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1201. (1858) Cours familier de littérature. V « Préambule de l’année 1858. À mes lecteurs » pp. 5-29

… Ô renversement étrange du sens moral dans ces cœurs contre nature !

1202. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre IV. Guerres civiles conflits d’idées et de passions (1562-1594) — Chapitre I. Les mémoires »

Mais je veux dire qu’il rend la vie, et que nous ne voyons pas seulement dans son récit des enchaînements de faits extérieurs, nous y saisissons par surcroît les réalités morales qui leur servent de support.

1203. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre V. Indices et germes d’un art nouveau — Chapitre III. Retour à l’art antique »

L’Hermès aurait exposé le système de la terre, sa formation, l’apparition des animaux et de l’homme, la vie de l’homme primitif avant la constitution des sociétés, le développement des sociétés, politique, moral, religieux, scientifique : en somme, le cinquième livre de Lucrèce, refait, agrandi, développé au moyen de l’Histoire naturelle de Buffon.

1204. (1925) Méthodes de l’histoire littéraire « I. Leçon d’ouverture du Cours d’éloquence française »

Aucune des relations de l’œuvre et de l’auteur n’était négligée : biographie, origines intellectuelles, place dans l’histoire du roman, place dans l’histoire et la comédie, influence sur le roman anglais, rapport avec la peinture de Watteau ou de Chardin, rapports avec les divers mouvements des idées morales et littéraires au XVIIIe siècle.

1205. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — B — Baudelaire, Charles (1821-1867) »

Sainte-Beuve En faisant cela avec subtilité, avec raffinement, avec un talent curieux et un abandon quasi précieux d’expression, en perlant le détail, en pétrarquisant sur l’horrible, vous avez l’air de vous être joué ; vous avez pourtant souffert, vous vous êtes rongé à promener vos ennuis, vos cauchemars, vos tortures morales ; vous avez dû beaucoup souffrir, mon cher enfant.

1206. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — L — Leconte de Lisle, Charles-Marie (1818-1894) »

Le mal du siècle, sous sa forme dernière, qui est le nihilisme moral, aura rencontré peu d’interprètes de cette âpreté d’accent.

1207. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre VII. Maurice Barrès et Paul Adam » pp. 72-89

L’homme moral de Kant n’agit pas de telle sorte que son action soit heureuse aux autres, mais qu’elle soit aux autres une norme.

1208. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XIII. Premières tentatives sur Jérusalem. »

La science du docteur juif, du sofer ou scribe, était purement barbare, absurde sans compensation, dénuée de tout élément moral 586.

1209. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Deuxième partie. Ce qui peut être objet d’étude scientifique dans une œuvre littéraire — Chapitre IV. Cause immédiate d’une œuvre littéraire. L’auteur. Moyens de le connaître » pp. 57-67

Comme on retouche le portrait moral qu’on tracerait de lui d’après l’Emile ou le Contrat social, quand on consulte ses Confessions ou les récits des contemporains !

1210. (1899) L’esthétique considérée comme science sacrée (La Revue naturiste) pp. 1-15

Il est donc indispensable de s’instruire des sciences morales.

1211. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « De la question des théâtres et du Théâtre-Français en particulier. » pp. 35-48

Je n’ai pas à m’occuper des dispositions de ce projet ni à les discuter ; mais il s’agit d’une matière qui prête à bien des observations littéraires, morales, et je tâcherai d’en toucher quelques-unes.

1212. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « M. de Montalembert orateur. » pp. 79-91

C’est ce caractère moral qui, répandu sur toute une vie, contribue beaucoup à l’autorité dès la jeunesse.

1213. (1864) William Shakespeare « Première partie — Livre V. Les âmes »

Mécaniquement infatigable, tu pourrais être à bout de forces dans l’ordre intellectuel et moral !

1214. (1864) William Shakespeare « Deuxième partie — Livre V. Les esprits et les masses »

Un rehaussement moral est nécessaire.

1215. (1904) La foi nouvelle du poète et sa doctrine. L’intégralisme (manifeste de la Revue bleue) pp. 83-87

L’homme a établi des sciences partielles, physiques, naturelles, morales, sociales, etc., etc.

1216. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre dixième. »

Quel résultat moral peut-on tirer de-là ?

1217. (1864) De la critique littéraire pp. 1-13

La critique serait comme le Versailles des sages de la littérature ; on n’y serait admis que sur la présentation de son acte de naissance, ou, par exception, de quelque œuvre capable de mûrir le jugement et de hâter l’expérience, poème épique ou didactique, tragédie, roman moral.

1218. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XXII. La comtesse Guiccioli »

Car il était violent et doux, indolent et passionné, efféminé et héroïque, magnanime et mesquin, enthousiaste et moqueur, moral et immoral, sceptique et religieux ; il était tout cela en même temps et tour à tour, — comme les enfants sont ce qu’ils sont — et comme eux, en l’étant, il obéissait à sa nature.

1219. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Le capitaine d’Arpentigny »

Il les a, elles le surmontent, elles le trahissent et le dominent malgré lui, malgré ses sympathies, malgré les notions qu’il se fait du beau littéraire, du beau politique et du beau moral !

1220. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « M. de Lacretelle » pp. 341-357

Ainsi, il était né royaliste, comme ses pères, et il laissa là l’opinion de ses pères, lui, l’homme de la race et de la famille, comme si ce n’était pas le commencement d’un parricide moral, pour une âme haute, que de n’avoir plus l’opinion de son père !

1221. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Léon XIII et le Vatican »

En restant dans l’ordre purement humain de la logique, cette biographie est évidemment une promesse, et qui ne sera suivie d’aucune surprise, car, avant d’être Léon XIII, celui qui porte maintenant ce nom a, toute sa longue vie, montré l’aptitude la plus haute, la plus appliquée et la plus soutenue au gouvernement moral et politique des hommes.

1222. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « Le comte de Gasparin » pp. 100-116

Tous les actes de ce Pape immense, son intervention radieuse dans toutes les questions morales et politiques de son temps, les divorces des rois auxquels il s’opposa, l’indépendance de l’Église qu’il maintint, l’Inquisition, — qui a fait dire plus de bêtises qu’elle n’a brûlé d’hérétiques, et qui sauva (dit Villani, un ennemi de la Papauté !)

1223. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Léon Gozlan » pp. 213-230

Il n’est ni religieux, ni moral, ni utilitaire même.

1224. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Gustave Flaubert » pp. 61-75

Tel est le défaut radical d’un ouvrage qui se recommande par des qualités d’une grande force, mais que la critique devait signaler tout d’abord, avant tout détail et toute analyse, parce que ce défaut affecte l’ensemble et le fond du livre même, — parce que cette indigence de sensibilité, d’imagination, et je dirai plus, de sens moral et poétique, se retrouve à toute page et frappe l’œuvre entière de M. 

1225. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Le Comte de Gobineau »

… Pour peu qu’on plonge et qu’on pénètre dans tous les endroits de son roman et qu’on cherche à l’éclairer par les idées morales de l’auteur, on ne trouve guères, sous des formes élégantes, qu’un stoïque en lui (voir son personnage de Gandeuil).

1226. (1889) Essai sur les données immédiates de la conscience « Conclusion »

Dès lors toute différence est abolie entre la durée et l’étendue, entre la succession et la simultanéité ; il ne reste plus qu’à proscrire la liberté, ou, si on la respecte par scrupule moral, à la reconduire avec beaucoup d’égards dans le domaine intemporel des choses en soi, dont notre conscience ne dépasse pas le seuil mystérieux.

1227. (1914) Note conjointe sur M. Descartes et la philosophie cartésienne pp. 59-331

On fait le moral, ou l’immoral. […] Par un obscur besoin de compensation qui est au fond de toutes les morales et peut-être de plus que les morales, par une sorte de rageuse et de sournoise opiniâtreté de talion contre soi-même et au fond d’apaisement des dieux il n’a pas cessé d’espérer sourdement qu’en sacrifiant le bonheur il aurait au moins le travail. […] Les économiques, les civiques, les morales, les métaphysiques sont commandées par la manière dont elles traitent ce point du présent. […] Il faut ajouter que les morales ou que les immorales raides, quand elles s’y mettent, sont infiniment plus dangereuses que les immorales souples. […] De même que les morales souples sont plus exactes et plus sévères et plus astreignantes que les morales raides, de même les immoralités raides sont plus dangereuses, et plus frauduleuses, et plus véreuses que les immoralités molles.

1228. (1907) Propos de théâtre. Quatrième série

Donc pour ce qui est de son fond moral, le Serpent noir est admirablement né pour le théâtre ; mais, comme fait matériel, beaucoup moins, et je ne sais si j’eusse conseillé à M.  […] Il convainc très facilement Mme Darnot, qui n’a pas beaucoup de sens moral, qui n’a pas beaucoup de sensibilité et qui aime Kervil. […] Le fond moral en plaira à la foule plus qu’il n’a pu faire au public de première, et elle contient des scènes qui sont d’une vraie beauté. […] Ils sont brutaux, grossiers, « arrivistes » forcenés et dépourvus complètement de sens moral. […] Alors de nouvelles valeurs morales seront créées et les vieilles valeurs morales seront abolies.

1229. (1879) À propos de « l’Assommoir »

Comme caractère moral : bonne fille, c’est ce qui domine tout. […] A un moment où les misères du peuple émeuvent tous les cœurs généreux, où l’on cherche sérieusement un moyen d’y remédier, il serait criminel de calomnier ce peuple, d’exagérer ses vices ; mais il est honnête, utile et moral de le montrer tel qu’il est. […] Leurs contemporains, qui n’employaient leur gros langage que par grossièreté, n’avaient pas la science physiologique que l’on possède aujourd’hui, et qui permet d’étudier les influences physiques que subit l’homme moral ; les maîtres seuls avaient le génie, qui tient lieu de tout.

1230. (1938) Réflexions sur le roman pp. 9-257

Je n’en veux pas venir à la question des fins morales de l’art, mais réfléchir seulement à deux problèmes que touche en passant M.  […] Voilà la triste et merveilleuse découverte d’un nouveau monde moral. […] Le sens à la fois littéraire et moral que M.  […] Mais il ne faut pas oublier que notre race a conservé longtemps des cadres moraux suffisamment rationnels à des impulsions érotico-affectives, sublimées de temps à autre en ingénieux mysticismes théoriques. […] Loin de moi la pensée de trouver dangereuses et fausses les idées religieuses et morales qui nous mettent en garde contre l’amour du plaisir et qui contribuent à nous placer dans la divine mesure.

1231. (1814) Cours de littérature dramatique. Tome III

Les fureurs et les extravagances d’Orosmane pour cette petite Zaïre, commencent aussi à ne plus paraître si touchantes, depuis que le physique de l’amour a prévalu chez nous sur le moral. […] On pourrait appliquer aux poètes ce que Platon dit des tyrans : « Si l’on découvrait les tourments intérieurs, les angoisses secrètes qui les déchirent, on ne leur envierait point une vaine fumée qu’ils achètent au prix de leur repos. » Pour comble de malheur, Voltaire n’était pas content de ses magots chinois et de son brigand tartare ; il trouvait tout cela froid et languissant : il ne pouvait se dissimuler le double intérêt qui porte au commencement de la pièce sur l’orphelin, et ensuite sur l’amour de Gengiskan ; l’héroïsme de l’amour maternel et celui de l’amour conjugal réunis dans Idamé ; l’héroïsme patriotique de Zamti : l’héroïsme moral de Gengiskan ; tous ces prodiges de vertu accablent le spectateur sous le poids de l’admiration ; à force d’admirer, on finit par bâiller. […] Du côté moral, le défaut du pathétique est moins dangereux que l’excès, parce qu’il n’émousse pas la sensibilité du peuple ; il ne dessèche pas les âmes ; et, même en littérature, des tragédies d’un effet médiocre laissent plus de ressource à l’art que des spectacles affreux dont l’humanité s’indigne. […] La moderne philosophie, c’est-à-dire, la profession ouverte d’incrédulité pour toute révélation, pour tout espoir d’une autre vie, a dû nécessairement relâcher les liens de tous les devoirs de la société actuelle, réduire le catéchisme des gens comme il faut à leur bien-être personnel, et substituer au sentiment moral des sensations physiques. […] La comédie des Jeux de l’amour et du hasard n’est pas seulement, comme toutes les pièces de Marivaux, une surprise de l’amour ; elle offre un fond sérieux et moral ; elle touche un point délicat qui intéresse le bonheur de la vie, la difficulté de se connaître avant de s’épouser.

1232. (1908) Après le naturalisme

Nous affirmons nous, que l’art toutes les fois qu’il n’est pas moral — nous ne disons pas moraliste — s’avère immoral et cela volontairement, de parti-pris, avec une pensée déterminée de scandale, de luxure, de perversion sentimentale ou autre. […] C’est que dans le monde moral il devient bien difficile de suivre les phénomènes qui pourtant s’y accomplissent selon le même déterminisme qui régit l’inanimé. Tout comme dans la société, qui dépend du moral, nous sommes incapables, le plus souvent, de remonter au (point de départ des événements et d’en discerner les facteurs. […] Le bonheur, il n’y a que les sages des religions, des morales, des philosophies qui y parviennent, par l’esprit.

1233. (1856) Le réalisme : discussions esthétiques pp. 3-105

Ce besoin de déplacer le corps quand on ne peut faire agir l’esprit, est un phénomène moral, qui se retrouve à toutes les époques fortement tenues, où l’on respire un air douteux, mêlé. — La veille de la révolution d’Angleterre, Pyne, Hampden et Cromwell allaient partir. […] Il fait connaître le moral de son héros, il le fait marcher, causer, agir, penser, toutes fonctions interdites au pinceau. […] Tout se tient dans l’homme ; une difformité dans la figure se retrouve au moral, et en y apportant une scrupuleuse attention, on trouverait dans les œuvres d’un homme qui louche cette imperfection par quelque côté. […] Il sait combien le moral a de poids sur le physique. […] Champfleury m’a toujours paru très acceptable, parce que j’y ai vu l’expression sincère de la nature, et qu’il m’a semblé que ses portraits étaient ressemblants, tant au moral qu’au physique.

1234. (1940) Quatre études pp. -154

J’ai trouvé le dénouement de Lenore très moral : son amant même la punit du crime dont il est la cause ; cette pensée est terrible, on peut la méditer avec fruit. — On dira que je n’ai pas imité assez scrupuleusement l’original ; j’avoue que je n’ai pas eu le courage de faire danser les morts ni de détailler les dernières scènes de Lenore ; le goût français s’y oppose. […] Barbauld reprochait à son poème de manquer de morale : et voici quelle était sa réponse : Je lui dis qu’à mon avis, ce poème en avait trop ; et que le seul, ou plutôt, si j’ose ainsi m’exprimer, le principal défaut est que le sentiment moral soit si ouvertement imposé au lecteur comme principe ou cause d’action dans un ouvrage qui n’est que d’imagination pure. […] Quelques historiens de nos lettres, et non des moindres, ont voulu voir dans le romantisme une invasion étrangère, dont les conséquences ont été de dénaturer notre âme, de lui apprendre des façons de penser et de sentir qui étaient directement opposées aux principes esthétiques et moraux qui l’avaient inspirée jusque-là. […] Quant aux passions, elles sont, dans le monde moral, ce qu’est le mouvement dans le monde physique. […] XX) sont par nous empruntées au développement de Pierre Hermand, Les Idées morales de Diderot, Presses Universitaires de France, Paris, 1923 (Université de Paris, Bibliothèque de la Faculté des Lettres, Deuxième Série, I).

1235. (1891) Lettres de Marie Bashkirtseff

Il était temps de me retirer, et, du reste, depuis un instant, j’éprouvais un vague malaise moral, une sorte d’effroi, je n’ose dire un pressentiment. […] J’étais en train de m’étonner de la laideur des hommes, ici, quand je vis arriver quelque chose de connu ; je tâchais de reconnaître, car il y a tant de monde, tant de figures… que les yeux faiblissent et deviennent hébétés au point de vue moral. […] » C’est un assassinat moral, plus cruel que l’autre, car, chez vous, il est quotidien. […] Et au moral ! […] Je suis opportuniste et surtout victime des contagions morales : ainsi il peut m’arriver de manquer de poésie, tout comme vous.

1236. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre I. La Renaissance païenne. » pp. 239-403

Ils ne sont point préoccupés, comme nous, de théories ; ils ne se travaillent point pour exprimer des idées philosophiques ou morales. […] Par-delà les preux, images glorifiées des vertus morales, il y a les dieux, modèles achevés de la beauté sensible ; par-delà la chevalerie chrétienne, il y a l’olympe païen ; par-delà l’idée de la volonté héroïque qui ne trouve son contentement que dans les aventures et le danger, il y a l’idée de la force sereine qui d’elle-même se trouve en harmonie avec les choses. […] Robert Burton. —  Sa vie et son caractère. —  Confusion et énormité de son érudition. —  Son sujet, l’Anatomie de la mélancolie. —  Divisions scolastiques. —  Mélange des sciences morales et médicales. […] C’est pour cela encore que dans ses recherches il confond tout en un monceau, propriétés végétatives et médicinales, mécaniques et curatives363, physiques et morales, sans considérer les plus complexes comme des dépendances des plus simples, au contraire, chacune d’elles en soi et prise à part comme un être irréductible et indépendant. […] In music, metaphysics, natural and moral philosophy, philology, in policy, heraldry, genealogy, chronology, etc., they afford great tomes, or those studies of antiquity, etc., et quid subtilius arithmeticis inventionibus ?

1237. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Les nièces de Mazarin et son dernier petit-neveu le duc de Nivernais. Les Nièces de Mazarin, études de mœurs et de caractères au xviie  siècle, par Amédée Renée, 2e éd. revue et augmentée de documents inédits. Paris, Firmin Didot, 1856. » pp. 376-411

Quant au moral, j’y mets tout ce que j’ai… Le duc de Nivernais dut sentir à chaque instant que, pour être un grand ambitieux et un premier acteur sur le théâtre de ce monde, le zèle, l’esprit ne suffisent pas : il faut encore une machine, des organes, une trempe de tempérament. […] Parmi les écrits du duc de Nivernais qui se rapportent assez bien avec cette ambition d’être gouverneur d’un prince et qui peuvent indiquer qu’il en était assez digne, on distingue au troisième volume de ses Œuvres quelques essais moraux (Sur l’état de courtisan ; Sur la manière de se conduire avec ses ennemis), toutes instructions et conseils qu’il adressait à son beau-fils, le comte de Gisors, celui qui fut tué à vingt-cinq ans à la journée de Crefeld.

1238. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME GUIZOT (NEE PAULINE DE MEULAN) » pp. 214-248

La mort de son père dès 90, la ruine de sa famille, le séjour forcé à Passy et les réflexions sans trêve durant l’hiver dur de 94 à 95, concentrèrent sur le malheur des siens toutes ses puissances morales, et son énergie se déclara. […] Essentiel à méditer, comme conseil, dans toute éducation qui voudra préparer des hommes solides à notre pénible société moderne, ce livre renferme encore, en manière d’exposition, les plus belles pages morales, les plus sincères et les plus convaincues, qu’à côté de quelques pages de M.

1239. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre troisième. L’esprit et la doctrine. — Chapitre III. Combinaison des deux éléments. »

. — Ainsi, dans tout l’ordre social et moral, le passé justifie le présent ; l’antiquité sert de titre, et si, au-dessous de toutes ces assises consolidées par l’âge, on cherche dans les profondeurs souterraines le dernier roc primordial, on le trouve dans la volonté divine. — Pendant tout le dix-septième siècle, cette théorie subsiste encore au fond de toutes les âmes sous forme d’habitude fixe et de respect inné ; on ne la soumet pas à l’examen. […] Il ne leur faut qu’un seul mobile, le plus simple et le plus palpable, tout grossier, presque mécanique, tout physiologique, l’inclination naturelle qui porte l’animal à fuir la douleur et à chercher le plaisir. « La douleur et le plaisir, dit Helvétius, sont les seuls ressorts de l’univers moral, et le sentiment de l’amour de soi est la seule base sur laquelle on puisse jeter les fondements d’une morale utile… Quel autre motif que l’intérêt personnel pourrait déterminer un homme à des actions généreuses ?

1240. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre I. La préparations des chefs-d’œuvre — Chapitre II. Attardés et égarés »

Il ne traite pas son thème à la mode lyrique : s’il abonde en descriptions, en images, en ornements, il est sensible qu’il vise déjà surtout à noter, à détailler, à expliquer des faits moraux, qu’il traite comme des réalités. […] Il a fait, avec l’Astrée, un poème du Départ de Sireine, une imitation de la Diane de Montemayor, qu’il acheva en 1599, et des Épitres morales (Lyon, 1593, in-12).

1241. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre IV. Le Séminaire d’Issy (1881) »

L’institut de Saint-Sulpice a exercé sur moi une telle influence et a si complètement décidé de la direction de ma vie, que je suis obligé d’en esquisser rapidement l’histoire, d’en exposer les principes et l’esprit, pour montrer en quoi cet esprit est resté la loi la plus profonde de tout mon développement intellectuel et moral. […] C’est là que j’ai appris l’art de peindre la nature par des traits moraux.

1242. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — Chapitre III »

Le Poirier, au contraire, vous représente un de ces types ordinairement et régulièrement ignobles qui donnent à l’âme des nausées morales. […] La tristesse un peu sévère de son fond moral est relevée par la diversité des caractères qui s’y jouent, par des situations émouvantes, par un esprit net, vif, spontané, qui abonde en mots justes, en saillies faciles, en traits qui résonnent et qui frappent aux endroits qu’ils visent.

1243. (1856) La critique et les critiques en France au XIXe siècle pp. 1-54

cette reproduction de l’état moral d’une société éteinte est devenue souvent, sous la plume de nos critiques, une œuvre digne à son tour des regards de la postérité. […] Un vice plus grave c’est que, dans ses jugements mêmes, elle s’est faite quelquefois l’adulatrice obséquieuse de son public, souriant à ses préjugés, courtisant ses faiblesses, et prêtant à ses défaillances morales le patronage dangereux de son éloquence.

1244. (1920) Action, n° 3, avril 1920, Extraits

Séraphin t Entre deux Morales « De l’audace… Encore de l’audace est toujours de l’audaceu » C’était le cri d’un homme. […] Ce qui fut spécial à cette guerre récente, c’est l’abaissement moral des gens d’intellectualité raffinée, des savants, des philosophes, des écrivains.

1245. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « H. Forneron » pp. 149-199

Et cependant, cette histoire, individuellement dramatique, pouvait s’ouvrir à plus larges battants, et l’action du premier Guise se produire sur un grand fond qui n’est pas ici, et qui devait être le tableau complet, moral et intellectuel de l’Europe. […] Double déchet, moral et esthétique !

1246. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Mémoires de l’impératrice Catherine II. Écrits par elle-même, (suite.) »

Catherine, connaissant l’humeur et l’étourderie, le mélange de faiblesse et de violence du grand-duc, et voyant éclater les premiers symptômes graves de sa désaffection à l’occasion de sa seconde grossesse, où elle accoucha d’une fille (décembre 1758), s’était à l’avance posé tous les cas, toutes les chances, et elle les énumérait ainsi : ou bien, 1°, s’attacher à lui, lier sa fortune à la sienne, quelle qu’elle fût ; ou bien, 2°, rester exposée à toute heure à ce qu’il lui plairait de disposer pour ou contre elle ; ou enfin, 3°, prendre une route indépendante de tout événement ; mais laissons-la s’exprimer elle-même : « Pour parler plus clair, il s’agissait de périr avec lui ou par lui, ou bien aussi de me sauver moi-même, mes enfants et peut-être l’État, du naufrage dont toutes les facultés morales et physiques de ce prince faisaient prévoir le danger.

1247. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « M. Ernest Renan »

Il y plonge par ses racines, il en a gardé le fond ; et parmi ceux qui sont habitués à reconnaître et à démêler ce qui subsiste d’essentiel à travers les transformations morales, je n’étonnerai personne en disant que, sous sa formephilosophique la plus consommée, il a encore de sa race première certains traits que lui-même a notés comme les plus profonds et les plus durables, « la foi, le sérieux, l’antipathie pour ce qui est vulgaire, le mépris de la légèreté » ; — oui, la foi, — une sorte de foi, non au surnaturel, mais au divin ; et l’on peut dire en effet que, dans sa manière d’envisager la nature, l’histoire et l’humanité, M. 

1248. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Le père Lacordaire. Quatre moments religieux au XIXe siècle. »

Mais je me hâte d’ajouter, en ce qui est des Lettres présentes que, sauf cette veine d’enthousiasme, d’inspiration quand même, de chevalerie monastique à outrance, qu’il est impossible d’en retrancher ou d’en abstraire, et qui en fait la perpétuelle singularité, il y a quantité de vues morales, fines, délicates, exprimées à ravir, et bien des conseils appropriés, — les conditions toujours étant admises et le cadre accordé ; positis ponendis, comme on disait dans l’École.

1249. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « MADAME TASTU (Poésies nouvelles.) » pp. 158-176

La plus célèbre des femmes de ce temps, parlant quelque part du caractère d’un de ses héros61, le compare a une chaîne d’airain ; mais il y avait dans cette chaîne, dit-elle, un anneau d’or qui, à l’occasion, rompait toujours ; cet anneau d’or, c’était une bonne qualité, mêlée à d’autres plus énergiques que morales.

1250. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « HOMÈRE. (L’Iliade, traduite par M. Eugène Bareste, et illustrée par M.e Lemud.) —  second article  » pp. 342-358

La grande et solennelle députation de Phœnix, d’Ajax et d’Ulysse compose, en quelque sorte, le milieu moral du poëme et nous transporte au centre même de l’absence d’Achille.

1251. (1902) L’observation médicale chez les écrivains naturalistes « Chapitre III »

Nous trouvons dans sa très consolante Introduction à la médecine de l’esprit, la même remarque appliquée à Victor Hugo : « Dans sa longue existence où il a vu périr tant d’êtres qui le tenaient de près, comptez combien sont rares les minutes d’accablement moral et comme il versa peu de larmes personnelles pour lui tout seul.

1252. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre premier. De la première époque de la littérature des Grecs » pp. 71-94

De la première époque de la littérature des Grecs Je comprends dans cet ouvrage, sous la dénomination de littérature, la poésie, l’éloquence, l’histoire et la philosophie, ou l’étude de l’homme moral.

1253. (1861) La Fontaine et ses fables « Première partie — Chapitre II. L’homme »

Ce naturel est gaulois, trop gaulois, dira-t-on, c’est-à-dire peu moral, médiocrement digne, exempt de grandes passions et enclin au plaisir.

1254. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Deuxième partie. Invention — Chapitre VII. Induction et déduction. — Diverses causes des faux raisonnements »

Surtout quand il s’agit de vérités morales ou littéraires, on opère sur des faits plus complexes, sur une réalité moins précise, sur des principes moins absolus, et il est souvent fort délicat de retenir le fil de son raisonnement.

1255. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre III. Poésie érudite et artistique (depuis 1550) — Chapitre I. Les théories de la Pléiade »

« Laisse, dit Du Bellay, toutes ces vieilles poésies françoises aux Jeux Floraux de Toulouse et au puy de Rouen, comme Rondeaux, Ballades, Virelais, Chants royaux, Chansons, et autres telles épiceries… — Jette-toi à ces plaisants épigrammes, … à l’imitation d’un Martial… Distille… ces pitoyables élégies, à l’exemple d’un Ovide, d’un Tibulle et d’un Properce… — Chante-moi ces odes inconnues encore de la muse françoise, d’un luth bien accordé au son de la lyre grecque et romaine. » On pourra faire des épitres, élégiaques comme Ovide, ou morales comme Horace ; des satires, à la façon d’Horace.

1256. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — G — Gautier, Théophile (1811-1872) »

D’idées philosophiques, ou historiques, ou morales, ne nous en préoccupons même pas… Gautier n’avait pas plus de sensibilité que d’idées… Dès que Gautier écrit plus de deux pages en vers, il est mortellement ennuyeux.

1257. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XV. Commencement de la légende de Jésus  Idée qu’il a lui-même de son rôle surnaturel. »

Les innocents aphorismes de son premier âge prophétique, en partie empruntés aux rabbis antérieurs, les belles prédications morales de sa seconde période aboutissent à une politique décidée.

1258. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XVII. Forme définitive des idées de Jésus sur le Royaume de Dieu. »

C’était la religion pure, sans pratiques, sans temple, sans prêtre ; c’était le jugement moral du monde décerné à la conscience de l’homme juste et au bras du peuple.

1259. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXV » pp. 259-278

Il offre tant de sympathies diverses à satisfaire, il soumet les sympathies physiques à tant de sympathies morales et intellectuelles, il présente tant de points de défense et d’attaque en même temps, il fait naître tant désirs au-delà du désir même, il offre tant à conquérir au-delà de la dernière conquête, il donne tant de jeu aux craintes, aux espérances, il arrête les progrès si près du but et y rappelle si puissamment par l’effort même qui en éloigne, enfin il y a tant de distance entre les voluptés que l’art le plus exercé ou le naturel le plus aimable peuvent donner à l’abandon et le charme de cette retenue mystérieuse qui arrête les mouvements d’un cœur passionné, que rien n’est impossible à une grande passion dans le cœur d’une telle femme.

1260. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXVI » pp. 279-297

Les premières impressions que le roi avait faites sur madame Scarron, à son entrée dans Paris, étaient peut-être de celles que la beauté et la jeunesse font sur les sens d’une femme jeune et sympathique ; mais l’auréole de gloire qui environnait cette belle tête de Louis XIV, la douce et noble fierté de son attitude soumirent aussitôt les sympathies physiques aux sympathies morales.

1261. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Mémoires touchant la vie et les écrits de Mme de Sévigné, par M. le baron Walckenaer. (4 vol.) » pp. 49-62

C’est la personne la moins semblable au moral à Mme de Sévigné, mais elle peut en être rapprochée sans injure pour l’esprit et pour la grâce.

1262. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Chefs-d’œuvre de la littérature française (Collection Didot). Hamilton. » pp. 92-107

On sent d’abord combien les idées morales ont changé en ces matières, pour que, même en plaisantant, l’historien puisse faire honneur au héros de ce qui intéresse si fort la probité.

1263. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des pièces de théâtre — Préface du « Roi s’amuse » (1832) »

Si l’ouvrage est moral par l’invention, est-ce qu’il serait immoral par l’exécution ?

1264. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Troisième Partie. De la Poësie. — I. La Poësie en elle-même. » pp. 234-256

Avec quel art il supplée aux enchantemens de la fable, par des images vraies, neuves, fortes & plus séduisantes qu’elle, par la manière frappante & naturelle dont les êtres moraux sont animés dans leurs discours & dans leurs actions !

1265. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Madame Récamier »

Le portrait moral qui se dégage de tout cela n’individualise pas plus Madame Récamier que son portrait physique par lequel commencent ces Souvenirs.

1266. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Eugène Fromentin ; Maxime du Camp »

C’est un esprit sain, très naturel, sans utopie, admirant et comprenant très bien les arabes, qu’il nous a peints en larges traits, — et ce sont les meilleures pages, parce qu’elles sont morales, de ce récit, abusivement physique, où l’éternelle description dévore tout et en a le droit, car dans les livres de voyage elle est sur son terrain plus qu’ailleurs.

1267. (1915) La philosophie française « I »

Moins célèbre que Nietzsche, Guyau avait soutenu, avant le philosophe allemand, en termes plus mesurés et sous une forme plus acceptable, que l’idéal moral doit être cherché dans la plus haute expansion possible de la vie.

1268. (1814) Cours de littérature dramatique. Tome I

Quand on pense que cette fleur de la politesse nous vient des Goths, que le culte des femmes, le moral de l’amour et les raffinements de la galanterie ont pris naissance parmi les hordes sauvages du Nord, on est tenté de croire que ce sont des Grecs et les Romains qui étaient les barbares. […] Observez bien que ce sont ici des réflexions morales, et non des observations littéraires : on ne manquerait pas de crier au blasphème ; on m’accuserait de dénigrer Corneille, moi qui suis un de ses plus grands admirateurs. […] Ce peuple savant et poli semble avoir employé le beau idéal uniquement pour l’expression des formes physiques, et presque jamais pour celle des caractères, des sentiments et des idées morales. […] Goldoni a payé le tribut ; à son siècle, lorsque, pour rendre plus moral le Menteur de Corneille, il en a fait un vil coquin. […] Ce personnage assurément n’est ni héroïque ni tragique ; mais c’est un caractère vrai, instructif et moral.

1269. (1887) Études littéraires : dix-neuvième siècle

Il remarque très judicieusement, et il pose en principe que le christianisme a eu pour principal effet de renouveler le fonds moral de l’homme. […] La désespérance, la mélancolie, la fatigue d’être sont devenues des états ordinaires après lui, et des habitudes morales, et jusqu’à des attitudes mondaines. […] Mais le fond manquait, les idées originales et fortes, soit proprement philosophiques soit morales. […] Il y a un genre plus élevé, c’est le lieu commun moral. […] C’est le fond moral d’une épopée.

1270. (1846) Études de littérature ancienne et étrangère

Ces leçons publiques, ces déclamations furent évidemment la première origine, la première occasion des nombreux traités moraux de Plutarque. […] Nulle part le nom de chrétien n’est prononcé dans ces œuvres morales, où Plutarque a parlé de tant de choses. […] La comédie, telle que Ménandre paraît l’avoir conçue, touche de trop près au roman moral, pour ne pas croire qu’une société qui a pu inspirer l’une, pouvait aussi servir de texte à l’autre. […] Marmontel en a tiré le plus touchant de ses contes moraux. […] C’est une espèce de roman moral sur la magie ; c’est la Cyropédie de l’illuminisme.

1271. (1835) Critique littéraire pp. 3-118

Tel est le sens moral et symbolique de Volupté. […] Esclave de ses désirs, livré aux plus grossières voluptés, et comptant ses jours par ses chutes ; libertin hypocrite, couvrant ses vices d’un vernis de mysticisme ; homme de mœurs élégantes, courant les ruelles ; homme de piété et d’études sérieuses, méditant froidement des séductions entre les bras des courtisanes, Amaury est, suivant moi, un type tout à fait à part, une énormité dans l’ordre moral ; et, s’il personnifie le sensualisme, qu’on me permette de le dire, c’est le sensualisme des muletiers ! […] Sainte-Beuve pouvait être plus utile, plus actuel, d’une application plus réelle et plus directe, en un mot plus moral, sans cesser pour cela d’être catholique. […] Cherchons-en le sens, car tous ses ouvrages ont un sens moral, une portée philosophique ; le roman n’est qu’une forme.

1272. (1907) L’évolution créatrice « Chapitre III. De la signification de la vie. L’ordre de la nature et la forme de l’intelligence. »

On n’a pas assez remarqué combien la portée de la déduction est faible dans les sciences psychologiques et morales. […] La déduction ne réussit dans les choses morales que métaphoriquement, pour ainsi dire, et dans l’exacte mesure on le moral est transposable en physique, je veux dire traduisible en symboles spatiaux. […] Enfin, si l’évolution de la vie s’était heurtée à des accidents différents sur la route, si, par là, le courant de la vie avait été divisé autrement, nous aurions été, au physique et au moral, assez différents de ce que nous sommes.

1273. (1901) Des réputations littéraires. Essais de morale et d’histoire. Deuxième série

Il y aurait quelque chose de contradictoire à parler d’une grande réputation dont l’objet, dans l’ordre moral, serait absolument vil ; et, si au mot réputation nous substituons le mot gloire, l’impossibilité d’un tel langage sera rendue flagrante. […] C’est peu de dire que le public a les pires défauts moraux et intellectuels : l’indifférence, la paresse, l’esprit de routine, la peur et la haine de la nouveauté, l’inertie qui résiste et l’inertie qui suit. […] et le mouvement de dissolution des croyances non seulement religieuses, mais morales, a son origine dans leurs ouvrages d’une si stoïque austérité26 ! […] Que de hautes qualités intellectuelles et surtout morales elle exige ! […] Tout ce qui est art pur dans l’ordre littéraire n’existe que par lui ; et tout ce qui n’est pas strict objet de science ou simple matière d’information, l’esthétique, la critique, les considérations littéraires et morales, la philosophie de l’honnête homme, a besoin de son secours.

