La philosophie, selon lui, est essentiellement énergie et volonté du bien. « Voir et montrer, cela même ne suffit pas. […] Il suffit Qu’il soit méchant ou bon ; tout est dit. […] Pour comprendre Musset, il suffit presque d’avoir aimé ; pour comprendre Lamartine, il suffit, bien souvent, d’avoir rêvé au clair de lune, tantôt avec douceur, tantôt avec tristesse. […] Il faut réformer et transformer227. » « N’apportons point la flamme là où la lumière suffit. » « Il faut que le bien soit innocent228. » Une minute peut blesser un siècle, hélas229 !
Aujourd’hui, pour transformer des soldats de ligne en tirailleurs, il suffirait d’un mot du général, et ils rougiraient de demander double solde. […] Tout cela n’a pas suffi à Phèdre. […] Vous et moi nous serons aussi habiles que Chamillard quand nous serons ministres ; il nous suffira d’un sac d’écus. — D’autres corrections nous humilient. […] Ces détails suffisent : de 1689 on aperçoit 1789. […] Moins d’un mois suffit à la pénétration de ces humains commissaires chargés de rendre leur compte de ce doux projet au Cyclope qui les en avait chargés.
Rousseau l’avoue sans détour : « l’oisiveté me suffit, et pourvu que je ne fasse rien, j’aime mieux rêver éveillé qu’en songe. […] Écoutons-le : « quand tous mes rêves se seraient tournés en réalité, ils ne m’auraient pas suffi ; j’aurais imaginé, rêvé, désiré encore. […] Mais suffit-il d’une réprimande placée à la fin de l’ouvrage pour détruire l’impression pernicieuse qu’il a pu causer ? […] un morceau de pain, une goutte d’eau y suffisent. […] vous avez à peine quelques souvenirs fugitifs, et déjà vous trouvez qu’ils vous suffisent… Les livres seuls vous ont tout appris.
Les mitrailleuses n’y suffisent pas. […] Le principe de la monarchie traditionnelle a suffi par sa seule vertu, au miracle de ce rétablissement. […] L’aventure de Fra Filippo Lippi quittant son couvent puis enlevant Lucrecia Buti, une jeune novice qui lui servait de modèle pour une Madone, suffirait à prouver le contraire. […] Il suffit de la comparer à la Rome actuelle ou à Paris pour le constater. […] Ce pragmatisme personnel ne lui suffisait pas.
Nous n’avons emprunté aux Grecs que leurs exercices musculaires : cela ne suffit pas au point de vue esthétique : un homme en caleçon et qui saute n’est pas nécessairement un bel animal. […] Huit cents ans, c’est quelques générations, et quelques générations encore suffiront donc à changer la face de la terre. […] Il a retrouvé à Saïda un compatriote comme lui dans la Légion, un autre qui s’est fait professeur de piano et cela lui suffit comme patrie. […] Mais il ne suffit pas de la contradiction pour allumer de la joie ; il faut que cette contradiction prenne un tour bien absurde ou bien obscur, bien péremptoire, bien aphoristique. […] Il ne suffit pas de bonne volonté.
Mais cette différence de proportion suffira à définir le groupe où elle se rencontre, si l’on peut établir qu’elle n’est pas accidentelle et que le groupe, à mesure qu’il évoluait, tendait de plus en plus à mettre l’accent sur ces caractères particuliers. […] Qu’il nous suffise de dire que la plante a dû être grandement servie, à son tour, par un nouveau dédoublement, analogue à celui qui s’était produit entre plantes et animaux. […] Il suffit de se placer au point de vue du sens commun. […] Qu’il nous suffise de dire que l’intelligence est caractérisée par la puissance indéfinie de décomposer selon n’importe quelle loi et de recomposer en n’importe quel système. […] Mais point n’était besoin d’entrer dans d’aussi longs détails sur le mécanisme du travail intellectuel : il suffirait d’en considérer les résultats.
