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1569. (1911) La morale de l’ironie « Chapitre II. Le rôle de la morale » pp. 28-80

Il est la résultante d’une foule de sentiments et de désirs divers qui nous entraînent vers les autres, vers telle ou telle personne, dans tel ou tel groupe, qui les réalisent en nous, les font agir en nous, et nous font agir par eux.

1570. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Introduction. Le problème des idées-forces comme fondamental en psychologie. »

Ce défilé de processus subjectifs différents et différemment combinés, nous l’appelons réflexion ; mais, en croyant réfléchir sur un fait actuel, nous donnons réellement naissance à des faits nouveaux ; en croyant penser au son même, nous pensons au souvenir du son et à une foule d’autres choses.

1571. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre sixième. La volonté — Chapitre troisième. La volonté libre »

Chaque fois que nous agissons en vertu d’une passion quelconque, il s’accomplit dans notre organisme une foule de mouvements dont la passion est en grande partie le reflet et qui, en tout cas, contribuent à lui donner sa physionomie propre, son caractère d’agitation et de « perturbation » intérieure.

1572. (1856) Cours familier de littérature. I « VIe entretien. Suite du poème et du drame de Sacountala » pp. 401-474

Là où vous apercevez ce pieux solitaire, fixant, dans une immobilité parfaite, le disque radieux du soleil ; le corps déjà à moitié plongé dans un monticule de sable, que les termites amoncellent sans crainte autour de lui ; portant, au lieu du cordon brahmanique, la peau hideuse d’un énorme serpent : pour collier, les branches entrelacées d’arbrisseaux épineux, dont il ne ressent pas même les blessures, et recélant, parmi ses cheveux relevés en partie en un énorme faisceau sur le sommet de sa tête et flottant en partie sur ses larges épaules, une foule d’oiseaux qui, pleins de confiance, y ont construit leurs nids comme dans un arbre touffu.

1573. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre X : De la succession géologique des êtres organisés »

C’est enfin quelque chose de semblable aux merveilles accomplies par nos foules industrielles et nos armées de piétons, comparées aux combats des héros d’Homère, aux conquêtes des hordes équestres du moyen âge, et aux chefs-d’œuvre des artistes grecs.

1574. (1855) Préface des Chants modernes pp. 1-39

Quand les hommes forts de notre race ont paru dans la foule, quand Victor Hugo, Lamartine, Auguste Barbier, Alfred de Vigny, Balzac ont parlé, il s’est fait tout à coup un grand silence autour d’eux ; on a recueilli religieusement chacune de leurs paroles, on a battu des mains, et, d’un seul élan, on les a placés si haut que nul encore de nos jours n’a pu les atteindre.

1575. (1870) La science et la conscience « Chapitre I : La physiologie »

Nous ne faisons qu’exprimer un fait de pure physiologie. » Et ailleurs : « A une foule d’égards, tracer l’histoire physiologique des idiots serait tracer celle de la plupart des hommes de génie, et vice versa. » Pour le même auteur, l’enthousiasme n’est qu’un éréthisme mental.

1576. (1870) La science et la conscience « Chapitre III : L’histoire »

A voir alors comment tout s’enchaîne dans toute histoire particulière et dans l’histoire universelle, combien peu pèsent les forces morales des individus et des peuples eux-mêmes dans la balance des destinées humaines, combien l’influence des idées, des volontés, des vertus individuelles est faible sur la direction des masses et des foules livrées à leurs instincts, à leurs imaginations, à leurs passions aveugles ; comment ces passions elles-mêmes tiennent au sang, au sol, à la température, on se demande où est le rôle de la volonté, de l’intelligence, dans ce mouvement qui entraîne tout vers un dénouement le plus souvent contraire aux desseins des sages ou aux efforts des héros ; et l’on conclut, au nom de la science, à une philosophie de l’histoire qui ne compte plus ni avec la liberté ni avec la conscience des hommes.

