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905. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section II. Des sentiments qui sont l’intermédiaire entre les passions, et les ressources qu’on trouve en soi. — Chapitre IV. De la religion. »

Je ne sais si l’on a détruit la foi religieuse du peuple en France, mais on aura bien de la peine à remplacer pour lui toutes les jouissances réelles dont cette idée lui tenait lieu ; la révolution y a suppléé, pendant quelque temps.

906. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre II. Distinction des principaux courants (1535-1550) — Chapitre II. Jean Calvin »

J’y retrouve, sous l’éminente autorité de l’Écriture, sans cesse alléguée et impérieusement dressée, j’y retrouve une pensée nourrie et comme engraissée du meilleur de la sagesse antique, et un sens du réel, une riche expérience qui donnent à tout ce savoir une efficacité pénétrante.

907. (1894) Propos de littérature « Chapitre Ier » pp. 11-22

Vielé-Griffin montrent comme une défiance des choses, leurs formes extérieures peu-à-peu apprises, puis une recherche encore tâtonnante de leur sens réel qui hâtivement conclut, par des sensations d’infériorité devant elles, à un pessimisme révolté.

908. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre XV. La commedia dell’arte au temps de Molière et après lui (à partir de 1668) » pp. 293-309

» Ce mouvement inverse, ce reflux, pour ainsi dire, que nous avons à constater fut par la suite une cause d’incertitude et de confusion : quand il devint difficile de démêler dans le répertoire italien ce qui avait précédé Molière ou ce qui l’avait suivi, on méconnut souvent les dettes réelles qu’il avait contractées pour lui attribuer des emprunts où il était, non plus débiteur, mais créancier.

909. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des pièces de théâtre — Préface de « Ruy Blas » (1839) »

En effet, au-delà de cette barrière de feu qu’on appelle la rampe du théâtre, et qui sépare le monde réel du monde idéal, créer et faire vivre, dans les conditions combinées de l’art et de la nature, des caractères, c’est-à-dire, et nous le répétons, des hommes ; dans ces hommes, dans ces caractères, jeter des passions qui développent ceux-ci et modifient ceux-là ; et enfin, du choc de ces caractères et de ces passions avec les grandes lois providentielles, faire sortir la vie humaine, c’est-à-dire des événements grands, petits, douloureux, comiques, terribles, qui contiennent pour le cœur ce plaisir qu’on appelle l’intérêt, et pour l’esprit cette leçon qu’on appelle la morale : tel est le but du drame.

910. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Fontenelle, et le père Baltus. » pp. 2-16

Le détail de ces troubles imaginaires n’est qu’une allégorie des maux réels produits par les divisions arrivées dans l’église, figurée par la reine Mliséo.

911. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Première Partie. Des Langues Françoise et Latine. — De la langue Françoise. » pp. 159-174

Ce travail l’a mis plus à portée que tout autre de juger de l’abus qu’on fait souvent des droits réels de l’usage.

912. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — Quatrième faculté d’une Université. Faculté de théologie » pp. 511-518

Les seuls points sur lesquels il importerait peut-être d’insister un peu davantage seraient la divinité de Jésus-Christ avec sa présence réelle dans l’Eucharistie ; l’un est la base de la croyance et du culte chrétien, l’autre le sujet principal du grand schisme.

913. (1799) Jugements sur Rousseau [posth.]

Je ne dirai point, pour diminuer le mérite de cette chaleur, réelle ou prétendue, que J. 

914. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre X. Seconde partie. Émancipation de la pensée » pp. 300-314

Schlegel surtout, en prouvant que la question de l’origine du langage devait être traitée historiquement, et non point par des théories spéculatives ; en prouvant ensuite, par les faits nombreux que lui-même a rassemblés ; en prouvant, dis-je, que cela était possible, ôte à ces sortes de recherches ce qu’elles avaient de conjectural et de hasardé, et vient déterminer ainsi un des plus grands pas qui puissent être faits dans la science réelle de l’homme.

915. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Deux diplomates »

L’action diplomatique, quand elle est réelle et effective, tient si intimement à la personne, au corps qui parle au corps, — comme dirait Buffon ; elle tient tellement à des séductions subtiles et relatives et à d’inexprimables manières, que celui qui l’a exercée n’est pas capable de la raconter.

916. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Lenient » pp. 287-299

Croyez-vous qu’il n’y ait pas, si maintenu qu’on soit par les faits, — ces fers aux pieds et aux mains, mais qui n’empêchent pas les hommes vraiment forts de se mouvoir et de se dilater dans la beauté de leur puissance, — croyez-vous qu’il n’y ait pas, au sein de tous les esclavages de l’histoire, des manières d’ouvrir ses points de vues qui sont de la plus haute, de la plus réelle originalité ?

917. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « La Révolution d’Angleterre »

Une telle vue, si elle est réelle, met à bas d’un revers de main toutes les philosophies de l’Histoire, toutes ces modernes théories qui essayent d’expliquer la vie des sociétés autrement que la vie de l’homme, comme si elle renfermait des éléments de plus, comme si, avec l’homme seul, ce n’était pas déjà, pour les plus forts, assez difficile, et pour les plus pénétrants, assez mystérieux !

918. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XIV. Vaublanc. Mémoires et Souvenirs » pp. 311-322

III Et c’est pour cela précisément qu’il aurait été un homme politique de premier ordre et d’une efficacité réelle, si les circonstances l’avaient mis à sa place, qui n’était pas, croyez-le bien !

919. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « IV. Saisset »

Qui ne croirait qu’il est un de ces radicaux courageux, un de ces panthéistes qui semblent les progressistes réels en philosophie, puisqu’ils sont les derniers venus ?

920. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XIV. M. Auguste Martin »

Toute cette morale dont ils se chamarrent n’est donc pour eux que de l’ornementation pure, pièces d’estomac, broderies de robe, inscriptions de lambris, peintures d’éventail, dessus de porte, arabesques, mais elle n’a aucune influence réelle sur leur caractère et leurs actes, et elle ne peut pas en avoir, car voici précisément où un homme, qui n’aurait pas été M. 

921. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXV. Le Père Ventura »

Ventura, il n’y a véritablement pas là d’inspiration réelle et efficace dont on puisse affirmer que ceci n’est pas le bien de tous, la généralité catholique dans son ampleur flottante et détachée, mais la propriété exclusive et positive d’un esprit meilleur que les autres, parce que le christianisme l’a plus profondément éclairé !

922. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Charles Didier » pp. 215-226

C’est un esprit de bon sens, mais de gros sens ; de main rude, de force réelle, mais commune, qui a du tempérament et quelquefois de la chaleur, mais sans aucune délicatesse, sans aucune nuance et sans aucune imagination dans le style, ce Boccace à revers… Ah !

923. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Duranty » pp. 228-238

Il a, — nous le reconnaissons, — une langue correcte et nette, du moins quand il parle en son nom, car il est parfois incorrect, nous dit-il, pour être plus réel, lorsqu’il fait parler ses personnages.

924. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Théocrite »

Celle-ci alors, en effet, a de quoi s’appuyer et à la fois de quoi jouer librement ; elle atteint au réel, et tour à tour se tient à distance ; elle serre de près le détail, et elle met à l’ensemble la perspective. […] Je m’efforce de faire sentir comme tout est réel, reconnaissable et distinct là où l’on serait tenté de ne voir, d’après les imitations, que des images gracieuses et pastorales assez indifféremment semées. […] La sensibilité naïve et compatissante qui sait nous intéresser à cette chétive et laborieuse existence, à la pauvreté toujours en éveil dès avant l’aurore, cette expression simple du réel qui rappelle presque le poète anglais Crabbe, mise surtout en regard des richesses de ton où s’est complu l’ami de Phrasidame, montrerait à quel point Théocrite eut véritablement toutes les cordes en lui.

925. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre VI. La poésie. Tennyson. »

Il animait tour à tour les petits événements réels de la vie anglaise et les grandes aventures fantastiques de la chevalerie éteinte. […] La prose de Dickens et de Thackeray ne serrait pas de plus près les mœurs réelles et présentes. […] Les choses réelles sont grossières, et toujours laides par quelque endroit ; à tout le moins, elles sont pesantes ; nous ne les manions pas à notre gré, elles oppriment l’imagination ; au fond, il n’y a de vraiment doux et de vraiment beau dans notre vie que nos rêves.