Une paix plâtrée et fourrée avec eux ne lui suffit pas ; il a des plans de campagne médités à l’avance, des projets d’Annibal : « M. […] Mais Renaudot n’était pas facile à émouvoir sur ce point ; il croyait à l’utilité de ses diverses innovations et de ses établissements, à celle de sa Gazette entre autres, et il s’en faisait gloire : Mon introduction des Gazettes en France, écrivait-il en 1641, contre lesquelles l’ignorance et l’orgueil, vos qualités inséparables, vous font user de plus de mépris, est une des inventions de laquelle j’aurais plus de sujet de me glorifier si j’étais capable de quelque vanité… ; et ma modestie est désormais plus empêchée à récuser l’applaudissement presque universel de ceux qui s’étonnent que mon style ait pu suffire à tant écrire à tout le monde déjà par l’espace de dix ans, le plus souvent du soir au matin, et des matières si différentes et si épineuses comme est l’histoire de ce qui se passe au même temps que je l’écris, que je n’ai été autrefois en peine de me défendre du blâme auquel toutes les nouveautés sont sujettes.
En lisant cet admirable chapitre de Montaigne sur l’amitié, je le trouve incomplet sur un point : il semble exclure les femmes de ce sentiment excellent ; il ne les estime point d’assez forte complexion d’esprit pour suffire à cette communication et consultation perpétuelle sur tout sujet : « Ni leur âme, dit-il, ne semble assez ferme pour soutenir l’étreinte d’un nœud si pressé et si durable. » Et il revient au commun consentement des anciennes écoles par lequelf, en fait d’amitié parfaite, ce sexe était rejeté. […] Dezeimeris a retrouvé là un La Boétie primitif, antérieur, philologue et tout à fait neuf, un La Boétie admiré de Scaliger avant de l’être de Montaigne. — Ces humbles travaux d’histoire littéraire seraient sans cesse à retoucher et à remettre au courant : la vie n’y suffit pas.
On abrutit quelqu’un en le livrant au vin, aux femmes, à quelque excès grossier : pour l’abêtir, il suffit de lui retrancher toute étincelle d’éducation libérale et de l’appliquer à des pratiques insipides, insignifiantes. […] Duclos historien n’a qu’un procédé, il n’est qu’un abréviateur ; il l’est avec trait, je l’ai dit, quand il a affaire à l’abbé Le Grand ; il l’est avec un certain goût et avec un adoucissement relatif quand il a affaire à Saint-Simon ; dans l’un et dans l’autre cas pourtant, il n’a pas toutes les qualités de son office secondaire, et il ne porte au suprême degré ni les soins délicats du narrateur, ni même les scrupules du peintre qui dessine d’après un autre, et de l’écrivain qui observe les tons : il va au plus gros, au plus pressé, à ce qui lui paraît suffire ; c’est un homme sensé, expéditif et concis, et qui se contente raisonnablement ; il a de la vigueur naturelle et de la fermeté sans profondeur ; nulle part il ne marche seul dans un sujet, et jamais il ne livre avec toutes les forces de sa méditation et de son talent une de ces grandes batailles qui honorent ceux qui les engagent, et qui illustrent ceux qui les gagnent.
Il disait : « Tous les hommes peuvent m’être utiles, il n’y en a aucun qui puisse me suffire ; il me faut Dieu. » Son second besoin était de communiquer ce qu’il croyait si bien posséder, et de tout diviniser autour de lui. […] [NdA] Ce serait à croire, si les dates permettaient de le supposer, qu’en répondant ainsi à son père, Saint-Martin faisait allusion à un événement très présent en Touraine, à la situation de M. de Choiseul exilé à son château de Chanteloup à la porte d’Amboise : mais il fit cette réponse plusieurs années auparavant, et pour se rendre si bien compte des temps divers d’une carrière ministérielle, il lui suffisait des disgrâces récentes et des exils de M. de Machault, de M. d’Argenson et du cardinal de Bernis.
Il me suffit de dénoncer ce côté chimérique et personnel, qui se mêle à d’autres idées élevées et vraiment dignes de n’y être pas compromises. […] Ce qu’il appelle l’âme même n’y suffit pas : il faut un effort philosophique qui laisse souvent le lecteur à moitié du chemin.
Comme il avait observé que l’esprit quelquefois se dissipe, et pour ainsi dire s’extravase dans un lieu trop vaste, et que « pour étudier, pour lire, méditer, écrire, les petits endroits ont beaucoup d’avantages sur les plus grands », il avait imaginé et s’était fait faire une sorte de cabinet-sopha ou de cage allant sur roulettes, assez pareille à une maison de berger, où il n’y avait place que pour une personne, où l’on ne pouvait se tenir debout, où l’on était assis très à l’aise, à l’abri de tous vents coulis, et où il suffisait d’une bougie pour échauffer le dedans. […] Chacun abonde et verse dans son sens : le brillant séduit Voltaire ; le commun n’est jamais ce qui effraie d’Argenson : il lui suffit à lui d’être commun avec originalité.
