée et réalisée. « On crayonne avant que de peindre, et on dessine avant que de bâtir. » Enfin il convient de signaler la disposition, l’enchaînement, logique et la liaison des parties. […] Il a pris les devants ; et, de peur que l’on ne s’y méprît, il s’est plus d’une fois représenté lui-même dans l’attitude et sous les traits dont il voulait qu’on le peignît.

1637. (1914) Une année de critique

Il ne la revêt pas des couleurs de l’imagination ; il s’applique à la peindre minutieusement telle qu’elle est, car c’est la réalité qui l’intéresse, et non pas son imagination. […] Si Jean Lorrain fut tel que nous le peignent de maladroits fidèles, il y aurait lieu de le mépriser cent fois plus que s’il eût été complètement corrompu. […] Juillet est peint en quelques pages que l’on peut égaler aux chefs-d’œuvre du roman psychologique. […] Jamais encore on n’avait peint un tableau si vrai de la vie parisienne depuis la mort du roi jusqu’à la réaction thermidorienne. […] Jean-Louis Vaudoyer, en veine de réalisme, nous peindrait une Cécile moins désolée lorsque, comme cela arrive à la page 236, elle « gagne la pièce voisine et se contraint aux soins les plus humiliants ».

1638. (1930) Physiologie de la critique pp. 7-243

Et il les a peints comme il les a vus. […] « Le sot projet que Montaigne a eu de se peindre !  […] Pascal, de 1728, répond : « Le charmant projet que Montaigne a eu de se peindre !  […] La principale partie de l’art, au théâtre et dans le roman, surtout en France, consiste à peindre des caractères. Corneille, Racine et Molière, Stendhal et Balzac ont peint des caractères humains.

1639. (1926) La poésie de Stéphane Mallarmé. Étude littéraire

Laforgue, lui aussi, s’est peint dans le Hamlet des Moralités Légendaires. […] Il ne s’agit pas de peindre ou de raconter l’homme qui se délivre de la matière, mais d’éveiller, du premier au dernier vers, le sentiment vivant de cette délivrance d’obtenir du lecteur qu’il épouse et qu’il récrée en […] cet effort. […] « La poésie, disait Rivarol, doit toujours peindre et ne jamais nommer. » Bien au contraire, pour Mallarmé, la poésie ne doit jamais peindre, toujours nommer, — et ne pas nommer directement son objet, ce qui serait encore une manière sinon de peinture, du moins de dessin, nommer à côté et même loin de l’objet ce qui suscitera l’émotion correspondant à l’objet. […] En général la périphrase du xviiie  siècle donne au mot, pour substitut, une description, peint et ne nomme pas. […] Serein je vais choisir un jeune paysage Que je peindrais encor sur des tasses, distrait.

1640. (1894) Critique de combat

Paul Hervieu : Peints par eux-mêmes. […] monsieur Hervieu, monsieur Hervieu, je crains bien que dans ce livre vous n’ayez peint le pince-sans-rire que vous êtes plus encore que vos prétendus modèles !  […] Mais ce n’est pas seulement lui-même qu’il nous peint ; c’est aussi le Paris de ce temps-là. […] Paysan, il peint des paysans. […] Je me souviens d’une série de portraits intitulée : Les Français peints par eux-mêmes.

1641. (1896) Le IIe livre des masques. Portraits symbolistes, gloses et documents sur les écrivains d’hier et d’aujourd’hui, les masques…

C’est avec une sensualité discrète et rêveuse qu’il peint les Héroïnes ; chacune est symbolisée par une fleur qui se dresse d’entre ses pieds ; cela est fort joli. […] La dialectique du rêveur a joué victorieusement, quoique sans résultat définitif, sur ce que le mot luxure comporte de petites idées adventices toutes prêtes, semble-t-il, à s’emmêler aux cheveux de l’Antiope, mais le luxurieux, qui regarde froidement cette nudité peinte, n’est pas sûr « que la sensualité ait été mêlée à l’esthétique depuis les origines ». […] Tels emblèmes peints comme enluminures dans les missels de M.  […] Parmi la quantité des faits, il choisit ceux qui semblent d’abord contenir en eux-mêmes leur signification ; ainsi, en écartant toutes les figures obscures, mal peintes, il se constitue un jeu de cartes logiques avec lequel il gagne facilement la partie contre le mystère des choses. […] J’insiste, il hait le mal, et cette sainte haine est le couronnement de son amour. » Voilà Hello peint par lui-même, croyant qui croit à lui-même.

1642. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Alfred de Vigny. »

Cette Dalila des Philistins est capable, comme une Dalila de Paris, de dire à sa meilleure amie ce mot du cœur qui a été dit bien réellement et qui peint toutes les Dalila : « Vois-tu, ma chère, plus je vais, et plus je sens qu’on ne peut bien aimer que celui qu’on n’estime pas. » Samson est donc à bout, non de pardon, mais de courage ; il a la nausée de tout ; il donnerait sa vie pour rien ; il ne daigne plus la préserver ni la défendre, et il le dit en des termes d’une superbe amertume, qui rappellent en leur genre le Moïse du poète et ses lassitudes mortelles : Mais enfin je suis las. […] Il nous donnait par là tout loisir de l’observer, et souvent un peu plus qu’on ne l’aurait désiré ; j’ai retenu plus d’un trait qui achèverait de le peindre, en amenant sur les lèvres le sourire ; mais un sentiment supérieur l’emporte sur cette vérité de détail qui ne s’adresse qu’à des défauts ou des faiblesses désormais évanouies, et, puisque nous avons été reportés par ce dernier recueil aux sommets mêmes de son esprit, aux meilleures et aux plus durables parties de son talent, je m’en tiendrai, en finissant, à la réflexion la plus naturelle qui s’offre à son sujet et qui devient aussi la plus juste et la plus digne des conclusions.

1643. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Madame de Verdelin  »

Elle ne pouvait s’empêcher de prendre Rousseau pour confident de sa peine secrète : « Imaginez, mon bon voisin, que votre très aimable lettre est tombée entre les mains d’une créature qui n’existait plus ; peignez-vous l’état d’une âme touchée au-delà de toute expression, qui depuis sept ans ne vit, ne respire que pour un être qui était prêt à la sacrifier au fanatisme d’un dévot. […] On débite que vous y peignez Jésus-Christ comme un homme doux, humain, enfin qui allait aux noces et se faisait tout à tous.

1644. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre deuxième. Les images — Chapitre premier. Nature et réducteurs de l’image » pp. 75-128

Je regardais de temps en temps la figure imaginaire et je me mettais à peindre ; je suspendais mon travail pour examiner la pose, absolument comme si l’original eût été devant moi. […] À la fin, j’en fus persuadé ; puis tout devint confusion… Je perdis l’esprit, et je demeurai trente ans dans un asile. » Au sortir de l’asile, il avait conservé la même faculté de peindre un portrait d’après l’image intérieure du modèle ; mais on l’empêcha de travailler, par crainte du même accident.

1645. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre deuxième. La connaissance des corps — Chapitre premier. La perception extérieure et les idées dont se compose l’idée de corps » pp. 69-122

Quand nous sommes ainsi devenus sensibles à la dimension, nous n’avons plus besoin d’employer les mesures de longueur, et c’est là un talent acquis qui facilite beaucoup d’opérations mécaniques ; par exemple, pour dessiner, peindre, graver, et dans les arts plastiques, il faut absolument avoir acquis ce discernement des plus délicates différences. » Reste un troisième point de vue ; car il y a non seulement divers degrés d’intensité et de durée, mais divers degrés de vélocité dans nos mouvements musculaires, et la même contraction des mêmes muscles éveille en nous deux sensations musculaires différentes, selon qu’elle est rapide ou lente. […] L’ensemble des sensations comme possibles forme ainsi un arrière-fond permanent à une quelconque ou à plusieurs des sensations qui, à un moment donné, sont actuelles, et les possibilités sont conçues comme étant, par rapport aux sensations actuelles, dans la relation d’une cause à ses effets, ou d’une étoffe aux figures qui sont peintes dessus, ou d’une racine à sa tige, à ses feuilles et à ses fleurs, ou d’un substratum à ce qui est étendu dessus, ou, en langage transcendantal, d’une matière à sa forme.

1646. (1858) Cours familier de littérature. VI « XXXVe entretien » pp. 317-396

On peignit tout l’extérieur de différentes figures, qui étaient autant d’emblèmes des différentes vertus qui l’avaient plus particulièrement distingué. […] Mais, ce qui ne sera peut-être pas au goût de toute l’Europe, il prétend que les hommes ont trop de besoins et trop peu de force pour que le superflu des uns ne soit pas le nécessaire des autres ; en conséquence il peint le luxe des couleurs les plus odieuses, le montre partout comme l’écueil du bonheur public, et affecte de prouver, par les événements, que la décadence des mœurs, qui en est la suite nécessaire, a entraîné celle des deux dynasties Hia et Chang.

1647. (1859) Cours familier de littérature. VII « XXXVIIIe entretien. Littérature dramatique de l’Allemagne. Le drame de Faust par Goethe » pp. 81-160

Sa taille est élevée ; sa stature est mince et souple ; ses membres, un peu longs comme dans toutes les natures nobles, sont rattachés au buste par des jointures presque sans saillie ; ses épaules, gracieusement abaissées, se confondent avec les bras et laissent s’élancer entre elles un cou svelte qui porte légèrement sa tête sans paraître en sentir le poids ; cette tête, veloutée de cheveux très fins, est d’un élégant ovale ; le front, siège de la pensée, la laisse transpercer à travers une peau féminine ; la voûte du front descend par une ligne presque perpendiculaire sur les yeux ; un léger sillon, signe de la puissance et de l’habitude de la réflexion, s’y creuse à peine entre les deux sourcils très relevés et très arqués, semblables à des sourcils de jeune fille grecque ; les yeux sont bleus, le regard doux, quoique un peu tendu par l’observation instinctive dans l’homme qui doit beaucoup peindre ; le nez droit, un peu renflé aux narines comme celui de l’Apollon antique : il jette une ombre sur la lèvre supérieure ; la bouche entière, parfaitement modelée, a l’expression d’un homme qui sourit intérieurement à des images toujours agréables ; le menton, cet organe de la force morale, a beaucoup de fermeté, sans roideur ; une fossette le divise en deux lobes pour en tempérer la sévérité. […] Cet amour, peint avec les couleurs du Vicaire de Wakefield, ne fut qu’une distraction attachante pour Goethe et causa la mort de la pauvre Frédérique.

1648. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CVe entretien. Aristote. Traduction complète par M. Barthélemy Saint-Hilaire (3e partie) » pp. 193-271

Ils n’ont peint que le corps, ils ont déchiré une des plus belles pages de l’œuvre de Dieu dans sa nature animée ; ils ont ainsi privé le Créateur d’une partie de sa gloire. […] On dirait qu’il croit suffisant de la peindre, sans chercher à la juger et surtout à la conduire.

1649. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXe entretien. Mémoires du cardinal Consalvi, ministre du pape Pie VII, par M. Crétineau-Joly (2e partie) » pp. 81-159

« Transporté de rage, — c’est le mot qui le peindra le mieux, — il révéla dans ce très long entretien ses angoisses extrêmes. […] Il est plus facile d’imaginer que de peindre cette expulsion de treize cardinaux en grande pourpre, expulsion opérée dans un lieu si public, à la face de tous et avec tant d’ignominie.

1650. (1890) L’avenir de la science « XV » pp. 296-320

Elles valent mieux en un sens que l’histoire ; car, dans l’histoire, il y a une portion fatale et fortuite, qui n’est pas l’œuvre de l’humanité, au lieu que, dans les fables, tout lui appartient ; c’est son portrait peint par elle-même. […] Tacite, quel que soit son talent pour peindre la nature humaine, renferme moins de vraie psychologie que la narration naïve et crédule des Évangiles.

1651. (1887) Journal des Goncourt. Tome II (1862-1865) « Année 1864 » pp. 173-235

Elle porte rebroussés et relevés très haut, des cheveux bouffants et pommadés qu’on sent gros, et qui lui donnent l’air de ces femmes coloriées dans de petits cadres peints couleur d’or, et qu’on gagne aux macarons. […] * * * — Peindre dans un roman la blessure que fait à un homme amoureux, la danse de la femme qu’il aime, et plus que la danse et son enlacement, la transfiguration presque courtisanesque, que la sauterie apporte à cette femme, soudainement sortie de son humeur raisonnable, de son caractère tranquille, du sage apaisement de son honnête personne.

1652. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Gabrielle d’Estrées. Portraits des personnages français les plus illustres du XVIe siècle, recueil publié avec notices par M. Niel. » pp. 394-412

J’en puis être juge compétent, vous ayant peinte en toute perfection dans mon âme, — dans mon âme, dans mon cœur, dans mes yeux.

1653. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Le marquis de Lassay, ou Un figurant du Grand Siècle. — I. » pp. 162-179

Saint-Simon, en deux ou trois endroits, a peint le marquis de Lassay en courant, et ce portrait nous le présente comme un type de ces hommes qui veulent être de tout, et qui, sans échouer absolument, n’arrivent jamais qu’à être dans l’à-peu-près ; bien moins un figurant, comme je l’ai dit pour abréger, qu’un homme qui n’a pu avoir les beaux rôles.

1654. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « M. Daru. Histoire de la république de Venise. — III. (Suite et fin.) » pp. 454-472

C’est l’ouvrage où il se peint le mieux dans la force de sa maturité, avec ce bon goût qui naissait d’un bon jugement, avec sa sûreté d’appréciation et cet esprit net et ferme qui était le sien.

1655. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Madame Dacier. — II. (Fin.) » pp. 495-513

On a fait de Mme Dacier, longtemps après elle, des portraits chargés et qui ne la peignent point exactement.

1656. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Agrippa d’Aubigné. — I. » pp. 312-329

D’Aubigné combine cet esprit de secte avec son admiration pour Henri IV, car il nous a peint le roi de Navarre bien plus que le roi de France ; il ne touche que de loin à ce dernier.

1657. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Léopold Robert. Sa Vie, ses Œuvres et sa Correspondance, par M. F. Feuillet de Conches. — I. » pp. 409-426

Il avait commencé par s’essayer à peindre des intérieurs d’église et de cloître.

1658. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Montluc — II » pp. 71-89

C’est le tableau de ce mémorable fait d’armes et siège toscan, des plus beaux sous le point de vue militaire, héroïque et patriotique, qui se peint admirablement dans le récit de Montluc.

1659. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Henri IV écrivain. par M. Eugène Jung, ancien élève de l’École normale, docteur es lettres. — II » pp. 369-387

Entre les divers propos que le président Groulard a recueillis de la bouche de Henri IV, il en est un qui le peint bien dans son bon sens, dans son peu de rancune, et dans sa connaissance pratique et non idéale de l’humaine espèce.

1660. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Santeul ou de la poésie latine sous Louis XIV, par M. Montalant-Bougleux, 1 vol. in-12. Paris, 1855. — I » pp. 20-38

Un portrait que je conseillerais encore d’avoir sous les yeux quand on veut parler de lui, c’est celui qui est dans le recueil des Hommes illustres de Perrault, le beau portrait peint par La Grange et gravé par Edelinck.

1661. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Santeul ou de la poésie latine sous Louis XIV, par M. Montalant-Bougleux, 1 vol. in-12. Paris, 1855. — II » pp. 39-56

Ce dut être vers ce temps-là, et sans doute après un voyage à la Trappe, que Santeul fit sa belle ode sacrée, dédiée à M. de Rancé, Solitudo sancta, Le Saint Désert, où il peint la vie de labeur des moines pénitents4.

1662. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Sénecé ou un poète agréable. » pp. 280-297

Voltaire, dans son invention vive et rapide, se montre fidèle à son objet même : il est prompt, il ne s’appesantit pas, il est l’homme de l’impatience et de la délicatesse françaises ; il égaie chaque chose et peint chaque auteur en quelques traits ; il fait vivre son allégorie autant qu’une allégorie peut vivre.

1663. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Charles-Victor de Bonstetten. Étude biographique et littéraire, par M. Aimé Steinlen. — II » pp. 435-454

Rien ne peint mieux ces illustres assemblées qui se tiennent chez Mmes Necker et Geoffrin qu’un mot d’un étranger.

1664. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Correspondance de Lammenais » pp. 22-43

« Vous peignez admirablement (il s’adresse à M. de Coriolis) cette caricature de société a laquelle chaque jour ajoute quelque trait hideux ou comique.

1665. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Une monarchie en décadence, déboires de la cour d’Espagne sous le règne de Charles II, Par le marquis de Villars »

Paul de Saint-Victor, l’occasion de peindre, dans une suite d’articles insérés dans le journal la Presse (20 et 24 mai, 1, 4 et 31 juillet, 2, 28 et 30 août 1802), l’Espagne et sa Cour au xviie  siècle.

1666. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Le Poëme des champs par M. Calemard de Lafayette. »

Dans une page déchirée des Mémoires d’Outre-Tombe que le vent m’apporte par ma fenêtre entr’ouverte, je trouve un aveu, un refus presque pareil, bien que sur un tout autre ton, une confession où se peint, une fois de plus, cette passionnée et délirante nature de René ; j’y supprime seulement, çà et là, quelques traits, quelques notes trop ardentes et qui ne seraient à leur place que dans le Cantique des Cantiques : « Vois-tu, s’écrie le vieillard poëte s’adressant à la jeune fille qui s’est jetée à sa tête, comme on dit, et qui lui offre son cœur, vois-tu, quand je me laisserais aller à une folie, je ne serais pas sûr de t’aimer demain.

