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810. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Erckmann-Chatrian » pp. 95-105

Si Erckmann-Chatrian avait eu la moindre puissance fantastique, il l’aurait prouvé dans cette histoire si bien commencée, entre cet homme atteint d’une maladie sans nom, qui hurle comme un loup blessé au fond de son château féodal, et dont les crises deviennent de plus en plus épouvantables à mesure que s’avance dans la plaine, à travers les neiges, la vieille sorcière, ou plutôt la vieille inconnue, que la terreur de tout le pays a surnommée la Peste Noire.

811. (1814) Cours de littérature dramatique. Tome I

Du Belloi, Lemierre, Ducis, étaient auprès de Voltaire ce qu’est une vieille suivante auprès d’une jeune coquette. […] Il n’est pas toujours nécessaire de parler humblement pour émouvoir : le courage et la grandeur d’âme d’un vieux guerrier ne s’accordent point avec d’humbles plaintes. […] Les citadins de Rome pouvaient-ils tenir contre la vieille infanterie de César ? […] Cette reine forcenée d’ambition, de haine et de vengeance, doit-elle calculer froidement, comme un vieux ministre dans son cabinet, le résultat de ses projets ? […] Cette espièglerie n’est point un tour de force de jeune homme ; c’est le dernier effort d’un vieux poète.

812. (1899) Préfaces. — Les poètes contemporains. — Discours sur Victor Hugo pp. 215-309

J’ai peu le goût du prosélytisme, et la solitude ne m’effraie pas ; mais je suis trop vieux de trois mille ans au moins, et je vis, bon gré mal gré, au dix-neuvième siècle de l’ère chrétienne. […] Rien ne revit dans ces maigres pamphlets à refrains, pauvrement conçus, pauvrement écrits, si ce n’est l’inutile souvenir de vieilles et puériles polémiques étrangères à la poésie. […] Il me sera désormais prouvé qu’il ne faut point heurter de front l’armée compacte des dupes littéraires, et que c’est une aventure dangereuse que de troubler, dans les mares stagnantes, la quiétude des grenouilles, jeunes et vieilles. […] Ce sont des vers spacieux et marmoréens, d’une facture souveraine, dignes d’exprimer les passions farouches de ces vieux chevaliers géants du Rhin. […] Nous assistons à cet écroulement sinistre d’une multitude qui se rue, tourbillonne et se heurte avec une clameur désespérée contre les carrés de la Vieille Garde immobile au milieu de la flamme et de l’averse des balles et des boulets.

813. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des pièces de théâtre — Préface de « Cromwell » (1827) »

À la première secousse elle a craque, tant était vermoulue cette solive de la vieille masure scolastique ! […] Jetons bas ce vieux plâtrage qui masque la façade de l’art ! […] Elle souligne le vieux Corneille pour ses façons de dire crûment : … Un tas d’hommes perdus de dettes et de crimes. […] Au lieu d’une individualité, comme celle dont le drame abstrait de la vieille école se contente, on en aura vingt, quarante, cinquante, que sais-je ? […] Mais ce qu’il faut détruire avant tout, c’est le vieux faux goût.

814. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Vernet » pp. 130-167

. — Tenez, voilà la vieille comtesse qui continue d’arracher les yeux à son partner, sur une invite qu’il n’a pas répondue. […] Je vous raconte simplement la chose ; dans un moment plus poétique j’aurais déchaîné les vents, soulevé les flots, montré la petite nacelle tantôt voisine des nues, tantôt précipitée au fond des abymes, vous auriez frémi pour l’instituteur, ses jeunes élèves et le vieux philosophe votre ami. […] Imaginez au devant de ce rocher, et beaucoup plus voisine, une fabrique de vieilles arcades, sur le ceintre de ces arcades une plate-forme qui conduisait à une espèce de phare. […] Il est bien plus aisé de démêler le vice d’un raisonnement que la raison d’une beauté ; d’ailleurs, l’une est bien plus vieille que l’autre. […] Une nation est vieille quand elle a du goût.

815. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre IV. Shakspeare. » pp. 164-280

Que celui de vous qui veut vivre vieux — me donne secours. […] … Hors d’ici, vieille chèvre ! […] Bien dit, vieille taupe ! […] Elles y trouvent le vieux duc, père de Rosalinde, qui, chassé de son État, vit avec ses amis en philosophe et en chasseur. […] Le vieux duc se trouve heureux de son exil.

816. (1894) La bataille littéraire. Septième série (1893) pp. -307

Pour eux, pour Pascal et pour Clotilde, ils ne font que recommencer l’histoire du vieux roi David et de la jeune Sulamite. […] Mais, comme l’a dit un vieux marin : « C’est dans le sang !  […] Vieux jeu, je le sais, mais beau jeu ! […] On l’a donc traîné depuis le moulin jusqu’à la vieille guérite de Rathdrum. […] Nous nous sommes rallié à son drapeau en disant, comme le vieux paysan de Godefroy Cavaignac : “Il ne s’agit plus de Bonaparte.

817. (1895) Hommes et livres

L’infatigable liseur, depuis qu’en son enfance il avait trouvé dans un vieux coffre des livres que les rats commençaient à ronger ! […] L’âge féodal dure encore ; l’ordre européen est fondé sur ces vieilles chartes que déchiffrent nos moines. […] Il fût tombé moins doucement, il eût vécu moins vieux s’il n’eût été que l’abbé Alberoni. […] C’est le « vieux jeu », qui n’est pas le pire. […] L’esprit n’y est pas toujours de qualité : il y a là beaucoup de « bourre », comme disait le vieux Malherbe.

818. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « M. Charles Magnin ou un érudit écrivain. »

Un vieux noël salinois consacre un couplet à certain chanoine Magnin qui devait être, un grand-oncle, et en remontant on trouverait toujours dans les registres des couvents ou chapitres de la ville quelque religieux ou chanoine de ce nom de Magnin. […] Ampère, Duvergier de Hauranne), voyageurs intellectuels, éclaireurs toujours en mouvement, perçaient à jour la vieille poétique par des exemples frappants ou l’attaquaient par des raisons décisives. […] La Révolution de juillet 1830, qui ramena sur la scène tant de vieux masques et de revenants, fut aussi, dans une bonne moitié, la prise de possession du pouvoir par les hommes nouveaux et en définitive par les hommes jeunes, longtemps tenus à l’écart et évincés. […] Magnin que vieux, intimidé, paisible, et qui ne l’ont connu que comme un érudit ingénieux et patient, ne sauraient se faire idée de ce qu’il était alors dans le vif et le dégagé de sa polémique. […] Quand il en vient aux farces, à cette veine heureuse et riche de notre vieux théâtre, à cette première forme de la comédie, M. 

819. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « DÉSAUGIERS. » pp. 39-77

Vieux ami des poëtes ! […] On ne sait rien d’ailleurs de précis ; il parlait peu de son passé et de ses aventures de jeunesse, ou du moins il n’en parlait qu’en courant, entre la coupe et les lèvres ; il en disait quelquefois : « J’écrirai tout cela un jour, quand je serai vieux ; » mais ce souvenir, chez lui, n’était qu’un éclair ; et l’abondance de la vie présente, le jet de chaque moment, recouvrait tout20. […] Dans un dîner du 2 fructidor an iv (1796), dix-sept gens d’esprit dont on a les noms, et parmi lesquels on distingue les deux Ségur, Deschamps, père des poëtes Deschamps d’aujourd’hui, Piis, Radet, Barré, Després, etc., posèrent entre eux les bases d’un projet de réunion mensuelle qu’ils rédigèrent le mois suivant en couplets ; c’était l’ère des constitutions nouvelles et des décrets de toutes sortes ; on ne manqua pas ici d’en parodier la formule : En joyeuse société, Quelques amis du Vaudeville, Considérant que la gaieté Sommeille un peu dans cette ville, Sous les auspices de Panard, Vadé, Piron, Collé, Favart, Ont regretté du bon vieux âge Le badinage Qui s’enfuit ; Et, pour en rétablir l’usage, Sont convenus de ce qui suit : et, après la rédaction rimée-de divers articles du règlement, la commission signait en bonne forme : Au nom de l’Assemblée entière, Paraphé, ne varietur. […] Il a, du premier jour et sans y songer, effacé le pâle Laujon, redonné la main aux maîtres gaulois de vieille race, et n’a pas été détrôné à cet endroit, même par Béranger. […] Mais Désaugiers était de l’ancienne race, de cette malice du bon vieux temps et d’avant Voltaire ; on lui pardonnait de rire comme dans les vieux noëls, sans que cela tirât à conséquence.

820. (1863) Cours familier de littérature. XV « LXXXIXe entretien. De la littérature de l’âme. Journal intime d’une jeune personne. Mlle de Guérin (2e partie) » pp. 321-384

C’est plus joli, ces choses nouvelles, mais pourquoi est-ce que je regrette les vieilles et replace de cœur les portes ôtées, les pierres tombées ? […] Je ne sais si l’on doit croire à cette fatalité des jours. » XIV Un passage de Bossuet, qui atteignait à la mélancolie par la grandeur, surtout dans ses vieux jours, la frappe et se grave dans sa mémoire : « En effet, ne paraît-il pas un certain rapport entre les langes et les draps de la sépulture ? […] les vieux châteaux, avec leurs grandes salles, leurs meubles antiques, leurs larges fenêtres d’où l’on voit tout le ciel, les portraits de belles dames et de grands seigneurs, cela fait je ne sais quel plaisir à voir, à s’y voir errant de chambre en chambre. […] j’aime les vieux châteaux, et je me complais depuis un jour dans cette jouissance. […] Description de journées de joie et d’ennui dans son vieux château du Berry et de quelques courses jusqu’aux neiges de l’Auvergne.

821. (1866) Cours familier de littérature. XXII « CXXVIIe entretien. Fior d’Aliza (suite) » pp. 5-64

Les roues massives, les ridelles ou balustrades du chariot étaient tout encerclées de festons de branches en fleurs ; sur le plancher du chariot, grand comme la chambre où nous sommes, il y avait des chaises, des bancs, des matelas, des oreillers, des coussins, sur lesquels étaient assis ou couchés, comme des rois, d’abord les pères et les mères des fiancés, les frères et les sœurs des deux familles, puis les petits enfants sur les genoux des jeunes mères, puis les vieilles femmes aux cheveux d’argent qui branlaient la tête en souriant aux petits garçons et aux petites filles ; tout ce monde se penchait avec un air de curiosité et de bonté vers moi pour voir si l’éventail de la belle fiancée et les gouttes de rosolio de son sposo me rendraient l’haleine dans la bouche et la couleur aux joues. […] — Je vous le disais bien, reprit-elle, en se retournant avec un air de contentement vers son fiancé et vers ses vieux et jeunes parents qui regardaient tout émus du haut du char. […] Ces autres hommes, jeunes et vieux, et ces femmes qui tiennent des fiasques à la main ou qui jouent au jeu de la morra sur le matelas, sont les parents et les parentes du village de Buon Visi : les oncles, les tantes, les cousins, les cousines de nous autres ; ils viennent avec nous pour nous faire cortège ou pour se réjouir, tout le jour et toute la nuit, avec nous passer le jour de la noce à Lucques chez le bargello (le geôlier, officier de police dans les anciennes villes d’Italie) ; car, voyez-vous, cette belle fiancée, la sposa de mon frère, ce n’est ni plus ni moins que la fille unique du bargello de Lucques. […] Elles filent d’elles-mêmes, pourvu que les jeunes filles et les vieilles femmes leur apportent, quatre fois par jour, les feuilles de mûrier dans leur tablier, et qu’on leur change souvent la nappe verte sur la table, comme à des ouvriers délicats qui préfèrent la propreté à la nourriture. […] Je frissonnai, je pâlis, je chancelai sur mes jambes, comprenant bien qu’il s’agissait de Hyeronimo ; mais, comme je marchais derrière le bargello, il ne s’aperçut pas de mon trouble et il poursuivit : CLXXX Un des hommes est un vieillard de Lucques qui n’avait qu’un fils unique, soutien et consolation de ses vieux jours ; la loi dit que quand un père est infirme ou qu’il a un membre de moins, le podestat doit exempter son fils du recrutement militaire ; les médecins disaient au podestat que ce vieillard, quoique âgé, était sain et valide, et qu’il pouvait parfaitement gagner sa vie par son travail.