Quoi qu’il en soit, cela suffirait pour me confirmer dans l’idée qu’il n’a pas été élevé à la campagne. […] c’est toute sa réponse. — On a cherché quelle était au juste l’originalité de Villon dans cette charmante pièce qui, seule, suffirait à assurer son renom.
Mais l’explication ne me suffit pas tout à fait ; et dans Albertus, après une série d’apostrophes à l’amour, je trouve une suite de stances (de 50 à 58) qui me paraissent, jusque dans leur ironie, trahir une sensibilité véritable : Moi, ce fut l’an passé que cette frénésie Me vint d’être amoureux. — Adieu la poésie ! […] Voilà tout le secret des littératures… » Les recettes de détail viendront après, une à une ; il suffira d’une seconde séance pour dévoiler au néophyte tous les arcanes du genre ; le catéchisme ultra-romantique sera donné au complet.
Le bon sens tout seul qui préserverait de l’inconvenant et de l’absurde, suffit-il pour faire qu’on crée à son tour, qu’on retrouve le neuf en accord avec le beau, qu’on rejoigne l’élégant avec l’utile ? […] Son activité et son habitude de travail suffisent à tout.
Michel Nicolas ne me suffit pas, et je voudrais voir rassemblées les pièces mêmes qui sont éparses, et dont quelques-unes peuvent se perdre. […] La manière dont il traite les soldats blessés ou infirmes rentrant d’Allemagne suffit d’ailleurs pour le juger.
En. un mot, le goût seul ne suffit plus désormais, et il est bon qu’il y ait la connaissance et l’intelligence des choses. […] Il renferme des obscurités, des énigmes pour moi dans plusieurs de ses parties, et ce n’est qu’à celles où le cœur suffit pour tout entendre que je m’adresse et que je reviens sans cesse.
Louis xvi, informé par M. de Montmorin, dit un mot de regret qui suffit pour le retenir. […] Les causes de cette disgrâce sont encore à découvrir, car un mémoire qu’il avait précédemment adressé sur des questions étrangères à la marine ne suffit point pour l’expliquer103.
et cela me suffit pour coudre de tout mon cœur… Mais écrire m’est impossible. […] On serait trop tenté vraiment, à voir le détail d’une telle vie, et quel mal infini eut de tout temps à se soutenir et à subsister cette famille d’élite et d’honneur, ce groupe rare d’êtres distingués et charmants, comptant des amitiés et, ce semble, des protections sans nombre, chéris et estimés de tous, on serait tenté de s’en prendre à notre civilisation si vantée, à notre société même, à rougir pour elle ; et surtout si l’on y joint par la pensée le cortège naturel de Mme Valmore, cette quantité prodigieuse de femmes dans la même situation et « ne sachant où poser leur existence », courageuses, intelligentes et sans pain, « toutes ces chères infortunées » qui, par instinct et comme par un avertissement secret, accouraient à elle, qu’elle ne savait comment secourir, et avec qui elle était toujours prête à partager le peu qui ne lui suffisait pas à elle-même !
La cherté s’est mise sur les Ronsard et les Baïf, qui étaient à vil prix dans notre jeunesse ; et, pour se faire une juste idée des destinées et des vicissitudes bibliographiques de Ronsard, par exemple, il suffit de la remarque suivante, qui est de M. de Sacy. […] On le sait maintenant, grâce aux travaux qui se poursuivent avec ardeur et qui ne remontent guère au-delà de ces trente dernières années : dans le haut moyen âge, époque complète, époque franche, qui, sortie d’un long état de travail et de transformation sociale, avait rempli toutes ses conditions et s’était suffi à elle-même, la langue, la littérature française qui était née dans l’intervalle, qui était sortie de l’enfance, qui était arrivée à la jeunesse (de même que l’architecture, que la théologie, que la science en général et que les arts divers), avait eu son cours de progrès et de croissance, une sorte de premier accomplissement ; elle avait eu sa floraison, son développement, sa maturité relative : poétiquement, une belle et grande végétation s’était produite sur une très-vaste étendue, à savoir l’épopée historique, héroïque.