1667. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Madame de Staël. Coppet et Weimar, par l’auteur des Souvenirs de Mme Récamier »

Pardon de vous peindre un éclat (état ?)

1668. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Lettres inédites de Jean Racine et de Louis Racine, (précédées de Notices) » pp. 56-75

Il fut le premier à sentir son infériorité ; il se fit peindre les Œuvres de son père à la main, et les regards fixés sur les vers de la tragédie de Phèdre : Et moi, fils inconnu d’un si glorieux père !

1669. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Histoire de la Restauration par M. Louis de Viel-Castel. Tomes IV et V. »

. — Puisque j’y suis, j’achève de rassembler les traits qui le peignent.

1670. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Ducis épistolaire (suite) »

Ducis, tout en consolant son étrange malade et en lui insinuant les remèdes les plus appropriés, se peint à nous avec sa chaleur d’imagination, avec ses goûts modérés et parfois ses désirs plus grands que son destin.

1671. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Théophile Gautier (Suite.) »

Je viens de relire ce volume sur l’Espagne : depuis le moment où l’on y entre avec lui par le pont de la Bidassoa, jusqu’à celui où l’on s’embarque à Valence, tout est peint, déroulé aux regards.

1672. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Marie-Thérèse et Marie-Antoinette. Leur correspondance publiée, par M. le chevalier Alfred d’Arneth et à ce propos de la guerre de 1778 »

Ce mélange et ce conflit de sentiments contraires se peint à nu dans ses lettres ; nous assistons au flux et reflux de son âme : « Vous n’avez que trop bien deviné que la négociation échouerait.

1673. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Maurice comte de Saxe et Marie-Josèphe de Saxe, dauphine de France. (Suite) »

C’est, si l’on veut, dit-il, un portrait peint en rose de la Cour de Louis XV, un portrait ad usum Delphini.

1674. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamennais — Lamennais, Affaires de Rome »

Du Fossé, voulant peindre dans le grand Arnauld cette colère de lion pour la vérité qui s’unissait en son cœur avec la douceur de l’agneau, nous dit naïvement : « L’exemple seul de Moïse, que Dieu appelle le plus doux de tous les hommes, quoiqu’il eût tué un Égyptien pour défendre un de ses frères, brisé par une juste colère les Tables de la Loi, et fait passer au fil de l’épée vingt-trois mille hommes pour punir l’idolâtrie de son peuple, fait bien voir qu’on peut allier ensemble la douceur d’une charité sincère envers le prochain avec un zèle plein d’ardeur pour les intérêts de Dieu. » En ne prenant les vingt-trois mille hommes et l’Égyptien tués qu’en manière de figure, comme il convient dans ce qui est de l’ancienne Loi, et en rapportant à l’abbé de La Mennais cette phrase de Du Fossé sur le grand Arnauld, je me rappelais bien que lui-même avait condamné ce dernier, et qu’il avait écrit de lui en le comparant à Tertullien : « Et Tertullien aussi avait des vertus ; il se perdit néanmoins parce qu’il manqua de la plus nécessaire de toutes, d’humilité.

1675. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. PROSPER MÉRIMÉE (Essai sur la Guerre sociale. — Colomba.) » pp. 470-492

Mais il fallait finir ; le but était atteint, la Corse était peinte ; l’auteur n’a pas craint de se trahir dans le dernier trait et de laisser voir le jeu.

1676. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre V. De la littérature latine, pendant que la république romaine durait encore » pp. 135-163

Plutarque, qui laisse de ce qu’il peint des souvenirs si animés, raconte que Brutus, prêt à s’embarquer pour quitter l’Italie, se promenant sur le bord de la mer avec Porcie, qu’il allait quitter, entra avec elle dans un temple ; ils y adressèrent ensemble leur prière aux dieux protecteurs.

1677. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre VI. De la philosophie » pp. 513-542

Je ne concevrai jamais, je l’avoue, par quel procédé de l’esprit l’on peut arriver à donner à la moitié de ses facultés le droit de proscrire l’autre : et si l’organisation morale pouvait se peindre aux yeux par des images sensibles, je croirais devoir représenter l’homme employant toutes ses forces sous la direction de ses regards et de son jugement, plutôt que se servant d’un de ses bras pour enchaîner l’autre.

1678. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre troisième. L’esprit et la doctrine. — Chapitre I. Composition de l’esprit révolutionnaire, premier élément, l’acquis scientifique. »

Pareillement, de plusieurs idées générales du même degré, nous en extrairons une autre plus générale, et ainsi de suite, pas à pas, en cheminant toujours selon l’ordre naturel, par une analyse continue, avec des notations expressives, à l’exemple des mathématiques qui passent du calcul par les doigts au calcul par les chiffres, puis de là au calcul par les lettres, et qui, appelant les yeux au secours de la raison, peignent l’analogie intime des quantités par l’analogie extérieure des symboles.

1679. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « Stéphane Mallarmé » pp. 146-168

Le reflet rose de la lampe dormait sur la table, Derrière lui, son portrait, peint par Whistler, semblait s’effacer dans un brouillard de rêve.

1680. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Mémoires de Philippe de Commynes, nouvelle édition publiée par Mlle Dupont. (3 vol. in-8º.) » pp. 241-259

N’omettons pas un trait qui peint Commynes autant que Louis XI.

1681. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Pline le Naturaliste. Histoire naturelle, traduite par M. E. Littré. » pp. 44-62

Son neveu nous a peint son genre d’esprit et ses habitudes de travail dans une lettre intéressante.

1682. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mémoires et correspondance de Mallet du Pan, recueillis et mis en ordre par M. A. Sayous. (2 vol. in-8º, Amyot et Cherbuliez, 1851.) — II. » pp. 494-514

Il y passe une grande variété de personnages qui causent familièrement et se peignent eux-mêmes sans y songer.

1683. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Patru. Éloge d’Olivier Patru, par M. P. Péronne, avocat. (1851.) » pp. 275-293

« De l’esprit, des manières, du penchant à l’étude, pourvu néanmoins qu’on lui choisît une étude agréable » ; tel d’Olivet nous le peint dès les premières années, et tout ce début de la Notice de d’Olivet est à citer comme touchant déjà à fond le caractère : Patru fit excellemment ses humanités ; en philosophie, au contraire, la barbarie des termes le révolta.

1684. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Armand Carrel. — III. (Suite et fin.) » pp. 128-145

Il s’est peint lui-même au vrai dans une lettre familière de ce temps, et qu’il écrivait à un de ses plus anciens amis, M. 

1685. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « De la retraite de MM. Villemain et Cousin. » pp. 146-164

Quoi qu’en aient dit des gens mal informés, qui la peignent telle qu’elle a pu être aux Carmélites et à Port-Royal, elle possédait, je ne puis en douter en regardant les portraits authentiques qui sont sous mes yeux, ce genre d’attraits qu’on prisait si fort au xviie  siècle, et qui, avec de belles mains, avait fait la réputation un peu usurpée d’Anne d’Autriche.

1686. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « La reine Marguerite. Ses mémoires et ses lettres. » pp. 182-200

Voici à quelle occasion Marguerite eut l’idée d’écrire ses mémoires, où elle s’est peinte en buste d’une plume si légère.

1687. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « L’abbé Gerbet. » pp. 378-396

Un roc sert de portique à la funèbre voûte :                    Sur ce fronton, Un artiste martyr dont les Anges, sans doute,                    Savent le nom, Peignit les traits du Christ, sa chevelure blonde,                    Et ses grands yeux, D’où s’échappe un rayon d’une douceur profonde                    Comme les cieux !

1688. (1864) William Shakespeare « Deuxième partie — Livre III. Zoïle aussi éternel qu’Homère »

Ils emportaient à jamais dans leur pensée cette apparition de deux sépulcres côte à côte, l’arche surbaissée du caveau, la forme antique des deux monuments revêtus provisoirement de bois peint en marbre, ces deux noms : Rousseau, Voltaire, dans le crépuscule, et le bras portant un flambeau qui sortait du tombeau de Jean-Jacques.

1689. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre II : La littérature — Chapitre III : La littérature du xviiie et du xixe  siècle »

Je ne veux pas dire que Rousseau ait inventé l’amour de la nature, car on n’invente pas le cœur humain ; mais il a senti si vivement et peint si énergiquement cette grande passion, qu’elle lui appartient comme en propre, ainsi que l’héroïsme à Corneille.

1690. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre IX : M. Jouffroy écrivain »

Comment peindre le monde intérieur, qui est composé de faits, en évitant de marquer les faits ?

1691. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre XIV : De la méthode (Suite) »

Cela fait, il se livre à sa sensation ; il exprime comme s’il était seul ; il en jouit ; sa pensée atteint d’elle même au style le plus noble ; et, pour en peindre l’élan, l’ampleur et la magnificence, il faudrait la comparer à quelque eau impétueuse qui tout à la fois monte, bouillonne et resplendit.

1692. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Mémoires du général La Fayette (1838.) »

Je ne méritai guère d’être châtié ; mais, malgré ma tranquillité ordinaire, il eût été dangereux de le tenter, et j’aime à penser que, faisant en rhétorique le portrait du cheval parfait, je sacrifiai un succès au plaisir de peindre celui qui, en apercevant la verge, renversait son cavalier. » Ce ne sont pas seulement les écoliers de rhétorique, ce sont quelquefois les hommes qui sacrifient un succès, c’est-à-dire la chose possible, au plaisir de peindre ou de faire une action d’où résulte le plus grand honneur à leur rôle, la plus grande satisfaction à leurs sentiments. […] Je suis encore plus loin de chercher à attaquer ses moyens de justification, et je me suis contenté d’admirer les pages éloquentes où il nous peint le règne de l’anarchie et de la Terreur.

1693. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — Chapitre V. Swift. » pp. 2-82

Il s’agit de peindre l’entrée d’un capitaine dans un château, ses airs, son insolence, sa sottise, et l’admiration que lui méritent son insolence et sa sottise ! […] Quand il veut peindre l’aurore, il nous montre « les balayeurs dans les rues, les recors » et les cris de la halle. Quand il veut peindre la pluie, il décrit « toutes les couleurs et toutes les puanteurs » des ruisseaux grossis, « les chats morts, les feuilles de navets, les poissons pourris », qui roulent pêle-mêle dans la fange.

1694. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Sully, ses Économies royales ou Mémoires. — II. (Suite.) » pp. 155-174

Financier ou chevalier, l’un et l’autre appareil peignent assez l’homme.

1695. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Joinville. — I. » pp. 495-512

Mais celui qui y aborda le plus noblement fut le comte de Jaffa : Car sa galère, dit Joinville, arriva toute peinte en dedans et en dehors aux écussons de ses armes, lesquelles sont d’or à une croix de gueules pâtée.

1696. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Le marquis de la Fare, ou un paresseux. » pp. 389-408

La Fare n’a point cette passion, il n’a pas cette rage de peindre.

1697. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Instruction générale sur l’exécution du plan d’études des lycées, adressée à MM. les recteurs, par M. Fortoul, ministre de l’Instruction publique » pp. 271-288

— Mais ceci est de tous les temps : ce qui est plus particulièrement du nôtre, c’est l’application perpétuelle de la science à tout ce qui améliore et perfectionne la vie : l’éclairage, le chauffage de nos maisons, cette eau qui d’elle-même monte à tous les étages, ces jeux de lumière et de soleil où se peignent comme magiquement nos portraits, ces nouvelles rapides que nous recevons d’une santé chérie avec la vitesse de la foudre, cette vapeur furieuse et soumise qui nous emporte presque au gré de la pensée, tout cela nous pose à chaque instant des problèmes que la paresse seule de l’esprit pourrait ne pas agiter et ne pas s’inquiéter de résoudre.

1698. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « [Chapitre 5] — I » pp. 93-111

Voici maintenant en quels termes vrais et non mitigés le fils nous peint la jeunesse de son père ainsi confiné en province, avant de voir jour à en sortir, mais ne s’y laissant point engourdir ni étouffer : M. 

1699. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Le baron de Besenval » pp. 492-510

Besenval, qui n’était pas des mieux avec lui, nous l’a montré au naturel dans deux ou trois circonstances. « Extrêmement gai, d’une imagination où tout se peignait du côté plaisant, insouciant sur tout, hors sur son crédit et sur l’espèce de gens à mettre en place, qu’il n’aurait voulu que de sa façon et dans sa dépendance ; toute affaire lui offrait matière à plaisanterie, et tout individu à sarcasme. » Il se moquait de ceux qui travaillaient pour lui et avec qui il traitait, et ne cessait de leur chercher des ridicules.

1700. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « II » pp. 21-38

… je lui donnerai à souper, je le mettrai dans mon lit, je lui dirai : Voilà un bon souper ; ce lit est le meilleur de la maison ; faites-moi le plaisir d’accepter l’un et l’autre, et d’être heureux chez moi. » Ce trait, ajoute Grimm, m’a fait un sensible plaisir : il peint M. de Voltaire mieux qu’il ne l’a jamais été ; il fait en deux lignes l’histoire de toute sa vie.

1701. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Divers écrits de M. H. Taine — I » pp. 249-267

Ce qu’on peut faire de plus sage, c’est de bien voir et d’observer, et ce qu’il y a de plus beau quand on le peut, c’est de peindre.

1702. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Correspondance de Béranger, recueillie par M. Paul Boiteau. »

Elle me peint l’avenir de la France et de l’humanité en beau.

1703. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Montaigne en voyage »

Il est un petit nombre d’écrivains qui ont un privilège : ils ont peint l’homme dans leurs œuvres, ou plutôt ils sont l’homme, l’humanité même, et comme elle ils deviennent un sujet inépuisable, éternel, d’observations et d’études.

1704. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Histoire du roman dans l’Antiquité »

Il ne tarde pas à engager l’affaire qui marche vivement ; et ici se trouvent des scènes d’amour telles que les Anciens osaient les peindre ; les savants et les critiques érudits modernes qui ont à en parler font d’ordinaire les dégoûtés en public, et ils s’en donnent à lèche-doigt dans le cabinet.

1705. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Souvenirs de soixante années, par M. Étienne-Jean Delécluze, (suite et fin) »

Delécluze ait eu peu d’illusions en aucun temps, nous assure-t-il, et qu’il soit à peu près uniformément satisfait de tous les pas de sa carrière, il est pourtant un moment qui, a ses yeux, eut une importance décisive et qui se peint en beau dans son imagination : c’est l’heure de son entrée dans la carrière littéraire, lorsque ayant renoncé décidément au crayon pour la plume, il fit ses premières armes au Lycée, petite revue distinguée qui parut vers 1819, et lorsque ensuite, après deux ou trois années de prélude, il fut admis parmi les rédacteurs des Débats.

1706. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Charles-Quint après son abdication, au monastère de Saint-Just »

L’ambassadeur vénitien dont nous avons déjà donné un jugement le peignait de la sorte à cette date : « Sa Majesté césaréenne est de taille moyenne, d’aspect grave.

1707. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Ducis épistolaire. »

J’ai tâché seulement de faire un rôle intéressant d’une reine parricide et de peindre surtout, dans l’âme pure et mélancolique d’Hamlet, un modèle de tendresse filiale.

1708. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Histoire de Louvois par M. Camille Rousset. Victor-Amédée, duc de Savoie. (suite et fin.) »

Cet écran est d’une grandeur médiocre : du côté du tableau, c’est Madame Royale peinte en miniature, très ressemblante, environ grande comme la main, accompagnée des Vertus, avec ce qui la fait reconnaître : cela fait un groupe fort beau et fort charmant.

1709. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Don Quichotte (suite et fin.) »

Quand Natoire et Coypel peignaient pour le château de Compiègne une suite de scènes de Don Quichotte, c’était dans le ton simplement riant, et leur pinceau spirituel ne pensait qu’au plaisir des yeux et à la grâce.

1710. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Histoire de la littérature anglaise, par M. Taine, (suite) »

Sa complexité morale, son unité, les contradictions qu’il assemble et qu’il coordonne en lui, sa stabilité d’âme et de génie, tout cela est peint, analysé, reproduit en plus de cent pages qui sont des plus belles par la pensée comme par le ton, et tout à fait à la hauteur de leur objet ; j’en détache quelques traits décisifs : « La science immense, la logique serrée et la passion grandiose, voilà son fond.

1711. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « La reine Marie Leckzinska (suite et fin.) »

Nattier avait reçu l’ordre exprès de la reine de ne la peindre qu’en habit de ville.

1712. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Marie-Antoinette (suite.) »

La bibliothèque d’une princesse si peu liseuse me peint bien plus le bibliothécaire que la princesse même.

1713. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Catinat. »

laissons Saint Simon parler et peindre : « De l’esprit, dit-il, dans son admirable et brûlant croquis de La Feuillade, une grande valeur, une plus grande audace, une pointe de folie gouvernée toutefois par l’ambition, et la probité et son contraire fort à la main, avec une flatterie et une bassesse insignes pour le roi, firent sa fortune et le rendirent un personnage à la Cour, craint des ministres et surtout aux couteaux continuels avec M. de Louvois. ».

