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1174. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Le général Joubert. Extraits de sa correspondance inédite. — Étude sur sa vie, par M. Edmond Chevrier. — I » pp. 146-160

Le malheur du jeune général que nous verrons sortir si brillamment victorieux, si intrépide et si habile dans les luttes prochaines où il n’était que lieutenant et en second, ce fut, à une certaine heure, d’avoir été poussé au premier rang, d’y être arrivé dans tous les cas trop tôt, et par le jeu des partis qui s’inquiètent peu de vous compromettre et de vous briser, pourvu que vous leur serviez d’instrument un seul jour.

1175. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Le général Joubert. Extraits de sa correspondance inédite. — Étude sur sa vie, par M. Edmond Chevrier. — III » pp. 174-189

M. de Sémonville, que nous avons connu de tout temps si actif, si empressé à se mêler du jeu des événements publics et de leurs chances, avait enlacé Joubert par le plus sûr des liens ; une jeune personne charmante, sa belle-fille32, avait fait impression sur le cœur du général, et allait devenir sa femme.

1176. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Mélanges religieux, historiques, politiques et littéraires. par M. Louis Veuillot. » pp. 64-81

Je dis que le cadre est faux, car je ne crois pas que la religion doive se prêter à ce jeu-là. — Je dis qu’il est commode, car du haut de la religion, de cette idée inexpugnable et infaillible, on est à l’aise pour courir sus à toutes les opinions et à tous les partis, au siècle tout entier.

1177. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Lettres de Madame de Sévigné »

Elle plaisante, il joue, il a provoqué le jeu et il se fâche.

1178. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Mémoire de Foucault. Intendant sous Louis XIV »

Il m’en a coûté 80 liv. pour l’offrande, présent à l’œuvre, quêteuse et menus frais. » Bien des années après, intendant de Caen, ayant par extraordinaire joué au lansquenet, au jeu de Monsieur, frère de Louis XIV, qui, à la tête d’une armée, avait son quartier général à Pontorson, il note qu’il a perdu 4,000 livres.

1179. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Térence. Son théâtre complet traduit par M. le marquis de Belloy »

Dans ces jeux de l’érudition et du goût, l’original sans cesse relu, manié et remanié à plaisir, devenait chose familière, facile, non apprise, mais sue de tout temps et comme passée en nous, on ne l’oubliait plus.

1180. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Souvenirs d’un diplomate. La Pologne (1811-1813), par le baron Bignon. »

Appelé au printemps de cette année 1807 à rejoindre la partie du Corps diplomatique de Paris qui avait suivi le quartier général de Napoléon, il nous dit un mot des moyens et des ressorts qui furent mis en jeu auprès du ministre des Affaires étrangères, M. de Talleyrand.

1181. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Entretiens sur l’histoire, par M. J. Zeller. Et, à ce propos, du discours sur l’histoire universelle. (suite.) »

L’imagination a beau jeu, on le conçoit, pour grouper à sa fantaisie les nuages et les assembler en toutes sortes de figures monstrueuses ou grandioses à ces horizons les plus lointains de l’histoire.

1182. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Mémoires du comte Beugnot »

Cependant l’observateur, en lui, avait de quoi désennuyer le ministre d’État honoraire, en exerçant son mépris des hommes et sa critique des gouvernements : exclu de la scène, il ne cessait d’avoir l’œil dans les coulisses de la politique, et il se riait du jeu des acteurs.

1183. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Le comte de Clermont et sa cour, par M. Jules Cousin. (Suite.) »

Rien de plus éphémère que ces jeux et ces spectacles de société.

1184. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. BRIZEUX (Les Ternaires, livre lyrique.) » pp. 256-275

Elle tient encore, si je l’ose dire, de celle de la chèvre125 qui, après avoir bondi d’un saut abrupt, tout d’un coup, au lieu de courir, tourne court au bord du précipice et s’y tient pendante avec hardiesse dans un arrêt net et élégant : de l’autre côté du ravin le promeneur indécis ne sait d’abord si c’est un jeu du rocher, et admire.

1185. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « GLANES, PÖESIES PAR MADEMOISELLE LOUISE BERTIN. » pp. 307-327

La forme atteste une main habile et presque virile d’artiste ; le fond exprime une âme de femme délicate et ardente, mais qui a beaucoup pensé, et qui ne prend guère l’harmonie des vers comme un jeu.

1186. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Sur la reprise de Bérénice au Théâtre-Français »

Si jamais pièce réclama à bon droit chez le spectateur ce jeu quelque peu complaisant de l’imagination et du souvenir, c’est à coup sûr Bérénice ; mais cette complaisance n’exige pas un effort bien pénible, et l’on n’a pas trop à se plaindre, après tout, d’être simplement obligé, pour subir le charme, de se ressouvenir de Madame, de ces belles années d’un grand règne, des nuits enflammées et des festons où les chiffres mystérieux s’entrelaçaient.

1187. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Chapitre VII. De l’esprit de parti. »

Il y a un moment de jouissance dans toutes les passions tumultueuses, c’est le délire qui agite l’existence, et donne au moral l’espèce de plaisir que les enfants éprouvent dans les jeux qui les enivrent de mouvement et de fatigue : l’esprit de parti peut très bien suppléer à l’usage des liqueurs fortes ; et si le petit nombre se dérobe à la vie par l’élévation de la pensée, la foule lui échappe par tous les genres d’ivresse ; mais quand l’égarement a cessé, l’homme qui se réveille de l’esprit de parti, est le plus infortuné des êtres.

1188. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Préface » pp. 1-22

Ici même, notre étude des sensations et des images nous a conduits à une hypothèse sur la structure, les connexions et le jeu intime des cellules cérébrales.

1189. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Gaston Paris et la poésie française au moyen âge »

Pour comprendre et pour aimer certains sentiments, il faut du moins en porter les germes en soi, il faut être capable de les ressusciter, fût-ce par jeu, de les éprouver, fût-ce un moment et en sachant bien que c’est une comédie intérieure qu’on se donne et dont on reste détaché.

1190. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « (Chroniqueurs parisiens III) Henri Rochefort »

Il a souffert pour sa cause ; et si peut-être il n’avait pas la foi avant son exil, il a bien pu l’avoir après : on ne veut point avoir souffert pour un simple jeu d’esprit.

1191. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Deuxième partie. Ce qui peut être objet d’étude scientifique dans une œuvre littéraire — Chapitre II. L’analyse interne d’une œuvre littéraire » pp. 32-46

Croit-il lui-même aux choses dont il parle ou se fait-il un jeu des inventions qu’il prodigue ?

1192. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XIX. Cause et loi essentielles des variations du gout littéraire » pp. 484-497

C’est à ce besoin de changement que répondent mille choses dans la vie de tous les jours : l’institution des récréations et des vacances dans les écoles ; l’habitude d’entremêler dans l’enseignement divers sujets d’études, histoire, langues, mathématiques ; les brusques volte-face de la mode ; le goût des voyages et des jeux ; les règles de rhétorique qui recommandent à l’écrivain de réveiller l’attention par la diversité des tournures, etc.

1193. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXXII » pp. 355-377

Elle est très occupée de ses ouvriers, et va à Saint-Cloud où elle joue au Hoca. » Ce jeu de hasard était devenu en vogue après la bassette.

1194. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Raphaël, pages de la vingtième année, par M. de Lamartine. » pp. 63-78

Le poète descriptif intervient indiscrètement, avec ses artifices et ses jeux de pinceau, au milieu des sentiments bien autrement personnels et égoïstes d’un amour naissant.

1195. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Marie-Antoinette. (Notice du comte de La Marck.) » pp. 330-346

Elle pouvait aimer comme elle faisait la liberté des entretiens et des jeux, la familiarité des intérieurs ; elle pouvait jouer à la vie de bergère ou de femme à la mode, il lui suffisait de se lever, de reprendre en un rien son air de tête : elle était reine.

1196. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre cinquième. Principales idées-forces, leur genèse et leur influence — Chapitre troisième. L’idée-force du moi et son influence »

Dès qu’une substance nerveuse reçoit le choc des forces extérieures, quelque désordonnées, multiples et diverses que soient ces forces, une résultante s’établit bientôt, par le seul jeu des lois mécaniques ; un rythme se produit, une forme quelconque qui permet la distribution et l’intégration des forces.

1197. (1886) Quelques écrivains français. Flaubert, Zola, Hugo, Goncourt, Huysmans, etc. « Les romans de M. Edm. de Goncourt » pp. 158-183

Dans le foyer du cirque où les frères Zemganno attendent avant d’entrer en scène, les objets se diffusent sous les rayonnements que note l’auteur : C’étaient et ce sont sur ces tableaux rapides, sur ces continuels déplacements de gens éclaboussés de gaz, ce sont en ce royaume du clinquant, de l’oripeau, de laa peinturlure des visages, de charmants et de bizarres jeux de lumière.

1198. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre premier. Considérations préliminaires » pp. 17-40

Le roi est un homme sorti du milieu de la multitude, par le jeu incertain des circonstances, pour maintenir un ordre voulu par tous, pour faire exécuter des lois auxquelles tous ont participé.

1199. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « III — Les deux cathédrales »

C’est à travers le flot des puériles légendes, des naïves ignorances, des obscures allégories, charrié par le moyen âge, — et qui sont pour l’humanité comme ces jeux de la première enfance dont l’individu conserve un souvenir confus, — c’est, orné de cette végétation mystique, qu’il entrevoit le monument où l’humanité d’hier pétrifia son rêve du divin, et qu’il en exalte la signification tout à la fois d’orgueil et d’humilité.

1200. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXXIII. Des éloges ou panégyriques adressés à Louis XIV. Jugement sur ce prince. »

Une autre année, panégyrique sur les jeux et les divertissements que Louis XIV donnait trois fois la semaine dans le grand appartement de Versailles.

1201. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXXVIII et dernier. Du genre actuel des éloges parmi nous ; si l’éloquence leur convient, et quel genre d’éloquence. »

vous tromperez tout au plus l’âme indifférente et glacée qui n’a pas le secret de cette langue ; mais l’âme sensible, vous la repoussez ; elle démêle votre jeu, vos systèmes, vous voit arranger vos ressorts ; votre ton n’est pas le sien, et vos âmes ne sont pas faites pour s’entendre.

1202. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre V. La Renaissance chrétienne. » pp. 282-410

. —  Il n’y avait point de maisons de jeu, ni de maisons de filles. On ne voyait et on n’entendait dans les rues ni jurons profanes, ni ivrognerie, ni aucune sorte de débauche… Les soldats du Parlement accouraient en foule aux sermons, parlaient de religion, priaient et chantaient des psaumes ensemble en montant la garde. » En 1644, le Parlement défendit de vendre des denrées le dimanche, « de voyager, de transporter des fardeaux, de faire aucun travail mondain, sous peine de dix schillings d’amende pour le voyageur, et de cinq schillings pour chaque charge », de « prendre part ou d’assister à aucune lutte, sonnerie de cloches, tir, marché, buvette, danse, jeu, sous peine d’une amende de cinq schillings pour chaque personne au-dessus de quatorze ans. […] Dès l’enfance, comme sainte Thérèse, Bunyan eut des visions, « étant grandement troublé par la pensée des tourments horribles du feu de l’enfer », triste au milieu de ses jeux, se croyant damné, et si désespéré « qu’il souhaitait être un démon, supposant que les démons sont seulement bourreaux, et qu’il vaut mieux encore être tourmenteur que tourmenté411. » C’était déjà l’obsession des images précises et corporelles. […] Un jour que le ministre de sa paroisse prêchait contre la danse, les jurons et les jeux, il se frappa de cette idée que le sermon était pour lui, et rentra dans sa maison plein d’angoisse. […] En véritable enfant, uniquement touché de la sensation présente, il fut ravi, sauta dehors et courut au jeu.

1203. (1861) Questions d’art et de morale pp. 1-449

Pour ne chercher que l’exactitude historique du costume et des détails, beaucoup d’œuvres de nos jours n’en sont pas historiquement plus vraies et perdent à ce jeu puéril toute signification morale. […] Notre siècle a professé bien haut le culte de Shakespeare, sans l’absoudre de ces taches grossières, de ces équivoques, de ces jeux de mots qui déshonorent son style. […] Il est certain que les tours de Notre-Dame ont beau jeu contre la Bourse et la Madeleine. […] Cette communion de l’homme avec les deux natures engendre en lui des états distincts qui mettent en jeu diverses facultés et qui ont leur siège dans des régions particulières de l’âme. […] Pour que l’art soit ce qu’il doit être, une parole adressée à notre âme, il faut qu’il mette en jeu l’esprit des choses, leur caractère moral.

1204. (1854) Nouveaux portraits littéraires. Tome II pp. 1-419

Elle joue délibérément ce jeu dangereux, qui pourrait à bon droit passer pour de l’égoïsme, si elle le continuait avec tous les hommes sans faire acception de la sincérité des sentiments qu’elle éveille. […] Bulwer a mis en jeu. […] L’analyse individuelle des caractères mis en jeu par M.  […] Une telle comparaison n’eût pas été un pur jeu de rhéteur. […] Pour lui la volupté n’a plus d’ivresse, le jeu plus d’émotions, le vin plus de saveur.

1205. (1903) Propos de théâtre. Première série

Et c’est un jeu de lettré infiniment intéressant. […] Je sais bien que tout cela est le jeu de l’ilote ivre à Lacédémone. […] On peut reculer le fait tout à la fin du drame et disposer sous les yeux du public les ressorts qui le produisent : leur jeu constitue l’action dramatique. […] Je mettrai le roi lui-même en jeu pour le tirer d’embarras. […] Sa fréquence irritée, sa trop grande impatience à tirer et à secouer le tapis de la table sont des jeux de scène, qui, trop accentués, pèchent contre la vraisemblance.

1206. (1910) Propos de théâtre. Cinquième série

Ils ne sont pas des hommes qui, à la fois, se font du monde un jeu et à la fois l’enveloppent d’une sympathie souriante. […] Ce sont là jeux de prince où les plus délicats ne voient rien de mal et plutôt seraient portés à voir un honneur fait par eux à des hommes de lettres. […] Jules Lemaître a pris jadis les choses ainsi), qui est, à la vérité, un des jeux ordinaires de la muse cornélienne. […] Dans une parodie de Marion Delorme, on raille évidemment le jeu emporté et violent de Mme Dorval. […] Le principal caractère de son jeu… c’est le jet inattendu et toujours brûlant de ses impressions.

1207. (1905) Propos littéraires. Troisième série

Ce ne sont plus là jeux d’enfants et divertissements de salon. […] Nous disons couramment, par goût du jeu de mots : la France est un pays de protectorat. […] Voyons, c’est un jeu de société. […] Le jeu des idées a été pour lui un ravissement de toutes ses heures et un épanouissement harmonieux et facile de toutes ses forces. […] Ce père joue très gros jeu.

1208. (1895) La vie et les livres. Deuxième série pp. -364

Il s’amusait à montrer l’impuissance misérable de l’esprit classique et les échecs où court la raison raisonnante lorsqu’elle entreprend de lutter par un jeu logique contre la croyance au surnaturel. […] Il n’a jamais caché sa répugnance pour les spéculations purement rationnelles, pour le jeu aride des formules simples, les généralités hasardées, les aperçus superficiels et les pesants enfantillages des faiseurs de syllogismes. […] À ce jeu on devient peut-être aussi sage que l’abbé Sri-Smangala, supérieur du monastère de Kandy, dans l’île de Ceylan. […] Les clubmen se plairont aux réflexions ingénieuses que le jeu suggère au sage. […] Le jeu est muet, aveugle et sourd.

1209. (1905) Propos de théâtre. Deuxième série

Mais le jeu est amusant, et je n’ai pas le courage d’en détourner les autres ni de me l’interdire. […] Grâce au jeu de M.  […] Elle n’a pas assez de jeux de physionomie ni assez de gestes expressifs ; et si M.  […] Mais il faut reconnaître que son jeu tout seul méritait une insigne faveur. […] À mettre plus d’action dans le jeu, « la dignité tragique » eût été blessée.

1210. (1911) Études pp. 9-261

Elle se lève, danse, se passionne et pleure dans le palais qu’elle s’est choisi et dans ses jeux enfermés elle s’emploie tout entière, si bien qu’elle n’a pas l’idée d’échapper à une contrainte dont elle ne saurait s’apercevoir. […] Elle les secoue, elle les fait tournoyer en des jeux qui imitent ils ne savent quoi de disparu. […] Ou plutôt : leurs divergences, leurs innombrables contrariétés, leurs jeux, leurs allées et venues, en s’approfondissant, se sont joints en un seul mouvement exquis et caché ; on ne voit plus bouger la phrase, mais le livre passe, s’écoule. […] Chacune, dès qu’on la touche, tire toutes les autres, on ne sait pas comment ; c’est un jeu délicat de liaisons réciproques, c’est la relation, au sens propre du mot : Et la relation ? […] Avec toutes ses idées qu’il tient délicatement en jeu, il imite le monde.

1211. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Ma biographie »

Après des mois d’ennuis et de fatigue ingrate, Lui, d’étude amoureux et que la Muse flatte, S’il a vu le moment qu’il peut enfin ravir, Sans oublier jamais son Virgile-elzévir, Il sortait ; il doublait la prochaine colline, Côtoyant le sureau, respirant l’aubépine, Rêvant aux jeux du sort, au toit qu’il a laissé, Au doux nid si nombreux et si tôt dispersé, Et tout lui déroulait, de plus en plus écloses, L’âme dans les objets, les larmes dans les choses. […] comme s’il n’y avait pas un héroïsme incomparable dans ces hommes, dont les uns, bannis, se sont laissé flétrir comme des agents provocateurs pour ne pas aggraver la position de leurs amis accusés ; et dont les autres, voyant leur tête en jeu, ont assumé sur eux seuls la responsabilité fatale pour sauver les moins compromis !

1212. (1861) Cours familier de littérature. XI « LXVe entretien. J.-J. Rousseau. Son faux Contrat social et le vrai contrat social (1re partie) » pp. 337-416

La Grèce bavarde, le Bas-Empire stupidifié par la servitude, le moyen âge romain, fermentant d’un christianisme mal compris, corrompu par Platon, rêvant le règne de Dieu sur la terre, déconseillant le mariage, ce joug divin du couple humain, poussant les hommes et les femmes dans le célibat ascétique pour amener la fin du monde, tuant le travail et la famille par la communauté des biens et par l’égalité démagogique du nivellement dans la misère, faisant le monde viager et indigent, au lieu de le faire, comme le Créateur l’a fait, perpétuel par la propriété, patrimoine de la famille ; l’Italie oisive, l’Allemagne rêveuse, l’Espagne mystique, l’Allemagne somnambule, la Hollande brumeuse, l’Angleterre audacieuse d’originalités excentriques, pullulèrent plus tard de ces machinistes de sociétés idéales, jeux d’osselets quelquefois terribles, comme les anabaptistes d’Allemagne et les jacqueries en France. […] Voltaire avait vécu dans les intrigues de la régence, dans la diplomatie du cardinal de Fleury, dans la cour du grand Frédéric, dans la familiarité des rois et des ministres qui jouaient au jeu des batailles avec la fortune.

1213. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLIIIe entretien. Madame de Staël. Suite. »

La littérature ainsi comprise, au lieu d’être un jeu de l’esprit, devenait une sublime morale révélée par le talent ; c’était le culte du beau inséparable du bien et confondant la vérité et la gloire ; en un mot, la littérature de la conscience au lieu de la littérature de l’imagination. […] Traduire en vers ce qui était fait pour rester en prose, exprimer en dix syllabes comme Pope, les jeux de cartes et leurs moindres détails, ou comme les derniers poëmes qui ont paru chez nous, le trictrac, les échecs, la chimie, c’est un tour de passe-passe en fait de paroles, c’est composer avec les mots, comme avec les notes, des sonates sous le nom de poëme.

1214. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre II. L’antinomie psychologique l’antinomie dans la vie intellectuelle » pp. 5-69

La spéculation peut être une sorte de sport de la pensée, une sorte de jeu supérieur ; elle peut revêtir des formes sociales ou antisociales : dilettantisme philosophique et scientifique ; attitude spectaculaire du contemplateur insoucieux et dédaigneux des intérêts sociaux. […] C’est un jeu de mots puéril et contradictoire sur le mot originalité.

1215. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « VI »

Mais, voilà que lui apparaissent les œuvres de Beethoven ; voilà qu’il entend les derniers quatuors, et qu’une signifiance merveilleuse à lui s’en transissue ; et voilà qu’il se plonge en ces poèmes, les Symphonies, les Sonates, les Ouvertures, et qu’un univers nouveau naît à lui ; « maintenant se révèle une vie toute faite d’esprit, une sensibilité douce tantôt, tantôt effrayante ; fiévreusement, le trouble, puis la paix, et les soupirs et l’angoisse, et la plainte et le transport ; tout cela semble avoir été pris au sol le plus profond de l’âme, et lui être rendu » ; et il comprend que la musique est, non plus l’élargissement d’autres modes de vie artistique, mais le spécial langage du monde spécial de l’âme… « Tirésias avait vu se fermer, devant lui, le monde de l’apparence ; et il avait pu aussi contempler avec ses yeux intérieurs le fond même de toutes les apparences. » Alors qu’importent les jeux des circonstances vaines, et que veut cette chimère, l’action d’un drame extérieur ? […] Mais ici nommerai-je les Meistersinger de Nurnberg, une féerie, intermède de l’œuvre, la fantaisie gracieuse d’un esprit épris un jour d’amusements et de belles frivolités, avec des accents profonds ; aussi les marches, le Festmarsch, le Kaisermarsch, où le génie wagnérien assoiffé de musique s’abandonna par de fous développements, enfin Siegfried-Idyll et quelques antérieures mélodies, tous précieux et plaisants jeux.

1216. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1884 » pp. 286-347

Son frère, qui se trouvait là, citait cette phrase, à lui dite par une de ces femmes, à brûle-pourpoint et sans invite à la chose : « Connaissez-vous le jeu de frotte-nombril ?  […] » * * * — Pas de chance, tant de complications, tant de retards, enfin tant de caps doublés, avec l’espérance de voir jouer Henriette Maréchal, et la mort de La Rounat qui remet tout en jeu.

1217. (1894) Journal des Goncourt. Tome VII (1885-1888) « Année 1886 » pp. 101-162

Mardi 2 novembre J’ai l’intime conviction que tout homme, chez lequel ne se trouve pas un fond d’amour déréglé pour la femme, ou le cheval, ou le jeu, ou la bouteille, ou les bibelots, enfin pour n’importe quoi, que l’homme en un mot, qui n’est par un côté, déraisonnable, dément, ne fera jamais rien en littérature. […] » Et il ajoute : « Au fond, je sais aussi bien qu’un autre, comment on gagne de l’argent au théâtre… et si ça ne va pas, ce que je vais jouer, je me rejetterai sur un Fils de famille. » Samedi 13 novembre C’est bien curieux les variations du jeu au théâtre.

1218. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Edgar Poe »

Assurément, cela est remarquable ; car dans ces jeux avec les nombres, dans ces combinaisons inouïes qui nous font l’effet d’un redoutable phénomène, il y a une prodigieuse faculté. […] Sans aucun doute, dans ce jeu bizarre où l’auteur devient de bonne foi, et, comme l’acteur, se fascine soi-même, il y a (et la Critique doit l’y voir) un naturel de poète dramatique qui, tiré de toutes ces données, sujets habituels des Contes d’Edgar Poe : le somnambulisme, le magnétisme, la métempsycose, — le déplacement et la transposition de la vie, — aurait pu être formidable.

1219. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XVIII. »

Partout, de Constantinople au village d’Arianze, chez ces artisans laborieux des villes que saint Basile nous montre si intelligents de la parole sainte et si curieux des merveilles de la nature, dans ces bourgades hautes semées sur des plaines fécondes, dans les pieuses panégyries, les assemblées, les processions fréquentes que le christianisme ramenait pour ces hommes, de tout temps amis des jeux et des solennités, n’entendez-vous pas, sous ce beau ciel des deux continents qui se rapprochent, parmi les chœurs chantants de cette race heureuse alors, retentir dans le passé cette poésie sainte et pure ? […] Reste pour nous le spectacle même de l’état des âmes décelé par cette poésie : la ferveur dans une foi confuse encore, le jeu de la fantaisie dans l’abstraction même ; quelque chose enfin de semblable aux rêves de Proclus, ramenant les vieilles fables du polythéisme vers une sorte d’allégorie morale, vers un mystique amour de la science et de la vertu.

1220. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Le président Jeannin. — III. (Fin.) » pp. 162-179

Quant à Barneveld, il le goûte et l’estime bien davantage comme un homme dont les qualités patriotiques et civiles concordaient mieux avec les siennes ; il le justifie auprès de Henri IV qui le soupçonnait d’être plus Anglais que Français ; car le ministre de Jacques Ier, ainsi que son maître, bien qu’uni en apparence et allant de concert avec Henri IV, ne jouait pas un jeu très net et très franc.

1221. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Vicq d’Azyr. — I. » pp. 279-295

Des membres de la Société royale, qui étaient à la fois docteurs de la Faculté, protestèrent aussitôt de l’attachement qu’ils avaient pour cette faculté, leur mère commune, et déclarèrent que si un seul de ses droits, une seule de ses prérogatives était en jeu, ils n’hésiteraient pas et renonceraient sur-le-champ à la Société.

1222. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Ramond, le peintre des Pyrénées — I. » pp. 446-462

Les développements en seraient du plus vif intérêt ; le rôle du capitaine Birk, animé du jeu original de Préville, captiverait, échaufferait ; et je garantirais presque la réussite d’une pareille entreprise.

1223. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Œuvres inédites de P. de Ronsard, recueillies et publiées par M. Prosper Blanchemain, 1 vol. petit in-8°, Paris, Auguste Aubry, 1856. Étude sur Ronsard, considéré comme imitateur d’Homère et de Pindare, par M. Eugène Gandar, ancien membre de l’École française d’Athènes, 1 vol. in-8°, Metz, 1854. — II » pp. 76-92

Lors même que, dans le sujet et la fable de Francus, il y aurait eu matière à une composition nationale, il manquait donc la famille des Jules et un Auguste demandant à Virgile L’Énéide au lendemain de son triomphe et de la célébration des jeux de Troie, et comme un magnifique couronnement de la paix du monde.

1224. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Œuvres complètes de Saint-Amant. nouvelle édition, augmentée de pièces inédites, et précédée d’une notice par M. Ch.-L. Livet. 2 vol. » pp. 173-191

Regnier, son rare neveu, S’entendait mieux à ce jeu : Et s’il eût vu cette terre Où Bacchus est en crédit, Je jurerais sur le verre Qu’il n’en aurait pas médit.

1225. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Histoire de la littérature française à l’étranger pendant le xviiie  siècle, par M. A. Sayous » pp. 130-145

Ils font sentir que le tout n’est qu’un jeu, que le poète n’a d’autre vue que de s’égayer et de remporter l’approbation du public, du grand nombre qui prend goût à ces malignités.

1226. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Essais de politique et de littérature. Par M. Prevost-Paradol. »

Un régime où toutes nos facultés ont leur action et leur jeu, à plus forte raison leur triomphe, nous paraît aisément le plus légitime, le seul légitime.

1227. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Louis XIV et le duc de Bourg, par M. Michelet. (suite.) »

honneur au chimérique et décevant Fénelon, trop agréable au contraire, et qui se fait trop beau jeu dans son idéale Salente !

1228. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Le Poème des champs, par M. Calemard de Lafayette (suite et fin) »

Les autres, se faisant un idéal plus sage, Dans les goûts de leur caste et les jeux de leur âge Philosophiquement limitent leurs désirs, Sur un mode amphibie alternent leurs plaisirs, Et, dans le frais bourbier où se pavane une oie, Clapotant, barbotant, s’en donnent à cœur-joie.

1229. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Souvenirs de soixante années, par M. Etienne-Jean Delécluze »

Ici le moral est en jeu, et la délicatesse, la noblesse des sentiments suggère ou supplée celle des manières.

1230. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Les Saints Évangiles, traduction par Le Maistre de Saci. Paris, Imprimerie Impériale, 1862 »

On se mit donc à l’œuvre avec émulation et zèle ; l’honneur de l’Imprimerie Impériale était en jeu ; chacun le sentait ; chacun, dans cette sphère laborieuse où le ressort est intact comme dans une armée, fit son devoir à l’envi, depuis le chef des travaux typographiques jusqu’au dernier pressier, et l’on arriva à temps sans que l’œuvre produite accusât en rien la précipitation et sans qu’elle éveillât chez les connaisseurs en telle matière d’autre sentiment que celui d’une approbation sans réserve pour une exécution si parfaite.

1231. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Daphnis et Chloé. Traduction d’Amyot et de courier »

On raconte que la poésie idyllique ou bucolique, comme on l’a entendue depuis, fut inventée en Sicile par un berger poète, Daphnis : c’est le beau bouvier Daphnis qui, chez Théocrite, remporte le prix du chant et gagne contre Ménalque la flûte à neuf tuyaux ; c’est lui qui chante ce ravissant couplet où se résume tout le thème, où respire toute la félicité et la douceur du genre : « Que ce ne soit point la terre de Pélops, que ce ne soient point des talents d’or que j’aie à cœur de posséder, ni, au jeu de la course, d’aller plus vite que les vents !

1232. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « La Grèce en 1863 par M. A. Grenier. »

Il nous donne des descriptions vivantes des principaux types, l’Albanais, le Phanariote, l’Insulaire ; en un mot il est peintre, il est portraitiste avec saillie et ressemblance : le satirique ne commence et ne se donne tout son jeu que là où il se trouve en face d’une société et d’une Cour ridicules.

1233. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Histoire des cabinets de l’Europe pendant le Consulat et l’Empire, par M. Armand Lefebvre. »

Ce fut un soulagement pour lui d’être soustrait à ce simulacre de rôle et de quitter un théâtre où la diplomatie avait épuisé son jeu et où la force militaire, seule, était à l’œuvre.

1234. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. EDGAR QUINET.— Napoléon, poëme. — » pp. 307-326

— Un moi mystérieux Nous pousse ; alors on prend la vie au sérieux : Plus de jeux dans les prés, plus de frais sous le saule, Le soir plus de moments perdus en doux propos ; Il faut douze combats, et puis, pour le repos, La peau de lion sur l’épaule !

1235. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Racine — II »

Le jeu de Talma, c’était tout le style dramatique mis en dehors et traduit aux yeux. — Les personnages du drame, vivant de la vie réelle comme tout le monde, doivent en rappeler à chaque instant les détails et les habitudes.

1236. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre X. De la littérature italienne et espagnole » pp. 228-255

Dans l’Orient, le despotisme tourna les esprits vers les jeux de l’imagination ; on était contraint à ne risquer aucune vérité morale que sous la forme de l’apologue.

1237. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre deuxième. Les mœurs et les caractères. — Chapitre III. Inconvénients de la vie de salon. »

C’est elle encore qui, au jeu du bateau, obligée de choisir entre cette belle-mère bien-aimée et sa mère qu’elle connaissait à peine, répondit : « Je sauverais ma mère et je me noierais avec ma belle-mère316 ».

1238. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre quatrième. Les conditions physiques des événements moraux — Chapitre II. Rapports des fonctions des centres nerveux et des événements moraux » pp. 317-336

De plus, elle a pour elle les analogies et quantités de précédents ; car, ainsi que tant d’autres théories physiques et psychologiques, elle admet en ligne de compte le jeu d’optique, l’influence du sujet percevant et pensant, la structure spéciale de l’instrument observateur.

1239. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre quatrième. Les conditions physiques des événements moraux — Chapitre III. La personne humaine et l’individu physiologique » pp. 337-356

C’est une particularité constante pour les signaux de l’employé d’être suivis à mille kilomètres de là par le jeu des aiguilles indicatrices ; c’est une particularité constante pour ma résolution d’être suivie à travers dix intermédiaires indispensables par le déplacement de mon bras.

1240. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre I. La préparations des chefs-d’œuvre — Chapitre III. Trois ouvriers du classicisme »

En second lieu, ces actes intellectuels sont toute la vie du philosophe ; le reste ne compte pas dans son autobiographie, et toutes les déterminations de sa vie extérieure, choix d’une profession, voyages, retraite, expatriation, ont toujours pour fin d’assurer un jeu plus facile et plus libre à l’activité de son esprit : par là Descartes est l’homme idéal du xviie  siècle, l’homme-pensée.

1241. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre IV. Les tempéraments et les idées (suite) — Chapitre I. La lutte philosophique »

Les jugements sont des équations, et les termes qu’on assemble sont des objets abstraits, idéaux : nulle part on n’aperçoit mieux que chez Condillac pourquoi l’esprit français au xviiie  siècle élimine de sa pensée toute réalité concrète, les formes par conséquent de la vie et la matière de l’art, et pourquoi la poésie ne peut plus être qu’un jeu intellectuel, réglé par des conventions arbitraires.

1242. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « J.-J. Weiss  »

Relisez les études sur Polyeucte, Esther, l’Étrangère, Diane de Lys, le Légataire, les Effrontés, Ruy Blas et le Jeu de l’amour et du hasard, etc  Mais, là même où il ne fait que développer à sa manière et rajeunir le jugement de la tradition, il se glisse dans sa critique quelque chose d’aventureux, de fantasque, d’invérifiable.

1243. (1899) Le préjugé de la vie de bohème (article de la Revue des Revues) pp. 459-469

Il serait temps, cependant, de réagir contre l’erreur propagée par l’un des plus piteux livres que le sentimentalisme ait échafaudés ; et puisque nous sommes dans une de ces périodes rares où l’on met tout sur table, où l’on bannit tout faux respect des choses convenues, et où l’on étudie impitoyablement la valeur exacte des gens et des idées, puisque d’autre part, l’artiste, jusqu’ici écarté et résigné à être une non-valeur sociale, vient de s’avancer au premier rang des énergiques, il siérait de saper, d’une hache implacable, le faux idéal et la menteuse générosité de « la bohème », qui séduisent et égarent encore certains jeunes artistes, autant qu’ils font le jeu de la médiocratie contre l’idéal authentique et la vraie générosité.

1244. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre IX. Inquiets et mystiques » pp. 111-135

4º Et en même temps encore, par le respect que les hommes qu’elle estime professent pour le parlementarisme national, pour les campagnes électorales, et, par les simulacres que cette jeunesse s’offre de ces jeux (conférence Molé, association des Étudiants…), elle s’assimile le goût de la propagande populaire, de la prédication morale et sociologique, elle désire répandre sa bonne parole, et conformer sur le modèle, par elle jugé le meilleur, ses contemporains ductiles.

1245. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Marie Stuart, par M. Mignet. (2 vol. in-8º. — Paulin, 1851.) » pp. 409-426

Mignet, qui a dû examiner toutes choses en historien et ne donner à l’émotion que de courts passages, a très bien exposé et démêlé les différentes phases de cette captivité de Marie Stuart et les ressorts qui furent en jeu aux divers moments : il a particulièrement éclairé d’un jour nouveau, et à l’aide des papiers espagnols provenant des Archives de Simancas, les préparatifs si lents de l’entreprise tentée par Philippe II, de cette croisade infructueuse et tardive qui ne se décida qu’après la mort de Marie Stuart, et qui aboutit au naufrage fastueux de l’invincible Armada.

1246. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Le maréchal Marmont, duc de Raguse. — III. (Suite et fin.) » pp. 47-63

Il lui raconta dans les moindres circonstances ces aventures premières, ces premiers jeux et triomphes de l’habileté et de la fortune ; il mena cet ordre de récits, sans discontinuer, jusqu’à la fin de la première campagne d’Italie.

1247. (1913) Le bovarysme « Troisième partie : Le Bovarysme, loi de l’évolution — Chapitre I. Le Bovarysme de l’individu et des collectivités »

Elle nous avertit de tenir compte dans nos appréciations du degré comparatif de virtualité des réalités en jeu.

1248. (1889) Méthode évolutive-instrumentiste d’une poésie rationnelle

Mais une idée de vérité le domine, du Symbole : quoique dans les poèmes détachés, les quelques sonnets surtout dernièrement parus et faits spécialement pour l’évidence de cette idée, elle n’apparaisse que comme jeu singulier et un peu puéril et faux (rappelons-nous tels sonnets descriptifs d’une console, d’un lit, etc., où tout l’effort du poète tendit à décrire sans les nommer ces meubles !)

1249. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre IV : La philosophie — I. La métaphysique spiritualiste au xixe  siècle — Chapitre I : Principe de la métaphysique spiritualiste »

Entre cet être vide et immobile et ce jeu superficiel de phénomènes flottants et fuyants, nul passage, nul moyen terme : comment alors pourrais-je m’attribuer cet être, et encore une fois, si cet être n’est pas le mien, comment ces phénomènes seraient-ils miens ?