Littérairement, d’ailleurs, nous nous sommes dit qu’écrire ces détails sur un homme bien jeune encore, sur un poëte de vingt-neuf ans, à peine au tiers de la carrière qu’il promet de fournir, ce n’était, pour cela, ni trop tôt ni trop de soins ; que ces détails précieux qui marquent l’aurore d’une belle vie se perdent souvent dans l’éclat et la grandeur qui succèdent ; que les contemporains les savent vaguement ou négligent de s’en enquérir, parce qu’ils ont sous les yeux l’homme vivant qui leur suffit ; que lui-même, avec l’âge et les distractions d’alentour, il revient moins volontiers sur un passé relativement obscur, sur des souvenirs trop émouvants qu’il craint de réveiller, sur des riens trop intimes dont il aime à garder le mystère ; et qu’ainsi, faute de s’y être pris à temps, cette réalité originelle du poëte, cette formation première et continue, dont la postérité est si curieuse, s’évanouit dans une sorte de vague conjecture, ou se brise au hasard en quelques anecdotes altérées. […] Il passa une année dans une petite chambre rue Mézières, puis rue du Dragon, étudiant et travaillant à force, jaloux de prouver à son père qu’il pouvait se suffire à lui-même.
Pour trancher la difficulté, l’esprit seul ne suffit pas toujours ; le plus simple est que le cœur s’en mêle. […] Mais il suffira de donner ici sa jolie pièce du Papillon, qui, pour la grâce et l’émotion, ne dépare pas. le souvenir de ses autres écrits.
La mémoire fidèle de ses amis et la lecture de ses poésies touchantes ont suffi pour nous le faire apprécier et aimer. […] J’entends… ma fin prochaine en sera moins amère ; Mes amis, il suffit : je suivrai vos conseils, Et je mourrai du moins dans les bras de ma mère.
L’âme seule lui suffisait ou du moins lui semblait suffire : mais quand l’ami lui témoigna sa souffrance, elle ne résista pas, elle donna tout à son désir, non parce qu’elle le partageait, mais parce qu’elle voulait ce qu’elle aimait pleinement heureux.
Il suffit donc d’un encouragement et d’une libéralité de Fouquet, pour le rentraîner sur la scène où il demeura vingt années encore, jusqu’en 1674, déclinant de jour en jour au milieu de mécomptes sans nombre et de cruelles amertumes. […] Nourris la plupart dans une discipline austère, ils ont sans cesse à la bouche des maximes auxquelles ils rangent leur vie ; et comme ils ne s’en écartent jamais, on n’a pas de peine à les saisir ; un coup d’œil suffit : ce qui est presque le contraire des personnages de Shakspeare et des caractères humains en cette vie.
Il suffit de n’être pas tout à fait insensible. […] La meilleure édition de Boileau est encore celle de Berriat-Saint-Prix (4 vol. in-8º, 1830-1837), en attendant celle que la Collection des Grands Écrivains de la France devra comprendre — Quant aux travaux consacrés à Boileau, il suffira de signaler : Sainte-Beuve, Port-Royal, surtout t.
Il lui suffit à l’ordinaire de marquer qu’on a parlé beaucoup dans un sens et dans l’autre : et il vient aux résolutions prises. […] Pour les autres, une ligne lui suffit.
un souvenir, pas même un souvenir de bonheur, le souvenir d’une velléité sans effet ; mais il suffit que ce soit un souvenir de la première montée de sève virile, pour que l’âme en soit à jamais ensoleillée et réjouie. […] Ce sont des corps, mais aussi des esprits et des âmes dont il parle : il ne se prononce pas sur la cause des phénomènes, mais il lui suffit que tout le monde s’entende sur les ordres de faits désignés par les noms d’idées, désirs, affections, volontés.
Il n’est pas nécessaire de savoir que le plaisir que nous donne une certaine chose que nous trouvons belle, vient de la surprise ; il suffit qu’elle nous surprenne & qu’elle nous surprenne autant qu’elle le doit, ni plus ni moins. […] Il ne suffit pas de montrer à l’ame beaucoup de choses, il faut les lui montrer avec ordre ; car pour lors nous nous ressouvenons de ce que nous avons vu, & nous commençons à imaginer ce que nous verrons ; notre ame se félicite de son étendue & de sa pénétration : mais dans un ouvrage où il n’y a point d’ordre, l’ame sent à chaque instant troubler celui qu’elle y veut mettre.