1274. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Première série

L’amour de la femme, non idyllique, mais l’amour chez un homme de trente ans, tient plus de place que dans les Solitudes, et aussi la philosophie et le problème moral. […] S’il est vrai qu’une des facultés qui font les grands poètes, c’est de saisir entre le monde moral et le monde matériel beaucoup plus de rapports et de plus inattendus que ne fait le commun des hommes, M.  […] Mais c’est aussi, nous l’avons vu, un certain optimisme, la sympathie pour l’homme, exprimée directement, l’observation du « milieu intérieur » et, sous les déguisements de la mode, de l’éternel fond moral de l’humanité. […] Taillandier, examinant avec conscience la « sotie » de Flaubert, n’y trouvait point de clarté, point d’intelligence de l’histoire, point de bon sens, point de décence, point de sens moral, point d’idéal. […] Très varié au moyen âge, tour à tour grivois, religieux, moral ou merveilleux, il est surtout grivois (parfois tendre) au XVIe et au XVII siècle.

1275. (1916) Les idées et les hommes. Troisième série pp. 1-315

Nous avons connu des jours atroces et rien ne pourra arracher de ma mémoire l’impression d’anéantissement physique et moral dont nous étions alors frappés, mes camarades et moi. » M.  […] … Bernhardi nous supplie de ne pas confondre le « droit écrit » et le droit « biologique ou moral ». […] Mais elle exploite financièrement ce territoire ; elle n’y accomplit pas une œuvre civilisatrice : elle n’a pas un droit « moral » sur le Congo ! […] Et, comme cette œuvre est tout occupée de notre littérature française, c’est (pour ainsi parler) notre littérature française qui s’en trouve consacrée, ses leçons morales glorifiées. […] La Rochefoucauld et Pascal ont établi pour jamais le scepticisme moral ; et Descartes, le scepticisme métaphysique.

1276. (1894) La vie et les livres. Première série pp. -348

Que de costumes il avait endossés, avant de revêtir l’habit à palmes vertes dessiné par David et de s’asseoir aux séances paisibles de l’Académie des sciences morales, où la Révolution de 1830 venait de réinstaller plusieurs hommes dont la destinée, comme la sienne, avait été inquiète et tumultueuse ! […] Au-dessus des petites âmes, dont il avait raconté, avec une pitié minutieuse, les obscurs débats, les futiles douleurs, les lassitudes morales, et les infinitésimales puérilités, il vit une âme autrement blessée et inconsolable, l’âme de la France. […] Mieux vaut se laisser prendre à l’émotion tendre et douloureuse qui anime tout ce drame moral, et féliciter M.  […] L’histoire littéraire prouve que presque tous les livres dont le succès fut soudain et décisif ont dû leur réussite moins encore à l’habileté technique de leurs auteurs qu’à la sensation de soulagement intellectuel et moral qu’ils procurèrent au public. […] Idéalistes inassouvis, à ce point qu’ils priaient leurs philosophes d’épurer Platon, les Alexandrins aimaient d’une égale passion les fantaisies morales et la littérature secrète.

1277. (1802) Études sur Molière pp. -355

Dans Le Prince jaloux, c’est un courtisan ; et Molière, par ce changement seul, est infiniment plus moral. […] Dans la pièce de Térence le but moral est manqué, puisque le jeune homme élevé avec douceur en abuse, non seulement pour son compte, mais pour servir les fredaines de son frère. […] Le but moral. — Je vois bien celui que s’est proposé l’auteur, en faisant couvrir de mépris une coquette, en persiflant une prude, en tournant en ridicule un bel esprit de cour ; mais, que nous apprend Alceste ? […] Le spectateur, forcé d’écouter Alceste, pour rire ensuite avec le fagotier, sentit peu à peu tout le mérite du premier, et le philosophe moral lui parut enfin digne d’occuper la scène, sans le secours du bouffon. […] Le but moral. — Molière l’a porté au plus haut degré, en faisant de Tartuffe, non seulement un hypocrite, mais encore un suborneur qui, tout en parlant vertu, veut séduire la femme de son ami ; un monstre enfin qui dénonce son bienfaiteur.

1278. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre I. Les origines. — Chapitre I. Les Saxons. » pp. 3-71

Avec quelle tristesse, quelle fureur et quels dégâts un pareil naturel se déborde, on le verra dans Byron et dans Shakspeare ; avec quelle efficacité, avec quels services il s’endigue et s’emploie sous les idées morales, on le verra dans les puritains. […] Au-delà de l’Humber, je pense qu’il n’y en avait guère ; il y en avait si peu, qu’en vérité je ne me rappelle pas un seul homme qui en fût capable, au sud de la Tamise, quand je pris le royaume. » Il essaya, comme Charlemagne, d’instruire ses sujets, et mit en saxon à leur usage plusieurs livres, surtout des livres moraux, entre autres la Consolation de Boëce ; mais cette traduction même témoigne de la barbarie des auditeurs. […] Bien plus, sous la contrainte du climat et de la solitude, par l’habitude de la résistance et de l’effort, le modèle idéal s’est déplacé pour lui ; ce sont les instincts virils et moraux qui ont pris l’empire, et parmi eux, le besoin d’indépendance, le goût des mœurs sérieuses et sévères, l’aptitude au dévouement et à la vénération, le culte de l’héroïsme.

1279. (1896) Journal des Goncourt. Tome IX (1892-1895 et index général) « Année 1895 » pp. 297-383

Vous avez mis dans votre style les jeux de la lumière, les frissons du plein air, la coloration et la vie du monde extérieur ; vous y avez mis aussi les secousses intérieures, les émotions subtiles, les troubles secrets du monde moral ; et désireux de retenir dans votre phrase, un peu de ce qui luit ou de ce qui vibre, de ce qui aime ou de ce qui souffre, vous avez demandé à la richesse et à la diversité des formes, l’art d’exprimer fidèlement la multiplicité infinie de la nature. […] Et le voilà, faisant au romancier, qu’il sait que je suis, un douloureux tableau, ma foi, pas mal fait, de l’état moral de l’individu, qui a commis un acte indélicat, et qui ne peut se replacer qu’avec un certificat, que l’homme qu’il a volé, est dans l’impossibilité de lui donner, et n’ayant devant lui que le suicide, tirade qu’il termine, en disant qu’il n’a pas mangé, depuis le matin. […] Et surtout, il nous venait une horreur des grosses colorations, auxquelles j’avais un peu trop sacrifié, et nous cherchions dans la peinture des choses matérielles, à les spiritualiser par des détails moraux.

1280. (1888) Portraits de maîtres

Au commencement du siècle, dans l’état moral que nous avons indiqué, la mélancolie fut dominante. […] C’est l’amour, volontaire dans son origine, légal dans ses conditions, assez profondément moral pour susciter par son énergie les œuvres de l’intelligence et du cœur. […] Il faut apprendre à l’homme à croire en ses aptitudes morales et à se sentir né pour la grandeur et pour le bien. […] Sans doute la fortune de professeurs tels que Michelet ou Quinet ne se rencontre pas fréquemment ; mais ne serait-il pas désirable de retrouver plus souvent chez leurs successeurs universitaires cette pratique d’exhortations morales et de conseils patriotiques. […] Cette union à longue échéance souleva bien quelques objections dans l’esprit si net de la mère d’Edgar Quinet, mais ces objections tombèrent devant l’évidence de l’amour et la certitude des affinités morales.

1281. (1890) Les princes de la jeune critique pp. -299

Il faut qu’il ait en outre le coup d’œil sûr, le bras solide, la connaissance des écueils et des courants, l’adresse et la science d’un marin consommé ; et voilà comme aux qualités morales dont il ne peut se passer viennent s’ajouter des qualités intellectuelles dont il a un égal besoin. […] Je voudrais être très indiscret et l’interroger sur les grands problèmes de la vie, lui demander tour à tour ses idées religieuses, politiques et morales, pour finir par ses idées littéraires. […] Je soupçonne qu’il est fort loin d’être un adepte des théories religieuses et sociales de Diderot, ce qui ne l’a pas empêché de rendre justice aux qualités morales et même dramatiques du philosophe. […] En somme, une méthode qui consiste à étudier d’après soi-même les tendances intellectuelles et morales de toute une génération vaut exactement ce que vaut celui qui l’emploie. […] Il se soucie moins de peindre le monde extérieur que les impressions et les émotions qu’il en reçoit ; et, quand il veut rendre les caractères d’un site, la physionomie d’un paysage, c’est au monde moral qu’il emprunte le plus souvent ses traits.

1282. (1884) Propos d’un entrepreneur de démolitions pp. -294

Salamandre de ses propres sentiments, elle a offert l’étonnant exemple de la plus violente existence de femme dans le centre même d’une flambée de splendeurs morales qui purifient sa mémoire et nous la font paraître, aujourd’hui, presque innocente. […] Il fut toute sa vie de chrétien un Tartuffe croyant, un chaste impur, un justicier capricieux, un sentimental implacable absurde synthèse vivante de contradictions morales, proie désignée d’avance pour le plus solennel festin de ce sphinx à tête d’âne que Pascal appelait l’Opinion. […] Il aurait fallu pour cela un ensemble d’énergies morales et intellectuelles que le malheureux ne possédait guère. […] La vérité, la substance des choses, le fond des âmes, étaient de peu d’intérêt pour lui et les splendeurs morales de toute sorte glissaient sur son intelligence et sur son cœur comme les rayons du soleil d’Afrique sur les écailles d’un vieux crocodile affamé et larmoyant aux pieds du Sphinx de l’Épouvante. […] Il était assez curieux que le Figaro, dont il avait quémandé le suffrage, eût été précisément choisi pour lui mettre ce jour-là sur la tête, non une pincée, mais une charretée de cendres ; tandis que tous les journalistes notoirement hostiles au christianisme et à toute espèce d’ordre moral, des scélérats et des pourceaux, tels que Francisque Sarcey ou Aurélien Scholl, le déshonoraient de leurs applaudissements.

1283. (1924) Intérieurs : Baudelaire, Fromentin, Amiel

Montaigne fait profession d’aimer Paris jusque dans ses verrues, mais Paris et ses verrues ne paraissent fournir que très accidentellement un lieu moral à la poésie du dix-septième et du dix-huitième siècle. […] « Celui qui s’attache au plaisir, c’est-à-dire au présent, me fait reflet d’un homme roulant sur une pente, et qui, voulant se raccrocher aux arbustes, les arracherait et les emporterait. » Le monde moral implique invinciblement un haut et un bas. […] « Une chose nous frappe quand on étudie le fond moral de l’art hollandais, c’est l’absence totale de ce que nous appelons aujourd’hui un sujet. » Fromentin, toujours réservé et prudent en matière de doctrine, n’avance point son sentiment avec une grande hardiesse. […] Fromentin conte l’histoire d’un amour, un amour qui naît — un amour qui s’épanouit et se déchaîne — un amour retombé sur la terre dure et qui d’abord s’y blesse, mais ensuite se confond calmement, lucidement avec les vibrations de la vie, avec la lumière intérieure, avec la conscience en le double sens psychologique et moral, avec de l’oubli et du souvenir à la fois. […] Mais le Journal lui marque sa place dans un certain climat moral indispensable à la critique française, parmi ce groupe du Léman, où, depuis Mme de Staël, notre critique est venue se recharger de conscience sérieuse et prendre contact avec certaines réalités morales.

1284. (1856) Réalisme, numéros 1-2 pp. 1-32

l’homme moral d’à présent est dédaigné parce que son corps n’a pas une guenille rouge ? […] L’infinie variété de l’homme moral se traduit par des aspects où la géométrie a moins de part, aspects irréguliers du corps et du vêtement. […] La gaîté du soleil est troublée par l’immense quantité de grandes douleurs, de sublimités et de rénovations morales qu’ils jettent dans l’air. […] Je n’en connais pas de meilleure, en effet, que celle-ci : agir sur ses contemporains, les remuer fortement, trouver ce qui doit infailliblement pénétrer dans leur sensibilité, exciter leur tact moral. […] On ne connaît pas son père ni son voisin qu’on voit agir, parce qu’ils renferment en eux leurs secrets moraux ; mais on connaît son arrière-grand-père par les lettres qu’il laisse.

1285. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXIIIe entretien. La Science ou Le Cosmos, par M. de Humboldt (2e partie). Littérature de l’Allemagne. » pp. 289-364

C’est elle qui tend à faire tomber les barrières que des préjugés et des vues intéressées de toute sorte ont élevées entre les hommes, et à faire envisager l’humanité dans son ensemble, sans distinction de religion, de nation, de couleur, comme une grande famille de frères, comme un corps unique, marchant vers un seul et même but, le libre développement des forces morales. […] Pour embrasser l’ensemble de la nature, il ne faut pas s’en tenir aux phénomènes du dehors ; il faut faire entrevoir du moins quelques-unes de ces analogies mystérieuses et de ces harmonies morales qui rattachent l’homme au monde extérieur ; montrer comment la nature, en se reflétant dans l’homme, a été tantôt enveloppée d’un voile symbolique qui laissait entrevoir de gracieuses images, tantôt a fait éclore en lui le noble germe des arts.

1286. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre II. L’époque romantique — Chapitre III. La poésie romantique »

Il se remet à prêcher sur les événements du jour, tantôt gravement moral, ou amèrement satirique, et penché sur les petitesses du monde. […] Il a le don de rapetisser, d’enniaiser tous les grands sujets, quand il y touche : la religion, par son Dieu des bonnes gens, ami de la joie et tendre aux mauvais sujets, par son agaçante conception d’un christianisme de pacotille qui met à l’aise tous les instincts matériels, par ses curés bénisseurs et bons vivants dont la perfection suprême est de ne pas être des gêneurs ; — le patriotisme, par un chauvinisme de méchant aloi, par l’exploitation fastidieuse de la gloire napoléonienne, avilie, vulgarisée, réduite aux puériles légendes de la redingote grise et du petit caporal ; — l’amour, par une sentimentalité frelatée, un mélange de grivoiserie et d’attendrissement qui exclut à la fois l’intensité de la passion sensuelle et la hauteur du sentiment moral ; — la morale, par une étroite et basse conception de la vie, mesquine dans la vertu, mesquine dans la jouissance, bien aménagée en un confortable égoïsme sans excès et sans danger.

1287. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Edmond et Jules de Goncourt »

Et c’est pour cela sans doute que, dans leur développement, dans la série de leurs états moraux, on remarque des lacunes, on surprend des effets qui paraissent sans causes, tout au moins des choses insuffisamment préparées et qui étonnent. […] On inventait la flatterie des épithètes morales pour sa peinture ; on disait qu’elle était « loyale et véridique », qu’elle avait la « sérénité des intentions et du faire ».

1288. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre quatrième »

On y sent à la vérité le sérieux d’un esprit qui n’a jamais été médiocrement touché des vérités morales, et que la première ardeur d’une conversion récente pousse à défendre la foi, avant même de l’avoir approfondie. […] Je ne le vois pas, sans regret, quitter la scène à la fin de la dixième Provinciale, alors que Pascal, passant tout à coup de la raillerie déguisée à l’attaque ouverte, et prenant le père à partie sur la maxime qui dispense d’aimer Dieu, l’exhorte à ouvrir les yeux et à se retirer des égarements de sa Société, ajoutant ainsi à l’effet moral de cette petite pièce par le sérieux du dénoûment.

1289. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre II. Prière sur l’Acropole. — Saint-Renan. — Mon oncle Pierre. — Le Bonhomme Système et la Petite Noémi (1876) »

Cette disposition, que j’appellerais volontiers romantisme moral, je l’eus au plus haut degré, par une sorte d’atavisme. […] Je compris l’effet que fit Lakanal quand il revint d’Amérique en 1833 et qu’il apparut à ses confrères de l’Académie des sciences morales et politiques comme un fantôme… Je compris Daunou et son obstination à voir dans M. 

1290. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Introduction, où l’on traite principalement des sources de cette histoire. »

Ce n’est pas par des tirades prétentieuses, lourdes, mal écrites, disant peu de chose au sens moral, que Jésus a fondé son œuvre divine. […] Il n’y a pas grand abus d’hypothèse à supposer qu’un fondateur religieux commence par se rattacher aux aphorismes moraux qui sont déjà en circulation de son temps et aux pratiques qui ont de la vogue ; que, plus mûr et entré en pleine possession de sa pensée, il se complaît dans un genre d’éloquence calme, poétique, éloigné de toute controverse, suave et libre comme le sentiment pur ; qu’il s’exalte peu à peu, s’anime devant l’opposition, finit par les polémiques et les fortes invectives.

1291. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 novembre 1885. »

Et, dans l’ordre moral, que nous enseigne la doctrine de la Négation de la Volonté ? […] Un homme au caractère vraiment noble, quand même les avantages intellectuels et l’éducation lui feraient absolument défaut, se dresse devant nous comme un homme auquel rien ne manque ; tandis que la plus grande intelligence, si elle est accompagnée de graves défauts moraux, est blâmable… L’intelligence la plus bornée, de même que la plus grotesque laideur, aussitôt qu’elles sont accompagnées d’une rare bonté du cœur, se trouvent transfigurées, entourées d’une auréole de beauté supérieure, et de leur bouche sort une Sagesse, devant laquelle toute autre doit se taire.

1292. (1856) Cours familier de littérature. I « Ve entretien. [Le poème et drame de Sacountala] » pp. 321-398

[Le poème et drame de Sacountala] I Commençons cet entretien par l’analyse d’un petit drame philosophique et moral, jeté comme une arabesque sur les pages de ce vaste poème du Mahabarata, épisode qui ne dépasse pas les limites de quelques minutes d’attention, et qui ressemble plus à un apologue humain qu’à un chant épique. […] Mais, pensai-je alors, tant de délicatesse, tant de grâces, cette peinture si attachante de mœurs qui nous donnent l’idée du peuple le plus poli, le plus moral et le plus spirituel de la terre, et qui nous inspirent l’envie d’aller chercher le bonheur près de lui ; tout cela, pensai-je, est-il bien dans l’original indien ?

1293. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome I « Bibliotheque d’un homme de goût. — Chapitre V. Des orateurs anciens et Modernes. » pp. 223-293

Mais il est principalement connu par le Dictionnaire moral, ou la Science universelle de la Chaire, en six vol. […] Le projet étoit bon, mais il manque de goût dans l’exécution ; & il est fâcheux que le laborieux auteur n’ait point épargné à ses lecteurs des causes qui n’ont rien d’intéressant, l’ennui des répétitions, des vastes analyses, des réfléxions galantes & morales, & des digressions sur sa famille & sur lui-même.

1294. (1900) Le rire. Essai sur la signification du comique « Chapitre III. Le comique de caractère »

Concluons donc enfin que le comique n’est pas toujours l’indice d’un défaut, au sens moral du mot, et que si l’on tient à y voir un défaut, et un défaut léger, il faudra indiquer à quel signe précis se distingue ici le léger du grave. […] Toutefois, il faut bien reconnaître, à l’honneur de l’humanité, que l’idéal social et l’idéal moral ne diffèrent pas essentiellement.

1295. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Ramond, le peintre des Pyrénées — II. (Suite.) » pp. 463-478

Mais veut-on sous le pinceau du voyageur un paysage tout simple, animé de figures, avec un sentiment à la fois actuel et biblique, avec un reflet moral de l’homme au milieu de la plus réelle nature ?

1296. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Montluc — I » pp. 56-70

Il est content quand il peut dire dans une de ces marches hardies : « C’était une belle petite troupe que la nôtre. » Dans les guerres de Piémont, sous le maréchal de Brissac, il avait extrait de sa compagnie, qui était dans une garnison, trente-quatre soldats qui avaient des morions ou casques jaunes (car il avait éprouvé le bon effet, sur le moral, de ces marques distinctives), et qui étaient renommés sous ce nom : « Tant qu’il y aura mémoire d’homme qui fut alors en vie, écrivait-il vingt ans après avec orgueil, il se parlera en Piémont des braves morions jaunes de Montluc : car, à la vérité, ces trente quatre en valaient cinq cents, et me suis cent fois étonné de ce que ces gens firent lors : je pouvais bien dire que c’était petit et bon11. » Je ne voudrais pas avoir l’air de restreindre les mérites et la portée de Montluc.

1297. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Montluc — III » pp. 90-104

Il les harangue en son meilleur italien, et, dans cette occasion comme dans toute autre, il montre assez quelle importance il attache à savoir bien parler la langue des divers pays où il sert, et à joindre une certaine éloquence aux autres moyens solides : « Je crois que c’est une très belle partie à un capitaine que de bien dire. » Il remonte donc par ses paroles le moral ébranlé des Siennois, leur rend toute confiance, et l’on se promet, citoyens d’une part, colonels et capitaines de l’autre, de ne point séparer sa cause et de combattre jusqu’à la mort pour sauver la souveraineté, l’honneur et la liberté.

1298. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Journal de Dangeau. tomes III, IV et V » pp. 316-332

J’ai parlé précédemment des deux premiers, et dans des articles insérés au Moniteur 58 j’ai cherché à marquer de quel secours pouvaient être les faits purement extérieurs, recueillis par Dangeau, et de quelle utilité à l’éclaircissement de certaines questions toutes morales et politiques, et par exemple à celle de la révocation de l’Édit de Nantes.

1299. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Œuvres de Vauvenargues tant anciennes qu’inédites avec notes et commentaires, par M. Gilbert. — I — Vauvenargues et Fauris de Saint-Vincens » pp. 1-16

. — La seule conclusion que je veuille tirer, c’est que nous avons désormais en Vauvenargues un sujet plus compliqué qu’on ne l’imaginait, un sujet plus mélangé et plus humain, et moins pareil (au moral) à une belle statue d’éphèbe.

1300. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Souvenirs et correspondance tirés des papiers de Mme Récamier » pp. 303-319

Si sévères que nous puissions être envers celui qui s’est trahi à nous dans toutes ses contradictions morales et ses misères personnelles, n’oublions jamais ce qu’on doit d’admiration à un tel peintre, à celui qui, à ce titre, est et demeure le premier de notre âge : car c’est le même homme exprimant comme on vient de le voir toute la poésie de la Rome catholique, qui a su peindre avec un égal génie et une variété d’imagination toujours sublime la forêt vierge américaine, le désert d’Arabie, et les ruines historiques de Sparte63 !

1301. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Le général Joubert. Extraits de sa correspondance inédite. — Étude sur sa vie, par M. Edmond Chevrier. — I » pp. 146-160

arrêtons-nous un moment : car c’est surtout le caractère moral de Joubert que nous étudions.

1302. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Le général Joubert. Extraits de sa correspondance inédite. — Étude sur sa vie, par M. Edmond Chevrier. — III » pp. 174-189

Les lettres de réconfort et d’encouragement que lui adressent coup sur coup les directeurs Barras, Merlin et La Réveillère, sont un témoignage à la fois de la haute confiance qu’il inspirait, et des peines morales sous lesquelles il se disait accablé.

1303. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Mélanges religieux, historiques, politiques et littéraires. par M. Louis Veuillot. » pp. 64-81

Cet amalgame plus ou moins bourgeois vous choque : moi, j’appelle cela, au moral, des faits accomplis.

1304. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Les Contes de Perrault »

Ils sont d’une tout autre étoffe, d’une tout autre provenance que tant de contes imaginés et fabriqués depuis, à l’usage des petits êtres qu’on veut former, instruire, éduquer, édifier même, ou amuser de propos délibéré : Contes moraux, Contes philanthropiques et chrétiens, Contes humoristiques, etc.

1305. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Entretiens de Gœthe et d’Eckermann (suite et fin.) »

Que n’a-t-il su aussi se poser des bornes morales !

1306. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Don Quichotte. »

Je montrai, ou pour mieux dire je fus le premier à personnifier les imaginations et les pensers cachés au fond de l’âme, produisant des êtres moraux au théâtre au grand applaudissement des auditeurs.

1307. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Souvenirs d’un diplomate. La Pologne (1811-1813), par le baron Bignon. »

Une vénalité tempérée par de la modération et de la sagesse, une part faite à la corruption à laquelle on trace d’avance ses limites et que l’on subordonne à des intérêts supérieurs, on m’assure que c’est bien le vrai sur M. de Talleyrand ; M. de Senfft, qui est de cet avis, ne veut voir là qu’une simple tache, et il estime que M. de Talleyrand n’en gardera pas moins, pour de certaines résistances, « sa place glorieuse dans l’histoire. » Cela est possible ; mais c’est bien le cas de dire qu’il y a deux morales.

1308. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Souvenirs d’un diplomate. La Pologne (1811-1813), par le baron Bignon. (Suite et fin.) »

Tout différait entre eux et, sous les politesses de forme, tendait à faire glace au fond : origines, sphères d’idées, tour et qualité d’esprit, ton et habitudes morales, politique enfin.

1309. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Lettres d’Eugénie de Guérin, publiées par M. Trébutien. »

Or, Mme la comtesse Agénor de Gasparin, — c’est elle en toutes lettres, — femme d’un homme de cœur et d’un homme de bien, Genevoise de famille et de naissance, de la haute bourgeoisie ou de l’aristocratie de cette république (c’est tout un), passant certaines saisons à Paris, mais établie et vivant plus ordinairement en son château ou manoir au pied du Jura suisse, dans le canton de Vaud, dans le pays de Glaire d’Orbe, a publié, en ces dernières années surtout, une série d’esquisses, d’impressions morales ou pittoresques, de tableaux paysanesques ou alpestres avec intention et inspiration chrétienne très-marquée46, toute une œuvre qu’il est naturel de rapprocher des Lettres et Journaux d’Eugénie de Guérin.

1310. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Le comte de Clermont et sa cour, par M. Jules Cousin. (Suite.) »

a de peine à passer sans secousse d’un règne moral à l’autre, et que ceux qui essayent d’établir des pentes insensibles, des transitions graduelles, sont les malvenus !

1311. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Le comte de Clermont et sa cour, par M. Jules Cousin. (Suite et fin.) »

Son élévation avait révélé son néant moral et sa nullité.

1312. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « M. de Sénancour — Note »

. — Dans le procès qui lui fut intenté au mois d’août 1827 à cause de son livre, le Résumé de l’Histoire des Traditions morales et religieuses, où l’avocat du roi, Levavasseur, croyait trouver à chaque phrase l’intention manifeste de détruire la croyance à la divinité de Jésus, M. de Sénancour, défendu par Me Berville, voulut présenter lui-même au tribunal quelques explications.

1313. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. BRIZEUX (Les Ternaires, livre lyrique.) » pp. 256-275

Il ne s’est pas contenté de saisir cet aperçu à l’état moral, il l’a voulu suivre sous forme théologique : il a chanté le sacré triangle, c’est trop.

1314. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Sur la reprise de Bérénice au Théâtre-Français »

Dans l’ordre poétique comme dans l’ordre moral, la grandeur est au prix de l’effort, de la lutte et de la constance ; l’idéal habite les hauts sommets.

1315. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre XVII. De la littérature allemande » pp. 339-365

Il se trouve sans doute un résultat philosophique à la fin de ses contes ; mais l’agrément et la tournure du récit sont tels, que vous ne vous apercevez du but que lorsqu’il est atteint : ainsi qu’une excellente comédie, dont, à la réflexion, vous sentez l’effet moral, mais qui ne vous frappe d’abord au théâtre que par son intérêt et son action.

1316. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Chapitre IV. De l’amour. »

Mais le premier but qu’on doit se proposer, en s’occupant du sort des hommes, n’est pas la conservation de leur vie ; le sceau de leur nature immortelle est de n’estimer l’existence physique qu’avec la possession du bonheur moral.

1317. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre III. Les grands artistes classiques — Chapitre V. La Fontaine »

On a poétisé la vie de ce bourgeois de province, sensuel et flâneur, qui n’eut ni volonté, ni sens moral, ni énergie pour aucun devoir, qui ne sut faire ni sa charge de maître des eaux et forêts, ni sa fonction de chef de famille.

1318. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre II. L’époque romantique — Chapitre II. Le mouvement romantique »

Mais c’est l’individualité qu’il y poursuit ; et s’il sent la perfection artistique de la forme chez les écrivains du xviie  siècle, il réduit la littérature à l’analyse psychologique et au discours moral.

1319. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre X. La commedia dell’arte en France pendant la jeunesse de Molière » pp. 160-190

CONCLUSIONS MORALES.

1320. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XXIV. Arrestation et procès de Jésus. »

Selon nos idées modernes, il n’y a nulle transmission de démérite moral du père au fils ; chacun ne doit compte à la justice humaine et à la justice divine que de ce qu’il a fait.

1321. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XIX. Cause et loi essentielles des variations du gout littéraire » pp. 484-497

Est-ce que notre être physique et moral n’est pas en incessante métamorphose ?

1322. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXXII » pp. 355-377

La dame d’honneur même n’a plus les mêmes empressements, et cela fait faire des réflexions morales et chrétiennes à ma petite amie (probablement madame de Vins, belle-sœur de M. de Pomponne). » Les amies de madame de Maintenon, persuadées de sa faveur, croyaient trop facilement qu’elle on était enivrée ; elle était au contraire très occupée de ce qu’elle voyait de triste dans sa situation.

1323. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre XI. Quelques philosophes »

Il déchire les vieilles morales, détruit les « valeurs anciennes ».

1324. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Marie-Antoinette. (Notice du comte de La Marck.) » pp. 330-346

Ce prince, muni d’une instruction solide et doué de toutes les qualités morales qu’on sait, mais faible, timide, brusque, rude, et particulièrement disgracieux auprès des femmes, n’avait rien de ce qu’il fallait pour diriger sa jeune épouse.

1325. (1876) Du patriotisme littéraire pp. 1-25

Bersot, en qualité de président de l’Académie des sciences morales et politiques.

1326. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « III — Les deux cathédrales »

Loyola, Benoît Labre ou Bossuet, au triple point de vue moral, physique et métaphysique, seraient en mesure de nous renseigner.

1327. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre XVI. »

L’extinction du sentiment moral dans la foule, la peur et l’égoïsme, voilà le secret de l’apothéose d’Octave par la voix de Virgile et d’Horace et jusqu’au milieu de l’exil d’Ovide.

1328. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre V. La Renaissance chrétienne. » pp. 282-410

Il regarda cette civilisation du Midi avec des yeux d’homme du Nord, et n’en comprit que les vices, comme Ascham qui disait avoir vu « à Venise plus de crimes et d’infamies en huit jours qu’en toute sa vie en Angleterre. » Comme aujourd’hui Arnold et Channing, comme tous les hommes de race319 et d’éducation germaniques, il eut horreur de cette vie voluptueuse, tantôt insouciante et tantôt effrénée, mais toujours affranchie des préoccupations morales, livrée à la passion, égayée par l’ironie, bornée au présent, vide du sentiment de l’infini, sans autre culte que l’admiration de la beauté visible, sans autre objet que la recherche du plaisir, sans autre religion que les terreurs de l’imagination et l’idolâtrie des yeux. […] Ce qui distingue ce génie des autres, ce sont ses préoccupations morales. […] Son image est réduite, mais son autorité est entière ; s’il est moins poétique, il est plus moral. […] Plusieurs poëtes, Drayton, Davies, Cowley, Giles Fletcher, Quarles, Crashaw, écrivent des récits sacrés, des vers pieux ou moraux, de nobles stances sur la mort et l’immortalité de l’âme, sur la fragilité des choses humaines et sur la suprême providence en qui seule l’homme trouve le soutien de sa faiblesse et la consolation de ses maux. […] La Restauration allait se discréditer, la Révolution allait se faire, et sous le progrès insensible de la sympathie nationale, comme sous l’essor incessant de la réflexion publique, les partis et les doctrines allaient se rallier autour du protestantisme libre et moral.

1329. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre VI. Milton. » pp. 411-519

. —  Comment il impose à la poésie un but moral. —  Ses poëmes profanes. —  L’Allegro et le Penseroso. —  Le Comus. —  Lycidas. […] Le Paradis perdu. —  Conditions d’une véritable épopée. —  Elles ne se rencontrent ni dans le siècle ni dans le poëte. —  Comparaison d’Ève et d’Adam avec un ménage anglais. —  Comparaison de Dieu et des anges avec une cour monarchique. —  Ce qui subsiste du poëme. —  Comparaison entre les sentiments de Satan et les passions républicaines. —  Caractère lyrique et moral des paysages. —  Élévation et bon sens des idées morales. —  Situation du poëte et du poëme entre deux âges. —  Construction de son génie et de son œuvre. […] Des compliments philosophiques et des sourires moraux. « Je cédai, dit Ève, et depuis ce temps-là je sens combien la beauté est surpassée par la grâce virile et par la sagesse, qui seule est véritablement belle ! 

1330. (1828) Introduction à l’histoire de la philosophie

Dans le monde moral aperçoit-elle quelque chose de beau et de bon ? […] Monde extérieur, monde intellectuel, monde moral, tout est soumis à ces deux idées. […] Nier l’une, c’est ébranler l’autre, c’est renverser ou obscurcir le gouvernement moral et divin des choses humaines. […] Ainsi le système que je vous ai exposé est seul moral, en même temps que seul il est beau ; j’ajoute que seul il est scientifique. […] Cela est évident pour les mathématiques ; cela n’est guère moins vrai pour les sciences morales, pour la jurisprudence, la législation, l’histoire politique en général.

1331. (1911) L’attitude du lyrisme contemporain pp. 5-466

Elle se décompose en deux autres : idée de beauté et de retour éternel qui constituent son système moral. […] D’avoir bu à cette source génératrice une conscience harmonieuse de l’univers physique et moral, l’artiste s’est assimilé un surcroît de forces vives qu’il dilatera en beauté. […] Leur poésie est faite non seulement de lyrisme, mais d’éloquence, de desseins politiques et moraux, de trucs oratoires ; autant d’éléments en dehors de l’essence même du lyrisme. […] Cette dissociation de deux états, état intellectuel et état moral de notre société, crée un perpétuel malentendu entre l’homme qui pense et l’homme qui agit, entre l’artiste et la foule. […] À ces minutes de songe et de joie indéterminés l’être ne voit rien : il palpite comme à l’approche d’un trouble inconnu, il frissonne, il n’est plus qu’un ensemble de vibrations morales, une totale effusion d’âme.

1332. (1896) Impressions de théâtre. Neuvième série

Prozor, esprit généreux, mais qui excelle à embrouiller ce qu’il veut éclaircir, et si, dans la pièce elle-même, on considère uniquement les entretiens d’Alfred Allmers et de sa femme Rita, le Petit Eyolf apparaîtra comme un drame très simple, très clair, très moral, et même de plus d’élévation peut-être que d’originalité. […] Ce qui a trompé un certain nombre de spectateurs, c’est sans doute que les uns ont été inattentifs, — comme celui dont je rapportais tout à l’heure le jugement sur Giraud, — et c’est apparemment que les autres sont des inconscients comme Giraud lui-même, d’heureux individus « opérés du sens moral », ainsi que s’exprime M.  […] Et c’est pourquoi ce solennel crétin de Maréchal est demeuré si vivant, et aussi ce grand moqueur de marquis d’Auberive, qui tire de cette histoire une des morales qu’elle comporte, et pareillement ce philosophe bohème de Giboyer, qui en tire une autre. […] Edmond Rostand d’avoir, par de piquants anachronismes moraux, rajeuni la mélancolique légende. […] Voilà Chambray rejeté, par sa faute et en punition de ce qu’il y eut d’égoïste dans son amour, à cet isolement moral qu’il craignait tant.

1333. (1906) Propos de théâtre. Troisième série

Tantôt il dit, en simple brave homme, sans sublimité d’esprit et sans raffinement de sens moral : « Je suis innocent, voilà tout. […] Remarquez encore la théologie d’Œdipe à Colone, qui complète magnifiquement le dogme moral que ce poème contient. […] Il y a plus de mystérieux et par conséquent un plus grand effet poétique et moral et religieux si Œdipe disparaît loin de nous, sans que nous le voyons disparaître, sans que celui qui nous le raconte, celui-ci même, l’ait vu. […] Il s’agit de variations psychologiques, de transformations morales. […] celui-là ne s’irrite pas de leurs infirmités morales !