1250. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 24, des actions allegoriques et des personnages allegoriques par rapport à la peinture » pp. 183-212

Les peintres sont poëtes, mais leur poësie ne consiste pas tant à inventer des chimeres ou des jeux d’esprit, qu’à bien imaginer quelles passions et quels sentimens l’on doit donner aux personnages suivant leur caractere et la situation où l’on les suppose, comme à trouver les expressions propres à rendre ces passions sensibles et à faire deviner ces sentimens.

1251. (1887) La banqueroute du naturalisme

étudier l’homme tel qu’il est, non plus leur pantin métaphysique, mais l’homme physique, déterminé par le milieu, agissant sous le jeu de tous ses organes… N’est-ce pas une farce que cette étude continue et exclusive de la fonction du cerveau ?..

1252. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XXII. »

se démêla de ce déluge de métaphores et d’hyperboles, et en sortit, une belle ode à la main, pour célébrer sainte Cécile et le pouvoir divin de la musique : et combien encore, dans cette ode, sous le jeu brillant des images et les marches précipitées du rhythme, un art trop visible dément-t-il l’inspiration, pour laisser voir un calcul de contrastes qui descend quelquefois jusqu’à la puérilité !

1253. (1930) Les livres du Temps. Troisième série pp. 1-288

Accordons-lui qu’on ne pouvait plus ingénieusement jouer sur les mots, ni mettre plus drôlement Dieu dans son jeu. […] En vérité, je suis de la dernière génération à qui les programmes permirent cet aimable jeu, dont je ne me tirais pas trop mal. […] On lit un ouvrage sérieux pour s’instruire, non pour subir un examen ni jouer aux petits jeux innocents. […] Le forum était son terrain de jeu. […] Il note pourtant quelques défauts : l’imprévoyance, la manie du jeu, la bêtise, mais, corrige-t-il, naturelle.

1254. (1890) Impressions de théâtre. Quatrième série

C’est que la tragédie antique a pour matière, en effet, les jeux étranges et cruels du hasard tout autant que les passions humaines. […] vous, je sais, vous êtes vieux jeu. […] Mais, du moins, ce n’est pas un jeu tout à fait stérile. […] Et, si vous me dites qu’elle ne prenait pas à ces jeux le même plaisir que son complice, je vous prierai de ne pas vous moquer de moi. […] Il y a de petites larmes secrètes, très brèves mais très chaudes, dans l’Epreuve, le Jeu de l’amour, les Fausses Confidences.

1255. (1817) Cours analytique de littérature générale. Tome IV pp. 5-

Néanmoins son génie s’étant fait un jeu poétique de tous les genres de mysticités, et de leurs analogies, nous laisse à penser qu’il n’eut pas grand peur de son enfer ; et que, s’il ne mérita pas de monter à son paradis, il paiera son insouciance par un tour de purgatoire. […] C’est que la savante ordonnance de leurs chants amène partout des événements qui contrastent entre eux, des descriptions opposées ; c’est que les combats y succèdent aux conseils, les fêtes aux travaux, le spectacle des jeux aux effrayantes catastrophes, et la pompe des cérémonies aux mouvements impétueux des passions ; le cœur aime à se reposer des commotions qu’il a reçues, et leur continuité l’accable et l’épuise. […] comme alors l’habileté de Virgile prend soin de suspendre les émotions excitées, en profitant des hasards qui poussent Énée sur des bords où des solennités annuelles et des honneurs funéraires, consacrés par les peuples, s’allient à des jeux nobles et divertissants. […] Évitez donc le jeu puéril qui résulte des oppositions de mots et des similitudes de syllabes ; évitez les minutieuses symétries des retours d’une même formule substituée aux répétitions que dictent parfois les sentiments ; évitez les fausses antithèses, le fréquent usage même des meilleures, la recherche outrée des figures, toutes ces bluettes de l’esprit, éblouissants feux-follets qui ne répandent point la lumière égale et pure, dont une bonne diction échauffe le dialogue. […] Joignez au nombre, au choix, à la justesse des expressions, aux inversions permises, au jeu mobile des césures, les temps marqués par les hémistiches, et les sons cadencés par les rimes, vous sentirez les avantages de notre poésie sur les plus vantées, et vous repousserez l’ignorance qui l’accuse injustement d’être ingrate.

1256. (1836) Portraits littéraires. Tome I pp. 1-388

Ce n’est qu’un jeu de mots très puéril. […] Toutefois, cette prolixité est, à mon avis, très blâmable ; les idées les plus heureuses gagnent à ce jeu de terribles horions. […] qui sait si le livre n’eût pas perdu à ce jeu dangereux l’autorité lumineuse de ses enseignements ? […] Trenmor a connu la plus terrible de toutes les passions, le jeu. […] Il a choisi le jeu comme un défi perpétuel porté à la destinée.

1257. (1863) Causeries parisiennes. Première série pp. -419

Corinne l’emporta cinq fois sur Pindare dans les jeux de la Grèce : je le crois sans peine, puisqu’elle était fort belle ; je suis même convaincu qu’elle l’aurait emporté sur M.  […] Par une singulière contradiction entre nos lois et nos mœurs, que signalait l’autre jour encore M. l’avocat général Blanche, les agents de change, on le sait, ne peuvent poursuivre en justice le recouvrement des sommes qui leur sont dues par leurs clients, toute négociation de bourse, autre que celles qui se font au comptant, étant réputée par la loi dette de jeu. […] Tous ces tristes débats, où les passions religieuses sont en jeu, semblent reporter la France à trente-cinq années en arrière, sans nous offrir les belles compensations de cette époque-là. […] Par contre, le procès Plassiart est tout de ce monde, et les intérêts matériels y sont seuls en jeu. […] et il bâtira sur des jeux de mots des systèmes théologiques.

1258. (1900) La vie et les livres. Cinquième série pp. 1-352

Les biographies réelles, lorsqu’elles ne se réduisent pas à de sèches nomenclatures, lorsqu’elles montrent, dans une destinée tragique, le jeu des passions et, autour de cette destinée, les remous du milieu ambiant, de telles biographies valent mieux que la plupart des fictions romanesques. […] C’est vieux jeu… Nous n’aimons pas les gens qui s’acquittent si proprement de leur devoir. […] Si je ne craignais de risquer l’apparence d’un jeu de mots, je dirais que M.  […] Survienne un véritable cas de conscience, un de ces conflits tragiques où la gloire de la patrie et l’honneur de l’humanité sont en jeu. […] Gracieuse est la sœur d’un garçon nommé Arrochkoa, lequel est le camarade d’enfance, le rival au jeu de Ramuntcho.

1259. (1889) Ægri somnia : pensées et caractères

En battant des mains au jeu du grand acteur, je ne m’engageais à rien. […] De là à s’intéresser à ce que les habiles appellent le jeu des institutions, à être touchés de cette « beauté particulière » que les artistes de la politique admirent dans les gouvernements de la parole, de là à prendre parti dans ces tournois où des orateurs se disputent à qui prouvera le premier qu’il s’entend mieux à parler qu’à gouverner, il y a loin. Pour mon compte, je ne les blâme pas de goûter médiocrement un genre de jeu où le moins que gagnent les joueurs c’est de s’y amuser, et où le seul qui perd, c’est le public de la galerie. […] * Cela a été une inconséquence de ma destinée plutôt que de ma volonté, de me voir enveloppé dans la politique, sans en avoir le goût ni les mœurs ; d’être entraîné dans ses chances, sans en avoir ni voulu, ni su jouer le jeu ; complice de ses fautes sans en être coupable ; et, finalement, d’en payer les frais sans en avoir eu les profils. […] Il l’était par l’esprit, qui est une vocation générale à toutes les fonctions où l’esprit est en jeu.

1260. (1887) Essais sur l’école romantique

Les définitions ne sont guère que de puérils jeux d’esprit qui exercent l’écrivain aux dépens de son lecteur. […] Souvent il joue gros jeu, mais que de fois il gagne ! […] Est-ce un jeu cruel du poète qui a voulu gâter sa séduisante création en lui faisant aimer un modèle d’atelier ? […] Je n’en suis pas le héros, comme cela m’a été dit si obligeamment ; mais, passez-moi le jeu de mots, le héraut, ce qui est bien différent. […] Victor Hugo obtint successivement, à l’Académie des jeux floraux, trois prix, dont le dernier lui valut le grade de maître ès jeux floraux.

1261. (1895) Impressions de théâtre. Huitième série

Sarcey penseque cela tenait au jeu de M.  […] Il imagine et emploie, pour traduire une idée dramatique, les jeux de scène et les sensations visuelles concurremment avec les mots, et cela sans effort. […] Madeleine, entourée de seigneurs à toques florentines, se vante de mettre dans sa poche ce jeune prophète galiléen, ennemi des jeux et des ris. […] Le jeu de Tibère est trop visible : un enfant ne s’y laisserait pas prendre Il fait à Caligula la partie trop belle. […] Ici, c’est un peu le jeu innocent des « homonymes ».

1262. (1908) Jean Racine pp. 1-325

Mais, au bout du compte, si les philosophes et les critiques nous retiennent, c’est moins par la somme assez petite de vérité qu’ils ont atteinte que par les jeux — quelquefois ignorés d’eux-mêmes — de leur sensibilité et de leur imagination et par le caractère de beauté de leurs ouvrages. […] Partout, dureté, emphase, subtilités ineptes, jeux bizarres d’antithèses. […] Et ces jeux de prosodie, vous ne les trouverez pas dans les comédies de Molière, ni dans celles de Quinault ou de Montfleury, ni dans celles de Regnard. […] L’idée de faire concourir, à l’insu l’un de l’autre, les deux poètes sur un même sujet semble, assez d’une femme malicieuse et curieuse. — Henriette était alors trop triste, dit-on, venant de perdre sa mère, et trop occupée, pour s’amuser à ce jeu […] La scène où elle supplie son amant de se prêter à ce jeu et, tout de suite après, celle où elle croit qu’il s’y est trop prêté, sont d’une vérité particulièrement poignante.

1263. (1782) Essai sur les règnes de Claude et de Néron et sur la vie et les écrits de Sénèque pour servir d’introduction à la lecture de ce philosophe (1778-1782) « Essai, sur les règnes, de Claude et de Néron. Livre second » pp. 200-409

Qui donna les premiers jeux ? […] Mourir, c’est quitter un jeu de hasard où il y a plus à perdre qu’à gagner. […] Lorsque je compte les prêtres et les temples, les jeux du Cirque et ses victimes, Rome ancienne me semble une grande boucherie où l’on donnait leçon d’inhumanité. […] quelle tristesse ne céderait pas à leurs jeux enfantins ? […] Lorsque la malignité fut instruite que la Consolation à Polybe ne subsistait plus, elle eut beau jeu pour en substituer une autre à sa place.

1264. (1857) Réalisme, numéros 3-6 pp. 33-88

* *   * Une femme, dans un accès de rage, prend son enfant par les pieds et lui frappe la tête à toute volée contre les pierres ; ce jeu est assez nuisible à la santé de l’enfant pour qu’il en meure. […] Champfleury a très bien décrit leurs jeux, leurs terreurs, leurs lâchetés ; est-ce souvenir, est-ce observation ? […] Je suppose que beaucoup de gens s’assemblent et conviennent de faire un jeu d’esprit avec certaines règles matérielles qui le rendent mécanique, puis, qu’afin d’avoir quelque agrément facile en ce monde, ils feignent que jouer adroitement à ce jeu est quelque chose de sublime, de sorte qu’ils puissent se donner hautement des éloges sans qu’il soit pénible de travailler pour les mériter, ce jeu étant accessible au grand nombre : le fait présenté de cette manière paraîtra une escobarderie. […] Que Retranché, Miss Syntaxe, le valet de chambre Adjectif, etc. — Du reste ce jeu lui a plu, l’idée lui a caressé le cerveau, il y est revenu à deux fois. […] Cette hypocrisie conduit à beaucoup d’erreurs : bien des stylistes se sont fait un jeu de ces difficultés, se sont étudiés à écrire des gaudrioles, et plus que des gaudrioles, avec des mots pudibonds ; ces livres ont été lus, admirés souvent, tant il est vrai que la gaillardise nous plaira toujours.

1265. (1927) Des romantiques à nous

Sans doute Leibniz s’oppose-t-il, d’autre part, au rationalisme intempérant de Descartes, et demande-t-il à la philosophie qu’elle n’explique pas uniquement la nature par le jeu d’un universel mécanisme mathématique, mais aussi par une certaine tendance interne à la beauté et au bien dont tous ses éléments seraient animés, et qui se nomme, dans le langage des philosophes, la finalité. […] L’« Ecole centrale », où il avait été élevé, lui avait inoculé à fond la doctrine de Condillac, d’Helvétus, de Cabanis, cette doctrine d’analyse ou plutôt d’anatomie psychologique sans modération comme sans pudeur, qui prétend démonter le mécanisme des idées et des émotions humaines et qui nous fait voir dans nos croyances les plus instinctives et les plus chères, un tissu d’illusion ourdi par le jeu fatal de notre esprit et de nos organes. […] Car, mis à part quelques sages que l’habitude d’embrasser et de tenir sous leur regard toutes les données des problèmes préserve des impulsions variables de chaque jour, et dont les opinions ont des assises assez profondes pour ne pas demeurer sans cesse à la merci des souffles publics, il est de la faiblesse des hommes de régler l’orientation générale de leur esprit sur le jeu changeant des faits et des informations de surface plutôt que sur la marche réelle et la véritable substance des choses. […] La source de son enthousiasme, c’est le jeu musical pour lui-même, c’est la danse divine des harmonies et des rythmes, c’est la chorégraphie éthérée des combinaisons sonores. […] Nous traversâmes Paris à pied pour rentrer chez nous, remuant, comme entrée de jeu, toutes les idées.

1266. (1898) Manuel de l’histoire de la littérature française « Livre II. L’Âge classique (1498-1801) — Chapitre III. La Déformation de l’Idéal classique (1720-1801) » pp. 278-387

Timidement, pour commencer ; mais bientôt avec plus d’audace, on la voit poindre et s’essayer dans la comédie de Marivaux : — Le Jeu de l’amour et du hasard, 1730 ; Les Serments indiscrets, 1732 ; La Mère confidente, 1735 ; Les Fausses confidences, 1737, — dix autres pièces, qui non seulement vengent les femmes des dédains de Molière, mais encore qui font passer la comédie sous l’empire de leur sexe, l’y rangent, et l’y maintiendront à l’avenir. […] Ce que l’esprit classique avait le plus énergiquement combattu dans le cartésianisme, c’était le dogme alors tout nouveau de la toute-puissance et de la souveraineté de la raison, cette raison qui croit « que deux et deux font quatre », et qui nie, quand elle ne se fait pas un jeu de le bafouer, tout ce qui échappe aux prises de ses déductions. « Taisez-vous, raison imbécile !  […] L’Auteur dramatique ; — et que son originalité consiste en trois points, qui sont : — d’avoir abandonné les traces de Molière ; — d’avoir transposé la tragédie de Racine dans la vie commune ; — et d’avoir mis le principal de l’intrigue dans la transformation des sentiments : La Double Inconstance, 1723 ; — La Seconde Surprise de l’Amour, 1728 ; — Le Jeu de l’amour et du hasard, 1730 ; — Les Fausses Confidences, 1737 ; — L’Épreuve, 1740. — Critiques des contemporains, et réponse de Marivaux. — « Il s’agit dans toutes ses pièces de faire sortir l’amour d’une des niches où le retiennent l’amour-propre, la timidité, l’embarras de s’expliquer ou l’inégalité des conditions. » — Importance des rôles de femmes dans le théâtre de Marivaux. — Caractère original qui résulte de cette importance des rôles de femmes : — diminution de la part de la satire ; — accroissement de la partie sentimentale dans la notion même de la comédie ; — et révolution qui s’en suit nécessairement au théâtre. — La comédie de Marivaux et la peinture de Watteau. — Marivaux et Shakespeare ; — et qu’avec le décor vaguement poétique, et les noms italiens, — ce qu’il y a de plus shakespearien dans Marivaux, — c’est peut-être le « marivaudage ». — « Marivaudage » et « Euphuisme ». — Que d’ailleurs la préciosité n’empêche pas Marivaux d’être souvent assez sec ; — et même quelquefois grossier. — Le Jeu de l’amour et du hasard, et le Ruy Blas de Victor Hugo. […] 2º Son théâtre, composé de 34 pièces en tout, dont les principales sont : Arlequin poli par l’amour, 1720 ; — La Surprise de l’amour, 1722 ; — La Double Inconstance, 1723 ; — Le Prince travesti, 1724 ; — La Seconde Surprise de l’amour, 1727 ; — Le Jeu de l’amour et du hasard, 1730 ; — Les Serments indiscrets, 1732 ; — L’Heureux Stratagème, 1733 ; — La Mère confidente, 1735 ; — Le Legs, 1736 ; — Les Fausses Confidences, 1737 ; — L’Épreuve, 1740 ; — et Le Préjugé vaincu, 1746.

1267. (1881) Le roman expérimental

Ne croirait-on pas qu’il parle d’un joujou, d’un jeu de patience dont il est fier débrouiller et de remettre les pièces ? […] Il n’y a pas longtemps encore, la librairie était un véritable jeu. […] Selon moi, ils gagnent très légitimement leur argent, puisqu’ils travaillent, et quelques-uns avec beaucoup de verve ; mais il est bien certain que la littérature n’est pas ici en jeu. […] Il a beau affecter un air plaisant, il sent très bien que ce sont les notions mêmes de la nature et de l’homme qui sont en jeu. […] Il faut voir son indignation, quand il s’étonne qu’on puisse admirer l’attache d’un muscle, le jeu d’un organe, le mécanisme d’un corps !

1268. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre deuxième. La connaissance des corps — Chapitre premier. La perception extérieure et les idées dont se compose l’idée de corps » pp. 69-122

« Supposons un poids élevé d’abord de quatre pouces, puis de huit pouces par la flexion du bras. » Il est clair que nous distinguerons la deuxième sensation de la première, d’abord évidemment parce que, toutes choses restant égales, la deuxième dure deux fois plus longtemps que la première, et ensuite, probablement, parce que, dans le second temps de l’effort, d’autres muscles, entrant en jeu, provoquent de nouvelles sensations musculaires qui s’ajoutent à la continuation des anciennes, non seulement pour prolonger, mais aussi pour diversifier l’opération. […] « Quand ce point a été atteint, les possibilités permanentes en question ont pris un aspect et un rôle par rapport à nous si différents du rôle et de l’aspect que revêtent nos sensations, qu’elles ne peuvent manquer, et cela par le jeu naturel de notre constitution mentale, d’être conçues et crues comme au moins aussi différentes de nos sensations qu’une sensation l’est d’une autre.

1269. (1859) Cours familier de littérature. VII « XXXVIIIe entretien. Littérature dramatique de l’Allemagne. Le drame de Faust par Goethe » pp. 81-160

Tu sais, un enfant est enfant, un jeu est un jeu.

1270. (1861) Cours familier de littérature. XI « LXIIe entretien. Cicéron » pp. 81-159

Sylla, patricien de Rome, d’abord lieutenant, puis rival de Marius, lui avait à son tour enlevé sa gloire et ses légions, les avait ramenées contre sa patrie, avait proscrit les proscripteurs, égorgé les égorgeurs, assassiné en masse le peuple, asservi le sénat en le rétablissant, élevé les esclaves au rang de citoyens romains, partagé les terres des proscrits entre ses cent vingt mille légionnaires, puis abdiqué sous le prestige de la terreur qu’il avait inspirée au peuple, et remis en jeu les ressorts de l’antique constitution, faussés, subjugués, ensanglantés par lui. […] Plein du bruit que son nom, son éloquence et sa magistrature heureuse faisaient en Italie, Cicéron s’étonna, en revenant à Rome, de trouver ce nom et ce bruit étouffés par le tumulte tous les jours nouveau d’une immense capitale absorbée dans ses propres rumeurs, dans ses passions, dans ses intérêts, dans ses jeux, et divisée entre ses tribuns, ses agitateurs et ses orateurs.

1271. (1865) Cours familier de littérature. XX « CXVIIIe entretien. Littérature américaine. Une page unique d’histoire naturelle, par Audubon (2e partie) » pp. 161-239

Point de jalousie entre ces beaux, qui se disputent paisiblement et sans haine le prix des jeux, la compagne qui doit appartenir au vainqueur. […] Autour de la coquette qui semble indécise, vous voyez quelquefois douze ou treize danseurs voltigeant ; les jeux continuent jusqu’au moment où elle donne la préférence à l’un des rivaux, qu’elle attaque de son bec lorsqu’il passe près d’elle.

1272. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre I — Chapitre troisième »

La rose est évidemment la femme qu’on aspire à posséder ; et ces personnages allégoriques qui en favorisent ou en contrarient la conquête, représentent assez exactement les divers incidents de l’amour, ainsi que les passions que met en jeu la passion principale. […] Quoique résigné à mourir, comme le jeu ne lui plaisait pas, dit-il gaiement, il eut l’idée d’en appeler, contre l’usage, au parlement de la sentence du Châtelet.

1273. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « VIII »

Certes, si on connaissait mieux les idées de Wagner, on pourrait considérer comme très acceptables les deux dénominations qu’il a employées pour ses derniers drames : Action, et Jeu scénique ; car ce qui se passe sur la scène est « de la musique mise en action, devenue visible ». […] Car la musique, autrefois un jeu, est aujourd’hui devenue une langue. « Seulement, ne l’oublions jamais, et ne tâchons jamais de lui dérober la plus précieuse de ses qualités en voulant la préciser par des conventions : c’est une langue « qu’on ne saurait interpréter à l’aide des lois de la logique et qui contient en elle-même une puissance de conviction immédiate bien supérieure à celle de ces lois ».

1274. (1887) Journal des Goncourt. Tome II (1862-1865) « Année 1864 » pp. 173-235

Neuf cent mille livres gagnés par son père, dans son commerce d’orfèvre, furent mangées par lui, au jeu, de 1789 à 1793. […] Elle se rappelle avoir donné une fois quinze livres de lard pour obtenir le grand jeu, et la sorcière lui prédit qu’elle aurait sept enfants, qu’elle irait sept fois à Paris, et qu’elle mourrait à trente ans.

1275. (1888) Journal des Goncourt. Tome III (1866-1870) « Année 1869 » pp. 253-317

On joue à de petits jeux d’esprit innocents et érotiques. […] — Oui, avec une chance incroyable », répète-t-il sur un ton singulier, et comme s’il lui semblait que le crime fût un porte-bonheur pour le jeu.

1276. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Conclusions »

Herbert Spencer est admise, si l’art procède par évolution du jeu — nous ne lui concevons pas d’autre origine, — si l’artiste doit être considéré comme l’inventeur d’objets ou d’idées propres à exercer certaines activités spirituelles élevées, comme une poupée sert aux petites filles à jouer la maternité, il est clair que la doctrine de Poe est en progrès vers le vrai. […] On ne lit, on n’aime communément un livre que s’il agrée, s’il met en jeu un système de sentiments, d’idées, de souvenirs que l’on possède, s’il exprime peu ou beaucoup les inclinations, l’idéal, la manière de voir que l’on a.

1277. (1885) La légende de Victor Hugo pp. 1-58

Alors il couvrait de décorations sa poitrine rayonnante d’aigles d’or et d’argent10. » En ces temps il songeait fort peu à la Vendée et à ses vierges martyres, à Henri IV et aux vertus des rois légitimes : Napoléon le possédait tout entier ; et oubliant les jeux de l’adolescence, il étudiait ses campagnes, et suivait sur la carte, la marche de ses armées. […] Les Diderot, les Voltaire, les Rousseau, les D’Alemberte et les Condillac du xviiie  siècle l’avaient trop fait penser pour qu’elle ne désirât se reposer et goûter sans cassements de tête une douce philosophie et une sentimentale poésie, qui ne devaient plus mettre en jeu l’intelligence, mais amuser le lecteur, le transporter dans les nuages et le pays des rêves, et charmer ses yeux par la beauté et la hardiesse des images, et ses oreilles par la pompe et l’harmonie des périodes.

1278. (1889) Essai sur les données immédiates de la conscience « Chapitre II. De la multiplicité des états de conscience. L’idée de durée »

Quand, les yeux fermés, nous promenons la main le long d’une surface, le frottement de nos doigts contre cette surface et surtout le jeu varié de nos articulations nous procurent une série de sensations, qui ne se distinguent que par leurs qualités, et qui présentent un certain ordre dans le temps. […] Le rêve nous place précisément dans ces conditions ; car le sommeil, en ralentissant le jeu des fonctions organiques, modifie surtout la surface de communication entre le moi et les choses extérieures.

1279. (1896) Matière et mémoire. Essai sur la relation du corps à l’esprit « Chapitre IV. De la délimitation, et de la fixation des images. Perception et matière. Âme et corps. »

Une certaine marge est donc nécessairement laissée cette fois à la fantaisie ; et si les animaux n’en profitent guère, captifs qu’ils sont du besoin matériel, il semble qu’au contraire l’esprit humain presse sans cesse avec la totalité de sa mémoire contre la porte que le corps va lui entr’ouvrir : de là les jeux de la fantaisie et le travail de l’imagination, — autant de libertés que l’esprit prend avec la nature. […] On établira par là qu’une surface, où les jeux d’ombre et de lumière de l’objet en relief sont plus ou moins bien imités, suffit à nous rappeler le relief ; mais encore faut-il, pour que le relief soit rappelé, qu’il ait été d’abord pour tout de bon perçu.

1280. (1903) La renaissance classique pp. -

L’unique consolation comme l’unique idéal qu’on lui offre dans sa misère, c’est le travail mécanique, abrutissant, le travail sans cause et sans but, agitation vaine qui se résout en un simple jeu d’excitations et de mouvements réflexes. […] C’est en cela que nous différons littérairement des Espagnols et des Italiens : ceux-ci trop épris des fioretti de l’imagination, qui se perdent dans les jeux d’esprit et qui s’amusent aux enluminures ; ceux-là qui, même dans leur amour pour un réalisme brutal, ne savent point se défendre contre la truculence qui le déforme, ni contre les hâbleries grandiloquentes et vaines.

1281. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Gabrielle d’Estrées. Portraits des personnages français les plus illustres du XVIe siècle, recueil publié avec notices par M. Niel. » pp. 394-412

C’est sans doute ce que voulait dire Sully lorsque, quittant Paris pour passer à Rosny la Semaine sainte de 1599, il disait à sa femme que la corde était bien tendue, et que le jeu serait beau si elle ne rompait, mais que le succès, selon lui, ne serait pas tel que se l’imaginaient certaines personnes.

1282. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Massillon. — II. (Fin.) » pp. 20-37

C’était ainsi que, parmi les rides de ce visage déjà flétri et dans ces jeux qui allaient s’éteindre, je croyais démêler encore l’expression de cette éloquence si sensible, si tendre, si haute quelquefois, si profondément pénétrante, dont je venais d’être enchanté à la lecture de ses Sermons.

1283. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « M. Daru. Histoire de la république de Venise. — III. (Suite et fin.) » pp. 454-472

Il n’y avait, entre le vice-roi et le gouvernement vénitien, qu’une brouillerie simulée, une guerre simulée, une conjuration faite à la main et filée à plaisir, le tout afin de masquer le jeu et de mieux se donner la main au moment décisif.

1284. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Madame Dacier. — II. (Fin.) » pp. 495-513

Ce qui aujourd’hui nous paraît surtout absent dans la traduction de Mme Dacier n’était point alors ce qui nuisait le plus à Homère, et, si elle avait mis à quelque degré dans son style de ces couleurs et de ces tons homériques que retrouvèrent plus tard, dans leur art studieux, André Chénier et Chateaubriand, il est à croire que de tels passages n’auraient point paru les moins gais à ces chevaliers à la mode dont nous avons des copies chez Regnard ou chez Dancourt, à ces jolies femmes de Marly que la duchesse de Bourgogne guidait au jeu et au plaisir, ou à ces esprits ingénieux et froids que Fontenelle initiait à la philosophie.

1285. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Chateaubriand. Anniversaire du Génie du christianisme. » pp. 74-90

Ses yeux sont âpres, ses tempes chauves, sa taille élevée, il est maigre, pâle, et, quand il récite son Exegi monumentum, on croirait entendre Pindare aux jeux Olympiques… » Il n’est pas malaisé d’y surprendre des particularités qui convainquent les Mémoires d’outre-tombe de légère inexactitude.

1286. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Montluc — II » pp. 71-89

Le Dauphin, prince guerrier aussi et d’humeur vaillante, qui était debout derrière le fauteuil de son père, se mit dès ce début du parti de Montluc ; il lui faisait signe de la tête d’aller toujours et de parler hardiment : ce qu’il ne fallait pas lui répéter deux fois ; et la suite de ce discours est ainsi accompagnée agréablement, aux endroits décisifs, par ce jeu de scène, par cette pantomime du Dauphin, qui approuve, sourit, fait des signes et jouit du triomphe du soldat Montluc sur les prudents conseillers.

1287. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Préface pour les Maximes de La Rochefoucauld, (Édition elzévirienne de P. Jannet) 1853. » pp. 404-421

Il se plaît à ce jeu, il se met à rédiger chaque pensée avec soin, et tout aussitôt avec talent : une sorte de grandeur de vue se mêle insensiblement sous sa plume à ce qui ne semblait d’abord que l’amusement de quelques après-dînées.

1288. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Santeul ou de la poésie latine sous Louis XIV, par M. Montalant-Bougleux, 1 vol. in-12. Paris, 1855. — II » pp. 39-56

Les vers sont jolis, catulliens ; les idées sont piquantes, et le jeu se ferme sur le conseil donné à Santeul de ne plus faire le docteur et de savoir se taire : Sile et sape.

1289. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « La princesse des Ursins. Ses Lettres inédites, recueillies et publiées par M. A Geffrot ; Essai sur sa vie et son caractère politique, par M. François Combes » pp. 260-278

On doit aimer à tenir les cartes quand on sait si bien le jeu.

1290. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Correspondance de Béranger, recueillie par M. Paul Boiteau. »

Pour Béranger, les passions en jeu étaient autrement vivaces ; toutes les anciennes rancunes ont profité de cette impatience du public (je ne dis pas du peuple, qui lui est resté fidèle) et se sont réveillées : rancunes légitimistes, rancunes religieuses, rancunes littéraires, et celles-ci très-vives, de la part des raffinés, qui méprisent sur toute chose le bourgeois et les succès qu’il consacre.

1291. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Une monarchie en décadence, déboires de la cour d’Espagne sous le règne de Charles II, Par le marquis de Villars »

 » Pour grande distraction, la reine joue trois ou quatre heures par jour aux jonchets, qui est le jeu favori du roi.

1292. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Madame de Staël. Coppet et Weimar, par l’auteur des Souvenirs de Mme Récamier (suite et fin.) »

À ce jeu de détail du Dictionnaire, elle a rarement un atout.

1293. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Journal de la santé du roi Louis XIV »

Ce n’est plus cette fois, ni un Saint-Simon qui nous fait assister à tous les ressorts cachés, à tous les dessous de cartes, dans cet immense jeu d’une Cour à laquelle il laisse du moins, au milieu d’un fouillis sans pareil, son mouvement imposant et sa grandeur ; ce n’est plus un Dangeau nous annotant jour par jour les allées et venues, les entrées et les sorties, les mille détails et incidents du cérémonial ; ce n’est plus une princesse Palatine, duchesse d’Orléans, nous écrivant de Versailles des crudités à faire frémir, sur les princesses du sang qui boivent et fument dans les corps de garde, sur les gênes, les cuissons et les tortures intestines de l’étiquette, et nous donnant le gros menu d’un dîner du Roi ; ce n’est plus même un homme de l’art racontant les détails de la grande opération faite à Sa Majesté en 1686 : ceci est un Journal de la santé, des maladies et des incommodités de Louis XIV, dressé dès son enfance et allant jusqu’en 1711, c’est-à-dire quatre ans avant sa mort.

1294. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « M. Ernest Renan »

Renan que des précautions de politesse et de prudence, des formes de circonspection respectueuse, je ne m’en inquiéterais pas autrement ; mais c’est un procédé devenu chez lui habituel et constant, qui tient d’une part à l’élévation, à l’étendue, à l’impartialité du critique, aux yeux duquel « la vérité est toute dans les nuances » ; et aussi le dilettante et l’artiste y ont leur action et leur jeu.

1295. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Lettres inédites de Jean Racine et de Louis Racine, (précédées de Notices) » pp. 56-75

Le bon sujet Racine, poète de la Grâce et non des Grâces, reçu à l’Académie des Inscriptions dès 1719, était l’hôte de Frênes, d’où on lui écrivait, après son départ, qu’il avait fait les délices de tous par sa présence ; mais il ne faudrait pas prendre ce compliment pour autre chose qu’une pure politesse, et une lettre du Chancelier à M. de Valincour montre que le jeune Racine, dans son séjour à Frênes, s’était montré doux, facile d’humeur, mais peu inventif, rétif à la réplique, nullement propre aux jeux de société, donnant peu l’idée que de beaux vers pussent sortir de cette tête-là ; et de fait, il était de sa personne sans aucun agrément.

1296. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Le Mystère du Siège d’Orléans ou Jeanne d’Arc, et à ce propos de l’ancien théâtre français »

La scène représente d’abord le Paradis, et le livret donne à cet égard des indications précises : « Que le Paradis soit établi sur un lieu élevé, nous dit l’auteur ou l’ordonnateur du jeu dans le cas prévu où nous voudrions monter la pièce ; qu’on tende tout autour des courtines et des étoffes de soie à une hauteur telle que les personnages qui seront dans le Paradis ne puissent être vus qu’à partir et au-dessus des épaules.

1297. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Mémoire de Foucault. Intendant sous Louis XIV »

M. de Cazaux avait donc beau jeu pour troubler tout dans le Palais ; et de plus il vivait publiquement avec la fille d’un avocat qu’il avait retirée chez lui.

1298. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Études de politique et de philosophie religieuse, par M. Adolphe Guéroult. »

en France, le grand art consistera toujours à savoir user tantôt de l’une, tantôt de l’autre, à bien distinguer les temps et les moments : dans ce double jeu, la théorie peut avoir tort, l’habileté supérieure aura raison.

1299. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Ducis épistolaire (suite) »

C’est ainsi qu’au temps où se composait la Nouvelle Héloïse, lui parlant du prochain mariage d’une jeune fille, il la montrait dans sa pudeur, se désolant à l’approche d’un époux : « C’est, disait-il, une eau pure qui commence à se troubler au premier souffle du vent. » Et il ajoutait, comme pour le piquer au jeu : « Dites de belles choses là-dessus. » Rousseau, en effet, répondant à l’appel, s’emparait de cette pensée et de cette image virginale, et l’employait dans la Nouvelle Héloïse à l’occasion du mariage de Claire (deuxième partie, lettre XV) : « Et, en vérité, elle est si belle, disait-il, que j’aurais cru la gâter en y changeant autre chose que quelques termes. » Il aurait même mieux fait de n’y pas changer un seul mot.

1300. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Histoire de Louvois et de son administration politique et militaire, par M. Camille Rousset. »

Par mesure de prudence, les magistrats avaient eu soin de laisser sans poudre les canons du rempart, afin d’ôter aux mauvaises têtes, s’il y en avait, le moyen de commencer un jeu qui aurait mal fini pour la population tout entière.

1301. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Corneille. Le Cid. »

» aurait demandé malignement la marquise dans le jeu qui se jouait, et chacun de répondre : « Le lierre. » Tous les regards se seraient portés alors sur Mme de Motteville qui avait du lierre dans ses cheveux.

1302. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « M. Émile de Girardin. »

Chez les modernes, il y a progrès : les oracles sont muets ; la voix des dieux et de ceux qui les faisaient parler n’est plus fatalement obéie ; les peuples pensent : et pourtant il y a toujours l’empire des mots, la puissance des déclamations de tout genre, des sophismes spécieux, ces autres formes d’idoles ; il y a la mobilité naturelle aux hommes, le jeu presque mécanique des actions et des réactions, mille causes combinées d’où résultent on ne sait comment, à certains jours, des souffles généraux qui deviendront plus tard des tempêtes ; et lorsqu’une fois il s’est établi parmi les peuples un mauvais courant de pensées et de sentiments, oracle ou non, il y a danger, si une main bien prudente et bien ferme n’est au gouvernail, qu’ils n’y obéissent en aveugles comme à un mauvais génie.

1303. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Méditations sur l’essence de la religion chrétienne, par M. Guizot. »

Ce qu’on appelle instinct et qui semble à d’autres d’une portée infaillible ne trompe pas mon sage ; il y applique son analyse ; il en démêle le principe et le jeu ; il s’en rend compte d’après les lois de l’optique morale.