1577. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre VI. Milton. » pp. 411-519

Emporté jusqu’au bout de sa croyance, et comme un cavalier lancé qui perce d’un élan toute la ligne de bataille, il alla jusqu’au prince, conclut à l’abolition de la royauté comme au renversement de l’épiscopat, et un mois après la mort de Charles Ier, justifia l’exécution, répondit à l’Eicon Basilice, puis à la Défense du Roi par Saumaise, avec une grandeur de style et un dédain incomparables, en combattant, en apôtre, en homme qui partout sent la supériorité de sa science et de sa logique, qui veut la faire sentir, qui foule et écrase superbement ses adversaires à titre d’ignorants, d’esprits inférieurs et de cœurs bas445. « Les rois », dit-il au commencement de l’Iconoclaste, « quoique forts en légions, sont faibles en arguments, étant accoutumés dès le berceau à se servir de leur volonté comme de leur main droite, et de leur raison comme de leur main gauche. […] Entendre « l’alouette qui prend son essor et de son chant éveille la nuit morne jusqu’à ce que se lève l’aube tachetée ; le laboureur qui siffle sur son sillon ; la laitière qui chante de tout son cœur ; le faucheur qui aiguise sa faux dans le vallon sous l’aubépine » ; voir les danses et les gaietés de mai au village ; contempler les pompeuses processions et « le bourdonnement affairé de la foule dans les cités garnies de tours » ; surtout s’abandonner à la mélodie, aux enroulements divins des vers suaves, et aux songes charmants qu’ils font passer devant nous dans une lumière d’or, voilà tout497 ; et aussitôt, comme s’il était allé trop loin, pour contrebalancer cet éloge des joies sensibles, il appelle à lui la Mélancolie498, « la nonne pensive, pieuse et pure, enveloppée dans sa robe sombre, aux plis majestueusement étalés, qui, d’un pas égal, avec une contenance contemplative, s’avance, les yeux sur le ciel qui lui répond, et son âme dans les yeux. » Avec elle il erre parmi les graves pensées et les graves spectacles qui rappellent l’homme à sa condition, et le préparent à ses devoirs, tantôt parmi les hautes colonnades d’arbres séculaires dont les dômes entretiennent sous leur abri le silence et le crépuscule, tantôt dans « ces pâles cloîtres studieux, où, sous les arches massives, les vitraux, les riches rosaces historiées jettent une obscure clarté religieuse », tantôt enfin dans le recueillement du cabinet d’étude, où chante le grillon, où luit la lampe laborieuse, où l’esprit, seul à seul avec les nobles esprits des temps passés, évoque Platon pour apprendre de lui « quels mondes, quelles vastes régions possèdent l’âme immortelle, après qu’elle a quitté sa maison de chair et le petit coin où nous gisons499. » Il était rempli de cette haute philosophie.

1578. (1896) Psychologie de l’attention (3e éd.)

Il est donc impossible de soutenir, au même sens que Condillac, que si au milieu d’une foule de sensations il y en a une qui prédomine par sa vivacité, elle « se transforme en attention ». […] Une foule d’exemples démontrent que, entre une grande dépense de mouvements et l’état d’attention, il y a antagonisme.

1579. (1923) Paul Valéry

C’est une des Harmonies les plus amples, les plus épaisses de musique, de rêverie et d’éloquence, un épanchement lumineux, une Voie Lactée de rythmes oratoires que Lamartine adresse à la nuit comme il adressera les discours sur les chemins de fer à la Chambre des Députés ou le discours sur le drapeau rouge à la foule. […] L’enfant qui vient est une foule innombrable, que la vie réduit assez tôt à un seul individu, celui qui se manifeste et qui meurt.

1580. (1923) Critique et conférences (Œuvres posthumes II)

Pommier n’a, lui, qu’un personnage dans tout son poème ; mais son héros, c’est la Foule, c’est le Monde, c’est l’Humanité… » — Ça y est-il ? […] De nos jours, Charles Baudelaire, Barbey d’Aurevilly ne lui marchandèrent pas un enthousiasme qu’ils n’avaient guère l’habitude de prodiguer, et, tout récemment, M. le comte Robert de Montesquiou Fezenzac, poète lui-même glorieux déjà, et à qui je suis heureux de rendre hommage publiquement, attirait au Théâtre d’Application une foule de gens du monde et de lettrés, qu’il captivait par l’éloquent éloge et de judicieuses citations de ce poète délicieux et puissant.