822. (1867) Cours familier de littérature. XXIII « cxxxive Entretien. Réminiscence littéraire. Œuvres de Clotilde de Surville »

Souvenez-vous des hautes et vastes collines, du vieux manoir à tourelles démantelées, jetant son ombre aux pieds des forêts sur les prés de la pente, du ruisseau qui coulait à voix basse sous la rangée de saules, dans le vallon auprès du château, des troupeaux de moutons sous la conduite du vieux berger qui montaient après que l’humidité malsaine était évaporée sur la colline élevée ; souvenez-vous des attelages luisants de bœufs qui descendaient pour labourer la glèbe dans les terres qui dominaient les prairies fumantes du paysage. […] Le domaine paternel, détaché des immenses domaines de mon grand-père, n’était pas considérable par son étendue, mais nous possédions en réalité tout le pays circonvoisin et toutes les familles rurales par la vieille affection qu’on portait au nom de mon père, aux vertus de ma mère, aux grâces naissantes de mes sœurs. […] Tout ce que je trouvais sous la main dans la petite bibliothèque très-expurgée et très-dépouillée de la chambre haute où les vieux livres de la maison gisaient épars sur les rayons. […] Tout ce que l’émigré nous racontait de la vie de Clotilde dans sa terre de l’Ardèche, et des malheurs de son petit-fils M. de Surville, découvrait ces chefs-d’œuvre inconnus d’une existence de son vieux château, de son long exil sur la terre étrangère, et de sa mort héroïque couronnant une si noble existence, toute cette vie de son aïeule dans ce pays reculé, sauvage, alpestre, au milieu des rochers, des torrents et d’une population d’habitants dont elle était la sœur et la mère, enfin toute cette poésie si longtemps ensevelie avec elle dans cet oubli, et ne ressortant que sous la pieuse et chevaleresque curiosité d’un arrière-petit-fils, nous faisaient rêver à tous des destinées semblables.

823. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série «  Leconte de Lisle  »

Quand on sait ou qu’on devine beaucoup, qu’on est d’une vieille race fatiguée et sans naïveté, il peut arriver qu’on en souffre, et ce malaise redouble l’ardeur de connaître et de sentir ; il nous fait chercher l’oubli dans la curiosité croissante ou dans une sorte de sensualisme esthétique. […] Il est bien jeune et bien naïf, le vieux Kaïn, et trop dupe de son bon cœur. […] Et dans ton ciel mystique Tu rentreras, vêtu du suaire ascétique, Laissant l’homme futur, indifférent et vieux, Se coucher et dormir en blasphémant les dieux4. […] Le vieux barde de Temrah se tue sous les yeux du beau jeune homme inspiré qui, tour à tour, lui parle divinement du Christ et le menace sauvagement de l’enfer14; et les prêtres et les vierges se laissent massacrer en chantant par le chef chrétien Murdoch, un farouche apôtre15. […] Or, l’union de ces deux sentiments semble devoir être, dans l’art, le produit extrême d’une civilisation très vieille et très savante, comme est la nôtre.

824. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre IX. Le trottoir du Boul’ Mich’ »

Les vieilles filles poitrinaires ont le droit de faire des vers lamartiniens que nous restons libres de ne point lire. Il est toutefois excessif d’élever un monument à une vieille prude parce qu’elle se crut idéaliste et qu’elle fit des vers lamartiniens. […] Faguet est vulgaire d’imprécision, sa syntaxe est une vulgarité lourde : « Le gouvernement, quand il voudra, les fera voter comme il voudra, comme il fait juger ses juges comme il veut qu’ils jugent. » — « Nous retombons dans cette considération de majorité et de minorité que nous avons vu qui, de l’avis même de Montesquieu, ne doit pas intervenir dans les questions de choses spirituelles. » La première de ces deux phrases est négligée, comme presque toutes les phrases de Faguet ; on y entend traîner de vieilles pantoufles misée en savates. […] Mais l’académie des Vandal et des Costa de Beauregard a suffisamment oublié le français pour serrer Faguet sur son vieux sein. […] Louis Arnould, professeur à l’Université de Poitiers, essaie de faire revivre ce vieux mort.

825. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — Chapitre X »

. — Suzanne entre les deux vieillards— du moins en voyons-nous un derrière elle, M. le marquis de Thonnerins, un vieux gentilhomme dont elle a été la maîtresse, et qui lui a donné cent mille écus de gages en la congédiant. […] Il y a du vieux garçon dans ce jeune homme qui se blottit, de si bonne heure, dans la coquille du petit rentier. […] Cependant, sur les instances de René, la comtesse vient de renvoyer le Scapin d’ancien répertoire qui lui servait d’intendant, et de prendre à sa place M. de Roncourt, un vieux gentilhomme ruiné par l’héritage de son frère, — cent mille écus de dettes qu’il a héroïquement endossés. Mais, en se ruinant, M. de Roncourt a sacrifié sa fille Élisa, une jeune fille qui sera bientôt une vieille fille. […] Les accusations arrivent trop tard, elles semblent fabriquées pour le besoin de la cause ; des actions véreuses, des pêches en eau trouble, d’anciens trous faits à de vieilles lunes ne suffisent pas pour rendre subitement odieux un caractère qui, jusque-là, n’avait pas semblé déplaisant. « Vous m’ennuyez à la fin ! 

826. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Notes et éclaircissements. [Œuvres complètes, tome XIII] »

      Dès qu’à la tribune sacrée,       De ses vieux défauts épurée, Il monte étincelant de génie et d’ardeur ; Des grands talents soudain la palme ceint sa tête,       Et l’art dont il fait sa conquête       Luit d’une plus vive splendeur. […]       Quel précoce amant de la gloire,       Dans ses yeux portant la victoire, Rompt tes vieux bataillons jusqu’alors si vaillants ? […] Grâce à lui, le blasphème, et piquant et frivole, Circulait embelli des traits de la gaîté ; Au bon sens il ôta sa vieille autorité, Repoussa l’examen, fit rougir du scrupule, Et mit au premier rang le titre d’incrédule. […] qui n’a parcouru, d’un pas mélancolique, Le dôme abandonné, la vieille basilique, Où devant l’Éternel s’inclinoient ses aïeux ? […] Écoutez le récit des crédules hameaux : Un fantôme, à minuit, dans la vieille chapelle, Par d’affreux tintements a troublé leur repos, Et chaque nuit amène une terreur nouvelle.

827. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « Ernest Feydeau » pp. 106-143

Mais, s’il est immérité, par hasard, et qu’un second, plus vrai, plus justifié, n’en vienne pas couvrir la chance menteuse, on fait pis que de tomber, on sombre… Le Public, désabusé, de taupe devenu lynx, et furieux d’avoir été taupe, prend une revanche cruelle, et on paie en même temps pour la réalité nouvelle et pour la vieille illusion. […] Il n’y avait dans l’auteur de Fanny rien du tout… qu’un écrivain qui cherchait, n’importe où, le sujet d’un livre, et qui, ennuyé et dégoûté (avec juste raison) de cette éternelle tombola littéraire où l’adultère gagnait toujours, s’était dit : « Mais si je renversais la thèse pour faire du neuf… » et qui l’a renversée, qui a tout simplement retourné ce vieux gant sali… Daniel nous apprend aujourd’hui que dans l’auteur de Fanny il n’y avait pas davantage. […] Le Manfred bourgeois croisé de Werther, qu’il a appelé Daniel, ne sera pas la floraison et l’épanouissement d’une branche de plus sur cette vieille souche de types connus et coupables, et qu’il faut à présent couper au ras de terre pour tout le mal qu’elle nous a fait. […] En d’autres termes, c’est cette vieille et éternelle histoire, toujours vulgaire et toujours nouvelle, d’une femme séduite, enlevée et trahie par un homme, et que le romancier le moins éloquent, le moins pathétique et le moins habile, pourra toujours recommencer avec une inépuisable chance de succès, tout le temps que les hommes seront ce qu’ils sont, à si peu d’exceptions près, — de vrais jeunes gens jusqu’à la tombe. […] Il est impossible, en effet, que des rhétoriciens, si forts sur la division des vieux genres, ne sachent pas que le mélodrame est un drame où les entrées des personnages se font au son de la musique, ce qui n’arrive pas une seule fois (nous en donnons notre parole d’honneur !)

828. (1924) Intérieurs : Baudelaire, Fromentin, Amiel

On ne saurait comprendre la belle pièce des Petites Vieilles si on n’y voit précisément quelque Feuille d’automne transposée entièrement, toutes les proportions et toutes les notes étant conservées, en un paysage urbain, où de l’humanité tombe en débris, avec le vieux rythme selon lequel, dans les vers des poètes, tombent les feuilles des arbres. […] que j’en ai suivi, de ces petites vieilles ! […] Elle correspond à un raffinement — appelez-le maladif si vous voulez — de civilisation dans un vieux pays. […] Son père et sa mère ont le tort d’être vieux, d’avoir des idées de vieillards. […] Il passe tristement le temps de la guerre à Saint-Maurice, auprès d’une femme neurasthénique et d’une vieille mère malade.

829. (1889) La littérature de Tout à l’heure pp. -383

Mais il est jeune et elle est vieille ; elle chevrote et radote : il parle. […] Voilà, quant au fond. — Quant à la forme, il remua la vieille langue et lui donna les allures de la vie. […] Car il faut être vieux pour s’intéresser exclusivement à sa sensation, pour l’observer et l’analyser, pour la suivre dans ses causes, ses accidents et ses effets. — L’homme moderne se fit vieux par réaction. […] Il y a de vieilles définitions, polies et usées par la citation et qu’on a un peu honte de rééditer. […] Les jeunes Naturalistes — ils sont déjà bien vieux ! 

830. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre I. Les origines. — Chapitre II. Les Normands. » pp. 72-164

Nulle splendeur, nulle couleur dans son récit : son style est tout à fait nu, jamais de figures ; on peut lire dix mille vers de ces vieux poëmes sans en rencontrer une. […] Ils s’y attachent comme nos vieux érudits aux vers latins ; ils se francisent comme ceux-ci se latinisaient, de force, et avec une sorte de crainte, sachant bien qu’ils ne sont que des écoliers et des provinciaux. […] Est-ce que la vieille souche sur laquelle sont venues se greffer les brillantes fleurs continentales n’a produit aucune pousse littéraire qui lui soit propre ? […] C’est que cette vieille poésie populaire n’est pas l’éloge d’un bandit isole, mais de toute une classe, la yeomanry. « Dieu fasse miséricorde à l’âme de Robin Hood,  — et sauve tous les bons yeomen !  […] On sait que l’original où Wace a puisé pour sa vieille Histoire d’Angleterre est la compilation latine de Geoffroy de Monmouth.

831. (1848) Études critiques (1844-1848) pp. 8-146

Machiavel serait inexplicable pour eux, Bossuet serait trop beau, Tacite est trop vieux. […] En somme il n’est pas assez sûr des antécédents de ces vieux monarques. […] C’est le vieux Rhin allemand qui déplore sa mauvaise destinée. […] Heine, le bon vieux fleuve, plus sensé que l’intrépide Prussien, M.  […] Ils ont perdu des tours, des églises, la vieille bourse ; mais ils ont sauvé la banque et les gros livres.

832. (1894) Dégénérescence. Fin de siècle, le mysticisme. L’égotisme, le réalisme, le vingtième siècle

Les vieux la voient venir avec angoisse, car ils craignent de ne pas être témoins de sa fin. […] Entre les fenêtres se hérissent des trophées d’épées, poignards, masses d’armes et vieux pistolets à rouet. […] La vieille scolastique voulait faire de la philosophie la « servante de la théologie ». […] Puis l’infâme… Si la vieille folie était encore en route ? […] Ils organisèrent en l’honneur de Moréas un banquet où, au dessert, on l’adora comme le libérateur qui brisait les vieilles formes et les vieilles idées, comme le Sauveur qui amenait le royaume de Dieu de la vraie poésie.

833. (1826) Mélanges littéraires pp. 1-457

C’était un reste des vieilles opinions, qui tenaient le commerce à déshonneur. […] Pénétrez dans ces forêts américaines aussi vieilles que le monde, etc., etc. […] C’est agir comme le vieux Caton, et parler comme le vieux Corneille. […] Ma vieille expérience lui en marquera les écueils ; et, en bon frère d’armes, je me réjouirai de ses succès. […] Car, entre nous, je le soupçonne de se connaître en littérature un peu mieux qu’il ne convient à un chevalier du vieux temps.

834. (1905) Études et portraits. Portraits d’écrivains‌ et notes d’esthétique‌. Tome I.

N’est-ce pas une stance, carrée et massive, dans la forme du vieux Malherbe, que ce début de la Besace ?‌ […] Sa famille était de vieille noblesse italienne. […] Je mis un bonnet rouge au vieux dictionnaire. […] Toutes périphrases au fond desquelles se retrouve la vieille conception utilitaire. […] Il est lui-même spirituel et ironique, ou, pour employer la vieille formule toujours vraie, il est blagueur.

835. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre IV. L’âge moderne. — Conclusion. Le passé et le présent. » pp. 424-475

Ils mangent et boivent, bâtissent et défrichent, surtout pullulent : les peuplades éparses qui ont passé la mer sur des bateaux de cuir deviennent une forte nation compacte, trois cent mille familles, riche, pourvue de bétail, largement épanouie dans l’abondance de la vie corporelle, à demi assise dans la sécurité de la vie sociale, avec un roi, des assemblées respectées et fréquentes, avec de bonnes coutumes judiciaires ; chez elle, parmi les fougues et les violences du tempérament barbare, la vieille fidélité germanique maintient les hommes en société, pendant que la vieille indépendance germanique maintient l’homme debout. […] Il gronde et beugle éternellement, le vieux monstre rauque, et le train aboyant de ses vagues avance comme une armée infinie devant laquelle toute force humaine doit plier. […] Les vieilles forêts antédiluviennes, en accumulant ici les aliments du feu, y ont emmagasiné la puissance qui remue la matière, et la mer fournit le vrai chemin sur lequel la matière peut être transportée. […] D’ailleurs toutes les personnes convenables sont aux offices ; les bancs regorgent ; et ce ne sont pas les servantes, comme chez nous, les vieilles femmes, quelques rentiers assoupis, une volée de dames élégantes qui sont là ; ce sont des gens bien vêtus, ou du moins proprement habillés, et autant de gentlemen que de femmes. […] Ainsi parlent les vieilles et graves prières, les chants sévères qui roulent dans le temple, soutenus par l’orgue.

836. (1860) Cours familier de littérature. IX « Le entretien. Les salons littéraires. Souvenirs de madame Récamier (2e partie) » pp. 81-159

Ce vieux et soldatesque maréchal, aussi timide devant les Girondins qu’il était brave devant les escadrons ennemis, balbutia des excuses qui étaient des accusations contre son collègue Lafayette : les soldats n’ont pas toujours le courage des citoyens quand ils n’ont pas des baïonnettes derrière eux ; Luckner indigna les hommes de cœur par ses lâchetés de tribune. […] Si j’avais prévu alors les iniquités et les outrages dont cet enfant devenu homme et son parti devenu vieux reconnaîtraient (sauf de rares amis) cette fidélité et ce dévouement au droit et au malheur de sa race, j’aurais dû peut-être m’en venger d’avance en acceptant les faveurs et le pouvoir des mains de leurs ennemis ! […] Elle revit en pensée ce compagnon des premières années de sa vie, dont l’indulgence, si elle ne lui avait pas donné le bonheur, avait toujours respecté ses sentiments et sa liberté ; elle le revit vieux, dépouillé de la grande fortune dont il avait pris plaisir à la faire jouir, et l’idée de l’abandon d’un homme malheureux lui parut impossible. […] « Le prince Auguste retrouvait son pays occupé par l’armée française ; son père, le prince Ferdinand, vieux et malade, plus accablé encore par la douleur que lui causaient la perte de son fils Louis et la situation de la Prusse que par le poids des années. […] Je ne sais si je suis trop vieux ou trop jeune ; mais enfin je ne suis plus ce que j’étais, et vivre dans un coin tranquille auprès de vous est maintenant le seul souhait de ma vie. » Ce coin tranquille, c’étaient le ministère et la tribune !

837. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Introduction, où l’on traite principalement des sources de cette histoire. »

Je raconterais encore plus sommairement les persécutions du commencement du IVe siècle, dernier effort de l’empire pour revenir à ses vieux principes, lesquels déniaient à l’association religieuse toute place dans l’État. […] Ce n’est pas dans la vieille littérature prophétique qu’il faut classer ce livre, mais bien en tête de la littérature apocalyptique, comme premier modèle d’un genre de composition où devaient prendre place après lui les divers poèmes sibyllins, le Livre d’Hénoch, l’Apocalypse de Jean, l’Ascension d’Isaïe, le quatrième livre d’Esdras. […] Les formules « selon Matthieu », « selon Marc », « selon Luc », « selon Jean », n’impliquent pas que, dans la plus vieille opinion, ces récits eussent été écrits d’un bout à l’autre par Matthieu, par Marc, par Luc, par Jean 15 ; elles signifient seulement que c’étaient là les traditions provenant de chacun de ces apôtres et se couvrant de leur autorité. […] Supposons qu’il y a dix ou douze ans, trois ou quatre vieux soldats de l’empire se fussent mis chacun de leur côté à écrire la vie de Napoléon avec leurs souvenirs. […] Aucun des miracles dont les vieilles histoires sont remplies ne s’est passé dans des conditions scientifiques.

838. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 14 mars 1885. »

Le Vaisseau-Fantôme est la vieille histoire de ce Juif errant de la mer qui fatiguera sans fin les flots épouvantés tant qu’il n’aura point rencontré l’amour d’une femme fidèle jusqu’à la mort. […] Toutes les finesses patientes du vieux génie gothique y sont rassemblées, mais transformées et rajeunies par le génie moderne. […] Le vieux poète en aime la nouveauté et il convie le chanteur à poursuivre. […] L’art nouveau qui s’est révélé au vieux poète ne sera pas étouffé ! […] Walter rayonne d’inspiration ; Éva passe de la crainte à l’ivresse ; le greffier affiche toujours davantage sa sottise infatuée ; Sachs voile de sa bonne humeur saine les émotions de son vieux cœur.

839. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Geoffroy de Villehardouin. — II. (Fin.) » pp. 398-412

Villehardouin décrit peu ; le genre descriptif n’était point inventé alors parmi nous, et le vieux croisé est le contraire de cette brillante et habile jeunesse née de Chateaubriand, qui en sait dire encore plus long qu’elle n’en pense sur tout sujetp : lui, il en dit encore moins qu’il ne sent. […] C’est d’une expression qui sent d’autant mieux son Homère que le vieux chroniqueur ne s’en doute pasq. […] C’est d’une expression qui sent d’autant mieux Homère que le vieux chroniqueur ne s’en doute pas.

840. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Mémoires et journal de l’abbé Le Dieu sur la vie et les ouvrages de Bossuet, publiés pour la première fois par M. l’abbé Guettée. — II » pp. 263-279

En un mot, jeunes et en entrant dans la vie, on prend surtout les grands écrivains, orateurs ou poètes régnants, avec enthousiasme, par leurs qualités : vieux, on prend surtout les survenants et successeurs par leurs défauts. […] On aime, vieux, ce qu’on aimait enfant ; on y revient et l’on s’y reprend d’une plus vive étreinte39. […] Aujourd’hui qu’on est entré jour par jour pendant quatre années dans l’intérieur de Bossuet vieux, malade, laborieux toujours, mais défaillant par degrés et mourant, on sait à quoi s’en tenir, comme si l’on avait été soi-même un témoin oculaire lisant dans cette belle et bonne conscience à toute heure.

841. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Souvenirs d’un diplomate. La Pologne (1811-1813), par le baron Bignon. (Suite et fin.) »

Il put rêver à cette heure un grand rôle, et il espéra, un moment, pouvoir prendre sur le vieux et digne monarque un ascendant qui ne fut accordé à personne, et que déjouait une force d’inertie et de routine, la plus sourde de toutes. […] L’Empereur estima « qu’une Adresse faite à Posen par un vieux Polonais, écrite en mauvais style, mais en style évidemment polonais, aurait été meilleure. » M. de Bassano le manda en propres termes, et sous sa dictée, à l’abbé de Pradt. […] Singulier mélange, en effet, que cet abbé de Pradt, instruit de tant de choses et qui croyait s’entendre à toutes ; homme d’Église qui l’était si peu, qui savait à fond la théologie, et qui avait à apprendre son catéchisme ; publiciste fécond, fertile en idées, en vues politiques d’avenir, ayant par moments des airs de prophète ; écrivain né des circonstances, romantique et pittoresque s’il en fut ; le roi des brochuriers, toujours le nez au vent, à l’affût de l’à-propos dans les deux mondes, le premier à fulminer contre tout congrès de la vieille Europe ou à préconiser les jeunes républiques à la Bolivar ; alliant bien des feux follets à de vraies lumières ; d’un talent qui n’allait jamais jusqu’au livre, mais qui avait partout des pages ; habile à rendre le jeu des scènes dans les tragi-comédies historiques où il avait assisté, à reproduire l’accent et la physionomie des acteurs, les entretiens rapides, originaux, à saisir au vol les paroles animées sans les amortir, à en trouver lui-même, à créer des alliances de mots qui couraient désormais le monde et qui ne se perdaient plus ; et avec cela oublieux, inconséquent, disparate, et semblant par moments sans mémoire ; sans tact certainement et sans goût ; orateur de salon, jaseur infatigable, abusant de sa verve jusqu’à l’ennui ; s’emparant des gens et ne les lâchant plus, les endoctrinant sur ce qu’ils savaient le mieux ; homme à entreprendre Ouvrard sur les finances, Jomini sur la stratégie, tenant tout un soir, chez Mme de Staël, le duc de Wellington sur la tactique militaire et la lui enseignant ; dérogeant à tout instant à sa dignité, à son caractère ecclésiastique, avec lequel la plupart de ses défauts ou, si l’on aime mieux, de ses qualités se trouvaient dans un désaccord criant ; un vrai Mirabeau-Scapin, pour parler comme lui, un archevêque Turpin et Turlupin.

842. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. BRIZEUX (Les Ternaires, livre lyrique.) » pp. 256-275

Il s’est supposé plus vieux qu’il ne l’est, revenu à son point de départ après l’âge des excursions, mais revenu avec l’expérience acquise. […] Par moments sa Bretagne lointaine lui échappait, la courtoisie florentine l’avait conquis, il allait oublier son Ithaque ; mais tout d’un coup un costume, un son d’instrument, un écho, venait réveiller son vieux culte et croiser ses amours. […] La pièce du Vieux Collège nous raconte un touchant retour en quelque ville de Flandre (Arras ou Douai), où le poëte fut élevé, et qu’il n’avait pas revue depuis longtemps.

843. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « GLANES, PÖESIES PAR MADEMOISELLE LOUISE BERTIN. » pp. 307-327

Bertin père, sage et arbitre, intelligent et affectueux, gardait le ton du vieux et vrai bon sens, sans pourtant dire non aux nouveautés, sans s’étonner des accents qui montent. […] » Mais c’est surtout la comparaison suivante qui, pour l’idée du moins et le jet, me semble ressaisir à merveille la grâce homérique : Parfois, quand un ruisseau, courant dans la prairie, Sépare encor d’un champ, où croît l’herbe fleurie, Un troupeau voyageur aux appétits gloutons, Laissant se consulter entre eux les vieux moutons, On voit, pour le franchir, quelque agneau moins timide Choisir en hésitant un caillou qui le ride, S’avancer, reculer, revenir en tremblant, Poser un de ses pieds sur ce pont chancelant, Et s’effrayer d’abord si cette onde bouillonne En frôlant au passage une fleur qui frissonne, Si le buisson au vent dispute un fruit vermeil, Ou si le flot s’empourpre aux adieux du soleil, Puis reprendre courage et gagner l’autre rive ; Alors tout le troupeau sur ses traces arrive ; Dans le gras pâturage il aborde vainqueur, Il s’y roule en bêlant dans les herbes en fleur, Tandis que seul au bord le berger le rappelle, Et trop tard sur ses pas lance son chien fidèle. […] N’est-il pas temps en effet que nos vieux adversaires, bon gré mal gré, le reconnaissent ?

844. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Léonard »

C’est un âge en tout assez fâcheux pour le poëte entré dans la postérité (s’il n’est pas décidément du petit nombre des seuls grands et des immortels) que de devenir assez ancien déjà pour être hors de mode et paraître suranné d’élégance, et de n’être pas assez vieux toutefois pour qu’on l’aille rechercher à titre de curiosité antique ou de rareté refleurie. […] Mais s’il s’agit de ces ouragans que rien n’égale, pourquoi ne pas laisser le vieux Typhon sous son Etna ? […] c’est le refrain de romance qu’il emprunte au vieux Bertaut et qu’il approprie à sa peine.

845. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre VIII. Les écrivains qu’on ne comprend pas » pp. 90-110

Un optimiste me répond : Vous êtes dupe d’une illusion, et d’une illusion vieille comme Horace. […] Je riposte : C’est l’optimiste qui est dupe d’un mirage, et d’un mirage bien plus vieux qu’Horace, en décidant toujours de l’avenir par comparaison de l’autrefois. […] Mon vieux maître de rhétorique Eugène Réaume, l’éditeur d’Agrippa d’Aubigné, disait en ses matins de découragement : « Messieurs, il serait temps qu’on organisât une classe de Lettres spéciales — comme on fait pour les jeunes gens aptes aux études scientifiques, — un cours aussi fermé et aussi sérieux que les Mathématiques spéciales. » Les décadences générales coïncident toujours avec quelques exceptions de culture intensive.

846. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « Le symbolisme ésotérique » pp. 91-110

Issu d’une vieille famille noble, d’origine germanique, introduite en Italie à la suite de Charlemagne et devenue française à l’époque du premier empire, il portait en lui une longue hérédité d’agitations, de fièvres, de rêves éthérés et de sang lourd. […] La librairie Chacornac réédite les textes anciens, publie des traductions françaises des vieux traités d’alchimie, remet en circulation les œuvres de Paracelse, d’Albert le Grand, de Roger Bacon, de Raymond Lulle, d’Arnauld de Villeneuve. […] Il sue et pâlit sur les vieux grimoires, les parchemins noircis, les in-folios poussiéreux, mêlés de signes cryptographiques et de pentacles.

847. (1886) Quelques écrivains français. Flaubert, Zola, Hugo, Goncourt, Huysmans, etc. « Les romans de M. Edm. de Goncourt » pp. 158-183

Il sait goûter la malice d’une vieille pantomime italienne et en inventer de poétiques pour ses clowns, rendre la douceur de gestes et de caractère d’un soldat, ancien berger, la grâce native d’une actrice naturellement fine, s’arrêter aux idylliques visions enfantines qui fleurissent la folie d’une vieille idiote. […] Une nuit à Venise est bien une fantaisie à la manière des Reisebilder, et le Ratelier aussi, sans doute avec cet alliage de minutie et de vision scrupuleuse qui marque dans la Maison d’un vieux juge les romanciers de Germinie Lacerteur.

848. (1879) À propos de « l’Assommoir »

A gauche de la cheminée, un contador ; à droite une vieille armoire bretonne. […] Il fut un temps où le vieux Juvénal, pour stigmatiser le vice débordé qui submergeait le monde, pressait d’une main puissante les plaies qui saignaient dans Rome. […] Elle obtenait de la compassion d’un boucher et d’un marchand de vins, quelques morceaux de vieilles viandes et vivait ainsi. […] tu l’as bien mérité. » Ce dernier tableau est désespérant et nous rejette dans les plus vieux mélodrames. […] Pour retrouver l’origine de ce mouvement, vieux comme le monde, il faudrait remonter bien loin dans le passé.

849. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre cinquième. Le réalisme. — Le trivialisme et les moyens d’y échapper. »

Une pique du temps des Gaulois ne nous rappelle que la grande idée qui a fait l’arme, quelle qu’elle soit, — l’idée de défense et de force ; la pique, c’est le Gaulois défendant ses foyers et la vieille terre gauloise. Une arquebuse du temps des croisades n’éveille en nous que les images fantastiques du lointain des temps, des vieilles luttes entre les races du nord et du midi. […] Entre tous les poètes, l’auteur d’Ibo et de Plein ciel est celui qui se rapproche le plus des vieux poètes hébreux, des Isaïe et des Ezéchiel. […] Zola, le vieux secrétaire de la maison (dans la Joie de vivre) est peint de telle sorte que ce meuble a une vie à lui, il est quelqu’un, il est l’âme même de la vieille maison. […] Bientôt elle répandit dans les bois ce grand secret de mélancolie, qu’elle aime à raconter aux vieux chênes et aux rivages antiques des mers » (Atala).

850. (1902) Les poètes et leur poète. L’Ermitage pp. 81-146

… Le vieux Père a tout fait avec la plus absolue maîtrise, jusqu’à du plus pur symbolisme (voir l’Homme qui rit). […] De Vigny, la harpe solennelle des vieux temps hébraïques. […] Catulle Mendès qui, fidèle à sa vieille politique, acclame les poètes morts pour mieux étouffer les vivants. […] Avec des vermillons, des azurs et des ocres, Tu savais illustrer des pensers médiocres Et prêter au vieux Faust des yeux méditatifs. […] la croix de ton père est là qui te regarde, La croix du vieux soldat mort dans la vieille garde… (Regard jeté dans une mansarde).

851. (1898) Ceux qu’on lit : 1896 pp. 3-361

Est-il vraiment bien possible qu’il ait, lui aussi, étranglé, assommé, massacré des vieilles femmes et des enfants ? […] demande la vieille. […] C’est la description de certains coins du vieux Paris qui commence le livre et que M.  […] Il a regardé les vieilles maisons, les souvenirs s’en sont dégagés et il a écrit. […] Le jeune homme est appelé au parloir par sa vieille tante qui n’a pu s’empêcher de venir du fond de sa province pour l’embrasser.

852. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « M. Denne-Baron. » pp. 380-388

Souvent sur les hauteurs du Cynthe ou d’Érimanthe, Sous les abris voûtés d’une source écumante,         Il lutine Diane au bain… ………………………………………… Parfois aux antres creux, palais bizarre et sombre De la sauvage Écho, du Sommeil et de l’Ombre,         Du Lion il fuit les ardeurs ; Parfois dans un vieux chêne, aux forêts de Cybèle, Dans le calme des nuits il berce Philomèle,         Son nid, ses chants et ses malheurs. Je laisse la fable agréable, mais un peu moins parfaite de l’amour de Flore pour Zéphyre ; le tout se termine par un vœu : Puisses-tu, beau Zéphyre, auprès de ton poète, Pour seul prix de mes vers, au fond de ma retraite,         Caresser un jour mes vieux ans !

853. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « La poésie »

Paul Albert n’a eu pour cela qu’à substituer la méthode vivante et historique aux formules et aux définitions de la vieille rhétorique qui, chassée déjà de partout ailleurs, s’était comme réfugiée dans les pensionnats et institutions de jeunes personnes. […] Paul Albert est une date ; c’est le premier d’une série, le premier jalon d’une route, d’une œuvre collective nouvelle que je définirai ainsi : la vulgarisation élégante et élevée des notions acquises par la critique littéraire la plus saine et la plus avancée ; le renversement ou plutôt l’annulation des vieilles rhétoriques ; une méthode vivante et naturelle substituée aux formules didactiques, — je dis une méthode et non pas de simples séances d’Athénée agréables et décousues, mais tout un mode d’enseignement suivi, et cela à l’usage spécial d’un sexe qu’on avait trop accoutumé jusqu’ici au décousu et à l’amusant.