1304. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Entretiens sur l’histoire, — Antiquité et Moyen Âge — Par M. J. Zeller. (Suite et fin.) »

Écoutons l’historien sévère qui, en ce qu’il va dire, n’accorde pas un mot à la phrase, à l’imagination, à la pointe ; c’est une méthode neuve parmi nous que cette application juste de la science à l’action et au jeu de l’histoire.

1305. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Essai sur Talleyrand (suite.) »

Talleyrand d’ailleurs employa toutes les ressources d’un esprit souple et insinuant pour se concilier un suffrage qu’il lui importait de captiver20. » Par son action et ses démarches auprès des principaux personnages en jeu, auprès des partants et des arrivants, Sieyès et Barras, par son habile entremise à Paris dans la journée du 18, par ses avis et sa présence à Saint-Cloud le 19 au moment décisif, par son sang-froid qu’il ne perdit pas un instant, il avait rendu les plus grands services à la cause consulaire : aussi, les Consuls à peine installés, il fut appelé au Luxembourg avec Rœderer et Volney, et « tous trois reçurent collectivement de Bonaparte, au nom de la patrie, des remerciements pour le zèle qu’ils avaient mis à faire réussir la nouvelle révolution21. » Une grande carrière commençait pour Talleyrand avec te siècle : c’est sa période la plus brillante, et une fois introduit sur la scène dans le premier rôle, il ne la quitta plus, même lorsqu’il parut s’éclipser et faire le mort par moments.

1306. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre II. Distinction des principaux courants (1535-1550) — Chapitre I. François Rabelais »

Comme artiste, il résume et dépasse de bien loin ces essais que j’ai déjà signalés, ces timides esquisses de la vie morale, des formes et du jeu des âmes.

1307. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre II. Les formes d’art — Chapitre IV. Le roman »

Seulement, chez Marivaux, ce n’est pas un jeu, une rhétorique : c’est la pente de sa nature et de son talent.

1308. (1886) De la littérature comparée

Arrivée à ce point, la critique se différencie déjà nettement du feuilleton littéraire, elle s’exerce sur des faits précis, elle procède méthodiquement, elle n’est plus un jeu d’esprit ou un exercice de littérature, elle est une discipline de l’histoire.

1309. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Éloges académiques de M. Pariset, publiés par M. Dubois (d’Amiens). (2 vol. — 1850.) » pp. 392-411

Pourtant, de telles grâces ressemblent trop à ces fausses beautés poétiques par lesquelles d’habiles versificateurs se piquaient d’éluder élégamment le mot propre ; elles ont l’air d’un jeu et ne survivent pas au petit succès du moment.

1310. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Œuvres de Mme de Genlis. (Collection Didier.) » pp. 19-37

J’apprenais à jouer au billard et quelques jeux de cartes, le piquet, le reversi, etc.

1311. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Histoire de la Restauration, par M. de Lamartine. (Les deux premiers volumes. — Pagnerre.) » pp. 389-408

Mais ce qui est à côté les trahit, et ne les montre que comme d’heureux hasards ou comme des jeux d’une rhétorique supérieure.

1312. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « La reine Marguerite. Ses mémoires et ses lettres. » pp. 182-200

tâchons de le rehausser en discours, d’en prolonger l’image et le jeu.

1313. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Monsieur Étienne, ou une émeute littéraire sous l’Empire. » pp. 474-493

« Le fond est bon, disait Geoffroy de cette Petite École des pères ; il était même susceptible d’être plus étendu ; la morale de la pièce est en action et non pas en sentences ; on y trouve de l’instruction et point de sermons. » Une heure de mariage (1804) est une spirituelle et gaie folie, un peu gâtée par les couplets ; mais il y a d’heureuses scènes, un jeu de partie carrée qui est mené très habilement.

1314. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Regnard. » pp. 1-19

la femme sensée et rigide, le comique riant et un peu dissolu disent la même chose ; Mme Grognac et Lisette chez Regnard, quand elles parlent des jeunes gens à la mode, font le pendant exact de ce que Mme de Maintenon racontait à Mme des Ursins sur les jeunes femmes à la mode au temps de la duchesse de Bourgogne : des deux côtés, c’est le jeu effréné, c’est le vin, le contraire en tout du sobre et du poli ; l’orgie avait commencé à huis clos sous Louis XIV.

1315. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « La Fontaine. » pp. 518-536

Eux, ils ne l’ont que dans le style, et lui, il l’a dans le style à la fois et dans le jeu des petites scènes.

1316. (1912) Le vers libre pp. 5-41

Ainsi les romantiques, pour augmenter les moyens d’expression de l’alexandrin ou plus généralement des vers à jeu de syllabes pairs, inventèrent le rejet qui consiste en un trompe-l’œil transmutant deux vers de douze pieds en un vers de quatorze ou quinze et un de neuf ou dix.

1317. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre II : Variations des espèces à l’état de nature »

Il s’en présenterait, qu’elles ne pourraient se perpétuer que dans le cas où elles seraient avantageuses à l’animal, parce qu’alors la sélection naturelle entrerait en jeu.

1318. (1912) L’art de lire « Chapitre VIII. Les ennemis de la lecture »

Il sait se défendre ; il n’a même pas besoin de se défendre ; il est inaccessible ; il voit clair dans le jeu et on ne lui en donne pas à garder.

1319. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « III — Un symbole »

Tel est, sous le voile de l’allégorie, le jeu de la politique de Léon XIII et de ses disciples.

1320. (1894) La bataille littéraire. Septième série (1893) pp. -307

De toutes ces insultes de Saint-Simon, en les exprimant d’un pouce ferme, il ne sort rien de plus que l’ambition effrénée d’une femme qui avait le droit de prétendre à tout et qui, arrivée à sa place par cette loi de gravitation dont le jeu reste toujours innocent de ses actes, s’effaça et vécut avec la simplicité de la plus humble chrétienne, entre son royal époux et Dieu. […] Admirons par quel jeu sûr, par quel mécanisme ingénieux, l’Académie française communique a quelques-uns de ses membres l’importance qu’elle reçoit des autres. […] Vieux jeu, je le sais, mais beau jeu ! […] Aux jours de sa villégiature annuelle en Danemarki, quand un anniversaire réunit autour des augustes souverains danois leur nombreuse famille, Alexandre III aime, en manière de jeu, à se camper, souriant, les bras croisés, au milieu d’une pelouse, et à défier l’assaut de tous les membres de cette famille dont les efforts combinés ne peuvent parvenir à l’ébranler. […] Chaptal se destina à la médecine, et ce fut un fait assez extraordinaire, comme il le dit, qui vint refroidir son zèle pour l’anatomie ; à l’amphithéâtre il trouva le corps d’un jeune homme mort depuis quatre ou cinq heures ; il le reconnut pour lui avoir servi plusieurs fois à ramasser ses boules au jeu de mail.

1321. (1925) Comment on devient écrivain

La spirituelle prose qu’Anatole France doit à Renan semble elle-même avoir déjà pris quelque chose d’artificiel, un air de pastiche délicieusement suranné, parce qu’Anatole France n’a écrit que pour le jeu des idées, au lieu de chercher la vie et l’observation humaines. […] « La principale cause des changements esthétiques est un simple jeu d’action et de réaction. […] Thibaudet ne voit qu’un « jeu habile, mais un jeu »,‌ Jules Lemaître avait magistralement résumé ce qu’il faut penser sur ce sujet : « Je crois, dit-il, que Gustave Flaubert a réalisé pleinement et dans toute sa pureté une espèce de roman qui est tout simplement la peinture de la vie humaine telle qu’elle est (qu’on appelle cela si l’on veut le roman réaliste). […] Il vous restera toujours assez de jeu pour les fantaisies de l’exécution. […] Ce qui est vraiment trop facile, c’est le mauvais roman mondain, le roman-snob, celui qui continue à exploiter l’éternel vieux jeu, la femme fatale, la contessina, l’aventurière, jalousies gantées, passions tragiques, adultères de balcon, lacs italiens, Florence, Venise, voyages en sleeping, étrangères énigmatiques, la criarde Riviera, le Brésilien exalté, byronisme de palace et de wagons-lits, défroque usée et rapiécée dont s’habille encore de nos jours la néo-banalité romantique.

1322. (1922) Nouvelles pages de critique et de doctrine. Tome II

Les Espagnols disent énergiquement du taureau qui ne se laisse pas prendre au jeu de la muleta et qui vise au corps du torero : « Il cherche le paquet, — quiere el bolto. » L’auteur de la Réforme intellectuelle aussi « cherche le paquet ». […] La morale disparaît, pour laisser la place au seul jeu des énergies, soumises à un unique principe, celui de la concurrence vitale. […] Quand un grand nombre d’individus sont à la fois dominés par un même vice, c’est qu’il y a dans le jeu de l’activité collective un élément faussé. […] En les forçant à la lutte avec les gens et les circonstances, elle les arrache au péril de la Tour d’ivoire, aux jeux stériles de l’esthéticisme. […] Nous discernons aussitôt que le jeu de ces classes vis-à-vis l’une de l’autre, implique une contradiction intime : elles sont à la fois solidaires et antagonistes l’une de l’autre.

1323. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « M. DAUNOU (Cours d’Études historiques.) » pp. 273-362

Il lisait Tacite seul, il relut tout Juvénal avec Dusaulx, aux moments où celui-ci (grand joueur, et qui avait écrit contre la passion du jeu) ne jouait pas au bouchon avec le marquis de ***. […] Lui, si humain pour les opprimés, il fut sans pitié ce jour-là, il ne vit que l’intérêt philosophique en jeu, et se remit en posture de gallican pour mieux frapper. — Un plus mémorable épisode de sa vie littéraire sous l’Empire est son amitié intime avec Chénier118. […] Daunou.retrouvait, à de rares moments, des éclairs de gaieté qui faisaient plaisir à voir, et on a pu l’entendre, après certains dîners où les vieux souvenirs étaient en jeu, se mettant tout d’un coup à fredonner quelque chansonnette de son jeune temps.

1324. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Troisième partie. — L’école historique » pp. 253-354

Je ne sais si le raisonnement est bien bon, mais je sais que le temps vient où la critique, s’imaginant avoir justifié par des raisons inverses toutes les prétendues fautes de goût de Shakespeare, dédaignera de blâmer les plus mauvais jeux de mots d’Hamlet, et oubliera de nous faire frémir d’horreur au spectacle de l’œil de Glocester écrasé par le talon de Cornouailles367. […] Ils ont l’air de considérer l’homme dans la nature comme un empire dans un autre empire, et l’empire même de la nature comme le jeu des secrets caprices du Destin. […] Ce fut une succession de toutes les fantaisies qui peuvent charmer et ravir les sens, travestissements, cavalcades, courses de bagues, concerts de voix et d’instruments, récits de vers, festins servis par les Jeux, les Ris et les Délices, ballets, machines, feux d’artifices, illuminations, loteries, collations.

1325. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre V. La philosophie. Stuart Mill. »

Il me conduisait le soir au nouveau muséum, tout peuplé de spécimens : on y professe de petits cours, on met en jeu des instruments nouveaux ; les dames y assistent et s’intéressent aux expériences ; le dernier jour, pleines d’enthousiasme, elles chantèrent God save the Queen. […] L’essence ou nature d’un être est la somme indéfinie de ses propriétés. « Nulle définition, dit Mill, n’exprime cette nature tout entière, et toute proposition exprime quelque partie de cette nature1479. » Quittez donc la vaine espérance de démêler sous les propriétés quelque être primitif et mystérieux, source et abrégé du reste ; laissez les entités à Duns Scott ; ne croyez pas qu’en sondant vos idées comme les Allemands, en classant les objets d’après le genre et l’espèce comme les scolastiques, en renouvelant la science nominale du moyen âge, ou les jeux d’esprit de la métaphysique hégélienne, vous puissiez suppléer à l’expérience. […] Ils ont torturé leurs formules universelles pour en tirer des cas tout particuliers ; ils ont pris des suites indirectes et lointaines pour des suites directes et prochaines ; ils ont omis ou supprimé le grand jeu qui s’interpose entre les premières lois et les dernières conséquences ; ils ont écarté de leurs fondements le hasard, comme une assise indigne de la science, et ce vide qu’ils laissaient, mal rempli par des matériaux postiches, a fait écrouler tout le bâtiment.

1326. (1904) Zangwill pp. 7-90

« Quelle opposition entre notre littérature du douzième siècle et celle des nations voisines. » J’arrête ici pour aujourd’hui la citation ; la méthode est bien ce que nous avons dit ; elle est doublement ce que nous avons dit ; quand par malheur l’historien parvient enfin aux frontières de son sujet, à peine réchappé de l’indéfinité, de l’infinité du circuit antérieur, il se hâte, pour parer ce coup du sort, de se jeter dans une autre indéfinité, dans une autre infinité, celle du sujet même ; à peine réchappé d’avoir absorbé une première indéfinité, une première infinité, celle du circuit, celle du parcours, et de tous ces travaux d’approche, qui avaient pour principal objet de n’approcher point, il invente, il imagine, il trouve, il feint une indéfinité nouvelle, une infinité nouvelle, celle du sujet même ; il analyse, il découpe son sujet même en autant de tranches, en autant de parcelles que faire se pourra ; il y aura des coupes, des tranches longitudinales, des tranches latérales, des tranches verticales, des tranches horizontales, des tranches obliques ; il y en aurait davantage ; mais notre espace n’a malheureusement que trois dimensions ; et comme nos images de littérature sont calquées sur nos figures de géométrie, le nombre des combinaisons est assez restreint ; tout restreint qu’il soit, nous obtenons déjà d’assez beaux résultats ; nous étudierons séparément l’homme, l’artiste, le penseur, le rêveur, le géomètre, l’écrivain, le styliste, et j’en passe, dans la même personne, dans le même auteur ; cela fera autant de chapitres ; nous nous garderons surtout de nous occuper dans le même chapitre de l’art et de l’artiste ; cela ferait un chapitre de perdu ; et si d’aventure, de male aventure nous parvenons à parcourir toutes les indéfinités, toutes les infinités de détail de tous ces chapitres, de toutes ces sections, il nous reste une ressource suprême, un dernier moyen de nous rattraper ; ayant étudié séparément l’homme, l’écrivain, l’artiste, et ainsi de suite, nous étudierons les relations de l’homme et de l’écrivain, puis de l’artiste et de l’art, et du styliste, et ainsi de suite, d’abord deux par deux, puis trois par trois, et ainsi de suite ; étant données un certain nombre de sections, formant unités, les mêmes mathématiques nous apportent les formules, et nous savons combien de combinaisons de relation peuvent s’établir ; cela fera autant de chapitres nouveaux ; et quand nous aurons fini, si jamais nous finissons, le diable soit du bonhomme s’il peut seulement ramasser ses morceaux ; que de les rassembler, il ne faut point qu’il y songe ; l’auteur a fait un jeu de patience où nulle patience ne se retrouverait. […] Chez les Grecs, race plus noble, cela se faisait mieux par la flûte et les jeux des bergers. […] Dans sa grande franchise et netteté universitaire il passe d’un énorme degré les anticipations précautionneuses de Renan ; Renan ne donnerait pas prise à de tels reproches ; il ne donnerait pas matière à de telles critiques ; il ne donnerait pas cours à de tels ridicules : Renan n’était point travaillé de ces hypertrophies : lui-même il endossait trop bien le personnage de ses adversaires, de ses contradicteurs, de ses critiques éventuels ; toute sa forme de pensée, toute sa méthode, tous ses goûts, tout son passé, toute sa vie de travail, de mesure, de goût, de sagesse le gardaient contre de telles exagérations ; il n‘a jamais aimé les outrances, et, juste distributeur, autant et plus averti sur lui-même que sur les autres encore, il ne les aimait pas plus chez lui-même et pour lui-même qu’il ne les aimait chez les autres ; il aimait moins les outrances de Renan que les outrances des autres, peut-être parce qu’il aimait Renan plus qu’il n’aimait les autres ; comme Hellène il se méfiait des hommes, et des dieux immortels ; comme chrétien, il se méfiait du bon Dieu ; comme citoyen, il se méfiait des puissances ; et comme historien, des événements ; comme historien des dieux, et de Dieu, mieux que personne il savait comment en jouer, et quelles sont les limites du jeu ; il était un Hellène, un huitième sage ; il connaissait d’instinct que l’homme a des limites ; et qu’il ne faut point se brouiller avec de trop grands bons Dieux ; il s’était donc familièrement contenté de donner à l’humanité, à l’historien, les pouvoirs du Dieu tout connaissant ; il n’eût point mis à son temple d’homme un surfaîte orgueilleux et qui bravât la foudre.

1327. (1864) Le positivisme anglais. Étude sur Stuart Mill

Il me conduisait le soir au nouveau muséum, tout peuplé de spécimens : on y professe de petits cours, on met en jeu des instruments nouveaux : les dames y assistent et s’intéressent aux expériences ; le dernier jour, pleines d’enthousiasme, elles chantèrent God save the Queen. […] « Nulle définition, dit Mill, n’exprime cette nature tout entière, et toute proposition exprime quelque partie de cette nature8. » Quittez donc la vaine espérance de démêler sous les propriétés quelque être primitif et mystérieux, source et abrégé du reste ; laissez les entités à Duns Scott ; ne croyez pas qu’en sondant vos idées comme les Allemands, en classant les objets d’après le genre et l’espèce comme les scolastiques, en renouvelant la science nominale du moyen âge, ou les jeux d’esprit de la métaphysique hégélienne, vous puissiez suppléer à l’expérience. […] Ils ont torturé leurs formules universelles pour en tirer des cas tout particuliers ; ils ont pris des suites indirectes et lointaines pour des suites directes et prochaines ; ils ont omis ou supprimé le grand jeu qui s’interpose entre les premières lois et les dernières conséquences ; ils ont écarté de leurs fondements le hasard, comme une assise indigne de la science, et ce vide qu’ils laissaient, mal rempli par des matériaux postiches, a fait écrouler tout le bâtiment.

1328. (1900) Molière pp. -283

Excité, piqué au jeu par ces contradictions, M.  […] Même sûreté, même puissance de Molière à recueillir, à rassembler, par le jeu du dialogue, autour d’une de ces figures qu’il crée toutes vives, beaucoup de traits accessoires, de circonstances, dont l’effet est de la mettre pour nous, au mieux, dans son cadre, ou de lui donner un fond, un fond d’une teinte appropriée, et dont le détail la complète. […] La Rochefoucauld a dit, dans ses maximes, un mot bien outré, mais qui paraît juste : « Il y a de bons mariages : il n’y en a pas de délicieux. » Le mot est charmant, mais, dans la littérature au moins, il est outré ; il y a des mariages qui sont à la fois bons et délicieux, le mariage de Silvia avec Dorante dans Le Jeu de l’amour et du hasard, le mariage d’Araminte avec son intendant, dans Les Fausses Confidences. […] Au-dessus de nos têtes, entre eux et moi, une muse flottait, invisible et transparente sous son éther, semant le feu poétique qui allume les âmes et qui les transporte ou les tient au niveau des hauts et profonds poètes ou des poètes dégagés, qui nous met à l’unisson de leurs grandes paroles, de leurs jeux et de leurs ris, qui nous fait créer à nouveau les belles œuvres dans les moments que nous les lisons, les sentons et les expliquons. » ……………………………………………………………………… G.  […] La comédie répond si bien à notre humeur ; elle naît si naturellement de nos habitudes d’esprit et du jeu spontané de nos facultés, qu’elle est chez nous de toutes les époques.

1329. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [1] Rapport pp. -218

Elle sera respectueuse envers son époux si ce respect donne lieu à une scène peut-être saisissante, et irrespectueuse dans un autre cas ; elle sera superstitieuse pour le joli jeu terrible du jeu de cartes prophétique ouvert à la dérobée sur la table, et elle bravera la superstition pour le plaisir du gant tombé, signal charmant de la tragédie ; elle sera amante, parce qu’il faut bien une scène d’amour ; mère avec ses enfants dans les jupes, parce qu’il faudrait avoir un cœur de pierre pour ne point s’attendrir d’une femme qui, entre son petit garçon et sa petite fille, subit les injures et les menaces d’une multitude en fureur ; et elle deviendra aussi quelque héroïne grandiose pour se hausser, devant la mort, à la hauteur du fatal dénouement. […] D’autre part, Victor Hugo qui, « enfant sublime », avait été, vers sa quinzième année, couronné à deux reprises par l’académie des Jeux floraux et signalé d’une mention par l’Académie française, donnait en 1822 le recueil des odes, déjà imprimées, déjà célèbres. […] La préface de Cromwell se parallélise avec le serment du Jeu de Paume. […] Parce que Victor Hugo, sans souvenir de la préface des Orientales, s’était adonné à la politique, parce qu’il avait cru devoir, en quelques-unes de ses œuvres, demander à son génie poétique la propagation de son idéal social, on eut beau jeu à réagiter la question de l’art pour l’art. […] Mais c’étaient là de menus jeux d’esprit, récréations entre les véritables poèmes, et qui n’aspiraient pas du tout à bouleverser l’art poétique français.

1330. (1874) Histoire du romantisme pp. -399

Sur le rebord de velours, posant leurs bouquets et leurs lorgnettes, les femmes s’installaient comme pour une longue séance, donnant du jeu aux épaulettes de leur corsage décolleté, s’asseyant bien au milieu de leurs jupes […] D’un œil calme il a regardé quels jeux de lumière produisait le vin du Rhin dans le rœmer d’émeraude et quelles formes bizarres prenait la fumée des pipes au-dessus des dissertations hégéliennes dans les gasthaus esthétiques. […] On aurait pu croire que c’était chez lui un jeu d’esprit d’avancer des théories contraires à sa pratique, mais tout nous fait croire qu’il était sincère en émettant ces idées, si étranges dans sa bouche. […] Le talent de madame Dorval était tout passionné, non qu’elle négligeât l’art, mais l’art lui venait de l’inspiration ; elle ne calculait pas son jeu geste par geste, et ne dessinait, pas ses entrées et ses sorties avec de la craie sur le plancher : elle se mettait dans la situation du personnage, elle l’épousait complètement, elle devenait lui, et agissait comme il aurait agi : de la phrase la plus simple, d’une interjection, d’un oh ! […] Le Marbrier lui fournit aussi une scène où, par un jeu muet, il put faire fondre en larmes toute une salle.

1331. (1903) La pensée et le mouvant

Raisonner sur des idées abstraites est aisé : la construction métaphysique n’est qu’un jeu, pour peu qu’on y soit prédisposé. […] Gardons-nous de voir un simple jeu dans une spéculation sur les rapports du possible et du réel. […] Ou la métaphysique n’est que ce jeu d’idées, ou bien, si c’est une occupation sérieuse de l’esprit, il faut qu’elle transcende les concepts pour arriver à l’intuition. […] Si les lettres étaient des parties du poème, je pourrais tâcher de le reconstituer avec elles en essayant des divers arrangements possibles, comme fait l’enfant avec les pièces d’un jeu de patience. […] Cette idée n’est d’ailleurs pas une force, mais simplement un principe d’explication : si elle travaillait effectivement, si elle pouvait, en quoi que ce fût, contrarier le jeu des forces physiques et chimiques, il n’y aurait plus de physiologie expérimentale.

1332. (1905) Études et portraits. Sociologie et littérature. Tome 3.

Visiblement, il est de ceux qui croient que l’existence même de la civilisation est intéressée au double jeu des pratiques traditionnelles, qui représentent l’élément vital par excellence : l’Inconscient, — et des méthodes positives qui représentent plus particulièrement le Rationnel, le Conscient. […] Du jour où ce développement est compromis par le simple jeu des institutions, les familles ont droit de se plaindre. […] Le jeu des éléments les uns sur les autres trop inconnu. […] Il y a intérêt à ce que ce recrutement s’accomplisse d’une manière spontanée et hors de l’ingérence des pouvoirs publics, C’est le seul procédé pour obtenir cette variété qui n’est guère conciliable avec le jeu de l’autorité centrale. […] Une âme sensuelle à la fois et mystique ne peut obtenir une mise en jeu simultanée de ces deux aspirations que dans des égarements empoisonnés de remords.

1333. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Sully, ses Économies royales ou Mémoires. — II. (Suite.) » pp. 155-174

À la bataille de Coutras, qui ouvre la grande carrière de Henri IV (1587), Rosny, avec trois autres officiers, fut chargé de l’artillerie (deux canons et une couleuvrine), dont le jeu fit merveille et décida du gain de la bataille23.

1334. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Duclos. — I. » pp. 204-223

C’est bizarre, métaphysique, contourné ; nulle part on n’y sent le souffle des fées, le regard et le jeu de la déesse.

1335. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « William Cowper, ou de la poésie domestique (I, II et III) — II » pp. 159-177

Aucun sopha alors ne m’attendait à mon retour, et je n’avais point besoin de sopha alors ; la jeunesse répare la dépense de ses esprits et de ses forces en un rien de temps ; par un long exercice elle n’amasse qu’une courte fatigue ; et quoique nos années, à mesure que la vie décline, s’enfuient bien rapidement et qu’il n’y en ait point une seule qui ne nous dérobe en s’en allant quelque grâce de jeunesse que l’âge aimerait à garder, une dent, une mèche brune ou blonde22, et qu’elle blanchisse ou raréfie les cheveux qu’elle nous laisse, toutefois le ressort élastique d’un pied infatigable qui monte légèrement le degré champêtre où qui franchit la clôture ; ce jeu des poumons, cette libre et pleine inhalation et respiration de l’air qui fait qu’un marcher rapide ou qu’une roide montée ne sont point une fatigue pour moi ; tous ces avantages, mes années ne les ont point encore dérobés ; elles n’ont point encore diminué mon goût pour les belles vues naturelles ; ces spectacles qui calmaient ou charmaient ma jeunesse, maintenant que je ne suis plus jeune, je les trouve toujours calmants et toujours ayant le pouvoir de me charmer.

1336. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Une Réception Académique en 1694, d’après Dangeau (tome V) » pp. 333-350

Puis ne perdons rien du jeu de scène : pendant que l’un pique, joue et enfonce, l’autre, qui se croit loué, se rengorge et jouit ; et l’auditoire, — cet auditoire qui se compose de la fleur de la ville et de la Cour, de témoins de la qualité des Hamilton, des Coulanges et des Caylus, saisit chaque nuance, achève chaque intention, et la redouble en applaudissant63.

1337. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Œuvres de Vauvenargues tant anciennes qu’inédites avec notes et commentaires, par M. Gilbert. — III — Toujours Vauvenargues et Mirabeau — De l’ambition. — De la rigidité » pp. 38-55

Il tient surtout dans sa lettre (car nous en sommes toujours à cette même lettre décisive, où il se découvre) à bien montrer à Mirabeau qu’on peut désirer de sortir d’une condition médiocre et d’arriver à une grande situation, par de grands motifs et sans du tout abjurer la hauteur des sentiments : Il y a des hommes, je le sais, qui ne souhaitent les grandeurs que pour vivre et pour vieillir dans le luxe et dans le désordre, pour avoir trente couverts, des valets, des équipages, ou pour jouer gros jeu, pour s’élever au-dessus du mérite et affliger la vertu, et qui n’arrivent à ce point que par mille indignités, faute de vues et de talents : mais, de souhaiter, malgré soi, un peu de domination parce qu’on se sent né pour elle ; de vouloir plier les esprits et les cœurs à son génie ; d’aspirer aux honneurs pour répandre le bien, pour s’attacher le mérite, le talent, les vertus, pour se les approprier, pour remplir toutes ses vues, pour charmer son inquiétude, pour détourner son esprit du sentiment de nos maux, enfin, pour exercer son génie et son talent dans toutes ces choses ; il me semble qu’à cela il peut y avoir quelque grandeur.

1338. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Le journal de Casaubon » pp. 385-404

Non, ce qu’on veut de Casaubon, c’est de l’amener sur le terrain de la théologie, qui est alors le terrain de la passion brûlante, de l’intérêt en jeu, de la politique ; ce que lui veut le cardinal du Perron dans ces fréquents entretiens qu’il a avec lui et pour lesquels il le mande sans cesse, ce n’est pas de causer avec désintéressement des belles choses inutiles, d’un sens de Virgile ou d’Homère, ou d’un usage transmis par Athénée, de ces doux riens qui occupent pendant des journées les âmes innocentes : ce qu’il veut, c’est de l’ébranler, de le convaincre à l’aide de passages des Pères, et, s’il se peut, de le convertir.

1339. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Œuvres de Maurice de Guérin, publiées par M. Trébutien — II » pp. 18-34

Heureux qui peut la voir se livrant à ses jeux terribles sans danger pour aucun être vivant !

1340. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Correspondance de Béranger, recueillie par M. Paul Boiteau. »

Et puis il y a le Béranger tout contraire et qu’on s’estfait en haine du premier : le faux bonhomme qui calculetout, qui ricane de tout, qui tire toujours à temps sonépingle du jeu ; un Béranger beaucoup trop malin, égoïstedans tout ce qu’il fait, dans tout ce qu’il donne ; à quil’on refuse à la fois bonté de cœur, distinction et franchise dans le talent.

1341. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Histoire de Louvois et de son administration politique et militaire, par M. Camille Rousset, professeur d’histoire au lycée Bonaparte. »

Ce n’est pas à réussir sur l’heure et pour un jour qu’il vise, comme cela suffit aux charlatans, c’est à s’acquérir l’estime des connaisseurs et de ceux qui en jugeront plus tard à l’usage : « Ce n’est pas ici un jeu d’enfants, écrivait-il à propos de ce même Dunkerque, et j’aimerais mieux perdre la vie que d’entendre dire un jour de moi ce que j’entends des gens qui m’ont devancé. » Plein de bonnes raisons, et de celles qu’il donne, et de celles qu’il garde par devers lui dans un art qui a ses secrets, il s’impatiente et s’irrite même des chicanes et des objections qu’on élève quand il a le dos tourné ; il s’en plaint au ministre et d’un ton parfois un peu brusque.

1342. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Montaigne en voyage »

Les armes sont journalières, même à ce métier et à ce jeu d’érudit.

1343. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Maurice et Eugénie de Guérin. Frère et sœur »

et moi là, avec je ne sais qui, car je ne voudrais pas un paysan tel que les nôtres, qui sont rustres et battent leurs femmes… » Elle n’achève pas, mais la nature a parlé, et il se retrouve là encore, au fond de ce jeu et de ce rêve d’idylle, un mari… pas trop brutal… et des enfants.

1344. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Ducis épistolaire. »

Puis je me suis mis à songer, non sans tristesse, à ce qu’il a fallu d’efforts, de bégayements, pour amener et rendre possible sur notre scène cette reproduction à peu près fidèle ; je repassais dans mon esprit et ces anciens combats et ces discussions si animées, si ferventes, dont rien ne peut rendre l’idée aujourd’hui ; ces-études graduelles qui faisaient l’éducation de la jeunesse lettrée, et par où l’on se flattait de marcher bientôt à une pleine et originale conquête ; je me redisais les noms de ces anciens critiques si méritants, si modestes et presque oubliés, de ces précepteurs du public qui, tandis que les brillants Villemain plaidaient de leur côté dans leur chaire, eux, expliquaient dans leurs articles et serraient de près leur auteur, le commentaient, pied à pied avec détail ; les Desclozeaux, les Magnin nous parlant dans le Globe, dès 1826 ou 1828, de ces pièces admirables dont bientôt nous pûmes juger nous-mêmes sous l’impression du jeu de Kean, de Macready, de miss Smithson, et nous en parlant si bien, dans une note si juste, si précise à la fois et si sentie.

1345. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Le père Lacordaire. Les quatre moments religieux au XIXe siècle, (suite et fin.) »

C’était autrefois une affaire de consulter Rome et d’en recevoir réponse, cela demandait du temps : ce n’est plus qu’un jeu aujourd’hui.

1346. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Mémoires de l’abbé Legendre, chanoine de Notre-Dame, secrétaire de M. de Harlay, archevêque de Paris. »

Harlay avait des jaloux, des envieux, et de ce nombre Le Tellier, frère de Louvois et coadjuteur de Reims ; mais les envieux avec lui cachaient leur jeu, et cette fois ils se déguisèrent en flatteurs.

1347. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Oeuvres inédites de la Rochefoucauld publiées d’après les manuscrits et précédées de l’histoire de sa vie, par M. Édouard de Barthélémy. »

Ô Amour-propre, je t’ai vu à l’œuvre dans ton plus beau zèle, dans ta flamme et avec ta rougeur de chérubin, et je te reconnais, même quand tu es assis dans la Compagnie au bout de la table, à la place la plus humble et où tu te fais le plus petit, à celle d’où il est le plus commode, le plus doux pour toi d’assister à ton jeu et à ton triomphe !

1348. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Gavarni. (suite) »

» La situation se dessine vivement, ainsi que les caractères : il y a au fond deux natures et deux conditions différentes en jeu.

1349. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Gavarni (suite et fin.) »

» — « L’homme. » Gavarni se plaît à faire assister son Vireloque et à le faire applaudir aux jeux cruels des enfants, aux traits précoces de la méchanceté humaine.

1350. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Théophile Gautier (Suite et fin.) »

Je n’ai point parlé de cette quantité de jolies nouvelles attirantes dans leur étrangeté : La Morte amoureuse, qui vient bien après Une Larme du diable ; Une Nuit de Cléopâtre, Le Roi Candaule, qui me font l’effet d’être du pur Gérome en littérature ; — de Jean et Jeannette, récit léger d’un genre tout différent, une manière d’agréable pastel du xviiie  siècle, une sorte de duel serré avec Marivaux et la reprise en roman des Jeux de l’Amour et du Hasard.

1351. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « M. Émile de Girardin. »

On l’a assez fait dans ce journal, auprès de moi ; je laisse aux fines plumes, et plus alertes que la mienne, leur duel habile et tout leur jeu.

1352. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Le mariage du duc Pompée : par M. le comte d’Alton-Shée »

Au milieu des vérités d’observation et d’expérience dont cette pièce est semée et qui sont exprimées d’une touche ferme et sans prétention, il y a donc, contrairement à plus d’un exemple à la mode, une veine de sentiment et de bonne nature ; il s’y rencontre à tout instant, à travers les faiblesses, de bonnes fibres en jeu.

1353. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Don Quichotte (suite et fin.) »

Ce spirituel vieillard à qui l’on fit remarquer un matin, tandis qu’on l’habillait, une tache de gangrène sénile à l’une de ses jambes, cacha à ses gens le pronostic qu’il en tirait, n’avertit qu’un ou deux amis intimes à l’oreille, en invita un plus grand nombre, dix ou douze, à venir passer chez lui la soirée pour chacun des jours suivants, vers cinq heures ; il leur promettait des tables de jeu, des échiquiers, des trictracs, de quoi faire passer agréablement le temps.

1354. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Histoire de la littérature anglaise, par M. Taine, (suite) »

Nous le fîmes, et c’est ce qui donna matière aux maximes publiées ensuite dans nos mélanges ; celles de la fin d’un des volumes sont de moi, celles de l’autre volume sont du docteur Swift. » Ce sont là des passe-temps ingénieux, des jeux de gens d’esprit et de gens de lettres ; on est loin de Shakespeare sans doute et même de Milton ; mais je ne vois rien en tout cela qui prête si fort au ridicule, et dans une Histoire de la littérature, la partie littéraire proprement dite, même en ce qu’elle offre d’un peu calculé et d’artificiel, a droit, ce semble, de trouver place et grâce.

1355. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Mémoires de madame Roland »

Dauban, l’éditeur actuel des Mémoires de Mme Roland et qui arrive à sa date, 71 ans après la mort de cette femme illustre, a beau jeu pour venir nous développer aujourd’hui sa doctrine austère ; il est bon, toutefois, de l’entendre à ce sujet.

1356. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Marie-Antoinette (suite.) »

En ce temps de jeunesse, lorsqu’elle voulait quelque chose, elle le voulait avec vivacité, ardeur, exigence même ; elle se piquait et s’irritait des contradictions, des résistances ; elle y mettait aussi de la séduction et de l’adresse, l’art de la femme ; et l’objet qu’elle avait en vue une fois atteint, elle revenait à ses jeux, à ses distractions de chaque heure, aux surprises aimables où elle excellait et dont elle animait ses journées, aux habitudes délicieuses de l’amitié la plus charmante.

1357. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Exploration du Sahara. Les Touareg du Nord, par M. Henri Duveyrier. »

On y voit toutes les passions en jeu et les cupidités qui ressortent des privations mêmes ; chacun fait de la poésie avec les images qui hantent sa pensée : toutes ces jouissances inconnues des Touâreg, y compris celle de l’eau qu’eux-mêmes n’obtiennent qu’à de rares intervalles, ils les enlèveront avec joie et rage à leur ennemi.

1358. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Mlle Eugénie de Guérin et madame de Gasparin, (Suite et fin.) »

Tout à coup les voilà qui se tournent l’un vers l’autre et font deux à deux une danse à caractère qu’ils accompagnent d’un jeu de bâtons blancs dont le bruit se mêle sans se confondre au son des instruments qui accompagnent la danse.