1581. (1861) La Fontaine et ses fables « Troisième partie — Chapitre I. De l’action »

Mourir pour le pays est un si digne sort, Qu’on briguerait en foule une si belle mort.

1582. (1858) Cours familier de littérature. VI « XXXIIe entretien. Vie et œuvres de Pétrarque (2e partie) » pp. 81-155

Il choisit l’italien, pour que le nom de son idole retentisse plus loin dans la foule et donne à ce nom l’immortalité des multitudes, la popularité ; il crée une langue pour la chanter !

1583. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLVe entretien. Examen critique de l’Histoire de l’Empire, par M. Thiers (2e partie) » pp. 177-248

Il y avait souvent foule dans la cour des Tuileries pour assister à leur arrivée et à leur départ.

1584. (1861) Cours familier de littérature. XI « LXVe entretien. J.-J. Rousseau. Son faux Contrat social et le vrai contrat social (1re partie) » pp. 337-416

Incapable d’activité dans la foule, incapable de repos dans la solitude, recueilli par la famille de Girardin, à Ermenonville, dans un dernier ermitage, il y meurt d’une mort problématique, naturelle selon les uns, volontaire selon les autres : le mystère après la folie. — Le moins raisonnable et le plus grand des écrivains des idées des temps modernes repose, jeté par le hasard, sous des peupliers, dans une petite île d’un jardin anglais, aux portes d’une capitale, lui qui, dans sa mort comme dans sa vie, sembla le plus misanthrope des hommes en société, et le plus incapable de se passer de leur enthousiasme.

1585. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXXIe entretien. Socrate et Platon. Philosophie grecque (1re partie) » pp. 145-224

Simple artisan, ou plutôt artiste, mais artiste d’un talent bien inférieur aux grands statuaires de son temps à Athènes, il sculptait dans son atelier à peine autant qu’il était nécessaire pour nourrir sa femme et ses enfants ; sans cesse distrait du ciseau par la pensée, ouvrant sa porte à tout le monde, interrompant son travail pour répondre aux questions qu’on lui adressait sur toutes choses, courant ensuite de porte en porte et accostant lui-même les passants pour leur parler des choses divines, consumé du zèle de la vérité, missionnaire des foules, semant le bon grain à tout vent de la rue ou de la place publique : homme qu’on aurait considéré comme un fou, s’il n’avait pas été un modèle de toute vertu et un oracle de toute sagesse.

1586. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXIIe entretien. L’Imitation de Jésus-Christ » pp. 97-176

On ne voit pas la main qui les partage dans la foule, et tout le monde se sent nourri.

1587. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXIIIe entretien. Fior d’Aliza » pp. 177-256

Gosselin m’annonçant que le public d’élite se portait en foule à sa librairie pour retenir les exemplaires, et un billet de l’oracle, le prince de Talleyrand, à son amie, la sœur du fameux prince Poniatowski, billet qu’elle m’envoyait à huit heures du matin, et dans lequel le grand diplomate lui disait qu’il avait passé la nuit à me lire, et que l’âme avait enfin son poète.

1588. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre neuvième »

Génie inépuisable, il a fait la part de tout le monde avec une libéralité sans exemple, écrivant pour la cour et la ville, pour les gens capables de tirer profit des plaisirs du théâtre comme pour ceux qui ne veulent que s’y divertir : composant les bouffonneries pour la foule, les chefs-d’œuvre pour les lettrés sévères et pour les hommes de génie, ses égaux ; défrayant de ses pièces le présent et l’avenir, la France et le monde ; le plus grand nom de notre théâtre par la fécondité et par cette plénitude de génie propre à lui seul, qui fut sans commencement et sans déclin, et qui anima de la même vie les premiers croquis où il s’essayait dans son art, et les immortels tableaux où il en atteignit la perfection.

1589. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XVI. La littérature et l’éducation publique. Les académies, les cénacles. » pp. 407-442

En notre siècle, sous l’action des idées démocratiques, le purisme a été vaincu ; les mots nouveaux ont fait en foule irruption.

1590. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 mai 1885. »

Voyez-vous l’intolérance qui consiste à dire à la foule : « Voilà une œuvre d’art remarquable, profonde, magnifique.