Les frères Baju, Maurice du Plessys et moi, suffisions à assurer le service de la revue. […] » Il est vrai qu’au numéro suivant il avouait que trois abonnements suffiraient à le couvrir de ses frais, « le désintéressement de ses collaborateurs étant assez notoire pour les mettre à l’abri du soupçon injurieux de toute rétribution ».
Bourget un être particulier, il suffirait d’observer, pour s’en convaincre, que, doué d’un tempérament contemplatif, il n’a été agissant que par entraînement et sous la tyrannie d’un inachèvement fatal de caractère. […] Bergeret suffirait, au reste, à nous en convaincre, si nous n’en étions depuis longtemps avertis.
L’amour aurait suffi peut-être pour déterminer le roi à l’épouser ; mais quelle puissance aurait eue, en cette circonstance, la religion sans l’amour142 ? […] Puisque les conséquences ultérieures de cette fortune ne sont plus de notre sujet, et que nous nous arrêtons ici dans l’histoire de la société polie, jetons un dernier regard sur les personnages qui la composent en 1680, rassemblons-les dans notre pensée : leur aspect suffira pour nous faire entrevoir l’avenir que nous laissons à d’autres le soin de décrire.
Aussi cet amour ne faisait nullement son tourment à elle, mais plutôt son bonheur : « Je sais un secret, disait-elle : quand deux êtres sont réunis et que le génie divin est avec eux, c’est là le plus grand bonheur possible. » Et il lui suffisait le plus souvent que cette réunion fût en idée et en esprit. […] Bettina a beau se faire Allemande autant que possible, elle ne peut se contenter tout à fait de cette vénération esthétique et idéale qui ne suffit pas à la nature.
Mais ce qui me frappe surtout chez Condorcet, et ce qui constitue sa plus grande originalité, c’est l’abus, c’est la foi aveugle dans les méthodes, c’est cette idée, si contraire à l’observation, que toutes les erreurs viennent des institutions et des lois, que personne ne naît avec un esprit faux, qu’il suffit de présenter directement les lumières aux hommes pour qu’à l’instant ils deviennent bons, sensés, raisonnables, et qu’il n’y a rien de plus commun, de plus facile à procurer à tous, que la justesse d’esprit, d’où découlerait nécessairement la droiture de conduite. […] Condorcet avait, je l’accorde, la passion et la religion du bonheur du genre humain ; cela ne suffit pas.
Tous les ans, en avril, les oiseaux chantent ; je ne sais s’ils ne redisent pas à peu près les mêmes chansons, il suffit qu’ils recommencent, pour nous charmer ; mais dans l’art il faut absolument changer les airs. […] Qu’il suffise de rappeler qu’Hégésippe Moreau, au moment même où il venait de trouver un éditeur pour ses vers, et où Le Myosotis publié avec luxe (1838) et déjà loué dans les journaux allait lui faire une réputation, entrait sans ressource à l’hospice de la Charité et y mourait le 20 décembre 1838, renouvelant l’exemple lamentable de Gilbert et faisant un pendant trop fidèle au drame émouvant de Chatterton, dont l’impression était encore toute vive sur la jeunesse.
Placée, dès les premiers mois de son arrivée en France, à la tête d’une maison où elle recevait ce qu’il y avait de plus en vogue parmi les gens de lettres de Paris, jalouse d’y suffire et y parvenant, émule et disciple de Mme Geoffrin, elle eut à prendre sans cesse sur elle, sur sa santé, sur ses habitudes chéries, sur ses autres goûts : Je dois à cette occasion vous faire un aveu, écrivait-elle en 1771 à une amie de Suisse, c’est que, depuis le jour de mon arrivée à Paris, je n’ai pas vécu un seul instant sur le fonds d’idées que j’avais acquises ; j’en excepte la partie des mœurs, mais j’ai été obligée de refaire mon esprit tout à neuf pour les caractères, pour les circonstances, pour la conversation. […] Les malades, à la date de 1778, étaient encore très peu bien traités dans les hôpitaux ; il suffira de dire qu’on en mettait plus d’un dans un même lit, et l’hospice fondé par Mme Necker le fut dans l’origine « pour montrer la possibilité de soigner les malades seuls dans un lit avec toutes les attentions de la plus tendre humanité, et sans excéder un prix déterminé ».
Il lui avait suffi, dans ce genre, de quelques premiers succès pour établir sa réputation, et il se tourna ailleurs. […] En général, pour comprendre ce genre d’éloquence politique de l’abbé Maury, il ne suffit pas de lire les lambeaux de discours qu’on a conservés, il faut en avoir la clef, et le marquis de Ferrières nous la donne, ou du moins nous l’indique, à un endroit de ses Mémoires.