1359. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Marie-Thérèse et Marie-Antoinette. Leur correspondance publiée par le chevalier d’Arneth »

Les La Beaumelle avaient beau jeu dans l’Antiquité.

1360. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « HISTOIRE de SAINTE ÉLISABETH DE HONGRIE par m. de montalembert  » pp. 423-443

C’est cette faculté, chez nous en jeu dans le moindre rêve, qui, chez les saintes du moyen âge (Brigitte, Élisabeth, etc.), se dirigeant tout à fait sur la Passion de Jésus-Christ, et comme éclairée alors de faveurs singulières, amenait tant de tableaux exacts, vivants, qui la reproduisaient dans des détails infinis.

1361. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « THÉOPHILE GAUTIER (Les Grotesques.) » pp. 119-143

Gautier, qui souvent aurait eu peu à faire pour compléter de la sorte ses propres aperçus, pour donner du moins un fond solide à ses jeux brillants et capricieux, s’en est trop peu soucié d’ordinaire.

1362. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE SÉVIGNÉ » pp. 2-21

Molière a tiré du spectacle de la vie, du jeu animé des travers, des vices et des ridicules humains, tout ce qui se peut concevoir de plus fort et de plus haut en poésie.

1363. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE SOUZA » pp. 42-61

Un jour, il fut sur le point de compromettre par son humeur au jeu sa douce amie Athénaïs. — « Quoi !

1364. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE DURAS » pp. 62-80

Durant le congrès de Vérone, M. de Chateaubriand lui écrivait presque chaque jour ce qui s’y passait et les détails de ce grand jeu.

1365. (1861) Cours familier de littérature. XII « LXVIIIe entretien. Tacite (1re partie) » pp. 57-103

Il faut qu’il ait pratiqué lui-même les conseils, les assemblées, les négociations, les délibérations, les affaires publiques, afin d’avoir observé de ses propres yeux le jeu des passions, des intérêts, des ambitions, des intrigues, des caractères, des vertus ou des perversités qui s’agitent dans les cours, dans les camps, dans les comices, dans la place publique.

1366. (1892) Boileau « Chapitre VI. La critique de Boileau (Fin). La querelle des anciens et des modernes » pp. 156-181

On voit combien Boileau améliorait la théorie de Perrault, en substituant à cette loi de fer du progrès constant, universel, qui fait violence aux faits par la régularité mécanique et monotone de son jeu hypothétique, un principe infiniment plus flexible, plus voisin de la réalité, et qui s’y adapte sans peine pour l’exprimer : distinguer dans le mouvement général du monde intellectuel une pluralité de petits mouvements, des séries partielles ascendantes ou descendantes, se succédant, s’enchevêtrant, s’ajoutant, se contrariant, se figurer la marche de la littérature, non plus comme offrant la rigidité d’une ligne droite, mais comme une quantité de lignes brisées ou courbes du dessin le plus capricieux, c’était prendre la notion du rythme ondoyant des choses, et ni plus ni moins qu’introduire dans la critique la doctrine de l’évolution.

1367. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Quatrième partie. Élocution — Chapitre IV. Des figures : métaphores, métonymies, périphrases »

Le romantisme, en brisant la hiérarchie des mots qui faisait les uns éternellement nobles et les autres à tout jamais bas, a mis fin à ces périphrases ingénieuses et froides, qui faisaient dévier la poésie de sa véritable voie et l’amusaient à des jeux d’enfants : Je nommai le cochon par son nom : pourquoi pas ?

1368. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre II. La première génération des grands classiques — Chapitre I. La tragédie de Jodelle à Corneille »

Aucun principe, aucune doctrine d’art n’est en jeu ; et c’est pourquoi nous pouvons ne pas nous arrêter aux pamphlets de Mairet, accusant Corneille de plagiat, aux Observations de Scudéry se faisant fort de démontrer : 1° que le sujet du Cid ne valait rien ; 2° qu’il choquait les règles ; 3° qu’il manquait de jugement en sa conduite ; 4° que les vers en étaient méchants — et qualifiant Chimène d’impudique et de parricide.

1369. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre II. L’époque romantique — Chapitre IV. L’Histoire »

Il fallait retrouver tous les organes et toutes les fonctions de la France, en saisir la formation et le jeu.

1370. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Alphonse Daudet, l’Immortel. »

Le livre y gagnerait, à mon sens ; et les malveillants auraient moins beau jeu à l’accuser de puérilité et d’injustice.

1371. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre X. Les sociales »

Mais ce jeu ne donne qu’un plaisir bien court.

1372. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Pensées, essais, maximes, et correspondance de M. Joubert. (2 vol.) » pp. 159-178

Les Grecs, au contraire, étaient doués d’organes parfaits, faciles à mettre en jeu, et qu’il ne fallait qu’atteindre pour les émouvoir.

1373. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Le père Lacordaire orateur. » pp. 221-240

Seulement, sans se donner trop de peine, il remportait tous les prix à la fin de l’année ; il avait sa tragédie sur le chantier, comme tout bon rhétoricien ; il jouait des scènes d’Iphigénie avec un de ses camarades, aujourd’hui professeur de droit à Dijon, tous deux (l’Achille et l’Agamemnon) habillés en fantassins de ligne, et y allant bon jeu, bon argent.

1374. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Discours sur l’histoire de la révolution d’Angleterre, par M. Guizot (1850) » pp. 311-331

Dès que sa passion pourtant était en jeu, dans ses articles de polémique, dans ses brochures, il avait bien du trait et de l’acéré.

1375. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Le Livre des rois, par le poète persan Firdousi, publié et traduit par M. Jules Mohl. (3 vol. in-folio.) » pp. 332-350

« Quand il eut un mois, il était comme un enfant d’un an ; quand il eut trois ans, il s’exerçait au jeu des armes, et à cinq ans il avait le cœur d’un lion.

1376. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Lettres de la marquise Du Deffand. » pp. 412-431

Elle jugeait même du jeu des acteurs, des actrices, et c’est elle qui a marqué d’un mot le caractère de Mlle Raucourt à ses débuts : « C’est une démoniaque sans chaleur.

1377. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Mémoires d’outre-tombe, par M. de Chateaubriand. » pp. 432-452

Ce sont les gestes d’un jeune homme et les retours d’imagination d’un vieillard, ou, s’il n’était pas vieillard alors qu’il écrivait, d’un homme politique entre deux âges, qui revient à sa jeunesse dans les intervalles de son jeu, de sorte qu’il y a bigarrure, et que par moments l’effet qu’on reçoit est double : c’est vrai et c’est faux à la fois. » On en pourrait dire autant de la plupart des mémoires nés avant terme et composés en vue d’un effet présent.

1378. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Mme du Châtelet. Suite de Voltaire à Cirey. » pp. 266-285

Parmi ces passions et ces goûts, dont elle raisonne très bien et en parfaite connaissance de cause, il en est qu’elle introduit à côté des autres presque sur un pied d’égalité, et qui déplaisent, tels que la gourmandise, le jeu.

1379. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Monsieur de Balzac. » pp. 443-463

Il y a eu un moment où, à Venise, par exemple, la société qui s’y trouvait réunie imagina de prendre les noms de ses principaux personnages, et de jouer leur jeu.

1380. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Les Confessions de J.-J. Rousseau. (Bibliothèque Charpentier.) » pp. 78-97

Je leur aurais volontiers échappé si j’avais pu ; mais, une fois en train dans leurs jeux, j’étais plus ardent et j’allais plus loin qu’un autre ; difficile à ébranler et à retenir.

1381. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Vauvenargues. (Collection Lefèvre.) » pp. 123-143

Remettant en honneur les dons naturels et les affections primitives, et leur laissant leur libre jeu, il s’oppose à l’excès de raisonnement et d’analyse qui voudrait tout réduire à un amour de soi égoïste et cupide : « Le corps a ses grâces, l’esprit ses talents : le cœur n’aurait-il que des vices ?

1382. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Nouveaux documents sur Montaigne, recueillis et publiés par M. le docteur Payen. (1850.) » pp. 76-96

Quelque temps conseiller au parlement de Bordeaux, Montaigne se retira avant quarante ans du train des affaires et de l’ambition pour vivre chez lui, dans sa tour de Montaigne, jouissant de lui-même et de son esprit, adonné à ses observations, à ses pensées et à cette paresse occupée dont nous savons jusqu’aux moindres jeux et aux fantaisies.

1383. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « De la poésie et des poètes en 1852. » pp. 380-400

La grande affaire, c’est que les poètes de vingt ans ne se contentent pas de chanter entre eux et de se complaire, mais qu’ils puissent rendre le public attentif à leurs jeux qui deviennent des œuvres.

1384. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « La princesse des Ursins. Lettres de Mme de Maintenon et de la princesse des Ursins — I. » pp. 401-420

Elle sentit que le jeu lui venait : elle ne parut point s’en saisir avec trop d’empressement ; elle se fit même prier pour ce qui était l’objet de son secret désir7.

1385. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Armand Carrel. — I. » pp. 84-104

Carrel, au reste, dès que sa passion fut en jeu, sut très bien éclaircir son style et le débarrasser de cette teinte grise qu’il ne revêtait qu’en sommeillant.

1386. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Boileau. » pp. 494-513

Les quatre premiers chants du Lutrin nous expriment bien la veine, l’esprit de Boileau dans tout son honnête loisir, dans sa sérénité et son plus libre jeu, dans l’agrément rassis et le premier entrain de son après-dînée.

1387. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Le président de Brosses. Sa vie, par M. Th. Foisset, 1842 ; ses Lettres sur l’Italie, publiées par M. Colomb, 1836. » pp. 85-104

Ces jeunes Bourguignons de qualité ont leur carrosse, font bonne chère, jouent gros jeu et se mêlent aux mœurs du pays.

1388. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Saint François de Sales. Son portrait littéraire au tome Ier de l’Histoire de la littérature française à l’étranger par M. Sayous. 1853. » pp. 266-286

Les paroisses qui avoisinaient Genève et qui bordaient le lac du côté de la Savoie étaient passées au protestantisme ; et, dans ces espèces d’insurrections spirituelles du xvie  siècle, ce n’étaient pas seulement les doctrines, c’étaient les mœurs qui étaient en jeu comme en toute espèce d’insurrection ; tous les relâchements et les licences grossières s’introduisaient à la faveur des changements.

1389. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Marguerite, reine de Navarre. Ses Nouvelles publiées par M. Le Roux de Lincy, 1853. » pp. 434-454

Elle continua d’acquérir tant qu’elle vécut ; elle protégea de tout son cœur et de tout son crédit les savants et les hommes de lettres de tout ordre et de tout genre, profitant d’eux et de leur commerce pour son propre usage, femme à tenir tête à Marot dans le jeu des vers comme à répondre à Érasme sur les plus nobles études.

1390. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 38, que les peintres du temps de Raphaël n’avoient point d’avantage sur ceux d’aujourd’hui. Des peintres de l’antiquité » pp. 351-386

Cet artisan ingénieux ayant exposé son tableau dans la solemnité des jeux olimpiques, Pronexides qui devoit être un homme de grande consideration, puisque cette année-là il avoit l’intendance de la fête, lui donna sa fille en mariage.

1391. (1860) Ceci n’est pas un livre « Une préface abandonnée » pp. 31-76

Si le maître de céans rencontrait parfois, dans les jeux de cette langue factice, le ravissant et le joli, — eux, ils n’aboutissaient qu’à des madrigaux manqués.

1392. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre VI. Daniel Stern »

Le curieux de sa rubrique aurait-il été de préconiser la liberté sans oser la prendre et sans vouloir qu’on la prît avec elle, en faisant la critique dupe ou victime d’une étiquette de bal masqué, qui lui donnait, à elle, toutes les cartes et l’impunité de son jeu ?

1393. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Édelestand du Méril »

Ils ont l’un et l’autre le nombre dans la phrase : Macaulay, plus de franc jeu et d’opulence dans l’image, et du Méril, qui a gardé un peu du collet monté qu’ils avaient au Globe en 1828, dont il était, je crois moins de naturel et plus d’ingéniosité.

1394. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Prosper Mérimée »

Elle a pu jouer avec sa vanité d’homme le grand jeu de la coquetterie ; elle a pu même être un instant le vide-poche charmant des mauvaises humeurs de son spleen ; mais Mérimée ne fut bientôt plus que le commissionnaire de cette femme, à charge de revanche.

1395. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Charles Baudelaire  »

Jeux de poète !

1396. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « Brizeux. Œuvres Complètes »

C’est celle que parlent, en échos, tous les écolâtres qui s’amusent à ce jeu de raquette des vers !

1397. (1893) Impressions de théâtre. Septième série

Je dirais : « C’est un jeu » ; mais je craindrais toujours. […] Sarcey serait à tout le moins excusable de songer beaucoup au public, quand il s’agit de jeux d’art, — pièces ou conférences, — qui sont publics par définition. […] Je crois en effet remarquer, dans les choses de l’amour, dans les relations galantes des hommes et des femmes, une tendance à jouer plus franc jeu, à se passer des vieux mensonges convenus, trucs débinés et qui ne trompent plus personne. […] — C’est bon ; nous connaissons le jeu de ces automates. […] Francisque Sarcey, où l’illustre critique, après avoir éliminé tout ce qui avait dû être, aux yeux de Racine, l’âme même de sa tragédie, n’avait aucune peine à démontrer que la pièce survivait à cette opération ; qu’ainsi amputée, Athalie restait encore un chef-d’œuvre incomparable, et le tableau le plus exact, le plus pénétrant, le plus complet qu’on ait jamais tracé d’une révolution politique, des passions essentielles que met en jeu une révolution de ce genre, et des quatre ou cinq personnages typiques qui s’y trouvent nécessairement mêlés.

1398. (1716) Réflexions sur la critique pp. 1-296

Tantôt ce sont des métaphores forcées, tantôt des jeux de mots puériles, souvent un style froid et prosaique. […] Pourquoi n’aurois-je pas dit, par exemple, que la description des jeux célébrez aux funérailles de Patrocle est mal placée au 23e liv de l’iliade ? […] Il n’a plus qu’un pas à faire pour arriver au dénouëment, et on l’arrête par des jeux qui, au lieu de le délasser, le fatiguent en l’éloignant du but qu’il étoit prêt d’atteindre. Virgile prend bien mieux son temps pour des jeux. […] ceinture de Venus . en prenant ce tissu que Venus lui présente, Junon n’étoit que belle, elle devient charmante : les graces et les ris, les plaisirs et les jeux surpris, cherchent Venus, doutent qui l’est des deux ; l’amour même trompé trouve Junon plus belle, et son arc à la main, déja vole après elle.

1399. (1929) Critique et conférences (Œuvres posthumes III)

— et nous aimions ce jeu de dupes — ……………………………………………………. […] Est-ce bien l’âme de l’homme ou la libre fantaisie du poète qui est en jeu, qu’importe ! […] Voyez d’abord les Plaideurs, jeu pétillant d’esprit, puis ses épigrammes parfois si cruelles, la majorité de ses préfaces, enfin sa lettre juvénile à ces « Messieurs de Port-Royal », où il fouaille leur lourde pédanterie, leur odieuse dévocieuseté, si j’ose employer ce mot peu élégant. […] Ensuite c’étaient les jeux des souris blanches qu’élevait en toute sollicitude le pauvre ami que pendant ce temps-là une presse inqualifiable qualifiait d’assassin, d’incendiaire, et, le croiriez-vous ? […] Et quelque mélancolie ne peut que se mêler à ce jeu.

1400. (1898) Politiques et moralistes du dix-neuvième siècle. Deuxième série

Il le met en jeu, il l’invoque, il le fait entrer dans les considérations qui doivent avoir pour effet de nous mener au bien. […] Elle devait lui répugner comme chose où l’imagination n’est pas très à l’aise et n’a pas tout son espace et toute sa liberté de jeu. […] L’une et l’autre sont jeu très dangereux, doublement dangereux, sans doute, quand on mêle l’une à l’autre et quand on prétend éclairer les indications obscures de celle-ci par les lumières douteuses de celle-là. […] Le jeune Quinet est sérieux, réservé, un peu timide et ambitieux de grandeurs morales, « Ses sentiments sont ; sérieux et pénétrants. » Il déteste la petite vie de salon des villes de province, c’est-à-dire jeux niais, riens de conversations et commérages. […] A quoi servent ces généralisations oratoires si faciles, que rien n’appuie et qui n’éclairent rien, et qui n’apprennent rien, et semblent un jeu de l’esprit pour le divertissement des oreilles ?

1401. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre I. Les origines. — Chapitre II. Les Normands. » pp. 72-164

Parmi ces abbés du continent qui s’installent en Angleterre, tel établit une bibliothèque ; un autre, fondateur d’une école, fait représenter à ses écoliers « le jeu de sainte Catherine  » ; un autre écrit en latin poli des épigrammes « aiguisées comme celles de Martial. » Ce sont là les plaisirs d’une race intelligente, avide d’idées, d’esprit dispos et flexible, dont la pensée nette n’est point offusquée comme celle des têtes saxonnes par les hallucinations de l’ivresse et par les fumées de l’estomac vorace et rempli. […] Si jamais un homme en un pays fut populaire, c’est celui-là. « C’est lui, dit un vieil historien, que le bas peuple aime tant à fêter par des jeux et des comédies, et dont l’histoire chantée par des ménétriers l’intéresse, plus qu’aucune autre. » Au seizième siècle, il avait encore son jour de fête, chômé par tous les gens des petites villes et des campagnes. […] Le yeomen vaillant, dur aux coups, bon tireur, expert au jeu de l’épée et du bâton, est le favori.

1402. (1866) Cours familier de littérature. XXII « CXXXIIe entretien. Littérature russe. Ivan Tourgueneff (suite) » pp. 317-378

Elle aimait à se faire traîner par des trotteurs, et était prête à jouer aux cartes du matin jusqu’au soir ; mais elle n’oubliait jamais, quand son mari s’approchait de la table de jeu, de dissimuler avec sa main ses misérables petites pertes, elle qui avait laissé à son mari la pleine et entière disposition de tout son apport, de toute sa dot. […] Dans la soirée dont nous parlons, les habitants de la maison Kalitine (le plus âgé d’entre eux, le fiancé de Lénotchka, avait à peine vingt-quatre ans) jouaient à un jeu assez peu compliqué, mais qui paraissait beaucoup les amuser, s’il fallait en juger par les rires qui éclataient de toutes parts ; ils couraient dans les chambres et s’attrapaient les uns les autres ; les chiens couraient aussi et aboyaient, pendant que les serins, du haut de leurs cages suspendues aux fenêtres, s’égosillaient à qui mieux mieux, augmentant de leurs gazouillements aigus et incessants le vacarme général. […] Quatre d’entre eux se placèrent chacun auprès d’un arbre, le cinquième au milieu, et le jeu commença.

1403. (1895) Journal des Goncourt. Tome VIII (1889-1891) « Année 1889 » pp. 3-111

Mais mon frère, en sa qualité de plus jeune, a voulu passer absolument le premier, et en dehors du sentiment paternel que j’avais à son égard, je le connaissais avec sa paresse de corps et son horreur pour les exercices violents et l’escrime, destiné à rester sur le terrain, tandis que moi qui tirais très mal, qui ne tirais pas du tout, j’avais cependant un jeu difficile, déconcertant même pour ceux qui tiraient bien. […] moi, je suis un journaliste vieux jeu, appartenant aux théories antiques… mais des amis à moi, des gens ne tenant pas à la littérature, m’ont déclaré que votre pièce les avait autant intéressés qu’un drame de Dennery. […] Un débutant du nom de Burguet, remarquable par un jeu tout de nature, fait de gaucherie de corps et de simplicité de la parole.

1404. (1894) La vie et les livres. Première série pp. -348

Autre sera le point de vue du critique qui considérera ce mécanisme d’une façon désintéressée, et non plus dans le jeu de son action d’ensemble. […] Sa mystique allégresse s’amusa souvent au jeu des métaphores. […] Mais, dans ce grouillement de la vie, dont il aime évidemment la complexité et les surprises, et dont il ne veut pas faire l’occasion d’un jeu frivole, il garde toujours, au fond du cœur, les mêmes préoccupations. […] Décidément, on peut tout prouver avec un jeu de petits papiers, savamment découpés et arrangés. […] Nul n’a mieux mesuré l’étendue et le contenu de cette intelligence, la portée de cette prévision si lucide, la rapidité, la fécondité, « le jeu et le jet » de cette pensée victorieuse, dont l’essor n’avait pas de limites.

1405. (1854) Causeries littéraires pp. 1-353

Le vieux poëte a été couronné douze fois dans les jeux Olympiques ; mais Athènes est inconstante et la mythologie païenne, malgré ses fables riantes et ses mensonges complaisants, a ses jours d’intolérance et de rigueur. […] je n’en fais pas autant pour tout le monde. » — Cette physionomie est sympathique, d’une morale irréprochable, d’un effet excellent ; mais elle ne répond pas à l’idée complète qu’on se forme d’une comédie, c’est-à-dire d’une action comique mise en jeu par le contact et le choc des caractères : Rodolphe moralise, il n’agit pas. […] Résolu et téméraire quand sa passion et sa vanité sont en jeu, la force et l’énergie lui manquent dès qu’il s’agit de soutenir la lutte et de supporter les conséquences de ses audaces. […] Au moment où Mercier tenait la plume, en cette dernière année de monarchie absolue, ébranlée déjà par le souffle révolutionnaire, à la veille de la prise de la Bastille et du serment du Jeu de paume, toutes les déclamations étaient permises, parce que toutes les illusions étaient possibles ; car la déclamation n’est qu’une illusion d’esprit servie par une illusion de style. […] Jamais plus il ne parla de ses jeux et de ses promenades d’autrefois ; jamais il ne prononça le nom de Versailles ou celui des Tuileries.

1406. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE CHARRIÈRE » pp. 411-457

Je crois, ma chère grand’mère, que ce mal est incurable. » — Et à propos du jeu dont il est témoin dans ses soirées mondaines : « Cependant le jeu et l’or que je vois rouler me causent quelque émotion. » Il est déjà avec toute sa périlleuse finesse, avec tous ses germes éclos, dans cette lettre230.

1407. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Gabriel Naudé »

Pour lui, il tient à prouver aux habiles que, bien qu’homme d’étude, il entend aussi le fin du jeu. […] On sent, à ses frais inaccoutumés d’éloquence, qu’il parle au pontife lettré, au poëte disert, à l’Urbanité même (il fait le jeu de mots), à celui qui, suivant son expression, a moissonné tout le Pinde, butiné tout l’Hymette, et bu toute l’Aganippe.

1408. (1813) Réflexions sur le suicide

On ne peut considérer l’existence que sous deux rapports ; ou comme une partie de jeu dont le gain ou la perte consiste dans les biens de ce monde, ou comme un noviciat pour l’immortalité. Si nous nous en tenons à la partie de jeu, nous ne saurions voir dans notre propre conduite que la conséquence de raisonnements bien ou mal faits : si nous avons la vie à venir pour but, ce n’est qu’à l’intention que notre conscience s’attache.

1409. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Première partie. — L’école dogmatique — Chapitre III. — Du drame comique. Méditation d’un philosophe hégélien ou Voyage pittoresque à travers l’Esthétique de Hegel » pp. 111-177

Ainsi, dans la tragédie d’Hamlet, les ambassadeurs d’Angleterre et le prince de Norwége Fortinbras ne permettent pas au spectateur d’oublier que les destinées du Danemark sont en jeu. […] Nous vivons sous un prince ennemi de la fraude, Un prince dont les jeux se font jour dans les cœurs, Et que ne peut tromper tout l’art des imposteurs.

1410. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — chapitre VII. Les poëtes. » pp. 172-231

C’est pis qu’une cantatrice, c’est un auteur ; on regarde au dos pour savoir si elle n’a pas écrit : « Bon à tirer, porter vite à l’imprimerie. » Pope a donné quelque part la recette avec laquelle on peut faire un poëme épique : prendre une tempête, un songe, cinq ou six batailles, trois sacrifices, des jeux funèbres, une douzaine de dieux en deux compartiments, remuer le tout jusqu’à ce qu’on voie mousser l’écume du grand style. […] Le voilà roi, et pour célébrer son avénement, elle institue des jeux à la manière antique ; d’abord la course des libraires qui se disputent la possession d’un poëte, puis le combat des écrivains qui braient et sautent dans la boue à qui mieux mieux, enfin la lutte des critiques qui doivent subir la lecture de deux in-folio sans dormir.

1411. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCVe entretien. Alfred de Vigny (2e partie) » pp. 321-411

Elle avait cependant beau jeu pour leur rester fidèle ; réunie en masses, debout sur un sol séparé de nous par la mer, elle n’avait qu’à se grouper sous son drapeau et défier, l’arme à la main, nos envoyés et nos escadres ; c’était la longue impunité de la sédition militaire ! […] « — Voyez-vous, il y a un mois qu’elle joue cette partie-là, me dit le chef de bataillon ; demain, ce sera peut-être un autre jeu qui durera longtemps.

1412. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CIVe entretien. Aristote. Traduction complète par M. Barthélemy Saint-Hilaire (2e partie) » pp. 97-191

Myniseus traitait de singe Callipide, qui selon lui forçait trop son jeu ; il ne pensait pas mieux de Pindarus. […] Elle a de plus pour elle les jeux de scène, qui frappent les yeux, soit quand il s’agit d’une reconnaissance, soit dans tout le cours de l’action.

1413. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « Figurines »

Il dit de Voltaire : « Voltaire a, comme le singe, les mouvements charmants et les traits hideux. » Il dit de Platon : « Platon se perd dans le vide, mais on voit le jeu de ses ailes, on en entend le bruit. » Il nous apprend que « Xénophon écrit avec une plume de cygne, Platon avec une plume d’or et Thucidyde avec un stylet d’airain ». […] Qui sait, après tout, si, dans cet immense et sanglant jeu de mathématiques, les chefs héroïques prompts à payer de leur peau et les troupiers d’antan, les « troupiers finis », ne pourront pas jouer un rôle inattendu ?

1414. (1893) Du sens religieux de la poésie pp. -104

Vraiment, pour ces jeux, l’heure était mal choisie et je ne crois pas qu’en ce siècle de toutes les banqueroutes, quand d’une part la multitude, trop leurrée d’un inconsistant avenir de jouissances immédiates, menace d’exiger violemment les redoutables échéances, et que d’autre part les religions elles-mêmes, ces grandes agonisantes, ne savent plus prodiguer aux vivants, pour endiguer leurs désirs, les consolations d’éternelles récompenses dont elles ont perdu le secret, — je ne crois pas que les poètes, seuls dépositaires de richesses réelles, aient le droit de s’oublier dans l’étroite, dans la malsaine délectation de leurs deuils intimes. […] Mais sans cette « armature intellectuelle » qui se dissimule dans le poème et en fait la secrète et profonde vertu, il ne serait qu’agréable et vain jeu d’imagination : la beauté est le visage de la vérité, la vérité est l’âme de la beauté.

1415. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre X, Prométhée enchaîné »

Mais bientôt des métamorphoses harmonieuses, des liaisons d’idées pour nous aujourd’hui presque insaisissables, des jeux d’idéalité et de fantaisie pareils à ceux qui développent l’arabesque, compliquent la personnalité du dieu primitif. […] » — Une tradition merveilleuse encourageait par son exemple, aux jeux de la force, prélude des belles actions héroïques.

1416. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre quatrième. Éléments sensitifs et appétitifs des opérations intellectuelles — Chapitre deuxième. Les opérations intellectuelles. — Leur rapport à l’appétition et à la motion. »

Si un pianiste exercé veut faire attention à toutes les notes d’une gamme rapide, il contrarie en le suspendant le jeu automatique de ses mains avec les associations inconscientes de ses mouvements ; il leur enlève au profit de sa conscience analytique une partie de l’innervation nécessaire, et la synthèse naturelle se fait mal. […] Faites croire à des personnes qu’il y a dans un jeu de cartes une carte magnétisée qui leur donnera des sensations électriques, la plupart croiront sentir des frissons, des secousses dans la main, des éblouissements dans la vue.

1417. (1895) Journal des Goncourt. Tome VIII (1889-1891) « Année 1890 » pp. 115-193

Et le lignard doit être un Dumanet ingénu et mystique, pour la composition duquel, je lui recommande de se remettre sous les yeux le jeu et la physionomie de l’acteur Burguet, dans La Lutte pour la vie. […] On parle des usuriers, qui sont pour la plupart des valets de chambre de grandes maisons, et un joueur de la société affirme qu’il n’y en a plus, que lui et ses amis les ont ruinés, et qu’à l’heure qu’il est, un homme qui fait dans la nuit une perte au jeu de dix mille francs, ne peut pas trouver à se les faire prêter.

1418. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre VII : Instinct »

Une petite dose de jugement ou de raison, ainsi que l’exprime Pierre Huber, entre souvent en jeu, même chez les animaux placés très bas dans l’échelle de la nature. […] Quand on voit les enfants ou les peuples sauvages beaucoup plus habiles que les adultes et que les peuples civilisés à tous les jeux d’adresse, de même qu’à l’exercice du lasso, de l’arc, ou du simple jet de la main, il faut bien avouer que la juste évaluation des distance est infiniment plus aisée à l’instinct qu’à l’intelligence, et que l’habitude des sens vaut mieux dans la pratique que le calcul de la réflexion et les études mathématiques.

1419. (1753) Essai sur la société des gens de lettres et des grands

Combien d’hommes supérieurs par leurs talents, à qui l’on pourrait faire avec raison le même reproche qui fut fait autrefois bien ou mal à propos au général des Carthaginois : « Les Dieux n’ont pas donné à un seul tous les talents, vous avez celui de vaincre, mais non celui d’user de la victoire. » La renommée est une espèce de jeu de commerce où le hasard fait sans doute quelques fortunes, mais où le talent procure des gains bien plus sûrs, pourvu qu’en employant les mêmes ruses que les fripons on ne s’expose point à être démasqué par eux. […] Ce n’est point à l’hôtel de Rambouillet que Descartes a découvert l’application de l’algèbre à la géométrie, ni à la cour de Charles II que Newton a trouvé la gravitation universelle ; et pour ce qui regarde la manière d’écrire, Malebranche qui vivait dans la retraite, et dont les délassements n’étaient que des jeux d’enfant, n’en est pas moins par son style le modèle des philosophes.

1420. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « L’abbé de Bernis. » pp. 1-22

Pendant cette année si occupée, durant laquelle il met la main aux grandes affaires et qui précède son entrée au ministère (1756-1757), il n’est plus cet homme maladif et languissant de Venise qui a la goutte au genou, et dont la vie se traîne de fluxion en fluxion : il veille, il se prodigue dans le monde, il passe une partie des nuits à jouer, faisant semblant de s’y plaire, pour mieux cacher son autre jeu ; car il n’est pas ministre encore ; la négociation secrète qu’il mène se conduit en dehors du cabinet, et ceux qui sont en place le surveillent : au milieu de tous ces soins, il ne s’est jamais mieux porté.

1421. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Roederer. — I. » pp. 325-345

Il n’assista pas aux premiers actes mémorables ni à la séance du Jeu de paume, où David d’ailleurs a bien fait de le placer : on sait d’avance en quel sens il aurait marché, et, dès son entrée, il prit rang dans l’Assemblée à côté des plus actifs et des plus utiles, et comme le premier lieutenant de Sieyès.

1422. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Histoire de la maison royale de Saint-Cyr, par M. Théophile Lavallée. » pp. 473-494

Cependant (admirez le jeu et l’enchaînement des destinées !)

1423. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Le président Hénault. Ses Mémoires écrits par lui-même, recueillis et mis en ordre par son arrière-neveu M. le baron de Vigan. » pp. 215-235

Le président Hénault pourtant allait peu à peu devenir un homme sérieux ; mais là encore, et lorsqu’il se trouvera mêlé aux choses plus importantes, il y entrera du jeu et de la représentation plus que du fond.

1424. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « La marquise de Créqui — I » pp. 432-453

Ce n’était qu’un jeu de le porter, pour quelqu’un qui aimait avant tout s’habiller et à babiller en vieille femme.

1425. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Œuvres de Vauvenargues tant anciennes qu’inédites avec notes et commentaires, par M. Gilbert. — II — Vauvenargues et le marquis de Mirabeau » pp. 17-37

. — « Je hais le jeu comme la fièvre, et le commerce des femmes comme je n’ose pas dire ; celles qui pourraient me toucher, ne voudraient seulement pas jeter un regard sur moi. » Vauvenargues avait toujours pris l’amour au sérieux : « Pour moi, je n’ai jamais été amoureux, que je ne crusse l’être pour toute ma vie ; et, si je le redevenais, j’aurais encore la même persuasion. » C’est pour cela qu’il recommençait rarement.

1426. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Histoire de l’Académie française, par Pellisson et d’Olivet, avec introduction et notes, par Ch.-L. Livet. » pp. 195-217

L’originalité de La Bruyère n’est pas d’avoir fait des portraits tels quels, à la diable, et dessinés plus ou moins couramment à la plume, par manière de jeu de société, comme on les brochait avant lui, mais de les avoir faits serrés, profonds, savants, composés, satiriques, en un mot tels qu’un grand peintre seul les pouvait faire.

1427. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Journal et mémoires du marquis d’Argenson, publiés d’après les manuscrits de la Bibliothèque du Louvre pour la Société de l’histoire de France, par M. Rathery » pp. 238-259

Parlant du double jeu du duc de Savoie qui se ménage à toute fin et trahit les uns pour les autres : « Il fit, dit-il, ce qu’ont coutume de faire les écoliers malins dans les collèges, qu’on nomme pestards, il alla tout divulguer. » Et encore, au sujet de M. 

1428. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Madame Swetchine. Sa vie et ses œuvres, publiées par M. de Falloux. »

La pensée et l’esprit n’y sont jamais oubliés, mais le sentiment aussi y a sa part, son intérêt et son jeu.

1429. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Merlin de Thionville et la Chartreuse du Val-Saint-Pierre. »

Qui n’aurait vu celle-ci qu’en visiteur d’un jour et par les dehors aurait eu beau jeu pour donner carrière à son imagination et à son enthousiasme : « Le couvent du Val-Saint-Pierre-en-Thiérarche, nous dit le curieux pèlerin, est situé au milieu de forêts immenses qui faisaient partie de son domaine.

1430. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « La comtesse de Boufflers. »

Mme de Boufflers se distingue entre les autres dames en ce qu’elle porte le tablier à bavette ; quelques autres n’ont qu’un tablier à dentelle sans bavette ; c’est à ce signe qu’on croit reconnaître la dame de céans ; plus elle faisait la servante à pareil jeu, plus elle était la maîtresse.

1431. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « La comtesse de Boufflers (suite et fin.) »

C’est ici que la philosophie a beau jeu et que le néant des plus brillants et des plus flatteurs succès mondains éclate dans tout son jour.

1432. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Sismondi. Fragments de son journal et correspondance »

Dans ses jeux, tout enfant, il jouait avec d’autres compagnons de son âge à la république. — à une petite république vertueuse et heureuse.

1433. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Lettres inédites de Michel de Montaigne, et de quelques autres personnages du XVIe siècle »

En dehors des choses sérieuses et même au jeu, cela sert de se posséder toujours.

1434. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Corneille. Le Cid(suite et fin.)  »

Chimène, se voyant refuser la justice qu’elle poursuit sous la forme du châtiment, en prend assez son parti et se rabat à demander le duel, le jugement de Dieu par les armes : « A tous vos cavaliers je demande sa tête ; Oui, qu’un d’eux me l’apporte et je suis sa conquête… J’épouse le vainqueur……… » Ce sont là des semblants ; elle sait bien en son cœur qu’elle n’épousera personne autre et que Rodrigue, à ce jeu de l’épée, sera le plus fort.

1435. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Catinat (suite.). Guerre des Barbets. — Horreurs. — Iniquités. — Impuissance. »

Victor-Amédée allait avoir vingt ans ; Catinat le jugea d’abord un enfant indécis, encore incapable de se rendre compte au net d’une affaire et de se fixer à une résolution ferme ; il se trompait : c’était déjà un homme à double et triple fond, qui jouait plus d’un jeu à la fois.

1436. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Œuvres inédites de F. de La Mennais »

il aura beau jeu bientôt à le maudire ; la société !

1437. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « M. de Sénancour — M. de Sénancour, en 1832 »

Si on ignore ainsi l’épanouissement varié auquel se livrent les natures heureuses ; si, sous ce vent aride, les couleurs sèchent plus vite dans les jeux de la séve, et bien avant que les combinaisons riantes soient épuisées ; si, par cette oppression qui nous arrête d’abord et nous refoule, quelque portion de nous-même se stérilise dans sa fleur, et si les plus riches ramures de l’arbre ne doivent rien donner ; — quand l’arbre est fort, quand les racines plongent au loin, quand la séve continue de se nourrir et monte ardemment ; — qu’importe ?