1714. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Exploration du Sahara. Les Touareg du Nord, par M. Henri Duveyrier. »

C’est elle qu’Abd-el-Kader est allé froisser et offenser sans raison dans la personne d’un de ses représentants les plus vénérés, en faisant le siège d’Aïn-Madhi, cette ville sainte à l’ouest, de Laghouat, et que Fromentin nous a peinte.

1715. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Marie-Thérèse et Marie-Antoinette. Leur correspondance publiée par le chevalier d’Arneth »

Quelque idée qu’en aient pu donner en France ceux qui l’ont vue ici, on sera surpris du ton de bonté, d’affabilité, de gaîté qui est peint sur cette charmante figure.

1716. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Idées et sensations : par MM. Edmond et Jules de Goncourt. »

Il ne saurait y avoir rien d’exclusif chez ceux qui n’ont pour peindre que des mots et des syllabes.

1717. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Le comte de Clermont et sa cour, par M. Jules Cousin. »

Les satires du temps ont conservé mémoire d’une journée qui fit éclat au début de cette liaison, — d’un certain jeudi de Semaine sainte : « Le jeudi 22 mars 1742, la demoiselle Leduc, ci-devant maîtresse du président de Rieux, alla se promener aux ténèbres de Longchamps dans une calèche de canne peinte en bleu, et tous les fers en argent, attelée de six chevaux nains, pas plus gros que des dogues.

1718. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « HISTOIRE de SAINTE ÉLISABETH DE HONGRIE par m. de montalembert  » pp. 423-443

Je vous avais supplié de ne pas me peindre uniquement d’après nature : mais voici un portrait où Je puis à peine me reconnaître, tant il est flatté !

1719. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « CHRISTEL » pp. 515-533

Pourtant les frais souvenirs d’enfance qu’elle évoquait à cette heure, les beaux lieux qu’elle avait traversés et qui s’étaient peints si brillants en elle, tel bosquet d’Alsace, tel balcon de Burgos, les mille échos d’une militaire fanfare dans le labyrinthe gazonné d’un jardin des camps, n’étaient là, sans qu’elle le sût, que comme un prélude sans cesse recommençant, comme un cadre en tous sens remué pour celui qu’elle ignorait et qui ne venait pas.

1720. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre premier. La structure de la société. — Chapitre II. Les privilèges. »

Encore un trait pour achever de le peindre.

1721. (1866) Cours familier de littérature. XXII « CXXXe entretien. Fior d’Aliza (suite) » pp. 193-236

CCLIV Je descendis et je remontai trois ou quatre fois l’escalier de la tour, croyant que mes mouvements hâteraient le jour, et m’avançant jusqu’à la porte de la rue pour écouter si je n’entendais pas les pas lourds du père Hilario, et les pas légers de l’enfant de chœur faisant tinter sa sonnette dans l’ombre devant lui ; mais rien, toujours rien, et je remontai pour redescendre encore ; la dernière fois, le père Hilario allait sonner, quand je prévins le bruit en ouvrant la porte du guichet devant lui, comme si j’avais été l’ange qu’on voit peint sur la muraille de la cathédrale de Pise et qui ouvre la porte du cachot à Pierre, en tenant un flambeau en avant, pendant que les deux gendarmes dormaient, la tête sur leur bras, sans voir et sans entendre.

1722. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Quatrième partie. Élocution — Chapitre IV. Des figures : métaphores, métonymies, périphrases »

Hugo où, faisant succéder les images et les groupes d’images sans les préparer, il nous ménage pour finir une surprise saisissante : il peint l’enfance du roi de Rome, fils de Napoléon : Ô revers, ô leçon !

1723. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre X. Les sociales »

Les lumières de l’Orient sont naïves et ne soupçonnent jamais que les poids soulevés par un hercule de loge puissent être du carton peint en fer.

1724. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — Chapitre V »

La Bruyère l’a peint d’avance, en traçant le portrait de Giton le riche.

1725. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Lettres de la marquise Du Deffand. » pp. 412-431

D’après ce premier portrait auquel Walpole ajoutera encore plus d’un coup de pinceau, on peut déjà voir une Mme Du Deffand bien autrement vive et animée qu’on ne s’est plu à nous la peindre d’ordinaire.

1726. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Mémoires d’outre-tombe, par M. de Chateaubriand. » pp. 432-452

L’auteur du Génie du christianisme, obligé de faire entrer dans le cadre de son apologie quelques tableaux pour l’imagination, a voulu dénoncer cette espèce de vice nouveau, et peindre les funestes conséquences de l’amour outré de la solitude.

1727. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Lettres et opuscules inédits de Fénelon. (1850.) » pp. 1-21

Il fallait effort pour cesser de le regarder… Quand on a une fois peint un homme de cette sorte et qu’on l’a montré doué de cette puissance d’attrait, on ne saurait jamais être accusé ensuite de l’avoir calomnié, même lorsqu’on l’aurait méconnu par quelques endroits.

1728. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Œuvres de Frédéric le Grand. (Berlin, 1846-1850.) » pp. 144-164

De ce même Pierre le Grand il dira ailleurs énergiquement : « Pierre Ier, pour policer sa nation, travailla sur elle comme l’eau-forte sur le fer. » Pour peindre les hommes d’État, les ministres, il a de ces mots de haute pratique et d’autorité, de ces mots qui sont d’avance historiques et qui se gravent.

1729. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Histoire du chancelier d’Aguesseau, par M. Boullée. (1848.) » pp. 407-427

La correspondance qu’il entretint durant ces années, et les ouvrages qu’il composa, nous le peignent bien dans toute la vérité de sa nature morale et littéraire.

1730. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Nouveaux documents sur Montaigne, recueillis et publiés par M. le docteur Payen. (1850.) » pp. 76-96

« Qui ne me voudra savoir gré, dit-il, de l’ordre, de la douce et muette tranquillité qui a accompagné ma conduite, au moins ne peut-il me priver de la part qui m’en appartient par le titre de ma bonne fortune. » Et il est inépuisable à peindre en expressions vives et légères ce genre de services effectifs et insensibles qu’il croit avoir rendus, bien supérieurs à des actes plus bruyants et plus glorieux : « Ces actions-là ont bien plus de grâce qui échappent de la main de l’ouvrier nonchalamment et sans bruit, et que quelque honnête homme choisit après, et relève de l’ombre pour les pousser en lumière à cause d’elles-mêmes. » Ainsi la fortune servit à souhait Montaigne, et, même dans sa gestion publique, en des conjonctures si difficiles, il n’eut point à démentir sa maxime et sa devise, ni à trop sortir du train de vie qu’il s’était tracé : « Pour moi, je loue une vie glissante, sombre et muette. » Il arriva au terme de sa magistrature, à peu près satisfait de lui-même, ayant fait ce qu’il s’était promis, et en ayant beaucoup plus fait qu’il n’en avait promis aux autres.

1731. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « La Harpe. » pp. 103-122

Il justifiait ce joli mot de l’abbé de Boismont, son confrère à l’Académie : « Nous aimons tous infiniment M. de La Harpe notre confrère, mais on souffre en vérité de le voir arriver toujours l’oreille déchirée. » L’abbé Maury écrirait cette année même (9 décembre 1778), dans une lettre à Dureau de La Malle, la page suivante sur La Harpe ; elle en dit plus que toutes nos réflexions ; il est impossible de peindre d’une manière plus expressive le décri qui le poursuivait en ce moment, et l’injustice publique soulevée par de pures imprudences, mais dont il faillit demeurer victime : Il n’est pas vrai, écrit l’abbé Maury, qu’on ait ôté à La Harpe le Mercure ; il n’est plus chargé de la rédaction de ce journal, et on a réduit ses honoraires à mille écus, en bornant son travail à un article de littérature et à la partie des spectacles.

1732. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Charles Perrault. (Les Contes des fées, édition illustrée.) » pp. 255-274

Perrault, excité par son camarade Beaurain, se met à traduire en vers burlesques le sixième livre de l’Énéide (le plus admiré de tous, celui qui nous peint la descente d’Énée aux enfers).

1733. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « La princesse des Ursins. Lettres de Mme de Maintenon et de la princesse des Ursins — I. » pp. 401-420

Saint-Simon, qui nous l’a peinte à ravir dans sa première forme, nous la montre encore dans le plein de sa beauté et dans la grandeur de sa représentation, qu’elle sut soutenir à travers toutes les fortunes : C’était une femme plutôt grande que petite, brune avec des yeux bleus qui disaient sans cesse tout ce qui lui plaisait, avec une taille parfaite, une belle gorge, et un visage qui, sans beauté, était charmant ; l’air extrêmement noble, quelque chose de majestueux en tout son maintien, et des grâces si naturelles et si continuelles en tout, jusque dans les choses les plus petites et les plus indifférentes, que je n’ai jamais vu personne en approcher, soit dans le corps, soit dans l’esprit, dont elle avait infiniment et de toutes les sortes ; flatteuse, caressante, insinuante, mesurée, voulant plaire pour plaire, et avec des charmes dont il n’était pas possible de se défendre quand elle voulait gagner et séduire ; avec cela un air qui, avec de la grandeur, attirait au lieu d’effaroucher ; une conversation délicieuse, intarissable, et d’ailleurs fort amusante par tout ce qu’elle avait vu et connu de pays et de personnes ; une voix et un parler extrêmement agréables, avec un air de douceur ; elle avait aussi beaucoup lu, et elle était personne à beaucoup de réflexion.

1734. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « La princesse des Ursins. Lettres de Mme de Maintenon et de la princesse des Ursins — II. (Suite et fin.) » pp. 421-440

Ce sont de ces mots qui peignent, qui sont pris à la source même, et qui sont agréables par un certain faux air de double sens, mais qui ne nuit pas à la clarté.

1735. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Le duc d’Antin ou le parfait courtisan. » pp. 479-498

Les étés, les hivers étaient ainsi employés par d’Antin à la poursuite laborieuse de sa fortune : dans le parfait idéal où il se la peignait toujours, il ne croyait pas encore l’avoir atteinte.

1736. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Madame Sophie Gay. » pp. 64-83

Elle y peint avec assez de naïveté et avec beaucoup d’entrain les mœurs de la société dans sa jeunesse, ce pêle-mêle de grandes dames déchues, de veuves d’émigrés vivants, de fournisseurs enrichis, de jacobins à demi convertis, dont quelques-uns avaient du bon, et à qui l’on se voyait obligé d’avoir de la reconnaissance : En vérité, il y a de quoi dégoûter d’une vertu qui peut se trouver au milieu de tant de vices, et il me semble qu’on ne lui doit pas plus de respect qu’à une honnête femme qu’on rencontrerait dans un mauvais lieu. — Soit ; mais c’est encore une bonne fortune assez rare pour qu’on en profile sans ingratitude.

1737. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Bernardin de Saint-Pierre. — II. (Suite et fin.) » pp. 436-455

Vers la fin et dans la scène déchirante de la tempête, Bernardin de Saint-Pierre a montré que son pinceau avait, quand il le voulait, les teintes fortes et sobres, et qu’il savait peindre la nature dans la sublimité de ses horreurs comme dans ses beautés.

1738. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Le cardinal de Richelieu. Ses Lettres, instructions et papiers d’État. Publiés dans la Collection des documents historiques, par M. Avenel. — Premier volume, 1853. — II. (Fin.) » pp. 246-265

Si Luynes avait vécu, la fortune de Richelieu s’ajournait pourtant et pouvait manquer : aussi, quand Luynes disparaît, quand il est emporté d’une maladie soudaine (14 décembre 1621) au milieu de cette campagne qu’il avait entreprise sans pouvoir la mener à fin, Richelieu a pour peindre sa mort, son caractère et sa personne, des traits de couleur et de passion que Saint-Simon, un siècle après, aurait trouvés.

1739. (1889) Émile Augier (dossier nécrologique du Gaulois) pp. 1-2

Son esprit, éminemment français, qui n’empruntait rien ni à Lope de Vega, ni à Goethe, ni à Shakespeare, qui prenait sa langue dans Rabelais, dans Montaigne, dans Beaumarchais, et peignait ses contemporains sur le vif, tels qu’il les voyait, bourgeois, financiers, aventuriers et aventurières, honnêtes gens, femmes vertueuses et coquines, de son temps, s’était obstinément refusé à s’enrôler sous la bannière du grand maître.

1740. (1911) Jugements de valeur et jugements de réalité

Ces idéaux, ce sont tout simplement les idées dans lesquelles vient se peindre et se résumer la vie sociale, telle qu’elle est aux points culminants de son développement.

1741. (1860) Ceci n’est pas un livre « Une préface abandonnée » pp. 31-76

Au-delà du vestibule, rien : des murs tristes et nus, condamnés à espérer éternellement les rouleaux de papier peint qui gisent à terre, dans l’embrasure d’une fenêtre, — d’une fenêtre sans carreaux !

1742. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre VI. Daniel Stern »

«  Le lecteur ne trouvera ici, dit-elle, ni le parti pris chagrin de La Rochefoucauld, et moins encore la verve caustique de La Bruyère. » Est-ce bien sûr que la misanthropie de La Rochefoucauld fût un parti pris ; et l’optimisme des Jocrisses de la philanthropie moderne n’en serait-il pas beaucoup plus un chez Mme Stern, qui ne paraît pas avoir d’entrailles si aisément émues, qui n’a ni charité ni véhémence, mais qui fait l’effet de la poupée de l’abstraction montée sur un ressort d’acier, remplie du son du panthéisme allemand et pour la sévérité, peinte en Gœthe ?

1743. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre XV. »

Il sera subtil, éloquent, pathétique même ; il trouvera, pour peindre quelques phénomènes du monde physique, avec de fausses applications, d’admirables couleurs ; il épuisera tour à tour l’énergie et la grâce.

1744. (1836) Portraits littéraires. Tome II pp. 1-523

Vienne l’heure si impatiemment attendue ; qu’il puisse librement se jeter aux genoux d’Agnès et lui peindre son amour, la regarder avec des yeux humides et lui parler selon sa pensée, le succès ne lui échappera pas. […] Villemain n’a pas parlé, dans son Théâtre de Société, s’est chargé de peindre le dix-huitième siècle en déshabillé. […] Paul Delaroche avait peint sur une toile de dix pieds un sujet dont la composition et les lignes convenaient tout au plus aux dimensions d’une aquarelle. […] Il se sert de la parole comme d’une palette ; il s’emploie et s’épuise à décrire ou plutôt à peindre les cheveux blonds de l’enfant ; il nous montre la brise qui se joue dans les boucles dorées, et semble prendre plaisir à lutter de richesse et de profusion avec le pinceau de Rubens. […] Entre les portes innombrables de ses planches peintes, les acteurs jouent le même rôle que les muscades sous les gobelets.

1745. (1859) Critique. Portraits et caractères contemporains

Saint-Marc Girardin), comme un jour ses disciples voulaient le faire peindre, s’y refusa formellement : « N’est-ce donc pas assez, disait-il, de traîner partout avec nous cette triste image dans laquelle la nature nous a enfermés, et croyez-vous qu’il faille encore transmettre aux siècles futurs une image de cette image, comme un spectacle digne de leur attention ?  […] En retrouvant un peu de liberté, il retrouva le courage ; il vendit sa maison, il prit congé de la ville, il se retira dans les champs, emportant ses enfants, ses livres, son christ d’ivoire, sa tapisserie en toile, peinte, au prix de trois francs l’aune, par quelque Terburg vagabond qui avait jeté sur ces tentures rustiques, dans un pêle-mêle harmonieux, les fruits et les fleurs de son caprice au milieu des neiges et du soleil de sa création. […] À peine étiez-vous assise, elle déroulait ses cartes, et, d’un doigt mal lavé, sur la crasse de ces hiéroglyphes mal peints, elle lisait couramment la destinée de la malheureuse qui l’interrogeait. […] Dédaignant des cités les jardins fastueux, Tu te plais dans les champs ; ami des malheureux, Tu portes dans les cœurs la douce rêverie ; Ton éclat plaît toujours à la mélancolie, Et le sage Indien, pleurant sur un cercueil, De tes fraîches couleurs peint ses habits de deuil.

1746. (1890) Impressions de théâtre. Quatrième série

Imaginez quelque chose d’absurde et charmant, un paradis terrestre comme on en peint sur les éventails, et où gazouillent des Èves-marquises courtisées par des Adams jolis comme des porcelaines de Sèvres ; Daphnis et Chloé se disant : « Surtout, soyons naïfs : on nous regarde ! […] » Je ne serais pas étonné après tout (et c’est pourquoi je me suis arrêté à ces deux bluettes) que Marivaux eût cru peindre réellement des êtres primitifs. […] Il se fait peindre en capitaine de la garde nationale ; il voudrait que l’artiste le représentât dans une attitude héroïque, bien qu’il ne soit pas un héros : c’est donc qu’il a l’estime et l’admiration des vertus qu’il n’a pas. […] Mais par malheur son échauffement de satiriste ennemi des Philistins a fait croire à Barrière qu’il peignait des monstres, alors qu’il peignait des bourgeois d’immoralité moyenne. […] ) Dans le Tableau d’église d’Alfred de Musset, un « enfant du siècle » interroge l’image peinte du Christ : « Oh !