926. (1859) Cours familier de littérature. VII « XLIe entretien. Littérature dramatique de l’Allemagne. Troisième partie de Goethe. — Schiller » pp. 313-392

écrivait-il à cette époque à son premier ami, le monde réel où je suis jeté est tout autre que le monde que nous portions dans notre cœur. » La contrainte qu’il éprouvait dans cette université allait jusqu’à lui faire un crime de la lecture de Goethe, de Shakespeare et de Klopstock. […] Cette jeune fille avait dans son imagination précoce un foyer d’enthousiasme qui demandait un aliment réel ou imaginaire ; elle entendait souvent accuser la froideur et l’égoïsme de Goethe dans sa famille ; elle se figura que Goethe n’était resté insensible que faute d’avoir rencontré dans sa longue vie une âme à la proportion de la sienne. […] Le mépris est une mauvaise puissance, mais c’est une puissance réelle sur les hommes ; cela prouve qu’on ne partage pas leurs petitesses, leurs enthousiasmes et leurs versatilités.

927. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CVe entretien. Aristote. Traduction complète par M. Barthélemy Saint-Hilaire (3e partie) » pp. 193-271

C’est à ce besoin instinctif et si réel qu’Aristote a obéi ; il a satisfait l’esprit humain dans la mesure de son génie et de son temps. […] De là enfin cette sympathie qui réunit deux êtres de sexes différents, et qui constitue leur réelle union, que l’amour même serait impuissant à cimenter assez solidement. […] La vertu ne résulte que de l’accomplissement réel du devoir.

928. (1890) L’avenir de la science « XV » pp. 296-320

Il croit plus au possible, parce qu’il connaît moins le réel. […] De même qu’une classification n’explique qu’une seule série linéaire des êtres et en néglige forcément plusieurs tout aussi réelles qui croisent la première et exigeraient une classification à part, de même toutes les lois n’expriment qu’un seul système de relations et en omettent nécessairement mille autres. […] La critique consiste à retrouver, dans la mesure du possible, la couleur réelle des faits d’après les couleurs réfractées à travers le prisme de la nationalité ou de l’individualité des narrateurs.

929. (1890) Les romanciers d’aujourd’hui pp. -357

Oui, leur maîtrise est réelle et nul ne songe à la contester. […] C’est ici l’éternel sophisme du réel pris et donné pour le vrai. […] Zola n’enlève que peu au mérite très réel de l’observation, Le Roman d’un maître d’école, par M.  […] Alors commença son véritable travail, germa en lui la consolation réelle avec l’ambition de devenir un maître à son tour. […] Tous ces romans ont une réelle tenue littéraire ; l’auteur est peut-être, à présent, notre meilleur romancier picaresque.

930. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Quelques « billets du matin. » »

C’est là une jolie proportion ; et plût au ciel qu’elle fût la même dans la vie réelle ! […] Et, d’un autre côté, je suis persuadé qu’il prenait souvent le rêve, la vague poursuite d’une idée parmi la fumée du tabac, pour un travail réel. […] Je ne parle point de la réelle splendeur du décor : la fête était surtout amusante par ses extraordinaires proportions et par la variété inouïe des têtes assemblées. […] Rien des passions violentes que vous simulerez tous les soirs, en vous conformant honnêtement aux « traditions » de chaque rôle, n’aura troublé un instant votre vie réelle. […] Et puisque la gloire consiste dans ce que les autres hommes pensent de nous, la mienne, plus restreinte, serait assurément plus réelle, plus sensible, que celle de M. 

931. (1921) Esquisses critiques. Première série

Par ces regrets flatteurs, Sarcey reconnaissait bien cependant la valeur réelle de ces créations. […] Bataille, au rebours, étudie des sentiments faux dans un cadre réel. […] Bataille a pour le réel et qui se manifeste dans le soin avec lequel il localise ses comédies. […] Outre qu’ils sont rédigés dans une langue d’une extrême pauvreté, ils n’ont pas de sens réel. Ils ne contiennent aucun aperçu réel sur le cœur ou sur la vie.