1438. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « MME DESBORDES-VALMORE. (Les Pleurs, poésies nouvelles. — Une Raillerie de l’Amour, roman.) » pp. 91-114

Les métaphores elles-mêmes, les images prolongées qui ne sont en jeu que pour traduire une pensée ou une émotion, n’ont pas toujours besoin d’une rigueur, d’une analogie continue, qui, en les rendant plus irréprochables aux yeux, les roidit, les matérialise trop, les dépayse de l’esprit où elles sont nées et auquel, en définitive, elles s’adressent ; l’esprit souvent se complaît mieux à les entendre à demi-mot, à les combler dans leurs négligences ; il y met du sien, il les achève.

1439. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « DU ROMAN INTIME ou MADEMOISELLE DE LIRON » pp. 22-41

Pour qui se complaît à ces ingénieuses et tendres lectures ; pour qui a jeté quelquefois un coup d’œil de regret, comme le nocher vers le rivage, vers la société dès longtemps fabuleuse des La Fayette et des Sévigné ; pour qui a pardonné beaucoup à Mme de Maintenon, en tenant ses lettres attachantes, si sensées et si unies ; pour qui aurait volontiers partagé en idée avec Mlle de Montpensier cette retraite chimérique et divertissante dont elle propose le tableau à Mme de Motteville, et dans laquelle il y aurait eu toutes sortes de solitaires honnêtes et toutes sortes de conversations permises, des bergers, des moutons, point d’amour, un jeu de mail, et à portée du lieu, en quelque forêt voisine, un couvent de carmélites selon la réforme de sainte Thérèse d’Avila ; pour qui, plus tard, accompagne d’un regard attendri Mlle de Launay, toute jeune fille et pauvre pensionnaire du couvent, au château antique et un peu triste de Silly, aimant le jeune comte, fils de la maison, et s’entretenant de ses dédains avec Mlle de Silly dans une allée du bois, le long d’une charmille, derrière laquelle il les entend ; pour qui s’est fait à la société plus grave de Mme de Lambert, et aux discours nourris de christianisme et d’antiquité qu’elle tient avec Sacy ; pour qui, tour à tour, a suivi Mlle Aïssé à Ablon, où elle sort dès le matin pour tirer aux oiseaux, puis Diderot chez d’Holbach au Granval, ou Jean-Jacques aux pieds de Mme d’Houdetot dans le bosquet ; pour quiconque enfin cherche contre le fracas et la pesanteur de nos jours un rafraîchissement, un refuge passager auprès de ces âmes aimantes et polies des anciennes générations dont le simple langage est déjà loin de nous, comme le genre de vie et de loisir ; pour celui-là, Mlle de Liron n’a qu’à se montrer ; elle est la bienvenue : on la comprendra, on l’aimera ; tout inattendu qu’est son caractère, tout irrégulières que sont ses démarches, tout provincial qu’est parfois son accent, et malgré l’impropriété de quelques locutions que la cour n’a pu polir (puisqu’il n’y a plus de cour), on sentira ce qu’elle vaut, on lui trouvera des sœurs.

1440. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME ROLAND — II. » pp. 195-213

L’amitié seule n’en est que l’occasion, le prétexte, le voile frémissant et agité ; je ne sais quelle idée confuse et pudique est en jeu dans le lointain : « Cependant je ne suis pas toujours capable d’application.

1441. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Aloïsius Bertrand »

Plus d’un de ces jeux gothiques de l’artiste dijonnais pouvait surtout sembler à l’avance une ciselure habilement faite, une moulure enjolivée et savante, destinée à une cathédrale qui était en train de s’élever.

1442. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXIIIe entretien. Chateaubriand, (suite) »

On l’examine, on aime à toucher la corde des angoisses, pour jouir du plaisir d’étudier son cœur au moment de la convulsion de la douleur, comme ces chirurgiens qui suspendent des animaux dans des tourments, afin d’épier la circulation du sang et le jeu des organes.

1443. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série «  Paul Bourget  »

Il ressemble çà et là à un chirurgien virtuose qui étalerait et mettrait en œuvre toute une trousse, tout un jeu de bistouris, de scies, de ciseaux et de pinces, pour ouvrir un abcès à la joue.

1444. (1890) La fin d’un art. Conclusions esthétiques sur le théâtre pp. 7-26

» — Certes, j’en vois : dans Les Perses, dans Œdipe roi, dans Les Nuées, dans Sacountala, dans La Jeunesse du Cid, dans Polyeucte, dans Esther, dans Le Misanthrope, dans Macbeth, dans Ce qu’il vous plaira, dans Le Jeu de l’Amour, dans Le Mariage de Figaro, dans La Belle Hélène… Et parce que j’admire l’art dans ces pièces d’il y a trente siècles ou d’il y a trente ans et que je le cherche en vain dans celles d’aujourd’hui, je veux trouver le secret de cette esthétique spéciale et diverse, pour apprendre si sa formule est, ou n’est plus, pour nous réalisable.

1445. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre XX. La fin du théâtre » pp. 241-268

» — Certes, j’en vois : dans les Perses, dans Œdipe roi, dans Les Nuées, dans Sacountala, dans La Jeunesse du Cid, dans Polyeucte, dans Esther, dans Le Misanthrope, dans Macbeth, dans Ce qu’il vous plaira, dans Le Jeu de l’Amour, dans Le Mariage de Figaro, dans La Belle Hélène… Et parce que j’admire l’art dans ces pièces d’il y a trente siècles ou d’il y a trente ans et que je le cherche en vain dans celles d’aujourd’hui, je veux trouver le secret de cette esthétique spéciale et diverse, pour apprendre si sa formule, est, ou n’est plus, pour nous réalisable.

1446. (1887) Discours et conférences « Réponse au discours de M. Louis Pasteur »

Connaissez-vous une école qui ait mieux deviné ces jeux de la force, de la passion et du hasard, qu’on a bien tort assurément de vouloir assujettir à des lois ?

1447. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. Herbert Spencer — Chapitre I : La loi d’évolution »

Mais il suffit d’un peu de réflexion pour voir que dans les deux cas, les mêmes facultés sont en jeu, et que leur mode d’opération est le même dans son fond.

1448. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre IX, les mythes de Prométhée »

Le premier sacrifice qu’offraient les Hellènes, rassemblés aux jeux d’OIympie, était pour le foyer, le second pour Zeus.

1449. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — Chapitre XII »

M. de Ryons a surpris cet engagement téméraire ; il intervient brusquement : il avertit Jane du péril, il lui fait comprendre que son honneur est en jeu, et il se charge de congédier l’énergumène qui piétine déjà, dans sa cachette, comme un tigre à jeun dans sa cage.

1450. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Madame de La Tour-Franqueville et Jean-Jacques Rousseau. » pp. 63-84

Mais, dès cette première lettre, il prend ses précautions et se peint déjà avec ses variations bizarres : « J’espère, madame, malgré le début de votre lettre, que vous n’êtes point auteur, que vous n’eûtes jamais intention de l’être, et que ce n’est point un combat d’esprit auquel vous me provoquez, genre d’escrime pour lequel j’ai autant d’aversion que d’incapacité. » Il entre alors très au sérieux dans ce jeu prolongé des Claire, des Julie et des Saint-Preux ; il ne fait pas semblant, comme ce serait de bon goût à un écrivain bien appris, de traiter légèrement les personnages de son invention ; il continue de leur porter respect, et d’en parler dans le tête-à-tête comme s’ils étaient de vrais modèles : À l’éditeur d’une Julie, vous en annoncez une autre, une réellement existante, dont vous êtes la Claire.

1451. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Madame Geoffrin. » pp. 309-329

Elle savait la fin du jeu en toute chose.

1452. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Monsieur Bazin. » pp. 464-485

Il ne craignait pas d’avoir à marquer dans sa narration, pour rester plus fidèle à la vérité, la langueur ou la complication des mouvements politiques ; ce jeu bizarre et entrecroisé des choses lui allait, et il prenait plaisir à nous en démêler la trame.

1453. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Diderot. (Étude sur Diderot, par M. Bersot, 1851. — Œuvres choisies de Diderot, avec Notice, par M. Génin, 1847.) » pp. 293-313

L’abbé Arnaud disait à Diderot : « Vous avez l’inverse du talent dramatique ; il doit se transformer dans tous les personnages, et vous les transformez tous en vous. » Mais si Diderot n’était rien moins qu’un poète dramatique, s’il n’était nullement suffisant à ce genre de création souveraine et de transformation tout à fait impersonnelle, il avait en revanche au plus haut degré cette faculté de demi-métamorphose, qui est le jeu et le triomphe de la critique, et qui consiste à se mettre à la place de l’auteur et au point de vue du sujet qu’on examine, à lire tout écrit selon l’esprit qui l’a dicté.

1454. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Fontenelle, par M. Flourens. (1 vol. in-18. — 1847.) » pp. 314-335

En s’adressant à sa belle marquise, il s’adresse à l’esprit de tous les ignorants, et à la fois il aime à se les figurer sous cette forme coquette et à y mêler ce jeu perpétuel qui va autoriser toutes ses finesses.

1455. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Saint-Évremond et Ninon. » pp. 170-191

Jamais ni jeu, ni ris élevés, ni disputes, ni propos de religion ou de gouvernement ; beaucoup d’esprit et fort orné, des nouvelles anciennes et modernes, des nouvelles de galanteries, et toutefois sans ouvrir la porte à la médisance ; tout y était délicat, léger, mesuré, et formait les conversations qu’elle sut soutenir par son esprit, et par tout ce qu’elle savait de faits de tout âge.

1456. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Le duc de Lauzun. » pp. 287-308

Les ennemis nombreux qu’il avait en cour, la petite coterie Polignac particulièrement, cette société intime de la reine, résolut une bonne fois de le perdre ; et pour cela on n’eut qu’à mettre en jeu avec un certain art, avec un certain concert, la foule de ses créanciers, car cette vie de chevaux, de courses, de paris à l’anglaise, de voyages et de train magnifique en tous pays, n’avait pu se mener sans de ruineuses profusions.

1457. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mémoires et correspondance de Mallet du Pan, recueillis et mis en ordre par M. A. Sayous. (2 vol. in-8º, Amyot et Cherbuliez, 1851.) — I. » pp. 471-493

Il n’est pas de pages plus vives et plus fortes que celles dans lesquelles Mallet étalait le bilan de l’Assemblée constituante, et l’état désemparé où elle laissait la France ; il n’en est pas de plus mémorables que le tableau qu’il traçait des torts et des fautes des partis en avril 1792, au moment où lui-même quittait le jeu qui n’était plus tenable, abandonnait la rédaction du Mercure après huit ans de travaux assidus, dont trois de combats acharnés, et se préparait à sortir de France.

1458. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) «  Mémoires de Gourville .  » pp. 359-379

Admis plus tard au jeu du roi, traité en pays étranger avec considération par les gouverneurs et les souverains, il est le premier à rappeler la médiocrité et plus que médiocrité de sa condition première ; il s’en souvient, ce qui fait que chacun l’oublie volontiers en lui parlant.

1459. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Monsieur Michaud, de l’Académie française. » pp. 20-40

Michaud, que cette espèce d’enchantement politique, ce mobile des grandes actions, est une des merveilles de l’ordre social ; et plus nous sommes éloignés aujourd’hui de ces idées, plus nous devons en sentir le prix. » Passant à la morale, il y suivait les mêmes formes, les mêmes jeux de l’amour-propre, et reconnaissait qu’elle a, comme la politique, « ses rubans et sa broderie : ce sont les illusions, et je n’entends par illusion que la manière d’envisager les choses sous leurs formes les plus attachantes ».

1460. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Montesquieu. — I. » pp. 41-62

Dans les Lettres persanes, Montesquieu, jeune, s’ébat et se joue ; mais le sérieux se retrouve dans son jeu ; la plupart de ses idées s’y voient en germe, ou mieux qu’en germe et déjà développées : il est plus indiscret que plus tard, voilà tout ; et c’est en ce sens principalement qu’il est moins mûr.

1461. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Grimm. — I. » pp. 287-307

Mais Rousseau, toutes les fois que son amour-propre et son coin de vanité malade sont en jeu, ne se gêne en rien pour mentir, et j’en suis arrivé à cette conviction qu’à l’égard de Grimm, il a été un menteur.

1462. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Grimm. — II. (Fin.) » pp. 308-328

Il me semble toujours que, si l’auteur qui procède par cette méthode n’avait pas connaissance des événements historiques a posteriori, les principes dont il prétend les déduire ne lui en feraient pas deviner un seul ; preuve évidente que ces principes sont faits à la main et après coup, qu’ils sont plus ingénieux que solides, et qu’ils ne sont pas les véritables ressorts du jeu qu’on leur attribue… En fait de politique, rien n’arrive deux fois de la même manière.

1463. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre quatrième. L’expression de la vie individuelle et sociale dans l’art. »

Mais il faut que ce soit là un élan du cœur et du sentiment, non un jeu de l’intelligence.

1464. (1886) Quelques écrivains français. Flaubert, Zola, Hugo, Goncourt, Huysmans, etc. « Émile Zola » pp. 70-104

Dans Une Page, la noble stature et le port junonien de Mme Grandjean son complaisamment drapés, les sottises de Pauline Letellier s’excusent par le libre jeu de son corps de jeune fille saine sous ses jupes lâches.

1465. (1864) William Shakespeare « Première partie — Livre I. Shakespeare — Sa vie »

Elle s’était agenouillée, les yeux bandés, pour ce jeu, s’essayant, sans le savoir, à la posture de l’échafaud.

1466. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome I « Bibliotheque d’un homme de goût. — Chapitre VI. Des Livres qui traitent de la Rhétorique. » pp. 294-329

On vouloit dans un discours des pointes, de jeux de mots, des traits brillans.

1467. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Doyen » pp. 178-191

Il ne consiste pas seulement dans la succession des idées, le choix des expressions y fait beaucoup, d’expressions fortes ou faibles, simples ou figurées, lentes ou rapides ; c’est là surtout que la magie de la prosodie qui arrête ou précipite la déclamation, a son grand jeu. ô les pauvres gens que la plupart de nos faiseurs de poétiques… .

1468. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Henri Heine »

Dans les Virtuoses des concerts particulièrement, lui, ce virtuose de l’ironie, nous joue un air sur Véron, sur cet homme que, pendant un si grand nombre d’années, tous les gens d’esprit de France et de Navarre se renvoyèrent comme une balle du jeu de paume de la moquerie, et nous parierions bien que cet air, depuis longtemps exécuté pour la première fois, le bourgeois de Paris, qui doit tamponner ses oreilles avec du coton, selon l’usage de tous les bourgeois, l’entend cependant toujours, de ces jolies oreilles que nous connaissons.

1469. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « II — L’inter-nationalisme »

Comment voulez-vous que son jugement soit équitable s’il méconnaît une moitié des éléments en jeu ?

1470. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre XI : M. Jouffroy moraliste »

Leurs amis considéraient avec curiosité l’opposition parfaite de leurs natures, et un soir, dans la petite maison, on s’amusa fort en écoutant Pope, cervelle bizarre, qui, par un jeu d’imagination, transformait M. 

1471. (1885) Le romantisme des classiques (4e éd.)

Nous pouvons les combattre, mais nous voyons que nous avons affaire à des hommes convaincus, pour lesquels la parole n’est pas un jeu. […] presque tous les écrivains du xviie  siècle sont maîtres en cette science ; presque tous, au fond, sont des moralistes ; non seulement ceux, soit sacrés, soit profanes, qui le sont par profession ou par dessein : tels que les prédicateurs, Bossuet, Bourdaloue, Massillon ; ou les autres, plus ou moins du monde, Pascal, Nicole, La Rochefoucauld, La Bruyère ; mais ceux même qui n’y songeaient pas ou ne paraissaient pas y songer, auteurs dramatiques, romanciers, historiens, écrivains de mémoires ou de simples correspondances tous et toutes se plaisent et excellent à observer, à peindre les mœurs, les caractères, le jeu des passions, s’y mettant tout entiers, eux et leurs souvenirs, et ceux de leurs amis. […] Elles rappellent ce jeu innocent, les ressemblances et les différences. […] Par un singulier jeu du hasard, que fait remarquer M.  […] Cependant ce n’est encore là qu’un prétexte et un jeu d’esprit : Dorante, en effet, ne se borne pas à mystifier les conteurs de nouvelles ; c’est lui, au contraire, qui le plus souvent, sans provocation, en invente, et des plus extraordinaires, et c’est lui qui mériterait qu’on les lui fît rentrer au corps.

1472. (1866) Dante et Goethe. Dialogues

Convenez qu’il faudrait avoir l’esprit bien mal fait pour ne voir là que les jeux d’une imagination oisive, et pour ne pas reconnaître dans ces accents inimitables la simplicité des affections profondes. […] Ce devrait être un jeu pour un Français, qui a étudié pendant tout le cours de son éducation universitaire le grec et le latin, que d’apprendre par surcroît les deux langues sœurs de la sienne, comme elle filles de Rome. […] Jusqu’ici vous avez eu beau jeu à nous parler de Dante, mais je n’ai pas oublié, comme dit Montaigne, « notre premier propos » quand nous étions seul à seul, à cette même place, et que je m’étonnais si fort de vous entendre comparer Dante et Gœthe. […] La noblesse de son être moral, qui lui donnait sur ses compagnes une supériorité marquée, ne suffisait pas, dans les jeux où venaient se joindre de jeunes garçons, à la faire rechercher. […] Cependant, sa nature sérieuse ne saurait se laisser distraire longtemps à ce jeu avec les noirs fantômes.

1473. (1894) Les maîtres de l’histoire : Renan, Taine, Michelet pp. -312

Ceux qui ne l’aimaient pas l’appelaient la Célimène ou l’Anacréon de la philosophie, et plusieurs de ceux qui l’aimaient pensaient que les succès mondains, le désir d’étonner et de plaire l’amenaient à ne plus voir, dans la discussion des plus graves problèmes de la destinée humaine, qu’un jeu d’artiste et un exercice littéraire. […] Mais cette complaisance pour les idées d’autrui, qui prenait sa source dans une politesse parfois un peu dédaigneuse, ne l’empêchait pas, toutes les fois qu’une cause grave était en jeu, de maintenir très fermement son opinion. […] Il s’accordait vingt minutes de repos et de jeu en rentrant de la classe du soir, et une heure de piano après le dîner ; tout le reste du jour était donné au travail. […] Il préférait une causerie sur le commerce avec un marchand ou sur le jeu avec un enfant à la frivolité des conversations mondaines ou à la rhétorique des demi-savants. […] Ce n’est point un simple jeu d’esprit que ses beaux sonnets sur les chats52, ces animaux graves, doux, résignés, amis de l’ordre et du confort, pour qui il avait une véritable adoration.

1474. (1898) Ceux qu’on lit : 1896 pp. 3-361

Puis vient le tour du rossignol qui est aussi taxé « vieux jeu ». […] » 2º Rétablissons les jeux au Palais-Royal ou ailleurs, et les millions abonderont. Exigez, par exemple, de tout joueur, en entrant dans la maison de jeu (qui, au fond, n’a rien de plus méprisable que la Bourse) le dépôt d’une somme de cent francs qui lui seront rendus à sa sortie. […] Pourquoi cette attitude timorée, quand l’Allemagne et l’Italie ont leurs loteries ; Monaco, la Belgique, leurs jeux ; nos Casinos, leurs petits chevaux ; les Cercles, leur baccara ; les gens du grand monde et le bas peuple, les courses ; les villes, leurs Bons à lots, etc., etc. ? […] Mais, que ce vieillard accoutumé à ses modes anciennes trouve, en face de lui, un jeune homme qui ose, qui communique à une armée de jeunes gens l’audace qu’il sent en lui, qui entraîne ses troupes aux marches forcées, fait paraître partout en même temps ses têtes de colonne, ne tient nul compte des combinaisons stratégiques qu’on apprend dans les chambres ou sur les champs de manœuvre, oppose au jeu classique, lent, froid, mesuré, où telle attaque doit amener telle riposte et tel engagement du fer telle parade, un jeu romantique, tout d’inspiration, de souplesse, de force, tout de jeunesse : nécessairement le vieillard sera battu par le jeune homme.

1475. (1856) Articles du Figaro (1855-1856) pp. 2-6

La plantureuse actrice cherche dans les éclats de voix les effets ratés par son jeu, et il faut bien avouer que, si elle parvient un moment à émouvoir son public, elle réussit presque toujours à l’assourdir. […] Son jeu franc et spontané ignore ces compromis hypocrites, qui consistent à atténuer le mot leste, en lui découpant une feuille de vigne dans les décences bégueules de la diction. […] À ce jeu combustible et pétillant, Gros-René ou Mathurin s’y brûle souvent la joue : Mlle Saint-Hilaire l’alimente principalement à grand renfort de gourmades et de patoches. — C’est un télégraphe à soufflets. […] Sans manquer de force et d’autorité, son jeu est plutôt une suite de variations sur le clavier de la douceur. — Madame Toscan a de la poudre à canon plein la bouche ; mademoiselle P.  

1476. (1856) À travers la critique. Figaro pp. 4-2

L’Arétin C’était un homme grand, fort, carré d’épaules, avec un regard à la fois insolent et oblique, — le regard d’un homme qui triche au jeu : — avec une large bouche, constamment épanouie en public par un sourire béat et protecteur. […] Je supprime, bien entendu, les sourires, le jeu de l’éventail, la poésie du regard, la tenue de la cravate blanche ; mais, daguerréotype fidèle, je suis certain d’avoir reproduit ce feuilleton oral qui éclate dans vingt loges différentes, que redoutent les hommes de génie, sous les verges duquel se courbent les gens d’esprit, qui est le résumé de l’opinion d’une salle, et que l’on a baptisé de ce nom terrible : le public. […] Pourquoi le lexique du Box prévaudrait-il contre le dictionnaire de la fable, lorsque celui-ci laisse découler de ses pages de miel : pégase, bucéphale, centaure, arènes, jeux de Diane, qui suffisent à tout exprimer, — pourvu qu’on ait la précaution de se ceindre le front d’un laurier et de tenir à la main une lyre d’or, ce qui est la chose la plus commode et la plus simple du monde, quand on se rend en coupé à l’heure aux courses de la Marche ? […] Je veux reprendre aussi, sur ce masque où s’exagère la spirituelle mobilité de la physionomie, un tic qui le gâte à plaisir ; il consiste, lorsque l’actrice joue l’émotion, à écarquiller les yeux, la bouche et les narines, comme si tout cela était mis en jeu par trois ficelles tirées simultanément.

1477. (1857) Causeries du samedi. Deuxième série des Causeries littéraires pp. 1-402

Non : la volonté, la conscience, la foi, l’idée de combat et d’effort se trouvant amorties, annulées par votre indifférence, l’âme n’ayant plus rien à faire de son empire et de soi-même cédera peu à peu et s’affaissera devant tout ce qui l’affaiblit, l’égare, la déprave ou la souille ; et, comme tout cela c’est la matière sous des noms plus ou moins grossiers ou plus ou moins superbes, le matérialisme que vous chassez de l’art par une porte y rentrera par l’autre : vous ne voulez pas qu’il domine les parties inférieures et techniques de la littérature, l’expression, le style, la phrase, la mise en scène, la forme, le jeu des caractères et des personnages, et vous lui abandonnez les parties supérieures et idéales, la pensée, la direction morale, les sources mêmes de l’inspiration. […] S’il peint trop en beau la vie, le cœur humain, le jeu des sentiments et des caractères, les joies de la passion partagée, il exalte les imaginations et les âmes ; il les transporte dans un monde chimérique, déjà caressé et entrevu dans le secret de leurs rêves, et, lorsqu’elles retombent de là dans le monde réel, elles ne peuvent plus ni en soutenir les luttes ni en pratiquer les devoirs ; elles ont perdu le goût du positif et du vrai, et elles se sentent rebutées par cette dose d’amertume qui se mêle ici-bas à toutes les affections, et même à toutes les joies. […] Posée ainsi, la question a de quoi piquer au jeu l’amour-propre, et l’on peut, comme les animaux de Florian, s’écarquiller les yeux pour tâcher de voir clair dans les beautés de Séraphita et de Séraphitus : mais en France, dans la patrie des Provinciales, de Gil-Blas et de Zadig, où toutes les sublimités du monde ne seront jamais rien sans la clarté, ces tours de force de l’illuminisme, qu’on devrait bien plutôt nommer l’obscurisme, ne prospéreront jamais. […] Pour nous, qui préférerons toujours l’idée au fait et le sens moral des événements à leur jeu extérieur, aucun indice, aucun présage ne nous semble plus décisif que celui-ci : un écrivain célèbre, parvenu à la maturité du talent, descendant d’un pas de plus dans l’égout des civilisations corrompues, et en rapportant la Cousine Bette ; une société souffrant qu’on l’outrage pourvu qu’on l’amuse, et consentant à se reconnaître dans un tableau qui, s’il était vrai, n’admettrait, comme dénoûment et expiation possibles, qu’une invasion de sauvages ou de barbares, purifiant par le fer et le feu cet amas de pourriture. […] Nous qui avons vu et subi les effets de l’esprit littéraire s’infiltrant, dans les affaires publiques, il nous est facile de juger ce qu’il devait être à un moment où l’on n’avait pas, comme aujourd’hui, les leçons de soixante années de malheurs, où maîtres et disciples, prédicateurs et néophytes, également éloignés de la politique active par une administration centralisatrice, vivaient dans une ignorance complète du vrai jeu, des vrais ressorts des institutions humaines, et croyaient tout simple d’échapper à ces réalités blessantes, injustes ou méprisables, pour se lancer dans un monde peuplé de séduisantes chimères par de brillants esprits.

1478. (1893) Des réputations littéraires. Essais de morale et d’histoire. Première série

La méthode, la patience, le travail s’imposent à lui comme des conditions qu’aucun enthousiasme n’est capable de remplacer, et les intérêts généraux que la science met en jeu doivent lui paraître infiniment trop grands pour que son intérêt personnel n’éprouve pas quelque pudeur à s’y mêler. […] Si les esthéticiens de la forme n’avaient à produire en exemple que des œuvres semblables, ils auraient de la peine à justifier leurs clients du banal reproche que le parti du fond leur adresse, d’être de simples amuseurs et de rabaisser l’art au jeu de la difficulté vaincue. […] Tous les agents destructeurs des livres, opérant, les uns avec régularité, les autres avec une violence soudaine, la moisissure, les vers, le feu, les petites dents qui rongent, les mains maladroites ou brutales qui gâtent et qui déchirent, envisagés d’un certain point de vue hautement philosophique, paraissent secourables et bienfaisants, et ce que nous maudissions tout à l’heure comme le jeu aveugle du hasard, devient, au contraire, une loi pleine de sagesse. […] Ce n’est plus ici, remarquez-le bien, à un artiste que nous avons affaire, et il ne s’agit point d’une vaine forme ni d’un jeu il s’agit de la vérité divine et du salut des âmes. […] « Encore qu’à ne regarder que les rencontres particulières, écrit Bossuet, la fortune semble seule décider de l’établissement et de la ruine des empires (lisez : des réputations littéraires), à tout prendre, il en arrive à peu près comme dans le jeu, où le plus habile l’emporte à la longue. » Cette affirmation est trop souvent vraie et trop utile toujours, pour n’être pas bonne à répéter.

1479. (1817) Cours analytique de littérature générale. Tome III pp. 5-336

Leur différence me paraît claire, et procède justement des deux sortes de railleries naturelles à l’esprit humain, tantôt notre gaîté s’amuse des grandes choses qu’elle se représente d’un côté vain et risible en se les exagérant sous des dehors gigantesques dont le ridicule les rapetisse ; c’est le jeu de l’Arioste : tantôt elle attribue aux petites choses les qualités les plus relevées, et, pour s’en mieux moquer, elle couvre de formes majestueuses et disproportionnées les objets bas et burlesques, c’est l’art malin de Boileau. […] La lointaine renommée de ces temps la rend maîtresse des ressorts qu’elle met en jeu ; les crédulités, les superstitions des âges de chevalerie lui fournissent les nombreuses chimères dont elle vous effraie ou vous amuse. […] Ainsi tout finit par le jeu d’une équivoque, qui change ce terrible épisode en puérilité invraisemblable, et nullement nécessaire. […] Le projet conçu par les deux monstres caractérise emblématiquement l’audace de l’imposture offerte aux peuples sous l’apparence de la vraie piété ; et l’artifice qu’ils mettent en jeu sépare entièrement celle-ci de la complicité des crimes que l’église sanctifie en son honneur. […] Les éminentes qualités prendront nécessairement le dessus partout, et leurs contraires les plus prononcés apparaîtront dans l’opposition directe qui mettra toute leur valeur en jeu : les qualités intermédiaires se partageront les rangs inférieurs plus ou moins élevés, en raison de leur importance réciproque : et du concours mutuel des unes et des autres, ress

1480. (1883) Essais sur la littérature anglaise pp. 1-364

Si le jeu de ces forces suffisait pour produire le génie, Butler, le Butler si justement démoli par M.  […] C’était un jeu à perdre la tête, un édit royal très sévère ordonnant l’arrestation de tout agent de recrutement. […] Il faut que pendant tout le cours de la représentation son imagination se trouve dans un état mixte qui lui permette de s’abandonner à l’illusion du spectacle et de rassurer en même temps par la pensée que tout qu’elle voit n’est qu’un jeu. […] Les peuples méridionaux, et spécialement les Italiens, parce qu’ils donnent à cette passion un franc et libre jeu que les autres peuples lui refusent, etc., etc. […] — Et ne pouviez-vous vivre, dit l’archidémon, sans encourager la dissipation et le jeu, la malpropreté, l’ivrognerie, les blasphèmes, les querelles, la calomnie et le mensonge ?

1481. (1864) Physiologie des écrivains et des artistes ou Essai de critique naturelle

Spenser de même, tout en imitant visiblement l’Arioste, est toujours bien un homme du Nord, ami de la réflexion et de l’analyse, et qui ne se contente pas de représenter le jeu de la vie, mais qui cherche à en pénétrer les causes. […] Il est vrai que par ce franc jeu et par cette sincérité, en se mettant tout entier dans son œuvre, en se livrant tel que l’on est, on donne prise aux adversaires. […] Deuxième partie La musique Kant appelle la musique « un beau jeu de sensations. » Cette définition de l’illustre métaphysicien se rapprocherait assez de celle des matérialistes, qui ne considèrent la musique que comme « un excitant pour les nerfs. » C’est faire peu d’honneur à la musique et en concevoir une pauvre idée que de la mettre purement et simplement au rang des alcools, ou du café, ou de l’opium, ou du haschich, et de ne la regarder que comme un jeu de sensations. […] Aux jeux olympiques, les athlètes combattaient nus, et les artistes les représentaient nus. […] Léonard de Vinci disait que rien n’enseigne mieux au peintre le jeu de la lumière et de l’ombre, que de modeler d’abord en terre.

1482. (1887) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Troisième série pp. 1-326

Je résolus de me mettre dans le service… » Vous avez reconnu le passage : « Mes joues creusaient, mon terme était échu, je voyais arriver de loin l’affreux recors, la plume fichée dans la perruque… En frémissant, je m’évertue… » Il n’est pas enfin jusqu’aux jeux de scène et jusqu’aux attitudes qui ne se retrouvent engagés dans la narration de Le Sage ; des jeux de scène que l’on est tenté de mimer et des attitudes qu’il vous vient comme une envie d’essayer. […] Weiss, tout récemment, ne reconnaissait-il pas la situation psychologique de Ruy Blas dans le Jeu de l’amour et du hasard ? […] Le roman n’est pas un jeu pour lui, parce que la vie n’est pas une comédie pour ce cœur faible, ardent et passionné. […] Ce sont là jeux d’esprit auxquels on peut bien s’amuser, si l’on en a le temps, mais non pas s’attarder. […] Mais Le Sage est l’auteur de Turcaret, et Marivaux est l’auteur du Jeu de l’amour et du hasard.

1483. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre II. Le théâtre. » pp. 2-96

J’ai des maisons, des bijoux et un pauvre reste de ducats ; sans doute cela vous donnera le moyen d’être charitables… » Puis, d’une voix stridente : « En vérité, monseigneur, vous feriez bien d’aller tirer vos pistolets contre les mouches : le jeu serait plus noble. » On la condamne à être enfermée dans une maison de repenties. […] Ainsi composé et ainsi muni, ce théâtre a pu mettre au jour le plus intime fonds de l’homme, et mettre en jeu les plus puissantes émotions humaines, amener sur la scène Hamlet et Lear, Ophélie et Cordélia, la mort de Desdémone, et les meurtres de Macbeth. […] Beaucoup étaient purement païens et athées ; la cour de la reine elle-même était un asile d’épicuriens et d’athées et de gens sans loi. » (Strype, année 1572.) « Dans ma jeunesse… le dimanche… le peuple ne voulait pas interrompre ses jeux et ses danses, et bien des fois celui qui lisait la Bible était forcé de s’arrêter jusqu’à ce que le joueur de flageolet et les acteurs eussent fini.

1484. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre IV. La philosophie et l’histoire. Carlyle. »

Elles sont, comme le christianisme, des formes de la religion universelle. « Elles renferment toutes une vérité, autrement les hommes ne les auraient pas embrassées1443. » Elles ne sont pas une imposture de charlatans ni un jeu d’imaginations poétiques. […] —  Vous avez perdu votre fils unique ; vous êtes muet, écrasé, vous n’avez pas même de larmes ; un importun, avec toutes sortes d’importunités, vous offre de célébrer pour lui des jeux funéraires à la façon des anciens Grecs1461 !  […] La philosophie qui a produit et conduit la révolution était simplement destructive, proclamant pour tout Évangile « que les mensonges sociaux doivent tomber, et que dans les matières spirituelles suprasensibles, il n’y a rien de croyable. » La théorie des droits de l’homme, empruntée à Rousseau, n’était « qu’un jeu logique, une pédanterie, à peu près aussi opportune qu’une théorie des verbes irréguliers. » Les mœurs en vogue étaient l’épicurisme de Faublas.

1485. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Le cardinal de Bernis. (Fin.) » pp. 44-66

C’est à quoi il ne manque pas ; Bernis a le mérite de rester lui-même dans cette correspondance ; il sait entendre la raillerie, et il sait aussi l’arrêter discrètement au moment où elle passerait le jeu.

1486. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Roederer. — III. (Fin.) » pp. 371-393

Il n’a prétendu, j’imagine, dans ce jeu suivi et patient de sa vieillesse, que fournir matière à conversation, à contradiction, à quelques-uns de ces dissentiments agréables et vifs qui remplissent et animent les soirées d’automne à la campagne.

1487. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Duclos. — II. Duclos historien » pp. 224-245

Ami intime de Bernis et tenu par lui au courant de tout le jeu, Duclos a écrit ce qu’il y a de plus exact sur cette partie délicate de l’histoire politique du xviiie  siècle.

1488. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Marivaux. — I. » pp. 342-363

Cette double scène de toilette quittée et reprise est une scène de comédie toute faite, avec le jeu devant le miroir ; il n’y manque que l’actrice : car tout personnage de Marivaux semble toujours être en vue d’un acteur ou d’une actrice qui le doit compléter et qu’on dirait qu’il attend.

1489. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « La marquise de Créqui — II » pp. 454-475

Il lui fait l’effet d’être plus jeune qu’il ne l’était, et M. de Meilhan passa longtemps dans le monde pour être plus jeune que son âge : elle le plaint et elle compatit à le voir ainsi désabusé comme un vieillard, et il semble qu’en mettant son propre désenchantement en commun avec le sien, elle ait quelque désir de le consoler : « Vous êtes destiné, monsieur, lui disait-elle au début, à passer une vie douloureuse : vous voyez le jeu des machines, et alors plus de bonheur.

1490. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Le maréchal de Villars — III » pp. 81-102

Un principe m’a guidé en l’étudiant : sous peine de rapetisser son objet et de voir d’une vue basse, il faut avant tout chercher dans chaque homme distingué, et à plus forte raison dans un personnage historique, la qualité principale, surtout quand elle a rencontré les circonstances et l’heure propice où elle a eu toute son application et tout son jeu.

1491. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Histoire de la querelle des anciens et des modernes par M. Hippolyte Rigault — II » pp. 150-171

Gacon, un chétif et déshonorant défenseur des anciens, s’était mis en effet du jeu : sous le titre d’Homère vengé, il publia en 1715 le livre le plus incohérent et le moins solide, mi-partie de vers et de prose, folâtre de ton, tout bariolé de fables et de rondeaux, le tout à l’honneur du père de la poésie et contre son moderne détracteur.