1747. (1890) Journal des Goncourt. Tome IV (1870-1871) « Année 1871 » pp. 180-366

Et l’on ne peut dire le pittoresque que prenait la guerre, de cette multitude citoyenne, convoyée de fiacres, d’omnibus non encore peints, de fourgons à transporter les pianos d’Erard, transformés en voitures d’intendance militaire. […] En descendant de chez Charles Edmond, j’entends dans un trou, comme une voix de prédicateur, j’entrevois un bout de mur peint, je descends un petit escalier, je me trouve dans la chapelle du palais du Luxembourg, où à l’orgue se mêlent les voix des petites filles des employés, confondues avec les voix d’une centaine de blessés, dans leurs capotes grises, et dont le languissant défilé serre le cœur. […] Lundi 26 juin … Au château de Sancy, la première chose qui me saute aux yeux, est le cadre vide de la Parabère, du beau portrait de la célèbre maîtresse du Régent, peinte par Rigaud. […] Elle nous peint le flot des visiteurs, trompant les exilés avec des promesses fallacieuses, avec des assurances de retour dans la quinzaine. […] Il peint, avec cette charge comique qui est à lui, ce local qui se trouve être l’ancienne cuisine de Louis-Philippe.

1748. (1866) Cours familier de littérature. XXII « CXXXIIe entretien. Littérature russe. Ivan Tourgueneff (suite) » pp. 317-378

Sur le couvercle est peint un hussard à cheval. […] Antoine alla avec le laquais de Lavretzky ouvrir l’écurie et la remise ; à sa place parut une vieille femme presque aussi âgée que lui ; sa tête branlante était couverte d’un mouchoir qui descendait jusqu’aux sourcils ; l’habitude de l’obéissance passive se peignait dans ses yeux, et il s’y joignait une sorte de compassion respectueuse. […] Lavretzky prit son thé dans une grande tasse qui lui rappelait un souvenir d’enfance et sur laquelle étaient peintes des cartes à jouer ; on ne la servait qu’aux étrangers, et maintenant c’était lui, étranger à son tour, qui buvait dans cette tasse.

1749. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome IV pp. -328

Ce n’est pas rendre justice à cet émule des Xavier, des Spinola & de tant d’autres apôtres sublimes de tous les pays & de tous les ordres que de le déchirer & de le peindre de ces couleurs(*) : « Les rois trouvoient en lui un homme complaisant ; les payens, un ministre qui s’accommodoit de leurs superstitions ; les mandarins, un fin politique, instruit de tout le manège de la cour ; & le démon, un ministre affidé qui affermissoit son règne parmi les infidèles, loin de le détruire, & qui même l’étendoit parmi les chrétiens ». […] Donnez-moi, dit le prince à Maigrot admis à son audience, l’explication de quatre caractères Chinois peints au-dessus de mon trône. […] Pour donner une idée juste de la poësie de Buchanan, il suffiroit de rapporter cette description où il peint la manière dont saint François éteignit les feux de l’amour, & l’histoire de cette fille qui, déguisée en cordelier, allant de Toulouse à Bordeaux, sur la Garonne, accoucha dans le bateau, & fut trahie par les cris de l’enfant. […] Il peignit le capucin d’après le portrait qu’en avoient crayonné les supérieurs de son ordre, d’après un d’eux qui, depuis trente ans, étoit sur les lieux ; le révérend père Thomas de Poitiers, Custode, ou supérieur général des missionnaires capucins à Madras. […] Il fut peint dans un écran, du temps de la constitution, menant une voiture.

1750. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre deuxième. Les mœurs et les caractères. — Chapitre I. Principe des mœurs sous l’Ancien Régime. »

Ceci n’est que le cadre ; avant 1789, il était rempli. « On n’a rien vu, dit Chateaubriand, quand on n’a pas vu la pompe de Versailles, même après le licenciement de l’ancienne maison du roi ; Louis XIV était toujours là147. » C’est un fourmillement de livrées, d’uniformes, de costumes et d’équipages, aussi brillant et aussi varié que dans un tableau ; j’aurais voulu vivre huit jours dans ce monde ; il est fait à peindre, arrangé exprès pour le plaisir des yeux, comme une scène d’opéra. […] Dans tous les corps, les officiers, les trompettes, les musiciens, chamarrés de passementeries d’or et d’argent, sont éblouissants à voir ; la timbale pendue à l’arçon de la selle, toute brodée et surchargée d’ornements peints et dorés, est une pièce à mettre dans un garde-meuble ; le cymbalier nègre des gardes françaises ressemble à un soudan de féerie. — Derrière le carrosse et sur les flancs courent les gardes du corps, avec l’épée et la carabine, en culottes rouges, grandes bottes noires, habit bleu couturé de broderies blanches, tous gentilshommes vérifiés ; il y en a 1 200, choisis à la noblesse et à la taille ; parmi eux sont les gardes de la manche, plus intimes encore, qui, à l’église, aux cérémonies, en hoqueton blanc étoilé de papillotes d’argent et d’or, ayant en main leur pertuisane damasquinée, sont toujours debout et tournés vers le roi « pour avoir de toutes parts l’œil sur sa personne ».

1751. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXIe entretien. Conversations de Goethe, par Eckermann (3e partie) » pp. 5-96

. — Je donne tous ces détails parce qu’ils se rattachent à une parole de Goethe qui me parut très curieuse, et qui peint sa situation et sa nature dans son originalité caractéristique. […] Être né héritier d’un duché, cela lui était fort égal, mais avoir à le gagner, à le conquérir, à l’emporter d’assaut, cela lui aurait plu. — La poésie d’Ilmenau peint une époque qui, en 1783, lorsque j’écrivis la poésie, était déjà depuis plusieurs années derrière nous, de sorte que je pus me dessiner moi-même comme une figure historique et causer avec moi des années passées.

1752. (1893) Du sens religieux de la poésie pp. -104

Voilà pourquoi Corot et Courbet peuvent peindre le même paysage à la même heure sans que leurs œuvres aient entre elles rien de commun que le thème divin fourni par la nature. […] et l’art écrit, peint ou noté, n’a qu’un devoir, qui est aussi un droit, c’est d’être beau.

1753. (1856) Jonathan Swift, sa vie et ses œuvres pp. 5-62

Je ne puis peindre, quoique je les sente encore, les ravissements que me fit éprouver ce simple et grand conteur d’aventures extraordinaires. […]   Des commencements difficiles, une fin cruelle, des espérances renaissantes et toujours trompées, une ambition sans scrupule et en même temps sans prudence, le funeste privilège d’inspirer des passions profondes et de ne les point ressentir, de connaître et de peindre, avec une force incomparable, les misères de la nature humaine, et de pouvoir être cité soi-même comme un vivant exemple de la vérité de ces peintures, telle fut en ce monde la destinée de Swift qui s’y résigna d’autant moins qu’il la comprit davantage, et qui prit l’amère habitude de relire, chaque fois que l’année ramenait le jour de sa naissance, le chapitre de l’écriture où Job déplore la sienne et maudit cette nuit fatale où l’on annonça dans la maison de son père qu’un enfant mâle était né.

1754. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre X, Prométhée enchaîné »

Les laines vertes ou purpurines qu’elles filent entre les rochers, peignent jusqu’aux nuances de lumière et d’ombre qui colorent la surface des ondes. […] Lucrèce, trois siècles après, ne peindra pas sous des couleurs plus lugubres, l’enfance infirme du genre humain.

1755. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre VI » pp. 394-434

Autrefois était riche celui qui mangeait des entremets, qui faisait peindre alcôves et lambris, qui jouissait d’un palais à la ville et d’un palais à la campagne, et qui finissait par mettre un duc dans sa famille. […] C’en est fait, pour longtemps du moins, de la gloire des chefs-d’œuvre de ce beau siècle dont mademoiselle Mars était l’interprète ; c’en est fait de cette représentation fidèle des mœurs, des passions et des élégances d’autrefois ; nous retombons, en plein vaudeville, de toutes les hauteurs de la comédie ; de l’Œil-de-Bœuf nous revenons à la Chaussée-d’Antin ; du Versailles de Louis XV nous redescendons dans le faubourg Saint-Honoré ; trop heureux si nous ne sommes pas obligés de rétrograder jusqu’aux duchesses fraîchement peintes de la rue Notre-Dame-de-Lorette, jusqu’aux marquises de la rue du Helder !

1756. (1922) Durée et simultanéité : à propos de la théorie d’Einstein « Chapitre IV. De la pluralité des temps »

Tel de mes confrères, qui sera près de Jacques et qui voudra également peindre les deux, fera l’inverse de ce que je fais ; il montrera Jean très petit et Jacques en grandeur naturelle. […] Étant près de Jean, le mesurant si je veux et me proposant de le peindre en grandeur naturelle, je lui donne sa dimension réelle ; et, en représentant Jacques comme un nain, j’exprime simplement l’impossibilité où je suis de le toucher, — même, s’il est permis de parler ainsi, le degré de cette impossibilité : le degré d’impossibilité est justement ce qu’on appelle distance, et c’est de la distance que tient compte la perspective.

1757. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Roederer. — I. » pp. 325-345

[NdA] C’est la même idée qu’a rendue admirablement Virgile au livre second des Géorgiques, vers 65, quand il peint les rejetons de l’arbre qui restent stériles tant qu’ils sont trop près, étouffés et comme brûlés sous l’ombre maternelle : Nunc altae frondes et rami matris opacant, Crescentique adimunt foetus uruntque ferentem 50.

1758. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Histoire de la maison royale de Saint-Cyr, par M. Théophile Lavallée. » pp. 473-494

Plusieurs des Dames de Saint-Cyr étant mortes en ces années, il est dit de l’une d’elles (Mme d’Assy) dans les Mémoires de Saint-Cyr, en des termes légers et charmants : C’était un esprit doux et bien fait, un bon naturel qui n’avait que de bonnes inclinations ; l’innocence et la candeur étaient peintes sur son visage, qui, jointes à sa beauté naturelle, la rendaient tout aimable.

1759. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « M. Daru. Histoire de la république de Venise. — I. » pp. 413-433

Pendant qu’il était encore en Italie comme inspecteur en chef aux revues, dans l’hiver de 1800, une femme, auteur de petits vers et d’un Éloge plus sérieux de Montaigne, Mme de Bourdic-Viot, qui s’appelait sa compatriote, lui écrivait ces mots affectueux et tout littéraires, qui, après les titres officiels et sévères que nous venons d’énumérer, peignent bien la double existence de Daru à cette époque : Quand nous serez-vous rendu ?

1760. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « William Cowper, ou de la poésie domestique (I, II et III) — III » pp. 178-197

Ainsi béni du ciel, je fais le tableau de mon bonheur. » Mais c’est dans le chant du Soir d’hiver qu’il achève de se peindre à nous en son cadre favori, aux moments les plus heureux, et dans tout le charme d’un raffinement social innocent et accompli.

1761. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Le duc de Rohan — II » pp. 316-336

Ce double sentiment contraire qui animait l’assiégeant et l’assiégé se peint avec fidélité dans les pages tant de Richelieu que de Rohan ; ce dernier, qui, pendant ce temps-là, tenait la campagne dans le Midi et se bornait à occuper les troupes du roi par une suite d’escarmouches et de petites affaires, sentait bien que le fort de l’action se passait là où il n’était pas, et que le sort de la cause se décidait ailleurs.

1762. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Œuvres de Frédéric-le-Grand Correspondance avec le prince Henri — II » pp. 375-394

Le prince embellissait ses jardins, y créait des accidents heureux, y fondait des monuments commémoratifs avec des inscriptions longuement méditées pour les guerriers qui lui étaient chers ; il dessinait, peignait quelquefois, s’amusait à faire des vers, à écrire des pièces de théâtre qu’on jouait devant lui, ou inspirait les motifs de leurs opéras les plus applaudis aux compositeurs de sa petite cour.

1763. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « I » pp. 1-20

Chacun de ses rayons dans sa substance pure Porte en soi les couleurs dont se peint la nature ; Et, confondus ensemble, ils éclairent nos yeux, Ils animent le monde, ils emplissent les cieux… Ainsi cette excursion fort inutile de Voltaire dans les mathématiques, et qui allait devenir une fausse route, ne fut pas tout à fait perdue : elle lui servit du moins à composer cette belle épître2. — « Je suis bien malade, écrivait-il à Thieriot en août 1738, Newton et Mérope m’ont tué. » Ni l’un ni l’autre ne le tuèrent.

1764. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Maine de Biran. Sa vie et ses pensées, publiées par M. Ernest Naville. » pp. 304-323

Il se peint à nous comme une intelligence non pas servie (selon le mot de M. de Bonald), mais trahie et dé-servie par des organes.

1765. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Journal et mémoires du marquis d’Argenson, publiés d’après les manuscrits de la Bibliothèque du Louvre pour la Société de l’histoire de France, par M. Rathery » pp. 238-259

Il a des barbarismes tout gratuits ; parlant d’une femme (la duchesse de Gontaut) : « Elle intrigue, elle prétend déplacer les ministres, et avec cela elle s’est hypocrisée en quittant le rouge… » Mais ce même homme, au style hérissé et sauvage, a de soudaines expressions qui lui sortent du cœur, et qui d’un trait peignent un homme ou expriment des vérités politiques profondes.

1766. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Merlin de Thionville et la Chartreuse du Val-Saint-Pierre. »

Les pièces publiées dans le volume, et qui en composent la majeure partie, achèvent de peindre l’homme.

1767. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « M. De Pontmartin. Causeries littéraires, causeries du samedi, les semaines littéraires, etc. »

Avant de permettre à Jules de choisir pour compagne de sa vie Aurélie, que doit faire un homme sage, prudent, éclairé, comme on nous peint M. 

1768. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « La comtesse de Boufflers (suite et fin.) »

« Mépriser le crédit, s’en servir noblement et mériter la considération. » Le caractère et l’âme de Mme de Boufflers se peignent dans ce tableau.

1769. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Mémoires de l’abbé Legendre, chanoine de Notre-Dame secrétaire de M. de Harlay, archevêque de Paris. (suite et fin). »

Il rassemblait non seulement tout ce qui peut contribuer au charme des oreilles, une élocution noble et coulante, une prononciation animée, je ne sais quoi d’insinuant et d’aimable dans la voix, mais encore tout ce qui peut fixer agréablement les yeux, une physionomie solaire, un grand air de majesté, un geste libre et régulier. » Cette physionomie solaire, qui était à l’ordre du jour sous Louis XIV et à l’instar du maître, répond bien aux beaux portraits peints ou gravés qu’on a de M. de Harlay : je veux parler surtout de ceux de Nanteuil, de Van Schuppen et de Champagne.

1770. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « La comtesse d’Albany par M. Saint-René Taillandier (suite et fin.) »

Je ne suis pas de ceux qui veulent à tout prix des mensonges, ni qu’on leur crée des existences fabuleuses et plus belles qu’elles ne l’ont été de leur temps ; mais quand je rencontre quelque part, dans un passé encore voisin de nous et si aisé à vérifier, de ces vies paisibles, ornées, décorées de grâce et de courtoisie, et jalouses d’en répandre le reflet autour d’elles ; quand, au milieu de cet envahissement comme forcené d’ambition, d’activité et d’industrie qui nous pousse et nous déborde en tout genre, je découvre, en me retournant, une île enviable et fortunée, une oasis d’art, de littérature, d’affection et de poésie, je demande qu’on n’en diminue pas le tableau à mes yeux sans de bonnes et fortes raisons, et que ceux qui sont dignes d’apprécier ce cercle heureux et de le peindre nous le rendent, ainsi que la noble figure qui y préside, avec tout le charme qui s’y attachait réellement, et dans un miroir non terni, dans une glace pure, unie et fidèle.

1771. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Sismondi. Fragments de son journal et correspondance »

Tant il est vrai qu’il n’est que de parler de ce qu’on sait et de ce qu’on sent ; on arrive parfois à le peindre.

1772. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Collé. »

La Vérité dans le vin nous peint au naturel les vices du temps, l’effronterie des femmes de robe, la sottise des maris, l’impudence des abbés ; il y a dans le dialogue une familiarité, un naturel, dans les reparties une naïveté, dans les situations un piquant et un osé qui font de ce tableau de genre un des témoins historiques et moraux du XVIIIe siècle.

1773. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Mémoires de Malouet (suite.) »

L’impression que me lit cette déclaration est difficile à peindre : je n’y retrouvais point l’homme que j’avais entendu, ni celui qu’on m’avait signalé, ni celui dont, je connaissais l’histoire ; mais je n’avais pas le droit de lui demander compte de sa conduite ; ses talents m’étaient connus.

1774. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Œuvres inédites de F. de La Mennais »

Certainement je ne veux pas profaner la mémoire d’un saint par une comparaison odieuse ; mais, avec toutes les différences et les modifications qu’on doit y mettre, je ne pourrais souvent mieux peindre mon état qu’en répétant ce qu’il disait de lui-même ; seulement il faudrait rembrunir un peu les couleurs.

1775. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Madame Desbordes-Valmore. »

Mme Sophie Gay écrivait d’elle en octobre 1820, après avoir cité quelques-uns de ses vers : « Peut-on mieux peindre le charme de cette mélancolie que M. de Ségur appelait volupté du malheur ? 

1776. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Le général Jomini. [III] »

Nous ne devions pas y trouver des Saragosse, parce que toutes les maisons, construites en bois peint, étaient à la merci d’une torche ou d’un obus ; mais des obstacles d’un autre genre, et non moins redoutables, nous attendaient… » Tous les plans de stratégie et de grande guerre échouèrent dans cette funeste campagne ; sur un échiquier aussi vaste et sans cadre déterminé (c’est encore Jomini qui parle), les calculs les plus probables ne rendaient plus.