1334. (1898) Manuel de l’histoire de la littérature française « Livre III. L’Âge moderne (1801-1875) » pp. 388-524

C’est en vérité la physiologie psychologique ou, comme nous l’appelons maintenant, la psycho-physiologie qui s’ébauche dans les célèbres Mémoires de Cabanis sur les Rapports du physique et du moral. […] Quelques-uns d’entre eux touchaient à la science ; — comme Cabanis, l’auteur du livre célèbre sur les Rapports du physique et du moral, 1802 ; — ou même étaient de vrais savants, tels que Lamarck, ou Étienne Geoffroy Saint-Hilaire ; — et, à ce propos, c’est l’endroit de noter entre 1789 et 1810 ou 1815 le prodigieux développement que prennent les sciences naturelles [Cf.  […] 3º Les Œuvres. — Les Œuvres essentielles de Bonald sont : la Théorie du pouvoir politique et religieux dans la société civile, 1796 ; — son Essai analytique sur les lois de l’ordre social, 1800 ; — son Divorce considéré relativement à l’état domestique et à l’état de société, 1801 ; — sa Législation primitive, 1802 ; — ses Recherches philosophiques sur les premiers objets de nos connaissances morales, 1818 ; — deux volumes de Mélanges, 1819, formés d’articles parus dans le Mercure de France, de 1801 à 1810 ; — quelques discours, et différents opuscules politiques ou religieux. […] Rapports du physique et du moral] ; — et qu’en outre on y discerne deux ou trois éléments originaux et nouveaux ; — qui vont faire de Stendhal un des précurseurs de l’idéal romantique. — Son intervention dans la bataille : Racine et Shakespeare, 1823 ; — et qu’il n’est pas inutile de savoir que le livre a en partie paru dans une revue anglaise ; — s’il porte ainsi témoignage du cosmopolitisme de Beyle. — Les Promenades dans Rome, 1829 ; — et Le Rouge et le Noir, 1830. […] De l’influence de Michelet ; — et qu’elle a été considérable ; — si, tout en favorisant le naturalisme, — elle a cependant maintenu contre lui une tradition d’idéalisme. — Personne en effet n’a cru plus que lui au progrès ; — mais surtout au progrès moral ; — sur les conditions duquel il a pu d’ailleurs se tromper ; — mais auquel enfin il a travaillé de toute son âme ; — et qu’il a surtout cru trop facile à réaliser ; — mais dont il n’a jamais admis que l’écrivain se désintéressât. — C’est aussi lui qui plus que personne a travaillé à fonder a la religion de la Révolution » ; — et, quoi qu’on en puisse dire, il y a réussi. — Enfin, avec tous ses défauts, — qui sont peut-être inséparables de ses qualités, — son Histoire de France est la seule que nous ayons ; — parce que, seul de tous les historiens qui ont tenté l’entreprise, — il a eu l’imagination assez forte, pour « personnaliser » la patrie ; — et ainsi donner à son histoire quelque chose de ce vivant intérêt qui est celui de la biographie. — Toutes les autres ne sont que des compilations.

1335. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Molière »

Mais Molière, nous le disons sans en porter ici éloge ni blâme moral, et comme simple preuve de la liberté de son génie, Molière ne rentre pas dans ce point de vue. […] Les Placets au Roi et la préface du Tartufe marquent assez le caractère tout moral et philosophique de la seconde lutte, si souvent depuis et si ardemment continuée. […] Il ne se fit entendre contre, que les réclamations morales de Jean-Jacques et quelques réserves du bon Thomas, l’ami de madame Necker, en faveur des femmes savantes.

1336. (1772) Discours sur le progrès des lettres en France pp. 2-190

  Quels que soient les avantages de l’homme sur tous les autres Êtres de la nature, il a besoin que l’instruction développe les facultés de son ame, féconde son esprit, touche son cœur, fixe ses idées morales & physiques, lui démontre la nécessité d’obéir à la raison, lui apprenne à connoître la justice, à se la rendre à lui même & aux autres, en domptant ses passions & en évitant les actions nuisibles à la société : de-là naîtra l’amour de la sagesse, fondé sur le sentiment lumineux du vrai, du juste ; sentiment qui seul peut lui servir de guide pour marcher constamment dans le sentier de la vertu, & le détourner de la voie du vice. […] L’éducation est notre sauve-garde & peut seule nous garantir de ce danger : or elle manquoit dans ces temps barbares ; il n’est donc pas surprenant que les fables & les contes les plus absurdes aient été préférés à la vérité, l’ignorance y conduisoit, le supposoit, l’exigeoit ; au lieu que chez les Grecs & les Romains, les Fables, ou plutôt les Apologues moraux, étoient le fruit d’une imagination brillante, de la politesse & de l’érudition, comme l’ont judicieusement remarqué les Auteurs de l’Histoire Littéraire de la France(*). […] La révolution devint générale, dans le Moral comme dans le Physique.

1337. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. BALLANCHE. » pp. 1-51

A défaut de dérangements physiques, ce sont les douleurs morales qui arrivent comme une condition de la haute pensée, du sentiment profond et du génie. […] Ceux qui seraient curieux de savoir dans quel courant d’idées morales et de sentiments intimes je vivais alors, trouveraient une allusion à cette récente blessure dans une pièce de vers des Pensées d’août adressée à M.

1338. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre premier. La structure de la société. — Chapitre III. Services locaux que doivent les privilégiés. »

Je suis persuadé que, sauf des hobereaux écartés, chasseurs et buveurs, emportés par le besoin d’exercice corporel et confinés par leur rusticité dans la vie animale, la plupart des seigneurs résidents ressemblaient, d’intention ou de fait, aux gentilshommes que, dans ses contes moraux, Marmontel mettait alors en scène ; car la mode les poussait de ce côté, et toujours en France on suit la mode. Leur caractère n’a rien de féodal ; ce sont des gens « sensibles », doux, très polis, assez lettrés, amateurs de phrases générales, et qui s’émeuvent aisément, vivement, volontiers, comme cet aimable raisonneur le marquis de Ferrières, ancien chevau-léger, député de Saumur à l’Assemblée nationale, auteur d’un écrit sur le Théisme, d’un roman moral, de mémoires bienveillants et sans grande portée ; rien de plus éloigné de l’ancien tempérament âpre et despotique.

1339. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLVe entretien. Examen critique de l’Histoire de l’Empire, par M. Thiers (2e partie) » pp. 177-248

Ce double motif de rétablir l’ordre dans l’État et la famille, et de satisfaire au besoin moral des âmes, lui avait inspiré la ferme résolution de remettre la religion catholique sur son ancien pied, sauf les attributions politiques, qu’il regardait comme incompatibles avec l’état présent de la société française. […] S’il s’agissait pour le premier Consul de flétrir l’impiété, ce parricide moral de l’humanité ; de relever le sentiment religieux, cette piété filiale de l’esprit humain dans l’âme du peuple ; de faire respecter, honorer, vénérer sous toutes ses formes sincères les cultes libres qui sont les actes volontaires et spontanés de cette piété du cœur humain, et qui, en rappelant sans cesse l’homme à sa source et à sa fin, sont sa filiation divine, sa noblesse entre les créatures, sa conscience, sa morale, sa vertu, sa consolation, son espérance, rien ne serait plus plausible que l’argumentation de M. 

1340. (1861) Cours familier de littérature. XI « LXVe entretien. J.-J. Rousseau. Son faux Contrat social et le vrai contrat social (1re partie) » pp. 337-416

Quand il se rencontre parmi ces rhéteurs sociaux un écrivain plus inspiré, plus éloquent, plus contagieux que les autres, et quand la naissance de cet écrivain, souverain de l’erreur, coïncide avec un ébranlement moral ou avec un cataclysme politique des institutions de son pays, alors son utopie, au lieu de trouver simplement des lecteurs qui se complaisent au bercement de leur imagination par ses rêves, cet écrivain trouve des sectaires pour propager ses chimères, et des bras pour exécuter ses conceptions. […] XIX Rousseau, en se voyant couronné pour son style par les académies, applaudi par les cours, encensé par les philosophes, se prend lui-même au sérieux ; il adopte pour toute sa vie ce rôle de Diogène moderne, qui prétend renouveler la face du monde moral et politique du fond de sa prétentieuse obscurité.

1341. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1860 » pp. 303-358

On en sort à la voix du président qui, s’adressant au père de l’enfant, un mendiant idiot, lui reproche de n’avoir pas développé le sens moral dans son enfant. […] Il s’en va par le matériel, il s’en va par le moral.

1342. (1856) Cours familier de littérature. I « IVe entretien. [Philosophie et littérature de l’Inde primitive (suite)]. I » pp. 241-320

La littérature morale de l’Inde se compose, selon le même critique, de formules et de maximes qui, sous une forme brève et sentencieuse, renferment les préceptes moraux les plus épurés. […] Les plus remarquables de ces dialogues sont intitulés en effet d’un titre qui signifie « les Séances, c’est-à-dire : Cours de sagesse dans lesquels les disciples sont assis aux pieds du maître et écoutent sa parole. » D’autres fragments moraux, contenus dans les immenses poèmes indiens, s’appellent le Chant du Seigneur ou du Très-Haut.

1343. (1840) Kant et sa philosophie. Revue des Deux Mondes

Leur esprit politique consiste à ne reconnaître en général que des chefs élus par eux, à laisser une autorité presque arbitraire aux supériorités physiques ou morales, de sorte qu’on y voit tantôt l’anarchie de la faiblesse, quand le chef a peu de force, tantôt le despotisme d’un guerrier habile et heureux. […] L’Allemagne peut se soumettre dans l’ordre extérieur et politique mais elle ne peut obéir qu’à son propre génie dans l’ordre intellectuel et moral ; elle réclama quelque liberté de détail sur un point de médiocre importance : elle ne fut pas entendue ; elle résista donc, et l’énergie de la résistance appelant la violence de la répression, et celle-ci redoublant celle-là, ainsi éclata et se répandit cette réformation religieuse et politique qui brisa l’unité de l’Europe et arracha le sceptre de l’Allemagne à la maison d’Autriche et à la cour de Rome.

1344. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Bossuet. Lettres sur Bossuet à un homme d’État, par M. Poujoulat, 1854. — Portrait de Bossuet, par M. de Lamartine, dans Le Civilisateur, 1854. — I. » pp. 180-197

il y a ici un contresens moral.

1345. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Sylvain Bailly. — I. » pp. 343-360

Il a d’ailleurs des aperçus moraux pleins de finesse sur ce qu’il appelle l’âge d’or.

1346. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Ramond, le peintre des Pyrénées — I. » pp. 446-462

Il décrit dans un curieux détail les mœurs et le gouvernement des petits cantons ; il n’a rien gardé du vague et de la fougue qui dominaient dans ses précédents ouvrages ; la partie positive et commerciale l’occupe ; il ne néglige aucune des circonstances physiques des lieux qu’il parcourt ; il y mêle des considérations morales qui le montrent affranchi des lieux communs de son siècle, ou plutôt devançant l’esprit du siècle prochain.

1347. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « La Divine Comédie de Dante. traduite par M. Mesnard, premier vice-président du Sénat et président à la Cour de cassation. » pp. 198-214

était aussi différent de Fauriel par ses origines morales que deux esprits peuvent l’être : nourri du christianisme domestique le plus pur et le plus fervent, il abordait Dante comme le jeune lévite approche de l’autel et monte les degrés du sanctuaire.

1348. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Histoire du Consulat et de l’Empire, par M. Thiers. (Tome XII) » pp. 157-172

Quant à ses lieutenants qui vers la fin lui font faute par excès de lassitude et se refusent à ce qu’il attendait d’eux pour une revanche possible encore, mais tardive, l’historien dit très bien ici, par une de ces pensées morales qu’il ne prodigue pas, mais qu’il sait aussi rencontrer : « Les hommes habitués au danger le bravent toutes les fois qu’il le faut, mais à condition qu’il ne soit pas sorti de leur pensée et qu’ils y aient à l’avance disposé leur âme. » Dans la relation qu’il fait des diverses opérations de guerre, l’historien ne manque jamais de noter les points faibles et sujets à la critique.

1349. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Le maréchal de Villars — I » pp. 39-56

Louis XIV, dans son jugement de maître, le nota donc et le tint en réserve comme l’homme nécessaire et indiqué, pour le cas où il faudrait à tout prix agir et remonter par quelque action hardie le moral des Français.

1350. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Divers écrits de M. H. Taine — II » pp. 268-284

C’est beaucoup d’en approcher, et, comme on est ici dans l’ordre moral, c’est quelque chose déjà d’avoir le sentiment de cette formule.

1351. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « L’abbé de Marolles ou le curieux — I » pp. 107-125

Le règlement qu’il présente à l’adoption de l’archevêque de Tours est plus extérieur qu’intérieur, plus économique que moral ; il ne prétend que remettre le bon ordre administratif et la décence dans la communauté, auprès de laquelle il est destiné à résider le plus habituellement : pas autre chose.

1352. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Correspondance de Voltaire avec la duchesse de Saxe-Golha et autres lettres de lui inédites, publiées par MM. Évariste, Bavoux et Alphonse François. Œuvres et correspondance inédites de J-J. Rousseau, publiées par M. G. Streckeisen-Moultou. — II » pp. 231-245

Jouffroy, dans un récit moral célèbre, a fait parler le philosophe durant cette veille pleine d’angoisses, dans cette première nuit de doute et de trouble, où le voile du sanctuaire se déchire tout d’un coup devant ses yeux et où il cesse d’être un croyant.

1353. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire de mon temps. Par M. Guizot. »

On y sent se dessiner les formes d’esprit de l’auteur lui-même, confiance, espérance, certitude ; on y saisit ses origines intellectuelles et morales, son tour et son degré de libéralisme, ses limites distinctes et précises : « Je suis de ceux, dit-il, que l’élan de 1789 a élevés et qui ne consentiront point à descendre… Né bourgeois et protestant, je suis profondément dévoué à la liberté de conscience, à l’égalité devant la loi, à toutes les grandes conquêtes de notre ordre social.

1354. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « M. Biot. Essai sur l’Histoire générale des sciences pendant la Révolution française. »

Mais les souvenirs, mais les nuances morales, mais les sympathies et les antipathies, mais la vie même, la clef secrète de cette nature si complexe et si pleine de curiosités et d’aptitudes, et d’envies et de préventions, de plis et de replis de toutes sortes, qui nous la rendra ?

1355. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Louis XIV et le duc de Bourgogne, par M. Michelet »

Le prodige est qu’en très peu de temps la dévotion et la grâce en firent un autre homme, et changèrent tant et de si redoutables défauts en vertus parfaitement contraires… » Saint-Simon, en d’autres endroits, ajoute des détails encore plus significatifs sur les fougues et les passions du jeune prince, ses instincts précoces de libertinage, ses penchants effrénés pour toute espèce de volupté, son goût même pour le vin, son infatuation de lui-même et de ce qu’il était né, et son parfait mépris de tout ce qui l’entourait : — tout cet abîme enfin, d’où il sortit après des années un autre homme au moral, méconnaissable en bien et régénéré.

1356. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Halévy, secrétaire perpétuel. »

Je ne sais rien, pour mon compte, de plus instructif que les deux volumes où sont recueillies ses Notices historiques, à la fois exactes, simples (sauf quelques périphrases et tours solennels qui tiennent au goût du temps), mais d’une grande hauteur de principes, et avec des remarques morales d’une juste finesse.

1357. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Don Quichotte (suite.) »

Il propose de remédier aux excès du théâtre à l’aide d’un censeur d’office ; il souhaiterait ce censeur pour les romans aussi, pour les livres de chevalerie : il est si sérieux en parlant de la sorte, qu’il trace d’après un canevas-modèle le plan d’un roman de chevalerie exemplaire qui aurait les mérites du genre sans les défauts, qui permettrait de personnifier dignement toutes les qualités morales, toutes les vertus, d’introduire dans une trame variée toutes les vicissitudes d’événements, toutes les aventures tragiques ou joyeuses, de décrire toutes les merveilles, y compris celles de la magie, de prendre tous les tons.

1358. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Entretiens sur l’histoire, — Antiquité et Moyen Âge — Par M. J. Zeller. »

Quand je parle d’art, je sais bien qu’il y a dans cette seconde partie des endroits où certaines idées mystiques, symboliques ou morales, sont trop développées ; il y aura plus d’une fois redondance ; il y aura des moments où Bossuet s’oubliera, s’étendra un peu trop au point de vue de la composition, où il reviendra sur ce qu’il a dit déjà, et sinon l’intelligence, du moins la satisfaction du lecteur en pourra souffrir.

1359. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Histoire des cabinets de l’Europe pendant le Consulat et l’Empire, par M. Armand Lefebvre. »

Mais, on le conçoit, et même chez un esprit que les succès littéraires ne préoccupaient point, même pour le seul penseur, il y eut, il dut y avoir des tristesses intimes et profondes, de grandes défaillances morales, de voir ainsi l’œuvre de sa vie compromise et découronnée, de se sentir arriver au public tout haché et morcelé, lui qui précisément avait la conception une et entière ; d’assister au développement et au plein succès d’une autre vue que la sienne, et que naturellement il estimait moins exacte et moins vraie, sur cette grande époque et sur l’homme étonnant qui la personnifie.

1360. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « De la poésie en 1865. (suite et fin.) »

Le poëte vieillissant a mis ses goûts à la raison ; il s’efforce d’accepter la loi du temps, de s’y soumettre sans murmure ; lui si fier de sa chevelure de jais, si épris dans sa jeunesse de la beauté réelle et sensuelle, il en est venu aux délicatesses morales, aux subtilités mortifiées ; il célèbre, il a l’air d’aimer les cheveux blancs ; il dira, par exemple : L’AMOUR PUR.

1361. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Jean-Baptiste Rousseau »

Boutet, on remarque un grand étalage de principes religieux, moraux, et un caractère anti-philosophique très-prononcé.

1362. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Millevoye »

La mode ayant changé en poésie, les nouveaux venus le méprisent, les moraux le conspuent, personne ne le défend.

1363. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre deuxième. Les mœurs et les caractères. — Chapitre III. Inconvénients de la vie de salon. »

En tête du Mercure de 1791 et 1792 paraissent des Contes moraux de Marmontel306, et le numéro qui suit les massacres de septembre s’ouvre par des vers « aux mânes de mon serin ».

1364. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre III. Poésie érudite et artistique (depuis 1550) — Chapitre II. Les tempéraments »

Son génie est surtout lyrique : mais en maint endroit, dès qu’il s’agit des sujets graves et moraux, l’idée prend le dessus sur le sentiment, le raisonnement sur l’effusion, et le lyrisme tourne en mouvements oratoires.

1365. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre IV. Guerres civiles conflits d’idées et de passions (1562-1594) — Chapitre 2. La littérature militante »

La guerre civile greffa les controverses politiques sur les discussions théologiques et morales.

1366. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre I. La littérature pendant la Révolution et l’Empire — Chapitre III. Madame de Staël »

Nous voici conduits au principe nouveau, large, fécond, dont Mme de Staël a voulu donner la démonstration par son livre, et qui contient tout le développement postérieur de la critique : « Je me suis proposé, dit-elle, d’examiner quelle est l’influence de la religion, des mœurs, des lois sur la littérature, et quelle est l’influence de la littérature sur la religion, les mœurs et les lois… Il me semble que l’on n’a pas suffisamment analysé les causes morales et politiques qui modifient l’esprit de la littérature… En observant les différences caractéristiques qui se trouvent entre les écrits des Italiens, des Anglais, des Allemands et des Français, j’ai cru pouvoir démontrer que les institutions politiques et religieuses avaient la plus grande part à ces diversités constantes. » Il semble qu’elle ne tienne pas trop, pour la poésie, à sa doctrine du progrès, et qu’elle se contente de constater des différences : si c’est sa pensée, la correction est heureuse.

1367. (1914) Enquête : L’Académie française (Les Marges)

L’influence de l’Académie sur les lettres ne peut être qu’exécrable, eût-elle les meilleures intentions, et ce n’est pas le cas, car loin de chercher le beau, elle cherche le moral, qui est peut-être son contraire.

1368. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Légendes françaises. Rabelais par M. Eugène Noël. (1850.) » pp. 1-18

C’est ce mélange et ce juste équilibre qui caractérise la véritable et complète éducation selon Rabelais : le médecin, l’homme qui sait les rapports du physique au moral et qui consulte en tout la nature, se retrouve en lui à chaque prescription.

1369. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Qu’est-ce qu’un classique ? » pp. 38-55

Il est vrai que, pour traiter de tels sujets qui sont toujours un peu abstraits et moraux, il convient de parler dans le calme, d’être sûr de son attention et de celle des autres, et de saisir un de ces quarts d’heure de silence, de modération et de loisir, qui sont rarement accordés à notre aimable France, et que son brillant génie est impatient à supporter, même quand elle veut être sage et qu’elle ne fait plus de révolutions.

1370. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Le maréchal Marmont, duc de Raguse. — III. (Suite et fin.) » pp. 47-63

C’est une des méthodes et, pour ainsi dire, des compensations de la nature de hâter ainsi la maturité de ce qu’elle veut moissonner avant l’âge, et de rassembler en quelque sorte tous les développements du moral dans un court espace.

1371. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Ducis. » pp. 456-473

« Vous avez passé à travers le siècle sans qu’il déposât sur vous aucune de ses taches », lui écrivait Thomas : cela n’était vrai qu’au moral ; car, pour la langue et le style, le siècle avait donné à Ducis toute sa teinte.

1372. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « L’abbé Barthélemy. — II. (Fin.) » pp. 206-223

Au moral, cela est vrai comme dans le pittoresque.

1373. (1860) Ceci n’est pas un livre « Une croisade universitaire » pp. 107-146

C’était, — au moral s’entend, — un petit vieillard bien conservé, portant fort correctement sa perruque à trois marteaux.

1374. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « M. Maurice Rollinat »

Je regrette aussi qu’il n’ait pas écarté un certain nombre de pièces qui n’ajoutent rien à la manifestation de son grand talent et qui détonnent sur l’ensemble du livre, si absolument beau dans les pièces où la Nature, qu’il voit d’un œil si personnel, et les souffrances morales ou physiques de l’humanité, l’occupent seules.

1375. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XXII. »

« Parfois même, il se plut à les faire applaudir dans son ignoble Falstaff ; et, peintre admirable des mœurs, il n’en est pas le peintre moral.

1376. (1895) Le mal d’écrire et le roman contemporain

Les ouvrages conçus dans un but moral sont-ils, comme on le dit, en danger de rester au-dessous de la réputation des ouvrages de l’école indépendante ? […] C’est la manière de comprendre l’amour qui fait la portée et l’intérêt d’un livre, qui le rend moral et attrayant. […] Pour rester dans le domaine social et moral, je crois, à exagération égale, qu’on aura seulement déplacé le péril. […] Est-il vrai que l’on cesse d’être littéraire, du moment que l’on veut être moral ? […] Or on arrive au mariage bien compris par l’amour, l’amour respectueux, moral, délicat, qui a un dénouement estimable et heureux.

1377. (1936) Histoire de la littérature française de 1789 à nos jours pp. -564

Quel que soit le jugement politique ou moral qu’on hasardera sur l’émigration, et qu’on répète ou non à son sujet un mot comme celui du P.  […] Le caractère sérieux de ses œuvres, toutes morales et moralisantes, s’en trouve à la fois alourdi et rendu plus touchant. […] En donnant pour le testament moral du père de lord Nelvil un extrait des papiers de Necker, il semble que Mme de Staël ait voulu naturaliser anglaise sa sagesse genevoise. […] L’analyse des idées religieuses, politiques, morales, peut jouer dans la vie des sociétés, des États, des hommes, un rôle aussi précieux que l’analyse mathématique au principe des sciences. […] Le médecin Cabanis, avec ses Rapports du physique et du moral, en 1802, a fourni un de ses bréviaires au matérialisme, et un de ses points de départ à la psychophysiologie.

1378. (1901) L’imagination de l’artiste pp. 1-286

Au contraire, une douleur morale résignée, intérieure, profonde, qui se traduit à peine au dehors, tout au plus par une larme qui lentement coule sur la joue, nous pénétrera de tristesse ; c’est comme un accord douloureux et prolongé dont nous prenons l’unisson moral. […] Ils prennent, par association d’idées, l’éclat, la coloration, la sonorité des objets qu’ils représentent, le caractère moral des sentiments qu’ils expriment. […] Selon Origène, il y a dans l’Écriture trois sens, le littéral, le moral et le mystique. […] Grâce à ce don de mimétisme moral que l’artiste doit posséder au même degré que le romancier ou le poète dramatique, il se les représente en réalité. […] Quelles qu’en puissent être les raisons, c’est surtout chez eux que l’on trouvera des exemples de ce sublime purement moral.

1379. (1893) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Cinquième série

Au lieu, comme autrefois, d’absorber lui-même son sujet, de lui imposer sa propre personnalité, de le transformer comme qui dirait en soi, Ronsard, maintenant, s’y subordonne, il se plie à d’autres convenances que celles de son génie, et des intentions morales ou didactiques s’insinuent dans son œuvre. […] Ni l’un ni l’autre, ils n’ont admis qu’en rejetant de la religion tout le reste, on en conservât le dogme précisément le plus sombre, et surtout le plus importun, celui qui suffirait, au besoin lui tout seul, à fonder en raison ce que les lois morales, politiques, ou civiles ont de plus restrictif. […] Et si enfin tout ce qui est vient de Dieu sans en excepter le mal même, « physique » ou « moral », dont nos yeux ne voient pas la liaison avec un plus grand bien, de telle sorte que, travailler à la réalisation de la justice parmi les hommes, ce soit en réalité s’insurger contre les décrets de l’éternelle sagesse ; — que devient alors le progrès moral ? Il est vrai que celui-ci, le progrès moral, ne devait pas beaucoup inquiéter les consciences du siècle. […] Car, d’abord, au point de vue moral, elles s’y ajoutaient, le jansénisme aussi lui, représentant, comme l’on sait, quelque chose de cette sévérité qui avait fait la grandeur du protestantisme français.

1380. (1817) Cours analytique de littérature générale. Tome II pp. 5-461

Ceci est vraiment bon, se dira-t-il à l’inspection d’une pièce : le fait est simple, unique, vraisemblable, moral, et comporte une fine ironie : les caractères sont vrais, ressemblants à la nature : la diction est familière et noble ; les scènes tiennent bien l’une à l’autre ; ceci contient toutes les conditions d’une bonne pièce comique : fort bien ! […] Ces dernières pourtant, à la moralité près, réunissent la plupart des conditions ci-dessus dénombrées, et dans les meilleures, telles que le Malade imaginaire, George Dandin, et les Plaideurs, un fonds moral s’y joint encore. […] On sent que la justesse d’esprit du poète égalait la droiture de ses intentions morales. […] Au lieu de précieuses, entichées du faux et de l’inusité dans le langage, ne goûtant que le romanesque et le platonisme dans la galanterie, il aurait eu ces vaporeuses amies des chevaliers de la foi, ces femmes qu’embrasent le zèle du pèlerinage, les mélancoliques souvenirs des siècles dévots et les rêves de la mysticité ; et, pour leur servir de contraste, des personnes simples, naturelles, avenantes, celles à qui toute expression noble et choisie paraît du néologisme, celles qui vont bonnement au physique et non au moral des choses, et qui ne souffrent dans l’action du roman, comme dans celle du drame, que l’unité de jour. […] Si le but moral de celle-ci n’apparaît pas au premier regard, néanmoins on le saisit en le cherchant bien.

1381. (1898) Manuel de l’histoire de la littérature française « Livre II. L’Âge classique (1498-1801) — Chapitre II. La Nationalisation de la Littérature (1610-1722) » pp. 107-277

Un troisième caractère en dérive, ou s’en compose, explique les autres et s’explique par eux, qui est qu’en même temps que du désir de plaire, toutes ces œuvres sont animées de l’ambition d’instruire, didactiques ou morales, dans le sens élevé, dans le sens large de l’un et l’autre de ces deux mots. […] — 2º de ses Entretiens ou Dissertations, au nombre de 67, ainsi divisés : Dissertations chrétiennes et morales, 25 ; — Dissertations politiques, 14 ; — Dissertations critiques, 28. […] On a encore de Mlle de Scudéri des Conversations morales, Paris, 1886 ; — et une intéressante Correspondance. […] R., Cologne, 1662, Vandyck ; — Réflexions ou sentences, et Maximes morales. […] Sacy, Variétés littéraires et morales.]

1382. (1925) Feux tournants. Nouveaux portraits contemporains

Chérau soit un écrivain « moral ». […] Critique des moyens actuels de la littérature, le surréalisme désintéresse tous les mobiles humains et leur enlève ce caractère utilitaire dont tout, aujourd’hui, semble périr. « L’attitude réaliste, inspirée du positivisme, de saint Thomas à Anatole France, m’a bien l’air hostile à tout essor intellectuel et moral », dit André Breton. […] On demande aux œuvres une sincérité dans la reproduction des choses, un souci moral que le christianisme ne fera que développer ; la poésie doit avoir pour dessein d’adoucir et de caresser l’âme, nul excès ne lui est toléré. […] Cet examen de la patrie était fondé sur le goût du moral et sur un désir de revenir à un culte de la sagesse. […] Mais qu’il est loin malgré tout d’être étranger à nos préoccupations morales !

1383. (1925) Portraits et souvenirs

Il est évident que Baudelaire lui-même y aida, un peu par excentricité, mais aussi par bonne foi ou, plus exactement, par sortilège littéraire et par désir de se conformer au type moral et intellectuel qu’il avait créé dans les Fleurs du mal. […] Il y a en lui un moraliste et un idéologue, c’est-à-dire quelqu’un qui suppute les valeurs idéales et morales, les réprouve ou les accepte. […] C’est aussi bien offrir à l’admiration un rappel moral que lui procurer un appui concret. […] Pour eux, ce prix Goncourt, comme on l’appelle, est d’une singulière importance ; D’abord, il leur apporte un secours matériel qui n’est pas à dédaigner, ensuite il leur prête un appui moral qui mérite considération. […] Outre ces affinités morales, je constate chez M. 

1384. (1890) Journal des Goncourt. Tome IV (1870-1871) « Année 1870 » pp. 3-176

Ça semble des soldats pour mourir, non pour vaincre, des soldats prédestinés à la défaite par la désertion du moral, et dont le cerveau trouble, est hanté par le grand dissolvant des armées : la Trahison. […] Soyons bien persuadés que les souverains ne sont absolument que les représentants de l’état moral de la majorité de la nation qu’ils gouvernent, et qu’ils ne resteraient pas, trois jours, sur leurs trônes, s’ils étaient en contradiction avec cet état moral. […] Je suis à côté d’un aumônier du Midi, aux yeux à la fois vifs et doux, qui me dit que depuis la fermeture des portes, le moral de l’armée et de la mobile est complètement changé, que le découragement et la démoralisation étaient à tout moment apportés par les maraudeurs et les filles, allant des Français aux Prussiens, et des Prussiens revenant aux Français, mais qu’aujourd’hui ils ont confiance, qu’ils sont disposés à bien se battre. […] Et je lui réponds que je ne connais pas Jules Simon, que j’ignore absolument sa vie, et que cependant j’ai bêtement de la défiance, rien qu’à cause de tous les livres moraux qu’il a écrits : Le Devoir, L’Ouvrière, etc.

1385. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « M. Littré. »

Nous touchons là, dans ce caractère essentiellement moral, à quelqu’une des difficultés secrètes qui sont le scrupule des consciences délicates et qu’on ne peut que sonder discrètement. […]  » Tel est le sentiment, religieux à sa manière et des plus graves, des plus moraux assurément, que M. 

1386. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre VI. La poésie. Tennyson. »

Au sortir du collége, il a trouvé sa voie toute faite ; il n’a point eu à se révolter contre l’Église, qui est à demi raisonnable, ni contre la Constitution, qui est noblement libérale ; la foi et la loi qu’on lui a offertes sont bonnes, utiles, morales, assez larges pour donner abri et emploi à toutes les diversités des esprits sincères. […] Sans être pédant, il est moral ; on peut le lire le soir en famille ; il n’est point révolté contre la société ni la vie ; il parle de Dieu et de l’âme, noblement, tendrement, sans parti pris ecclésiastique ; on n’a pas besoin de le maudire comme lord Byron ; il n’a point de paroles violentes et abruptes, de sentiments excessifs et scandaleux ; il ne pervertira personne.

1387. (1859) Cours familier de littérature. VII « XLIIe entretien. Vie et œuvres du comte de Maistre » pp. 393-472

On voit que tout cela n’était ni très digne, ni très logique, ni très moral. […] Il était si peu illusionné sur la convenance et sur la possibilité de la domination du Piémont sur l’Italie qu’il écrit, presque à la même date, au ministre de son roi à Cagliari, en parcourant les hypothèses d’une restauration encore bien douteuse : « Les considérations morales sont encore plus fortes.

1388. (1865) Cours familier de littérature. XX « CXIXe entretien. Conversations de Goethe, par Eckermann (1re partie) » pp. 241-314

Qui oserait affirmer que Schiller, écrivant le drame des Brigands à vingt-deux ans, ce drame corrupteur de la moralité publique, l’aurait encore écrit, de sa plume refroidie, à l’âge fait où il écrivait ses belles œuvres savantes et morales, à son âge mûr ? […] Son tempérament moral était composé, par moitiés égales, de réflexion froide pour les choses et d’enthousiasme ardent pour les lettres, les arts et même pour les sciences.

1389. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « VIII »

A Dresde il en était arrivé à un état d’abattement moral terrible, il ne pouvait descendre plus bas sans cesser pour toujours d’être artiste (IV, 360, 370 ; VII, 163, etc. ; Tapperl, Biogr. 48 ; Glasenapp, Biogr. […] Mais pour eux il n’a rien de commun avec la religion vulgaire : « Les résultats moraux du Christianisme, on les trouve chez moi expliqués par l’étude de la nature et basés sur elle, tandis que dans le Christianisme ils ne le sont que par de simples fables (Parerga, I, 143) », et autre part : « Pour faire entrer ce principe (délivrance de la vie), le Christianisme dut se servir de véhicules mystiques (Mysthichen vehikels) comme par exemple du calice qui devait sauver les hommes. » Wagner (1880, 273) : « Ce qui devait perdre l’Eglise chrétienne fut l’assimilation de cet être divin sur la croix avec le créateur juif du ciel et de la terre, et de joindre avec ce Dieu colère et vengeur, le sauveur des pauvres, qui s’est sacrifié par amour de tout ce qui existe.

1390. (1888) Journal des Goncourt. Tome III (1866-1870) « Année 1868 » pp. 185-249

Il nous parle spirituellement de l’aveuglement des peintres à ce qui est devant leurs yeux, et qui ne voient absolument que les choses qu’on les a habitués à voir : une opposition de couleur par exemple, mais rien du moral de la chair moderne. […] Quel dommage, quelle perte qu’une pareille intelligence d’observateur et de physiologiste, n’écrive pas un livre dont il nous donnait, ce soir, un si curieux morceau sur les effets moraux des maladies de poitrine : un livre dont la première ligne n’a pas été encore écrite, un livre qui serait une clinique médico-littéraire de ces maladies de foie, de cœur, des poumons, si liées et si attenantes aux sentiments et aux idées du malade, et présenterait toutes les révolutions de l’âme dans la souffrance du corps !

1391. (1888) Journal des Goncourt. Tome III (1866-1870) « Année 1869 » pp. 253-317

Avec l’intérêt poignant et le mouvement et la vie du récit, et avec l’émotion, comme encore présente des balles, des boulets, du canon, il nous raconte Magenta, Solférino, en un parler franc, et qui avoue l’humanité du soldat, sa susceptibilité nerveuse, dans l’atmosphère si variable et si changeante de la guerre, et qui reconnaît que les corps et les moraux les plus solides, peuvent céder au vent subit d’une panique. […] 14 décembre Toutes les douleurs morales se transforment dans les maladies nerveuses en douleurs physiques, en sorte qu’il semble que le corps souffre, une seconde fois, ce que l’âme a souffert.

1392. (1891) Journal des Goncourt. Tome V (1872-1877) « Année 1874 » pp. 106-168

La langue parlée de la princesse, sa manière de pourtraire les gens, en brouillant un détail physique avec un trait moral, cela, est vraiment pas mal conservé dans le travail, assis et rassis, de la composition et de l’écriture. […] La préoccupation de faire à son pauvre homme la vie douce, d’écarter tout ce qui peut mettre un nuage sur son front, de lui donner le plat qu’il aime, de lui sauver le désagréable d’une nouvelle, de défendre enfin, à toute heure, son système nerveux des mauvaises choses physiques et morales, dépasse tout ce qu’on peut imaginer.