932. (1902) Le critique mort jeune

Faguet nomme libéralisme, c’est un système fondé non pas sur la liberté — nous le savons étranger à la métaphysique — mais un système respectueux de toutes les libertés réelles et particulières. […] Vaincus par ces grandes magies, nous avions perdu toute notion du réel, quand des taches graves apparurent, grandirent sur l’eau, puis nous prirent dans leur ombre. […] Son mérite est certain ; ses aptitudes réelles. […] Il y a un retentissement certain de sa pensée dans le mouvement très réel de réaction qui se dessine depuis quelques années en France contre les désordres où plusieurs générations se sont complu. […] Or ces idées devraient être condamnées, ne fût-ce qu’au nom de l’hygiène pure et simple, car elles « désorganisent les mœurs », et, abolissant la passion réelle, abolissent en même temps la sensation et rendent impossible le bonheur.

933. (1929) Critique et conférences (Œuvres posthumes III)

Et je suis sûr que la Présence Réelle se fout de toutes les Messes Noires ou Nègres, puisqu’il a été créé et mis au monde pour ça. […] On y vendait aussi des nez et je m’en achetai un beau pour remplacer le mien par trop kalmouck… Je n’avais plus de perception du réel et ne répondais plus quand on me parlait. […] Francis Poictevin vient de nous donner son onzième volume et cette série qui va s’affirmant de plus en plus délicatement nous prépare pour les jours d’enfin notre temps de repos et de lectures sans arrière-pensées, de réelles et substantielles délices. […] De l’immensité, sauvant de la laideur suprême, une laideur sans pareille ; avec un élan réel vers la hauteur et une sorte, en somme, de grandeur sévère qui fait de ce monument quelque chose vraiment. […] C’était, je le sus par la suite, un vicaire de la paroisse, chanoine de Lincoln, au surplus, magistrat du comté, personnage aimable, plein de bonhomie, dont j’eus l’occasion de reconnaître, par la suite, la réelle charité.

934. (1922) Nouvelles pages de critique et de doctrine. Tome I

Distinguer l’imaginaire du réel, il ne peut plus, tant il souffre. […] Scott a complété les aventures réelles que lui fournissait la légende par des aventures imaginées. […] Les personnages inventés vous apparaissent d’abord comme aussi incontestables que les personnages réels. […] Cette hypothèse, qui prétend reposer uniquement sur l’observation du Réel, est-elle conforme au Réel ? […] Elles n’ont de commun qu’une règle, celle de la soumission au Réel, en effet ; mais le Réel n’étant pas un, cette commune règle fait leur différenciation, et c’est manquer d’esprit scientifique que de vouloir les ramener les unes aux autres.

935. (1817) Cours analytique de littérature générale. Tome IV pp. 5-

Ce n’est point en cet objet que convient l’imaginaire et le général : on y veut le réel et le particulier. […] qui ne reconnaît la nature à ces traits de réelle mélancolie ? […] Un éclat réel en rejaillit sur les faits et sur les batailles quand, par la justesse des empreintes historiques, le talent distingue les chefs qui les dirigeront, et les soldats marchant sous leurs ordres. […] Ne reconnaît-on pas en cette allégorie frappante la pureté du goût qui présida partout à la composition de l’Énéide, et pense-t-on que le hasard ou le caprice des prétendues inspirations dirigent si constamment l’ordonnance des réelles beautés littéraires ? […] Tout ce luxe, tout ce fard italien a quelquefois terni les plus réelles beautés des discours du Tasse.

936. (1898) Essai sur Goethe

On comprenait mieux qu’il avait été Werther, Clavijo, Tasse, Wilhelm Meister, Faust, mais il paraissait, comme être réel, supérieur même à ses fictions. […] Non, non : c’était un être réel, étrange, inconnu ! […] (Tout en repoussant l’image, elle aperçoit tout à coup la figure réelle qui traverse la chambre à coucher. […] Un livre ne vit qu’autant qu’il suscite dans l’âme des lecteurs, à travers les âges, les passions que l’auteur a remuées ; qu’autant qu’il demeure une force active et réelle ; qu’autant qu’il contribue encore à façonner les générations nouvelles qui se nourrissent et croissent de son inépuisable sève. […] Il y a des moments où le poète disparaît derrière ce fantôme invisible et réel, inaccessible et redoutable.

937. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Werther. Correspondance de Goethe et de Kestner, traduite par M. L. Poley » pp. 289-315

Ils se sont plaints, ils ont réclamé, on a leurs lettres ; l’auteur seul n’aurait pas tout dit : Préparé à tout ce que l’on pourrait alléguer contre Werther, a dit Goethe en ses mémoires, je ne me fâchai pas de toutes les contradictions ; mais je n’avais pas pensé qu’une souffrance insupportable me serait réservée par des âmes bienveillantes et sympathiques : car au lieu de me dire d’abord sur mon petit livre quelque chose de non désobligeant, on voulait savoir avant tout ce qu’il y avait de réel dans les faits ; ce que je ne me souciais pas du tout de dire, et je m’en expliquai hautement d’une manière très peu aimable : car pour répondre à cette question, il m’aurait fallu remettre en pièces l’opuscule auquel j’avais si longtemps pensé pour donner à ses nombreux éléments une unité poétique, et j’aurais dû en détruire la forme de telle sorte que les véritables éléments constitutifs eux-mêmes, là où ils n’auraient pas été complètement anéantis, eussent été au moins défaits et dissous. […] Ce sont là les suites réelles de Werther, du vrai Werther guéri et calmé, et qui sont à opposer, en bonne critique et en saine morale, à la catastrophe romanesque.

938. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Appendice. »

Lorsque je fis le roman de Volupté, qui, au vrai, n’est pas précisément un roman et où j’ai mis le plus que j’ai pu de mon observation et même de mon expérience, j’avais eu cependant à inventer une conclusion, et je voulais qu’elle parût aussi vraie et aussi réelle que le reste. […] Lacroix, déjà auteur pour son compte de jolies chansons 6 Avril, et amoureux du Théâtre-Français où il a obtenu un succès de printemps, me fut d’une utilité des plus réelles et des plus agréables pendant au moins trois années.

939. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME ROLAND — I. » pp. 166-193

Absente du foyer principal, éloignée du détail des événements dont le spectacle réel, depuis le 5 octobre, aurait peut-être contribué à user son surcroît de zèle et à dégoûter sa confiance, elle était surtout sensible aux lenteurs, aux incertitudes de l’Assemblée et à ses efforts pour arrêter. […] conclut-elle, il n’y a que cela pour ordonner les affaire et pour rendre les peuples heureux. » A travers cette faiblesse et ce manque de science politique positive, percent à tout moment des vues fort justes et fort prévoyantes qui montrent qu’elle ne se faisait pourtant pas illusion sur l’état réel de la société.

940. (1863) Cours familier de littérature. XV « LXXXVIe entretien. Considérations sur un chef-d’œuvre, ou le danger du génie. Les Misérables, par Victor Hugo (4e partie) » pp. 81-143

Nous ne connaissons rien de plus parfait et de plus réel dans aucune langue ancienne ou moderne. […] Rien n’est plus réel que ces grandes secousses que deux âmes se donnent en échangeant cette étincelle.

941. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXVe entretien. Chateaubriand, (suite) »

Or, comme l’enfer et le paradis sont essentiellement compris, comme les deux pôles du monde extérieur, dans le poëme épique dont l’universalité est le caractère, le poëme épique fut anéanti ; on ne put remplacer les merveilles réelles que par les chimères que l’homme de talent chercha à faire croire aux peuples, c’est-à-dire le merveilleux de Dieu par le merveilleux des hommes, et ce merveilleux de caprice n’était plus que merveilleux de fantaisie ; il n’avait plus de sanction que la poésie de l’imagination et plus de vérité que la vraisemblance. […] « Prenez le René réel, ôtez-lui ce léger masque chrétien que M. de Chateaubriand lui a mis tout à la fin pour avoir droit de le faire entrer dans le Génie du Christianisme, revenez au pur René des Natchez, et la pièce de Lamartine pourra s’adresser à lui non moins justement qu’à lord Byron. » M. 

942. (1824) Observations sur la tragédie romantique pp. 5-40

Le public le veut ainsi, nous disent-ils ; mauvaise excuse, même quand elle est réelle, et bien plus quand elle ne l’est pas. […] Aristote), à tout ce que nous savons de réel touchant la nature physique et morale , c’est à elle aussi que nous devons, dans tous les genres d’écrire et dans tous les arts, les chefs-d’œuvre anciens et modernes que nous appelons classiques.