1777. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « M. de Sénancour — M. de Sénancour, en 1832 »

M. de Sénancour n’écrivait, guère encore à cette époque ; il se plaisait plutôt à peindre le paysage dans le sens littéral du mot : en arrivant à un instrument plus général d’expression, il a négligé ce premier talent.

1778. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « George Sand — Note »

« Tout le monde me fait des compliments, tout le monde me félicite, et moi je ne sais, je m’étonne, je me dis en me considérant si bien peint et si flatté de la sorte : Est-ce donc moi ?

1779. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « UN DERNIER MOT sur BENJAMIN CONSTANT. » pp. 275-299

N’ai-je pas cité le passage d’Adolphe où il nous peint le caractère de son père, si contraire à toute confiance et ne permettant aucune ouverture à l’affection ?

1780. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Aloïsius Bertrand »

Ou encore c’était le peintre en vitraux qui coloriait et peignait ses figures par parcelles, en attendant que la grande rosace fût montée.

1781. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXIIIe entretien. Chateaubriand, (suite) »

C’était ordinairement dans ces soirées que mes amis me faisaient parler de mes voyages ; je n’ai jamais si bien peint qu’alors les déserts du nouveau monde.

1782. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXVIIe entretien. Sur la poésie »

Quand l’émotion, au contraire, est extrême, exaltée, infinie sur les fibres sensitives de l’instrument humain, quand l’imagination de l’homme se tend et vibre en lui jusqu’à l’enthousiasme et presque jusqu’au délire, quand la passion imaginaire l’exalte, quand l’image du beau dans la nature ou dans la pensée le fascine, quand l’amour, la plus mélodieuse des passions en nous parce qu’elle est la plus rêveuse, lui fait imaginer, peindre, invoquer, adorer, regretter, pleurer ce qu’il aime ; quand la piété l’enlève à ses sens et lui fait entrevoir, à travers le lointain des cieux, la beauté suprême, l’amour infini, la source et la fin de son âme, Dieu !

1783. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Jules de Glouvet »

On peint de préférence les plus bruts, les plus intacts ; on a des tendresses pour les « innocents » et les idiots, parce qu’ils représentent l’humanité presque toute neuve et toute fruste, et telle à peu près qu’elle dut sortir de l’âge du bronze.

1784. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série «  Paul Bourget  »

Il semble à première vue que, plus un critique a d’étendue d’esprit et de puissance de sympathie, moins il doit présenter, à qui veut le définir et le peindre, de traits individuels.

1785. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Victor Duruy » pp. 67-94

C’était un professeur excellent, grave, sans gestes, un peu lent, fait pour la toge, et qui attachait autant par son sérieux même que par le don qu’il avait de voir et de peindre ; profondément respectueux de sa tâche, et qui n’ignorait point, — je cite ses expressions, — que « l’esprit de l’enfant est un livre où le maître écrit des paroles dont plusieurs ne s’effaceront pas. » Cependant on commençait à le connaître.

1786. (1887) Discours et conférences « Réponse au discours de M. Louis Pasteur »

M. de Maistre peint quelque part la science moderne « sous l’habit étriqué du Nord…, les bras chargés de livres et d’instruments, pâle de veilles et de travaux, se traînant souillée d’encre et toute pantelante sur la route de la vérité, baissant toujours vers la terre son front sillonné d’algèbre ».

1787. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Deuxième partie. Ce qui peut être objet d’étude scientifique dans une œuvre littéraire — Chapitre VIII. La question de gout ce qui reste en dehors de la science » pp. 84-103

Telle œuvre est supérieure, parce qu’elle exprime et éveille beaucoup de sentiments tempérés (Gil Blas)  ; telle autre, parce qu’elle peint une passion déchaînée dans toute sa violence (Manon Lescaut, le Père Goriot)  ; celle-ci, parce qu’elle suscite des émotions nobles, comme la pitié pour les faibles, l’amour de la justice, la sympathie pour la vie universelle (les Misérables)  ; celle-là, parce qu’elle va toucher au fond du cœur des fibres secrètes, rarement ou jamais atteintes jusque-là, parce qu’elle donne, comme on l’a dit, un nouveau frisson (les Fleurs du mal).

1788. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre XI, les Suppliantes. »

— « Je tremble, s’écrie-t-il en les voyant embrasser ces autels. » C’est une figure ingénuement humaine que celle de ce roi primitif : nullement tendu et tout d’une pièce, comme les monarques de nos tragédies, mais peint en pleine franchise de nature, avec ses irrésolutions respectables et sa bonté combattue par la prudence politique.

1789. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — Chapitre IV »

C’est une de ces poupées peintes, comme chacun de nous en a rencontré : spectres mondains dont la poitrine est un corset, dont la cervelle ressemble à un tiroir à chiffons.

1790. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — Chapitre XII »

Ainsi parle-t-elle, d’un ton ferme et doux, avec de grands yeux clairs et une décence d’ange ; et, en écoutant cette confession de fille entretenue prononcée par une voix de vierge, on se rappelle le mot de Henri Heine : « J’ai vu des femmes qui avaient le vice peint en rouge sur leurs joues, et, dans leur cœur, habitait la pureté du ciel.

1791. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Histoire du Consulat et de l’Empire, par M. Thiers. Tome IXe. » pp. 138-158

Le caractère d’Alexandre, aimable, prompt, mystique, ami du merveilleux, et qui est prêt à se refroidir du moment que le merveilleux fait place au positif, même au positif le plus avantageux, ce caractère est touché avec bien de la vérité, et d’autant mieux peint, qu’il l’est ici en action.

1792. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Madame Geoffrin. » pp. 309-329

Je me peins assez bien cette application constante de Mme Geoffrin par une image : elle avait fait ajouter après coup une perruque (une perruque en marbre, s’il vous plaît) au buste de Diderot par Falconet.

1793. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Diderot. (Étude sur Diderot, par M. Bersot, 1851. — Œuvres choisies de Diderot, avec Notice, par M. Génin, 1847.) » pp. 293-313

Diderot dit volontiers de ses peintres : « Il peint large, il dessine large » ; lui, il fait de même en critique : il se répand largement.

1794. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mémoires et correspondance de Mallet du Pan, recueillis et mis en ordre par M. A. Sayous. (2 vol. in-8º, Amyot et Cherbuliez, 1851.) — I. » pp. 471-493

Je préparais les esprits à assister à une espèce d’action dramatique plutôt qu’à une séance de législateurs ; je peignais les personnages avant de les mettre aux prises ; je rendais tous leurs sentiments, mais non pas toujours avec les mêmes expressions ; de leurs cris je faisais des mots, de leurs gestes furieux des attitudes, et, lorsque je ne pouvais inspirer de l’estime, je tâchais de donner des émotions.

1795. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Notice historique sur M. Raynouard, par M. Walckenaer. » pp. 1-22

Rien n’est moins convaincant que toute cette plaidoirie de l’auteur en faveur des Templiers : il veut tout rejeter sur les accusateurs, sur l’esprit d’un siècle ignorant, et il ne nous peint en rien ni ce siècle même, ni cet ordre orgueilleux et scandaleux, qui devait en tenir par plus d’une grossièreté et d’un abus ; il n’aborde en rien la réalité des accusations, il s’en prend toujours à la manière injuste, illégale et cruelle dont on s’est servi pour arracher aux membres certains aveux.

1796. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « M. Fiévée. Correspondance et relations avec Bonaparte. (3 vol. in-8º. — 1837.) » pp. 217-237

On y trouve aussi quelques scènes vraies, où sont peintes les mœurs licencieuses et grossières des enrichis, des fournisseurs, des parvenus et des femmes qui les recherchent.

1797. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Œuvres de Louis XIV. (6 vol. in-8º. — 1808.) » pp. 313-333

On a un échantillon de sa manière de décrire et de peindre, dans sa lettre écrite de Montargis à Mme de Maintenon sur l’arrivée en France de la duchesse de Bourgogne ; mais de récit proprement dit ou de conte, nous n’en avons pas.

1798. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Paul-Louis Courier. — II. (Suite et fin.) » pp. 341-361

La Cour… il n’y a ici ni femmes ni enfants, écoutez : la Cour est un lieu, etc. » C’est comme lorsque, dans un de ses derniers pamphlets, il nous peindra le confessionnal : « Confesser une femme, imaginez ce que c’est.

1799. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Monsieur Michaud, de l’Académie française. » pp. 20-40

Michaud était tout autre, et c’est ici que je le puis peindre d’après ses amis.

1800. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Franklin. — I. » pp. 127-148

La vérité et la sincérité ont un certain lustre naturel distinctif qui ne peut jamais bien se contrefaire ; elles sont comme le feu et la flamme, qu’on ne saurait peindre.

1801. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Grimm. — I. » pp. 287-307

Le meilleur et le mieux informé de ses biographes, Meister de Zurich, qui avait été pendant des années son secrétaire, et qui l’a peint au naturel avec reconnaissance, nous indique de lui dans sa jeunesse un amour profond et mystérieux pour une princesse allemande qui se trouvait alors à Paris : cette passion silencieuse faillit faire de Grimm un Werther.

1802. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Œuvres de Frédéric le Grand (1846-1853). — I. » pp. 455-475

Cinq jours avant sa mort, il adressa à Frédéric une admirable lettre qui peint l’une des plus belles âmes qui aient passé sur la terre, et qui couronne dignement cette idéale amitié.

1803. (1864) William Shakespeare « Première partie — Livre I. Shakespeare — Sa vie »

En 1593, pendant que les jésuites obtenaient du pape la permission expresse de faire peindre « les tourments et supplices de l’enfer » sur les murs de « la chambre de méditation » du collège de Clermont, où l’on enfermait souvent un pauvre adolescent qui devait, l’année d’après, rendre fameux le nom de Jean Châtel, il fit la Sauvage apprivoisée.

1804. (1864) William Shakespeare « Deuxième partie — Livre VI. Le beau serviteur du vrai »

Au prieuré de Maxtoke, l’usage était qu’on fît souper les minstrels dans la Chambre Peinte, éclairée par huit grosses chandelles de cire.

1805. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre II : La littérature — Chapitre II : La littérature du xviie  siècle »

Nul peuple n’a conçu ce genre de drame, dont l’action est toute morale, qui néglige tous les accidents secondaires de la vie, tous les événements extérieurs, toutes les formes changeantes de l’humanité, pour peindre l’homme en général et surtout l’homme aux prises avec lui-même dans ce grand combat de la passion et de la vertu.

1806. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre IV : La philosophie — II. L’histoire de la philosophie au xixe  siècle — Chapitre II : Rapports de l’histoire de la philosophie avec la philosophie même »

Je ne dois pas le peindre comme un sophiste coupable, lorsque son seul tort est d’être frappé d’un point de vue vrai, mais de négliger les autres, tort dans lequel je tombe tous les jours moi-même.

1807. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Saint-Simon »

Je retrouve bien ici le Louis XIV des Mémoires, peint et diminué souvent par la passion de l’écrivain ; mais j’ai le secret maintenant de cette passion, et j’admire encore qu’après ce crime de Louis XIV, qu’il a sondé jusque dans le fond de son horreur, Saint-Simon soit resté si juste… IX Écrit de cette plume immortelle qui traîne sa vaste phrase comme un de ces lourds manteaux de pourpre que des épaules d’Hercule pourraient seules porter, le Mémoire sur les légitimés pourrait s’appeler hardiment : « la Bâtardise dans l’Histoire », car, à propos des légitimés de Louis XIV, c’est l’histoire de la bâtardise en France et de la bâtardise en soi.

1808. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Henri Heine »

En vain nous dit-il, entre deux morsures du mal sous lequel il a succombé, que « malgré ses souffrances, il est gai, et que les pensées joyeuses le hantent », je ne connais, moi, rien de plus navrant que ces lettres dans lesquelles l’enchanteur intellectuel qu’il était, en conversation aussi animé, aussi éclatant, aussi poète que dans ses livres, sent la paralysie lui infliger l’affreux mutisme de l’impuissance, et se peint tête à tête avec sa femme deux heures durant, sans pouvoir rien lui dire, lui qui l’adore !

1809. (1902) Symbolistes et décadents pp. 7-402

Roger Marx avait acquis le concours de Carrière pour un buste de Verlaine qui eut été digne du beau portrait qu’il a peint. […] Cela tenait pourtant encore, mais tout autour de sa propre demeure des teintes crues s’étaient peintes sur toute la face des maisons voisines. […] Elle rêva, en marchant à petits pas sur le gazon des béguinages, en parcourant lentement les églises, fermant les yeux aux bondieuseries de plâtre peint, pour ne les rouvrir qu’à de vieilles toiles familières. […] Il y a un poème auquel il dut attacher de l’importance, car il le publia à part, c’est une Marie-Madeleine, contée selon l’imagerie populaire et comme un conte tout moderne, avec un Christ apparaissant, comme Uhde, le peintre bavarois, en peignit dans des intérieurs modernes d’ouvriers et de paysans, tout près, il est vrai, d’Oberammergau. […] Exister en s’amusant, histrionner à la Baudelaire, soit peindre des fictions, rêver des amours monstres et des univers fantastiques, regretter le matin, et les étonnements, ravis de l’enfance et ses grossissements, avoir rêvé d’être mage et retomber paysan… Il faut chercher le salut vers des villes de rêve.

1810. (1894) Les maîtres de l’histoire : Renan, Taine, Michelet pp. -312

On apprenait, en les lisant, à aimer la France, à l’aimer dans son histoire ressuscitée par lui, à l’aimer dans son peuple dont il interprétait les sentiments secrets et les nobles aspirations, à l’aimer dans son sol même, dont il savait si bien peindre le charme et la beauté. […] Il y avait beaucoup d’engouement, de mode passagère dans ce mouvement ; beaucoup de mauvais goût et de fausses couleurs dans la manière dont on peignait le passé. […] L’imagination de Victor Hugo s’éprend des apparences extérieures des choses et trouve pour les peindre des ressources infinies de mots et d’images ; elle est pittoresque, coloriste, matérialiste pour ainsi dire. […] Il n’est pas à proprement parler un coloriste, il ne cherche pas à peindre par le choix curieux et l’association frappante des mots ; il n’est pas un logicien, apportant la conviction dans l’esprit par la justesse des termes et la forte liaison des idées ; il n’est pas un orateur, entraînant son public par l’ampleur et la gradation savamment ménagée des périodes. […] Au début, il peint le charme de la plage de Royan.

1811. (1903) Hommes et idées du XIXe siècle

Paul Gautier sait conter et il sait peindre. […] Et quel est l’instant où elle s’avise de nous peindre une Allemagne rêveuse et toute absorbée dans la spéculation métaphysique ? […] « Cela est peint, vous dis-je, j’entends que ce n’est que fard adroitement appliqué… Les visages poudrés minaudent. Mais voilà qu’une mouche les pique qui n’est pas peinte sur le visage… Les grands bourgeois de 1845 tirent vanité d’être venus à Paris en sabots. […] À cette ardeur pour la science, à cette opiniâtreté dans l’effort, à cette modestie dans la gloire un trait s’ajoute pour achever de peindre ce grand homme, c’est la bonté.

1812. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre V. La Renaissance chrétienne. » pp. 282-410

C’est pourquoi, quand on veut empêcher les Italiens d’uriner en un lieu, on y peint saint Antoine avec sa lance de feu. […] Aussi leurs blasphèmes sont affreux…, et dans les vengeances leur cruauté est atroce ; quand ils ne peuvent se défaire de leurs ennemis d’une autre façon, ils leur dressent des guet-apens dans les églises, tellement que l’un fendit la tête à son ennemi devant l’autel… Souvent, dans les funérailles, il y a des meurtres à propos des héritages… Ils célèbrent le carnaval avec une inconvenance et une folie extrêmes, pendant plusieurs semaines, et ils y ont institué beaucoup de péchés et d’extravagances, car ce sont des hommes sans conscience qui vivent en des péchés publics et méprisent le mariage… Nous Allemands, et les autres nations simples, nous sommes comme une toile nue ; mais les Italiens sont peints et bariolés de toutes sortes d’opinions fausses, et encore plus disposés à en embrasser de pires… Leurs jeûnes sont plus splendides que nos plus somptueux festins. […] Elle seule, au défaut de l’extase, peut peindre le ciel ; car elle ne prétend pas le peindre ; en l’exprimant par une figure, elle le déclare invisible, comme un soleil ardent que nous ne pouvons contempler en face et dont nous regardons l’image dans un miroir ou dans un ruisseau.