854. (1894) Notules. Joies grises pp. 173-184

Je prends un exemple chez un poète où l’art de la musique du verbe est poussée jusqu’à la magie, Stuart Merrill : La vieille volupté de rêver à la mort À l’entour de la mare endort l’âme des choses. […] Et maintenant peut-être quelque vieux classique murmurera-t-il, ayant lu ces notules et ce livre : Qu’on nous rende Corneille !

855. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Michel Van Loo » pp. 66-70

Son toupet gris avec sa mignardise lui donne l’air d’une vieille coquette qui fait encore l’aimable, la position, d’un secrétaire d’état et non d’un philosophe. […] Mais que diront mes petits-enfants, lorsqu’ils viendront à comparer mes tristes ouvrages avec ce riant, mignon, efféminé, vieux coquet-là ?

856. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Histoire des ducs de Normandie avant la conquête de l’Angleterre »

Nous avons, sur le simple titre de l’ouvrage, ressenti une forte et involontaire sympathie pour un homme qui, par ce temps de civilisation économique, écrit un livre sur les vieux iarls scandinaves, les pères oubliés des éleveurs de la vallée d’Auge et des herbagers du Cotentin. […] Posée entre deux dates sublimes, elle s’ouvre aux pleurs prophétiques du vieux Charlemagne devant les premières barques d’osier poussées contre le pied de son palais par le vent des fiords de la Norvège, et elle se ferme à l’épée tirée du Bâtard, qui va devenir le sceptre du conquérant de l’Angleterre !

857. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Taine »

On appelle communément les bavards des langues bien pendues, c’est-à-dire qui remuent beaucoup et vite ; mais ici, c’est une langue mal pendue, car elle se remue aussi lourdement que la vieille machine de Marly. […] Laissons à l’abbé de Condillac ses vieux fonds de culotte.

858. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre III. La critique et l’histoire. Macaulay. »

Le mépris et la pitié étaient la seule vengeance que le parlement aurait dû prendre d’un si ridicule vieux bigot1374. […] Les vieux murs gris étaient tendus d’écarlate ; les longues galeries étaient couvertes d’un auditoire tel qu’il s’en trouva rarement de semblable pour exciter les craintes ou l’émulation des orateurs. […] Lindsay eut son logis plus près de la demeure du vieux chef. […] Le vieux Mac-Ian, qui avait été fort inquiet, ne sachant s’il était considéré comme sujet ou comme rebelle, paraît avoir vu cette visite avec plaisir. […] Glenlyon paraissait chaudement attaché à la nièce du vieux chef et à son mari Alexandre.

859. (1911) Visages d’hier et d’aujourd’hui

La vieille Nanette, hélas ! […] Son père, sabotier là-bas, eut l’aspect du vieux paysan voûté sur l’ouvrage. […] Il fallut que mourût le vieux sabotier. […] Beaucoup de vieux principes ont reçu le dédaigneux surnom de préjugés : ils tombent en désuétude. […] Seulement, les heures qu’il empruntait à l’étude des vieux livres, il les donnait à la cathédrale.

860. (1914) Note conjointe sur M. Descartes et la philosophie cartésienne pp. 59-331

La vieille irréversibilité fonctionne toujours. […] Il est tant de maîtresses, dit le vieux don Diègue. […] Je suis un vieux soldat de deuxième classe. […] Je suis vieux. […] Le vieux mystère où l’homme est toujours ramené.

861. (1926) La poésie de Stéphane Mallarmé. Étude littéraire

Comme Boileau et Voltaire il appartenait à une bonne et quelque peu vieille famille de bourgeoisie parisienne, de fonctionnaires. […] Dans l’Hommage à Wagner, l’allusion rend sensible la présence de la poussière en plis sur le vieux mobilier musical. […] Avez-vous reconnu en cette baraque le « vieux mobilier » de l’Hommage à Wagner, la poésie surannée ? […] La transformation presque parallèle du vieux docteur Faust, du don Juan espagnol et moliéresque, du Juif-Errant des légendes, en symboles de l’humanité est caractéristique. […] Pour lui, ce n’étaient point les vieux Livres qui le hantaient, mais le Livre.

862. (1911) Nos directions

Harmonieusement groupées, les fileuses, jeunes et vieilles, craignaient et déploraient la guerre. […] Et les voisins, en chœur parlé, trouvaille entre toutes heureuse, soutenaient de leur rude avis le vieux fermier : « Tiens bon, Sans-Quartier ! […] Mais Phocas ne peut pas échapper à sa destinée, à la destinée que lui a faite son vieux père ; il n’a pas la force de vivre pour soi. […] Il sait bien qu’il ne peut la remplir d’un seul flot, comme faisait le vieux tragique. […] Tel se cramponne à la vieille métrique comme l’ivrogne au réverbère, qu’il essaie de quitter mais rattrape aussitôt.

863. (1862) Notices des œuvres de Shakespeare

Ou nous sommes bien trompés, ou tous les traits que nous avons cités de ce prologue du vieux drame anglais sont autant de traces du Hamlet de Shakespeare, et contribuent à lui assigner pour date l’année 1589. […] Schlegel, qu’on ne s’aperçoive pas de toute la sottise qu’il donne aux plébéiens dans celle pièce, et il l’a fait encore ressortir par le rôle satirique et original du vieux Ménénius. […] Le vieux roi de Pylos ne paraît que pour nous montrer sa barbe blanche et recevoir les compliments d’Ulysse. […] Rien ne pourrait mieux faire comprendre que ce vieux drame la merveilleuse transformation qu’opéra Shakspeare dans les représentations théâtrales du siècle d’Élisabeth. […] Sous le titre de : l’Histoire tragique de Roméo et Juliette, contenant un exemple rare de vraie fidélité, avec les subtiles inventions et pratiques d’un vieux moine, et leur fâcheuse issue.

864. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — Chapitre I. La Restauration. »

Il s’introduit déguisé en vieille chez un bonhomme avare, lui prend sa femme, qu’il passe à Buckingham. […] —  Un vieux carrosse repeint. —  Sa fille ? […] » Quand la nourrice annonce l’arrivée du futur, elle saute de joie, elle embrasse la vieille : « Ô bon Dieu ! […] je serai une vieille femme après tant de temps que cela654 !  […] j’aime bien mieux cela que notre vieille façon campagnarde de dire ce qu’on pense.

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