943. (1892) Boileau « Chapitre V. La critique de Boileau (Suite). Les théories de l’« Art poétique » (Fin) » pp. 121-155

Nous n’admettons pas que tant de sensibilités, d’intelligences et d’expériences diverses, réunies sans concert préalable dans une commune impression, ne soient pas de plus sûrs garants du possible et du réel que le génie particulier d’un homme. […] On ne parle pas naturellement comme il parle, mais il est naturel qu’il parle ainsi, selon les lois de la poésie lyrique : Boileau n’avait qu’un pas à faire, pour apercevoir que ces lois correspondaient à un état d’âme très particulier, mais très réel.

944. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « I »

C’est accomplir une œuvre utile que de grouper les jugements divers portés chez nous sur l’œuvre du grand réformateur dramatique ; les hommes qui ont défendu la musique wagnérienne, d’après le jugement de leur conscience artistique, la droite raison, la simple équité, et aussi d’après leur compétence réelle, ne peuvent qu’en avoir aujourd’hui de l’honneur ; espérons que les autres en tireront quelque confusion. […] L’auteur, au contraire, a voulu donner à la fois l’impression de l’homme énergique et intraitable qui sut réaliser victorieusement l’œuvre de Bayreuth, et du poète incomparable à qui nous devons Tristan et Parsifal Le difficile était de fondre en une seule physionomie ces traits si différents et pourtant si réels de la figure du maître : M. de Egusquiza y a évidemment réussi en perfection.

945. (1881) La psychologie anglaise contemporaine «  M. Georges Lewes — Chapitre I : L’histoire de la philosophie »

Sa raison pour nier la certitude des sens était l’incapacité de distinguer tous les éléments objectifs réels dont les choses sont composées. […] Bien des gens qui accorderont que la douleur causée par le feu n’est pas une copie du feu, soutiendront que l’apparence produite sur les yeux par le feu, est l’apparence réelle du feu, indépendamment de la vision humaine.

946. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Monsieur de Latouche. » pp. 474-502

Avec tant d’esprit et des parties de talent si réelles, mais sans invention originale et sans génie, il était de ceux qui auraient eu dès l’abord besoin de l’étude, d’une bonne direction, d’une éducation vraiment classique. […] Depuis que l’article a paru, j’ai reçu un témoignage tardif, mais d’une sympathie réelle et d’une émotion trop visible pour ne pas être touchante.

947. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Sieyès. Étude sur Sieyès, par M. Edmond de Beauverger. 1851. » pp. 189-216

Son influence a été grande, réelle, positive, et sur bien des points elle reste encore voilée de mystère : il y a de l’inconnu en lui et de l’occulte. […] Il méconnaissait lui-même la conquête réelle, la seule, mais si importante, à laquelle il avait atteint et que rien désormais ne pouvait ravir, une société sans privilèges.

948. (1913) Le bovarysme « Première partie : Pathologie du bovarysme — Chapitre V. Le Bovarysme des collectivités : sa forme idéologique »

Le fait de l’immigration étrangère peut donc être pour la France un bénéfice : il est aussi un danger ; que ce danger soit plus ou moins menaçant, plus ou moins réel, c’est là une question d’appréciation sur laquelle il n’importe d’insister ici : il suffit de constater qu’il a été ressenti et qu’il a engendré en même temps, parmi une fraction importante de la nation, une attitude de défiance et de suspicion à l’égard des nouveau-venus et de la part de ceux-ci une attitude de défense. […] C’est d’autre part que cette croyance ainsi qu’on l’avait annoncé, se survit à elle-même, dans les textes religieux et législatifs où ses prescriptions conservent un caractère impératif et une autorité réelle, alors que depuis longtemps déjà, elles ont cessé de répondre à une utilité.

949. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre septième. L’introduction des idées philosophiques et sociales dans la poésie. »

C’est un pont entrevu entre l’idéal lointain et le réel trop voisin, entre le ciel et la terre. […] On pourra objecter que nul ne se soucie d’une suite de raisonnements mis en vers ; sans doute ; n’oublions pas pourtant que les grandes idées font la grande poésie, et que, pour Musset même, sa réelle valeur n’est pas dans le badinage, si élégant et charmant qu’il soit, mais dans l’expression sincère, poignante parfois, de la souffrance morale et de l’angoisse du doute.