1813. (1730) Des Tropes ou des Diférens sens dans lesquels on peut prendre un même mot dans une même langue. Traité des tropes pp. 1-286

Le nom propre de l’idée accessoire est souvent plus présent à l’imagination que le nom de l’idée principale, et souvent aussi ces idées accessoires, désignant les objets avec plus de circonstances que ne feroient les noms propres de ces objets, les peignent ou avec plus d’énergie, ou avec plus d’agrément. […] On dit de certaines étofes, c’est une Marseille , c’est-à-dire, une étofe de la manufacture de Marseille : c’est une Perse , c’est-à-dire, une toile peinte qui vient de Perse. à propos de ces sortes de noms, j’observerai ici une méprise de M.  […] C’est lorsque dans les descriptions on peint les faits dont on parle, come si ce qu’on dit étoit actuèlement devant les yeux ; on montre, pour ainsi dire, ce qu’on ne fait que raconter ; on done en quelque sorte l’original pour la copie, les objets pour les tableaux : vous en trouverez un bel exemple dans le récit de la mort d’Hyppolite. […] Pour marquer l’humilité d’un home de bien qui se cache en fesant de bones oeuvres, on peint un ver à soie qui s’enferme dans sa coque ; l’ame de cette devise est un jeu de mots ; (…). […] La récusation qu’Apelles fit de ce cordonier, ètoit plus piquante que raisonable : un cordonier, en tant que cordonier, ne doit juger que de ce qui est de son métier ; mais, si ce cordonier a d’autres lumières, il ne doit point être récusé, par cela seul qu’il est cordonier : en tant que cordonier, ce qui est le sens composé, il juge si un soulier est bien fait et bien peint ; et entant qu’il a des conoissances supérieures à son métier, il est juge compétant sur d’autres points ; il juge alors dans le sens divisé, par raport à son métier de cordonier.

1814. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Gui Patin. — I. » pp. 88-109

quant au Cicéron, j’ai quelque peine à en retrouver trace même dans son air ; laissons ces fausses ressemblances, et demandons plutôt à Gui Patin de se peindre à nous lui-même.

1815. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Étienne de La Boétie. L’ami de Montaigne. » pp. 140-161

Mais acceptons-le dans la noble et virile amitié qu’il nous a peinte, embrassons-le sans réserve tel que nous l’avons.

1816. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Sénac de Meilhan. — II. (Fin.) » pp. 109-130

D’ailleurs c’est le style de l’écrivain, c’est l’enchaînement qu’il donnera aux choses, la manière de présenter les faits, de peindre les personnages, qui contribuera beaucoup au succès de l’ouvrage.

1817. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Souvenirs militaires et intimes du général vicomte de Pelleport, publiés par son fils. » pp. 324-345

Ce dernier combat peint bien la campagne de France tout entière, et en est le digne couronnement.

1818. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Entretiens de Gœthe, et d’Eckermann »

alors ce fut tout autre chose ; il sentit un bonheur, un charme indicible ; rien ne l’arrêtait dans ces poésies de la vie, où une riche individualité venait se peindre sous mille formes sensibles ; il en comprenait tout ; là, rien de savant, pas d’allusions à des faits lointains et oubliés, pas de noms de divinités et de contrées que l’on ne connaît plus : il y retrouvait le cœur humain et le sien propre avec ses désirs, ses joies, ses chagrins ; il y voyait une nature allemande claire comme le jour, la réalité pure, en pleine lumière et doucement idéalisée.

1819. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Don Carlos et Philippe II par M. Gachard Don Carlos et Philippe II par M. Charles de Mouy »

En arrivant à Tolède, la nouvelle reine fut reçue par don Carlos, et, à la vue de ce jeune prince déjà malade de la fièvre et tout exténué, cette jeune femme fut saisie d’un mouvement de compassion et de tendre pitié qui se peignit sur son visage et dans son regard : don Carlos le sentit, fut touché de son accueil, et « dès ce moment il conçut pour elle des sentiments de respect et de déférence qui ne se démentirent jamais depuis. » C’est à cette limite qu’il convient de s’arrêter, et rien de ce que les romanciers et poètes ont imaginé d’un sentiment mutuel entre la reine et son beau-fils n’a le moindre fondement ni même le moindre prétexte historique.

1820. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Anthologie grecque traduite pour la première fois en français et de la question des Anciens et des Modernes »

Le poète, un certain Glaucus, peu connu d’ailleurs, mais qui a de l’art et du sentiment, s’écrie : « C’est après l’avoir vu, le douloureux héros de Trachine, que Parrhasius s’est mis à peindre ce Philoctète : car dans ses yeux desséchés habite une larme muette, et au dedans est la douleur qui le ronge.

1821. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Corneille. Le Cid (suite.) »

Mais ce n’étaient que fleurs peintes et lustrées, printemps artificiel ; tout cela laissait froid et sans émotion, et ne s’adressait qu’aux lettrés.

1822. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Catinat (suite.) »

Le mot de Catinat achève de nous le peindre.

1823. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Essai de critique naturelle, par M. Émile Deschanel. »

De même que La Bruyère a peint des caractères moraux qui font type, on arriverait ainsi à tracer quantité de portraits-caractères des grands écrivains, à reconnaître leur diversité, leur parenté, leurs signes éminemment distinctifs, à former des groupes, à répandre enfin dans cette infinie variété de la biographie littéraire quelque chose de la vue lumineuse et de l’ordre qui préside à la distribution des familles naturelles en botanique et en zoographie.

1824. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « DE LA LITTÉRATURE INDUSTRIELLE. » pp. 444-471

Si l’on peignait au complet le détail de ces mœurs, on ne le croirait pas.

1825. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. EUGÈNE SCRIBE (Le Verre d’eau.) » pp. 118-145

Mais voilà que je parle de ces impressions comme du présent, et c’est déjà du passé : le monde pour qui peignait M.

1826. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « LOYSON. — POLONIUS. — DE LOY. » pp. 276-306

Confesse donc enfin une source inconnue, D’où jusqu’à ton esprit la vérité venue S’y peint en traits brillants, comme dans un miroir, Et pour te subjuguer n’a qu’à se faire voir.

1827. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. J. J. AMPÈRE. » pp. 358-386

N’y eut-il pas d’autres projets plus spécieux, plus vagues, les rêves grandioses de première jeunesse, ce que les aurores boréales ou la fée Morgane nous peignent dans des mirages trop tôt évanouis167 ?

1828. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. CHARLES MAGNIN (Causeries et Méditations historiques et littéraires.) » pp. 387-414

Tel, dans les portraits qu’il trace, se mire toujours un peu ; sous prétexte de peindre quelqu’un, c’est souvent un profil de lui-même qu’il cherche à saisir.

1829. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « HISTOIRE DE LA ROYAUTÉ considérée DANS SES ORIGINES JUSQU’AU XIe SIÈCLE PAR M. LE COMTE A. DE SAINT-PRIEST. 1842. » pp. 1-30

L’auteur nous a peint en traits énergiques et éloquents ce contraste du caractère des deux races, particulièrement cette attitude négligente et hautaine des Franks, même quand ils s’affublaient des oripeaux de Rome.

1830. (1892) Boileau « Chapitre II. La poésie de Boileau » pp. 44-72

Quant à la peindre en réaliste, pour étaler à nos yeux la richesse des couleurs et la singularité des formes sans en faire les manifestations d’une âme, il lui eût fallu des moyens d’expression que la versification et la langue d’alors ne mettaient pas à sa disposition.

1831. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « La jeunesse du grand Condé d’après M. le duc d’Aumale »

Il est allé chercher je ne sais quel portrait officiel peint par Stella, et il en a fait faire, sous la direction et avec la complicité de M. 

1832. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre quatrième »

Cependant, pour inventer, à la fin du dix-huitième siècle, parmi tous ces fades jeux d’esprit où achevait de s’énerver et de se perdre l’art des vers, une poésie jeune, fraîche, parfumée, qui nous transporte au milieu de vrais champs et nous ramène en nous-mêmes ; pour faire apparaître, parmi toutes ces fleurs de papier peint, un si charmant bouquet de fleurs naturelles, il fallait plus que les grands sentiments d’André Chénier, plus que sa raison supérieure ; il fallait ce qui peut s’appeler du même nom en religion et en poésie, il fallait la grâce.

1833. (1911) La valeur de la science « Troisième partie : La valeur objective de la science — Chapitre X. La Science est-elle artificielle ? »

Pourtant, de ce qu’aucun peintre n’a pu faire un portrait tout à fait ressemblant, devons-nous conclure que la meilleure peinture soit de ne pas peindre ?

1834. (1890) L’avenir de la science « II »

Guizot, livre inestimable et qui aura le rare privilège d’être lu de l’avenir, car il peint avec originalité un curieux moment intellectuel.

1835. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXXVII et dernier » pp. 442-475

La société de la cour allait former la société dévote que La Bruyère a si bien peinte.

1836. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre IV, Eschyle. »

» Avant lui, les masques étaient inanimés ou informes ; il les fit modeler et peindre, d’après les types consacrés, plus grands et plus accentués que nature, avec ces bouches béantes, ces yeux caverneux, ces traits saillants, ces chevelures étagées et calamistrées qui frappaient chaque personnage à l’effigie d’une tête surhumaine.

1837. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — CHAPITRE VII »

On ne le sent pas peint d’après nature, mais fabriqué, de pièces et de morceaux, d’après des pamphlets surannés.

1838. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Huet, évêque d’Avranches, par M. Christian Bartholmèss. (1850.) » pp. 163-186

Ce goût-là le peint aussi au moral dans l’ensemble de son humeur comme de son génie.

1839. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Chansons de Béranger. (Édition nouvelle.) » pp. 286-308

Quinze ans, c’est assez pour que le modèle change, ou du moins se marque mieux ; c’est assez surtout pour que celui qui a la prétention de peindre se corrige, se forme, se modifie en un mot lui-même profondément.

1840. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Lettres de Goethe et de Bettina, traduites de l’allemand par Sébastien Albin. (2 vol. in-8º — 1843.) » pp. 330-352

Ces conversations de Beethoven sont admirablement rendues par Bettina : la naïveté d’un génie qui a le sentiment de sa force, qui dédaigne son temps et a foi en l’avenir, une nature grave, énergique et passionnée, s’y peignent en paroles mémorables.

1841. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Gil Blas, par Lesage. (Collection Lefèvre.) » pp. 353-375

L’amour-propre d’auteur est peint chez le bon vieillard dans tout son relief et toute sa naïveté béate, et avec un reste de mansuétude.

1842. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « La duchesse du Maine. » pp. 206-228

On meurt comme on a vécu… — Ajoutez, pour achever de la peindre, qu’aimant à ce point la comédie et la jouant sans cesse, elle la jouait mal, et qu’elle n’en était que plus applaudie.

1843. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « L’abbé Maury. Essai sur l’éloquence de la chaire. (Collection Lefèvre.) » pp. 263-286

Le cardinal Pacca rappelle une pasquinade qui courut à Rome lors de sa nomination, et où on le peint comme un renard peu sûr, habile à prendre le vent .

1844. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « La Harpe. Anecdotes. » pp. 123-144

Il faut que M. de La Harpe ait un secret particulier pour se faire plus d’ennemis qu’un autre. » En tête de sa seconde tragédie, Timoléon, lorsqu’il l’imprima, La Harpe se crut obligé de mettre une justification expresse sur les couplets de collège qui lui étaient imputés à crime, et il ajouta quelques réflexions sensées qui nous peignent très bien le moment où il parut : La mode dominante, disait-il, est aujourd’hui d’avoir de l’esprit… Tandis qu’un petit nombre d’écrivains illustres honore et éclaire la nation, un bien plus grand nombre d’écrivains obscurs, possédés de la manie d’être littérateurs, sans titres et sans études, ont fait une espèce de ligue pour se venger du public qui les oublie, et des véritables gens de lettres qui ne les connaissent pas.

1845. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Le comte-pacha de Bonneval. » pp. 499-522

Pour le peindre comme il était et dans tout la contradiction de sa morale et de son humeur, il suffit, de dire que, pendant que se négociait cette paix d’Utrecht ou de Rastadt, il lui arriva de soutenir à milord Stafford que Louis XIV aspirait à la domination universelle et de se battre avec un Français qui l’avait trouvé mauvais.

1846. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Le maréchal Marmont, duc de Raguse. — II. (Suite.) » pp. 23-46

. — De telles pensées ne passèrent dans son esprit sans doute qu’à l’état d’éclair, mais elles suffisent pour le peindre.

1847. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Beaumarchais. — II. (Suite.) » pp. 220-241

» Pour peindre ce public français de la première représentation de Figaro et son pêle-mêle d’enthousiasme flottant, deux faits suffisent : lorsque le héros de nos flottes, le bailli de Suffren, entra dans la salle, il fut applaudi avec transport ; lorsqu’un moment après, la charmante actrice Mme Dugazon, relevant d’une maladie dont on savait trop la cause, parut sur le devant de sa loge, on l’applaudit également.

1848. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Rollin. » pp. 261-282

Guéneau de Mussy, en terminant une Vie de Rollin, a peint cette jeunesse qui succédait, et il a trouvé des accents où l’on reconnaît l’ami de Bonald en même temps que celui de Fontanes et de Chateaubriand : Où sont, s’écriait-il avec gémissement, où sont les éducations sévères qui préparaient des âmes fortes et tendres ?

1849. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Mémoires de Daniel de Cosnac, archevêque d’Aix. (2 vol. in 8º. — 1852.) » pp. 283-304

Mme de Sévigné le peignait ainsi à sa fille quand il avait près de soixante ans : « L’archevêque (d’Aix) a de grandes pensées ; mais plus il est vif, plus il faut s’approcher de lui comme des chevaux qui ruent, et surtout ne rien garder sur votre cœur. » Le prince de Conti lui-même, un jour qu’il s’agissait d’emporter de vive force une grâce auprès du cardinal Mazarin et que Cosnac s’en chargeait, lui disait tout bas au départ : « Mais je vous défends les moulinets. » Il appelait ainsi les gestes de l’abbé et ses emportements.

1850. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 35, de la mécanique de la poësie qui ne regarde les mots que comme de simples sons. Avantages des poetes qui ont composé en latin sur ceux qui composent en françois » pp. 296-339

Ainsi la cadence des vers n’est pas rompue par cette affectation d’emploïer pour mieux peindre son objet, plus de syllabes bréves ou plus de syllabes longues.

1851. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « X. M. Nettement » pp. 239-265

S’il fallait le peindre, comme penseur et comme écrivain, par un seul mot qui dût bien exprimer son être et sa manière, nous dirions, après avoir lu les deux volumes d’aujourd’hui, que M. 

1852. (1829) Tableau de la littérature du moyen âge pp. 1-332

Comme il me serait facile, aidé du Journal des Savants, de remonter jusqu’à l’époque antérieure à Mahomet, jusqu’aux sept poëmes suspendus dans le temple de la Mecque ; puis de retracer cet instinct poétique des Arabes, cette vie pastorale toujours la même dans l’immense étendue du désert, cette imagination colorée des feux du soleil, et qui reproduit, sans se lasser jamais, les trésors d’une nature si riche, et trouve d’inépuisables expressions pour peindre une gazelle ou un orage ! […] Quand vous lisez ce poëme dans la traduction si vive, si brusque, si orientale de saint Jérôme, à cette description du cheval, si frémissante de poésie, à ces entretiens de Job avec ses amis, à ces paroles magnifiques pour peindre les splendeurs de la création, vous êtes au milieu des sites, des mœurs et de l’imagination arabes ; vous êtes dans le désert et sous la tente ; vous sentez mieux cette nature orientale que par aucun récit, aucune recherche profonde. […] Nul récit moderne n’atteindrait à la réalité pour peindre cette puissance irrésistible de la chaire apostolique : il faut recueillir quelques paroles d’Innocent III.

1853. (1898) Essai sur Goethe

Si nous évoquons sa figure, elle nous apparaît comme en une auréole de légende, dans deux ou trois moments caractéristiques de sa vie : nous le voyons patinant à Francfort, ainsi que l’a peint Kaulbach, ou rêvant son Faust dans la cave d’Auerbach, ou tenant tête à Napoléon ; après quoi, nous nous répétons qu’il fut un « intellectuel », qu’il eut un « génie encyclopédique », et cela nous suffit. […] Il nous trace de lui-même une charmante image : il se peint sous les traits d’un étudiant de province, à la fois naïf et d’esprit alerte, assidu aux cours et capable de les juger, pourvu d’une garde-robe un peu ridicule qu’il aura le bon goût de changer à propos, attaché au dialecte de sa ville natale auquel il s’applique pourtant à renoncer, rempli de bonne volonté pour tous : en somme, un étudiant modèle, à qui les plus sévères ne sauraient que reprocher. […] Je n’avais rien connu par moi-même, rien vu de ce que je peignais ; je devais donc posséder par anticipation la connaissance des différentes conditions humaines. » Cependant, quoique satisfait, Goethe ne devait pas persévérer dans la voie qui lui avait valu ce premier succès. […] En 1779, encore, Goethe écrivait à Mme de Stein29 : « Si je pouvais peindre le vide du monde, on se cramponnerait les uns aux autres et ne se quitterait plus. » Nous savons même qu’il alla jusqu’à placer un poignard sous son oreiller. […] En même temps qu’il peignait son portrait embelli, Goethe était amené à peindre aussi les figures qui, dans la vie, accompagnaient la sienne.

1854. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Discours prononcé à la société des visiteurs des pauvres. » pp. 230-304

Et, sans doute, je loue en quelque manière la véracité des auteurs, et j’accorde que, ayant voulu peindre le monde des coulisses d’un bouiboui, ils ne pouvaient guère le peindre autrement.

1855. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre huitième »

Aucun poète n’a mieux peint l’amour. […] Deux autres sortes d’amour qui touchent à l’amour maternel par le dévouement, l’amour de la mère adoptive, dans le rôle de Josabeth, l’amour pour la patrie, dans le rôle d’Esther, sont peints avec la même vérité et personnifiés dans des types non moins vivants.