1492. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Benjamin Constant. Son cours de politique constitutionnelle, ou collection de ses divers écrits et brochures avec une introduction et des notes, par M. Laboulaye »

Chateaubriand en fait son livre le plus éclatant, qui va redorer de son rayon, pour plus d’un demi-siècle, la grille du sanctuaire et le balustre des autels ; Benjamin Constant, à ses moments perdus, entre la maison de jeu et la tribune, refait et retouche sans cesse un livre plus vrai peut-être, plus religieux et plus philosophique que celui de l’autre ; mais sa poudre est restée trop longtemps en magasin, elle est mouillée ; il n’y a pas, comme pour Le Génie du Christianisme, feu d’artifice et illumination soudaine.

1493. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Histoire de la Restauration par M. Louis de Viel-Castel. Tomes IV et V. (suite et fin) »

Il y a longtemps que je nourrissais le désir de rendre, à mon tour, un témoignage public de souvenir et de respect à un homme que le dernier tiers de sa vie a produit aux jeux de tous si à son avantage, et dont le temps « ce grand révélateur » a mis dans tout leur jour les mérites essentiels et éminents.

1494. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Œuvres de Louise Labé, la Belle Cordière. »

Et de plus, en ce qui est de la poésie du xvie  siècle en particulier, on voit assez par tout cela qu’on est sorti des lignes de l’histoire littéraire proprement dite, qui, à moins d’être une nécropole, doit se borner à donner la succession et le jeu des écoles et des groupes, les noms et la-physionomie des vrais chefs, à marquer les caractères et les degrés des principaux talents, le mérite des œuvres vraiment saillantes et dignes de mémoire : on est tombé dans le menu, dans la recherche à l’infini, dans la curiosité locale et arbitraire.

1495. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Horace Vernet (suite.) »

Il faut, à la vérité, que je me recueille avant mon improvisation, mais je la ferai. » Je consentis de très-grand cœur, et je ne puis vous dire combien je fus heureux en voyant que mon jeu lui avait fait réellement tant de plaisir.

1496. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Horace Vernet (suite.) »

Un jour, dans une de ses courses en Algérie, il avait fait une première remarque : il lisait la Bible, et voyant une jeune femme arabe venir chercher de l’eau à un puit, il crut avoir sous les yeux la parfaite représentation de Rebecca à la fontaine, lorsque la fille de Bathuel, portant sa cruche sur son épaule gauche, la laissait glisser sur son bras droit pour donner à boire au serviteur d’Abraham : c’est ainsi du moins qu’il s’expliquait ce mouvement et ce jeu de scène.

1497. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Don Carlos et Philippe II par M. Gachard Don Carlos et Philippe II par M. Charles de Mouy »

Nous avons besoin, pour ne pas sourire de pitié à la vue de ces conceptions grandioses, envolées en fumée et pour jamais évanouie, de nous souvenir de cette parole même du marquis de Posa : « Dites-lui, quand il sera homme, de garder du respect pour les rêves de sa jeunesse. » C’étaient en effet de purs rêves, c’étaient des jeux d’enfant sublime que ces scènes de Schiller ; ce sont des monstruosités de grandeur comme se les figure volontiers l’enfance dans ses contes d’ogres et de géants : et la première jeunesse, après l’enfance, est sujette à avoir aussi ses contes d’ogres et de géants au moral.

1498. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Théophile Gautier. »

Théophile Gautier négligea toujours et dédaigna ce qui parle le plus au public français ; il se fit un malin plaisir et un jeu de le contredire en toute rencontre, affectant de ne s’adresser qu’à quelques-uns.

1499. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Catinat (suite.) »

Le jeu du duc de Savoie qui envoyait de temps à autre à Tessé son intendant des finances, Grupel, déguisé en paysan, en attendant que Tessé allât lui-même à Turin travesti en postillon, sa ressource habituelle et son excuse étaient de dire qu’il ne pouvait rien sur ses alliés que de les ralentir tout au plus un peu, et que c’était bien à contrecœur qu’il faisait la guerre au roi.

1500. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Maurice comte de Saxe et Marie-Josèphe de Saxe, dauphine de France. »

… » A deux de jeu !

1501. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Maurice comte de Saxe et Marie-Joséphine de Saxe dauphine de France. (Suite et fin.) »

Ses chasses, ses haras, les manœuvres de son régiment de houlans qu’on lui avait donnés pour gardes, étaient ses jeux.

1502. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Le général Jomini. [V] »

Non pas seulement assister d’une bonne place à ce savant et terrible jeu à combinaisons non limitées qu’on appelle la grande guerre, non pas seulement être appelé à donner en quatre ou cinq occasions des conseils plus ou moins suivis, mais être une bonne fois à même d’appliquer son génie, ses vues, sa manière d’entendre et de diriger les mouvements d’un corps d’armée, être compté, en un mot, lui aussi, dans la liste d’honneur des généraux qui ont eu leur journée d’éclat, qui ont combiné et agi, qui ont exécuté ce qu’ils avaient conçu.

1503. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Œuvres françaises de Joachim Du Bellay. [II] »

Il apostrophe le poète nouveau ; il lui ordonne de sortir des chemins battus, de pendre une bonne fois au croc toutes ces vieilles formes, ces défroques de poésies surannées et usées, qui sentent le siècle du bon roi René, et de mise tout au plus pour les Jeux floraux ou, comme nous dirions, pour l’Almanach des Muses ; il le convie aux genres élevés, à l’ode conçue à l’antique, à la satire entendue moralement, aux « plaisants » épigrammes (épigramme était alors masculin), au sonnet d’invention italienne et alors tout neuf chez nous, à l’églogue d’après Théocrite et Virgile, ou même à l’exemple de Sannazar.

1504. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. ULRIC GUTTINGUER. — Arthur, roman ; 1836. — » pp. 397-422

A midi sur ce banc s’assoit encor mon père ; Mes filles ont foulé ces gazons dans leurs jeux Sous ces acacias, les pieds dans la rosée, J’ai quelquefois, dès l’aube, égaré la beauté : L’oiseau chantait à peine, et la fleur reposée Assemblait un parfum chargé de volupté.

1505. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « DE LA LITTÉRATURE INDUSTRIELLE. » pp. 444-471

Je crois pourtant qu’eux-mêmes les premiers ont fait beau jeu à la contrefaçon belge, qui se fonde avant tout sur le débit de volumes gros de matière et à bon marché134.

1506. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « LES JOURNAUX CHEZ LES ROMAINS PAR M. JOSEPH-VICTOR LE CLERC. » pp. 442-469

et si quelque chose de véritablement essentiel ou de piquant, d’original en un mot, est en jeu ; c’est à ce fond qu’il faut venir pour classer les œuvres et surtout les hommes.

1507. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « M. DE BARANTE. » pp. 31-61

Il pensa que rien qu’avec des récits contemporains bien choisis, habilement présentés et enchâssés, on pouvait non-seulement rendre aux faits toute leur vie et leur jeu animé, mais aussi en exprimer la signification relative16.

1508. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « M. Joubert »

Et sur les formes particulières des styles, sur Cicéron qu’on croit circonspect et presque timide, et qui, par l’expression, est le plus téméraire peut-être des écrivains, sur son éloquence claire, mais qui sort à gros bouillons et cascades quand il le faut  ; sur Platon, qui se perd dans le vide, mais tellement qu’on voit le jeu de ses ailes, qu’on en entend le bruit  ; sur Platon encore et Xénophon, et les autres écrivains de l’école de Socrate, qui ont, dans la phrase, les circuits et les évolutions du vol des oiseaux, qui bâtissent véritablement des labyrinthes, mais des labyrinthes en l’air, M. 

1509. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXVIIIe entretien. Fénelon, (suite) »

C’est un jeu de l’esprit, un déguisement de l’imagination moderne, sous des fictions et sous des vêtements mythologiques ; on y sent l’imitation sublime, mais l’imitation en toutes les lignes ; Fénelon n’y est qu’un Homère dépaysé dans un autre peuple et dans un autre âge, chantant les fables à des générations qui n’y croient plus : là est le vice du poëme, mais c’était celui du temps.

1510. (1892) Boileau « Chapitre II. La poésie de Boileau » pp. 44-72

Écoutez ce jeu de rimes qui tintent : Les cloches dans les airs de leurs voix argentines Appelaient à grand bruit les chantres à matines.

1511. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre I. Littérature héroïque et chevaleresque — Chapitre III. L’Histoire »

Ce jour-là, une des forces morales qui produiront le xviie  siècle, entre en jeu.

1512. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre II. La première génération des grands classiques — Chapitre II. Corneille »

Ces jeux de caractères sont d’étonnants problèmes de mécanique morale.

1513. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « Anatole France »

Le reste est jeu d’enfant, et je suis avec tous mes livres comme un petit enfant qui agite des osselets.

1514. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Octave Feuillet »

De « magnifiques éclairs » et « les jeux de la foudre sur l’Océan » accompagnent les cascades de Mme d’Hermany, Et le style est « distingué » à l’égal des personnages et du décor.

1515. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre premier »

La Renaissance venant en aide à son heureux naturel, l’arracha bientôt à ces misérables jeux d’esprit.

1516. (1911) La valeur de la science « Première partie : Les sciences mathématiques — Chapitre III. La notion d’espace. »

Au premier de ces chemins correspondra une série S de sensations musculaires ; à un second chemin, correspondra une autre série S″ de sensations musculaires qui généralement seront complètement différentes, puisque ce seront d’autres muscles qui seront entrés en jeu.

1517. (1890) L’avenir de la science « XIX » p. 421

Pour moi, j’imagine que, dans cinq cents ans, l’histoire de France commencera au Jeu de Paume et que ce qui précède sera traité en arrière-plan, comme une intéressante préface, à peu près comme ces notions sur la Gaule antique, dont on fait aujourd’hui précéder nos Histoires de France.

1518. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XII. La littérature et la religion » pp. 294-312

Les nations réformées ont (ce n’est pas un vain jeu de mots) l’esprit réformiste ; elles concilient la tradition et l’innovation ; elles ne croient pas qu’il faille créer un abîme entre l’avenir et le passé ; en détruisant les choses surannées devenues gênantes, elles conservent ce qui est inoffensif ou ce qui a sa raison d’être ; elles avancent ainsi à petits pas, sans brusque secousse, mais aussi presque sans recul.

1519. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XVIII. Formule générale et tableau d’une époque » pp. 463-482

Pour saisir le jeu de ces mouvements qui se mêlent et s’entrecroisent, on est souvent obligé de sortir de l’époque qu’on étudie, de regarder ce qui l’a précédée et ce qui l’a suivie.

1520. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « V »

Il se résume en un petit jeu de société et de théâtre dont l’ingénieuse simplicité n’échappera à personne : La scène se passe en 1885-86.

1521. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre IV, Eschyle. »

Il agrandit et il embellit la pantomime et le jeu des Chœurs, taillant dans leur masse des groupes pathétiques, dignes d’être coulés dans le bronze ou moulés par le marbre de la statuaire.

1522. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Chansons de Béranger. (Édition nouvelle.) » pp. 286-308

La troisième strophe semble atteindre un moment au sublime : Un conquérant, dans sa fortune altière, Se fît un jeu des sceptres et des lois ; Et de ses pieds on peut voir la poussière Empreinte encor sur le bandeau des rois.

1523. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Biographie de Camille Desmoulins, par M. Éd. Fleury. (1850.) » pp. 98-122

Cette place est réservée aux œuvres saines, à celles qui sont pures de ces amalgames étranges et de ces indignités de pensée comme de langage, à celles où le patriotisme et l’humanité ne souffrent aucune composition avec les hommes de sang, et ne se permettent point, comme passeport et comme jeu, de ces goguettes de Régence et de Directoire ; aux œuvres dans lesquelles la conscience morale plus encore que le goût littéraire n’a pas à s’offenser et à rougir de voir Loustalot et Marat, par exemple, grotesquement, impudemment cités entre Tacite et Machiavel d’une part, et Thrasybule et Brutus de l’autre.

1524. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Œuvres de Condorcet, nouvelle édition, avec l’éloge de Condorcet, par M. Arago. (12 vol. — 1847-1849.) » pp. 336-359

De telles orgies de rationalisme amènent à leur suite des réactions en sens contraire, et Condorcet donne beau jeu, le lendemain, aux Bonald et aux de Maistre.

1525. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « L’abbé de Choisy. » pp. 428-450

La nature, en créant des femmes, se trompe quelquefois et fait des viragos qui ne rêvent qu’exercices virils, tournois et jeux de guerre.

1526. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Hégésippe Moreau. (Le Myosotis, nouvelle édition, 1 vol., Masgana.) — Pierre Dupont. (Chants et poésies, 1 vol., Garnier frères.) » pp. 51-75

Un sentiment sincère et fondamental respire à travers les combinaisons mêmes et le petit jeu de scène qui sont le fait de chaque artiste.

1527. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Lettres et opuscules inédits du comte Joseph de Maistre. (1851, 2 vol. in-8º.) » pp. 192-216

On le voit, dans une lettre à l’un de ses beaux-frères, accepter les réprimandes de plus d’un genre sur des jeux de mots, sur « certaines tournures épigrammatiques qui tiennent de la recherche » : « Je suis fâché de n’avoir point d’avertisseur à côté de moi, car je suis d’une extrême docilité pour les corrections. » Cela était vrai, et, quand on l’imprimait, il se laissait volontiers corriger par celui en qui il avait mis sa confiance.

1528. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Madame de Lambert et madame Necker. » pp. 217-239

En voyant les gens de lettres si assidus chez elle, et Messieurs de l’Académie y dîner deux fois par semaine, ses envieux ne manquèrent pas de l’accuser de tenir bureau d’esprit : C’était, dit Fontenelle, à un petit nombre d’exceptions près, la seule maison qui se fût préservée de la maladie épidémique du jeu, la seule où l’on se trouvât pour se parler raisonnablement les uns les autres, et même avec esprit selon l’occasion.

1529. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « L’abbé Maury. Essai sur l’éloquence de la chaire. (Collection Lefèvre.) » pp. 263-286

En vain l’abbé Maury chercha-t-il à se faire interrompre, s’interrompit-il lui-même, se plaignit-il qu’on ne voulait pas l’entendre ; en vain, abandonnant et reprenant le sujet principal de son discours, se perdit-il dans les digressions les plus étrangères, interpella-t-il personnellement Mirabeau et lui jeta-t-il vingt fois le gant de la parole ; au moindre mouvement d’impatience qui s’élevait dans l’Assemblée : « Attendez, monsieur l’abbé, disait Alexandre Lameth avec un sang-froid désespérant, je vous ai promis la parole, je vous la maintiendrai. » Et, se tournant vers les interrupteurs : « Messieurs, écoutez M. l’abbé Maury : il a la parole ; je ne souffrirai pas qu’on l’interrompe. » Ayant ainsi expliqué au long tout ce jeu de scène et de coulisse, Ferrières termine en disant : « Après deux grandes heures de divagations, tantôt éloquentes, tantôt ennuyeuses, l’abbé Maury descendit de la tribune, furieux de ce qu’on ne l’en avait pas chassé, et si hors de lui, qu’il ne songea pas même à prendre de conclusions. » Or, quand on lit dans les Œuvres de l’abbé Maury, ou même dans l’Histoire parlementaire de MM. 

1530. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mémoires de Marmontel. » pp. 515-538

Cependant, tandis qu’il est à Toulouse, Marmontel, dont l’activité et le talent cherchent de tous côtés une voie à se produire, concourt pour les Jeux floraux ; il manque le prix la première fois, et, dans son dépit, il écrit à Voltaire en lui envoyant son ouvrage ; il en appelle à lui comme à l’arbitre souverain de la poésie.

1531. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « La Harpe. Anecdotes. » pp. 123-144

Cela passe le jeu ; toute plaisanterie a cessé : « Vous verrez (essaye encore de dire avec ironie la duchesse de Grammont) qu’il lie me laissera seulement pas un confesseur ? 

1532. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Volney. Étude sur sa vie et sur ses œuvres, par M. Eugène Berger. 1852. — I. » pp. 389-410

Il ne laisse pas d’être misanthropique pourtant, et le besoin d’aller toujours au fond des ressorts humains l’empêche de voir ce qui les recouvre souvent dans l’habitude, et ce qui en rend le jeu plus tolérable et plus doux.

1533. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Volney. Étude sur sa vie et sur ses œuvres, par M. Eugène Berger. 1852. — II. (Fin.) » pp. 411-433

L’Assemblée constituante y est saluée la première assemblée d’hommes raisonnables : on a la séance du Jeu de paume, la nuit du 4 Août, résumées en manière d’allégorie, et vues dans une sorte de lanterne magique abstraite.

1534. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre sixième. La volonté — Chapitre premier. Existence de la volonté »

Ils sont peut-être la raison fondamentale qui nous fait attribuer notre sentiment de contraction extrême à la région de la tête, et l’appeler une conscience d’énergie, au lieu d’une sensation périphérique. » Ces observations de Münsterberg montrent bien que nous ne pouvons accomplir un grand effort d’un membre sans une irradiation de l’onde nerveuse qui entraîne des mouvements sympathiques et synergiques, et cela, principalement du côté du corps qui est en jeu (y compris la tête).

1535. (1888) Préfaces et manifestes littéraires « Histoire » pp. 179-240

Seule, la lettre autographe fera toucher du doigt le jeu nerveux de l’être sous le choc des choses, la pesée de la vie, la tyrannie des sensations.

1536. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1881 » pp. 132-169

Au second le succès se dessine, la salle est prise par le jeu de Chelles…..

1537. (1889) L’art au point de vue sociologique « Introduction »

En outre, elle fait de l’art quelque chose de concentré en soi et d’isolé, non d’expansif et de social, car la société humaine ne saurait s’intéresser à un pur jeu de formes.

1538. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Henri Heine »

Il sait être de verve sans jeux de mots, sans surprise baroques, simplement en mettant bout à bout de fines idées, en ressentant de vives et neuves sensations d’adolescent, en étant d’humeur gaie et délicatement émue.

1539. (1864) William Shakespeare « Deuxième partie — Livre I. Shakespeare — Son génie »

Voici quelques-uns des reproches unanimement adressés à Shakespeare : — Concettis, jeux de mots, calembours. — Invraisemblance, extravagance, absurdité. — Obscénité. — Puérilité. — Enflure, emphase, exagération. — Clinquant, pathos. — Recherche des idées, affectation du style. — Abus du contraste et de la métaphore. — Subtilité. — Immoralité. — Écrire pour le peuple. — Sacrifier à la canaille. — Se plaire dans l’horrible. — N’avoir point de grâce. — N’avoir point de charme. — Dépasser le but. — Avoir trop d’esprit. — N’avoir pas d’esprit. — Faire « trop grand ». — « Faire grand ».

1540. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Introduction »

Tous ces motifs sophistiques ont toujours été les jeux et les couleurs de la passion complaisante.

1541. (1920) Action, n° 4, juillet 1920, Extraits

Fernand Vandérem, dans Le Miroir des lettres, résume en 1919 la polémique dont le livre a été l’objet : « On l’accusa de faire le jeu de l’ennemi.

1542. (1759) Réflexions sur l’élocution oratoire, et sur le style en général

Peut-on rien lire de plus ridicule que le commentaire de Despréaux sur la première ode de cet auteur, et ses efforts pour travestir en sublime le mélange bizarre que le poète grec fait dans la même strophe, de l’eau, de l’or, et du soleil avec les jeux olympiques ?

1543. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre X. Première partie. Théorie de la parole » pp. 268-299

S’il eût dû lire à la France assemblée, dans de nouveaux jeux olympiques, tout ce qu’il a écrit sur l’histoire, il n’aurait pas si souvent désolé la raison.

1544. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « La Révolution française »

Lisez, en effet, tous les livres composés, de 1830 à 1850, sur des sujets historiques, par les esprits les plus divers ; et voyez si, dans la plupart, le panthéisme ne réduit pas, plus ou moins, le jeu de la personnalité humaine au sein des luttes de ce monde, pour enrichir de tout ce qu’il prend à cette personnalité la vague notion de force des choses que le matérialisme connaissait bien un peu avant Hegel, mais que le panthéisme, qui a grandi et complété toutes les erreurs du matérialisme, a grandie aussi, comme les autres.

1545. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Deuxième partie — Chapitre I. La quantité des unités sociales : nombre, densité, mobilité »

N’est-il pas reconnu que l’accroissement de la quantité sociale a pour principal effet de gêner le libre jeu des institutions dites démocratiques ?

1546. (1868) Rapport sur le progrès des lettres pp. 1-184

En ne s’attaquant pas à si forte partie, les habitudes, les opinions et les préjugés du temps faisaient beau jeu, d’ailleurs, à la critique de Chénier. […] Ainsi spectateurs et lecteurs, admis tous à l’Exposition, s’élèveront jusqu’à la pacifique et civilisatrice pensée qui en a conçu le plan, qui y préside et invite tous les peuples à remplacer les jeux meurtriers de la guerre par la bienfaisante rivalité de l’industrie et des arts. […] On peut dédaigner ces jeux difficiles qui sont comme la fugue et le contre-point de la poésie, mais il faut être un maître pour y exceller, et qui ne les a pas pratiqués peut se trouver un jour devant l’idée sans forme à lui offrir. […] Dans ce bouquet printanier, quelques roses d’antan ont été admises, puisque nous y figurons en compagnie d’Émile et d’Antoni Deschamps ; mais ce n’est là qu’une marque de bon souvenir de jeunes débutants aux jeux du cirque pour de vieux athlètes, qui feraient peut-être bien de déposer leur ceste comme Entelle. […] Ce rude travail est le plus excellent exercice que puisse faire un versificateur pour se développer les muscles et devenir un redoutable athlète aux jeux olympiques de la poésie.

1547. (1914) L’évolution des genres dans l’histoire de la littérature. Leçons professées à l’École normale supérieure

Si les idées de Du Bellay sont courtes et peu nombreuses, nous aurions trop beau jeu de vouloir montrer maintenant l’insuffisance ou le danger des moyens qu’il propose pour les réaliser. […] Il attendit d’être mort, pour en déclarer les jeux de mots « insipides », dans sa Satire sur l’Equivoque, et, en attendant, il lui savait gré d’avoir « extrêmement travaillé ses ouvrages ». […] de chanter ou de ne pas chanter les jeux olympiques ? […] Mais il était sans doute écrit que la postérité ne voudrait pas voir plus clair dans les idées que dans le jeu de cet habile homme ; et, pour dire que je ne dirai rien de la Lettre sur les occupations de l’Académie française, vous voyez ce que je suis obligé d’en dire. […] la table, le jeu, les voyages ?

1548. (1906) L’anticléricalisme pp. 2-381

Et je dis même que chez les plus simples et qui ne se savaient, ni se sentaient ni féodaux à telle époque, ni républicains à telle autre, la religion entrait moins en jeu que le simple goût de lutte pour la lutte et de guerre pour la guerre. […] Et n’est-ce point une invitation suffisante, par la mise en jeu de l’amour-propre, à l’irréligion et l’incrédulité ? […] Mauguin, bien oublié, s’était fait une spécialité de ce jeu-là et y avait récolté presque de la gloire. […] L’homme passionné pour les femmes ou pour le jeu ou pour l’alcool, ne songe à rien qu’à l’alcool, au jeu ou aux femmes. […] Il est excellent pour eux qu’il y ait un peuple en Europe qui se conduise comme celui qui a les yeux bandés au jeu de colin-maillard, pendant que tous les autres ont les yeux ouverts.

1549. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Eugène Gandar »

Olympie, c’est l’unité de la Grèce, c’est la fraternité des peuples consacrée par des jeux et des prières solennelles, c’est la concorde succédant, quand son heure est venue, aux guerres intestines, et faisant tomber des mains de quelques-uns, au nom de la patrie commune, des armes fratricides. […] Un seul coup d’œil explique cette différence : Némée est mesquin ; l’Isthme est sec ; l’idée de séparation est empreinte, comme l’idée d’alliance, dans cet étroit passage où les nations divisées s’étaient si souvent heurtées ; la ville même où se célébraient les jeux isthmiques n’était qu’une forteresse.

1550. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLIVe entretien. Examen critique de l’Histoire de l’Empire, par M. Thiers » pp. 81-176

Quand Sieyès avait pressenti la chute du Directoire il avait négocié d’avance avec Bonaparte ; il avait masqué plutôt que motivé sa trahison par la prétention de faire adopter au jeune général une constitution arbitraire, compliquée, chimérique, qui n’était que le jeu d’esprit d’un métaphysicien désœuvré. […] C’est évidemment, selon nous, un jeu de scène pour intéresser le drame.

1551. (1861) Cours familier de littérature. XI « LXIIIe entretien. Cicéron (2e partie) » pp. 161-256

Les privations, mieux que les jouissances, m’ont fait comprendre ce que donnent de plaisir les amitiés, les habitudes de société, les rapports de voisinage et de clientèle, les pompes de nos jeux et la magnificence de nos fêtes. […] — Hier, lui dis-je, dès que les jeux furent commencés, je quittai la ville et j’arrivai le soir chez moi.

1552. (1861) Cours familier de littérature. XII « LXXe entretien. Critique de l’Histoire des Girondins » pp. 185-304

Courir aux succès de tribune au lieu des grands résultats d’opinion, jeter quelques imprécations retentissantes au parti du gouvernement, embarrasser les ministres dans toutes les questions, se coaliser avec tous les partis de la guerre ou de l’anarchie dans la chambre ; se faire applaudir par les factions au lieu de se faire estimer par la nation propriétaire et conservatrice ; ébranler, hors de saison, un gouvernement mal assis, mais qui couvrait momentanément au moins les intérêts les plus sacrés de l’ordre et de la paix ; menacer sans cesse de faire écrouler cette tente tricolore sur la tête de ceux qui s’y étaient abrités ; jouer le rôle d’agitateur au nom des royalistes conservateurs, de tribun populaire au nom des aristocraties, de provocateur de l’Europe au nom d’un pays si intéressé à la paix ; se coaliser tour à tour avec tous les éléments de perturbation qui fermentaient dans la chambre et dans la rue ; harceler le pilote au milieu des écueils et prendre ainsi la responsabilité des naufrages aux yeux d’un pays qui voulait à tout prix être sauvé ; former des alliances avec tel ministre ambitieux, pour l’aider à donner l’assaut à tel autre ministre ; renverser en commun un ministère, sans vouloir soutenir l’autre, et recommencer le lendemain avec tous les assaillants le même jeu contre le cabinet qu’on avait inauguré la veille ; être, en un mot, un instrument de désorganisation perpétuelle, se prêtant à tous les rivaux de pouvoir pour renverser leurs concurrents et triompher subalternement sur des décombres de gouvernement ; danger pour tous, secours pour personne ; condottiere de tribune toujours prêt à l’assaut, mais infidèle à la victoire ; faire du parti légitimiste un appoint de toutes les minorités, même de la minorité démagogique dans le parlement : voilà, selon moi, la direction ou plutôt voilà l’aberration imprimée à ce parti, moelle de la France, qui réduisait les royalistes à ce triste rôle d’être à la fois haïs par la démocratie pour leur supériorité sociale, haïs par les conservateurs industriels pour leur action subversive de tout gouvernement, haïs par les prolétaires honnêtes pour leur participation à tous les désordres qui tuent le travail et tarissent la vie avec le salaire. […] Je sentais trop qu’à ce jeu de théâtre, sans autre but que des applaudissements de parterre, les légitimistes perdaient l’honneur et ne gagnaient aucune popularité sérieuse dans le fond du pays.

1553. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CVIIIe entretien. Balzac et ses œuvres (3e partie) » pp. 433-527

À ce jeu, combien d’enfants seraient devenus gourmands, quêteurs, lâches ! […] Ainsi, ne pouvant acheter ni les échasses, ni les cordes, ni aucune des choses nécessaires aux amusements du collège, j’étais banni des jeux ; pour y être admis, j’aurais dû flagorner les riches ou flatter les forts de ma division.

1554. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre quatorzième. »

Un écrit qui ne persuade pas quelque vérité ou ne redresse pas quelque erreur, une peinture qui ne fait pas aimer le beau ou haïr le laid, un ouvrage d’esprit où l’écrivain ne communique pas avec le lecteur par ce qu’il a de meilleur en lui, n’est qu’une production méprisable ou un vain jeu d’imagination. […] D’autres justes exercent leurs membres dans les jeux ; ils luttent sur l’arène, ou bien ils dansent aux accents de la lyre d’Orphée.

1555. (1887) Journal des Goncourt. Tome II (1862-1865) « Année 1862 » pp. 3-73

En face de la Muette, sur les terrains de l’ancien Ranelagh, — j’ai reconnu la maison sans la connaître, — ça ressemble aux tâtonnements des enfants avec les jeux d’architecture, et où ils marient des tours à créneaux avec un kiosque chinois. […] Il y a des fleurs partout, des plats de Chine dans les plafonds, des Watteau peints par Ballue, des vitrines pleines de dunkerques, du carton-pierre, des tentures de lampas, des stores peints, des tapis comme de la mousse, des reliures surdorées, des portes, couvertes, de bas en haut, de dessins, de lithographies, de photographies à deux sous, un salon de jeux avec des billards polonais et des toupies hollandaises, et des montées, des descentes, des machinations de dégagements qui ressemblent à une intrigue de vaudeville, et partout des objets d’art à ravir une fille : une maison triomphante avec jardin, écurie et remise, que vous montre un homme lugubre et gêné et tristement aimable, — que vous montre Jules Lecomte.

1556. (1932) Les deux sources de la morale et de la religion « La religion dynamique »

Tout au plus le sentiment familial et social pourra-t-il surabonder accidentellement et s’employer au-delà de ses frontières naturelles, par luxe ou par jeu ; cela n’ira jamais très loin. […] Encore le succès ne sera-t-il jamais assuré ; l’écrivain se demande à chaque instant s’il lui sera bien donné d’aller jusqu’au bout ; de chaque réussite partielle il rend grâce au hasard, comme un faiseur de calembours pourrait remercier des mots placés sur sa route de s’être prêtés à son jeu.

1557. (1765) Articles de l’Encyclopédie pp. 11-15754

., au jeu, &c. […] D’ailleurs si l’harmonie ou le jeu de l’imagination les sépare quelquefois, souvent aussi elle les rapproche.

1558. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE STAEL » pp. 81-164

Mlle Necker lisait donc des livres au-dessus de son âge, allait à la comédie, en faisait des extraits au retour ; plus enfant, son principal jeu avait été de tailler en papier des figures de rois et de reines, et de leur faire jouer la tragédie : ce furent là ses marionnettes comme Goëthe eut les siennes. […] Mais, en même temps, c’est pour le véritable roman naturel, pour l’analyse et la mise en jeu des passions humaines, que Mme de Staël se prononce entre toutes les fictions ; elle les veut sans mythologie, sans allégorie, sans surnaturel fantastique ou féerique, sans but philosophique trop à découvert. […] » Mais, sans nous hasarder à prétendre que Mme de Vernon soit en tout point un portrait légèrement travesti, sans trop vouloir identifier avec le modèle en question cette femme adroite dont l’amabilité séduisante ne laisse après elle que sécheresse et mécontentement de soi, cette femme à la conduite si compliquée et à la conversation si simple, qui a de la douceur dans le discours et un air de rêverie dans le silence, qui n’a d’esprit que pour causer et non pas pour lire ni pour réfléchir, et qui se sauve de l’ennui par le jeu, etc., etc., sans aller si loin, il nous a été impossible de ne pas saisir du moins l’application d’un trait plus innocent : « Personne ne sait mieux que moi, dit en un endroit Mme de Vernon (lettre xxviii, 1re partie), faire usage de l’indolence ; elle me sert à déjouer naturellement l’activité des autres… Je ne me suis pas donné la peine de vouloir quatre fois en ma vie, mais quand j’ai tant fait que de prendre cette fatigue, rien ne me détourne de mon but, et je l’atteins ; comptez-y. » Je voyais naturellement dans cette phrase un trait applicable à l’indolence habile du personnage tant prôné, lorsqu’un soir j’entendis un diplomate spirituel, à qui l’on demandait s’il se rendait bientôt à son poste, répondre qu’il ne se pressait pas, qu’il attendait : « J’étais bien jeune encore, ajouta-t-il, quand M. de Talleyrand m’a dit, comme instruction essentielle de conduite : N’ayez pas de zèle ! 

1559. (1714) Discours sur Homère pp. 1-137

Il n’y a si vaillant homme dans l’iliade, qu’un autre ne l’ose traiter de lâche, au premier emportement ; et ce n’est pas seulement dans les combats et les occasions les plus échauffées, qu’il leur échappe de ces saillies injurieuses ; c’est jusques dans les occasions les plus tranquilles et les plus indifférentes : Ajax et Idomenée qui d’ailleurs est assez sage, assis l’un auprès de l’autre, aux jeux célébrés pour les funérailles de Patrocle, s’échauffent, et se prennent de paroles sur une bagatelle, et ils en viennent sans la moindre gradation, aux injures les plus aigres et les plus indécentes. […] La description du combat d’Achille contre le Xante, quoi qu’un peu bizarre, celle des jeux célébrés aux funerailles de Patrocle, quoique mal placée comme elle est à la fin du poëme, quelques autres peintures, de celles mêmes que je n’ai pû imiter, parce qu’elles sont enchassées dans des épisodes inutiles, sont dignes, à tout prendre, de toute la réputation d’Homere ; mais il ne peint pas toujours si heureusement ; et je crois que sur cette partie, comme sur toutes les autres, il pourroit égarer souvent ses imitateurs. […] Manque-t-elle de dignité dans les tragédies de Corneille et de Racine, ou de jeux et de badinage dans les comédies de Moliere ?

1560. (1868) Curiosités esthétiques « II. Salon de 1846 » pp. 77-198

Les jeux les plus bizarres et les plus invraisemblables de l’ombre et de la lumière lui plaisaient avant tout. […] Troyon, se réjouissent trop dans les jeux et les voltiges de leur pinceau. […] Sa peinture respire une grande mélancolie : Il aime les natures bleuâtres, les crépuscules, les couchers de soleil singuliers et trempés d’eau, les gros ombrages où circulent les brises, les grands jeux d’ombres et de lumière.

1561. (1907) L’évolution créatrice « Chapitre I. De l’évolution de la vie. Mécanisme et finalité »

Comme, d’ailleurs, ces organes se retrouvent, a l’état rudimentaire, chez les animaux inférieurs, comme la nature nous offre tous les intermédiaires entre la tache pigmentaire des organismes les plus simples et l’œil infinimeux compliqué des Vertébrés, on pourra aussi bien faire intervenir ici le jeu tout mécanique de la sélection naturelle déterminant une perfection croissante. […] Non seulement le nombre des ressemblances que j’ai à additionner se restreint, mais je comprends mieux que chacune d’elles se soit conservée pour s’ajouter aux autres, car la variation élémentaire est assez considérable, cette fois, pour assurer un avantage à l’être vivant et se prêter ainsi au jeu de la sélection. […] En admettant que la lumière intervienne alors comme instrument de sélection, pour ne laisser subsister que les variations utiles, il n’y a aucune chance pour que le jeu du hasard, même ainsi surveillé du dehors, aboutisse, dans les deux cas, à la même juxtaposition d’éléments coordonnés de la même manière.

1562. (1923) Critique et conférences (Œuvres posthumes II)

Redoux, du Jeu des Grâces, de ces admirables abominables Délices d’une bonne œuvre, de cet admirable affreux Mahoin, toutes choses infiniment supérieures à du Pétrus Borel avec, très supérieures, l’âme par instant du Lycanthrope qui fut, n’est-ce pas ? […] Mais l’écrivain seul était en jeu. […] Quant à mon vieux camarade Edmond Lepelletier, je ne puis lui en vouloir du portrait un peu vieux jeu qu’il trace de moi.

1563. (1890) La bataille littéraire. Deuxième série (1879-1882) (3e éd.) pp. 1-303

Les visages des vieux parents penchés sous les flambeaux de jeu à deux branches, en compagnie de leurs partenaires habituels, avaient aussi quelque chose de plus affaissé. […] On peut juger d’après ces extraits de l’ensemble et des qualités de l’ouvrage ; pour ceux qui connaissent l’auteur, il faut, bien qu’il s’en défende, voir dans les Étapes d’une conversion comme une autobiographie ; et l’œuvre s’en ressent, car il n’est permis d’étudier avec ce scrupule le jeu d’une âme que sur soi-même ; aussi peut-on dire que jamais Féval n’a rien écrit d’un plus grand cœur ni de plus d’émotion que ce livre. […] C’étaient là des jeux de mâles, je pense ! […] C’est à ce jeu qu’ils aiment à exceller, et quand ils peuvent ajouter du précieux, de l’emphatique et un air grave plein d’affectation, l’auteur alors nage dans la joie : mais que le ciel donne patience au lecteur. — En outre, ils s’étudient tout spécialement à trouver toujours les expressions les plus indécises et les plus impropres, de sorte que tout apparaît comme dans le brouillard : leur but semble être de se ménager à chaque phrase une porte de derrière, puis de se donner le genre de paraître en dire plus qu’ils n’ont pensé ; enfin ils sont stupides et ennuyeux comme des bonnets de nuit ; et c’est justement ce qui rend haïssable la manière d’écrire des Allemands à tous les étrangers, qui n’aiment pas à tâtonner dans l’obscurité ; c’est au contraire chez nous le goût national.