Cela touché, il faut vite reconnaître ses aimables qualités sociales, cette facilité à prendre à tout, cette finesse sous la bonhomie et cette cordialité qui sait trouver une expression ingénieuse : « J’ai toujours éprouvé, disait-il, qu’il m’était plus facile de me suffire à moi-même dans le chagrin que dans la joie. […] Il suffit de lire sa correspondance avec Voltaire pour voir que son âme n’était pas libre des animosités philosophiques et des passions de secte.
Il tenait du duc d’Orléans, futur régent, du marquis de La Fare, de Chaulieu et des habitués du Temple, du grand prieur de Vendôme chez qui, plus tard, Voltaire jeune le rencontrera au passage : il lui suffisait, en tout état de cause, de rester digne de ce qu’il appelait la société des honnêtes gens, mais ce mot commençait à devenir bien vague ; et Saint-Simon, plus sévère et qui pressait de plus près les choses, disait de lui : « C’était un cadet de fort bonne maison, avec beaucoup de talents pour la guerre, et beaucoup d’esprit fort orné de lecture, bien disant, éloquent, avec du tour et de la grâce, fort gueux, fort dépensier, extrêmement débauché (je supprime encore quelques autres qualifications) et fort pillard. » Ce qui s’entrevoit très bien dans le peu qu’on sait du rôle du chevalier de Bonneval dans ces guerres d’Italie, c’est qu’il n’était pas seulement né soldat, mais général : il avait des inspirations sur le terrain, des plans de campagne sous la tente, de ces manières de voir qui tirent un homme du pair, et le prince Eugène dans les rangs opposés l’avait remarqué avec estime. […] Pour le peindre comme il était et dans tout la contradiction de sa morale et de son humeur, il suffit, de dire que, pendant que se négociait cette paix d’Utrecht ou de Rastadt, il lui arriva de soutenir à milord Stafford que Louis XIV aspirait à la domination universelle et de se battre avec un Français qui l’avait trouvé mauvais.
Mais, en réalité, il eût suffi, pour le rallier à ce moment, d’une position supérieure, à Paris, et qui ne marquât point de distance injuste entre lui et ses collaborateurs de la veille au National. […] Carrel n’approuvait pas cette manifestation ; il en donne les raisons en homme mûr : « L’ordre n’a peut-être rien à en craindre, comme cela a paru aujourd’hui, dit-il ; mais, pour qu’une chose soit raisonnable, il ne suffit pas qu’elle ne soit point dangereuse. » Il parle de cette démonstration de jeunes gens (dont nous étions nous-même) avec cette autorité qu’a un homme qui a risqué sa tête et qui apprécie son passé : Bien souvent, dit-il, entre hommes de bonne foi et qui avions couru comme eux la chance de porter nos têtes en place de Grève, nous nous sommes entretenus d’eux depuis huit ans, et, si nos souvenirs ne nous trompent point, c’était bien plutôt pour déplorer leur inutile trépas, que pour en glorifier notre cause.
De ce que l’effort mental et cérébral, à lui seul, ne suffit pas pour déterminer tel mouvement de telle partie du corps, pas plus qu’un seul point ne détermine une ligne, en résulte-t-il que la représentation d’une impression purement périphérique y suffise, sans un élément central et cérébral qui a pour corrélatif l’intensité du vouloir, du désir et de l’effort ?
Pour en cueillir aussitôt plusieurs paniers, il suffit d’ouvrir encore une fois Télémaque, ce témoin précieux d’un moment de la langue française : « les pavots du sommeil — une joie innocente — à la sueur de leur front — secouer le joug de la tyrannie — fouler aux pieds les idoles — l’espérance renaît dans son cœur », sont des expressions qui exigent le sourire et qui ne peuvent plus se proférer qu’avec ironie, mais elles furent jeunes, éloquentes et sérieuses. […] Ces exemples peuvent suffire, car chacun, maintenant, achèvera facilement, s’il lui plaît, un tableau psychologique des professions dessiné avec les clichés familiers.
Au fond, il demeure convaincu que tout ce qui, dans les choses et les êtres, nous laisse indifférents, ou même nous irrite, est simplement incompris, et qu’il suffirait de trouver la vraie raison des choses pour les regarder d’un œil affectueux ou indulgent. […] La sympathie humaine, comme la grâce prévenante, va au-devant, pénètre, même sans attendre rien ; seulement, donner, c’est déjà recevoir, et cela lui suffit.