1393. (1885) La légende de Victor Hugo pp. 1-58

Mais il y a égalité et égalité comme poètes et poètes : il en existe autant que de morales. […] Il s’éleva sans difficulté jusqu’au niveau de la grossière irréligion de ses lecteurs : car on ne lui demandait pas de sacrifier les effets de banale poésie que le romantisme tirait de l’idée de Dieu et de la Charité chrétienne, sur qui les libres-penseurs se déchargent du soin de soulager les misères que crée leur exploitation ; il put même continuer à faire l’éloge du prêtre et de la religieuse, ces gendarmes moraux que la bourgeoisie salarie pour compléter l’œuvre répressive du sergot et du soldat26.

1394. (1903) La renaissance classique pp. -

Le mot de « France » représente pour chacun de nous un capital intellectuel et moral longuement accumulé et dont nous n’épuiserons jamais la richesse. […] À les en croire, tous les caractères physiques ou moraux transmis par l’hérédité et fortifiés par l’habitude, quelle qu’en soit la nature, qu’ils soient bons ou mauvais pour l’organisme, qu’ils produisent, avec l’équilibre de la santé, une augmentation des forces, ou qu’ils amènent la dégénérescence, la maladie et la mort, — tout cela, pêle-mêle, rentre pour eux sous le concept de la race.

1395. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Massillon. — I. » pp. 1-19

Massillon a plus qu’aucun orateur la source en lui et la fécondité du développement moral ; et toutes les grâces, toutes les facilités de la diction viennent s’y joindre d’elles-mêmes, tellement que sa période longue et pleine se compose d’une suite de membres et de redoublements unis par je ne sais quel lien insensible, comme un flot large et plein qui se composerait d’une suite de petites ondes.

1396. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Massillon. — II. (Fin.) » pp. 20-37

Le dernier ouvrage inachevé de sa vieillesse est une suite de Paraphrases morales des Psaumes.

1397. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Froissart. — I. » pp. 80-97

Autant faut-il en dire pour ces images au moral qu’il nous est donné d’exposer ici.

1398. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « M. Daru. Histoire de la république de Venise. — III. (Suite et fin.) » pp. 454-472

Les navigateurs qui ne se lancèrent point sur l’Océan ne furent plus que des marins timides… Les réflexions morales et politiques, les bonnes maximes d’expérience qui naissent du spectacle des événements, et que d’autres historiens affectent, ne sont point jetées par M. 

1399. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Fénelon. Sa correspondance spirituelle et politique. — II. (Fin.) » pp. 36-54

Abandonnez-vous donc à la simplicité et à la folie de la croix. » Les lettres de Fénelon au duc de Chevreuse finirent par être plutôt de conseil moral et d’affaires intimes que de direction ; mais, au commencement, le caractère de lettres spirituelles y est assez marqué.

1400. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Œuvres complètes de Buffon, revues et annotées par M. Flourens. » pp. 55-73

Prenant l’homme pour centre de ses tableaux, il ne voulait étudier l’univers, les animaux, les plantes, les minéraux que par rapport à ce roi de la création et selon le degré d’utilité qu’il en pouvait tirer : c’était là un ordre moral et d’artiste plutôt que de savant.

1401. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Santeul ou de la poésie latine sous Louis XIV, par M. Montalant-Bougleux, 1 vol. in-12. Paris, 1855. — I » pp. 20-38

Un des bénédictins français modernes, dom Guéranger, souleva le premier et traita la question dans son livre des Institutions liturgiques (1841) : il y attaquait tout le système gallican, mais particulièrement cette innovation du xviie  siècle dans les chants et les hymnes sacrés, innovation dont Santeul fut l’instrument principal, et dont les promoteurs, M. de Harlay, archevêque de Paris, et le cardinal de Bouillon, abbé de Cluny, n’offraient pas toutes les qualités morales désirables chez des hommes voués au service de Dieu et préposés à la célébration de ses louanges.

1402. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Santeul ou de la poésie latine sous Louis XIV, par M. Montalant-Bougleux, 1 vol. in-12. Paris, 1855. — II » pp. 39-56

Santeul, tel qu’il faut se le représenter, non plus dans ses vers, mais en pratique et en action, dans cette espèce de comédie à un seul personnage qu’il représentait volontiers du matin au soir, c’est un La Fontaine de collège au gros sel, un Chapelle moins débauché et plus moral, bien qu’aimant aussi la bonne chère, un Piron honnête et aussi fertile en bons mots, un Roquelaure plus honnête également, mais à ripostes toujours plaisantes, une manière de Désaugiers en vers latins ; enfin c’est Santeul, chanoine très peu régulier de Saint-Victor, et unique en son espèce.

1403. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Œuvres inédites de P. de Ronsard, recueillies et publiées par M. Prosper Blanchemain, 1 vol. petit in-8°, Paris, Auguste Aubry, 1856. Étude sur Ronsard, considéré comme imitateur d’Homère et de Pindare, par M. Eugène Gandar, ancien membre de l’École française d’Athènes, 1 vol. in-8°, Metz, 1854. — I » pp. 57-75

Et cependant il s’exerce en bien des genres qu’on pourrait dire noblement tempérés, dans l’épître, le poème moral, et il y a fait preuve de sens et de talent : ainsi dans une des pièces qui lui attirèrent le plus d’inimitiés, dans son Discours des misères de ce temps, adressé à la reine Catherine de Médicis à l’occasion des troubles et des premiers massacres de religion dont le signal fut donné en 1560, il disait, après avoir dépeint l’espèce de fureur soudaine qui s’était emparée des esprits : Mais vous, reine très sage, en voyant ce discord Pouvez, en commandant, les mettre tous d’accord Imitant le pasteur qui voyant les armées De ses mouches à miel, fièrement animées Pour soutenir leurs rois, au combat se ruer.

1404. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Le duc de Rohan — I » pp. 298-315

Il a, chemin faisant, quelques maximes morales à la Salluste.

1405. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Œuvres de Frédéric-le-Grand Correspondance avec le prince Henri — I » pp. 356-374

Le prince Guillaume ne survécut que d’un an à peine à sa disgrâce ; il mourut l’année suivante (juin 1758), et cette mort, à laquelle Frédéric s’attendait si peu, et à laquelle il put se reprocher d’avoir contribué, vint ajouter dans ces sanglantes années aux peines morales qui assiégeaient de toutes parts son âme.

1406. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « La Margrave de Bareith Sa correspondance avec Frédéric — II » pp. 414-431

On sait les circonstances imprévues de la bataille de Rosbach : une marche fausse, prolongée, devant un ennemi bien posté, qui avait eu le temps de se ranger en bataille, amena une défaite facile et prompte, mais dont l’effet moral fut immense. « C’était une bataille en douceur, dit Frédéric en l’annonçant à la margrave (5 novembre).

1407. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « La princesse des Ursins. Ses Lettres inédites, recueillies et publiées par M. A Geffrot ; Essai sur sa vie et son caractère politique, par M. François Combes » pp. 260-278

Elle l’avait réellement façonné, créé, lui avait (au moral aussi, et jusqu’à un certain point) redressé la taille ; la fermeté récente dont il avait donné des marques dans ses lettres en France, dans toute sa conduite, était en effet son ouvrage : il avait acquis une sorte de caractère, de la volonté. « On ne connaît pas assez le roi d’Espagne », disait-elle à ceux qui paraissaient en douter : cela était vrai en plus d’un sens ; elle devait elle-même le vérifier quatre ans plus tard, lorsque, lui ayant trop fait sentir son joug, elle fut renversée traîtreusement en un clin d’œil et tomba de cette chute soudaine et ridicule dont sa renommée historique s’est ressentie.

1408. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Charles-Victor de Bonstetten. Étude biographique et littéraire, par M. Aimé Steinlen. — II » pp. 435-454

Préposé à l’administration et (si ce mot n’était trop pompeux) à la vice-royauté d’un pays sujet, qui voyait dans la Révolution d’un grand pays voisin un signal pour sa propre émancipation, Bonstetten sut, par son ascendant moral, maintenir jusqu’au bout sans violence le régime dont il était le représentant.

1409. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Journal d’Olivier Lefèvre d’Ormesson, publié par M. Chéruel » pp. 35-52

À défaut d’une grande étendue et élévation d’esprit, on doit le vénérer pour l’intégrité et sainteté de sa vie ; un sentiment moral, profond, respire dans ses mémoires inédits, trop prolixes et trop informes pour être publiés en entier ; M. 

1410. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Mémoires de Mme Elliot sur la Révolution française, traduits de l’anglais par M. le comte de Baillon » pp. 190-206

Elle insiste un peu plus que M. de La Marck, et selon son rôle de femme, sur les qualités sociales du prince et son amabilité superficielle ; mais pour le fond, elle nous montre encore plus, elle nous fait encore mieux comprendre son peu de caractère et de consistance, et cette absence de tout ressort moral qui le laissait à la merci des factieux et des intrigants, dont les groupes se succédèrent, se relayèrent jusqu’à la fin autour de lui, sans pouvoir jamais l’associer à quelque plan suivi ni rien faire de lui en définitive, dans le plus fatal des instants, qu’un criminel par faiblesse.

1411. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Les Caractères de La Bruyère. Par M. Adrien Destailleur. »

Il est encore certaines Observations morales d’un anonyme qu’il aurait pu faire tirer à part, s’il l’avait voulu, et ne pas joindre à l’édition : c’est appeler la confrontation avec le maître du genre et compliquer le rôle d’éditeur.

1412. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Correspondance de Béranger, recueillie par M. Paul Boiteau. »

Pour relever le moral de cet excellent homme, il s’humilie et se rabaisse à son tour, en y mettant de la gentillesse.

1413. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Madame de Staël. Coppet et Weimar, par l’auteur des Souvenirs de Mme Récamier »

Il répudiait la sécheresse des formes protestantes ; il paraissait croire à une réunion future, et à l’amiable, de toutes les communions chrétiennes ; en un mot, comme tous les vrais critiques que travaille une grande activité d’esprit et d’imagination, il était en train, sans s’en douter, de passer en réalité par la disposition et l’état moral qui lui avait manqué jusqu’alors, afin d’être ensuite tout à fait en mesure de s’en rendre compte et de le comprendre.

1414. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « M. Ernest Renan »

Renan, dans ses diversions vers l’Art, n’a rien écrit de plus fin, de plus pénétrant, de plus touchant, que ce qu’il a donné sur la Tentation du Christ, d’Ary Scheffer ; c’est dans ce morceau d’une parfaite élégance et d’un exquis raffinement moral qu’il nous a peut-être livré le plus à nu le secret de son procédé, la nature et la qualité de son âme, et la visée de son aspiration dernière : « Toute philosophie, dit-il, est nécessairement imparfaite, puisqu’elle aspire à renfermer l’infini dans un cadre limité… L’Art seul est infini… C’est ainsi que l’Art nous apparaît comme le plus haut degré de la critique ; on y arrive le jour où, convaincu de l’insuffisance de tous les systèmes, on arrive à la sagesse… » Ceux qui craignaient d’abord que, malgré les précautions sincères de M. 

1415. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Vie de Jésus, par M. Ernest Renan »

Je n’examine pas le fond ; mais le temps a assemblé et amassé autour de ces établissements antiques et séculaires tant d’intérêts, tant d’existences morales et autres, tant de vertus, tant de faiblesses, tant de consciences timorées et tendres, tant de bienfaits avec des inconvénients qui se retrouvent plus ou moins partout, mais, à coup sûr, tant d’habitudes enracinées et respectables, qu’on ne saurait y toucher et les ébranler sans jouer l’avenir même des sociétés… » On voit la suite.

1416. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Jean-Bon Saint-André, sa vie et ses écrits. par M. Michel Nicolas. »

« Il est à remarquer, disait Jean-Bon, que les deux hommes qui ont le moins estimé les sciences soient précisément ceux qui ont le mieux senti le prix de l’éducation, Socrate et Jean-Jacques Rousseau. » Et, s’emparant de l’exemple de Socrate, dont la méthode était celle de la nature ; qui favorisait le développement des facultés morales et ne le forçait pas, et qui n’était, selon sa propre définition, qu’un accoucheur des esprits : « Eh bien !

1417. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « La reine Marie Legkzinska »

Son caractère moral en résulta et se forma en conséquence : l’observateur philosophe qui avait chevauché pendant tant d’années à ses côtés, en a démêlé et nous en fait suivre à merveille tous les tours, les déguisements et les replis : « Cet homme, toujours subjugué, était toujours tourmenté parla crainte de l’être ; cette disposition influa constamment sur la conduite qu’il eut avec ses ministres.

1418. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « La Réforme sociale en France déduite de l’observation comparée des peuples européens. par M. Le Play, conseiller d’État. (Suite et fin.) »

Assurément il n’y a qu’un petit nombre d’hommes qui puissent grandir ainsi par la lutte de la vérité contre l’erreur ; mais tous s’élèvent dans l’ordre moral, à la vue des exemples de tolérance donnés par les classes dirigeantes, en s’habituant à résister à la tentation de persécuter leurs semblables.

1419. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Histoire des cabinets de l’Europe pendant le Consulat et l’Empire, par M. Armand Lefebvre (suite et fin.) »

Édouard Lefebvre de Béhaine ne saurait être mieux placé qu’à Berlin pour étudier et approfondir cette histoire de la coalition des forces morales sous lesquelles nous avons succombé en 1814 et ; 1815 : les millions de l’Angleterre, le froid même de la Russie, auraient été impuissants peut-être à nous détruire, s’ils n’avaient eu pour auxiliaires des caractères comme ceux de Stein, de Gneisenau, de Scharnhorst, toute une génération enfin de politiques, de militaires, de diplomates, légistes, poëtes, qui sortirent comme de terre sur tous les points de l’Allemagne après Austerlitz et Iéna, surtout après Moscou.

1420. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamennais — Lamennais, Affaires de Rome »

Les doctrines religieuses, morales et politiques, les lois et les institutions qu’elles avaient consacrées, formaient comme un vaste édifice, demeure commune de la grande famille européenne.

1421. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. PROSPER MÉRIMÉE (Essai sur la Guerre sociale. — Colomba.) » pp. 470-492

Il observe le sens moral dans ses récits.

1422. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Mathurin Regnier et André Chénier »

Il avait bien pu, dans un moment d’amoureuse ivresse et de découragement moral, écrire à de Pange : Sans les dons de Vénus quelle serait la vie ?

1423. (1902) L’observation médicale chez les écrivains naturalistes « Chapitre IV »

Pour l’hérédité, il n’avait admis que quatre cas : l’hérédité directe, représentation des collatéraux, oncles et tantes, cousins et cousines ; l’hérédité en retour, représentation des ascendants, à une on plusieurs générations de distance ; enfin l’hérédité d’influence, représentation des conjoints antérieurs… Quant à l’innéité, elle était l’être nouveau, ou qui paraît tel, et chez qui se confondent les caractères physiques et moraux des parents, sans que rien d’eux semble s’y retrouver.

1424. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre V. De la littérature latine, pendant que la république romaine durait encore » pp. 135-163

Quoique les Romains se soient moins livrés que les Grecs à la littérature, ils leur sont supérieurs par la sagacité et l’étendue dans les observations morales et philosophiques.

1425. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre IV. Les tempéraments et les idées (suite) — Chapitre VI, « Le Mariage de Figaro » »

Mais il y a un jour où se ramassent dans une explosion unique tous les sentiments de toute nature, moraux, politiques, sociaux, que l’œuvre des philosophes avait développés dans les cœurs, joie de vivre, avidité de jouir, intense excitation de l’intelligence, haine et mépris du présent, des abus, des traditions, espoir et besoin d’autre chose : ce jour de folie intellectuelle où toute la société de l’ancien régime applaudit aux idées dont elle va périr, c’est la première représentation du Mariage de Figaro (27 avril 1784).

1426. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Pierre Loti »

Puis la profonde diversité des êtres humains sur les différents points du globe, la multiplicité des religions, des morales et des coutumes, n’est sûrement pas un encouragement à croire.

1427. (1911) La valeur de la science « Troisième partie : La valeur objective de la science — Chapitre XI. La Science et la Réalité. »

Qu’on se place au point de vue moral, esthétique ou scientifique, c’est toujours la même chose.

1428. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre V. La littérature et le milieu terrestre et cosmique » pp. 139-154

Pour la déterminer, il faudra rechercher patiemment quels sont les traits essentiels qu’on retrouve en tout temps chez les habitants d’un pays et qu’on ne trouve que parmi eux, C’est l’œuvre de l’avenir de construire la science des rapports qui existent entre le monde physique et le monde moral.

1429. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Mémoires de Philippe de Commynes, nouvelle édition publiée par Mlle Dupont. (3 vol. in-8º.) » pp. 241-259

On aurait tort pourtant de croire que ce serait faire injure à Tacite que d’en rapprocher en cette occasion Commynes ; celui-ci, dans les réflexions qu’il joint à son récit, sur la misère des hommes et spécialement des princes, a su atteindre aux considérations morales les plus vraies, les plus touchantes.

1430. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Histoire de la Restauration, par M. de Lamartine. (Les deux premiers volumes. — Pagnerre.) » pp. 389-408

Il mêle à ces tableaux des réflexions rapides, des vues morales ou politiques, souvent judicieuses et profondes.

1431. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mémoires et correspondance de Mallet du Pan, recueillis et mis en ordre par M. A. Sayous. (2 vol. in-8º, Amyot et Cherbuliez, 1851.) — II. » pp. 494-514

Ces grandes épidémies morales par lesquelles passent les sociétés, et qui les transforment, qui ne les laissent pas après ce qu’elles étaient devant, usent bien des générations et constituent les véritables époques de l’histoire68.

1432. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Armand Carrel. — III. (Suite et fin.) » pp. 128-145

Un enseignement moral, d’ailleurs, sortira de tout ceci et va se déduire de lui-même par le développement naturel de l’homme.

1433. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « L’abbé Gerbet. » pp. 378-396

De ce système je ne toucherai qu’un seul mot, qui suffira à faire comprendre ce que j’ai à dire des qualités morales et littéraires de l’abbé Gerbet.

1434. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Monsieur Étienne, ou une émeute littéraire sous l’Empire. » pp. 474-493

Étienne y fut nommé de préférence à Alexandre Duval, et il prit séance, le 7 novembre 1811, par un discours de réception qui fut très remarqué, et où il soutenait cette thèse piquante que, quand tout serait détruit des deux derniers siècles, il suffirait que les comédies seules survécussent, pour qu’on pût deviner par elles « toutes les révolutions politiques et morales » de ces deux siècles.

1435. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Regnard. » pp. 1-19

vérité en deçà des Pyrénées, erreur au-delà. » Ces conclusions morales sceptiques, et où il s’égaie surtout en ce qui est de l’article du mariage, Regnard les a consignées expressément dans une épître en vers : Je le dirai : non, non, il n’est point de folie Qui ne soit ici-bas en sagesse établie, Point de mal qui pour bien ne puisse être reçu, Et point de crime enfin qu’on n’habille en vertu.

1436. (1912) L’art de lire « Chapitre III. Les livres de sentiment »

Ce ne sont point des livres faits pour le plaisir, chez l’auteur, de conter, chez le lecteur, d’entendre bien conter ; ce ne sont pas des livres d’observation générale et par conséquent que nous puissions contrôler ; ce ne sont point des livres d’idéalisation et que par conséquent nous puissions contrôler encore en ce sens qu’ils présentent comme réalisé ce qui est en nous belle inspiration, beaux rêves et belles ambitions morales.

1437. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Philarète Chasles » pp. 111-136

J’ai ouï dire que ce fut assez tard que Philarète Chasles reçut le baptême ; mais le baptême n’efface que le péché originel dans l’homme, il ne remplace pas l’éducation chrétienne qui fait les seuls forts dans l’ordre moral comme les seuls voyants dans l’ordre intellectuel.

1438. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Michelet »

Je leur écrirai le livre d’affranchissement des servitudes morales, le livre de l’AMOUR VRAI. » Et le voilà !

1439. (1908) Promenades philosophiques. Deuxième série

Cela n’en saurait avoir davantage sur notre manière de considérer les crimes et les divers manquements à la loi et aux coutumes morales. […] Selon la plupart des religions, Dieu ou les dieux ont établi des règles morales, et quand les hommes violent ces règles, ils sont châtiés. […] Le chagrin moral et les douleurs d’entrailles déterminent sur notre visage le même faciès, et il y a pourtant là entre les deux causes quelque différence ! […] Nos maladies morales ne sont jamais que les signes visibles, les symptômes d’une maladie physique intérieure, généralement localisée dans le cerveau. […] Joly disait déjà, en 1879, de l’homme quaternaire : « Il était homme dans toute l’acception du mot, au triple point de vue anatomique, intellectuel et moral. » (L’Homme avant les métaux, p. 328.)

1440. (1891) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Quatrième série

On lui reproche d’avoir parlé de ces Théologies morales, écrites en latin, nous dit-on, pour l’usage des seuls confesseurs, comme si leurs auteurs les avaient proposées à la lecture commune des fidèles. […] et que cette « souplesse », et ces « accommodements », et ces compromis, ce n’est pas autre chose que ce qui indignait si fort Pascal dans les Théologies morales des Escobar et des Dicastillo ? […] Ce n’était pas sans doute un cartésien, car, généralement vraie des philosophies morales, de celles qui s’enferment elles-mêmes dans le cercle de l’expérience humaine, la remarque ne l’est pas des autres. […] Mais, aux différents étages de la société, cherchez et comptez combien d’hommes se sont proposé ce « renouvellement », ou ce « perfectionnement moral » d’eux-mêmes, comme objet de leur vie. […] Voltaire, pour croire au progrès, et surtout au progrès moral, a trop connu les hommes, de trop près, les a trop fréquentés, s’est trop connu lui-même.

1441. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Camille Jordan, et Madame de Staël »

Je ne me hasarderai pas à donner les traits qui définissent le mieux le génie natif de cette, race lyonnaise dont nous avons connu des représentants diversement distingués ; mais assurément un même caractère provincial leur demeure attaché à tous : ce caractère porte avec lui un certain fonds de croyances, de sentiments, d’habitudes morales, de patriotisme local, de religiosité et d’affectuosité (si je puis dire), qui se maintient au milieu de l’effacement ou du dessèchement trop général des âmes. […] Il me semblait que la mort menaçait mon père, mes enfants, mes amis, et ce sont des sensations de ce genre qui doivent préparer le désordre des facultés morales. […] Après tout, quand on le considère de près et qu’on l’étudie, on reconnaît qu’il suivit toujours la même ligne de principes, le même ordre d’inspirations, puisées aux mêmes sources morales ; mais il était en progrès.

1442. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Jean-Jacques Ampère »

Il s’est intitulé en quelques-uns de ses livres le critique en voyage : littéralement ou au moral, il l’a été de tout temps. […] Il a le premier sentiment très-vrai, et qu’il nous rend très-fidèlement, des divers pays qu’il parcourt : avec lui, la physionomie des lieux se montre aussitôt à nous en elle-même et dans son rapport moral avec le caractère des habitants ; car ce qui m’en plaît chez Ampère voyageur, c’est que l’homme n’est jamais absent, ni loin. […] Ampère, dans sa manière rapide et son heureux instinct, se contente de toucher sans appuyer ; il indique l’harmonie entre le moral et le physique, sans aller jusqu’à une complète identification ; il laisse place à un certain jeu des facultés.

1443. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Mémoires du général La Fayette (1838.) »

Que des hommes de la Montagne, les héros plus ou moins sanglants de cette formidable époque, soient demeurés fixes jusqu’au bout dans leur conviction et soient morts la plupart immuables, on le conçoit : la foudre, on peut le dire sans métaphore, les avait frappés : une sorte de coup fatal les avait saisis et comme immobilisés dans l’attitude héroïque ou sauvage qu’avait prise leur âme en cette crise extrême ; ils n’en pouvaient sortir sans que leur caractère moral à l’instant tombât en ruine et en poussière. […] Quoi qu’il en soit (rare éloge et peut-être applicable à lui seul entre les hommes de sa nuance qui ont fourni au long leur carrière), chez La Fayette le rôle extérieur et l’inspiration intérieure se rejoignaient, se confirmaient pleinement, constamment ; l’homme d’esprit, poli et fin, intéressant à entendre, qu’on rencontrait en l’approchant, ne faisait qu’une agréable diversion entre le personnage public toujours prochain et l’intérieur moral toujours présent, et n’allait jamais jusqu’à interrompre ni à laisser oublier la communication de l’un à l’autre. […] Son rôle, ou plutôt l’absence de tout rôle, à cette époque du Consulat et de l’Empire, est dictée par un tact politique et moral des plus parfaits.

1444. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Troisième partie. — L’école historique » pp. 253-354

Cette opposition des sociétés spirituelles et oisives contre le gouvernement revêtit au siècle de Louis XIV un caractère moral et religieux. […] Il était naturellement observateur, et les maux physiques, surtout les souffrances morales qu’il endura jusqu’à sa mort, l’avaient rendu profondément mélancolique. […] Lysidas aurait pu citer encore en France La Bruyère disant dans son Discours sur Théophraste : « Que si quelques-uns se refroidissent pour cet ouvrage moral par les choses qu’ils y voient, qui sont du temps auquel il a été écrit, et qui ne sont point selon leurs mœurs, que peuvent-ils faire de plus utile et de plus agréable pour eux que de se défaire de cette prévention pour leurs coutumes et leurs manières, qui, sans autre discussion, non seulement les leur fait trouver les meilleures de toutes, mais leur fait presque décider que tout ce qui n’y est pas conforme est méprisable, et qui les prive, dans la lecture des livres des anciens, du plaisir et de l’instruction qu’ils en doivent attendre ? 

1445. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « M. de Fontanes »

Le curé ne se bornait pas aux impressions morales, il y ajoutait souvent les duretés physiques ; et le pauvre enfant, poussé à bout, s’échappait, un jour, pour s’aller faire mousse à La Rochelle : on le rattrapa. […] Il manquait des livres nécessaires, n’avait pour compagnon qu’un petit Virgile qu’il avait acheté près de la Bourse, à Amsterdam ; il lui arrivait de rencontrer chez d’honnêtes fermiers du Holstein les Contes moraux de Marmontel, mais il n’avait pu trouver un Plutarque dans toute la ville de Hambourg (que n’allait-il tout droit à Klopstock ?)  […] M. de Fontanes, en vue des générations survenantes, tendait à faire entrer dans l’Université l’esprit moral, religieux, conservateur, et la plupart de ses choix furent en ce sens. […] M. de Fontanes avait souvent passé sa journée à relire quelque beau passage de Lucrèce et de Virgile ; à noter sur les pages blanches intercalées dans chacun de ses volumes favoris quelques réflexions plutôt morales que philologiques, quelques essais de traduction fidèle : « J’ai travaillé ce matin, disait-il ; ces vers de Virgile, vous savez : Et varios ponit fœtus autumnus, et alte Milis in apricis coquitur vindemia saxis ; « ces vers-là ne me plaisent pas dans Delille : les côtes vineuses, les grappes paresseuses  ; voici qui est mieux, je crois : Et des derniers soleils la chaleur affaiblie Sur les coteaux voisins cuit la grappe amollie. » Il cherchait par ces sons en i (cuit la grappe amollie) à rendre l’effet mûrissant des désinences en is du latin.

1446. (1837) Lettres sur les écrivains français pp. -167

Il s’entoure de toutes les choses qui doivent contribuer à constater ce tic moral. […] Sue parle de faire des drames ; avec les idées morales qu’il a développées dans ses romans, il portera à la scène des choses dont le genre a déjà lassé le public, cela est à craindre. […] Il s’est déjà trouvé quelques écrivains français qui, ayant traversé la Belgique, ou étant simplement allés à Bruxelles et à Anvers, par le chemin de fer, sont rentrés à Paris avec la prétention d’avoir pour dix feuilletons d’études morales ou d’observations physiques sur notre pays. […] Fulgence Girard est un des jeunes poètes de France dont le talent a le plus de grâce et de force à la fois, qualités qui s’excluent moins dans l’ordre moral que dans l’ordre physique, comme vous savez.

1447. (1817) Cours analytique de littérature générale. Tome I pp. 5-537

Les lettres nous donnent la mesure des forces morales ; et de plus, elles les produisent et les augmentent. […] Son introduction nous annonçait un Cours de littérature ; et ses livres ne nous présentent qu’un chaos de dissertations morales et polémiques. […] On l’excuse de ce vice en raison du but moral et politique où tendait sans cesse la marche de son talent, et trop de beautés compensent en lui ce défaut, pour qu’il soit permis de le condamner. […] Les dons des rois voisins qui voulaient attirer Sophocle dans leurs cours, ne l’arrachèrent point aux lieux de sa naissance ; et les leçons morales dont ses tragédies sont pleines, acquirent d’autant plus d’autorité qu’il y joignit son exemple en se refusant aux amorces d’un brillant esclavage. […] Des commentateurs plus sérieux ont donné au même texte une autre interprétation : ils présument qu’Aristote, ne parlant point du but moral de l’art, mais de l’art en soi, fait entendre que les passions tragiques doivent être purgées de l’excès qui les empêche de plaire.

1448. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Sully, ses Économies royales ou Mémoires. — III. (Fin.) » pp. 175-194

Il voit dans cette nouvelle industrie des soies, « plutôt méditative, oisive et sédentaire », une cause d’affaiblissement, même au moral ; il craint que cet emploi d’un nouveau genre ne désaccoutume la population de la vie laborieuse et pénible qui est propre à former de bons soldats.

1449. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Gibbon. — I. » pp. 431-451

Qui ne sent pas son prix n’est pas digne d’elle ; mais qui l’a pu sentir et s’en détache est un homme à mépriser… — Gibbon a l’honnêteté de renvoyer à cette lettre où les noms étaient restés masqués par des initiales ; il indique que c’est à lui qu’elle s’applique, et il ajoute : « Comme auteur, je n’appellerai pas du jugement, ou du goût, ou du caprice de Jean-Jacques ; mais cet homme extraordinaire, que j’admire et que je plains, aurait pu mettre moins de précipitation à condamner le caractère moral et la conduite d’un étranger. » j.

1450. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Joinville. — I. » pp. 495-512

Joinville a traduit là, dans son moral de croyant, le « illi robur et aes triplex » du poète : le néant de l’homme à la merci des élémentsm.

1451. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Duclos. — I. » pp. 204-223

Ses pensées morales ne sont guère que de la bonne monnaie courante bien frappée ; mais, quand il parlait, il la faisait si bien sonner qu’elle doublait de valeur.

1452. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Bourdaloue. — II. (Fin.) » pp. 281-300

Membre d’une société qu’on accusait d’être accommodante et relâchée, il s’attache à prendre chez les adversaires ce qu’ils ont de juste, de moral, de profondément chrétien et de raisonnablement sévère ; il en ôte ce qu’ils y mettent d’excessif, et il ne leur laisse en propre que cette dureté.

1453. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) «  Œuvres de Chapelle et de Bachaumont  » pp. 36-55

Les sujets auxquels Chapelle méditait de s’appliquer n’étaient rien moins que la nature même des choses au physique et au moral, la structure du monde et la composition de l’homme, le libre arbitre, la fortune, le destin, la Providence, la nature de l’âme ; il voulait, d’après Épicure, Lucrèce et Gassendi, reprendre et couler à fond toutes ces matières : il n’avait peut-être pas tout à fait cuvé son dernier vin de la veille le jour où il avait conçu ce grand projet, dont la nouvelle était allée à Bernier jusqu’aux contins de l’Indoustan.

1454. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « De la poésie de la nature. De la poésie du foyer et de la famille » pp. 121-138

Cette originalité, jointe aux vertus et aux qualités morales les plus fines qui sont l’âme de cette poésie, se rencontre au plus haut degré en un poète anglais bien connu de nom, mais trop peu lu en France, et dont je voudrais présenter une idée précise et vive, par opposition aux divers noms que je viens de passer en revue.

1455. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Instruction générale sur l’exécution du plan d’études des lycées, adressée à MM. les recteurs, par M. Fortoul, ministre de l’Instruction publique » pp. 271-288

Mais vous préférez le monde moral, la pensée, l’expression d’un sentiment.

1456. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « [Chapitre 5] — I » pp. 93-111

Vers 1725, il s’était formé à Paris, chez l’abbé Alary, de l’Académie française, une conférence politique qui se tenait tous les samedis ; et comme l’abbé demeurait à un entresol, place Vendôme, dans la maison du président Hénault, la société avait pris nom l’Entresol C’était à la fois un essai de club à l’anglaise et un berceau d’Académie des sciences morales et politiques.

1457. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « La Margrave de Bareith Sa correspondance avec Frédéric — I » pp. 395-413

Ces diverses nouvelles que Frédéric écrit à sa sœur ne sont que des accidents de leur correspondance : le fond est plutôt de leurs sentiments, de leurs pensées, de questions morales ou métaphysiques que la sœur propose au frère et que celui-ci s’applique à résoudre, par exemple : « De la différence qu’il y a entre la constance en estime et la constance en amour. » Elle a du loisir à Bareith, et ce ne sont que les sujets et les vis-à-vis qui lui manquent pour y fonder à sa manière un petit hôtel de Brancas ou de Rambouillet.

1458. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Œuvres de Vauvenargues tant anciennes qu’inédites avec notes et commentaires, par M. Gilbert. — III — Toujours Vauvenargues et Mirabeau — De l’ambition. — De la rigidité » pp. 38-55

Il y arrive, à l’éloquence, dans sa lettre du 22 mars 1740, non sans avoir passé par quelques lenteurs ; car il résume assez longuement les espèces de conférences morales qu’il tient avec le chevalier : ces conversations pour former un parfait honnête homme sont un peu sermon pour nous, comme elles l’étaient probablement pour son impatient élève ; puis tout à coup, à propos des lectures qu’il lui voudrait voir faire, entre autres celle des Vies de Plutarque, il s’enflamme et se laisse emporter : C’est une lecture touchante, j’en étais fou à son âge ; le génie et la vertu ne sont nulle part mieux peints ; l’on y peut prendre une teinture de l’histoire de la Grèce, et même de celle de Rome.

1459. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Le journal de Casaubon » pp. 385-404

Non seulement il rencontra un bon et flatteur accueil auprès d’un roi qui ne craignait point de paraître savant jusqu’au pédantisme, et avec qui il conversait en français ou en latin (Casaubon ne savait pas l’anglais), non seulement il fut gratifié d’une pension et de deux prébendes à Cantorbéry et à Westminster, mais il trouva une sorte d’apaisement à ses inquiétudes morales et un point d’appui à ses tendresses de conscience dans le culte anglican qui était comme fait à sa mesure, tant pour la part de réforme introduite que pour celle d’antique tradition conservée.

1460. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Œuvres de Maurice de Guérin, publiées par M. Trébutien — II » pp. 18-34

On comprit alors cette plainte obstinée d’une si riche nature ; les germes d’extinction et de mort précoce qui étaient déposés au fond de ses organes, dans les racines de la vie, se traduisaient fréquemment au moral par ce sentiment inexprimable de découragement et de défaillance.

1461. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Histoire du roman dans l’Antiquité »

Chassang, dans le Mémoire devenu tout un livre qu’il a composé à ce sujet et que l’Académie des inscriptions a couronné, s’attache, avec sa sûreté de critique, avec la science dont il use et dispose en maître, à suivre, à démêler et à démasquer le roman sous toutes les formes mythiques, historiques, allégoriques, morales, sous lesquelles il se glissait : la Cyropédie de Xénophon était déjà un roman qui tenait du Télémaque ; l’Atlantide de Platon n’était qu’une fiction de Salente, plus idéale et plus grandiose.

1462. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Maurice et Eugénie de Guérin. Frère et sœur »

Une grande préoccupation était au cœur de Mme de Guérin : c’était, en même temps qu’elle recueillerait les restes poétiques de son frère, de donner quelques explications sur l’état moral de son âme, et de le revendiquer pour cette foi chrétienne et catholique dans laquelle il avait été nourri, dans laquelle il était rentré et il était mort.

1463. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Ducis épistolaire. »

Ducis faisait une pièce comme il fait une scène, il serait notre premier tragique70. » Et dans ses moments de plus grande franchise La Harpe ajoutait encore : « C’est bien heureux que cet homme n’ait pas le sens commun, il nous écraserait tous. » Je voudrais insister sur les beautés de ces lettres de Ducis, dont la collection ferait un trésor moral et poétique ; on y joindrait les lettres de Thomas fort belles, fort douces et bien moins tendues de ton qu’on ne le suppose.