1564. (1892) Un Hollandais à Paris en 1891 pp. -305

Et ce qu’il chérit dans cette patrie de son esprit et de ses vagues souvenirs préhistoriques, c’est, qu’on y laisse libre jeu à la personnalité humaine, tandis que le cours général des choses y est fixé suivant une loi certaine. […] Dans mon enfance, oui, j’étais sombre et ne me mêlais guère aux jeux de mes camarades ; Albert Millaud a dû probablement se rappeler ses souvenirs du collège où nous avons été ensemble. […] » Et le jeu subtil de l’imagination du poète lui suggérait de changer de rôle avec le serviteur de Satan. […] De temps en temps, cette énergie latente se fait jour à travers le jeu de la conversation ; mais d’ordinaire elle reste dissimulée. […] Le jeu entier des sentiments qui se rencontrent dans cette petite fable se trouve en équilibre complet.

1565. (1878) Nos gens de lettres : leur caractère et leurs œuvres pp. -316

C’est à cette table qu’il écrit, distrait parfois par les jeux éclatants d’une école primaire dont la cour boisée tapage sous sa fenêtre, et qui fait, aujourd’hui comme autrefois, enrager l’infortuné professeur Deltheil. […] On a dit qu’il s’était fait présenter le matin même à Mme Ancelot, sous le nom de Florestan Dufour, mainteneur des Jeux Floraux en mission poétique à Paris ! […] Songez quelles qualités essentiellement françaises un auteur, rompu à ces jeux, apportera dans le roman, et comme il évitera les emphases et les diffusions ! […] Il s’obstine, et tellement, qu’il perd à ce jeu, — un véritable jeu de patience, — ses facultés amoureuses. […] Ceux-là ne tarderont pas à s’apercevoir de la vanité de leur œuvre ; comprenant quel danger il y aurait, pour l’avenir de leur talent, à continuer ce jeu puéril, ils s’empresseront de redevenir des hommes pour devenir des poètes.

1566. (1924) Souvenirs de la vie littéraire. Nouvelle édition augmentée d’une préface-réponse

Vouloir expliquer la cause et le lien de cette évolution est un jeu inutile et vain. […] Ses premiers romans plurent à Alphonse Daudet, qui lui prédisait, sans jeu de mots, un bel avenir. […] Ce qui est vrai, c’est que les poètes, en général, gagnent difficilement leur vie à exercer une profession dont Malherbe comparait irrévérencieusement l’utilité à celle du jeu de quilles. […] Le père Didon fut le type de l’apôtre moderne, de l’éducateur nouveau jeu. […] Il ne fut pas difficile de trouver le coupable  : on n’eut qu’à suivre la ficelle… Tels étaient les aimables jeux auxquels se livrait à Gif le plus incorrigible des pessimistes.‌

1567. (1882) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Deuxième série pp. 1-334

Je n’ai pas pris ces derniers exemples tout à fait au hasard, mais parce que Massillon se complaît visiblement à cette sorte de jeu de mots ; bien plus : il l’élève à la dignité d’un procédé. […] … mais Mithridate ou Phèdre, quels jeux, et quels jeux sanglants « de l’amour et du hasard » ! […] Si nous n’avions ni le Legs, ni le Jeu de l’amour et du hasard, ni les Fausses Confidences, ni l’Épreuve, je ne suis pas bien sûr qu’il ne manquât pas quelque chose à l’esprit français. […] Pour peu que le jeu dure, mon ami Diderot, qui perdrait ainsi son argent, dira sans hésiter, sans douter un seul moment : « Les dés sont pipés, je suis dans un coupe-gorge !  […] parce que dix à douze coups de dés sont sortis du cornet de manière à vous faire perdre six francs, vous croyez fermement que c’est en conséquence d’une manœuvre adroite, artificieuse, et d’une friponnerie bien tissue, et en voyant dans cet univers un nombre si prodigieux de combinaisons mille et mille fois plus difficiles ; et plus compliquées, et plus soutenues, et plus utiles, vous ne soupçonnez pas que les dés de la nature sont pipés et qu’il y a là-haut un grand fripon qui se fait un jeu de vous attraper.

1568. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Gui Patin. — II. (Fin.) » pp. 110-133

Ici toutes les passions de Gui Patin sont en jeu.

1569. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Le maréchal de Villars — II » pp. 57-80

Il y faisait voir non pas de l’égalité seulement et une activité paisible, mais presque un jeu continuel, si on ose s’exprimer ainsi. » Bien que cela ait été dit dans un discours académique, cela est vrai.

1570. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Corneille. Le Cid, (suite.) »

C’est alors que le Cid joua au plus fin et se ménagea un jeu à part ; trompant également le roi Mostaïn, dont il était l’allié, et le roi Alphonse appelé l’Empereur dont il continuait de se dire le vassal, il ne songea, à la tête de son armée, qu’à pousser ses propres affaires, comme le plus osé et le plus habile des trois larrons.

1571. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Œuvres inédites de F. de la Mennais (suite et fin.)  »

Si mes craintes se réalisent, mon parti est pris, et je quitte la France en secouant la poussière de mes pieds. » Dès l’entrée du jeu, il est près de perdre patience, et l’on n’est pas à la fin du premier acte qu’il menace déjà de sortir.

1572. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Œuvres mêlées de Saint-Évremond »

Le couplet n’a rien que d’ordinaire : Ninon, passe tes jours en jeu ; Cours toujours où l’amour te porte ; Le prédicateur qui t’exhorte, S’il était auprès de ton feu.

1573. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. VINET. » pp. 1-32

La concaténation ininterrompue, comme il dirait peut-être, remplace souvent sans nécessité le libre jeu de l’esprit ; l’attention se reposerait utilement dans des endroits de diffusion heureuse.

1574. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. EUGÈNE SUE (Jean Cavalier). » pp. 87-117

Nous avons regret de clore avec un homme d’esprit, et si peu entêté de son succès, par un post-scriptum qui peut paraître sévère ; mais lui-même, s’il disait son secret et son jeu, et tout ce qu’il sait de la gobe-moucherie humanitaire (la plus gobe-mouches de toutes), que ne dirait-il pas ? 

1575. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « PENSÉES FRAGMENTS ET LETTRES DE BLAISE PASCAL, Publiés pour la première fois conformément aux manuscrits, par M. Prosper Faugère. (1844). » pp. 193-224

Le christianisme est venu précisément bouleverser tout cela : le Calvaire fait le contraire des Jeux Olympiques.

1576. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « UNE RUELLE POÉTIQUE SOUS LOUIS XIV » pp. 358-381

Elle ne cessa d’envisager le sort, ses jeux bizarres, ses injustices, d’agiter en idée la faiblesse de l’homme, ses déceptions vaines, l’insuffisance de sa raison : Homme, vante moins ta raison ; Vois l’inutilité de ce présent céleste Pour qui tu dois, dit-on, mépriser tout le reste.

1577. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Mémoires sur la mort de Louis XV »

Les Dubarry, les d’Aiguillon, les d’Aumont, les Richelieu, les Bissy, employaient leur éloquence, mettaient en jeu tous leurs moyens pour persuader la Faculté, et en étaient venus à bout.

1578. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre troisième. L’esprit et la doctrine. — Chapitre II. Deuxième élément, l’esprit classique. »

Si l’on ne savait pas que tout cela aboutit à des effets pratiques et terribles, on croirait à un jeu de logique, à des exercices d’école, à des parades d’académie, à des combinaisons d’idéologie.

1579. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre I. Littérature héroïque et chevaleresque — Chapitre II. Les romans bretons »

On pourra s’amuser un moment à voir le prince Alexandre étudier les sept arts et se faire adouber chevalier par sa mère, inaugurant la brillante carrière qui le mènera à figurer sur nos jeux de cartes entre Arthur et Charlemagne sous les traits d’un empereur à la barbe fleurie.

1580. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « Francisque Sarcey »

La blague est un certain goût, qui est spécial aux Parisiens et plus encore aux Parisiens de notre génération, de dénigrer, de railler, de tourner en ridicule tout ce que les hommes, et surtout les prudhommes, ont l’habitude de respecter et d’aimer ; mais cette raillerie a ceci de particulier que celui qui s’y livre le fait plutôt par jeu, par amour du paradoxe que par conviction : il se moque lui-même de sa propre raillerie.

1581. (1921) Enquête sur la critique (Les Marges)

s’il pouvait tout réduire en cubes, comme font les peintres, l’univers ne serait plus qu’un jeu d’enfant et la pensée nous deviendrait légère comme la plume au vent !

1582. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre troisième »

Un homme surpris un jeu de cartes dans les mains, était attaché au poteau infamant, ses cartes sur l’épaule.

1583. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre neuvième »

Tout ce que le lecteur voulait voir, il le voit : où il y avait des ruines, une résurrection ; où il n’y avait rien, des créations durables ; le jeu rendu à tous les ressorts de la machine ; les mêmes hommes qui hors de leur place troublaient l’État, à leur place le raffermissant et l’illustrant ; la fonction du gouvernement exercée par celui auquel elle appartenait, et qui avait, comme tout exprès, l’amour de la gloire, si inséparable de l’idée du bien public, que je n’oserais pas le mettre au-dessous de l’amour du devoir.

1584. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre douzième »

Mettre un jeune couple aux champs, parmi les tentations d’une nature sensuelle ; les faire dormir côte à côte, non tout enfants dans le même berceau, comme Paul et Virginie, mais adolescents, sous une cépée de chênes, et préserver leur innocence par leur ignorance, c’est un jeu d’esprit dont le moindre tort est de n’être pas chaste.

1585. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Monsieur de Malesherbes. » pp. 512-538

— C’est au sortir de ces jeux d’enfants que le généreux vieillard s’en revint exprès à Paris pour être à son poste à l’heure du danger.

1586. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Chateaubriand homme d’État et politique. » pp. 539-564

les misérables peines de l’amour-propre et les jeux puérils de l’esprit.

1587. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Bussy-Rabutin. » pp. 360-383

Quoi qu’il en soit, avec tous ses défauts, son inclination aux plaisirs, son goût connu et son talent irrésistible pour les épigrammes et les chansons, avec ses désordres de conduite, son grain de libertinage et d’esprit fort, sa fureur du jeu, où il avait un bonheur insolent, Bussy, vers 1659, était en passe d’arriver à la plus haute fortune militaire, lorsque la paix vint le livrer sans distraction à ses périlleux penchants.

1588. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « André Chénier, homme politique. » pp. 144-169

Le serment du Jeu de Paume le transporta.

1589. (1913) La Fontaine « IV. Les contes »

Et alors vous auriez précisément ce que je viens de vous indiquer, un conte symbolique où Psyché serait présentée comme l’être humain qui cherche sans cesse à anatomiser ses passions et ses sentiments, et qui, à ce jeu terrible, finit par les mortifier, comme on disait si bien au dix-huitième siècle, et par les ruiner.

1590. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre IX. Eugénie de Guérin »

Ils maniaient, avec leurs grosses mains, cette divine opale aux nuances de vapeur, aussi indifféremment que les jetons de faux ivoire de leurs tables de jeu.

1591. (1868) Curiosités esthétiques « IV. Exposition universelle 1855 — Beaux-arts » pp. 211-244

En effet, il faut l’avouer tout de suite, le célèbre peintre, révolutionnaire à sa manière, a des mérites, des charmes même tellement incontestables et dont j’analyserai tout à l’heure la source, qu’il serait puéril de ne pas constater ici une lacune, une privation, un amoindrissement dans le jeu des facultés spirituelles.

1592. (1899) Le roman populaire pp. 77-112

Les sons, les couleurs, les jeux rares des syllabes cadencées ne peuvent tromper longtemps le cœur de l’homme.

1593. (1919) L’énergie spirituelle. Essais et conférences « Chapitre I. La conscience et la vie »

Cette vie, je me la représente encore comme une vie de lutte et comme une exigence d’invention, comme une évolution créatrice : chacun de nous y viendrait, par le seul jeu des forces naturelles, prendre place sur celui des plans moraux où le haussaient déjà virtuellement ici-bas la qualité et la quantité de son effort, comme le ballon lâché de terre adopte le niveau que lui assignait sa densité.

1594. (1896) Matière et mémoire. Essai sur la relation du corps à l’esprit « Résumé et conclusion »

Tantôt, au contraire, la reconnaissance se fait activement, par des images-souvenirs qui se portent au-devant de la perception présente ; mais alors il faut que ces souvenirs, au moment de se poser sur la perception, trouvent moyen d’actionner dans le cerveau les mêmes appareils que la perception met ordinairement en jeu pour agir : sinon, condamnés d’avance à l’impuissance, ils n’auront aucune tendance à s’actualiser.

1595. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Deuxième partie — Chapitre III. La complication des sociétés »

Ainsi s’explique, par exemple, l’espèce de jeu de bascule dont l’histoire de la compétence judiciaire au moyen âge nous donne le spectacle.

1596. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre second. De la sagesse poétique — Chapitre VI. De la politique poétique » pp. 186-220

Les jeux et les plaisirs sont fatigants, comme la lutte, la course.

1597. (1883) Le roman naturaliste

La suppression de la conjonction donne du jeu, pour ainsi dire, à la phrase quelque chose de libre et de flottant : « Le train s’ébranle, s’étire, s’élance »… c’est un moyen de faire circuler l’air dans le tableau. […] Autrement, si votre roman ou votre Mémoire scientifique dépend et dépend tout entier de l’existence éphémère des singularités qu’il constate ou des personnages qu’il met en jeu, ni l’un ni l’autre n’est fait ; il reste à faire ; et c’est tout naturellement qu’il deviendra le bien du premier qui s’en emparera. […] C’est un psychologue, sans doute, mais son observation ne démêle que ce qui se laisse lire sur les visages, dans la structure de la face, dans le relief des traits, dans le jeu de la physionomie. […] A la vérité, c’est d’autre part jouer un jeu bien dangereux que de préluder à l’art du romancier, comme George Eliot, par l’étude approfondie de la discipline hégélienne et comtiste. […] A ce spectacle « des jeux bizarres du muscle risorius et du grand zygomatique », la Faustin, mise en face « de la plus étonnante chose qu’il soit donné à un artiste dramatique de voir, « sentira renaître insensiblement en elle l’instinct « despotique » de l’imitation théâtrale.

1598. (1898) Introduction aux études historiques pp. 17-281

Cela dit pour ceux qui excellent au jeu des « émendations »76, qui l’aiment par conséquent, et qui seraient, au fond, fâchés de n’avoir pas à le pratiquer. […] La possession d’un jeu de fiches judicieusement dressé (quoique imparfait) a valu à M.  […] La critique des textes et des sources est devenue un sport : la moindre infraction aux règles du jeu est considérée comme impardonnable, alors qu’il suffit de s’y conformer pour être approuvé des connaisseurs, quelle que soit d’ailleurs la valeur intrinsèque des résultats acquis. […] Les érudits de vocation et de profession ont une tendance à considérer la critique externe des documents comme un jeu d’adresse, difficile, mais intéressant (tel, le jeu d’échecs) en raison même de la complication de ses règles. […] Divertissements (exercices et chasse, spectacles et jeux, réunions, voyages).

1599. (1889) Derniers essais de critique et d’histoire

Qu’il considère cette littérature brillante et bornée, où les exagérations, les pointes, les jeux de mots, les roulades sonores, les aventures et la furie des sentiments exaltés font une dorure légère et splendide, mais où, si on excepte un seul ouvrage éclos par rencontre7, la philosophie générale et la vraie science de l’homme n’ont pas construit un seul monument. […] Toute l’organisation intérieure, et pour ainsi dire tout le jeu dynamique de l’édifice, devient visible au premier coup d’œil. […] Avec son unique élément toujours répété, sa puissante assiette, ses beaux jeux de lumière multipliés par les cannelures, sa vaste circulation d’air autour des fûts, et l’insensible évolution de ses ombres, la colonnade périptère ressemble à une lento et superbe procession arrêtée dans son cours ou marchant avec le soleil. […] Mais c’est justement pour le peuple, pour le grand nombre qu’elle est faite, et ceux qui la décrient, au nom de ce qu’ils nomment emphatiquement les principes, prouvent par cela même qu’ils sacrifient le peuple vivant, les travailleurs, les pauvres, à une théorie usée, à une phrase de livre, à un pur jeu de logique et d’abstractions. […] Dans les Mécontents et dans les Deux Héritages, chaque personnage, suivant un mot de Goethe, ressemble à ces montres parfaites, en cristal transparent, sur lesquelles on voit en même temps l’heure exacte et tout le jeu du mécanisme intérieur.

1600. (1907) Jean-Jacques Rousseau pp. 1-357

Il a une enfance et une adolescence vicieuses : les jeux avec mademoiselle Gothon, ses détestables habitudes, ses extravagances exhibitionnistes à Turin, dans les allées sombres et près de ce puits où les jeunes filles viennent chercher de l’eau. […] Il semble porter assez bien cette déception ; et, comme il manque un peu de ressort, il partage son temps entre la lecture et le jeu d’échecs. […] Le théâtre est le plus artificiel de tous les arts, celui où il y a le plus de feinte et de simulation, puisque, d’abord, l’écrivain dramatique prétend y faire une représentation directe de la vie, et que l’acteur y fait un personnage qu’il n’est point dans la réalité, et plie à ce jeu son corps même et son âme. […] Il n’avait reçu l’enseignement ni des parents, ni des maîtres, sauf pendant les deux années passées chez le pasteur Lambercier, et d’ailleurs en jeux et en promenades beaucoup plus qu’en leçons. […] La nature est bonne ; la société n’est pas naturelle puisqu’elle n’est pas bonne ; j’éléverai Émile selon la nature. — A quoi l’on n’a plus rien à répondre, puisque tout cela n’est plus que jeu et abus de mots, et que Rousseau appelle les choses comme il lui plaît.

1601. (1774) Correspondance générale

Tandis qu’on me joue pour la troisième fois, je suis à la table de mon ami Damilaville et je vous écris sous sa dictée que si le jeu des acteurs eût un peu plus répondu au caractère de la pièce, j’aurais été ce qu’ils appellent aux nues et que, malgré cela, j’aurai le succès qu’il faut pour contrister mes ennemis. […] Et elle ne voit pas qu’elle joue le jeu le plus funeste au bonheur de quatre personnes ; j’y mets le vôtre, car si je deviens fou, la tête vous en tournera. […] Luneau aurait beaucoup plus beau jeu avec vous, ou plutôt avec moi ; car, bon gré, malgré, vous en auriez imprimé vingt-quatre. […] L’auteur et le libraire sont à deux de jeu : si celui-ci paye comme il veut, en revanche il ne sait pas ce qu’il achète. […] Cette lettre, publiée dans les éditions Belin et Brière, avec les Poésies, semble plutôt un jeu d’esprit qu’une lettre réellement adressée à une femme.

1602. (1867) Cours familier de littérature. XXIII « cxxxiiie entretien. Littérature russe. Ivan Tourgueneff »

Rien ne l’arrête ; il nous dépeint, avec une précision vraiment surprenante, le frémissement de la forêt, le murmure lointain d’une cascade, la couleur et la forme changeante des nuages, le jeu d’un rayon de soleil qui éclaire subitement la plaine ; et comme la nature est toujours attrayante, tous ces détails, loin de lasser l’attention du lecteur, ont un charme infini. […] Mais au jeu il est d’une force supérieure.

1603. (1899) Préfaces. — Les poètes contemporains. — Discours sur Victor Hugo pp. 215-309

Le regard qu’il jette sur la nature est large et profond ; son œil saisit le détail infini et l’ensemble des formes, des couleurs, des jeux d’ombre et de lumière. […] Aussi, le grand Poète saisit-il d’un œil infaillible le détail infini et l’ensemble des formes, des jeux d’ombre et de lumière.

1604. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre septième. Les altérations et transformations de la conscience et de la volonté — Chapitre deuxième. Troubles et désagrégations de la conscience. L’hypnotisme et les idées-forces »

Nous ne connaissons pas toutes les forces en jeu dans la nature, c’est-à-dire tous les grands modes possibles d’ondulations éthérées. […] On conçoit donc que le sujet puisse, comme le sourd-muet, mais avec beaucoup plus de délicatesse, discerner ces mots presque articulés, en observant les mouvements extérieurs que détermine chez l’hypnotiseur le jeu très atténué des organes de la parole191.

1605. (1896) Journal des Goncourt. Tome IX (1892-1895 et index général) « Année 1895 » pp. 297-383

Vous avez mis dans votre style les jeux de la lumière, les frissons du plein air, la coloration et la vie du monde extérieur ; vous y avez mis aussi les secousses intérieures, les émotions subtiles, les troubles secrets du monde moral ; et désireux de retenir dans votre phrase, un peu de ce qui luit ou de ce qui vibre, de ce qui aime ou de ce qui souffre, vous avez demandé à la richesse et à la diversité des formes, l’art d’exprimer fidèlement la multiplicité infinie de la nature. […] Cet intérieur des Brisson, un intérieur plaisant, aimable, où l’on sent du vrai bonheur conjugal, et animé et égayé par les jeux de deux rondelettes petites filles, dont la plus petite, âgée de trois ans, qui s’est grisée avec le champagne d’une compote de fruits glacés, fait les plus extravagants sauts de carpe, sur l’immense canapé tenant une partie du salon.

1606. (1857) Cours familier de littérature. IV « XXIIe entretien. Sur le caractère et les œuvres de Béranger » pp. 253-364

Un conquérant, dans sa fortune altière, Se fit un jeu des sceptres et des lois, Et de ses pieds on peut voir la poussière Empreinte encor sur le bandeau des rois. […] Elles expliquent la profonde tristesse civique qui saisit Béranger quand, à la place de l’unanime et patriotique enthousiasme qui soulevait le peuple et l’Assemblée nationale au-dessus de terre en 1848, il vit l’Assemblée législative jouer, comme une assemblée d’enfants en cheveux blancs, à l’utopie, à la Terreur, à la Montagne, à la réaction, à l’orléanisme, au militarisme, à l’anarchie, à tous les jeux où l’on perd la liberté, la dignité, l’ordre social et la patrie.

1607. (1881) La parole intérieure. Essai de psychologie descriptive « Chapitre II. La parole intérieure comparée à la parole interieure »

Cette parole intérieure impersonnelle est une faculté qui peut être cultivée ; mais elle ne l’est jamais que par jeu et presque toujours dans une intention de caricature. […] n’est-il pas à craindre que l’acteur, au lieu de suivre son inspiration naturelle ne modifie son jeu pour répondre aux secrets désirs du spectateur ?

1608. (1890) Les romanciers d’aujourd’hui pp. -357

Il n’y a de vérité que dans l’étude de l’homme physiologique, déterminé par le milieu, agissant sous le jeu de tous ses organes, et c’est cette vérité que je vous apporte. » Piètre vérité, hélas ! […] Jules Lemaître vient de publier un petit conte philosophique, Serenus 77, qui ne fut qu’un jeu pour son esprit facile et charmant, mais qui pourra bien un jour marquer dans l’histoire de la pensée du xixe  siècle, comme Candide ou Zadig marque aujourd’hui dans celle du xviiie . […] Je voudrais m’en défendre : mais toutes ces manières, ces précautions de style et ces enguirlandements autour d’une situation franchement libertine, me rappellent les jeux de cartes que des industriels malpropres débitent à l’oreille des gens, sur le boulevard. […] Voici un romancier plein de vie, très au courant de son art, expert au groupement des personnages et au jeu des sentiments ; ce romancier rencontre par surcroît une donnée de premier ordre, quelque chose, si vous voulez, comme la donnée des Rois en exil.

1609. (1859) Moralistes des seizième et dix-septième siècles

Tantost, à un subject vain et de néant, j’essaye veoir s’il trouvera de quoy lui donner corps, et de quoy l’appuyer et l’estansonner : tantost je le promene à un subject noble et tracassé, auquel il n’a rien à trouver de soy, le chemin en estant si frayé, qu’il ne peult marcher que sur la piste d’aultruy : là il faict son jeu à eslire la route qui luy semble la meilleure ; et de mille sentiers, il dict que cettuy cy ou cettuy là a esté le mieulx choisi. […] Il ne me fault point d’alleichement ny de saulse ; je mange bien la viande toute crue ; et au lieu de m’aiguiser l’appetit par ces préparatoires et avant jeux, on me le lasse et affadit37. » Personne moins que Montaigne n’a l’esprit de système ; personne n’est plus foncièrement opposé à ce qu’on peut appeler les vérités et les devoirs de convention ; personne peut-être n’a poussé le naturel au même point, pour le fond et pour la forme. […] J’entends souvent parler de devoirs envers soi-même, idée à laquelle correspondrait immédiatement celle de s’obéir à soi-même ; mais qui voudrait prendre au sérieux cette figure ou ce jeu de mots ? […] Je ne veois pas maintenant personne qui, oyant parler de Néron, ne tremble mesme au surnom de ce vilain monstre, de cette orde et sale beste : on peult bien dire qu’aprez sa mort, aussi vilaine que sa vie, le noble peuple romain en receut tel desplaisir, se souvenant de ses jeux et festins, qu’il feut sur le poinct d’en porter le dueil. […] Ainsi tout est jeu, tout est feinte, rien n’est réel ; et, à part les sentiments de la nature, auxquels vous n’avez pas osé attenter, il ne reste aucune affection, aucun sentiment moral au milieu de tous ces intérêts.

1610. (1848) Études sur la littérature française au XIXe siècle. Tome III. Sainte-Beuve, Edgar Quinet, Michelet, etc.

Cependant, le jeu et l’or que je vois rouler me causent quelque émotion. […] L’huile des jeux olympiques ne rendait pas plus souples et plus glissants les membres nerveux de l’athlète. […] qu’ils le disent une bonne fois ; et nous saurons alors que toute leur affaire n’était que jeu, que nous étions dupes, et eux… quoi donc, je vous prie ? […] Que vous jugerez téméraires et coupables ces jeux d’imagination, ces badinages sur les attributs, les desseins, les mystères de votre Créateur ! […] Hors du principe de l’obéissance à Dieu, talent, science, industrie, prospérité publique, gloire nationale, tout n’est qu’un jeu, un vrai jeu d’enfants.

1611. (1907) Propos littéraires. Quatrième série

C’est proprement une mode, qui rappelle tout à fait des jeux de société analogues en grande faveur à la fin du xviiie  siècle. […] Il dérive de la démocratie : la démocratie a pour principe l’égalité ; on commence par l’égalité des droits ; puis, quand on s’aperçoit que l’égalité des droits laisse tout leur jeu à l’inégalité des forces naturelles et ne lui donne que plus de jeu, on en arrive à vouloir l’égalité des conditions et l’on se trouve en plein socialisme. […] Tirer de saint Augustin un argument en faveur de la doctrine évolutionniste ou de la doctrine évolutionniste une occasion de louer saint Augustin de sa sagacité n’est qu’un jeu d’aimable imagination, analogue à celui qui consiste à montrer la conformité de l’évolutionnisme et de la Genèse elle-même. […] Il avait, à Venise, perdu dix mille francs au jeu, et c’est George Sand qui les a payés, les empruntant à Buloz. […] Certes leur jeu est beau et il n’est pas, après tout, sans quelque profit pour la science psychologique ; mais est-il vraiment bien utile ?

1612. (1895) La comédie littéraire. Notes et impressions de littérature pp. 3-379

Rodenbach se complaît à ces jeux de dilettante ; il jouit des difficultés vaincues ; il les exagère. […] Après avoir avalé vingt études et autant de comédies sur l’adultère, la corruption, le jeu, la coquetterie et autres vices mondains, prenez le volume de M.  […] Il commanda une manœuvre d’une voix rauque, avec des mots inconnus, et comme Jean, encore novice, ne sachant où aller, souriait, s’amusant de cette nouveauté comme d’un jeu, il s’entendit rappeler au travail d’un mot bref et dur. […] Il se dit qu’il n’y avait là que des jeux de lumière sur des bijoux et sur des étoffes riches. […] Il se rend compte du péril, il n’ignore pas qu’à ce jeu, il risque son sceptre.

1613. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre IV. Shakspeare. » pp. 164-280

Il n’en est pas un qui ne trouve assez de jeux de mots pour défrayer tout un théâtre. […] Il accepte la nature et la trouve belle tout entière ; il la peint dans ses petitesses, dans ses difformités, dans ses faiblesses, dans ses excès, dans ses déréglements et dans ses fureurs ; il montre l’homme à table, au lit, au jeu, ivre, fou, malade ; il ajoute les coulisses à la scène. […] Des palais, de lointains paysages, les nuées transparentes qui tachent de leurs flocons gris l’horizon matinal, l’embrasement de splendeur rouge où se plonge le soleil du soir, de blanches colonnades prolongées à perte de vue dans l’air limpide, des cavernes, des chaumières, le défilé fantasque de toutes les passions humaines, le jeu irrégulier des aventures imprévues, voilà le pêle-mêle de formes, de couleurs et de sentiments que je laisse se brouiller et s’enchevêtrer devant moi, écheveau nuancé de soies éclatantes, légère arabesque dont les lignes sinueuses, croisées et confondues, égarent l’esprit dans le capricieux dédale de leurs enroulements infinis.

1614. (1909) Nos femmes de lettres pp. -238

Montreur d’objet rare, sorte de prince-époux qui accompagne un phénomène, on est toujours tenté de placer dans sa bouche le drôlatique et peu respectueux jeu de mots dont notre moquerie française — « tendait à ridiculiser l’attitude du prince Albert, au temps du Second Empire : — “Je suis les talons de la Reine !”  […] Ainsi s’affirme l’universel principe de solidarité des forces qui établit un rapport de mutuelle dépendance entre chaque mouvement individuel, si bien qu’il n’est pas un de ces mouvements qui n’ait son retentissement sur le voisin, par un jeu de tous points identique à celui des flots de la mer, où nous voyons chaque courbure de la vague qui s’avance vers le visage réagissant sur la courbure la plus proche et collaborant par là à l’immensité du flux. […] Mais ce sera précisément à raison de ces luttes où sont engagées les destinées de l’âme, par la mise en jeu des forces, conservatrices ou destructrices, qui se combattent en elle.

1615. (1856) Le réalisme : discussions esthétiques pp. 3-105

Les jeux de la mise en scène, les roueries du métier, la combinaison sont les objets de leur plus profond mépris. […] Je veux parler des fils de bourgeois, une race qui a profité de la fortune de médecins, d’avocats, de négociants, qui n’a rien fait, rien appris, qui s’est jetée dans les clubs de jeux, qui a la manie des chevaux, de l’élégance, qui touche à tout, même à l’écritoire, qui achète même une maîtresse et un quart de journal, qui veut commander aux femmes et aux écrivains, c’est en vue de cette race nouvelle que le philosophe Proudhon terminait ses appréciations sur M.  […] L’ennemi a trop beau jeu, et, se sentant à bout d’arguments, ils tâchent de s’en tirer par des faux-fuyants.

1616. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Werther. Correspondance de Goethe et de Kestner, traduite par M. L. Poley » pp. 289-315

Il n’est pas exact non plus que, dans le jeu innocent, improvisé pendant l’orage, Charlotte ait donné si lestement des soufflets à ceux qui ne devinaient pas juste ; ces soufflets sont un enjolivement et un ressouvenir de quelque autre scène arrivée ailleurs et avec une autre, et ils ne s’accordent point avec le caractère de gaieté sans doute, mais non de folâtrerie, de la véritable Charlotte.

1617. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Ducis épistolaire (suite et fin). »

Après une promenade en Sologne : « J’ai fait une lieue ce matin dans des plaines de bruyères, et quelquefois entre des buissons qui sont couverts de fleurs, et qui chantent. » S’il fait une épître (et il en fit en ce temps-là de délicieuses pour la cordialité), et si la veine découle aisément : « Je travaille innocemment et avec plaisir comme un bûcheron qui chante dans ses bois en faisant ses fagots. » « Il y a dans mon clavecin poétique des jeux de flûte et de tonnerre ; comment cela va-t-il ensemble ?

1618. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Sismondi. Fragments de son journal et correspondance. »

Il ne pouvait se défendre de la pensée que, lorsqu’on s’agitait le plus dans cette paroisse de Calvin, on était comme les petites filles qui font le jeu des Madames.

1619. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Vaugelas. Discours de M. Maurel, Premier avocat général, à l’audience solennelle de la Cour impériale de Chambéry. (Suite et fin.) »

Il est temps que je me démasque et que, tout de bon, je vous dise ce que je pense de voire ouvrage : il n’est indigne ni de votre esprit, ni de votre âge, ni de votre condition, ni de votre vertu. » C’est un jeu, on le voit, un compliment déguisé en contre-vérité ; mais la plaisanterie est un peu trop prolongée pour être agréable, et je ne sais comment le prit Vaugelas.

1620. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Œuvres françaises de Joachim Du Bellay. [III] »

Il y eut là chez lui par avance quelques accents de Corneille, mais il faut les chercher ; et on en est loin encore lorsque, dans le troisième sonnet de ces Antiquités dont il n’a jamais fait que le premier livre, Du Bellay prélude en disant : Nouveau venu qui cherches Rome en Rome, Et rien de Rome en Rome n’aperçois, Ces vieux palais, ces vieux arcs que tu vois, Et ces vieux murs, c’est ce que Rome on nomme… Pour être imités d’une épigramme latine fort célèbre à son moment, ces jeux de mots redoublés n’en valent guère mieux.

1621. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « La Bruyère »

Puis l’imprévu s’en mêle à tout moment, et, dans ce jeu continuel d’entrées en matière et de sorties, on est plus d’une fois enlevé à de soudaines hauteurs que le discours continu ne permettrait pas : Ni les troubles, Zénobie, qui agitent votre empire, etc.

1622. (1861) Cours familier de littérature. XII « LXVIIe entretien. J.-J. Rousseau. Son faux Contrat social et le vrai contrat social (3e partie) » pp. 5-56

Cette chose, qui n’est nullement la liberté, mais qui est dignité morale dans le jeu du commandement et de l’obéissance dont se compose tout gouvernement, c’est la participation plus ou moins grande que chaque individu, esclave, sujet ou citoyen, apporte à la formation du gouvernement et des lois ; c’est le concours plus ou moins complet, plus ou moins direct de beaucoup ou de toutes les volontés individuelles dans la volonté générale, à laquelle on donne le droit du commandement et le devoir d’obéissance.

1623. (1824) Observations sur la tragédie romantique pp. 5-40

Vous prétendez que les premiers offrent des situations touchantes, de grands caractères, des scènes pathétiques, où pour nous enchanter et nous instruire, tout est mis en usage, l’élégance et l’énergie du style, la profondeur et la clarté des idées, la vivacité des images, la sublimité des sentiments, la nature enfin habilement imitée dans tout ce qu’elle a de vrai et de noble à la fois ; voilà le mal : mais nous avons aussi des farces tragi-comiques que nous appelons mélodrames ; là, rien ne nous manquera bientôt des meilleures pratiques, fables compliquées, personnages gigantesques, préceptes moraux d’un aussi fort poids que les bons mots et les jeux d’esprit qui s’y entremêlent.

1624. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre III. Les grands artistes classiques — Chapitre IV. Racine »

Le rôle est dessiné, plutôt qu’écrit, avec des indications assez justes pour fournir sur la scène au jeu d’une grande actrice : et cela fait penser à Voltaire plutôt qu’à Racine.

1625. (1889) Les premières armes du symbolisme pp. 5-50

Quand les poètes, réunis dans l’entresol de Lemerre il y a quelque vingt ans, votaient l’admission de ses vers dans le recueil du Parnasse, qui leur eût dit qu’un jour viendrait où cet étrange rimeur, que l’on arborait comme un épouvantail, par pose, pour consterner le bourgeois, aurait un jour ses disciples qui trouveraient la plupart d’entre eux bourgeois eux-mêmes, vulgaires et tout à fait vieux jeu ?

1626. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre cinquième »

Que prétend Malherbe en défendant les rimes du simple et du composé, temps, printemps jour, séjour, ou des mots qui ont quelque convenance, montagne, campagne, ou des dérivés, mettre, permettre, sinon empêcher la poésie de devenir un exercice de mémoire et un vain jeu de mots ?

1627. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre dixième. »

Tel passage qui provoquait le gros rire dans les pièces de Molière n’émeut plus notre parterre ; il rira plutôt d’un jeu de mots dans le goût de notre temps, d’une pointe, de quelque phrase de grand style mise dans la bouche d’un niais.