Les gens simples pleurent au théâtre comme devant de véritables infortunes ; les chants guerriers soulèvent les masses ; et fort souvent cette émotion factice suffit à ceux qui l’éprouvent et leur ôte l’envie d’en éprouver de vraies de même ordre. […] La biographie pure, si clic suffit à nous expliquer un Alcibiade ou un Alexandre, un César même et à peine, ne parvient déjà plus à nous donner le sens intime ni de Frédéric le Grand, ni de Napoléon Ier, ni de M. de Bismarck ; il faut la correspondance et les œuvres littéraires de l’un, le mémorial, les bulletins, les lettres, les paroles de l’autre ; la correspondance ou les discours parlementaires du chancelier ; or le recours à ces ressources est du domaine de la critique scientifique, qui demeure ainsi, en somme, avec tous les auxiliaires dont elle s’entoure, le moyen le plus efficace de connaître tout entiers les esprits dont l’existence a compté et dont la gloire consiste à se survivre.
Qu’il nous suffise de montrer que la liberté de penser n’est nullement solidaire d’une telle théorie. […] L’hypothèse contraire conduirait à des conséquences insoutenables : si l’on disait qu’il suffît que certaines choses soient enseignées pour être crues, l’argument vaudrait pour les infidèles aussi bien que pour les partisans de la vraie religion.
A proprement parler, une école publique n’est instituée que pour les enfants des pères dont la modique fortune ne suffirait pas à la dépense d’une éducation domestique et que leurs fonctions journalières détourneraient du soin de la surveiller ; c’est le gros d’une nation. […] Il suffit qu’une éducation publique ne l’étouffé pas.
L’espace d’un chapitre n’y suffirait pas. […] Rappelez-vous ces quelques chansons du Cromwell, — La Chanson du Fou, par exemple, — ces gouttes de rosée frémissantes, rouges du soir, qui suffisent pour noyer toute une tête humaine dans un infini de rêveries !
Le symbole dès lors suffisait. […] Ces échantillons suffisent pour montrer combien sérieuse est souvent la pensée de Daumier, et comme il attaque vivement son sujet.
De la série d’objections qu’il m’opposa, je vais noter les principales, en les faisant suivre des réflexions qu’elles me suggèrent « Il suffit, dit M. […] Tout effort physique produit un engourdissement de la vie générale, et la dépense d’énergie qu’implique l’acte sexuel suffit à expliquer l’affaiblissement momentané qui en résulte.
Il suffit de rapprocher par la pensée nos grandes sociétés modernes, avec les trentaines de millions de citoyens qu’elles comptent, de toutes les sociétés primitives qu’on nous présente, et dont aucune ne paraît compter plus de quelques milliers de membres67, pour se rendre compte que si les sociétés modernes sont nettement distinguées des primitives par leurs tendances à l’égalité, elles n’en sont pas distinguées moins nettement par la grande quantité de leurs unités : coïncidence de caractères distinctifs qui nous autorise à chercher, entre l’un et l’autre, un rapport de condition à conséquence. […] À vrai dire, les voies et moyens de cette influence, il est souvent malaisé de les saisir ; mais que tout le monde ait de ses effets une conscience plus ou moins vague, les proverbes courants, les remarques banales, les conseils de la sagesse populaire suffiraient à le prouver.
Une sorte de pudeur nous défendra d’insister outre mesure, et cette fois, comme précédemment, il nous suffira presque d’extraire et de citer pour réfuter.
Mais, pour la convaincre, il ne faut pas trop lui promettre ; elle n’en est plus aux illusions de l’enfance ; et, sans prendre la peine d’examiner longuement, il lui suffit d’opposer aux magnifiques avances de ces bienfaiteurs cette réponse de simple bon sens, que qui prouve trop ne prouve rien.
Cette seule nouvelle, qui a presque les dimensions du roman, suffirait à poser au complet le talent de M. de Bernard.
Mais il suffit de songer que l’œuvre de Plutarque est une véritable encyclopédie, et l’on comprendra quel exercice cette traduction a été pour la langue, combien elle s’en est trouvée assouplie et enrichie.
Pour être justes, disons qu’on a fait au xviiie siècle des vers charmants, et beaucoup : dans les genres où l’esprit suffisait.