1591. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre premier. La sensation, dans son rapport à l’appétit et au mouvement — Chapitre premier. La sensation »

Une foule d’éléments vibrent donc à la fois dans la plus simple excitation lumineuse, et les éléments de la sensation, ici, sont présents à la conscience sous la forme de l’effet total, quoique non séparés les uns des autres.

1592. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre cinquième. Principales idées-forces, leur genèse et leur influence — Chapitre deuxième. L’idée de l’espace. Son origine et son action »

Comme le mouvement est analysable en positions occupées à divers moments par le mobile, une foule de philosophes, après Kant et Schopenhauer, ont nié à tort la possibilité de sentir ou percevoir le fait du mouvement actuel : ils ont attribué au chien qui voit fuir le lièvre, à l’enfant qui voit passer une bougie devant ses yeux, une analyse plus ou moins consciente des positions successives.

1593. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1860 » pp. 303-358

Et le voici, montant cet escalier du bal de l’Opéra, qu’il n’a pas vu depuis quinze ans, le voici à mon bras, perdu dans cette foule, comme un roi perdu dans son royaume : lui, Gavarni, qui pourrait dire : « Le carnaval, c’est moi ! 

1594. (1856) Cours familier de littérature. I « IIIe entretien. Philosophie et littérature de l’Inde primitive » pp. 161-239

La pensée d’un seul est le levain d’une multitude, la vertu d’un seul sanctifie une foule, le sang d’un seul rachète une race ; le plus glorieux ou le plus humble dévouement sauve ou grandit tout un siècle.

1595. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre I : Variations des espèces à l’état domestique »

D’après cela, il aurait dû exister, en Europe seulement, une foule d’espèces de Bœufs sauvages, autant d’espèces de Moutons, plusieurs sortes de Chèvres.

1596. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — I. Faculté des arts. Premier cours d’études. » pp. 453-488

Une foule de minéralogistes qui ont écrit en allemand ou qui ont été traduits43 de cette langue en français.

1597. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « III. M. Michelet » pp. 47-96

Pourquoi ce Livre d’Or d’une noblesse recherchée et retrouvée dans cette foule que le poète Barbier appelle une sainte canaille et qui est bien au-dessus de tous les blasons du génie, de la gloire et du caractère, privilèges insolents de toutes les grandes personnalités de l’histoire ?

1598. (1912) Chateaubriand pp. 1-344

Là, nous fûmes entourés d’une foule curieuse ; les jeunes gens surtout nous souriaient avec complaisance, plusieurs nous serrèrent secrètement la main. […] Ils brûlaient du désir d’être aussi grands que lui, sans prendre assez garde que la commune mesure est incertaine et fuyante entre l’œuvre d’un chef d’armée et d’État et celle d’un écrivain, et que les « grandeurs de chair » ont trop d’avantages, aux yeux grossiers de la foule, sur les grandeurs spirituelles, surtout quand l’esprit n’est pas absent de ces « grandeurs de chair » elles-mêmes. […] Les arts peuvent jusqu’à un certain point vivre dans la dépendance, parce qu’ils se servent d’une langue à part qui n’est pas entendue de la foule ; mais les lettres qui parlent une langue universelle, languissent et meurent dans les fers. […] On se souvient surtout de son cri : « Être éternel, rassemble autour de moi l’innombrable foule de mes semblables ; qu’ils écoutent mes confessions, qu’ils gémissent de mes indignités, qu’ils rougissent de mes misères… Puis, qu’un seul te dise, s’il l’ose : je fus meilleur que cet homme-là. » Mais cela est une bravade ; puis cela revient à dire, en somme, que les autres ne valent pas mieux que lui. […] Maintenant la foule de mes jours a passé, et, en se dissipant, me laisse mieux voir ton visage. » Ainsi rêve l’harmonieux vieillard, inconsolable, mais toujours consolé.