1856. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Joseph de Maistre »

Toujours ce peuple aimable aura de nouveaux droits sur nos cœurs ; chez lui, les grâces s’allient à la grandeur ; la raison n’est jamais triste ; la valeur n’est jamais féroce, et les roses d’Anacréon se mêlent aux panaches guerriers des Du Guesclin… » M. de Maistre pensera toujours, plus qu’il n’en voudrait convenir, à la France et à Paris, à cette Athènes absente qu’il saluait si gracieusement au début ; mais il la peindra tout à l’heure moins anacréontique et un peu moins couleur de rose. […] Leurs suites morales et politiques sont l’affaire du Souverain ; la nôtre est de les suivre paisiblement et de ne jamais déclamer contre elles. »  — Et sur la pureté de mœurs d’Eugène dans sa vie de garnison : « Pour lui le mauvais exemple était nul, ou changeait de nature ; il n’avait d’autre effet que de le porter à la vertu, par un mouvement plus rapide, composé de l’attrait du bien et de l’action répulsive du mal sur cette âme pure comme la lumière. » Au moment où la Révolution éclate, on dirait que l’auteur lui emprunte son plus mauvais style pour la peindre : « Un épouvantable volcan s’était ouvert à Paris : bientôt son cratère eut pour dimension le diamètre de la France, et les terres voisines commencèrent à trembler. […] Il s’agissait d’un paysage ; M. de Maistre ne s’était pas cru capable de le peindre.

1857. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — Chapitre III. La Révolution. »

L’aspect des choses sous Guillaume, Anne et les deux premiers Georges, est repoussant ; on est tenté de juger comme Swift : on se dit que s’il a peint le Yahou, c’est qu’il l’a vu ; nu ou traîné en carrosse, le Yahou n’est pas plus beau. […] Swift, les comiques et les romanciers ont peint la bassesse de cette grosse débauche, qui a besoin de tapage, qui vit d’ivrognerie, qui s’étale dans la crudité, qui aboutit à la cruauté, qui finit par l’irréligion et l’athéisme805. […] Il peint les gens comme s’il les avait sous les yeux.

1858. (1910) Muses d’aujourd’hui. Essai de physiologie poétique

La poétesse s’enferme avec elle-même, s’observe et observe les choses avec une minutieuse attention : elle voit mieux les aspects des paysages et s’amuse à peindre des petites eaux-fortes intimes, qui ne manquent pas d’art : Le jardin où la terre est morte, Sur la rougeur vive des soirs Pour moi seule accuse l’eau-forte De ses légers branchages noirs ; Cadre de mon âme profonde Qui s’apprête à boire la nuit, À l’heure où la lune, sans bruit, Au prochain arbre, et toute ronde, Revient se pendre comme un fruit… C’est avec une piété, une piété grave, qu’elle parle de la femme, depuis qu’elle est femme : Complexe chair offerte à la virilité, Femme, amphore profonde et douce où dort la joie, Toi que l’amour renverse et meurtrit, blanche proie, Œuf douloureux où gît notre pérennité… Mais voici que l’amour humain seul ne peut plus apaiser ce cœur si pesant « de jeunesse et de joie », elle veut à nouveau jaillir d’elle-même et se répandre sur la nature. […] Le jeu des mots comme le jeu des couleurs est infini, et de même que le peintre peut mettre du sentiment dans ses couleurs, le poète peut, par la combinaison des mots, peindre toutes ses sensations de son être, et les rendre palpables, visibles, sensibles. […] Nietzsche n’eût-il pas dit : « Méfiez-vous de la pitié, car la pitié a toujours tort. » Elle est socialiste aussi ‒ par pitié sans doute ‒ elle chante la romance des ouvriers peints de plâtre ; elle les imagine « ressemblant tous aux mineurs de Constantin Meunier, nus avec cette culotte de toile que la sueur leur colle aux hanches ».

1859. (1923) Paul Valéry

Son effroi d’être ce qu’il est l’a donc fait se créer et se peindre mille masques ; il n’y a point d’autre raison de l’existence des mortels. […] Seule son ombre, cette « absence peinte » dessine déjà sur le sol une image ennemie, celle du serpent qui fait passer l’être à la vie mutilée et agile, active et désespérée, — le thème que reprendra l’Ebauche de Charmes. […] « Son effroi d’être ce qu’il est l’a donc fait se créer et se peindre mille masques » et la Jeune Parque figure non expressément l’un de ces masques, mais métaphysiquement leur genèse et leur principe à tous.

1860. (1925) Portraits et souvenirs

On avait raison, et c’est ce que confirme une curieuse page des Mémoires du Comte de Tilly où Laclos lui-même avoue qu’il peignit son Valmont d’après un ami de régiment, « jeune homme né spécialement pour les femmes », et que ce fut à Grenoble qu’il vit l’original de sa Merteuil en une Marquise de L. […] La mort, la maladie, le couvent, l’exil, telle est la fin de cet étrange livre de cynisme, de fourberie, de libertinage, de ce livre plein de « sentiments feints et déguisés », d’actions scélérates, de gaietés terribles, de maximes impitoyables, de ce livre qui est un des tableaux les plus noirs”, qui aient été peints d’une société, car si l’Innocence y est représentée, n’est-ce point par cette Cécile de Volanges naïve, sensuelle, pervertie et niaise ; si l’Honneur s’y montre, n’est-ce pas en la personne de ce petit sot de Chevalier Danceny ? […] Il l’observait avec finesse et savait la peindre avec un rare talent. […] Maurice Barrès, en ses années romantiques, s’arrêtait longuement à contempler sur le mur de l’église de San Thome, à Tolède, l’Enterrement du Comte d’Orgaz, peint par le Greco, il était frappé par le caractère double de cette œuvre étrangement suggestive.

1861. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre V. Comment finissent les comédiennes » pp. 216-393

Le comédien était un bonhomme en bois peint, les comédiennes se composaient d’une douzaine de jolies poupées dont les œillades n’étaient à craindre pour personne. […] … Il y a que Lesage et son ami Fuzelier, puisque la parole et le chant leur étaient défendus, ont eu recours                                                 à l’art ingénieux De peindre la parole et de parler aux yeux. […] Qui voudrait lire seulement le titre de ces comédies en toiles peintes, jouées par des comédiens de bois, sur le théâtre déshonoré de Molière et de Marivaux, s’étonnerait du nombre de fadaises que peut contenir le règne des poupées ! […] Damis avait choisi Dorine pour sa commère, ce qui vous explique l’esprit, la verve et en même temps le bon goût de la jeune catéchumène… Donc l’enfant grandit sous les chênes touffus, au bord des ruisseaux, à l’ombre des bocages en fleurs ; fleurs de chiffons, chênes en bois peint, ruisseaux tracés sur la toile. […] Un jour que Socrate passait sous les fenêtres de la maison d’Achélaüs, peinte par Zeuxis, il reçoit l’eau d’une amphore sur la tête.

1862. (1922) Le stupide XIXe siècle, exposé des insanités meurtrières qui se sont abattues sur la France depuis 130 ans, 1789-1919

D’où la nécessité (pour faire vrai) de peindre, dans le détail, et ces instincts et ces excréments. […] Eh bien, je vais m’en peindre les boutons sur la peau ! » Et il les peignait ! […] Mais il les peint en théologien, conformément à une psychologie vraie (les prémisses étant posées) et non arbitraire, et il développe fougueusement, et jusqu’au bout, les actes commandés par ces aspirations pathétiques. […] De même, Manet et Monet ont peint des ombres colorées, comme elles le sont en effet par les journées de soleil, où tout se combine de violet et d’or.

1863. (1782) Essai sur les règnes de Claude et de Néron et sur la vie et les écrits de Sénèque pour servir d’introduction à la lecture de ce philosophe (1778-1782) « Essai, sur les règnes, de Claude et de Néron. Livre second » pp. 200-409

Ici le philosophe s’est complu à nous peindre d’une manière belle et touchante les premiers âges du monde. […] Ici, il peint l’ambitieux qui se résout à des actions malhonnêtes, et qui s’afflige de s’être déshonoré sans fruit, lorsque le succès n’a pas répondu à ses viles et sourdes intrigues. […] Polybe est peint comme un bas courtisan, Sénèque comme un lâche : Claude est plus cruellement traité ; on en fait le plus grand des souverains. […] Avec quels grands traits, quelle éloquence la terrible catastrophe est peinte ! […] Et j’ajouterai que, si quelque terme nous manque, s’il peint à l’imagination, s’il plaît à l’oreille, je crois qu’il faut le hasarder.

1864. (1891) Impressions de théâtre. Cinquième série

Mère, as-tu remarqué que tout ce que j’ai peint tourne autour de la joie de vivre ? […] Ils ont une même façon large, simplifiée, à grands traits, de peindre les hommes. […] Il a contre lui de nous peindre un monde qui n’est déjà plus tout près de nous, sans en être encore assez loin. […] M.Edouard Grenier a peint avec beaucoup de justesse l’état d’esprit qui rend une pareille illusion possible. […] Georges Ancey, ce n’est donc point d’avoir osé peindre la vérité, ni de l’avoir choisie brutale et exceptionnelle : c’est de l’avoir altérée, en la traduisant, par une misanthropie juvénile ou par le désir de nous scandaliser.

1865. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Roederer. — II. (Suite.) » pp. 346-370

J’ai sous les yeux une correspondance entre Sieyès et lui3, et qui les peint assez bien l’un et l’autre.

1866. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « De la tradition en littérature et dans quel sens il la faut entendre. Leçon d’ouverture à l’École normale » pp. 356-382

Poète admirable et le plus naturel sans doute depuis Homère (quoique si diversement), de qui l’on a pu écrire avec raison qu’il a une imagination si créatrice et qu’il peint si bien, avec une si saillante énergie, tous les caractères, héros, rois, et jusqu’aux cabaretiers et aux paysans, « que si la nature humaine venait à être détruite et qu’il n’en restât plus aucun autre monument que ses seuls ouvrages, d’autres êtres pourraient savoir par ses écrits ce qu’était l’homme ! 

1867. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « M. Boissonade. »

Un premier trait assez singulier commencera à le peindre : M. 

1868. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Madame Desbordes-Valmore. »

C’est une douceur profonde que de trouver de pareils amis dans le passé, et de pouvoir vivre encore avec eux malgré la mort. » Elle avait fait une pièce de vers sur le Jour des Morts, qui était le jour anniversaire de sa propre naissance ; elle y disait, en s’adressant à ces chers défunts qu’on a connus, et qu’elle se peignait comme transfigurés dans leur existence supérieure : Ah !

1869. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Chateaubriand — Chateaubriand, Vie de Rancé »

Un biographe élégant, l’abbé de Marsollier, nous l’a peint avec une sorte de complaisance : « Il étoit à la fleur de l’âge, n’ayant qu’environ vingt-cinq ans ; sa taille étoit au-dessus de la médiocre, bien prise et bien proportionnée ; sa physionomie étoit heureuse et spirituelle ; il avoit le front élevé, le nez grand et bien tiré sans être aquilin ; ses yeux étoient pleins de feu, sa bouche et tout le reste du visage avoient tous les agréments qu’on peut souhaiter dans un homme.

1870. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. VINET. » pp. 1-32

Il y a donc, sous sa régularité excellente de style et de doctrine bien des accidents piquants, divers, qui font de lui un homme plein de détails fins à peindre, et qui doivent être charmants à goûter.

1871. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. NISARD. » pp. 328-357

Nisard, après être entré dans son sujet sans trop de parti-pris peut-être, et avec l’idée de peindre surtout les mœurs romaines par les poëtes, est vite arrivé à concevoir que ce cadre était tout naturellement ouvert à une protestation motivée contre le goût et les prétentions d’une école qu’il craignait d’avoir d’abord servie, et qu’il jugeait sage de répudier.

1872. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « PENSÉES FRAGMENTS ET LETTRES DE BLAISE PASCAL, Publiés pour la première fois conformément aux manuscrits, par M. Prosper Faugère. (1844). » pp. 193-224

Faugère nous a peint son vieil ami en une page touchante : « Dans cet homme affaibli par l’âge, dit-il, quel zèle et quelle passion quand il parlait de monsieur Pascal ou de la sœur Jacqueline de Sainte-Euphémie, de M. de Saint-Cyran ou de la mère Angélique !

1873. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « M. MIGNET. » pp. 225-256

Et en général, c’est quand un personnage s’identifie avec une idée, avec un système et une des faces de la pensée publique, que M.Mignet s’y arrête le plus heureusement et excelle à le peindre.

1874. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Du génie critique et de Bayle »

Le voilà peint d’un mot.

1875. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Mémoires sur la mort de Louis XV »

J’aurais peine à peindre la colère servile et méprisante de l’apothicaire, à qui cette éclipse avait fait manquer son coup, l’étonnement des médecins, l’indignation du petit garçon apothicaire, et l’envie de rire de la partie de l’assemblée heureusement placée pour être témoin de cette scène.

1876. (1875) Premiers lundis. Tome III «  À propos, des. Bibliothèques populaires  »

La vérité de l’émotion ne prévient pas en lui l’effort du langage ; mais il a de l’âme et du talent ; il peint de traits énergiques, sans être assez simples, le chancelier de L’Hôpital, et il ajoute encore à l’admiration pour Henri IV. » Si quelque chose peut servir à marquer l’esprit et l’intention qui ont dicté la pétition de Saint-Étienne, c’est la proscription d’un tel livre, tout en l’honneur de la tolérance.

1877. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre cinquième. Le peuple. — Chapitre I »

En Bourgogne, près de Châtillon-sur-Seine, « les impôts, les droits seigneuriaux et dîmes, les frais de culture partagent par tiers les productions de la terre et ne laissent rien aux malheureux cultivateurs, qui auraient abandonné leurs champs, si deux entrepreneurs suisses, fabricants de toiles peintes, n’étaient venus jeter par an quarante mille francs d’argent comptant dans le pays624 ».

1878. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre premier. Mécanisme général de la connaissance — Chapitre premier. De l’illusion » pp. 3-31

Le magnétisé manifeste alors une violente terreur qui se peint sur tous ses traits, et il donne tous les signes d’une conviction positive. » Quand une personne est hypnotisée, dit le docteur Tuke7, souvent « on lui fait croire par suggestion qu’elle voit un individu absent… De même on peut arriver à lui faire imaginer qu’elle entend jouer sur un instrument de musique un air déterminé, alors qu’il ne se produit aucun son ».

1879. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre III. Les grands artistes classiques — Chapitre I. Les mondains : La Rochefoucauld, Retz, Madame de Sévigné »

Mme de la Fayette peint des esprits qui s’embrassent, se pénètrent et comme se fondent intimement : ce n’est pas là encore la passion sans épithète et sans restriction.

1880. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre III. Les tempéraments et les idées — Chapitre II. La jeunesse de Voltaire, (1694-1755) »

L’autre pensée s’ajouta à la philosophie du livre : dans le progrès de l’esprit humain, que Voltaire se proposait de peindre, il voyait et voulait montrer comme agent principal un homme, le despote éclairé.

1881. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre II. L’époque romantique — Chapitre IV. Le théâtre romantique »

Lorsqu’il veut peindre les mœurs, et faire la satire des vices de son temps, il est superficiel, étriqué, vulgaire, parfois puéril.

1882. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « Francisque Sarcey »

Par exemple, dans la vie réelle, la cour que fait un homme à une femme se compose d’une foule de petites démarches et de menus propos ; tout cela devra être résumé dans une « déclaration » : voyez celle de Tartufe. « C’est l’habileté de l’auteur dramatique de ramasser dans une seule circonstance frappante tous les détails similaires qu’il néglige ou, pour mieux dire, qu’il supprime absolument. » De même, l’auteur dramatique ne saurait peindre ses personnages que par quelques traits choisis et caractéristiques.

1883. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre troisième »

Il sentait son avantage sur les écrivains scolastiques et sur Luther lui-même, auquel il fait allusion quand il dit « que la matière a été jusqu’ici démenée confusément, sans nul ordre de droit, et par une ardeur impétueuse, plutost que par une modération et gravité judiciaire. » Dans cette phrase expressive, Calvin peint à la fois la manière de Luther et la sienne.

1884. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre huitième »

Peindre l’homme pour nous l’apprendre, et nous l’apprendre avec le conseil de nous y reconnaître, tout va là au dix-septième siècle.

1885. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre neuvième »

Prenons un second tableau, d’un genre tout différent, celui où Voltaire nous peint la France sortant, sous l’impulsion puissante de Louis XIV, du chaos de la Fronde.

1886. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Madame de Pompadour. Mémoires de Mme Du Hausset, sa femme de chambre. (Collection Didot.) » pp. 486-511

Bernis, fidèle au goût du temps, loin de trouver dans cet amour royal rien de répréhensible, nous le peint à l’avance comme un modèle de chasteté et de pudeur, et digne en tout de l’âge d’or37.

1887. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Monsieur de Malesherbes. » pp. 512-538

Ces paroles nous peignent, ce me semble, M. de Malesherbes dans toute l’habitude de sa vie : naturel avant tout, bonhomme, simple, sensé, vif de franchise jusqu’à paraître un peu brusque.