1464. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Mémoires de l’abbé Legendre, chanoine de Notre-Dame, secrétaire de M. de Harlay, archevêque de Paris. »

Eh bien, pourquoi n’y aurait-il pas, de lui également, quatre ou cinq portraits au moral ?

1465. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Gavarni (suite et fin.) »

Sur un fond de ciel gris, au milieu d’un paysage nu et plat qui est assez celui de la plaine des environs de Paris, se détache l’horrible vieillard, espèce de chiffonnier au moral de toutes les guenilles et de toutes les désillusions humaines.

1466. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Le maréchal de Villars. »

Mais cette bataille perdue avait cela de particulier, à la différence des précédentes, qu’on y avait combattu avec une valeur acharnée, qu’on y avait fait plus de mal encore aux ennemis qu’ils n’étaient parvenus à nous en faire, et que le moral des troupes était relevé.

1467. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Théophile Gautier (Suite et fin.) »

» Il le redit, non moins excellemment, dans un article sur Ary Scheffer, en faisant remarquer que cet esprit si distingué et si élevé n’a pas assez compris que la pensée pittoresque n’avait rien de commun avec la pensée poétique : « Un effet d’ombre ou de clair, une ligne d’un tour rare, une attitude nouvelle, un type frappant par sa beauté ou sa bizarrerie, un contraste heureux de couleur, voilà des pensées comme en trouvent dans le spectacle des choses les peintres de tempérament, les peintres nés. » Aussi, tout en rendant justice aux sentiments et aux intentions épurées de ce « poète de la peinture » comme il l’appelle, il ne l’a loué en toute sincérité et franchise que pour certains portraits où le sens moral n’a fait qu’aiguiser l’observation et donner plus de vie à la vérité.

1468. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Histoire de Louvois par M. Camille Rousset. Victor-Amédée, duc de Savoie. (suite et fin.) »

Camille Rousset, les éléments originaux d’un portrait militaire, et moral aussi, de Catinat.

1469. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Le mariage du duc Pompée : par M. le comte d’Alton-Shée »

Orphelin dès ma naissance, pendant ma longue jeunesse, j’ai cherché le plaisir, j’ai vécu de la vie des autres hommes, mais c’est vous, vous seule, qui m’avez appris à aimer. » Un comte de Noirmont, homme de soixante-six ans, et qui fut longtemps le guide, le tuteur d’Herman au moral, qui jusqu’à un certain point l’est encore, est arrivé depuis peu de jours dans cet intérieur.

1470. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Don Quichotte (suite et fin.) »

Cervantes nous est le meilleur témoin de lui-même et son meilleur peintre au physique comme au moral, quand il veut bien l’être.

1471. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Mémoires de madame Roland »

On a d’elle, lorsqu’elle était encore jeune fille, c’est-à-dire avant son mariage, à l’âge de vingt-deux ou vingt-trois ans, un Essai moral, une espèce de dissertation sur l’amour qui commence ainsi : « Je pense à l’amour et je prends la plume… Que prétends-je faire ?

1472. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Marie-Antoinette (suite et fin.) »

Le beau moment moral de la reine — un long moment — commence avec les journées d’octobre, c’est-à-dire avec sa captivité.

1473. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Mlle Eugénie de Guérin et madame de Gasparin, (Suite et fin.) »

mais encore une fois, bien de la sève et de la vitalité, et, en même temps que le talent supérieur du paysage, un beau et large jet de sentiment moral épanoui.

1474. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Correspondance de Louis XV et du maréchal de Noailles, publiée par M. Camille Rousset, historiographe du ministère de la guerre (suite et fin) »

Tel était l’état moral où était tombée une armée française mal exercée, médiocrement commandée.

1475. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Le comte de Clermont et sa cour, par M. Jules Cousin. »

On a (excepté peut-être pour la partie militaire) les éléments et tous les traits originaux d’un portrait ; ou plutôt, rien qu’à feuilleter du doigt ces deux jolis volumes et à les parcourir en tous sens, le portrait se crayonne et s’achève de lui-même en nous, non sans avoir amené, chemin faisant, toutes sortes de réflexions et de remarques plus ou moins morales et philosophiques.

1476. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Essai sur Talleyrand (suite.) »

Le problème moral que soulève le personnage de Talleyrand, en ce qu’il a d’extraordinaire et d’original, consiste tout entier dans l’assemblage, assurément singulier et unique à ce degré, d’un esprit supérieur, d’un bon sens net, d’un goût exquis et d’une corruption consommée, recouverte de dédain, de laisser-aller et de nonchalance.

1477. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « THÉOPHILE GAUTIER (Les Grotesques.) » pp. 119-143

Sans prétendre nier en rien les rapports du physique avec le moral, il me semble que c’est ici abuser même de la physiologie ; la pensée de l’homme a coutume de siéger plus haut que dans l’abdomen, et Gall, non moins qu’Homère, la fait asseoir vers le milieu du front, au-dessus des sourcils, comme sur un trône.

1478. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « DISCOURS DE RÉCEPTION A L’ACADÉMIE FRANÇAISE, Prononcé le 27 février 1845, en venant prendre séance à la place de M. Casimir Delavigne. » pp. 169-192

De la pièce si agréable des Comédiens je veux pourtant relever ce personnage de Victor, type du jeune auteur dramatique tel que le rêvait le poëte, et à la faveur duquel il a exprimé, sur le but moral de l’art, sur le rôle du talent dans la retraite, quelques conseils et préceptes d’une justesse appropriée, dont il est demeuré observateur fidèle : Aimons les nouveautés en novateurs prudents… Que le littérateur se tienne dans sa sphère… Crains les salons bruyants, c’est l’écueil à ton âge ; Nous avons trop d’auteurs qui n’ont fait qu’un ouvrage… Et d’autres pareils.

1479. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE SOUZA » pp. 42-61

Cette dernière me plaît moins ; en général, à part Eugène de Rothelin et Adèle de Sénange, le développement sentimental est moins neuf dans les romans de Mme de Souza que ne le sont les observations morales et les piquantes causeries.

1480. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre troisième. Les sensations — Chapitre premier. Les sensations totales de l’ouïe et leurs éléments » pp. 165-188

. — Et, d’autre part, les points de vue d’après lesquels on construit les sciences morales nous manquent aussi.

1481. (1892) Boileau « Chapitre VI. La critique de Boileau (Fin). La querelle des anciens et des modernes » pp. 156-181

Boileau ne le fit pas, et n’alla point au-delà des idées littéraires proprement dites : il ne regarda point les réalités psychologiques qui se cachent derrière ces abstractions, une langue, un genre : il n’y vit point les expressions de ces consciences collectives qu’on appelle des peuples, et ne se rendit pas compte que chaque nation façonne sa langue à son image, et que l’apparition et la disparition, la perfection et la décadence de ces formes organiques qui sont les genres, représentent la succession des états d’âme, la diversité des aptitudes intellectuelles et des aspirations morales des divers groupes de l’humanité.

1482. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « M. Émile Zola, l’Œuvre. »

Voyez comment, dans son dernier roman, un drame tout moral et tout intime se tourne peu à peu en un poème symbolique, grandiose et tout matériel.

1483. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre IV. Précieuses et pédantes »

Malheureusement une épithète est d’ordre physique, l’autre d’ordre moral et Pascal trouverait que tes fenêtres, fausses toutes deux, sont, ridicule inattendu !

1484. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Pensées, essais, maximes, et correspondance de M. Joubert. (2 vol.) » pp. 159-178

Ces livres de maximes et d’observations morales condensées, comme l’était déjà celui de La Bruyère et comme l’est surtout celui de M. 

1485. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Campagnes d’Égypte et de Syrie, mémoires dictés par Napoléon. (2 vol. in-8º avec Atlas. — 1847.) » pp. 179-198

Il prolonge à plaisir un tableau qui, du technique, s’élève bientôt au moral dans des proportions gigantesques, et qui se couronne par la conquête de l’Hindoustan et la civilisation du cœur de l’Afrique.

1486. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Le père Lacordaire orateur. » pp. 221-240

Grâce à ce ton de facilité généreuse et de franchise, il a su conquérir, sur son auditoire de jeunes gens, une autorité de faveur et de sympathie ; il a pu leur donner des conseils moraux sur les sujets les plus délicats : il a fait sur la chasteté, par exemple, des conférences qui sembleraient d’une étrange audace, si cette audace n’était revêtue d’autant de candeur et servie d’un aussi prodigieux talent.

1487. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Discours sur l’histoire de la révolution d’Angleterre, par M. Guizot (1850) » pp. 311-331

Il a, chemin faisant, mainte maxime d’État, mais aucune de ces réflexions morales qui éclairent et réjouissent, qui détendent, qui remettent à sa place l’humanité même, et comme il en échappe sans cesse à Voltaire.

1488. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Le Livre des rois, par le poète persan Firdousi, publié et traduit par M. Jules Mohl. (3 vol. in-folio.) » pp. 332-350

Ce génie, tel qu’il se prononce dans les parties ordinaires et comme dans le récitatif du poème, est tout moral et grave.

1489. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Mémoires d’outre-tombe, par M. de Chateaubriand. » pp. 432-452

Et après un portrait au physique et au moral des plus vivants : Sa voix était flexible, ajoutait-il, ses modulations suivaient les mouvements de son âme ; mais, dans les derniers temps de mon séjour à Paris, elle avait pris de l’aspérité, et on y démêlait l’accent agité et impérieux des factions.

1490. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Œuvres de Frédéric le Grand. (Berlin, 1846-1850.) » pp. 144-164

« Il a été grand surtout dans les moments les plus critiques, a dit Napoléon ; c’est le plus bel éloge que l’on puisse faire de son caractère. » Ce caractère moral est ce qui ressort encore chez Frédéric à travers le guerrier, et qui demeure bien au-dessus ; ç’a été une âme d’une forte trempe et un grand esprit qui s’est appliqué à la guerre parce qu’il le fallait, plutôt que ce n’était un guerrier-né.

1491. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Frédéric le Grand littérateur. » pp. 185-205

— Assez, lui dit Frédéric, qui reprend ici l’avantage du bon sens et du bon goût au moral : Je ne suis, je vous assure, ni une espèce ni un candidat de grand homme ; je ne suis qu’un simple individu qui n’est connu que d’une petite partie du continent, et dont le nom, selon toutes les apparences, ne servira jamais qu’à décorer quelque arbre de généalogie, pour tomber ensuite dans l’obscurité et dans l’oubli.

1492. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Madame de Maintenon. » pp. 369-388

L’intérêt matériel et positif fut toujours secondaire à ses yeux, malgré sa position de gêne, et elle le subordonnait à cet autre intérêt moral fondé sur l’estime qu’on faisait d’elle.

1493. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Rulhière. » pp. 567-586

Le trait malin, proverbial, les alliances heureuses de noms et d’idées, la concision élégante, tout ce qui constitue le genre moral tempéré et en fait l’ornement, s’y trouve placé avec art, et il n’y manque vraiment qu’un souffle poétique moins sec et plus coloré, quand l’auteur tente de s’élever et de nous peindre, par exemple, le temple de l’Opinion promené dans les airs sur les nuages : c’est ici que l’on sent le défaut d’ailes et d’imagination véritable, l’absente de mollesse, de fraîcheur et de charme, comme dans toute la poésie de ce temps-là.

1494. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Charles Perrault. (Les Contes des fées, édition illustrée.) » pp. 255-274

Il prétendit que la satire de Boileau était des plus morales, des plus exemplaires, et que les imputations de Perrault, à cet égard, étaient mal fondées et outrageuses.

1495. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « De la poésie et des poètes en 1852. » pp. 380-400

. — Un critique de beaucoup de finesse, mais dont il faut détacher les mots piquants du milieu de bien des fatuités et des extravagances, Barbey d’Aurevilly, comparant un jour les dernières poésies de M. de Laprade avec celles d’un autre poète également moral et froid, concluait en disant : « Au moins, avec M. de Laprade, l’ennui tombe de plus haut. » C’est plus satirique que juste, mais le mot est lâché : l’écueil est là ; gare aux beaux vers qui sont ennuyeux !

1496. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Madame Sophie Gay. » pp. 64-83

Sous le règne de Louis-Philippe, malgré le caractère si moral de la famille régnante, le dirai-je ?

1497. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Armand Carrel. — I. » pp. 84-104

C’est un bel article, sombre, fier, tendre sans faiblesse, moral sans déclamation, et comme avait seul le droit de l’écrire un homme qui avait sondé la vie et vu plus d’une fois en face la mort. — J’ai suivi jusqu’à présent Carrel un peu au hasard, et je me suis essayé comme lui : j’ai hâte de me recueillir à son sujet et de rejoindre sa vraie ligne, comme il fit bientôt en devenant tout à fait lui-même.

1498. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Boileau. » pp. 494-513

Les sujets en sont assez petits, ou, quand l’auteur les prend dans l’ordre moral, ils tournent au lieu commun : ainsi la Satire à l’abbé Le Vayer sur les folies humaines, ainsi celle à Dangeau sur la noblesse.

1499. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Le président de Brosses. Sa vie, par M. Th. Foisset, 1842 ; ses Lettres sur l’Italie, publiées par M. Colomb, 1836. » pp. 85-104

Quel homme a jamais mieux su manier sa langue dans tous les tons, sublime, moral, tendre, noble ou badin ?

1500. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Le cardinal de Richelieu. Ses Lettres, instructions et papiers d’État. Publiés dans la Collection des documents historiques, par M. Avenel. — Premier volume, 1853. — II. (Fin.) » pp. 246-265

Dans ses peintures morales, et dans l’examen des conditions qu’il exige des hommes appelés à être des conseillers politiques, il avait certainement en vue tel ou tel de ceux qu’il avait connus ; mais ses observations sont si justes et si fortes que, rien qu’à les transcrire ici, il semble encore aujourd’hui qu’on puisse mettre des noms propres au bas des qualités et des défauts : Les plus grands esprits, dit Richelieu, sont plus dangereux qu’utiles au maniement des affaires ; s’ils n’ont beaucoup plus de plomb que de vif-argent, ils ne valent rien pour l’État.

1501. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Marguerite, reine de Navarre. Ses Nouvelles publiées par M. Le Roux de Lincy, 1853. » pp. 434-454

Ce dizain très moral pourrait trouver place aussi bien dans les contes de la reine de Navarre, et la dame Oisille ou la dame Parlamante pourraient le citer en réponse à quelqu’un des cavaliers trop entreprenants.

1502. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre troisième. Le souvenir. Son rapport à l’appétit et au mouvement. — Chapitre deuxième. La force d’association des idées »

L’association des sentiments par similarité s’étend même d’un groupe à l’autre, notamment des sentiments sensoriels aux sentiments esthétiques et moraux, ou invicem.

1503. (1860) Ceci n’est pas un livre « Une préface abandonnée » pp. 31-76

Mais moi, qui ne suis pas obligé d’apprendre par cœur le dogme dans le Catéchisme universitaire, moi qui ne suis pas même maître d’études, j’ai le droit d’apercevoir sous les passions et les doutes qui ont arraché à Musset, Byron, Hugo, des confessions navrantes, le roman moral de toute une génération, — et de le dire hautement.

1504. (1913) Essai sur la littérature merveilleuse des noirs ; suivi de Contes indigènes de l’Ouest-Africain français « Essai sur la littérature merveilleuse des noirs. — Chapitre III. Personnages merveilleux des contes indigènes »

— Les guinné jouent le rôle le plus constamment important dans les contes merveilleux ou moraux.

1505. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Xavier Aubryet » pp. 117-145

L’âme, à cette heure, est aussi ruinée que Venise, et pour Aubryet plus que pour personne ; car Xavier Aubryet ne croit à aucun des mérites et des puissances morales de ce temps-ci, et s’il a écrit Les Patriciennes de l’Amour, ce n’est probablement pas qu’il les ait jamais rencontrées, mais c’est qu’il en a très certainement rencontré d’autres, peu patriciennes, et, disons le mot, même un peu canailles de l’amour… et que, de mépris pour celles-là, il a trouvé bon et soulageant de leur jeter à la figure son idéal au désespoir !

1506. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Macaulay »

Et ici, ce n’est pas même l’Histoire, pour laquelle il me semble beaucoup moins fait que pour l’analyse des œuvres de l’esprit et leur appréciation, que je reproche à l’écrivain : c’est l’absence de moralité certaine, de cette moralité qui doit être le fond de toute Histoire, et qui, pour cet homme trop anglais, n’est jamais tout au plus que cette espèce de comfort moral que les plus délicats parmi ses compatriotes expriment adroitement du grossier principe de l’utilité !

1507. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Ernest Renan »

Renan parle de situation trop tendue, et prétend que la résurrection de l’âme est tout à fait différente de l’immortalité… Mais qu’importe la rédaction des devises, quand les bonbons qu’elles enveloppent sont empoisonnés, et quand on n’est, comme Renan, dans l’ordre moral et littéraire… qu’une Brinvilliers-Siraudin !

1508. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « M. Jean Richepin »

Il ne s’est pas préoccupé de l’effet moral de son livre, et il a appris à ses dépens que d’autres pouvaient s’en préoccuper.

1509. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre II : M. Royer-Collard »

Cessez de compromettre l’immortalité de l’âme ; et quand vous ouvrez votre trousse, songez que vous allez trancher dans les croyances morales du genre humain. » Nous remontons en cabriolet, et nous arrivons chez M. 

1510. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XXIII. »

C’est à ce titre qu’un poëte, d’abord de l’école alexandrine, sous l’ancienne royauté, puis de l’école frénétique sous l’anarchie, Lebrun, affecta les écarts d’une veine à la fois savante et forcenée, n’étant d’ailleurs qu’un artiste en paroles, sans libre invention, comme sans principe moral, et d’autant plus impétueux qu’il était plus servile sous la passion ou le pouvoir du moment.

1511. (1912) Chateaubriand pp. 1-344

Ce jeune homme malheureux et atteint « d’une forte encéphalite », pour parler comme Renan, intitule son « pourana » : Essai historique, politique et moral sur les Révolutions anciennes et modernes considérées dans leurs rapports avec la Révolution française. […] « La religion nouvelle mourra dans le mépris. » Ou bien, « ne serait-il pas possible que les peuples atteignissent à un degré de lumière et de connaissances morales suffisant pour n’avoir plus besoin de culte ?  […] Qu’avait affaire René avec le reste de l’ouvrage, avec la démonstration des « beautés poétiques et morales de la religion chrétienne » ? […] Il goûte le pittoresque moral et le pêle-mêle de cette société, qui commence pourtant à se réorganiser. […] « Ne demandons point à notre esprit, mais à notre cœur, comment un Dieu peut mourir. » La chute est « avérée par la tradition universelle et par la transmission du mal moral et physique. » (Ne l’est-elle donc pas par la parole de l’Écriture sainte ?)

1512. (1923) Nouvelles études et autres figures

Ces conseils techniques sont encore moins techniques que moraux. […] Elle se détache sur un fond d’idées religieuses et morales extrêmement curieux. […] C’est par un chemin de ruines sacrées, de mythes prodigieux et prodigieusement obscurs que nous pénétrons dans les pensées morales des Travaux et des Jours. […] C’est toute cette poésie pittoresque et savoureuse qui nous rend léger le spectacle de nos misères morales. […] On mettait, par exemple, sous les yeux de l’élève un dessin, une estampe, dont il devait interpréter le sens moral.

1513. (1890) Les romanciers d’aujourd’hui pp. -357

Paul Adam, dont la première qu’en tant que patriote « il faut haïr l’œuvre naturaliste, qui tâche pour avilir à la face du monde la plus perfectible des races, en souillant son effigie de toutes les ordures morales comme de toutes les infirmités physiques » et l’autre qu’en tant que politique « soucieux d’apaiserles guerres intestines, il faut réprouver une littérature qui excite la rage idiote des plèbes, afin que ces pitoyables multitudes soient grugées dans la suite, au bénéfice de triomphateurs cupides » ? […] Au contraire, chez les romanciers dont je parlerai plus loin, psychologues proprement dits, moralistes et même humoristes, il est très sensible que l’étude des âmes et de leurs lois morales est la grande affaire, et que le roman lui-même n’est qu’un prétexte ou une occasion. […] C’est qu’en effet ce livret maladif d’art et de passion met dans le jour le plus vif les habitudes morales d’une jeunesse d’extrême civilisation, clairsemée dans la foule assurément, mais qui, si on en réunissait les membres épars, apparaîtrait plus compacte qu’on ne croit. […] Il s’entend mieux qu’homme du monde à camper un personnage dans son attitude et son geste familiers ; il le saisit au point ; il trouve le trait, et non pas seulement, comme M. de Maupassant, par exemple, le trait physique, la ligne, le tic, mais le trait moral encore. […] Ses romans sont des galeries de portraits, où chacun a une vie propre, un costume, une attitude, un fonds moral à soi.

1514. (1890) Journal des Goncourt. Tome IV (1870-1871) « Année 1871 » pp. 180-366

Je retrouve dans Paris, sur le boulevard, le découragement navré d’une grande nation, qui, par ses efforts, sa résignation, son moral, a beaucoup fait pour se sauver, et se sent perdue par l’inintelligence militaire. […] les Parisiens de maintenant, on leur violerait leurs femmes entre les bras… on leur ferait pis, on leur prendrait leur bourse dans la poche, qu’ils seraient ce qu’ils sont, les plus lâches êtres moraux que j’aie vus. […] Comme je la félicite sur la gaieté de son moral : « Ah ! […] » Samedi 30 septembre Dans les maladies, les symptômes physiques, quelque graves qu’ils soient, je ne les redoute pas beaucoup, ce sont les symptômes moraux dont j’ai peur. […] 18 octobre L’affusion froide a un effet instantané sur le moral.

1515. (1895) Journal des Goncourt. Tome VIII (1889-1891) « Année 1889 » pp. 3-111

Lundi 14 janvier L’émotion de la bataille théâtrale, je la supporte très bien, excepté au théâtre ; là, mon moral n’est pas maître de mon organisme, je sentais hier à l’Odéon, mon cœur battre plus vite sous un plus gros volume. […] Dimanche 27 janvier Une veuve confessait, ce soir, le besoin que la femme a d’un mari, d’un amant, en disant qu’elle se sentait le besoin d’un appui moral. […] C’est du théâtre qui remue de la pensée autour de l’état moral de la société actuelle, et ce n’est pas commun au théâtre.

1516. (1896) Journal des Goncourt. Tome IX (1892-1895 et index général) « Année 1894 » pp. 185-293

Dimanche 29 avril Cette noire envie produite par la détention de l’argent, chez quelques-uns, nous faisait rabâcher, Daudet et moi, que ce n’était pas l’argent, qui apportait à la vie les jouissances intérieures intraduisibles, que ces jouissances étaient produites par une bouteille de vin médiocre, le jour où on avait soif, par l’abandon entre vos bras d’une femme, qu’on n’achetait pas, et, mon Dieu, quelquefois simplement par une matinée de beau temps dans la campagne, par du soleil, par de l’air grisant, dans l’alacrité du physique et du moral, en bonne santé et en joie. […] Il parle de Réjane, proclame qu’elle a été admirable, alors que dans son écroulement moral, elle l’a forcé, pour ne pas l’y laisser, de la suivre dans sa tournée. […] Jeudi 13 décembre Vraiment ils sont bien curieux dans la vie littéraire, les hauts et les bas du moral, et où le matin, c’est un découragement complet, et où le soir, c’est un bienheureux relèvement, produit par un petit fait comme celui-ci.

1517. (1895) Les mercredis d’un critique, 1894 pp. 3-382

Le mariage est décidé et Julien, l’amant fractionnaire qui, lui, adore sincèrement celle qui s’est donnée à demi, se voyant signifier son congé, veut se tuer, fou de douleur ; mais la passion fait dévier le peu de sens moral qui lui reste et, pour garder Maud, il ne trouve qu’un moyen, une lâcheté, dire à Maxime qu’il a été son amant. […] BRESSOL. — Des embêtements moraux ? […] « Par quatre qualités morales de premier ordre. […] Comme Ibsen est assez à la mode en ce moment, on y lira avec intérêt un portrait de lui, je devrais dire deux portraits, l’un moral et l’autre physique, tous deux fidèles et très curieux. […] Son état d’insouciance, son manque absolu de sens moral le plus élémentaire, le rend particulièrement intéressant, arrache souvent un sourire d’incrédulité devant tant de duplicité, et en fait parfois l’approchant d’un personnage comique dans le terrible drame qui se joue.

1518. (1878) Nos gens de lettres : leur caractère et leurs œuvres pp. -316

Sainte-Beuve manque-t-il de sens moral ? […] Eh bien, cette étendue, cette impartialité de regard, beaucoup vous en font un crime : votre sagesse est un manque de sens moral. […] Certes, voilà un monstre moral et physique. […] L’homme et la femme, une fois liés d’amour, ne peuvent rompre ce nœud sans troubler l’ordre moral divinement établi. […] les désastres physiques, qui suivent le désastre moral fait dans son âme, l’avertissent assez de la violence et de l’inflexibilité de sa passion.

1519. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — chapitre VII. Les poëtes. » pp. 172-231

Feuilletez toute la troupe ; avec de petites différences personnelles, ils semblent tous coulés dans un seul moule : l’un est plus épicurien, l’autre plus moral, l’autre plus mordant ; mais partout règnent le langage noble, la pompe oratoire, la correction classique ; le substantif marche accompagné de l’adjectif, son chevalier d’honneur ; l’antithèse équilibre son architecture symétrique : le verbe, comme chez Lucain ou Stace, s’étale, flanqué de chaque côté par un nom garni de son épithète ; on dirait que le vers a été fabriqué à la machine, tant la facture en est uniforme ; on oublie ce qu’il veut dire ; on est tenté d’en compter les pieds sur ses doigts ; on sait d’avance quels ornements poétiques vont le décorer. […] Il a une solidité d’école, maximes sentencieuses, lieux communs philosophiques, développements moraux, exactitude oratoire.

1520. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLVIe entretien. Examen critique de l’Histoire de l’Empire, par M. Thiers (3e partie) » pp. 249-336

Il faut à chaque instant dans cette histoire redresser le sens moral qui est dans l’intention de la phrase et qui trébuche sous le mot ; on sent qu’il en coûte trop à l’écrivain de faire justice tout entière, et qu’il réserve toujours une indulgence à la victoire et une amnistie au bonheur. […] Un nouveau sens politique ou moral est-il né en vous ?

1521. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CIVe entretien. Aristote. Traduction complète par M. Barthélemy Saint-Hilaire (2e partie) » pp. 97-191

Aristote n’a pas fait de l’âme une substance, c’est-à-dire une force libre et distincte de toutes les autres ; Il n’a point rattaché à l’âme les facultés morales dont l’homme est doué ; Il n’a pas cru à l’immortalité de l’âme ; Enfin, il n’a pas montré dans l’âme le fondement même de toute philosophie et de toute science. […] Platon même en ceci est bien plus grand que Descartes : parti d’un principe identique, il en tire des conséquences morales que le philosophe moderne a passées sous silence, conséquences qui n’avaient plus, il est vrai, au dix-septième siècle, la même importance qu’au sein du paganisme, mais que la science du moins réclamait comme un indispensable complément12.

1522. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « Figurines »

C’est bien d’avoir été fidèle à Fouquet ; mais pas un moment cette chrétienne ne paraît se figurer dans sa réalité le cas moral de cet homme de finances. […] Trois grands faits dominent dans ses peintures éparses : l’avènement de l’argent, le déclin moral de la noblesse, le discrédit jeté sur le clergé et sur l’Église par la « fausse dévotion ».

1523. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Granier de Cassagnac » pp. 277-345

On pouvait en être le Saint-Simon ou le Suétone : — abonder de détails, les dénuder, les faire saillir, les rougir de cette flamme de l’indignation, qui est à l’horizon moral de l’histoire ce qu’est, à l’horizon physique de leurs tableaux, cette pourpre sanglante sur le fond de laquelle les_ peintres détachent mieux quelque scène criminelle et tragique ; — ou bien on pouvait, comme Tacite, aspirer à la sobriété hautaine, au choix supérieur qui suffit pour montrer tout sans rien étaler, à cette concentration terrible qui fait du style et de la pensée un acide qui perce et dissout. […] Des histoires plus riches en grandeurs morales que celle du Directoire s’orneraient majestueusement de cette imposante figure.

1524. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « III — Bossuet et la France moderne »

Je me bornerai à rappeler qu’elles suivirent leur voie normale en atteignant la sauvagerie la plus féroce, lorsqu’on eut épuisé tous les scandales, toutes les tortures morales, tous les outrages au droit le plus élémentaire. […] De voix retentissante, d’attitude fière et autoritaire, de foi intransigeante, ce prélat ne tarda pas à occuper, dans l’ordre moral, la première place du royaume.

1525. (1889) Essai sur les données immédiates de la conscience « Chapitre I. De l’intensité des états psychologiques »

On soumettrait les sentiments moraux à une étude du même genre. […] Dans le monde moral, comme dans le monde physique, l’attraction sert à expliquer le mouvement plutôt qu’à le produire.

1526. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Discours sur le système et la vie de Vico » pp. -

Pour mieux comprendre ce droit, il entra dans l’étude du dogme ; cette étude devait le conduire plus tard à « chercher un principe du droit naturel qui pût expliquer les origines historiques du droit romain et en général du droit des nations païennes, et qui, sous le rapport moral, n’en fût pas moins conforme à la saine doctrine de la Grâce ». […] Voilà la république que Platon devait déduire de sa métaphysique ; mais il ne le pouvait, ignorant la chute du premier homme. » Les ouvrages philosophiques de Platon, d’Aristote et de Cicéron, dont le but est de diriger l’homme social, l’éloignèrent également « et des épicuriens, toujours renfermés dans la molle oisiveté de leurs jardins, et des stoïciens qui, tout entiers dans les théories, se proposent l’impassibilité ; ce sont morales de solitaires.

1527. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « L’abbé de Bernis. » pp. 1-22

Il sentait bien que ses amis de Versailles ne l’y laisseraient pas éternellement ; il avait l’espérance vague, mais certaine, d’un futur retour : « Ma plus grande peine n’est donc que d’aspirer à être utile, d’en ouvrir modestement les voies, et d’être toujours renvoyé à l’inaction et à l’inutilité : voilà pour le moral. » Au physique, sa santé s’altérait faute d’exercice ; son embonpoint augmentait, la goutte se portait aux genoux.

1528. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Sully, ses Économies royales ou Mémoires. — I. » pp. 134-154

On sent, au ton ferme qui règne dans ce tableau, un homme qui peut-être n’est pas très attaché à sa secte en tant que religion, mais qui est très attaché à sa cause, qui en ressent les parties morales, et qui, ainsi ancré par des raisons de justice et d’honneur, n’en démordra plus.

1529. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Roederer. — I. » pp. 325-345

Je vis cette ombre s’étendre au loin autour de moi et marquer partout mon néant 49 … Ici un découragement moral s’empara de lui et le fit peu à peu déchoir de cette hauteur vertueuse où il n’est pas donné à la jeunesse stoïque de se maintenir : Il n’y a qu’un principe de vices pour un homme bien né et à qui la raison a parlé, disait-il à ceux de sa famille avec qui il s’épanchait, c’est l’ennui, le dégoût des circonstances auxquelles il est soumis, c’est le néant du cœur ; au nom de Dieu, ne me laissez pas plus longtemps exposé à cet état.

1530. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Gibbon. — II. (Fin.) » pp. 452-472

adieu. » Le caractère social et même moral de l’homme gagne donc à être vu dans cet ensemble de relations, et se présente sous un jour nouveau.

1531. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « M. Daru. Histoire de la république de Venise. — I. » pp. 413-433

Ce qui manque le plus à cette Épître, c’est le mouvement et la variété, ce sont les contrastes ; puisque le poète introduit ce Brutus qui ne s’en doute pas, il pouvait lui prêter des idées, des images et des tableaux frappants qui eussent tranché avec les idées morales et élevées du prisonnier.

1532. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Madame Dacier. — I. » pp. 473-493

Mme Dacier a tiré bon parti, pour ses remarques et ses interprétations, d’Eustathe, l’archevêque de Thessalonique, excellent critique moral, critique surtout des beautés ; Eustathe, qu’a suivi volontiers Mme Dacier, est lui-même une espèce de Rollin byzantin, mais plus fort.

1533. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Une petite guerre sur la tombe de Voitture, (pour faire suite à l’article précédent) » pp. 210-230

Parlant de cette patrie excellente de Voiture : « Il n’est rien, disait-il, qui sente mieux le sel attique ou l’urbanité romaine. » Girac allait plus loin, il voyait dans quelques-unes des lettres de Voiture un caractère moral assez marqué pour qu’on pût se représenter une image de l’âme de l’auteur, de ses mœurs, de son esprit plaisant et doux, de son agréable liberté de parole ; il citait comme exemple quelques-unes des lettres adressées à M. d’Avaux, et celle entre autres où il parlait de la duchesse de Longueville faisant diversion et lumière au milieu des graves envoyés germaniques au congrès de Munster.

1534. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Le duc de Rohan — II » pp. 316-336

L’honneur de Richelieu est de l’avoir senti avec une énergie ardente et un indomptable génie d’exécution : le malheur de Rohan, celui de sa position, est de n’avoir pu le sentir, d’avoir été l’allié naturel et comme nécessaire de l’étranger, de quiconque était alors l’ennemi de la patrie, d’avoir continué de penser là-dessus comme un seigneur féodal en retard, devenu républicain par rencontre, et qui, en vue d’une conviction religieuse particulière, usait de tous les moyens de défense, sans se douter de ce qu’il allait choquer au sein de cet autre sentiment moral et religieux aussi, de ce sentiment patriotique, tout à l’heure universel.

1535. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Vie de Maupertuis, par La Beaumelle. Ouvrage posthume » pp. 86-106

Peut-être y a-t-il encore trois ou quatre propositions physiques ou morales bien démontrées.

1536. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Histoire de l’Académie française, par Pellisson et d’Olivet, avec introduction et notes, par Ch.-L. Livet. » pp. 195-217

Les discours ou morceaux d’éloquence à couronner chaque année n’étaient d’abord, d’après la fondation première de Balzac, que des sermons moraux, de vrais sermons sur un texte donné de l’Écriture, et le discours qui avait le prix ne paraissait qu’avec l’approbation de deux docteurs de Sorbonne.

1537. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Journal et mémoires du marquis d’Argenson, publiés d’après les manuscrits de la Bibliothèque du Louvre pour la Société de l’histoire de France, par M. Rathery » pp. 238-259

D’Argenson a écrit quelque part, dans cette supposition favorite de son futur ministère : « Si j’étais premier ministre et le maître, certainement j’établirais une académie politique dans le goût de celle de M. de Torcy. » Et voilà à quoi, certainement, il était le plus propre : établir une Académie des sciences morales et politiques, faire une société de l’Entresol en grand et au premier étage, y lire, en compagnie de gens de savoir et de mérite, des mémoires nourris, instructifs, à vues nombreuses et touffues, à projets drus et vifs, et dans lesquels d’autres que lui verraient ensuite ce qui est à prendre ou à laisser, ce qui est pratique ou ce qui ne l’est pas.

1538. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Merlin de Thionville et la Chartreuse du Val-Saint-Pierre. »

qui peut répondre de son courage moral et du degré de trempe de son âme, s’il n’a pris part à une retraite de Russie, ou à une campagne de l’Inde, comme celle des Anglais et de l’intrépide Havelock en 1857 ?

1539. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « M. De Pontmartin. Causeries littéraires, causeries du samedi, les semaines littéraires, etc. »

Est-ce donc si moral ?

1540. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « La comtesse d’Albany par M. Saint-René Taillandier (suite et fin.) »

L’appartement du poète, à l’étage supérieur de la maison, resta toujours fermé et comme sacré ; il y avait de même une place au moral que personne n’occupa97.

1541. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Sismondi. Fragments de son journal et correspondance »

Saint-René Taillandier, s’est fait l’éditeur des lettres de Sismondi à cette illustre dame, et il a en même temps retracé, dans une ample et chaleureuse Introduction, le caractère moral de celui qui les a écrites.