1599. (1893) Impressions de théâtre. Septième série

Mais on peut dire qu’il proscrit, d’abord, les réalités laides et offensantes, celles dont la révélation publique ne saurait que troubler l’esprit, accabler le cœur et souiller l’imagination des foules. […] C’est donc, en dernière analyse, la foule qui fait la bonté de l’une et de l’autre. Cette théorie, poussée à l’extrême, interdirait toute espèce de progrès et de renouvellement ; car, pour plaire à la foule, il ne faut pas trop dépasser la foule, et les meilleures conférences resteraient donc celles du regretté Lapommeraye. […] Il dit ce qu’il faut dire, fait les gestes qu’il faut faire, concilie la simplicité et la dignité et soulève les foules rien que par la façon dont il embrasse les petites filles qui lui apportent des bouquets.

1600. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre I. La Renaissance païenne. » pp. 239-403

Puis cette troupe de païens marche vers l’église et le cimetière au son des flûtes, au roulement des tambours, dansant, faisant tinter leurs clochettes, faisant flotter, comme des fous, leurs mouchoirs sur leurs têtes, pendant que les chevaux de bois et autres monstres escarmouchent à travers la foule. […] Il faut choisir dans cette foule de poëtes ; en voici un, l’un des premiers, qui montrera par ses écrits comme par sa vie les grandeurs et les folies des mœurs régnantes et du goût public ; sir Philip Sidney, neveu du comte de Leicester, un grand seigneur et un homme d’action, accompli en tout genre de culture, qui, après une éducation approfondie d’humaniste, a voyagé en France, en Allemagne et en Italie, a lu Aristote et Platon, étudié à Venise l’astronomie et la géométrie, médité les tragédies grecques, les sonnets italiens, les pastorales de Montemayor, les poëmes de Ronsard, s’intéressant aux sciences, entretenant un commerce de lettres avec le docte Hubert Languet ; avec cela, homme du monde, favori d’Élisabeth, ayant fait jouer en son honneur une pastorale flatteuse et comique, véritable « joyau de la cour », arbitre, comme d’Urfé, de la haute galanterie et du beau langage ; par-dessus tout chevaleresque de cœur et de conduite, ayant voulu courir avec Drake les aventures maritimes, et, pour tout combler, destiné à mourir jeune et en héros. […] Nul rêve de peintre n’égale ces visions, ce flamboiement de la fournaise sur les parois des cavernes, ces lumières vacillantes sur la foule, ce trône et cet étrange scintillement de l’or qui partout luit dans l’ombre.

1601. (1853) Histoire de la littérature française sous la Restauration. Tome I

On les avait promulguées dans les formes les plus solennelles, au milieu de ces fêtes de la Fédération, qui réunissaient une foule enthousiaste au Champ de Mars. […] C’est ainsi qu’elle devint, plus que dans tous les autres temps, un cours de principes littéraires, philosophiques, moraux et religieux, appliqué à une foule d’écrits anciens, modernes, contemporains, français et étrangers. […] Royer-Collard n’attira point la foule : les préoccupations, nous l’avons dit, étaient ailleurs ; mais il attira un auditoire d’élite, des élèves destinés à devenir des maîtres, et qui se montraient passionnés pour un tel professeur. […] Toutes ses paroles inspiraient cette conviction profonde et réfléchie qui est d’autant plus communicative qu’elle s’exprime avec plus de modération, et lorsqu’on voyait les rangs si pressés de ces jeunes hommes dont la foule s’assemblait autour de lui, il eût été difficile de ne pas reconnaître qu’il y avait dans ses discours quelque chose de merveilleusement adapté aux instincts de cet âge que les passions peuvent égarer, mais qui se soumet assez volontiers à une démonstration qui ait un grand caractère de bonne foi. […] Dans l’été de 1806, l’enceinte de la chapelle des Allemande n’avait pu suffire à la foule des auditeurs.

1602. (1903) La vie et les livres. Sixième série pp. 1-297

D’un geste glorieux il élève, au-dessus de la foule, « avec un air sublime », la couronne d’or où flamboient des pierres précieuses… Au premier rang des gradins où sont échelonnés les compagnons et les amis de ce soldat vainqueur, une vieille femme est assise, engoncée dans une parure de gala, immobile, extasiée comme une idole byzantine. […] Il sait bien qu’aucune force temporelle ou spirituelle — armée de canons ou munie de dogmes — ne peut résister à l’insaisissable influence des idées et des mots qui courent parmi la foule anonyme et moutonnière. […] Chaque fois que dans un État l’autorité tombe en déshérence, que la loi est inefficace et que les cadres administratifs sont brisés par l’excès de l’arbitraire ou par les vices des gens en place, le pouvoir effectif passe entre les mains sauvages de la foule. […] Les placards qui excitent les foules au massacre et à l’incendie sont parfois libellés en vers par les plus ingénieux rhétoriciens de la caste lettrée.