950. (1809) Quelques réflexions sur la tragédie de Wallstein et sur le théâtre allemand

Ils nous les présentent avec leurs faiblesses, leurs inconséquences, et cette mobilité ondoyante qui appartient à la nature humaine et qui forme les êtres réels. […] Le héros est plus dans la main du poëte qui s’est affranchi du passé ; mais il y a peut-être aussi une couleur un peu moins réelle, parce que l’art ne peut jamais suppléer entièrement à la vérité, et que le spectateur, lors même qu’il ignore la liberté que l’auteur a prise, est averti, par je ne sais quel instinct, que ce n’est pas un personnage historique, mais un héros factice, une créature d’invention qu’on lui présente.

951. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Chapitre III : Règles relatives à la distinction du normal et du pathologique »

La science se trouve ainsi destituée, ou à peu près, de toute efficacité pratique, et, par conséquent, sans grande raison d’être ; car à quoi bon se travailler pour connaître le réel, si la connaissance que nous en acquérons ne peut nous servir dans la vie ? […] L’esprit se trouve à l’aise en face du réel qui n’a pas grand’chose à lui apprendre ; il n’est plus contenu par la matière à laquelle il s’applique, puisque c’est lui, en quelque sorte, qui la détermine.

952. (1881) La parole intérieure. Essai de psychologie descriptive « Chapitre IV. Comparaison des variétés vives et de la forme calme de la parole intérieure. — place de la parole intérieure dans la classification des faits psychiques. »

L’opposition des deux formes n’est donc pas arbitraire ; elle repose sur un fondement objectif réel. […] Or ce n’est pas au hasard, nous l’avons montré, que la pensée revêt l’une ou l’autre de ces deux formes ; si l’imagination est pour quelque chose dans la vivacité du phénomène, ce qui est le cas le plus fréquent, l’apparence extérieure est naturelle, parce que l’extériorité réelle aurait sa raison d’être.

953. (1898) Les personnages de roman pp. 39-76

On ne remarque aucune tendance analogue dans la vie réelle. […] Le type premier du personnage, pris dans la vie réelle, peut demeurer reconnaissable ; il n’est pas tout à fait ressemblant.

954. (1879) L’esthétique naturaliste. Article de la Revue des deux mondes pp. 415-432

Il était né avec assez de talent pour se conquérir ainsi une place parmi ses contemporains et exercer par son exemple une réelle influence. […] Il n’est point exact, ainsi qu’il le prétend, qu’il ait le premier essayé de se mettre en face de l’humanité réelle et vivante ; mais ce qui est exact, et il convient de lui accorder cette originalité, c’est qu’il a sa psychologie et son observation particulières, qu’il voit la vie contemporaine et s’efforce de la représenter à sa manière, avec un parti pris, brutal si l’on veut, mais décidé.

955. (1874) Premiers lundis. Tome I « Victor Hugo : Odes et ballades — II »

Hugo lui-même : … D’un cri de liberté Jamais comme mon cœur mon vers n’a palpité ; Jamais le rythme heureux, la cadence constante, N’ont traduit ma pensée au gré de mon attente ; Jamais les pleurs réels à mes yeux arrachés N’ont pu mouiller ces chants de ma veine épanchés ?

956. (1823) Racine et Shakspeare « Chapitre II. Le Rire » pp. 28-42

Un homme, dans la comédie ou dans la vie réelle, qui se fût avisé de suivre librement, et sans songer à rien, les élans d’une imagination folle, au lieu de faire rire la société de 1670, eût passé pour fou2.

957. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Troisième partie. Disposition — Chapitre IV. Unité et mouvement »

Aussi n’a-t-il pas manqué d’imposer à ses œuvres une réelle unité, en dépit de leur aspect capricieux et désordonné.

958. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre I. Les origines du dix-huitième siècle — Chapitre I. Vue générale »

On élimina partout le réel et le concret, et l’on n’opéra que sur des idées.

959. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Édouard Rod »

Il découvre très vite qu’il est incapable de pratiquer pour de bon, et dans la rigueur réelle de ses obligations, la « religion de la souffrance humaine », et qu’il n’est, comme tant d’autres, qu’un brave homme assez pitoyable et pas méchant, mais non pas héroïque… Et il souffre de cette constatation.

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