1542. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Lettres inédites de Michel de Montaigne, et de quelques autres personnages du XVIe siècle »

Feuillet de Conches a, depuis des années, réuni avec une ardeur, avec une passion qui n’a d’égale que son obligeance, des raretés sans nombre, depuis les pièces qui sont le plus faites pour éclairer l’histoire jusqu’à celles qui ne sont que des amusements, des singularités biographiques et morales.

1543. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Corneille. Le Cid(suite et fin.)  »

« Je crains qu’on ait beau faire, disait un plaisant de ma connaissance, et qu’il n’y en ait eu vingt-cinq. » Le plus grave inconvénient moral, et qui saute aux yeux, c’est d’obliger Chimène, dans ce court espace, à des revirements incroyables de sentiments.

1544. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Collé. »

La Vérité dans le vin nous peint au naturel les vices du temps, l’effronterie des femmes de robe, la sottise des maris, l’impudence des abbés ; il y a dans le dialogue une familiarité, un naturel, dans les reparties une naïveté, dans les situations un piquant et un osé qui font de ce tableau de genre un des témoins historiques et moraux du XVIIIe siècle.

1545. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Catinat (suite.). Guerre des Barbets. — Horreurs. — Iniquités. — Impuissance. »

Les Vaudois en armes organisaient la défense, et quoi qu’on puisse dire de ce qui arriva dans la suite de cette atroce guerre, cette première levée de boucliers, avec les instructions à la fois militaires et morales qui y présidèrent, et dont on a tous les articles, est d’une simplicité naïve et d’une générosité exemplaire.

1546. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Marie-Thérèse et Marie-Antoinette. Leur correspondance publiée par. M. le Chevalier Alfred d’Arneth »

. — Les premières lettres sont remplies de ces prescriptions qui tiennent au corps, à la santé, et qui ont des conséquences morales aussi pour les personnes en évidence et dont toute la vie se passe en public : « Je vous prie, ne vous laissez pas aller à la négligence ; à votre âge cela ne convient pas, à votre place encore moins ; cela attire après soi la malpropreté, la négligence et l’indifférence même dans tout le reste de vos actions, et cela ferait votre mal ; c’est la raison pourquoi je vous tourmente, et je ne saurais assez prévenir les moindres circonstances qui pourraient vous entraîner dans les défauts où toute la famille royale de France est tombée depuis longues années64 ; ils sont bons, vertueux pour eux-mêmes, mais nullement faits pour paraître, donner le ton, ou pour s’amuser honnêtement, ce qui a été la cause ordinaire des égarements de leurs chefs qui, ne trouvant aucune ressource chez eux, ont cru devoir en chercher au dehors et ailleurs.

1547. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Œuvres inédites de F. de La Mennais »

Ce n’est pas connaître le monde, en effet, que de vivre jusqu’à l’âge de trente-deux ans au fond d’une campagne, n’ayant qu’un seul ordre étroit et sévère de rapports et d’intérêts moraux, de n’avoir jamais observé la société moderne dans l’infinie variété de ses conditions, de ses opinions, de ne s’être pas accoutumé de bonne heure à considérer de plain-pied les hommes nos semblables dans la diversité de leurs goûts, de leurs aptitudes, de leurs talents et de leurs mérites, dans les directions multipliées de leur, zèle et de leur ardeur, dans leur indifférence même, qui serait bien souvent de la sagesse si elle était plus réfléchie.

1548. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Essai sur Talleyrand (suite.) »

Talleyrand avait la mine, les traits et le visage de son moral.

1549. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « QUELQUES VÉRITÉS SUR LA SITUATION EN LITTÉRATURE. » pp. 415-441

Dès lors, en un tel état de choses, tout ce qui est et sera un peu naturel et élevé, un peu simple et moral, un peu neuf par là même, a retrouvé de grandes chances de plaire, d’intéresser et presque de saisir.

1550. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME ROLAND — II. » pp. 195-213

Les lettres de Mme Roland à ses jeunes amies me démontrent la vérité de cette idée : l’être moral parfait en nous, s’il doit exister, existe de bonne heure ; il existe dès vingt ans dans toute son intégrité et toute sa grâce.

1551. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Boileau »

C’est le poète-auteur, sachant converser et vivre5, mais véridique, irascible à l’idée du faux, prenant feu pour le juste, et arrivant quelquefois par sentiment d’équité littéraire à une sorte d’attendrissement moral et de rayonnement lumineux, comme dans son Épître à Racine6.

1552. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Aloïsius Bertrand »

Car, là où Bertrand veut être surtout pittoresque, Burns se montre en outre cordial, moral, chrétien, patriote.

1553. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Deuxième partie. Ce qui peut être objet d’étude scientifique dans une œuvre littéraire — Chapitre VIII. La question de gout ce qui reste en dehors de la science » pp. 84-103

Un roman, très moral, s’il n’émeut pas, s’il nous promène parmi des personnages et des événements qui ne sont ni vrais ni vraisemblables, n’est qu’une ennuyeuse inutilité et la plus fade des lectures.

1554. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XVII. Rapports d’une littérature avec les littératures étrangères et avec son propre passé » pp. 444-461

Elles peuvent être, suivant les cas, religieuses, politiques, morales, scientifiques, etc.

1555. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre IX, les mythes de Prométhée »

Ce n’est pas tout, l’élément vital est aussi un Esprit sublime : avec les bienfaits physiques qu’il prodigue à l’humanité, il lui révèle les vertus morales.

1556. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — Chapitre IV »

Une scène très vive et d’un comique excellent vient égayer à propos ces misères morales.

1557. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — Chapitre XII »

Je ne sais rien de plus humiliant, pour ma part, que cet emploi d’eunuque moral pris par un jeune homme qui pourrait jouer les rôles de sultan.

1558. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Histoire du Consulat et de l’Empire, par M. Thiers. Tome IXe. » pp. 138-158

L’infortuné général Dupont, dit-il de lui au moment de la trêve qu’il vient d’obtenir, jusque-là si brillant, si heureux, rentre dans sa tente, accablé de peines morales qui le rendent presque insensible aux peines physiques de deux blessures douloureuses.

1559. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Madame de La Tour-Franqueville et Jean-Jacques Rousseau. » pp. 63-84

Certes, il est impossible de mieux représenter l’état moral et physiologique de Rousseau ; et, avec un hôte d’une sensibilité si maladive, ainsi livré à la solitude « sans occupation, sans livres, sans société (hors celle de cette misérable Thérèse), et sans sommeil », Hume aurait moins dû s’étonner du résultat.

1560. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) «  Mémoires et correspondance de Mme d’Épinay .  » pp. 187-207

Ce fut l’époque des Genlis, de ces femmes galantes ou légères qui deviennent à point nommé des Mentor, des Minerve, et font des traités moraux sur l’éducation pendant les courts intervalles que leur laissent leurs amants.

1561. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Lettres de lord Chesterfield à son fils. Édition revue par M. Amédée Renée. (1842.) » pp. 226-246

Royer-Collard avait coutume de dire « que ce qui manquait le plus de nos jours, c’était le respect dans l’ordre moral, et l’attention dans l’ordre intellectuel ».

1562. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Madame Geoffrin. » pp. 309-329

Elle avait fait passer le rabot sur les sculptures de son appartement : c’était ainsi chez elle au moral, et Rien en relief semblait sa devise.

1563. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Procès de Jeanne d’arc, publiés pour la première fois par M. J. Quicherat. (6 vol. in-8º.) » pp. 399-420

Depuis quatorze années d’une guerre dont le début avait été signalé par le désastre d’Azincourt, il ne s’était rien fait qui pût relever le moral du pays en proie à l’invasion.

1564. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Monsieur Théodore Leclercq. » pp. 526-547

Cet épuisement de la nation était réel et sensible en 1814, épuisement physique plutôt encore que moral, et qui ne venait que d’une perte de sang trop abondante.

1565. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Saint-Évremond et Ninon. » pp. 170-191

Ce peu de lettres qu’échangèrent Saint-Évremond et Ninon donnerait lieu à bien des remarques littéraires et morales.

1566. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Le duc de Lauzun. » pp. 287-308

Pour rendre les Mémoires de Lauzun un ouvrage presque moral, pour infliger son châtiment à celui qui les a écrits, il n’y aurait qu’à ajouter à la fin du volume tous les éloges et les témoignages unanimes sur sa vertueuse femme, avec la date des deux supplices40.

1567. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Histoire des travaux et des idées de Buffon, par M. Flourens. (Hachette. — 1850.) » pp. 347-368

Le sentiment moral reste un peu blessé, au milieu de tous les étonnements qu’excite ce bel ouvrage, de le trouver si muet et si désert du côté du ciel. — Seul le Génie de l’humanité y domine et s’y glorifie dans une dernière page d’une perspective grandiose et superbe, bien que légèrement attristée49.

1568. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mémoires et correspondance de Mallet du Pan, recueillis et mis en ordre par M. A. Sayous. (2 vol. in-8º, Amyot et Cherbuliez, 1851.) — I. » pp. 471-493

Il est, dans la meilleure acception, de cette école genevoise, un peu écossaise, de l’école de l’observation précise et du sens moral.

1569. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Mémoires du cardinal de Retz. (Collection Michaud et Poujoulat, édition Champollion.) 1837 » pp. 40-61

Et puis il y a, nous le savons, de certains moments où des maladies de même nature éclatent à la fois dans divers pays : cela est vrai des maladies physiques et aussi des épidémies morales.

1570. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « M. Fiévée. Correspondance et relations avec Bonaparte. (3 vol. in-8º. — 1837.) » pp. 217-237

Et quant au moral de l’homme, il a dit : « On l’avait surnommé l’incorruptible ; il l’était en effet comme ceux qui veulent tout prendre à la fois. » Il a rendu avec une entière vérité, comme témoin et comme acteur, le mouvement impétueux et confus, le sentiment d’explosion de cette jeunesse thermidorienne qui savait ce dont elle ne voulait plus, mais pas encore ce qu’elle voulait, qui avait appuyé la Convention contre Robespierre, et qui prétendait chasser la Convention devant une opinion qui n’était pas mûre encore : « Jamais peut-être, nous dit Fiévée, l’ancienne royauté ne fut plus complètement oubliée qu’à cette époque ; nous n’étions pas encore assez difficiles pour y penser. » Pour lui, paresseux, une fois sorti de ses habitudes, il est précis, prudent, prévoyant, très hardi les jours d’action.

1571. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Œuvres de Louis XIV. (6 vol. in-8º. — 1808.) » pp. 313-333

Le récit est souvent interrompu par des réflexions morales et royales très judicieuses.

1572. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Le cardinal de Richelieu. Ses Lettres, instructions et papiers d’État. Publiés dans la Collection des documents historiques, par M. Avenel. — Premier volume, 1853. — I. » pp. 224-245

Richelieu, dans de très belles pages historiques et morales, en nous développant le caractère de ce maréchal qui était vain et présomptueux avant tout, et qui tenait à paraître puissant plutôt qu’à l’être en effet, a bien marqué en quoi ce ministère, qui passait pour être tout au favori, ne lui était point cependant inféodé, et on sent à merveille que, si Luynes ne fût venu à la traverse, et que si le maréchal eût vécu, la lutte se serait engagée dans un temps très court entre Richelieu et lui pour l’entière faveur de la reine mère.

1573. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « M. Necker. — I. » pp. 329-349

Necker n’a pas laissé moins de quinze volumes d’Œuvres ; je ne conseille pas à tous d’en aborder la lecture ; c’est au critique de prendre ce soin, et, en lisant bien, de choisir ce qui peut définir l’homme, soit au moral, soit dans sa forme et son esprit littéraire ; car M. 

1574. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Œuvres de Frédéric le Grand (1846-1853). — I. » pp. 455-475

Je suis loin d’avoir épuisé l’ami en Frédéric : ses correspondances avec Jordan, avec La Motte-Fouqué, sont des témoignages non moins réels, non moins touchants peut-être que sa correspondance avec M. de Suhm ; mais celle-ci a cet avantage qu’elle est constamment élevée et pure, qu’elle ne contient ni plaisanteries littéraires ou morales d’un goût équivoque, ni mauvais vers.

1575. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Monsieur Arnault, de l’Institut. » pp. 496-517

Plus je me suis approché de la source en interrogeant ceux qui l’ont connu et aimé, mieux j’ai pu m’assurer des qualités morales et des vertus de famille dont il a laissé en eux le vivant souvenir.

1576. (1888) La critique scientifique « La critique scientifique — Analyse esthétique »

Nous rechercherons plus tard si ces émotions, inefficaces sur le moment, ne deviennent pas, dans la suite, des motifs de conduite, en d’autres termes, si le genre de lectures ne modifie pas le caractère ; on pourra examiner encore si l’habitude de ces émotions sans aboutissement, quelle qu’en soit la nature, n’entraîne pas certaines conséquences morales.

1577. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre VII. Mme de Gasparin »

Si vous mutilez mon être moral pour rendre à Dieu la tâche aisée, Dieu refusera de telles facilités. » Ni le repos promis par les uns, ni la contemplation immobile dans la lumière, décrite par les autres, car, le repos, « c’est l’oubli du passé, l’effacement de tout, excepté de l’ardeur présenté, éternelle, identique », ne peuvent satisfaire l’âme exigeante qui veut vivre dans les cieux avec des intensités plus grandes que celles de la terre, et qui demande au Paradis un Dieu personnel à aimer de toute l’énergie de sa personnalité à elle-même.

1578. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « II — L’inter-nationalisme »

La solidarité nationale, justement comprise, entrave-t-elle l’élan de l’individu moral ?

1579. (1929) Amiel ou la part du rêve

Bernard Bouvier, qui nous fait connaître ce premier Journal dans la préface de son édition des fragments du Journal définitif, cite les lectures d’Amiel entre le 24 juin et le 17 octobre 1839, les Chansons de Béranger, du Victor Hugo, Corinne, l’Introduction à l’Histoire universelle de Michelet, les Lettres sur la Botanique de Rousseau, la Peau de Chagrin, d’autres romans, d’autres livres d’histoire, et, ce qui est d’un bon Genevois, le Perfectionnement moral. […] Amiel a joui d’un bonheur au jour le jour, d’une vie intelligente et pleine, mais en équilibre instable, avec des angoisses d’avenir moral, et ce malaise sexuel qui demeure eh sourdine comme un tourment toléré. […] Et Amiel termine sa méditation, dans la faible mesure où elle est susceptible d’être terminée, en envisageant l’acte sous cinq points de vue : naturel (simple), civil (pas un délit), moral (déchéance), chrétien (péché), avenir (pas sûr). […] Il désire le contact avec la bonne humeur pétillante de ce charmant garçon, comme une peau de chat pour son rhumatisme moral.

1580. (1882) Hommes et dieux. Études d’histoire et de littérature

Go monde moral à la renverse était fait pour ébranler les cœurs les plus fermes, les intelligences les plus droites. […] Otez d’un homme la conscience, le sens moral, le cœur, les entrailles, s’il n’a pas de génie pour remplir ces vides, qu’en restera-t-il ? […] Elle dépérit au physique et dégénère au moral, par gradations continuelles. […] Est-ce au philosophe, est-ce au naturaliste, qu’il appartient d’analyser son âme dépourvue, en apparence, de toutes les facultés de la réflexion et du sens moral ? […] Cette parole n’est-elle pas le mot d’ordre moral de l’errante tribu ?

1581. (1910) Propos de théâtre. Cinquième série

Les Anglais, flattés de croire savoir que l’humour est exclusivement anglaise, ont fait entrer dans l’humour toutes les qualités morales et intellectuelles. […] Il aime mieux se mettre, où il se sent plus à l’aise, au point de vue politique et au point de vue moral. […] Les grandes douleurs morales de Hebbel et sur lesquelles il ne peut y avoir aucun doute furent la mort de son ami Rousseau et de son fils Max. […] C’est au lecteur à juger des souffrances morales infligées à une âme délicate et pure par la brutalité impérieuse et par l’égoïsme poli. […] Il consiste à peindre un Néron voluptueux, faible, peureux, lâche et cruel, un Narcisse ambitieux, perfide et sans entrailles ; un Joad si convaincu de son droit que tout sens moral lui est inconnu.

1582. (1888) La vie littéraire. Première série pp. 1-363

Il n’y a qu’un sceptique pour être toujours moral et bon citoyen. […] Rien de plus moral, mais rien de moins élégant. […] Il a visé haut et voulu aborder de grands problèmes scientifiques et moraux. […] j’ai peur qu’un mal physique ne procède de toutes ces tortures morales. » En 1877, une passion unique s’empara de cette âme en peine : Marie Bashkirtseff se consacra tout entière à la peinture. […] C’était l’usage. « Lindor, dit Marmontel dans un de ses Contes moraux, venait d’obtenir une compagnie de cavalerie au sortir des pages. » Devenu ensuite gentilhomme ordinaire du duc de Penthièvre, Florian célébra la bienfaisance inépuisable, de cet excellent maître.

1583. (1892) Essais sur la littérature contemporaine

Et les dogmes chrétiens eux-mêmes s’accordent non moins parfaitement, malgré la radicale diversité des formes, avec les doctrines et les préceptes moraux qui sont contenus dans les livres sacrés de l’Inde. » On ne saurait mieux dire. […] La littérature n’est pas un amusement d’oisifs ou un divertissement de mandarins ; elle est à la fois un instrument d’investigation psychologique, et un moyen de perfectionnement moral. […] Peu importe, d’ailleurs, que cette vérité soit d’ordre naturel ou moral, qu’elle tende à l’explication de l’énigme du monde, ou qu’on nous la propose comme une règle de la conduite humaine, mais il faut qu’elle y soit. […] Mais non, si l’on peut lui montrer l’intérêt très réel qu’il a dans ces sortes de questions, et que cet intérêt même est moral ou social autant que littéraire. […] Les considérations qui devraient quelquefois les empêcher de traiter de certains sujets, — comme la Fille Élisa, par exemple, et comme Germinie Lacerteux, — sont d’un autre ordre, purement morales, nullement esthétiques ; et on a tort de les confondre.

1584. (1914) Une année de critique

Et le principe moral contenu dans le livre continue, au contraire, d’entretenir parmi nous le désordre des sentiments et des mœurs. […] Mme Lucie Delarue-Mardrus a rédigé, en romancière naturaliste, un petit conte moral dans le goût du xviiie  siècle. […] Le petit conte moral de Mme Lucie Delarue-Mardrus comporte la description de plusieurs accouchements. […] Mais c’est à dénouer les situations les plus embrouillées qu’excellent des contes moraux. […] L’œuvre de Mme Delarue-Mardrus semble ballottée entre le conte moral, dont je parlais au début, et le roman naturaliste, genre auquel elle se rattache par le style.

1585. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre sixième »

L’imagination dans Boileau n’est que la faculté de recevoir des impressions très fortes des vérités morales et littéraires, ainsi que des ridicules ; elle éclate dans les détails plutôt que dans les plans, qui ne sont que des développements logiques ornés d’une main habile. […] Ce sont les satires littéraires et quelques satires morales, fruits de cet âge où l’on a un sentiment si vif des défauts et des vices des hommes, et la prétention de les corriger ; l’Art poétique, et les épîtres, qui marquent, l’un, l’âge de la pleine maturité et le désir d’établir ses principes et de confesser sa foi ; les autres, l’expérience, qui croît à mesure que les jours s’écoulent, et qui nous rend plus faciles sur les défauts d’autrui et plus attentifs aux nôtres. […] Le vrai des satires morales et des épîtres est d’une autre sorte que celui des satires littéraires et de l’Art poétique.

1586. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Sénac de Meilhan. — II. (Fin.) » pp. 109-130

L’ouvrage des Considérations sur l’esprit et les mœurs est bien composé ; il l’est en apparence au hasard et comme un jardin anglais ; ce sont des pensées, des analyses morales, relevées de temps en temps par des descriptions, des portraits ; animées en deux endroits par des dialogues, par des fragments de lettres : l’ensemble de la lecture est d’une variété agréable et d’un art libre que Duclos dans son livre n’a point connu.

1587. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « [Chapitre 5] — II » pp. 112-130

Pour moi, qui ne cherche que l’homme moral en lui et l’écrivain philosophe, je me bornerai à remarquer qu’il échoua dans cette carrière active.

1588. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « [Chapitre 5] — III » pp. 132-153

Plus profond que sublime ; c’est le meilleur philosophe moral que nous ayons en français.

1589. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « La marquise de Créqui — II » pp. 454-475

C’est un catéchisme moral digne d’Aristippe.

1590. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Le maréchal de Villars — III » pp. 81-102

Villars s’occupe aussi, comme il faisait toujours, du moral de son armée et y réforme les abus, y raffermit la discipline.

1591. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) «  Essais, lettres et pensées de Mme  de Tracy  » pp. 189-209

Dans ce manoir sans vue, dans ce pays fermé et sans horizon, elle a l’horizon moral, et le rayon lui arrive de là.

1592. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Souvenirs militaires et intimes du général vicomte de Pelleport, publiés par son fils. » pp. 324-345

Sur le côté moral et le chapitre de l’intégrité.

1593. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Histoire de la Restauration par M. Louis de Viel-Castel. Tomes IV et V. (suite et fin) »

Cette doctrine particulière, qu’il étudia et analysa avec une fermeté ingénieuse, ne fut jamais chez lui que secondaire et subordonnée à des principes religieux et moraux supérieurs ; il ne poussa jamais l’examen à ses dernières limites, et les aventures, les constructions de système de ceux qui affectaient en toute occasion de se proclamer ses disciples, par un sentiment de reconnaissance et de déférence sans doute, mais aussi pour se couvrir au besoin de lui, lui restèrent choses extérieures et presque étrangères.

1594. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Gavarni. »

Ni la politique, — orateurs et avocats politiques, — ni la chicane et la basoche, à côté de Daumier ; ni le militaire et le troupier après Horace Vernet et Charlet, et à côté de Raffet ; mais à Gavarni l’ordre civil et moral, régulier ou irrégulier dans tous les genres, la femme et tout ce qui s’ensuit, à tous les degrés et à tous les âges. — Il a repris le bourgeois après Henri Monnier, créateur du type ; mais au célèbre acteur-auteur il laisse presque exclusivement les abîmes et les bas-fonds d’où l’éloigne et le rejette toujours cette même naturelle et instinctive élégance.

1595. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Anthologie grecque traduite pour la première fois en français et de la question des Anciens et des Modernes »

Il en est pourtant de morales et dans le sens des anciens sages.

1596. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Entretiens sur l’architecture par M. Viollet-Le-Duc (suite et fin.) »

Viollet-Le-Duc, par son travail complet, et qui bientôt ne laissera rien à désirer, a mis à contribution pour le Moyen-Âge tous les livres de recherches antérieurs, et, indépendamment des objets mêmes qu’il a dû voir, il a voulu connaître tout ce qu’on en a dit ; il a puisé abondamment pour cela aux sources originales, c’est-à-dire aux chroniques, aux romans chevaleresques, aux traités moraux et didactiques d’alors, tels que le Livre du chevalier de La Tour-Landry pour l’enseignement de ses filles 39, ou le Ménagier de Paris 40.

1597. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Corneille. Le Cid (suite.) »

Il se passe un combat et tout un jeu moral dans le cœur de Chimène, un duel d’une autre espèce et qu’elle nous décrit : « Rodrigue dans mon cœur attaque encor mon père.

1598. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Jean-Bon Saint-André, sa vie et ses écrits. par M. Michel Nicolas. (suite et fin.) »

Ainsi notre combat est une victoire, et la plus belle que nous puissions remporter, puisqu’elle assure la subsistance du peuple… » Ce n’était une victoire que dans ce sens-là : autrement la défaite, bien que des plus disputées, était trop réelle ; mais il s’agissait de maintenir le moral de la nation à la hauteur nécessaire. — Dans la Réponse qu’il fit à la dénonciation venue de Brest en mai 1795, et où on l’accusait d’en avoir imposé à la France dans son Rapport sur le combat du 13 prairial, Jean-Bon n’opposait sur ce point que deux mots dignes et nets qui sentent l’homme vrai, sûr de lui-même ; on ne devrait pas omettre non plus cette partie de la Réponse dans les pièces du procès. — Le petit recueil que nous réclamons, avec un résumé sensé et simple, sans exagération ni faveur, aurait pour avantage, toutes dépositions entendues, de clore le débat sur une question déjà bien avancée ; le fait de la glorieuse bataille du 1er juin et de la part honorable qu’y prit Jean-Bon se présenterait désormais aussi entouré d’explications et aussi appuyé de témoignages qu’un fait de guerre peut l’être32.

1599. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Mémoires de Malouet (suite et fin.) »

Lorsque Raynal mourut, il faisait partie de l’Institut national nouvellement créé, et dans la première séance générale qui se tint au Louvre en toute solennité le 15 germinal de l’an iv (4 avril 1796), Le Breton, secrétaire de la Classe des Sciences morales et politiques, lut sur lui une Notice dont Ginguené a parlé ainsi dans la Décade : « Ceux qui ont une connaissance exacte des secours qu’il avait eus pour la composition de son Histoire philosophique et politique ont trouvé que l’auteur de cette Notice traitait un peu trop problématiquement cette question assez importante, qu’il fallait peut-être résoudre avec une équité sévère.

1600. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Madame Desbordes-Valmore. » p. 232

Fortoul lui fut venue en aide, rien dorénavant n’améliorait le sort ni le moral du poète : « (Le 3 février 1857)… Je partage ta préoccupation sur Brizeux.

1601. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Le général Jomini. [V] »

Cette Réplique au général Stuart, si l’on y joint un deuxième Appendice publié plus tard en réponse à des attaques allemandes, faites au nom du général Toll (car Jomini passa sa vie au moral entre deux feux), définit parfaitement son rôle à l’armée des Alliés en 1813.

1602. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. EUGÈNE SCRIBE (Le Verre d’eau.) » pp. 118-145

Il la taille au besoin, il la rogne en bien des sens ; mais comme c’est à la mode du jour, comme c’est dans le goût de la dernière saison comme Mlle Palmire, si elle faisait au moral, ne couperait pas mieux, tout passe, et on fait mieux que laisser passer, on applaudit.

1603. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « LES JOURNAUX CHEZ LES ROMAINS PAR M. JOSEPH-VICTOR LE CLERC. » pp. 442-469

Allez aux grands noms, aux pics éclatants ; laissez ces bas-fonds et ces marnières. » Mais il ne s’agirait pas ici de réhabiliter des noms ; les noms en ce genre sont peu ; les hommes y sont médiocrement intéressants d’ordinaire, et même les personnes morales s’y trouvent le plus souvent gâtées et assez viles ; il s’agirait de relever des idées et de prendre les justes mesures des choses autour des œuvres qu’on admire.

1604. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Le comte de Ségur »

Jouet d’une basse et odieuse intrigue… (et ici suivent quelques détails particuliers)…,  — le temps me vengera, me disais-je, c’est inévitable ; et je brûlais du désir de voir ce temps s’écouler, et mon âme se livrait à un sentiment haineux, à un espoir, à un désir de vengeance qui troublaient toutes mes facultés morales, qui minaient, qui consumaient toutes mes facultés physiques… j’étais malheureux, bien malheureux.

1605. (1862) Cours familier de littérature. XIII « LXXVe entretien. Critique de l’Histoire des Girondins (6e partie) » pp. 129-176

Et n’est-ce pas en grande partie à l’effet moral de ce livre dans le peuple de Paris que nous devons d’avoir trouvé, deux ans après, le peuple de Paris si bien préparé à recevoir les conseils de la modération et de la justice et à le détourner si facilement des voies de sang où la Convention l’avait précipité pour le perdre ?

1606. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXVIIIe entretien. Fénelon, (suite) »

XIV Ce fut dans les studieux loisirs de cette éducation royale qui portait forcément son esprit sur la philosophie des sociétés, que Fénelon composa secrètement en poëme le code moral et politique des gouvernements.

1607. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre II. Littérature bourgeoise — Chapitre I. Roman de Renart et Fabliaux »

Ce goût pour les mœurs basses et les aventures triviales, avec l’absence ou la vulgarité de l’idéal moral, constitue en majeure partie le réalisme des Fabliaux.

1608. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre IV. Les tempéraments et les idées (suite) — Chapitre IV. Le patriarche de Ferney »

Voilà par où Voltaire est le maître du conte moral ou philosophique : ses chefs-d’oeuvre sont construits, dans leur plan et dans leur style, avec une rigueur mathématique ; tout y fait démonstration.

1609. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Lettres de Goethe et de Bettina, traduites de l’allemand par Sébastien Albin. (2 vol. in-8º — 1843.) » pp. 330-352

Cousin et qu’il sut que c’était un ami de Manzoni, il se mit à l’interroger avec détail, avec une insatiable curiosité, sur les moindres particularités physiques et morales du personnage, jusqu’à ce qu’il se fût bien représenté cet objet, cet être, cette production nouvelle de la nature qui avait nom Manzoni, absolument comme lui, botaniste, il aurait fait d’une plante.

1610. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Biographie de Camille Desmoulins, par M. Éd. Fleury. (1850.) » pp. 98-122

Mais il n’a pas d’effort à faire pour s’y conformer ; sauf l’élévation qui, à un ou deux endroits, lui sort du cœur, et la verve qui, en trois ou quatre passages, est excellente, il est dans Le Vieux Cordelier ce qu’il était dans ses précédents écrits, incohérent, indécent, accouplant à satiété les images et les noms les plus disparates, accolant Moïse à Ronsin, profanant à plaisir des noms révérés, disant le sans-culotte Jésus en même temps qu’il a l’air de s’élever contre l’indigne mascarade de l’évêque apostat Gobel ; en un mot, il parle dans Le Vieux Cordelier l’argot du temps ; il a le style débraillé, sans dignité, sans ce respect de soi-même et des autres qui est le propre des époques régulières et la loi des âmes saines, même dans les extrémités morales où elles peuvent être jetées.

1611. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « La duchesse du Maine. » pp. 206-228

Le côté par lequel cette petite cour me frappe le plus et me paraît le seul mémorable, est encore le côté moral, celui qui touche à l’observation humaine des préjugés, des travers et des ridicules.

1612. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « L’abbé de Choisy. » pp. 428-450

Histoire sacrée, histoire profane, historiettes morales ou de sainteté, peu lui importait ; il avait la plume toujours taillée et prête à tout.

1613. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mademoiselle de Scudéry. » pp. 121-143

Elle était douée de qualités morales qui ne se sont jamais démenties.

1614. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Lettres et opuscules inédits du comte Joseph de Maistre. (1851, 2 vol. in-8º.) » pp. 192-216

Il y a longtemps que le roi-prophète, David (ou tout autre) a dit : « Ne mettez pas votre confiance dans les rois », ce qui veut dire sans épigramme « que, tous les actes des souverains étant nécessairement soumis à la raison d’État, laquelle obéit à son tour aux agitations éventuelles du monde politique et moral, faire dépendre sa sûreté et son salut des dispositions constantes d’une cour quelconque, c’est, au pied de la lettre, se coucher, pour dormir à l’aise, sur l’aile d’un moulin à vent ».

1615. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Madame de Lambert et madame Necker. » pp. 217-239

Ailleurs, dans un petit Traité de la vieillesse, elle parlera de la dévotion, non pas comme d’un faible, mais comme d’un soutien à mesure qu’on avance en âge : « C’est un sentiment décent et le seul nécessaire… La dévotion est un sentiment décent dans les femmes, et convenable à tous les sexes. » Cette manière d’envisager la religion est irréprochable au point de vue social et moral ; mais le vrai chrétien demande davantage, et je conçois que le digne M. de La Rivière n’ait pas été entièrement satisfait, à cet égard, des dispositions de son amie.

1616. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Rollin. » pp. 261-282

Il est essentiel de remarquer que cette nature sobre, frugale, simple, austère et ingénue de Rollin s’était de bonne heure rangée aux doctrines morales du parti qu’on appelait janséniste ; il y penchait par goût, il s’y engagea par ses relations, et plus peut-être qu’il n’eût convenu à un chrétien aussi soumis et aussi modeste.

1617. (1899) Esthétique de la langue française « Le cliché  »

Ce mécanisme explique les conversions tardives, le goût des vieillards pour les formules morales, ainsi que la psychologie des fanatiques qui n’ont jamais pu atteindre le mot net correspondant à un fait nu ; l’emploi du cliché, en particulier, accuse une indécision qui est un signe certain d’inattention et de déchéance.

1618. (1864) William Shakespeare « Deuxième partie — Livre I. Shakespeare — Son génie »

Génie et escarboucle, double réflexion, double réfraction, même phénomène dans l’ordre moral et dans l’ordre physique.

1619. (1864) William Shakespeare « Conclusion — Livre I. Après la mort — Shakespeare — L’Angleterre »

Il est moral que les peuples soient bons payeurs en fait de reconnaissance.

1620. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre III : La science — Chapitre II : De la méthode expérimentale en physiologie »

Bernard, comme si le déterminisme physiologique entraînait nécessairement comme conséquence le déterminisme moral.

1621. (1906) La nouvelle littérature, 1895-1905 « Première partie. Écoles et manifestes » pp. 13-41

À en croire les industriels, les économistes, les coloniaux, les commerçants, les agriculteurs, ils auraient les mêmes motifs de gémir et d’accuser l’anarchie universelle, destructrice des réserves morales du passé, de ses méthodes et de ses espoirs.

1622. (1860) Ceci n’est pas un livre « Hors barrières » pp. 241-298

Les types moraux, eux, existent bien véritablement, — et en assez grand nombre pour défrayer les loisirs des esprits observateurs.

1623. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Nisard » pp. 81-110

Dans ces Études de critique littéraire, à propos de l’autorité, des deux morales, et particulièrement de l’aumône, vous sentez à quel point le Christianisme, compris avec cette intelligence de sa vérité la plus profonde et de ses beautés les plus secrètes, a pénétré la pensée de ce critique dont l’esprit, hier, pour vous et pour moi, paraissait rigoureux parce que la conscience était irréprochable, mais dont la politesse exquise, trouvée aujourd’hui dans ses livres, est peut-être de la charité !

1624. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « X. M. Nettement » pp. 239-265

Le sentiment moral, prenant sa source dans la vérité religieuse, équivaut à des facultés.

1625. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Philarète Chasles » pp. 147-177

Ce n’est pas Chasles qui a inventé le mutisme moral de Balzac, c’est-à-dire son immoralité.

1626. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « III — La rentrée dans l’ordre »

Toutes les religions, toutes les morales, tous les systèmes basés sur le non-être, sont destinés à faire banqueroute, car la vie emporte chaque jour ce qui s’élève contre elle ; et quand bien même la terre se couvrirait de séminaires et de faux apôtres en robes de deuil, cette lèpre formidable n’empêcherait pas le globe d’accomplir sa révolution, ni le sang de parcourir les veines.

1627. (1903) Légendes du Moyen Âge pp. -291

C’est un ouvrage moral et historique, une sorte de compilation sans ordre et sans originalité40, assez lourdement écrite. […] L’histoire, où ces éléments ne sont pas moins en jeu, ne lui semblait pas se prêter aussi bien à fournir la base de l’interprétation rêvée : elle précise trop les caractères et les faits, en même temps que les événements y sont trop fortuits et ne naissent pas des données psychologiques et morales, tandis que les mythes et les légendes, n’étant que l’incarnation d’idées et de sentiments, subordonnent nécessairement les événements à ces données mêmes. […] Il y a en effet entre l’enseignement moral du christianisme et celui du bouddhisme, malgré la différence des points de départ, des rapports si frappants, que l’un a pu très facilement emprunter beaucoup des paraboles et des récits que l’autre avait créés pour rendre cet enseignement plus sensible et plus efficace. […] On sait quelle importance la haute société des xiie et xiiie  siècles attachait à cet ensemble de qualités mondaines, qu’on appelait la « courtoisie » et qui comprenait quelques-unes des plus hautes qualités morales en même temps que la stricte observation des conventions et des règles de la vie élégante. […] Le monde, pour un « gentil » clerc ou chevalier de cette époque, se divisait en deux classes, les « courtois » et les « vilains », et on avait beau proclamer que nul n’est vilain s’il ne fait vilenie, on déclarait d’ordinaire les vilains par naissance incapables de posséder jamais le fonds moral de la courtoisie autant que d’en acquérir les formes.