1603. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Madame de Verdelin  »

Veut-on causer, on ne trouve pas une idée dans cette tête, ou, dans d’autres moments, on en découvre une foule de si petites, si petites, qu’elles se perdent en l’air avant que d’arriver à votre oreille.

1604. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Delille »

., dans lequel il met en évidence les emprunts innombrables qu’a faits ce poète à une foule d’auteurs qui ont traité avant lui les mêmes sujets. » L’inventaire, s’il est complet, serait en effet singulièrement curieux à connaître et guiderait utilement le lecteur dans ce véritable magasin de poésie.

1605. (1875) Premiers lundis. Tome III « Du point de départ et des origines de la langue et de la littérature française »

Raynouard et M. d’Orell de Zurich, non-seulement il a complété, perfectionné, agrandi les recherches de ces deux savants philologues par une foule d’observations très-fines et très-justes, mais encore il a conçu et exécuté sur les dialectes français un travail dont personne avant lui ne paraît avoir eu l’idée26. » Il divisa la langue d’oïl et la rangea en trois principaux dialectes, le picard, le normand et le bourguignon.

1606. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Deuxième partie. — L’école critique » pp. 187-250

Elle découvre en un clin d’œil une foule d’aperçus, dont la piquante variété ne semble point impliquée dans la sensation simple du comique ou du beau, et l’on ne conçoit pas par quelle mystérieuse analyse elle a su tirer tant de choses, du fait d’être émue et d’admirer.

1607. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre deuxième. Les images — Chapitre premier. Nature et réducteurs de l’image » pp. 75-128

Il m’est arrivé plusieurs fois de lui abaisser moi-même les paupières, et aussitôt elle me nommait une foule d’objets qui lui apparaissaient ».

1608. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre VI. La poésie. Tennyson. »

C’est le soir, les rues flamboient, une poussière lumineuse enveloppe la foule affairée, bruissante, qui se presse, se coudoie, s’entasse et fourmille aux abords des théâtres, derrière les vitres des cafés.

1609. (1858) Cours familier de littérature. VI « XXXVIe entretien. La littérature des sens. La peinture. Léopold Robert (1re partie) » pp. 397-476

La peinture ne faisait qu’imprimer sur ces murailles des dessins sans perspective, plats comme ces murailles elles-mêmes ; elle ne savait qu’éblouir les yeux de la foule par des éclaboussures de couleurs violentes à travers les vitraux peints des ogives des temples ; elle restait dans l’enfance.

1610. (1859) Cours familier de littérature. VII « XLIIe entretien. Vie et œuvres du comte de Maistre » pp. 393-472

Ces oracles sont d’autant plus recueillis dans l’élite qu’ils se répandent moins dans la foule.

1611. (1860) Cours familier de littérature. X « LVe entretien. L’Arioste (1re partie) » pp. 5-80

Une série d’aventures moitié plaisantes, moitié sérieuses, toutes féeriques, poursuivent la belle Angélique obsédée par une foule de chevaliers de chant en chant ; Renaud, Bradamante, Roger, Pinabel, et vingt autres guerriers ou guerrières apparaissent, disparaissent, combattent, adorent, s’évanouissent pour reparaître encore comme des fantômes de l’imagination dans une nuit semée de feux follets, mais tous dans des aventures pittoresques décrites en vers, tantôt épiques, tantôt comiques, qui embarrassent quelquefois la mémoire du lecteur, sans lasser sa curiosité et son admiration.

1612. (1865) Cours familier de littérature. XX « CXVIIIe entretien. Littérature américaine. Une page unique d’histoire naturelle, par Audubon (2e partie) » pp. 161-239

C’est là qu’au premier printemps et avant de commencer à bâtir, les deux sexes se rendent en foule depuis une heure ou deux avant le coucher du soleil, jusque bien longtemps après nuit close.