1888. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Chateaubriand homme d’État et politique. » pp. 539-564

M. de Chateaubriand, en 1814, était moins désabusé en effet qu’il ne voudrait le paraître, il espérait encore beaucoup, il espérait tout, et parlait de Louis XVIII en conséquence : « Il marche difficilement, disait-il de lui avec toutes les ressources et les complaisances du langage, mais d’une manière noble et touchante ; sa taille n’a rien d’extraordinaire ; sa tête est superbe ; son regard est à la fois celui d’un roi et d’un homme de génie. » Plus tard il empruntera, pour peindre Louis XVIII, quelques-unes des couleurs de Béranger ; mais alors, quand il attendait encore de ce roi impotent sa fortune politique, il le voyait ainsi dans sa majesté.

1889. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « André Chénier, homme politique. » pp. 144-169

Enfin, pour achever de dessiner cette noble figure d’un poète honnête homme et homme de cœur qui, dans la plus horrible révolution moderne, comprit et pratiqua le courage et la vertu au sens antique des Thucydide et des Aristote, des Tacite et des Thraséas, il ne faut que transcrire cette page testamentaire trouvée dans ses papiers, et où il s’est peint lui-même à nu devant sa conscience et devant l’avenir : Il est las de partager la honte de cette foule immense qui en secret abhorre autant que lui, mais qui approuve et encourage, au moins par son silence, des hommes atroces et des actions abominables.

1890. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1879 » pp. 55-96

On a très sérieusement tâté un peintre chargé de peindre un épisode de la vie de la Vierge, pour tâcher d’obtenir de lui, qu’il n’introduisît pas la Vierge dans son tableau.

1891. (1913) La Fontaine « IV. Les contes »

L’air était peint de cent couleurs : Jamais parterre plein de fleurs N’eut tant de sortes de muances.

1892. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre III. »

Cette beauté est fréquente dans les poésies bibliques, et rend leur simplicité merveilleuse, comme par exemple dans ce psaume, où le Dieu redoutable est peint sous l’image la plus naïve de la vie paisible des champs : « Jéhovah est mon pasteur ; rien ne peut me manquer.

1893. (1891) Politiques et moralistes du dix-neuvième siècle. Première série

Marque infaillible, et qui s’applique à bien d’autres qu’à elle, elle ne sait peindre qu’elle-même. […] Il est donné à si peu d’hommes de se peindre sans se flatter, ou sans se flétrir, ce qui, comme on sait, est un joli détour de la vanité pour se flatter encore, que le conseil à donner à tout romancier est : Peignez les autres. […] L’originalité même et la vérité de ce livre, c’est qu’on n’y trouve point de ces effusions sentimentales que vous cherchez dans un roman, et dans un roman de cette époque. — « Charme de l’amour, qui pourrait vous peindre ? […] Il ne l’aimerait pas en amoureux s’il pouvait la peindre. […] A proprement parler, on ne fait pas de roman psychologique, on en subit un ; et on a assez de force de réaction sur ses sentiments pour le peindre.

1894. (1897) Aspects pp. -215

    Quand nous allons entre ces villas peintes Dont les balustres sont chamarrés de rosiers     Et les massifs illuminés de mille teintes. […] Comme ils voulurent peindre l’époque, se conformer à elle, il était difficile que leur moyen d’expression fut autre puisque l’époque est elle-même fiévreuse, hétéroclite et pourrissante, puisque toute évolution a lieu dans le sang et dans la fange, enfante dans la douleur. […] Il peint grossement mais, en général, il garde une vue nette des ensembles et il ne se perd pas trop dans cette recherche affolée du détail qui est la caractéristique du style de décadence. […] Peindre l’homme actuel dans toutes ses attitudes, en faire le symbole des relations éternelles de l’espèce et de l’univers, c’est renforcer l’art de philosophie ; cela ne peut que contribuer à la beauté d’un livre. […] Au seuil de sa petite maison dont la porte flambe, peinte d’un vert cru, le batelier demeure tranquille à regarder l’eau et l’azur.

1895. (1898) Ceux qu’on lit : 1896 pp. 3-361

Jules Simon qui s’est trouvé avec lui à Berlin, à l’occasion du congrès relatif au travail et à la condition des ouvriers, n’a pu peindre qu’à petits traits ce mouvant modèle qu’il n’a pas eu le temps d’étudier à fond, mais chacun de ces traits est définitif et témoigne d’une grande sûreté de main. […] Elle était absente du cœur de l’artiste qui peignit cette toile sombre, elle est absente de presque tous les cœurs, l’espérance d’une absolution divine, d’une innocence reconquise, d’un bonheur éternel promis au plus coupable des coupables. […] De même que, sans avoir vu le personnage qui a posé pour un portrait, on peut, d’après la façon dont il est peint, « sentir » ce portrait ressemblant, on peut aussi sentir que la traduction de M.  […] Le point essentiel est toujours de savoir si ce que l’on peint, si ce que l’on sculpte, si ce que l’on chante est l’exacte expression de ce qu’il y a de plus profond dans le sentiment ; si l’on ne sacrifie rien de cette vision, invisible à tout autre, que l’on porte en soi ; si on ne lui donne pas une forme mensongère, si l’on ne se trahit pas. […] En un tableau vigoureusement peint, M. 

1896. (1905) Promenades philosophiques. Première série

La fable de la Mort et du Bûcheron peint assez bien l’état d’esprit de l’humanité. […] Degas peint comme en plein relief ; l’air circule autour de ses bonshommes ; on en ferait le tour. […] Il est certain d’ailleurs que toutes les toiles de Monet n’ont pas été peintes avec la même rapidité que la série des Meules, des Peupliers, ou des Cathédrales. […] Cette rivière, peinte par Monet, sera la rivière même, la rivière indéfinissable et mystérieuse. […] Bédier ajoute que ces divers remaniements représentent autre chose que le travail préparatoire auquel doit se livrer tout écrivain qui veut peindre des mœurs étrangères, décrire des paysages exotiques.

1897. (1903) La vie et les livres. Sixième série pp. 1-297

Il me serait aussi difficile d’en donner une idée exacte que de peindre le sentiment d’orgueil et d’enthousiasme qui, dans ce moment solennel, épanouissait toutes les figures. […] Pour peindre l’« état d’âme » du vieux Bazaine les auteurs du Désastre n’ont eu qu’à traduire en actes et à transposer en paroles vivantes, ce portrait, esquissé par un historien dont ils ont suivi, avec raison, les sobres et lucides résumés : Bazaine avait la bravoure, le sang-froid, l’indifférence au péril ; mais il n’avait ni l’activité, ni l’énergie, ni aucune des qualités du général en chef, et dans le secret de son cœur, il comprenait que le fardeau dépassait ses forces… Profondément égoïste et songeant à lui-même plus qu’à la patrie, cauteleux, ne faisant que de petits calculs et n’employant que de petits moyens, n’allant jamais droit au but et ne se fixant jamais un but précis, dictant à dessein des instructions qui manquaient de netteté, ne s’exprimant que d’une façon ambiguë, avec réticences et restrictions, prodiguant les si et les mais, jaloux du commandement et dépourvu d’autorité, incapable de parler ferme et d’imposer l’obéissance, invitant au lieu d’ordonner, se plaignant de ses généraux en leur absence, n’osant les réprimander ou les punir, cherchant néanmoins à rejeter sur eux une part de la responsabilité qui l’écrasait, et les associant avec adresse à ses actes, tâtonnant toujours, attendant les événements, comptant sur le hasard, s’abandonnant à la fortune qui l’avait jusqu’alors favorisé, tel était Bazaine. […] On y trouve trop de conceptions bizarres, tourmentées, de petits tableaux : la poursuite de l’exception, les contrastes heurtés, des formes maigrelettes et confuses… Dans les carrefours et les massifs se dressent des animaux fantastiques, des chimères, des fantoches pansus, de grands vases peints. […] » Jaunes sont les « petites épouses », parées de bignolias jaunes et de prénoms exotiques où abonde la couleur locale : Frisson-de-Bambou, Lotus-de-l’Étang-Sacré, Mme Pamplemousse… Et les époux de ces « petites épouses » ont des visages blancs ; mais ils s’exposent, par leurs aventures conjugales, à être peints sous les couleurs qui symbolisaient aux yeux de nos pères l’infortune classique de Sganarelle et de George Dandin. […] Nul d’entre nous n’aurait su peindre Chrysanthème et Rarahu comme a fait Loti dans ses inoubliables tableaux.

1898. (1896) Les Jeunes, études et portraits

Il est d’avis que « les plus sublimes d’entre eux ne valent pas la plus humble idée qui germe dans notre propre cerveau, le plus léger* sentiment qui fait palpiter une minute notre propre cœur. » Entre les œuvres peintes, celles-là seules lui donnent un frisson qui laissent transparaître la pensée, la couleur et le dessin n’y Servant qu’à composer des symboles presque immatériels. […] Peindre les mœurs, étudier les milieux, mettre sous les yeux du lecteur des tableaux copiés d’aussi près qu’il est possible sur la réalité, c’est ce qu’a fait M.  […] Hervieu a donné dans ce genre deux études, dont l’une, Flirt, est plus légère, et l’autre, ce roman dernier paru de Peints par eux-mêmes, est un exemplaire très réussi de « littérature cruelle ». — À travers ces influences se dessine la personnalité de l’écrivain, et telle que je n’en vois pas une autre, parmi les écrivains nouveau venus, qui soit marquée de traits plus particuliers. […] Hervieu ont l’allure, le langage, les façons de sentir et d’agir des gens du monde… Ce monde n’est pas tout à fait celui qu’avait peint le héraldique Octave Feuillet ; car la vie, et la vie mondaine elle-même, se relire du faubourg défunt. […] Ce sont portraits d’écrivains peints par eux-mêmes.

1899. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre I. Les origines. — Chapitre I. Les Saxons. » pp. 3-71

Il gisait comme un fidèle serviteur auprès de son seigneur. » Quoique maladroits à parler, leurs vieux poëtes trouvent des mots touchants quand il s’agit de peindre ces amitiés viriles. […] Un siècle et demi après la conquête59, des missionnaires romains, portant une croix d’argent avec un tableau où était peint le Christ, arrivèrent en procession, chantant des litanies.

1900. (1899) Préfaces. — Les poètes contemporains. — Discours sur Victor Hugo pp. 215-309

À la vue de ce poète sinistre — le moins offensif et le plus poli des hommes, d’ailleurs — qui venait à nous, tel qu’un guerrier chinois, avec des tigres et des dragons écarlates peints sur le ventre, nous nous sommes irrités, non de l’ironie amère et méritée, mais du dessein que nous lui prêtions de nous épouvanter. […] Il n’appartenait qu’à lui d’entreprendre une telle œuvre, de vouloir, comme il le dit, « exprimer l’humanité dans une espèce d’œuvre cyclique, la peindre successivement et simultanément sous tous ses aspects, histoire, fable, philosophie, religion, science, lesquels se résument en un seul et immense mouvement vers la lumière ».

1901. (1856) Cours familier de littérature. II « Xe entretien » pp. 217-327

Il employait un grand esprit et un bon style du dix-septième siècle à se peindre lui-même dans ses propres sophismes. […] Non pas un homme de Plutarque, comme on dit vulgairement, mais un homme détaché d’une page de Tacite quand il peint la vertu sur un fond de crimes, et s’incarnant devant vous corps et âme pour personnifier le grand citoyen.

1902. (1857) Cours familier de littérature. IV « XXIIe entretien. Sur le caractère et les œuvres de Béranger » pp. 253-364

À force de peindre le laid ils finissent par ne plus pouvoir peindre le beau.

1903. (1906) La nouvelle littérature, 1895-1905 « Troisième partie. Dictionnaire » pp. 243-306

. — Ernest Gaubert : Peints par Eux-mêmes. […] Vogt, Peint. à l’huile, salon de la Soc.

1904. (1845) Simples lettres sur l’art dramatique pp. 3-132

Hugo pour peindre les malheurs de la maison de Bourbon est donc de tout point une figure absurde. » — Suivent trois pages d’injures. […] Sa figure employée pour peindre les malheurs de la maison de Bourbon est une figure de tout point absurde.

1905. (1891) Enquête sur l’évolution littéraire

… puisqu’ils sont réduits à se repaître de tels soucis… C’est un pauvre mets en carton qu’une théorie ; c’est un plat qu’on laisse aux figurants de la vie en leur donnant à boire du vent dans des verres peints ; tandis que les vrais écrivains sont de vrais hommes dont le génie est né d’une ardeur et vit de s’épancher. […] Et c’est toute la banalité pailletée dans le factice du décor ; c’est aussi la tentation des rondeurs grasses ; ils s’enthousiasment du sourire figé, vide et peint, du falbala, des étoffes, de tout ce qui est vain, extérieur, passager. […] Il a vraiment des qualités puissantes ; son sens inouï de la vie, ses mouvements de foule, la peau de Nana, dont nous avons tous caressé le grain, tout cela peint en de prodigieux lavis, c’est l’œuvre d’une organisation vraiment admirable ! […] Je devinais l’auteur résumant en lui cette tristesse et cette angoisse opprimantes des choses, et les traits creusés par les fièvres, et l’œil glauque de Mæterlinck, je m’apprêtais à les peindre ; l’idée même de l’approcher me laissait dans une curiosité vaguement inquiète, et je l’attendais, rêveur, dans le salon de l’hôtel, en écoutant les vitres chanter sourdement sous les grosses gouttes de pluie, quand il entra. […] D’origine bretonne, il a surtout un talent d’estompeur ; il excelle, dans le descriptif, à peindre les brumes des vagues paysages et cette atténuation des teintes se retrouve un peu dans ses critiques.

1906. (1859) Moralistes des seizième et dix-septième siècles

La manière dont il peint leurs mœurs et leurs habitudes fait présumer qu’ils n’avaient pas le droit d’être fort sévères. […] Il eût pu ajouter : pour se rendre compte de soi-même ; car il ne se peint pas moins dans la façon que dans la matière de son livre. […] C’est frappé de tout cela, sans doute, que Pascal s’écrie dans un moment d’humeur : « Le sot projet que Montaigne a eu de se peindre ! […] Après avoir vivement repoussé l’imputation de les avoir lui-même livrées, il ajoute : « J’ai peint, à la vérité, d’après nature ; mais je n’ai pas toujours songé à peindre celui-ci ou celle-là dans mon livre des Mœurs. […] C’est un observateur chrétien, qui regarde autour de soi et qui peint ce qui le frappe.

1907. (1888) Impressions de théâtre. Première série

Cette figure, peinte par Mathey, est élégante ; elle ne marche, ni ne vole, et ses pieds allongés, dont la pointe effleure à peine la pierre, sont semblables, dirait Armand Silvestre, à des lis renversés. […] Ainsi, pendant les entr’actes, la salle semblerait ronde ; et, parmi ces figures peintes, nous nous ferions des amies que nous retrouverions chaque fois avec plaisir… Enfin, si l’on voulait faire des économies, ou même réaliser des bénéfices, il n’y avait qu’à abandonner ces cent mètres carrés de toile à l’ingénieux pharmacien que vous savez, et qui en eût donné un bon prix. J’ignore ce qu’il y eût fait peindre par le mystique Willette, mais c’eût toujours été plus amusant que l’espèce de lavis d’architecte qu’on nous a montré l’autre soir. […] Il peignait les façons habituelles des « honnêtes gens » de ce temps-là ; je ne me permettrais pas d’en douter. […] Et de même les arbres et les feuillages peints et découpés des décors ont, forcément, dans leur rigidité et leur immobilité, l’air artificiel qui sied à une forêt magique.

1908. (1932) Le clavecin de Diderot

C’est d’ailleurs par une attaque contre tout ce que la théorie de l’art pour l’art avait déifié, à propos de choses écrites et peintes, que Dada, précurseur du surréalisme, avait commencé le travail de théoclastiead. […] D’ailleurs j’étais trop petit pour peindre et on m’ôta pinceaux, gobelets, palette. […] Elle parlait de précision, d’instruments, d’expérience, mais au lieu de montre, elle offrait un cadran, avec deux aiguilles peintes à même le carton.

1909. (1907) L’évolution créatrice « Chapitre IV. Le mécanisme cinématographique de la pensée  et l’illusion mécanistique. »

Alors, comme la succession à venir finira par être une succession passée, nous nous persuadons que la durée à venir comporte le même traitement que la durée passée, qu’elle serait dès maintenant déroulable, que l’avenir est là, enroulé, déjà peint sur la toile. […] Pourtant l’acte de dessiner et de peindre n’a aucun rapport avec celui d’assembler les fragments d’une image déjà dessinée, déjà peinte.

1910. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Appendice. »

Il savait à merveille la littérature moderne la plus contemporaine ; ses impressions légères me rajeunissaient, et lorsque, ayant à peindre la marquise de Pompadour, nous allions ensemble regarder au Musée le beau pastel de Latour que je voulais décrire, il me suggérait de ces traits fins et gracieux qu’une fraîche imagination trouve d’elle-même en face de l’élégance et de la beauté.

1911. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Sismondi. Fragments de son journal et correspondance. »

Il est très-possible qu’autrefois il ait été plus réellement amoureux qu’il ne se peint dans son livre, mais, quand je l’ai connu, il était tel qu’Adolphe ; et, avec tout aussi peu d’amour, non moins orageux, non moins amer, non moins occupé de flatter ensuite et de tromper de nouveau par un sentiment de bonté celle qu’il avait déchirée.

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