1628. (1881) Le roman expérimental

Voilà donc le rôle moral du romancier expérimentateur bien défini. […] Les seules œuvres grandes et morales sont les œuvres de vérité. […] Je ne veux faire ici aucune personnalité ; mains j’ai remarqué que les débauchés affichaient les principes moraux les plus rigides. […] En somme, la question de la moralité dans le roman se réduit donc à ces deux opinions : les idéalistes prétendent qu’il est nécessaire de mentir pour être moral, les naturalistes affirment qu’on ne saurait être moral en dehors du vrai. […] On ne veut pas comprendre que le sens moral n’a pas d’absolu.

1629. (1920) Impressions de théâtre. Onzième série

Si l’on met à part les chefs-d’œuvre de nos grands orateurs chrétiens, il est certain que le « discours moral » d’Arnolphe ne ressemble pas mal à la moyenne des sermons religieux, en reproduit, avec un peu d’exagération scénique, le tour et le style, surtout le ton affirmatif et la grossièreté des arguments. […] Certes, il a la sincérité, le sérieux, la noblesse d’âme, et ce sont autant d’acheminements à la bonté, si « toutes les vertus sont sœurs », comme on le dit, et si, d’être strict pour soi et d’être doux aux autres, ce sont deux dispositions que nous conseille et nous insinue, l’une plus tôt, l’autre plus tard, le même idéal moral. […] Elle est, cette comédie, une des plus caractéristiques de nos mœurs (j’entends chez les classes oisives) que j’aie vues depuis longtemps ; tout imprégnée du plus pur nihilisme moral, et avec cela, je ne sais comment, plus gaie, plus légère, plus aimable et même plus pénétrée d’indulgente douceur que je ne saurais dire. […] Leloir semblent avoir conspiré pour lui prêter, au physique et au moral, la silhouette de Louis XI) fait le bon père et le bon apôtre. […] Je voudrais toutefois que les affres morales du jeune prince y fussent moins sommairement exprimées.

1630. (1910) Propos littéraires. Cinquième série

C’est que Victor Hugo : 1º a adoré le lieu commun moral et moralisant ; 2º est le plus optimiste de tous les écrivains optimistes, qui aient illustré la littérature optimiste. […] Il était bien fait ; il avait d’excellents rédacteurs, curieux, investigateurs, très soucieux, à côté de la politique et des revendications féminines proprement dites, de questions morales, de questions psychologiques, de problèmes démographiques et sociaux. […] » On sait la définition du peuple allemand par Nietzsche, qui en était : « Un peuple qui aime la musique et la boisson et pour qui l’obscurité est une vertu. » Mais je m’attarde aux « choses de beauté » et j’oublie que je ne suis qu’étudiant en sciences morales et que c’est du moraliste que je veux parler. […] Buisson fut, ce jour-là, le représentant, est formée d’un redoutable mélange de tous les cléricalismes… Ces messieurs ont le dessein, paraît-il, de façonner avec le débris de leurs morales particulières, dont ils sacrifient généreusement chacun un petit morceau, une tierce morale destinée à empoisonner, sans distinction, toutes les classes de la société. […] À la réflexion, je sens ses misères morales comme je ne crois pas les avoir encore aussi vivement senties… » Cette confidence est extrêmement importante.

1631. (1895) Nouveaux essais sur la littérature contemporaine

Au romancier qui, le premier parmi nous, l’a osé dire, et revendiquer pour elles le droit d’être traitées comme des personnes morales, est-il donc étonnant qu’elles aient d’abord accordé leur confiance ? […] Habituellement et habilement cachée, la préoccupation morale s’y fait pourtant toujours sentir ; et, à la vérité, nul ne s’est moins soucié que lui de « punir le vice », ou de « récompenser la vertu » ; mais nul n’a plus scrupuleusement évalué les actions humaines à leur taux moral, ni guidé son lecteur, d’une main plus sûre en même temps que plus discrète, vers un juste discernement de ce qui fait l’honneur des hommes et la vertu des femmes. […] Chacun répond selon son tempérament moral, et cela suffît. […] Il cite en exemple, pour les rassurer, à tous ceux qui redouteraient les conséquences morales de la seconde, le naturaliste Agassiz et le théologien Pffeiderer, puis, fidèle à sa méthode, il se restreint alors, pour traiter la question, aux seules données de l’histoire. […] Et, secondement, les considérations d’ordre moral qu’il semble que l’on puisse faire valoir contre le polygénisme ne sont-elles pas peut-être beaucoup plus fortes qu’on ne le croit !

1632. (1906) L’anticléricalisme pp. 2-381

Peut-être y a-t-il proportion juste, et s’il était ainsi, on ne saurait croire à quel point les Français seraient moraux ; ils le seraient presque avec excès. […] L’homme artificiel, c’est l’homme moral. […] L’homme est né moral et il est devenu corrompu. […] Mais il a employé la persuasion et le bon exemple, c’est-à-dire qu’il est entré dans l’ordre des forces morales et c’est-à-dire des forces mystiques. […] Il faut considérer les garanties qu’elles présentent, leur utilité au point de vue matériel et moral.

1633. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Eugène Gandar »

About lié à celui de Gandar, je ne saurais (si peu rhétoricien que je sois) me dérober à l’envie de les rapprocher au moral et de les opposer. […] Un tel sujet était fait pour l’attirer et le fixer par toutes sortes d’affinités grandioses et morales.

1634. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Malherbe »

Nisard, qui dès auparavant avait eu les mêmes occasions, a résumé pour tous et a caractérisé avec netteté et force dans son Histoire de la Littérature française cette enfance et cette croissance du grand siècle et, là comme ailleurs, il a fait ce à quoi il excelle, qui est de donner à l’appui de la tradition les preuves morales qui la justifient et qui l’expliquent, de trouver des raisons ingénieuses et neuves à des conclusions généralement reçues. […] pourquoi faut-il qu’on dise qu’en poésie tu as trop fait comme en politique, que ta mémoire a été courte, et que la génération sage, et qui avait su acquérir, a trop rarement transmis l’héritage moral aux générations nouvelles !

1635. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Mademoiselle Aïssé »

Cupide, rapace, intrigante, elle détestait en Mlle Aïssé un témoin modeste et silencieux ; la vue seule de cette créature d’élite, et douée d’un sens moral droit, lui était comme un reproche ; elle cherchait à se venger par des affronts, elle lui faisait fermer sa porte ; chez sa sœur, elle prenait ses précautions pour ne la point rencontrer. […] Au moral on la connaît déjà : de ce qu’elle a des scrupules, de ce que des considérations de vertu et de devoir la tourmentent, ne pensez pas qu’elle soit difficile à vivre pour ceux qui l’aiment ; on sent, à des traits légèrement touchés, de quel enchantement devait être ce commerce habituel pour le mortel unique qu’elle s’était choisi ; ainsi dans cette lettre xvie (celle même où il était question de Mme du Deffand) : « J’ai lieu d’être très-contente du chevalier ; il a la même tendresse et les mêmes craintes de me perdre.

1636. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre quatorzième. »

Ce n’est point par désintéressement qu’on se substitue à ceux qu’on prétend régler, qu’on les dépossède d’eux-mêmes, qu’on se charge de toutes leurs fonctions physiques et morales. […] L’objet du roman y fait excuser pareillement le mélange des deux morales.

1637. (1868) Curiosités esthétiques « II. Salon de 1846 » pp. 77-198

Elle était, pour me servir de mots empruntés à l’ordre moral, sanguinaire et mordante. […] Le doute, qui est aujourd’hui dans le monde moral la cause principale de toutes les affections morbides, et dont les ravages sont plus grands que jamais, dépend de causes majeures que j’analyserai dans l’avant-dernier chapitre, intitulé : Des écoles et des ouvriers. […] Jamais, même à grand renfort de coins et de maillets, vous ne ferez entrer dans la cervelle d’un poëte tragique l’idée de l’infinie variété, et même en le frappant ou en le tuant, vous ne lui persuaderez pas qu’il faut différentes morales.

1638. (1896) Le IIe livre des masques. Portraits symbolistes, gloses et documents sur les écrivains d’hier et d’aujourd’hui, les masques…

Le thème fondamental est la joie de vivre, d’être un homme libre, fier, qui ne songe qu’à accomplir son destin naturel en aimant la beauté, en jouissant de tous les plaisirs des sens et de l’intelligence, et cela sans mesure, sans hypocrisie, avec une fougue ignorante de tous les ménagements et de toutes les morales. […] Charbonnel est un esprit libre, si la liberté est autre chose que la négation pure et simple, si elle est le choix que l’on fait volontairement parmi l’abondance des vérités intellectuelles, morales et religieuses, qui nous sont offertes depuis les siècles. […] Je ne sais si nous avons besoin d’un surcroît d’idées morales, mais je sais que M.  […] Les affinités corporelles sont substituées aux affinités morales : c’est un psychisme matériel.

1639. (1890) Le massacre des amazones pp. 2-265

Elles aiment une certaine philosophie anglaise et tout ce qui s’y manifeste de pratique et de minutieux : l’observation des petits faits, la facilité à s’en satisfaire, les préoccupations morales, l’absence d’inquiétude métaphysique. […] Oserai-je pourtant reprocher à l’une et à l’autre la double naïveté de croire à l’influence heureuse d’un enseignement moral abstrait et de le demander à l’État. […] Elle est l’organe du féminisme économique, du féminisme politique, du féminisme moral, en un mot — faisons plaisir aux Léopold Lacour — du féminisme intégral. […] Les Souvenirs d’une enfant pauvre nous disent la faim et les humiliations, toutes les misères, matérielles et morales d’une enfance dénuée et orpheline. […] Mais le livre a surtout un but moral.

1640. (1896) La vie et les livres. Troisième série pp. 1-336

Allons donc aux Salons sans complications intellectuelles, ni angoisses morales, ni prétentions à l’éloquence. […] S’il est vrai, comme l’a dit un écrivain solennel, que « le style c’est l’homme », le baron Thouaré, le marquis de Tonneins et Gontran de Saint-Galmier doivent être, au moral, dégingandés, mal bâtis, incomplets. […] » Si nous pouvions douter que ce roman luxurieux fût un ouvrage moral, la fin suffirait à nous édifier. […] « Ce qui distingue, dit-il, le génie des peuples germains, ce sont ses préoccupations morales. […] Gaston Paris disait, à ses auditeurs du Collège de France, le 8 décembre 1870 : « Je professe absolument et sans réserve cette doctrine, que la science n’a d’autre objet que la vérité et la vérité pour elle-même… Celui qui, par un motif patriotique, religieux et même moral, se permet, dans les faits qu’il étudie, dans les conclusions qu’il tire, la plus petite dissimulation, l’altération la plus légère, n’est pas digne d’avoir sa place dans le grand laboratoire où la probité est un titre d’admission plus indispensable que l’habileté.

1641. (1889) La littérature de Tout à l’heure pp. -383

et nos qualités morales et spirituelles ne seraient-elles, ô misère ! […] Précisons toutefois : il ne s’en passe apparemment pas, il ne peut faire autrement que de nous annoncer des « êtres moraux », — intelligents ou sots, chastes ou débauchés, francs ou hypocrites, vaniteux ou modestes, etc., — mais ni son intérêt, ni son point de vue principal ne se maintiennent dans ce domaine moral et psychique, pour lui la pensée n’importe pas capitalement dans l’action humaine : en un mot, il ne constate et ne peint que des effets matériels. — Il est pictural moins que photographique, et, pour agréer le mot qu’il préfère, il est « objectif ». […] Il en était à cette heure comparable aux vigiles des fêtes chrétiennes, où l’Église prescrit à ses fidèles toutes les tristesses physiques et morales afin que la fête du lendemain emprunte plus d’éclat au voisinage de de cette ombre. […] Influences morales : je les réduis toutes à la tentation du « Succès ». […] Je veux parler des conditions actuelles de la vie littéraire, matérielles et morales.

1642. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Roederer. — II. (Suite.) » pp. 346-370

Roederer, qui sent volontiers de la même manière que Sieyès dans les moments décisifs, n’a pas comme lui l’invention ni la puissance de formule, il n’a que beaucoup d’esprit, de sens, une pensée énergique et diverse ; mais il y joint une plume facile, ingénieuse, et ne perd jamais de vue la pratique ; c’est un Sieyès en monnaie et en circulation, communicatif, qui a, chaque jour au réveil, une idée, une observation neuve sur n’importe quel sujet, politique, moral, littéraire, grammatical, et qui, à l’instant même, a autant besoin de dire ce qu’il pense que Sieyès avait toujours envie de le taire.

1643. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « M. Boissonade. »

Boissonade, qui avait horreur des éloges outrés, qui en était véritablement confondu et qui en souffrait, littéralement parlant, au moral et au physique, a été loué et préconisé un peu plus que de raison.

1644. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Journal et Mémoires, de Mathieu Marais, publiés, par M. De Lescure »

Les écrivains, les poètes et les journalistes, relevés de cette sorte de dégradation civile qui n’admettait pas la partie égale entre eux et leurs adversaires, devraient bien, en se ressouvenant du passé, en tirer du moins cette morale, que c’est leur devoir, aujourd’hui que tout le monde les respecte ou est disposé à le faire, de se respecter également entre eux, de ne point renouveler les uns contre les autres ces dégradantes attaques qui ne sont autre chose que des bastonnades au moral et qui ont même introduit un infâme et odieux mot dans l’usage littéraire.

1645. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Appendice. Discours sur les prix de vertu »

Les faits particuliers qui nous sont attestés et qui nous donnent la mesure de son zèle au bien ne sauraient se reproduire ici : enfants nouveau-nés, trouvés sous des portes cochères, et qu’on va déposer d’abord chez Mme Navier ; — jeunes filles de dix ans, abandonnées par d’indignes parents, quelle recueille, qu’elle instruit, quelle ne laisse qu’après les avoir mises en lieu sûr ; — quelquefois des familles entières qu’elle entreprend de sauver de la détresse, et dont elle place les différents membres ; — des orphelins même qu’on lui envoie de province, comme si ce gouffre de Paris ne lui suffisait pas : — on admire, rien qu’à y jeter les yeux et à l’entrevoir un moment, cette série d’œuvres continuelles et cachées, ce courant salutaire et pur à côté d’autres qui le sont moins ou qui sont tout à fait contraires : c’est ainsi, selon une juste remarque, qu’au sein des sociétés humaines subsiste et se renouvelle incessamment cette dose de bien nécessaire à l’équilibre moral du monde.

1646. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Œuvres inédites de F. de la Mennais (suite et fin.)  »

Dans les dispositions morales où était La Mennais quand il aborda l’abbé Carron116, on s’explique comment ce digne prêtre prit tant d’influence sur lui pendant ces années et véritablement le gouverna.

1647. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Le général Jomini. [IV] »

L’armistice qui suivit la demi-victoire de Bautzen fut la période fatale pour Jomini et dans laquelle le drame moral s’agita en lui dans tout son orage (4 juin-16 août 1813).

1648. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Chateaubriand — Chateaubriand, Vie de Rancé »

Pour faire un vrai Rancé, il y a un coin de monde à introduire, un ressort moral à toucher, une fibre secrète à atteindre que l’orthodoxie des contemporains ne cherchait pas et n’admettait pas.

1649. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Béranger — Béranger en 1832 »

À dix-sept ans, muni de ce premier fonds de connaissances et des bonnes instructions morales de sa tante, Béranger revint à Paris, auprès de son père, qui s’y trouvait pour le moment dans une position de fortune très-améliorée .

1650. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. EUGÈNE SUE (Jean Cavalier). » pp. 87-117

De même au moral (que M.

1651. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. NISARD. » pp. 328-357

., et y porte une expression abondante, redondante quelquefois, mais facile, claire, sensée, une foule d’observations morales qui plaisent à beaucoup d’esprits modérés et distingués, qui enchantent beaucoup d’esprits solides, qui ne satisfont peut-être pas toujours au même degré quelques délicats, subtils et dédaigneux.

1652. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « UNE RUELLE POÉTIQUE SOUS LOUIS XIV » pp. 358-381

Elle s’est plu à rimer en les variant, à traduire çà et là en espèce de madrigal moral quelqu’une des maximes de La Rochefoucauld, dont l’esprit lui convenait fort : comme lui aussi elle avait vu périr son idéal dans la Fronde.

1653. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre premier. Mécanisme général de la connaissance — Chapitre premier. De l’illusion » pp. 3-31

Celui-ci, se pressant le visage dans les mains et s’agitant de droite à gauche, se tordait dans la douleur. » Dans tous ces exemples, les conditions physiques et morales qui, d’ordinaire, répriment le travail hallucinatoire, sont absentes.

1654. (1868) Cours familier de littérature. XXV « CXLVIIe entretien. De la monarchie littéraire & artistique ou les Médicis »

Là, Alberti commença l’entretien en remarquant qu’on peut regarder comme jouissant d’un bonheur solide et réel ceux qui, après avoir perfectionné leur esprit par l’étude, peuvent se soustraire de temps en temps au fardeau des affaires publiques et à la sollicitude des intérêts privés, et, dans quelque retraite solitaire, se livrer sans contrainte à la contemplation de l’immense variété d’objets que présentent la nature et le monde moral. « Mais si c’est une occupation convenable aux hommes qui cultivent les sciences, elle est encore plus nécessaire pour vous, continua Alberti en s’adressant à Laurent et à Julien ; pour vous, que les infirmités toujours croissantes de votre père mettront probablement bientôt dans le cas de prendre la direction des affaires de la république.

1655. (1868) Cours familier de littérature. XXV « CXLIXe entretien. De la monarchie littéraire & artistique ou les Médicis (suite) »

À peine rapatrié, le conclave le rappela à Rome ; il y fut nommé pape, à trente-sept ans, sous le nom de Léon X, qu’il immortalisa par les mêmes faveurs qui avaient valu à sa maison le sceptre moral de la Toscane.

1656. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre III. Les grands artistes classiques — Chapitre I. Les mondains : La Rochefoucauld, Retz, Madame de Sévigné »

Ainsi les Maximes sont comme le testament moral de la société précieuse.

1657. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « Ferdinand Fabre  »

Surtout il devrait avoir gardé le respect, sinon de l’« onction » sacerdotale, au moins du très grand effort moral et de l’extraordinaire sacrifice que présuppose cette onction.

1658. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Victor Hugo, Toute la Lyre. »

Il a donc abusé de l’antithèse et a fini par ne plus avoir, dans l’ordre physique et dans l’ordre moral, que des visions antithétiques.

1659. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre X. La littérature et la vie de famille » pp. 251-271

Je crois pourtant nécessaire de ne point passer outre sans ajouter qu’elle développe chez ceux qui s’y complaisent le goût d’une certaine simplicité de manières et de langage, la propension au ton moral et aux vertus bourgeoises, l’habitude d’exprimer ses sentiments intimes sans apprêt et sans crainte du détail terre à terre.

1660. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Discours préliminaire, au lecteur citoyen. » pp. 55-106

Je conviens que je me suis élevé contre les Philosophes, & que je n’ai négligé aucune occasion de relever leurs injustices, de fronder leurs fausses prétentions, de combattre leurs dogmes dangereux, de montrer, en un mot, toutes leurs erreurs littéraires & morales.

1661. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — Chapitre Premier »

Ce n’est point là, comme ou pourrait le croire, un anachronisme moral.

1662. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — Chapitre VIII »

Elle impose à son fils le salut de ce père qu’il ne connaît pas, auquel il ne doit rien qu’une juste rancune ; et c’est l’enfant naturel qui remet l’ordre matériel et moral dans la maison légitime, qui la relève et la corrige, qui la réhabilite et la purifie.

1663. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — Chapitre XV »

» Une impression de froid moral s’en dégage : on sent qu’aucune flamme d’intimité ne l’a jamais réchauffée.

1664. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Monsieur de Malesherbes. » pp. 512-538

Ce n’est pas une nuance, notez-le bien, c’est un abîme qui le sépare, au moral, des Mirabeau et des Condorcet.

1665. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Chateaubriand homme d’État et politique. » pp. 539-564

Buonaparte l’aurait pu dompter en l’écrasant, en l’envoyant mourir sur les champs de bataille, en présentant à son ardeur le fantôme de la gloire, afin de l’empêcher de poursuivre celui de la liberté ; mais nous, nous n’avons que deux choses à opposer aux folies de cette jeunesse : la Légitimité escortée de tous ses souvenirs, environnée de la majesté des siècles ; la Monarchie représentative assise sur les bases de la grande propriété, défendue par une vigoureuse aristocratie, fortifiée de toutes les puissances morales et religieuses.

1666. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Bussy-Rabutin. » pp. 360-383

Il y a, dans chaque époque, des espèces de maladies morales et d’affections régnantes qui atteignent généralement les âmes : il faut une grande force et une grande santé d’esprit pour y résister.

1667. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Études sur Saint-Just, par M. Édouard Fleury. (2 vol. — Didier, 1851.) » pp. 334-358

Des portions sérieuses, des complications de systèmes sur le monde physique et moral s’y mêlaient.

1668. (1913) Le bovarysme « Première partie : Pathologie du bovarysme — Chapitre I. Le Bovarysme chez les personnages de Flaubert »

Sous ce jour ils personnifient l’homme moderne : à celui-ci, la vulgarisation de l’enseignement, phénomène propre à notre temps, ouvre des perspectives illimitées sur l’infinité des idées philosophiques, morales, littéraires et scientifiques élaborées par l’effort des civilisations antérieures.

1669. (1913) La Fontaine « IV. Les contes »

Ceci serait un conte philosophique très intéressant, qui pourrait être plus ou moins sentimental, ou plus ou moins moral, ou plus ou moins amer, et qui, en tout cas, se terminerait comme moralité, par les vers de Musset, par les vers de Rodolphe dans l’Idylle, de Musset : Quand la réalité ne serait qu’une image Et le contour léger des choses d’ici-bas, Me préserve le ciel d’en savoir davantage !

1670. (1868) Curiosités esthétiques « IV. Exposition universelle 1855 — Beaux-arts » pp. 211-244

Le pauvre homme est tellement américanisé par ses philosophes zoocrates et industriels qu’il a perdu la notion des différences qui caractérisent les phénomènes du monde physique et du monde moral, du naturel et du surnaturel.

1671. (1896) Matière et mémoire. Essai sur la relation du corps à l’esprit « Résumé et conclusion »

Toutes les difficultés que ce problème soulève, en effet, soit dans le dualisme vulgaire, soit dans le matérialisme et dans l’idéalisme, viennent de ce que l’on considère, dans les phénomènes de perception et de mémoire, le physique et le moral comme des duplicata l’un de l’autre.

1672. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre premier. »

» Ce qui pour lui cependant résolvait le problème, c’était un autre principe de philosophie, l’idée présente d’une Loi souveraine, d’un destin moral, pour ainsi dire, au lieu de cette fatalité aveugle qu’on reproche à l’antiquité, et dont elle ne peut guère se justifier que par exception.

1673. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre III. »

Mais ces recommandations morales, ces saintes lois et d’autres encore, gravées sur les tables de pierre de Moïse, se retrouvent aussi et peuvent se lire sur la table intérieure et vivante du cœur humain, sur cette table rase en apparence, mais, comme un marbre jaspé, dit Leibniz, sillonnée de veines profondes, où réside l’instinct des vérités nécessaires que développe la croissance de l’âme.

1674. (1887) Essais sur l’école romantique

Les contes plus spirituels que moraux de nos dames sont peut-être une réaction contre les contes plus moraux que spirituels du bon M.  […] S’il s’agissait de l’art supérieur des Racine, des Corneille, des La Fontaine et des Molière, nous irions chercher nos comparaisons dans les régions les plus élevées du monde moral. […] La préface de Cromwell, le vieux Paris dans Notre-Dame de Paris, la cathédrale, les portraits physiques des personnages, celui, entre autres, de Louis XI, qui joue un rôle dans ce roman, figure curieuse que la main un peu molle et nonchalante de Walter Scott n’a pas si bien rendue, quelques tableaux du Dernier Jour d’un condamné, deux ou trois grandes descriptions, soit de spectacles matériels, soit de sentiments matérialisés, ne sont d’un art inférieur à l’art du dix-septième siècle et du dix-huitième, que parce que les choses du monde matériel sont inférieures aux choses du monde moral, et parce qu’un art qui a produit des livres achevés est fort supérieur à un art qui n’a produit que d’excellents morceaux dans des livres très défectueux.

1675. (1881) Le naturalisme au théatre

Je reviens aux deux morales, qui se résument en somme dans la question double de la vérité et de la convention. […] Toujours les deux morales. […] Il verra que la véritable grandeur n’est pas dans un étalage de dissertations morales, mais dans l’action même de la vie. […] Si je disais que tel critique, très moral, vit dans une cour de petites femmes complaisantes, que tel romancier idéaliste patauge dans la prose de l’escroquerie, je me mêlerais certainement de ce qui ne me regarde pas. […] Décidément, ce prêtre d’Isis manque de sens moral.

1676. (1949) La vie littéraire. Cinquième série

Taine, devant les imprécations et les fureurs qui l’accueillent en Provence, pendant quelques jours son être moral semble dissous ; les instincts animaux remontent à la surface… Dans l’auberge de la Calade “il tressaille et change de couleur au moindre bruit” ; les commissaires, qui montent plusieurs fois dans sa chambre, “le trouvent toujours en larmes”. » (Nouvelle relation de l’itinéraire de Napoléon de Fontainebleau à l’île d’Elbe, par le comte de Waldburg-Truchsess.) […] Il a fait un ample recueil et une riche collection de nos misères intellectuelles et morales. […] Je ne crois pas qu’il y ait jamais eu au monde un poète moral : en tout cas ce ne fut ni Virgile, ni Shakespeare, ni Racine, ni aucun de ceux que l’humanité honore comme les interprètes de ses passions et les révélateurs de ses secrets. […] Il était essentiellement moral et religieux, puisque après que ses croyances furent déracinées il garda sa foi en ces vérités de sentiment qui font la dignité de l’homme et seules donnent du prix à la vie. […] La chauve-souris, dont M. de Montesquiou a fait, pour cette fois, ses armoiries poétiques et qu’il a marquée dans le filigrane du papier comme sur la soie de la couverture et des gardes, est le symbole de son œuvre, l’allégorie des effets de nuit et de crépuscule qu’il s’est appliqué à peindre dans leur diversité infinie et avec les analogies morales qu’ils rappellent.

1677. (1898) Ceux qu’on lit : 1896 pp. 3-361

» Je ne crois pas qu’on puisse mieux indiquer, sous une forme fantaisiste, le but moral visé par M.  […] Incapable de ne pas dire tout ce qu’il pense de lui-même, au moral comme au physique, M.  […] Les petits cadeaux ne révoltaient pas d’ailleurs son orgueil ibérique, et il avait, du premier coup d’œil, guigné le superbe œil-de-chat, entouré de rubis, qu’une Anglaise portait à l’annulaire et qu’il entendait bien faire passer à son petit doigt. » On devine que ces récits ne sont pas faits pour être lus aux demoiselles du couvent des Oiseaux ni à celles de Saint-Denis ou d’Écouen, mais, malgré leur liberté d’allure, leur grivoiserie, je persiste à les déclarer sans danger, et bien plus acceptables que ces soi-disant études à but moral, qui ne sont que des prétextes à révélation de mœurs étranges et de véritables cours de putréfaction morale à l’usage de tous les âges. […] Les beautés d’architecture et d’ameublement du gothique, par exemple, répondaient à des besoins moraux et physiques de leur temps et n’ont aucune raison de se manifester au nôtre. […] Paul Mimande connaît à fond nos colonies pénitentiaires et, dans ce volume aussi sérieusement pensé que légèrement écrit, ceux qui s’occupent du relèvement moral des condamnés trouveront d’utiles renseignements et aussi de sages conseils.

1678. (1867) Cours familier de littérature. XXIV « CXLIe entretien. L’homme de lettres »

Ce livre, évidemment né de Fénelon ou de Jean-Jacques-Rousseau, était aussi religieux que la nature elle-même ; il était aussi chimérique en beaucoup de points pratiques, mais infiniment plus moral ; en outre, il était plus savant, malgré ce qu’en ont dit depuis les savants de profession ; la pensée générale l’éclairait d’un instinct divin ; il se trompait peut-être sur quelques détails, comme la théorie des marées qu’on lui a tant reprochée sans preuve contraire, mais il ne se trompait certainement pas sur l’ensemble, qu’il interprétait mieux que les astronomes modernes qui, en voyant l’œuvre, ont nié l’ouvrier. […] Voyez comme l’esprit de parti aveugle les hommes, et leur fait méconnaître jusqu’aux faits qui sont sous leurs yeux: non-seulement cet hommage rendu à la Divinité existe au frontispice des anciennes églises qui servent aujourd’hui à rassembler les citoyens ; mais il est à la tête même de notre Constitution ; il en est le début, le témoignage, la sanction sacrée, c’est sous ses auspices qu’elle est faite. « Le peuple français, y est-il dit, proclame, en présence de l’Être suprême, la déclaration des droits et des devoirs de l’homme et du citoyen. » La classe des sciences morales et politiques rougirait-elle de terminer un rapport sur ces mêmes droits et ces mêmes devoirs, par un hommage dont l’Assemblée nationale s’est honorée à la tête de la Constitution ?

1679. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre septième »

Mais nul écrivain n’eut à immoler aux défauts du roi, ou à taire, pour faire sa cour, aucune vérité de l’ordre moral, ni à entretenir la protection royale par des redevances régulières d’adulation. […] Libre comme au seizième siècle, la prédication ne fut plus le privilège de dire sans courage des personnalités impunies ; ce fut l’enseignement moral le plus haut et le plus général.

1680. (1903) Articles de la Revue bleue (1903) pp. 175-627

Ainsi d’autres psychologues ne pouvant ni ne voulant méconnaître les rapports incontestables du physique et du moral et le travail prouvé des cellules nerveuses, mais ne pouvant pas admettre le mécanisme absolu dans la création poétique, ont imaginé une explication intéressante, mais un peu vague. […] Pourtant, chacun se spécialisant de plus en plus, il est à craindre qu’un certain affaissement du niveau moral suive l’indifférence des hommes à l’égard des problèmes essentiels qui doivent avant tout nous préoccuper.

1681. (1888) Études sur le XIXe siècle

Cette funeste disposition d’esprit qui le poussait à déchirer « en toute occasion le manteau dont se couvre l’hypocrite cruauté du destin », à dépouiller les choses de leurs apparences pour en découvrir la laide nudité, à regarder en face l’idée de la douleur sans se laisser distraire par aucun des mille objets qui aident les hommes ordinaires à fuir ce spectacle, cette irrésistible disposition à l’analyse a donc été en même temps pour lui une cause de lâcheté physique et d’héroïsme moral. […] Une autre conséquence de cet esprit d’analyse tel que nous l’avons défini, conséquence que nous chercherions également en vain chez les autres pessimistes, c’est un raffinement tout particulier des idées morales, et qui nous donnera la clef de la vie sentimentale de Leopardi. […] Un Islandais, peut-on lire dans les Dialogues moraux, rencontra un jour la Nature dans le Sahara. […] Ce ne fut pas sans un profond déchirement, qui lui rendit plus sensibles encore les reproches que lui adressèrent à cette occasion les « mazziniens », ses autres ennemis, qu’il déteste encore plus que les « cavouriens » : « Vous deviez proclamer la république, crièrent les mazziniens, et ils le crient encore aujourd’hui ; comme si ces docteurs, accoutumés à donner des lois au monde du fond de leurs bureaux, pouvaient connaître mieux que nous l’état moral et matériel des populations que nous avions eu le bonheur de commander et de guider à la victoire. […] Du reste, la littérature, les arts, les sciences morales, auxquelles ils parurent un moment s’adonner avec ardeur, n’étaient guère pour eux que des dérivatifs ils demeuraient tendus vers la politique, occupant comme ils pouvaient leurs facultés et leurs forces, mais guettant le moindre symptôme de réveil national pour se jeter dans la mêlée.

1682. (1893) Alfred de Musset

Mais les caractères ne se tiennent pas ; par exemple, la Camargo « contredit à chaque instant la nature de son âme italienne par des formes de langage abstrait, par des exclamations métaphysiques, par des images et des comparaisons tout à fait en dehors du monde matériel et moral de l’Italie ». […] Le 28 janvier, elle peut enfin annoncer à son ami Boucoiran qu’elle « va bien au physique comme au moral », mais ce n’est qu’un répit. […] Ma bonne sœur Marceline est revenue, plus une seconde avec elle, bonne, douce, charmante comme elles le sont toutes, et de plus femme d’esprit… » Sœur Marceline avait soigné l’âme en même temps que le corps et pansé d’une main pieuse, avec la hardiesse des cœurs purs, les plaies morales béantes sous ses yeux. […] Il a perdu cette superbe qui rappelait Corneille et les héroïnes de la Fronde, pour prendre au moral un je ne sais quoi d’affaissé et d’étriqué.

1683. (1875) Revue des deux mondes : articles pp. 326-349

Des impressions physiques sur les nerfs sensitifs ou des impressions morales, des sensations douloureuses ou des sensations de volupté, conduisent au même résultat et amènent l’arrêt du cœur. […] La raison parvient sans doute à exercer le même empire sur les sentiments moraux. […] Toutefois, relativement à ce dernier organe, on a cru devoir faire des réserves et ne pas admettre que l’expression métaphysique des facultés intellectuelles et morales fut la manifestation pure et simple de la fonction cérébrale. […] Pensées morales détachées, art.

1684. (1902) La poésie nouvelle

Questions morales et religieuses : Victor Charbonnel.‌ […] Déjà s’éveillent en lui des passions et des instincts destructeurs de toute impassibilité, des révoltes, des velléités d’anarchisme intellectuel et moral. […] Mais c’est de lui-même surtout qu’il se moque :‌ Oyez, au physique comme au moral, Ne suis qu’une colonie de cellules De raccroc ; et ce sieur que j’intitule Moi, s’est, dit-on, qu’un polypier fatal : Quand j’organise une descente en Moi, J’en conviens, je trouve là, attablée, ‌ Une société un peu bien mêlée ‌ Et que je n’ai point vue à mes octrois.‌ […] Et des légendes aussi, car il y a en elles une profonde vérité : elles sont nées d’un certain état mental et elles se sont assimilées à la vie passionnelle d’un peuple, se transformant suivant les circonstances, et créant à leur tour de nouveaux phénomènes moraux…‌ La légende et l’histoire, le présent et le passé, des bonshommes et des paysages, de fugitives visions et des faits constants, des boutades, des chansons, des imprécations, de la pluie et du soleil, des larmes et de la joie, tout cela entre dans cette synthèse. […] Le beau poème des Visages de la vie82 nous le montre attentif aux idées morales, penché sur le cœur douloureux de l’humanité, épiant ses tressaillements, guettant ses aspirations divines et ses bonnes velléités.

1685. (1765) Articles de l’Encyclopédie pp. 11-15754

Du Marsais Articles de l’Encyclopédie Compilation établie à partir de l’édition numérisée de l’ARTFL A A, a & a s.m. (ordre Encyclopéd. Entend.

1686. (1929) La société des grands esprits

Clemenceau ne veut prendre en considération que le côté moral, qui certes a bien son prix, et d’où l’illustre président du Conseil de 1918 tire, avec une autorité exceptionnelle, des enseignements salutaires en tout temps. […] Ce n’est pas là ce qui gênait notre montagniste dans la première note de Barrès, non plus peut-être que le commentaire moral, ni que la comparaison avec Henri Heine, qui peut passer pour élogieuse. […] Il ne se fie qu’aux preuves morales et historiques, et à « certains sentiments qui viennent de la nature et de l’expérience ». […] Il lui fournit l’atmosphère, le climat moral. […] La première et la plus évidente est de l’ordre moral.