1613. (1865) Cours familier de littérature. XX « CXIXe entretien. Conversations de Goethe, par Eckermann (1re partie) » pp. 241-314

. — La foule s’éloigna.

1614. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre IV. Les tempéraments et les idées (suite) — Chapitre V. Jean-Jacques Rousseau »

Des cailloux furent lancés contre ses vitres : l’imagination du philosophe lui représenta toute une foule ardente à le lapider.

1615. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre I — Chapitre troisième »

En l’absence du coupable, qui ne peut être interrogé, le président demande s’il se trouve dans l’assemblée quelque avocat d’office qui veuille prendre sa défense, Une foule immense se lève en tumulte, jeunes, vieux, gens des deux sexes et de toutes conditions, les uns pour excuser le coupable, les autres pour renchérir sur l’acte d’accusation.

1616. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « VII »

Leroy était l’un des plus anciens wagnéristes français ; il avait en un grand nombre de journaux combattu assidûment et dès l’origine pour la cause wagnérienne ; citons ses articles du Nain jaune, en 1865, sur Tristan qu’il avait été voir à Munich avec trois compatriotes : on n’allait pas encore en foule en Allemagne alors !

1617. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre cinquième. Principales idées-forces, leur genèse et leur influence — Chapitre cinquième. Genèse et action des principes d’identité et de raison suffisante. — Origines de notre structure intellectuelle »

Il se retrouve dans une foule de perceptions, comme celles de pression, de résistance, de coup, de choc, etc. ; il se retrouve dans la sensation d’une vive lumière qui s’impose à nos yeux, d’un son qui envahit nos oreilles.

1618. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1857 » pp. 163-222

Nous qui ne croyons pas qu’avec l’argent on puisse se procurer ni un sens, ni même un bonheur de plus, nous userions de l’argent expérimentalement, nous ferions des folies de dépenses pour essayer entre quatre murs notre originalité, et la légèreté spécifique d’une grosse somme, et le soufflet qu’on peut donner aux adorations de la foule et de la plèbe des riches.

1619. (1887) Journal des Goncourt. Tome II (1862-1865) « Année 1864 » pp. 173-235

Toute cette foule, semblable à un grouillement d’êtres sortis de terre, amassée en un clin d’œil.

1620. (1888) Journal des Goncourt. Tome III (1866-1870) « Année 1869 » pp. 253-317

Alors, un moment, c’est une suspension de respiration qui retient tous les souffles, puis, la mort, cela court, dans un murmure tout bas, sur toutes les lèvres… Dans la surprise sinistre et inattendue de ce « oui » sans circonstances atténuantes, il semble qu’il passe le froid d’une grande terreur, et l’immense frisson de tout le cœur d’une foule, remontant au tribunal, donne à ces froids exécuteurs de la Loi, le contre-coup de l’émoi humain du public.

1621. (1894) Journal des Goncourt. Tome VII (1885-1888) « Année 1887 » pp. 165-228

C’est un constructeur d’individus, un metteur en scène des foules, des multitudes : tout cela avec un peu de confusion, un peu de brouillard à travers les pages du bouquin ; mais ça ne fait rien, Le Bilatéral est un maître livre.

1622. (1857) Cours familier de littérature. III « XVIIe entretien. Littérature italienne. Dante. » pp. 329-408

Quand le poète est aussi médiocre que son pays, son peuple, son époque, ces poésies sont entraînées dans le courant ou dans l’égout des siècles avec la foule qui les goûte.

1623. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XVIII. J.-M. Audin. Œuvres complètes : Vies de Luther, de Calvin, de Léon X, d’Henri VIII, etc. » pp. 369-425

Audin n’a pas caché la sienne ; mais naturellement, par le fait de son amour de l’étude et du recueillement, par la tournure d’une imagination tout à la fois positive et rêveuse, par l’élévation d’un caractère qui se trouvait seul en s’élevant, il a vécu à peu près caché à la foule, même à ceux-là qui auraient besoin, dans l’intérêt de sa renommée, d’ausculter et de savoir sa vie.

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