1687. (1817) Cours analytique de littérature générale. Tome IV pp. 5-

Or, pour développer la matière propre à la haute poésie qui la met en œuvre, nous avons sondé, comparé le goût universel des temps et des nations ; indispensable tableau de ce qui leur sembla digne d’être célébré, tableau d’où rejaillirent les clartés qui devaient nous diriger en nos jugements ; et pour reconnaître par quelles facultés le poète sait démêler et choisir cette même matière, que son art embellit avec tant d’efforts et de persévérance, nous dûmes interroger sa vie, scruter les sentiments intérieurs de son âme, descendre dans le mystère de sa studieuse sagesse, et revenir ainsi, par cet examen de son portrait moral, au principe sur lequel je fondai particulièrement mon cours, qui tend à rapporter aux vertus du cœur de l’homme le caractère analogue de son génie. […] Il n’est pas question, en parlant des mœurs, de recommander aux poètes le respect des bienséances morales, et le soin d’inspirer l’honnêteté par des exemples honnêtes ; mais de peindre les lois, les opinions, les habitudes des nations, telles qu’elles sont, et de les représenter bonnes ou mauvaises avec une exacte fidélité. […] Les épisodes sont dans la poésie épique ce que sont les digressions dans le discours : en effet l’épopée étant une narration continue, ne souffre rien d’étranger au récit, et n’admet ni les réflexions morales, ni les développements oratoires qui interviennent subsidiairement dans le sujet des traités polémiques, des harangues, ou des panégyriques. […] Continuons de nous instruire en fouillant dans ce trésor de sublimités morales, où l’homme apprend à vivre sans esclavage et à ne se soumettre qu’aux règnes des Salomon expérimentés qui, ayant tout vu sous le soleil, gouvernent en justes et en sages :     « Mais l’exemple du monde a séduit Israël : « En vain dans l’avenir lit le grand Samuel ; « Dernier juste, il défend l’égalité première, « Et dit combien des rois pèse la race altière : « Pour conduire leurs chars ils prendront vos coursiers ; « Ils feront de vos fils leurs esclaves guerriers ; « Leurs lits seront ornés du travail de vos filles, « Et vos blés tomberont pour eux sous vos faucilles.

1688. (1891) La bataille littéraire. Quatrième série (1887-1888) pp. 1-398

Pourquoi voulez-vous nous peindre toutes les laideurs, les infirmités morales et physiques, vous qui savez si bien nous montrer, quand vous voulez, le ciel bleu, les plaines qui roulent sous le vent des vagues de blés d’or ? […] Je les copie, de figure et au moral, le plus fidèlement que je peux ; je raconte leur histoire plus ou moins amalgamée à la mienne. […] J’ai cité à dessein ce passage comme un des plus délicats et des plus importants en ce qu’il prépare le lecteur à suivre les évolutions morales de cet homme qui aime trop et qui, aveuglé par son amour et le doute de lui-même, va probablement devenir un criminel.

1689. (1914) L’évolution des genres dans l’histoire de la littérature. Leçons professées à l’École normale supérieure

On compose avec eux de ce qu’ils ont pris à mille personnes, pour une petite partie qu’ils donnent à d’autres à qui ils ne doivent rien, et on leur fait accroire que la fondation d’un couvent, ou la dorure d’une chapelle, les dispense de toutes les obligations du christianisme, et de toutes les vertus morales. […] Pareillement, en passant du physique au moral, sous l’habit de cour d’un grand seigneur français et sous la toge d’un Romain, les sentiments, les passions, les idées sont les mêmes, ou du moins ils ne valent la peine d’être représentés par l’art qu’autant qu’ils sont vrais d’une vérité plus générale qu’eux-mêmes, antérieure à l’expression qu’on en donne, et capable de durer plus qu’elle. […] Il existe, dans la langue française, sur l’art d’écrire et sur les préceptes du goût, des traités qui ne laissent rien à désirer, mais il me semble que l’on n’a pas suffisamment analysé les causes morales et politiques qui modifient l’esprit de la littérature. […] Pour établir, par un exemple convaincant, l’influence réciproque des idées, des mœurs et des lettres ; de l’état social, de l’état moral et de la littérature, les uns sur les autres ; l’exemple que Villemain a choisi dans la littérature du xviiie  siècle est trop probant, si je puis ainsi dire, pour être démonstratif. […] Pour l’homme sans doute, on ne pourra jamais faire exactement comme pour les animaux ou pour les plantes ; l’homme moral est plus complexe ; il a ce qu’on nomme liberté et qui, dans tous les cas, suppose une grande mobilité de combinaisons possibles.

1690. (1864) Histoire anecdotique de l’ancien théâtre en France. Tome I pp. 3-343

Il est juste de dire que malgré les défauts de toute nature dont ces sortes de pièces fourmillaient, on y trouvait cependant parfois des idées morales et des mots spirituels. […] Ces chœurs récitaient habituellement des strophes morales ayant rapport à la pièce qu’on représentait. […] Elle réussit, malgré l’absurdité de la donnée sur laquelle elle repose, donnée inacceptable, car comment admettre que la ressemblance de Tibérius et d’Agrippa est telle, au physique et au moral, que la maîtresse d’Agrippa, après avoir été longtemps avec l’un, continue à le prendre pour l’autre ? […] Elle pria donc Racine de lui composer un poëme moral ou historique, dont l’amour fût entièrement banni. […] Il sait, sans jamais s’égarer, sans transiger avec le bon goût, passer du sérieux au comique, du comique au moral.

1691. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre IV. Shakspeare. » pp. 164-280

Comme l’histoire de Macbeth, l’histoire d’Hamlet est le récit d’un empoisonnement moral. […] Cette imagination exaltée, qui explique sa maladie nerveuse et son empoisonnement moral, explique aussi sa conduite. […] Même loi dans le monde organique et dans le monde moral.

1692. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Werther. Correspondance de Goethe et de Kestner, traduite par M. L. Poley » pp. 289-315

c’est un galant homme auquel je suis promise. » Le lien qui unissait alors Charlotte et Kestner était tout moral et tacite, et Charlotte n’en aurait point parlé ainsi à première vue.

1693. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Sismondi. Fragments de son journal et correspondance. »

Sismondi appartient à la classe des historiens moraux ; il est trop porté à expliquer toutes choses, même celles d’un âge très-éloigné et d’une forme sociale toute différente, par les contrastes et les vicissitudes de liberté et de despotisme, de vertu et de corruption, qu’il entend au sens moderne.

1694. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Vaugelas. Discours de M. Maurel, Premier avocat général, à l’audience solennelle de la Cour impériale de Chambéry. (Suite et fin.) »

Gaston Paris, un jeune savant, fils de savant ; — photographier, au sens moral ou figuré également, etc.

1695. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Chateaubriand — Chateaubriand, Mémoires »

Qu’il en soit du monde moral comme il en est aujourd’hui de l’univers et du ciel physique.

1696. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « La Bruyère »

L’excitation et l’irritation de la publicité les firent naître sous la plume de l’auteur, qui avait principalement songé d’abord à des réflexions et remarques morales, s’appuyant même à ce sujet du titre de Proverbes donné au livre de Salomon.

1697. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre premier. Mécanisme général de la connaissance — Chapitre II. De la rectification » pp. 33-65

Là-dessus, la conscience, dupe d’elle-même, déclare que, dans le souvenir comme dans la perception extérieure, l’esprit fait un acte sui generis, simple, irréductible à tout autre, mystérieux, merveilleux, ineffable ; ce qui ajoute un nouveau fil à la toile d’araignée sans cesse rompue, sans cesse refaite, dans laquelle les sciences morales, depuis tant de siècles, viennent s’empêtrer.

1698. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXIXe entretien. Œuvres diverses de M. de Marcellus (2e partie) » pp. 5-63

La tête était, au physique comme au moral, immense, le jugement sain, le cœur sec, froid.

1699. (1867) Cours familier de littérature. XXIV « CXLIVe entretien. Mélanges »

Au lieu d’appeler le peuple à la colère et la vengeance contre une partie de lui-même, qui sont les riches et les heureux du siècle, vous le porterez à respecter dans les uns ce qui sera un jour leur propre sort ; vous montrerez à ces riches et à ces heureux du siècle la nécessité de pourvoir par bonne volonté au bien-être physique et moral de toutes les classes.

1700. (1868) Cours familier de littérature. XXV « CXLVIIIe entretien. De la monarchie littéraire & artistique ou les Médicis (suite) »

X Les rapports passionnés que Laurent établit entre la Grèce et l’Italie, les livres dont il enrichit sa patrie, les hommes célèbres auxquels il offrit un asile, furent le signal de la Renaissance, époque brillante où un monde moral nouveau sort tout à coup d’un monde qui s’éteint.

1701. (1824) Observations sur la tragédie romantique pp. 5-40

Vous prétendez que les premiers offrent des situations touchantes, de grands caractères, des scènes pathétiques, où pour nous enchanter et nous instruire, tout est mis en usage, l’élégance et l’énergie du style, la profondeur et la clarté des idées, la vivacité des images, la sublimité des sentiments, la nature enfin habilement imitée dans tout ce qu’elle a de vrai et de noble à la fois ; voilà le mal : mais nous avons aussi des farces tragi-comiques que nous appelons mélodrames ; là, rien ne nous manquera bientôt des meilleures pratiques, fables compliquées, personnages gigantesques, préceptes moraux d’un aussi fort poids que les bons mots et les jeux d’esprit qui s’y entremêlent.

1702. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre III. Les grands artistes classiques — Chapitre IV. Racine »

Là, comme dans Mithridate, il en use librement avec ses auteurs, pour le détail des faits et pour la composition psychologique des caractères individuels : mais Plutarque et Tacite ont très fortement enfoncé dans son âme la vision d’une Asie barbare ou d’une Rome corrompue, qui se déploie par-dessus le mécanisme abstrait des forces morales.

1703. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre I — Chapitre premier »

Deux ordres de vérités constituent cet idéal : les vérités simples ou philosophiques qui constatent ce qui se fait, et les vérités morales, ou du devoir, qui établissent ce qu’il faut faire.

1704. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre deuxième »

Les deux premiers lui faisaient connaître l’homme moral ; les deux seconds, l’homme sous le rapport physique et matériel.

1705. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre dixième. »

La fable dans toute sa grâce et dans tout son effet moral est de l’invention de La Fontaine.

1706. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre VI. Premiers pas hors de Saint-Sulpice  (1882) »

IV Quatre vertus me semblent résumer l’enseignement moral que me donnèrent, surtout par leurs exemples, les pieux directeurs qui m’entourèrent de leurs soins jusqu’à l’âge de vingt-trois ans : le désintéressement ou la pauvreté, la modestie, la politesse et la règle des mœurs.

1707. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 août 1885. »

… Par un double développement génial, unique en l’histoire des hommes, Richard Wagner, artiste et philosophe, rêva, et peu à peu vit, et comprit une novation artistique et une novation philosophique ; et il apporta, en une Œuvre d’art nouveau, un nouvellement moral.

1708. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « I »

Schopenhauer fait de la compassion la première des vertus : « La compassion est l’unique motif d’action qui soit vraiment moral, le seul qui ne soit pas égoïste » (Éthique, 231).

1709. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « II »

L’intérêt de la pièce repose sur un conflit moral qui se noue et se dénoue dans l’âme d’Elsa.

1710. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — V. — article » pp. 457-512

Nous ne parlerons pas de la Princesse de Babylone, Roman plus satirique que moral, plus ordurier qu’ingénieux : le désœuvrement & le libertinage peuvent seuls procurer des Lecteurs à cette Production indécente & médiocre.

1711. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Sieyès. Étude sur Sieyès, par M. Edmond de Beauverger. 1851. » pp. 189-216

J’en conclus que Sieyès, en effet, avait été beaucoup calomnié, que son sentiment moral élevé en avait souffert, que sa délicatesse orgueilleuse s’était révoltée, et qu’il en était résulté dans la partie la plus sensible de son être une maladie du genre de celle dont Rousseau et d’autres grands esprits solitaires se sont vus atteints36.

1712. (1888) Journal des Goncourt. Tome III (1866-1870) « Année 1870 » pp. 321-367

Ils ne manqueront pas d’ajouter qu’aux êtres qu’on aime, on doit garder, dans la maladie, le secret de certains abaissements, de certaines défaillances morales… Oui, un moment, je ne voulais pas donner tout ce morceau, il y avait des mots, des phrases qui me déchiraient le cœur, en les récrivant pour le public… mais renfonçant toute sensibilité, j’ai pensé qu’il était utile pour l’histoire des lettres, de donner l’étude féroce de l’agonie et de la mort d’un mourant de la littérature et de l’injustice de la critique… Maintenant, suis-je un personnage particulier, et mon chagrin et ma désespérance ont-elles besoin de se répandre dans de la littérature ?

1713. (1891) Journal des Goncourt. Tome V (1872-1877) « Année 1877 » pp. 308-348

Il ne me dit rien… Inquiétude anxieuse, bile qui monte à la bouche et la fait amère… Mon moral est un héros, mais mon physique est un lâche.

1714. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Michelet » pp. 167-205

Et c’est avant tout — même avant le sens moral — qu’il faut développer en lui le sens ouvrier, et jusqu’au sens du citoyen qui ne vient qu’après !

1715. (1898) Les personnages de roman pp. 39-76

Brunetière, à propos des romans ruraux de George Eliot, remarque justement : « Il n’y a rien de si difficile, dans le roman et ailleurs, que de borner le vocabulaire des gens que l’on fait parler aux limites exactes de leur petit univers intellectuel et moral. » Épreuve dangereuse, en effet, piège redoutable.

1716. (1879) L’esthétique naturaliste. Article de la Revue des deux mondes pp. 415-432

Ce maître d’étude a une large carrure, des épaules solides, de grosses lèvres, des mains velues : un physique parfait de brute vulgaire ; le moral est exactement à la hauteur du physique.

1717. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XXI. »

Par là, tout en l’admirant, on ne peut la proposer pour modèle, ni surtout y chercher, en dehors des arts du dessin, cet enthousiasme moral qui est le sublime du génie.

1718. (1854) Nouveaux portraits littéraires. Tome II pp. 1-419

Dans la seconde canzone, il envisage les yeux de Laure sous un aspect purement moral. […] Riches, éclatantes, variées dans les peintures voluptueuses, les élégies de Tibulle abordent rarement le côté intellectuel et moral de la passion, et cela se conçoit sans peine. […] Quel que soit, en effet, le rôle joué par Léon X, il ne s’agit pas d’apprécier son caractère moral, mais d’estimer l’œuvre de Raphaël ; or, c’est ce que M.  […] Quoique le sentiment moral soit chez lui très développé, il ne se trahit jamais qu’en maximes inanimées. […] Le sentiment moral, bien que réel et sincère, finit par se confondre avec le sentiment de l’habileté.

1719. (1915) Les idées et les hommes. Deuxième série pp. -341

Chrétiens, il nous entretenait dans un état de trouble moral qui n’était ni désagréable, ni vulgaire ; et il nous révélait le plaisir de l’incertitude : nous en avons abusé. […] Ce problème moral, si nous savions le résoudre, la poésie de Villon serait par là tout éclairée. […] Dans les derniers temps de l’ancien régime, une jeunesse florissait, à laquelle son ascendance avait préparé lentement ses conditions de vie, conditions matérielles, intellectuelles et morales. […] Puis, les paroles de l’Écriture sont les riches symboles de vérités variées et nombreuses, dogmatiques et morales. […] » Ainsi se réunissent les torts littéraires et les inconvénients moraux de Julius : son esthétique dépend de son éthique ; prenons-y garde.

1720. (1892) La vie littéraire. Quatrième série pp. -362

Il semble qu’elle raisonnât très bien, cette docte caïnite, qui, jugeant la création mauvaise, enseignait aux fidèles à offenser les lois physiques et morales du monde, sur l’exemple des criminels et préférablement à l’imitation de Caïn et de Judas. […] Paul Bourget pour résoudre de telles difficultés morales et physiologiques. […] « Il me semble, dit-il, que les pensées morales et religieuses, que les sentiments élevés que je puis avoir datent de ce moment. […] Et quand un religieux est mêlé aux affaires du temps, ce qui est le cas de presque tous les grands religieux, le psychologue se trouve en présence d’une des plus rares curiosités morales que l’humanité puisse offrir. […] Il entre dans l’empire spirituel sans appui moral.

1721. (1894) La bataille littéraire. Septième série (1893) pp. -307

C’est le Docteur Pascal qui marque la fin de cette longue étude sur l’hérédité et ses conséquences morales et physiques. […] L’enfant tendre, à l’intelligence paresseuse, que j’ai peint sous le nom de Pierre-Charles, était mort d’une méningite, avant le départ de sa mère pour l’Italie, et sur ce pauvre et intéressant enfant, présentant un sujet neuf sous la plume d’un romancier, j’ai fait peser le brisement de cœur et les souffrances morales de son frère cadet, pendant la folie religieuse de sa mère. […] C’était un brave libéral, aujourd’hui préfet moral de Moulins ; le mieux intentionné, le plus héroïque peut-être et le plus bête des écrivains libéraux. […] Cette fois, le petit duc est marié et, pour prix de sa sottise, de son absence de sens moral, obtient l’adjonction d’une fleur de souci aux trèfles de sa couronne ducale. […] C’est la partie historique du livre ; la seconde moitié nous initie à la vie privée de l’Impératrice, nous en présente le portrait moral et physique, nous fait assister aux drames et comédies qui se jouent, mais de l’autre coté de la toile.

1722. (1868) Cours familier de littérature. XXV « CLe entretien. Molière »

Molière a pris la peine de répondre lui-même, dans la Critique de l’École des femmes, à ceux qui l’accusaient de tourner, dans ce discours, la religion en ridicule. « Pour le discours moral, dit-il, que vous appelez un sermon, il est certain que de vrais dévots, qui l’ont ouï, n’ont pas trouvé qu’il choquât ce que vous dites, et sans doute que les paroles d’enfer et de chaudières bouillantes sont assez justifiées par l’extravagance d’Arnolphe et par l’innocence de celle à qui il parle. » 26. […] Cette scène est une des plus morales de l’ouvrage.

1723. (1894) Journal des Goncourt. Tome VII (1885-1888) « Année 1888 » pp. 231-328

Samedi 4 février Parmi les écrivains, il n’y a jamais eu un brave, qui ait déclaré qu’il se foutait de la moralité ou de l’immoralité, qu’il n’était préoccupé que de faire une belle, une grande, une humaine chose, et que si l’immoralité apportait le moindre appoint d’art à son œuvre, il servirait de l’immoralité au public carrément, et sans mentir, et sans professer hypocritement qu’il faisait immoral dans un but moral, quelques criailleries que cela pût amener chez les vertueux journalistes, conservateurs ou républicains… Lundi 6 février F… vient déjeuner, et c’est pour moi un plaisir de revoir ce grand diable, que j’ai vu tout petit garçon. […] Ils ne voient pas sur une tête de faux cheveux, dans une bouche, de fausses dents, n’aperçoivent pas même une légère déviation de l’épine dorsale, chez une femme bien habillée, mais perçoivent les moindres mouvements moraux de la physionomie, percent sur une figure, — ce qui se passe dans sa cervelle ou son cœur.

1724. (1895) Journal des Goncourt. Tome VIII (1889-1891) « Année 1891 » pp. 197-291

Jeudi 19 février Carrière, qui dînait chez Daudet, après dîner, est venu s’asseoir à côté de moi, et dans une longue, vague et diffuse conversation, ressemblant à sa peinture, et avec sa voix étoupée, m’a entretenu longtemps de son mépris pour le chatoyant en peinture, et de ses efforts et de son ambition pour attraper les fugitivités de l’expression d’une figure, de son travail enfin, acharné et sans cesse recommençant, pour tâcher de fixer un peu du moral d’un être sur une toile. […] Vendredi 10 avril Dans ce moment, une vie absolument en dehors de la vie réelle, et toute remplie par la contemplation de l’objet et de l’image d’art, produisant une espèce d’onanisme de la rétine et de la cervelle, un état physique d’absence et de griserie, où l’on échappe aux embêtements moraux et aux malaises physiques.

1725. (1881) La parole intérieure. Essai de psychologie descriptive « Chapitre premier. Aperçu descriptif. — Histoire de la question »

Dans vingt passages, il semble dire que la parole intérieure s’arrête de temps à autre pour faire place à une série de représentations visibles : ce changement de langage intérieur aurait lieu quand nous nous mettons à penser à des objets individuels et matériels, car la parole n’est l’expression que des idées proprement intellectuelles, c’est-à-dire générales ou morales. […] A côté du langage audible, seul propre à l’expression des idées générales, spirituelles et morales, il y a le langage visible des gestes, ou « langage d’action », auquel correspond, dans la vie intérieure de l’âme, la succession des images, et qui n’exprime que les idées matérielles et particulières ; ne pouvant exprimer l’idée de l’être et ses temps, il ne peut renfermer aucun verbe.

1726. (1913) Poètes et critiques

Deux essais littéraires s’y joignent, un excursus inattendu sur les Idées morales d’Horace et un in memoriam plein d’émotion : Ferdinand Brunetière, notes et souvenirs. […] Rappelons-nous la brochure qui avait pour titre : Les idées morales d’Horace. […] L’auteur avait vingt ans quand il s’y exprimait ainsi : « Si le nom de moraliste convient surtout à ceux qui, ayant agité quelques idées dans leur vie, ayant observé longuement et curieusement les hommes et les choses, en rapportent la conviction que le point de vue moral est le seul auquel le monde mérite d’être envisagé et lui donnent enfin la place d’honneur dans leurs œuvres, bien des anciens méritent ce titre… » C’est sous cet angle, exactement, que les prosateurs modernes Pierre Loti, Ferdinand Brunetière, Émile Faguet, Melchior de Vogüé, Paul Bourget sont contemplés, scrutés et proclamés comme les meilleurs excitateurs d’esprits qui aient agi, en 1880, sur une jeunesse studieuse, pensive, curieuse de religiosité, et l’aient informée ou émue. […] Ni le désespoir métaphysique, ni la profondeur du sentiment moral, ni le sens et l’effroi du mystère, ni l’élan spontané de l’âme vers je ne sais quoi qui l’enveloppe et la dépasse, jamais, à aucun moment de sa vie ou de sa pensée, jamais Montaigne n’a rien connu, ni éprouvé de tout cela.

1727. (1908) Jean Racine pp. 1-325

À seize ans, à dix-sept ans, en lisant Plutarque, — toutes les Vies des hommes illustres, et toutes les Œuvres morales, — il se demandait : « Ne pourrais-je donc adorer ces Grecs, ne pourrais-je même faire des tragédies comme eux sans être pour cela un mauvais chrétien ?  […] Il dut agir encore sur Racine par sa compagnie même et son contact, par le spectacle de sa liberté d’esprit, et de ses souffrances morales, et de sa vie si tourmentée, et peut-être par les confidences d’une expérience très étendue et très amère. […] Il y a un petit livre très rare, imprimé secrètement et sans privilège en 1666 et intitulé : Recueil contenant plusieurs discours libres et moraux en vers. […] » Mais, en réalité, il y a dans Racine une harmonieuse fusion de la noblesse et de l’élégance morales comme on les entendait au xviie  siècle, avec l’allure et la grandeur héroïques comme elles nous sont présentées dans le théâtre grec.

1728. (1924) Souvenirs de la vie littéraire. Nouvelle édition augmentée d’une préface-réponse

Son existence fut un long suicide moral dont il ne parlait jamais. […] Ironique figure de Méphisto, fils de l’ancien préfet de Vaucluse sous l’Ordre Moral, Doncieux représentait bien le type de l’homme du monde qui a fait de brillantes études et consacré à la littérature les loisirs d’une indépendance agréable. […] Au moral, Tarde était resté très jeune de caractère ; il aimait les bals, les dîners, les cercles, les théâtres et le café. […] Les opinions littéraires de Coppée à cette époque n’eussent peut-être pas tout à fait répondu à toutes les exigences du programme essentiellement moral de la future Patrie Française. […] Pourquoi, pensez-vous, a-t-il fallu que ce sentiment m’ait poussé à me croire autorisé à venir vous demander un service moral ?‌

1729. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « M. Charles Magnin ou un érudit écrivain. »

Chacun, dans les groupes intellectuels qu’il traverse et dans les combinaisons de personnes où il se trouve mêlé, rencontre dès sa jeunesse ses affinités, ses attractions au moral comme aussi ses antipathies et ses déplaisances.

1730. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. VILLEMAIN. » pp. 358-396

Rencontrait-on en passant des roses odorantes, il lui échappait quelque distique de Martial sur les roses120, et l’entretien reprenait, assez pareil, je me figure, si on avait su y donner la réplique, à ces belles formes de conversations morales, entremêlées aussi de vers, qu’affectionne Cicéron, pendant les intervalles du Forum, pendant les heures tristes de la patrie.

1731. (1862) Cours familier de littérature. XIII « LXXVIe entretien. La passion désintéressée du beau dans la littérature et dans l’art. Phidias, par Louis de Ronchaud (1re partie) » pp. 177-240

L’amateur du beau est un de ces phénomènes que La Bruyère aurait placé dans sa galerie des caractères et des curiosités morales s’il l’avait rencontré sur sa route.

1732. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXIe entretien. Mémoires du cardinal Consalvi, ministre du pape Pie VII, par M. Crétineau-Joly (3e partie) » pp. 161-219

Le cardinal, tel que nous venons de le dépeindre, quoiqu’il eût à cette époque soixante ans, avait mieux que la beauté : il avait tout le charme que la renommée, le génie, l’attrait physique et moral pouvaient inspirer à une femme lasse d’amour, mais non d’empire.

1733. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXIVe entretien. La Science ou Le Cosmos, par M. de Humboldt (3e partie) » pp. 365-427

Dans cet ordre d’idées, non-seulement la forêt vierge ne s’accommode point au développement de l’espèce humaine, mais encore elle serait plutôt faite pour dégrader ses facultés morales et intellectuelles.

1734. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXIVe entretien. Chateaubriand, (suite.) »

Voltaire, en disparaissant, laisse l’univers moral en ruine.

1735. (1839) Considérations sur Werther et en général sur la poésie de notre époque pp. 430-451

Voilà comment il est immoral et impie aux yeux de beaucoup, moral et à un certain degré religieux aux nôtres.

1736. (1914) Enquête : Les prix littéraires (Les Marges)

Édouard Ducoté Je n’ai jamais été partisan des prix littéraires, car j’estime que le bénéfice recueilli par le lauréat ne compense point le préjudice moral et matériel que subissent les candidats évincés.

1737. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 avril 1886. »

Mais on peut concevoir comme concret et vivant l’homme idéal : il est un être indépendant et moral, le but de notre développement intellectuel, le résultat — aujourd’hui rêvé seulement — de tout notre progrès intérieur.

1738. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre IX. Le trottoir du Boul’ Mich’ »

En réalité, ce qu’il défend, ce sont les corps organisés, académies ou anciens parlements, tous ceux où la liberté du bourgeois trouve un asile et sa tyrannie une force d’oppression, tous ceux que j’appellerai indulgemment les communes morales.

1739. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — CHAPITRE VI »

Mais l’habitude seule, une longue habitude des étrivières morales et de la bastonnade judiciaire, peut expliquer ce stoïcisme cynique.

1740. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — Chapitre X »

» A côté de cette vilaine tête s’évapore et sourit à vide madame de Santis, une créature de rubans et de grimaces, une poupée écœurée et écervelée, et pas plus de sens moral que dans la tête d’une perruche qui croque une praline !

1741. (1888) Préfaces et manifestes littéraires « Romans et nouvelles » pp. 3-80

Et mon ambition, je l’avoue, serait que mon livre donnât la curiosité de lire les travaux sur la folie pénitentiaire 9, amenât à rechercher le chiffre des imbéciles qui existent aujourd’hui dans les prisons de Clermont, de Montpellier, de Cadillac, de Doullens, de Rennes, d’Auberive ; fît, en dernier ressort, examiner et juger la belle illusion de l’amendement moral par le silence ; que mon livre enfin eût l’art de parler au cœur et à l’émotion de nos législateurs.

1742. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1883 » pp. 236-282

Et il avait ce talent, dit Spuller, de faire avaler cette politique à la fois papaline et libre penseuse de l’Empereur, et son discours faisait dire à des malandrins comme moi : « Non, il n’est pas changé, il est toujours avec nous », et faisait dire en même temps au parti impérialiste catholique : « Billault, il défend les grands principes moraux ! 

1743. (1902) La métaphysique positiviste. Revue des Deux Mondes

De menus détails, capables de piquer la curiosité des esprits actifs et de servir de passe-temps à ceux qui n’ont rien de mieux à faire, fort indifférens pour celui qui voit dans la vie une chose sérieuse, et se préoccupe avant tout des besoins religieux et moraux de l’homme.La science ne vaut qu’autant qu’elle peut rechercher ce que la révélation prétend enseigner5. » Ai-je besoin de citer encore ?

1744. (1913) La Fontaine « V. Le conteur — le touriste. »

Il faut, lorsqu’on examine le recueil de La Fontaine qui est intitulé les Fables, bien tirer à part les fables qui sont des contes, parce que ce sont certainement celles qui ont le caractère le plus élevé, même le caractère moral le plus élevé.

1745. (1913) La Fontaine « VI. Ses petits poèmes  son théâtre. »

Ce ne sont pas de mauvais vers, mais ce sont des vers qui ne portent pas du tout le cachet de Voltaire, à moins qu’il ne s’agisse des discours moraux ou philosophiques qu’il introduit dans ses drames et qui, alors, sont tout simplement du Voltaire proprement dit, du Voltaire des Discours sur l’homme ; il y a certainement là la marque de Voltaire ; mais tout le reste, tout ce qui est dialogue, tout ce qui est tirades, tout ce qui est récit, cela pourrait être écrit par de Belloy aussi bien que par Voltaire.

1746. (1898) Introduction aux études historiques pp. 17-281

« Premièrement, disait Mably, étudiez le droit naturel, le droit public, les sciences morales et politiques. » Daunou, homme de grand sens, secrétaire perpétuel de l’Académie des inscriptions et belles-lettres, qui écrivait vers 1820, divise en trois genres les études préliminaires qui constituent, à son avis, « l’apprentissage de l’historien » : littéraires, philosophiques, historiques. — Sur les études « littéraires », il s’étend copieusement : d’abord « avoir lu attentivement les grands modèles ». […] Tous les auteurs qui ont essayé, comme Daunou, d’énumérer les connaissances préalables, ainsi que les dispositions morales ou intellectuelles, requises pour « écrire l’histoire », ont eté amenés à dire des banalités ou à émettre des exigences comiques. […] A qui n’est pas né avec certaines dispositions naturelles, la carrière de l’érudition technique ne réserve que des dégoûts : le plus grand service que l’on puisse rendre aux jeunes gens qui hésitent à s’y engager est de les en avertir. — Les hommes qui se sont consacrés jusqu’ici aux besognes préparatoires les ont choisies entre toutes, parce qu’ils en avaient le goût, ou bien s’y sont résignés, les sachant nécessaires : ceux qui les ont choisies ont moins de mérite, au point de vue moral, que ceux qui s’y sont résignés, mais ils ont obtenu cependant, pour la plupart, des résultats meilleurs, parce qu’ils ont travaillé, non par devoir, mais avec joie et sans arrière-pensée. […] Ceux qui se sont posé cette question ont répondu vaguement : « Des qualités plutôt morales qu’intellectuelles, la patience, la probité de l’esprit… ». […] Ils prennent parti, ils blâment, ils célèbrent ; ils colorent, ils embellissent ; ils se permettent des considérations personnelles, patriotiques, morales ou métaphysiques.

1747. (1826) Mélanges littéraires pp. 1-457

Un homme, dont le génie a été mûri par les orages de la révolution, achève maintenant de renverser les principes d’une fausse philosophie, et de rasseoir l’éducation sur ses bases morales et religieuses. […] Il n’attache le mot de civilisation qu’aux lois morales et politiques ; on sent que tout ceci, bien que supérieurement enchaîné, est sujet à de grandes objections. […] Nos églises donnent à nos hameaux et à nos villes un caractère singulièrement moral. […] Son tableau de l’Égypte nous a rappelé quelque chose des belles pages de Platon sur les Perses, et le ton calme, élevé, moral, du philosophe de l’Académie. […] On reconnaît partout ses principes religieux, moraux, politiques ; et les notes ajoutées de sa propre main aux marges des Mémoires, ne sont inférieures au texte ni pour le style, ni pour les pensées.

1748. (1897) La vie et les livres. Quatrième série pp. 3-401

Voici les traits essentiels de ce diagnostic : frénésie de l’imagination, fièvre des sens, paganisme invétéré, alcoolisme, violence innée de tous les appétits, mépris des lois morales et sociales, nerfs saccadés, fantaisie visionnaire, aptitude extraordinaire à changer les idées en images. […] Cet état de surexcitation cérébrale, compliqué de ce zèle qui pousse les Anglo-Saxons vers les aventureuses propagandes, a fait naître, à Londres, des clubs de femmes, espèces de béguinages laïques, dirigés vers quelque but philanthropique et moral. […] Dans l’intimité, elle joue, avec passion, des comédies morales. […] Voilà plus de trois mille ans qu’ils ont aperçu cette solution du problème moral.

1749. (1882) Autour de la table (nouv. éd.) pp. 1-376

Je fus donc enchanté de retrouver mon émotion lorsque Théodore, sans art et sans charme, nous lut ces courts chefs-d’œuvre qu’on devrait apprendre à tous les beaux enfants intelligents, comme un catéchisme moral et littéraire. […] Nous ne sommes pas encore assez initiés aux mystérieux desseins de cette Providence pour savoir ce que sera un jour l’importance de certains travaux de pure intelligence qui nous semblent frivoles aujourd’hui, préoccupés que nous sommes de besoins moraux et religieux plus pressants. […] Il eût pu prophétiser que la défaite de la Pologne sera pour la suite des temps un triomphe sur la Russie, et que, comme l’empire romain a subi le triomphe intellectuel de la Grèce terrassée, l’empire russe subira le triomphe intellectuel et moral de la Pologne. […] Il vous étonne, vous contrarie et vous afflige souvent par l’inattendu des catastrophes morales où il précipite ses personnages. […] Et ce n’est pas le peuple républicain seulement, c’est tout le peuple, c’est toute la société, c’est toute l’humanité qui est ainsi mobile et sans frein moral.

1750. (1904) Zangwill pp. 7-90

La vie humaine, par son revers moral, écrit un petit sillon, connue la pointe d’un compas, au sein de l’infini. […] Il y a bien de la fabrication dans Renan, mais combien précautionneuse, attentive, religieuse, éloignée, ménagée, aménagée ; c’est une fabrication en réserve, une fabrication de rêve et d’aménagement, entourée de quels soins, de quelles attentions, délicates, maternelles ; on fabriquera ce Dieu dans un bocal, pour qu’il ne redoute pas les courants d’air ; on lui fera des conditions spéciales ; cette fabrication de Renan est vraiment une opération surhumaine, une génération surhumaine, suivie d’un enfantement surhumain ; et l’humanité de Renan, ou la surhumanité de Renan, si elle usurpe les fonctions divines, premièrement, nous l’avons dit, usurpe les fonctions de connaissance divine, les fonctions de toute connaissance, beaucoup plutôt que les fonctions de production divine, de toute création, deuxièmement, et ceci est capital, usurpe aussi, commence par usurper les qualités, les vertus divines ; cette première usurpation, cette usurpation préalable, pour nous moralistes impénitents, excuse, légitime la grande usurpation ; nous aimons qu’avant d’usurper les droits, on usurpe les devoirs, et avant la puissance, les qualités ; enfin l’accomplissement de cette usurpation est si lointain ; et les précautions dont on l’entoure, justement par ce qu’elles ont de minutieux, par tout le soin qu’elles exigent, peuvent si bien se retourner, s’entendre en précautions prises pour qu’il n’arrive pas ; une opération si lointaine, si délicate, si minutieuse, ne va point sans un nombre incalculable de risques ; Renan, grand artiste, a évidemment compté sur la sourde impression que l’attente et l’escompte de tous ces risques produiraient dans l’esprit du lecteur ; lui-même il envisage complaisamment ces risques ; ils atténuent, par un secret espoir de libération, de risque, d’aventure, et, qui sait, de cassure, disons le mot, de ratage, cette impression de servitude mortelle et d’achèvement clos ; ils effacent peut-être cette impression de servitude ; et quand même ils effaceraient cette impression glaciale ; l’auteur sans doute s’en consolerait aisément ; il ne tient pas tant que cela aux impressions qu’il fait naître ; ces risques soulagent également le lecteur et l’auteur ; par eux-mêmes Renan n’est point engagé au-delà des convenances intellectuelles et morales ; lui-même les envisage complaisamment ; dans cette institution de la Terreur intellectuelle que nous avons passée, la remettant à plus tard, « mais ne pensez-vous pas », dit Eudoxe : « Mais ne pensez-vous pas que le peuple, qui sentira grandir son maître, devinera le danger et se mettra en garde ?

/ 1955