1628. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 août 1885. »

Son jeu reste inhérent au passé, tel que le répudierait, à cause de cet intellectuel despotisme, une représentation populaire, la foule y voulant, selon la suggestion des arts, être maîtresse de sa créance.

1629. (1881) La psychologie anglaise contemporaine «  M. Georges Lewes — Chapitre I : L’histoire de la philosophie »

Pourquoi, avec des jeux, voyons-nous les objets simples ?

1630. (1863) Le réalisme épique dans le roman pp. 840-860

tout resplendit, tout ruisselle, tout est mystérieusement énorme ; on ne sait plus ce qu’on voit, on ne sait plus ce qu’on entend, et l’auteur, sentant qu’il a beau jeu, poursuit devant l’auditoire aveuglé, assourdi, son incompréhensible exhibition.

1631. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre XII, les sept chefs devant Thèbes. »

diras-tu : Une place au tombeau de leurs pères. » La Bible a de cruels jeux de mots ; Hamlet, au cimetière d’Elseneur, lorsqu’il frappe du doigt sur les crânes vides de leurs convoitises et de leurs passions, a des sarcasmes qui font frissonner : — aucun plus terrible que ce dernier trait : « Leur haine a cessé, leurs vies se sont mêlées sur la terre.

1632. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Sieyès. Étude sur Sieyès, par M. Edmond de Beauverger. 1851. » pp. 189-216

… Véritablement nous n’avons plus d’objet ; l’auditoire auquel s’adresse mon discours assiste à un jeu où il est désintéressé… Il veut bien en examiner les formes, juger le talent.

1633. (1913) Le bovarysme « Première partie : Pathologie du bovarysme — Chapitre V. Le Bovarysme des collectivités : sa forme idéologique »

Le puissant intérêt qui était ici en jeu engendra le moyen d’intimidation coutumier, une religion fut inventée, les morts furent divinisés ; les tombeaux furent leurs temples et leur culte fut réglé suivant des rites.

1634. (1891) Journal des Goncourt. Tome V (1872-1877) « Année 1877 » pp. 308-348

… Oui, quoi qu’on dise, je crois que mon talent a grandi dans le malheur, dans le chagrin… Et oui, mon frère et moi, avons mené, les premiers, un mouvement littéraire qui emportera tout, un mouvement, qui sera peut-être aussi grand que le mouvement romantique… et si je vis encore quelques années, et que des milieux bas, des sujets canailles, je puisse monter aux réalités distinguées, c’est alors que le vieux jeu sera enterré, et que ni ni, ce sera fini du conventionnel, de l’imbécile conventionnel.

1635. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre septième. L’introduction des idées philosophiques et sociales dans la poésie. »

Il importe de montrer cette sorte d’évolution, en ce moment de décadence poétique où l’on ne s’attache guère qu’aux jeux de la forme.

1636. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre V : La religion — Chapitre II : Examen critique des méditations chrétiennes de M. Guizot »

Guizot engager une telle polémique, et jouer, ne fût-ce qu’un moment, le jeu des athées.

1637. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre III. Le théâtre est l’Église du diable » pp. 113-135

Son front, où brillait cependant la majesté d’un dieu, portait une couronne de rubis cachés dans les fleurs, et si jeune, il avait déjà la teinte rubiconde des buveurs. » À sa suite heureuse, il entraînait les grâces, les élégances, les beautés, les jeux et les fêtes, mêlés aux plus douces odeurs. — Voilà un des tyrans de la jeunesse, et prenez garde, il enchante l’esprit pour le corrompre.

1638. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Chapitre III : Règles relatives à la distinction du normal et du pathologique »

De plus, il n’y a qu’une raison qui puisse permettre de la traiter de funeste, c’est qu’elle trouble le jeu normal des fonctions.

1639. (1913) La Fontaine « II. Son caractère. »

J’aime le jeu, l’amour, les livres, la musique, La ville et la campagne, enfin tout.

1640. (1913) La Fontaine « VII. Ses fables. »

Ici, j’ai été le fabuliste ancien, j’ai été le fabuliste vieux jeu, j’ai été le fabuliste qui, comme Ésope et comme Phèdre, n’a jamais songé qu’à peindre les hommes sous le masque des bêtes. » Il y aurait encore à vous signaler les Animaux malades de la peste, fable qui est, comme ampleur, comme beauté poétique, une chose très supérieure à la satire, mais qui, en somme, n’est qu’une forte satire, une satire de premier rang et de premier plan, où les animaux n’ont que des caractères d’homme.

1641. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Sainte-Beuve » pp. 43-79

Et voilà la première quille que j’abats dans le jeu de ce joueur heureux avec la Gloire !

1642. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « II. M. Capefigue » pp. 9-45

Il en est de même de la dignité de l’histoire, cette justice qui n’est pas le jeu sans fin de la curiosité et du scepticisme, et qui coupe nettement avec le glaive quand elle a pesé.

1643. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Du docteur Pusey et de son influence en Angleterre »

Pour arriver à ce résultat, il n’est pas d’une stricte nécessité de compliquer le cours naturel des choses avec le jeu des passions humaines.

1644. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « Octave Feuillet »

Après avoir été infidèle à sa femme pour cette fameuse Charlotte de Campvallon, — que les ingénus qui jugent les femmes à l’audace avec laquelle elles relèvent leurs jupes ne manqueront pas de prendre pour un caractère, — il redevient platement amoureux de sa femme, à lui, uniquement parce qu’elle l’a quitté et que c’est l’éternel jeu de ces enfants : « Tu ne veux plus, mais moi précisément je veux, parce que toi tu ne veux plus. » Enfin, dernier coup porté à cet invincible !

1645. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Deuxième partie — Chapitre II. La qualité des unités sociales. Homogénéité et hétérogénéité »

Par le jeu naturel de l’association des idées, l’identité, non pas seulement des pensées, mais celle des manières, celle même des physionomies de deux individus nous fait « préjuger » leur égalité.

1646. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XXI. »

Un magistrat de cette cour suprême, le Sueur, traduisait en strophes latines d’une rare élégance tous les chants conservés du grand lyrique grec ; et, dédiant les diverses parties de ce travail au roi Henri III, au président de Thou, au conseiller Hurault de Cheverny, il opposait, non sans éloquence, à la cruauté stérile et raffinée des duels du temps la vertu patriotique des anciens jeux de la Grèce.

1647. (1902) Propos littéraires. Première série

Et c’est là qu’est le banc sous « l’orme du mail », banc qui entend de bien subtiles discussions philosophiques et religieuses, qui assiste à des soutenances bien hardies sur la perversité du gouvernement républicain, ou sur son innocuité ; banc où viennent se délasser, au jeu innocent des idées générales et des argumentations savantes, les inhabiles, les maladroits et les vaincus. […] Pour mon compte, je me suis attardé avec plaisir dans le cabaret vieux jeu du père Lanthelme, dans le petit chalet trop hospitalier, mais ingénument hospitalier, de la jolie Frisquine, et dans le Grand-Hôtel des Cimes de maître Gaspard, illuminé du rire frais de l’aimable Rosine, Loiseau de passage, ou la bergeronnette des Alpes. […] Les couleurs changeantes que les jeux de la lumière étendaient sur son glacier, donnaient à la lourde masse un aspect de figure inquiète, que transforment de puissantes émotions. […] C’est jeu de hasard. […] Il ne faudrait pas le presser beaucoup pour le faire convenir que l’invention de l’organisme social est, non pas un simple jeu d’esprit, — cela, il n’en conviendrait pas, — mais un procédé commode et utile pour étudier les phénomènes sociaux.

1648. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre quatrième. La connaissance des choses générales — Chapitre III. Le lien des caractères généraux ou la raison explicative des choses » pp. 387-464

. — Reprenant la supposition au point où Laplace la laisse, les géologues suivent avec vraisemblance l’épaississement de la croûte terrestre, et, d’époque en époque, avec des lacunes de moins en moins grandes, ils expliquent le dépôt et la superposition des couches, leurs soulèvements partiels, leurs érosions, leurs ruptures, la disposition présente de nos continents et de nos mers, par le jeu prolongé des forces minérales ou organiques au milieu desquelles maintenant encore nous vivons117. — À côté d’eux, les minéralogistes et les chimistes ; leurs auxiliaires, voient des roches et des amalgames semblables à ceux que présentent les terrains se former sous leurs mains ou sous leurs yeux, par des actions lentes, par un échauffement prolongé, par une compression continue, par des additions moléculaires118, et, des procédés qu’ils constatent aujourd’hui dans leur petit laboratoire artificiel, ils concluent, avec les précautions convenables, aux procédés analogues par lesquels l’amalgame et la roche se sont faits jadis dans le grand laboratoire naturel. […] De cette façon, le raisonnement devient une analyse et non un jeu logique comme le syllogisme ordinaire.

1649. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre II. Le Roman (suite). Thackeray. »

Étant à Constantinople, il y a quelques années, pour une mission délicate (les Russes jouaient un double jeu, et de notre côté il devint nécessaire d’envoyer un négociateur supplémentaire), Leckerbiff, pacha de Roumélie, alors premier galéongi de la Porte, donna un banquet diplomatique dans son palais d’été à Bukjédéré. […] La nature n’invente point ces jeux de scène ; l’on s’aperçoit vite qu’on est devant une rampe, en face d’acteurs fardés, dont les paroles sont écrites et les gestes sont notés.

1650. (1868) Cours familier de littérature. XXV « CLe entretien. Molière »

Songez qu’en vous faisant moitié de ma personne, C’est mon honneur, Agnès, que je vous abandonne ; Que cet honneur est tendre et se blesse de peu ; Que sur un tel sujet il ne faut point de jeu ; Et qu’il est aux enfers des chaudières bouillantes Où l’on plonge à jamais les femmes mal vivantes25. […] Élève de Molière, elle devint une excellente actrice: sa voix était si touchante, qu’on eût dit, suivant un auteur contemporain, qu’elle avait véritablement dans le cœur la passion qui n’était que dans sa bouche. « Remarquez, dit-il, que la Molière et La Grange font voir beaucoup de jugement dans leur récit, et que leur jeu continue encore lors même que leur rôle est fini.

1651. (1894) Journal des Goncourt. Tome VII (1885-1888) « Année 1885 » pp. 3-97

Parmi ces messieurs s’est maintenue, de la façon la plus orthodoxe, la religion du vieux jeu. […] » Mais Dieu merci, voilà qu’au troisième acte, la pièce se relève, et que la qualité de la pièce et le jeu de Tessandier, font éclater les applaudissements dans les derniers tableaux.

1652. (1895) Journal des Goncourt. Tome VIII (1889-1891) « Année 1891 » pp. 197-291

Jeudi 7 mai Grosclaude parlait, ce soir, curieusement de la transformation du jeu, en la mort du noctambulisme. […] Il ajoute que les joueurs d’aujourd’hui veulent avoir leur sang-froid, et à ces parties, il oppose la partie de jeu d’un de ses jeunes amis d’autrefois, qui avait joué, d’une seule haleine, quarante-six heures de suite.

1653. (1896) Journal des Goncourt. Tome IX (1892-1895 et index général) « Année 1892 » pp. 3-94

Tout en servant, Lafontaine raconte — et comme une comédien raconte, avec des temps et des jeux de physionomie — cette jolie anecdote. […] Jamais on n’a joué l’amour comme cela, et il y a une telle passion dans son jeu, que Mme Daudet a peur d’amener Lucien, à la première.

1654. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre IV. Des Livres nécessaires pour l’étude de l’Histoire. » pp. 87-211

Il en fit une lecture publique dans une Assemblée de toute la Grèce aux Jeux Olympiques. […] Etant encore fort jeune, il assista aux Jeux Olympiques, où Hérodote. fit lecture de son histoire.

1655. (1920) Action, n° 2, mars 1920

Il y a, dans cette destinée d’artiste dont l’âme sensible et toujours brûlante outrepasse le souci exclusif de la forme, mais qui est, pourtant, si bien douée et si fertile pour le jeu des apparences qu’elle ne peut se dérober à leur mobile inspiration, il y a dans cette destinée, une unité, une fermeté, un abandon aussi et une hospitalité tellement vastes et tellement solides que les circonstances et les vicissitudes ne l’ont jamais altérée. […] Le Jeu des Départs — Marcel Milletaw (Cahiers Indépendants). — De la poésie délicate, tremblotante, légère et douloureuse.

1656. (1928) Quelques témoignages : hommes et idées. Tome II

Le sublime — encore un terme cornélien qu’il emploie sans cesse — y manque absolument, et pour qu’une civilisation ait tout son prix, il faut qu’elle soit soutenue par une foi dans un Idéal qui rende ses participants capables de virils sacrifices et les hausse jusqu’à l’héroïsme, quand cet Idéal est en jeu. […] Le jeu des forces inconnues et inconscientes qui créent les mœurs et qui doivent être comprises comme une adaptation instinctive et irrésistible à des nécessités qui nous protègent en nous dépassant. […] Ces lois de l’enfer mental, Dupré en saisissait le jeu, il avait, devant elles, cette sensation de la découverte qui faisait crier au savant grec l’Eurêka de la légende. […] Il faut se rappeler qu’étant né en 1623, il ne vint à Paris que huit ans plus tard et qu’il était si précoce qu’à peine adolescent, il découvrait à lui seul les trente-deux propositions du premier livre d’Euclide, en dessinant des figures avec un charbon sur les carreaux de sa chambre de jeu.

1657. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Essai sur Talleyrand (suite et fin.) »

Il avait la faculté singulière de dormir très peu : il passait la nuit au jeu ou à causer, ne se couchait, le plus souvent, qu’à quatre heures du matin et se trouvait réveillé de fort bonne heure.

1658. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamartine — Lamartine, Jocelyn (1836) »

comme il l’habituera à associer l’idée de joie à l’image de la nuit, comme il veut lui donner en toutes choses, pour compagne de jeux, la nature !

1659. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. VILLEMAIN. » pp. 358-396

Si le passage de l’auteur à citer ne se trouve pas assez tôt sous la main, elle le sait tout entier et le récite ; elle est inexorable aussi pour les mauvaises phrases et les citations moqueuses ; dans l’entraînement de la parole, à force de présence d’esprit, elle lui a joué plus d’une malice : car son irrésistible naturel s’échappe alors ; il a ce que les anciens appelaient les jeux de l’orateur (dicta, sales), l’anecdote aiguisée, la sortie imprévue, que son masque expressif et spirituel accompagne ; et si la saillie est trop forte, trop hardie (jamais pour le goût !)

1660. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE KRÜDNER » pp. 382-410

Aujourd’hui qu’elle s’est jetée dans la dévotion mystique, elle fait des prophéties, c’est encore du roman, mais d’un genre tout opposé… » Il finissait et concluait du même ton : « L’Évangile en main, j’oserai lui dire que nous aurons toujours des pauvres au milieu de nous, ne fût-ce que de pauvres têtes. » L’anonyme du Journal de Paris se permit de trouver ce jeu de mots final plus digne de Potier ou de Brunet, que d’un chrétien sérieusement pénétré de l’Évangile.

1661. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Quelques documents inédits sur André Chénier »

Il s’arrêta longtemps à contempler leurs jeux ; Puis, reprenant sa route et les suivant des yeux, Dit : Baisez, baisez-vous, colombes innocentes, Vos cœurs sont doux et purs, et vos voix caressantes ; Sous votre aimable tête, un cou blanc, délicat, Se plie, et de la neige effacerait l’éclat. » L’édition de 1833 (tome II, page 339) donne également cette épitaphe d’un amant ou d’un époux, que je reproduis, en y ajoutant les lignes de prose qui éclairent le dessein du poëte : Mes mânes à Clytie. — Adieu, Clytie, adieu.

1662. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre cinquième. Le peuple. — Chapitre II. Principale cause de la misère : l’impôt. »

C’est une machine à tondre, grossière et mal agencée, qui fait autant de mal par son jeu que par son objet.

1663. (1860) Cours familier de littérature. X « LVIIIe entretien » pp. 223-287

— Chacun joua le jeu de charité.

1664. (1861) Cours familier de littérature. XII « LXXIe entretien. Critique de l’Histoire des Girondins (2e partie) » pp. 305-367

l’enjeu de quelques rhéteurs au jeu stérile de la tribune et des feuilles publiques jetées tous les matins au feu des animosités civiles, pour alimenter les vaines factions de cour et de rue qui ne produisent que fumée ou lueurs sinistres dans l’esprit des masses découragées ?

1665. (1863) Cours familier de littérature. XV « XCe entretien. De la littérature de l’âme. Journal intime d’une jeune personne. Mlle de Guérin (3e partie) » pp. 385-448

Après le repas, on cause un moment, puis le père rentre dans sa chambre, les filles au salon, les fils courent à leurs jeux dans les prairies ou dans le ruisseau du moulin avec les petits paysans de leur âge, et reviennent le soir chargés du poisson de l’étang ou de la tonte des peupliers.

1666. (1866) Cours familier de littérature. XXII « CXXVIIe entretien. Fior d’Aliza (suite) » pp. 5-64

Ces autres hommes, jeunes et vieux, et ces femmes qui tiennent des fiasques à la main ou qui jouent au jeu de la morra sur le matelas, sont les parents et les parentes du village de Buon Visi : les oncles, les tantes, les cousins, les cousines de nous autres ; ils viennent avec nous pour nous faire cortège ou pour se réjouir, tout le jour et toute la nuit, avec nous passer le jour de la noce à Lucques chez le bargello (le geôlier, officier de police dans les anciennes villes d’Italie) ; car, voyez-vous, cette belle fiancée, la sposa de mon frère, ce n’est ni plus ni moins que la fille unique du bargello de Lucques.

1667. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXIVe entretien. Chateaubriand, (suite.) »

LXIII La vie politique de M. de Chateaubriand ne fut plus, à dater de ce moment, qu’un jeu désespéré d’ambition ; la correspondance qu’il entretint de Rome et de Londres avec sa nouvelle amie, madame Récamier, en est la preuve.

1668. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre II. L’époque romantique — Chapitre V. Le roman romantique »

C’est l’avarice chez Grandet, la débauche chez Hulot, la jalousie chez la cousine Bette, l’amour paternel chez Goriot, la tyrannie d’une invention chez Balthazar Claës ; partout un irrésistible instinct, noble ou bas, vertueux ou pervers ; le jeu est le même dans tous les cas, et la régularité toute-puissante de l’impulsion interne fait du personnage un monstre de bouté ou de vice.

1669. (1920) Enquête : Pourquoi aucun des grands poètes de langue française n’est-il du Midi ? (Les Marges)

C’est une petite page délicieuse : Il y a quelques années, dans un rapport à l’Académie des Jeux floraux, le secrétaire, M. 

1670. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre sixième. »

Peut-être aussi le génie a-t-il manqué aux poëtes dans ce siècle si fécond en hommes supérieurs, à moins que la servitude d’une double imitation n’ait fait avorter le génie dans des jeux d’esprit.

1671. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Conclusion »

Le lecteur est à deux de jeu avec l’auteur.

1672. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 février 1885. »

Où s’impose d’urgence un dialogue haletant, on place un duo amplifié par périodes, des mélodies coupées, des ensembles, des reprises, tout un appareil de symétrie incompatible avec la poussée d’une action vraie et la mise en jeu des passions.

1673. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 février 1886. »

Leur musique suit pas à pas le jeu des émotions : c’est la mélodie infinie, le récitatif continu.

1674. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 septembre 1886. »

Maintenant l’âme ne cherchera plus d’autres jeux : elle se jouera, délicieusement de sa douleur, elle redira, mille fois, la divine réponse.

1675. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 15 décembre 1886. »

.), contient implicitement plusieurs de ces jeux de mots chers au musicien-poète.

1676. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre troisième. Le souvenir. Son rapport à l’appétit et au mouvement. — Chapitre premier. La sélection et la conservation des idées dans leur relation à l’appétit et au mouvement. »

Au point de vue mécanique, la mémoire a lieu en vertu du jeu des actions réflexes, où l’excitation extérieure est suivie d’un mouvement de contraction qui, une fois produit, est plus facile à reproduire ; au point de vue psychologique, elle a lieu en vertu de la loi parallèle qui fait qu’une sensation agréable ou désagréable est suivie d’un effort volontaire pour la conserver ou l’écarter, effort qui, une fois produit, est plus facile à reproduire.

1677. (1899) Esthétique de la langue française « Esthétique de la langue française — La déformation  »

Cependant il n’est pas loin de considérer le jeu des suffixes comme un principe de déformation.

1678. (1886) Quelques écrivains français. Flaubert, Zola, Hugo, Goncourt, Huysmans, etc. « Victor Hugo » pp. 106-155

Sachant en gros les catastrophes et les conflits qu’elle peut présenter, ne tâchant pas de pénétrer dans le jeu de petits faits, d’incidents sans portée, de bévues et de hasards dont se composent les grands drames humains, les voyant de haut et de loin, comme un homme qui dans une montagne ne distinguerait pas les assises et dans une tour les moellons, M. 

1679. (1856) Cours familier de littérature. II « IXe entretien. Suite de l’aperçu préliminaire sur la prétendue décadence de la littérature française » pp. 161-216

Ces délires très individuels de quelques sectaires sans sectateurs, parurent des partis menaçants quand ce n’était que des jeux d’esprit sans idée, des puérilités ou des débauches de chimères.

1680. (1857) Cours familier de littérature. III « XVe entretien. Épisode » pp. 161-239

J’avais douze ans, j’en avais vingt, j’en avais trente ; regards de ma mère, voix de mon père, jeux de mes sœurs, entretiens de mes amis, premières ivresses de ma vie, aboiements de mes chiens, hennissements de mes chevaux, expansions ou recueillements de mon âme tour à tour répandue ou enfermée dans ses extases, matinées de printemps, journées à l’ombre, soirées d’automne au foyer de famille, premières lectures, bégayements poétiques, vagues mélodies : tout se levait de nouveau, tout rayonnait, tout murmurait, tout chantait en moi comme ce chant de résurrection, comme l’Alleluia trompeur qu’entend Marguerite à l’église le jour de Pâques dans le drame de Gœthe.

1681. (1902) La métaphysique positiviste. Revue des Deux Mondes

« La Métaphysique positiviste » I Métaphysique et Positivisme, ou Positivisme et Métaphysique, il semble en vérité que, de quelque manière que l’on essaie d’associer ces deux mots, ce ne puisse toujours être qu’un jeu d’esprit.

1682. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Notes et éclaircissements. [Œuvres complètes, tome XIII] »

Ce flexible Protée était né pour séduire : Fort de tous les talents, et de plaire et de nuire, Il sut multiplier son fertile poison ; Armé du ridicule, éludant la raison, Prodiguant le mensonge, et le sel, et l’injure, De cent masques divers il revêt l’imposture, Impose à l’ignorant, insulte à l’homme instruit ; Il sut jusqu’au vulgaire abaisser son esprit, Faire du vice un jeu, du scandale une école.

1683. (1913) La Fontaine « V. Le conteur — le touriste. »

Elle sent chaque jour Déloger quelque Ris, quelques Jeux, puis l’Amour ; Puis ses traits choquer et déplaire ; Puis cent sortes de fards.

1684. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « VII. M. Ferrari » pp. 157-193

Ferrari, les hommes sont les esclaves nés de circonstances incompréhensibles, s’ils ne sont rien de plus que les pièces d’un mystérieux échiquier où nulle main ne joue et qui est lui-même le jeu, — de misérables pions, incrustés parfois de qualités somptueusement inutiles, les faits sont brutaux et sont bêtes, et l’histoire n’a plus que des faits !

1685. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « Ernest Feydeau » pp. 106-143

Enfant gâté qui, comme tous les enfants gâtés, a l’esprit de contradiction et le porte en toutes choses, il a entendu dire à la Critique que peut-être il sera moral demain, et il est remonté vers son immoralité de la veille, indifférent à tout, si ce n’est au jeu même de ses facultés.

1686. (1892) Impressions de théâtre. Sixième série

Il ramène au palais Alceste voilée ; il la donne pour une esclave qu’il a gagnée dans les jeux et dont il veut faire présent à Admète. […] Ce Werlé a été son complice dans l’affaire des coupes frauduleuses, mais il s’est arrangé de façon à tirer son épingle du jeu, et Ekdal seul a été condamné. […] Nous ne saurions être obligés, en conscience, de collaborer à ce point aux jeux qui nous sont offerts sur les planches. […] On ne pouvait cependant pas exiger qu’il introduisît, dans cette histoire de juillet 1794, un tableau du Serment du Jeu de paume ou de la Nuit du 4 août ! […] On a blâmé le revirement soudain de Cécile qui, après avoir paru une assez bonne petite fille, entre si rapidement dans le jeu de sa mère, et qui, dès qu’elle espère se tirer d’embarras par la plus ignoble trahison, passe, en un clin d’œil, d’un repentir qui semblait profond à la plus impudente allégresse.

1687. (1888) La vie littéraire. Première série pp. 1-363

Pourtant nous préférons le livre où il se peint je ne dis pas sans apprêt, mais sans déguisement, avec un orgueil que l’ironie tempère, une sorte de bonhomie hautaine et un ennui profond qui s’amuse pourtant du jeu brillant des mots ; enfin les Mémoires. […] C’est à ce jeu qu’il prit en lui-même une confiance insolente. […] « Cela ne convenait pas à un père de famille. » Le jeu ne fut plus pour lui qu’un moyen de tromper son monde. […] Blome avait entendu dire que ce jeu fournissait la meilleure occasion de découvrir la nature vraie d’un homme, et il voulait l’expérimenter sur moi. […] Qu’il est aisé de démontrer sa pensée, d’en examiner à part toutes les pièces et d’expliquer le jeu de chacune.

1688. (1920) Essais de psychologie contemporaine. Tome I

Autre sera le point de vue du psychologue pur, qui considérera ce mécanisme dans son détail et non plus dans le jeu de son action d’ensemble. […] Qu’il ait aperçu cet écueil et que par un jeu de logique il en ait ressenti la nostalgie périlleuse, cela est visible à des phrases singulières où le savant philologue professe une admiration un peu niaise pour ceux qui ont pris le monde comme un rêve amusé d’une heure. […] Pourquoi nous est-il apparu comme un voluptueux amusé au jeu inefficace de sa pensée, indifférent au bien et au mal, et incapable d’affirmation ? […] Je crois entendre, dans les livres de cet intellectuel s’il en fut qui a écrit la Tentation, la sourde plainte, l’obscur sanglot d’une victime de ce jeu cruel de notre âge. […] Sous les magnifiques carnations des corps de femme qui encombrent telle vaste composition de Rubens, vraisemblablement ce savant aperçoit la mise en jeu des fonctions de la vie physique et l’intelligence supérieure des lois profondes qui la gouvernent.

1689. (1876) Romanciers contemporains

Mais chez eux les forces morales seules étaient en jeu. […] Les pompes sont mises en jeu, mais inutilement. […] « Je sais, dit-il, que dans le domaine de la fantaisie, comme dans les jeux de la scène, il est des moyens qu’il faut un peu forcer, des figures qu’il faut grossir, si l’on veut obtenir tous les effets que l’on se propose de produire. […] Avec quelle fécondité puissante Mme Sand a mis en jeu tous les ressorts de cette situation ! […] L’analyste tire du plaisir des occasions les plus triviales, parce qu’il n’en est pas où il ne puisse mettre en jeu sa puissance de perspicacité.

1690. (1778) De la littérature et des littérateurs suivi d’un Nouvel examen sur la tragédie françoise pp. -158

Le tyran aux sourcils élevés, le confident toujours humble & toujours supposé discret, la Princesse amoureuse & fiere, le jeune Prince malheureux & chéri, ne font que changer de place, comme à une table de jeu : ils étoient à gauche ; le Poète, par un coup étonnant de génie, les met à droite : ils avoient un casque, il leur donne un turban : ils respiroient à Rome, il les transporte en Perse ; & à l’aide des lampions & du souffleur, cette sérieuse caricature passe comme si elle n’étoit pas étrangement risible. […] Cette excellence particuliere de ses Comédies vient de ce qu’il a toujours copié fidelement la nature, & que son génie ardent & sensible étoit attentif à toutes les occasions qu’il trouvoit dans le cours des scènes de faire sortir tous ses personnages, tandis que les plats imitateurs se sont une habitude de ne regarder qu’à leur but avec le soin le plus forcé, & de tenir leurs caractères dans un jeu & une agitation perpétuelle ; on pourroit dire, à l’égard de ces efforts mal-adroits, qu’ils en usent avec les personnages de leurs pièces comme certains plaisans avec les gens de leur connoissance ; qui, pour prouver leur esprit, les tourmentent & les persécutent de leurs bons-mots ; & la vérité fuit, parce qu’elle ne peut être fondée que sur l’universalité des caractères. […] Jamais d’action accessoire, point de personnages secondaires, si utiles chez les Anglois, à la marche & à la chaleur du Drame ; tout au plus de plats & insipides confidents, dont les rôles sont si mal faits, qu’on ne trouve, pour les remplir, que des Acteurs subalternes, dont le jeu jette du burlesque, sur la scène la plus vigoureuse & la plus intéressante.

1691. (1891) Enquête sur l’évolution littéraire

J’y essayais, en effet, de mettre, à côté de l’alexandrin dans toute sa tenue, une sorte de jeu courant pianoté autour, comme qui dirait d’un accompagnement musical fait par le poète lui-même et ne permettant au vers officiel de sortir que dans les grandes occasions. […] Par là même, condamné (car si quelqu’un vient nous dire que l’art des vers soit un jeu d’enfants, — ne vous le dira-t-on pas ? […] … Je garde l’alexandrin, seul logique, admirable par son jeu de nombres premiers 2 et 3, qui, multipliés, donnent des mesures eurythmiques, et additionnés, des mesures dissonantes. […] Sans doute, il est merveilleux, ce jeu d’esprit joué sur l’échiquier mental d’Helvétius et de Condillac, mais il faut le prendre pour ce qu’il vaut et s’en délecter, par virtuosité d’esprit, mais sans y attacher de souveraine importance.

1692. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Jean-Jacques Ampère »

Ampère, dans sa manière rapide et son heureux instinct, se contente de toucher sans appuyer ; il indique l’harmonie entre le moral et le physique, sans aller jusqu’à une complète identification ; il laisse place à un certain jeu des facultés. […] » quand il nous annonce en tête d’un chapitre la vérité sur l’enlèvement des Sabines, je souris en l’écoutant ; il m’est impossible de voir autre chose dans les diverses sortes d’interprétations auxquelles il se livre qu’un jeu d’esprit soutenu de l’érudition la plus animée.

1693. (1867) Cours familier de littérature. XXIV « CXLe entretien. L’homme de lettres »

Paul et elle s’amusaient avec transport de leurs jeux, de leurs appétits et de leurs amours. […] En rentrant chez lui, il ajouta cette jolie scène à sa pastorale ; et ceci est un trait caractéristique de ce génie observateur: il ne savait décrire que ce qu’il avait vu ; mais quelle riante imagination ne fallait-il pas pour voir dans les jeux de deux enfants du faubourg Saint-Marceau un tableau digne du pinceau de l’Albane !

1694. (1853) Histoire de la littérature française sous la Restauration. Tome I

Les sociétés ne doivent point, en effet, enchaîner inutilement d’avance leur action ; il faut qu’il y ait du jeu entre les grands supports, c’est-à-dire entre ces lois fondamentales contre lesquelles tout ce qui se fait est nul de soi, comme parle Bossuet, et qui soutiennent l’édifice tout entier, pour que le libre arbitre de chaque génération qui doit s’y mouvoir s’exerce suivant les besoins de chaque siècle, et établisse dans cet édifice les aménagements reconnus indispensables ou utiles. […] Cette impossibilité physique et morale que l’homme ait inventé la parole, peut être rigoureusement démontrée par la considération des opérations de notre esprit, combinée avec le jeu de nos organes. […] Élu membre du corps législatif en 1802, inscrit sur la liste des cinq candidats à la présidence annuelle, choisi par le premier consul en 1804, Fontanes dont les idées monarchiques et les tendances religieuses étaient notoires, représentait, dans le jeu de la politique napoléonienne, cette force religieuse et royaliste que le chef du nouveau gouvernement cherchait à équilibrer avec la force révolutionnaire et philosophique, de manière à se servir de toutes deux et à se défendre de l’une par l’autre. […] après six ans de silence. » Il peindra plus tard dans ses vers53 ce rustique séjour embelli par ses souvenirs d’enfance, et consacré par la présence de son vieux père, qui racontait à sa famille l’histoire de l’échafaud des rois ; par celle de sa mère, qui apprenait à ses enfants, autant par ses exemples que par ses leçons, la religion, la bienfaisance et la vertu, et de ses sœurs dont il croit voir encore les jeux folâtres et les blonds cheveux flottant au gré des vents. […] Vers 1816, avant d’arriver à sa manière définitive, il s’était essayé dans le genre de Tibulle et de Catulle, et la vie de dissipations qu’il menait au milieu d’une folle jeunesse, livrant ses nuits et ses journées aux émotions dévorantes du jeu et des plaisirs, lui inspirèrent naturellement des vers remplis d’une verve plus païenne que chrétienne, dont quelques-uns ont trouvé place dans les Nouvelles Méditations.

1695. (1890) Les princes de la jeune critique pp. -299

L’histoire est « une fable convenue », comme disait Fontenelle ; toute philosophie de l’art n’est qu’une architecture arbitraire, un jeu de patience où l’on est toujours sur de réussir avec un peu d’adresse : car l’esprit met dans les faits l’ordre et l’enchaînement que la nature a négligé d’y mettre2. […] L’éreintement d’un ouvrage ou d’un auteur est, vous le savez, un passe-temps des plus agréables pour celui qui s’y livre : c’est là jeu de critique, moyen de se délasser et de se faire la main. […] Ce sont là jeux de savant. […] Il a pour les jeux de mots un amour qu’on peut taxer parfois d’immodéré.

1696. (1892) Sur Goethe : études critiques de littérature allemande

Le poète décrit longuement les rapports d’Hermann avec son père et sa mère, avec ses voisins et ses amis ; il nous initie à ses premières affections de jeune homme et à ses premiers projets de mariage : projets bien conformes à la simplicité de cette âme qui ne sait rien désirer de nouveau, car Hermann, s’il n’eût été éloigné par une affectation de supériorité bourgeoise, voulait épouser d’abord la compagne de ses jeux, la fille du riche voisin qui avait grandi avec lui. […] Mais ce que nous avons voulu rendre manifeste aux yeux les plus rebelles, c’est que Goethe ne s’est point fait un jeu des salutaires croyances qui lui ont inspiré son œuvre de prédilection ; c’est qu’après les avoir sincèrement glorifiées, il y est sans cesse revenu avec amour ; il les a gardées comme un trésor intime au fond de son cœur, pour en retrouver les dernières lueurs à ses derniers instants. […] Ce que le travail manuel est pour les hommes de labeur, le jeu régulier des facultés de l’intelligence l’est, non point seulement pour les grands philosophes et pour les grands artistes, mais encore pour le plus humble et le plus infime des hommes d’étude et d’imagination. […] Les opérations de ses adversaires n’ont rien de dramatique ; les machines qu’ils mettent en jeu sont vulgaires ; on s’intéresse aux ennemis en présence, mais non point à leurs manœuvres ; ce n’est point un combat dont le spectateur compte les coups avec anxiété. […] Je suppose qu’il aura beaucoup admiré dans sa jeunesse les Jeux de l’Amour et du Hasard et qu’il n’est point fâché de renouveler chez lui la comédie.

1697. (1896) Écrivains étrangers. Première série

Perdu déjà dans ses rêves, jamais le petit Frédéric ne voulut s’amuser aux jeux de son âge : une fois seulement la vue d’un danseur de corde lui fit une impression profonde, si profonde que toute sa vie il en garda le souvenir. […] En retenant leur attention au-dedans d’eux-mêmes, elle les empêche de voir, de sentir, de se laisser aller au libre jeu de leurs impressions. […] Il y avait été accoutumé aussi à regarder comme le premier devoir de tout écrivain de contribuer à la gloire et au bonheur de la patrie ; de sorte que toujours ensuite il a vu dans la littérature, non pas un simple jeu artistique, mais un moyen d’action politique et morale. […] Mais je dois ajouter, pour être franc, que le jeu des acteurs hollandais ne m’a pas laissé un très bon souvenir. […] C’est alors, autour de l’impératrice, tout un jeu d’intrigues, de démarches faites contre son gré pour interdire les représentations, des menaces de scandale : de sorte que la malheureuse, affolée, s’ouvre à son mari de son triste secret.

1698. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. DE VIGNY (Servitude et Grandeur militaires.) » pp. 52-90

Après les épanchements lyriques et les confidences qui avaient resserré l’union des poëtes, après les feux des Orientales, entremêlés du trépas de Madame de Soubise et des jeux de la Frégate la Sérieuse, les plus forts songèrent au théâtre, à cette arène où la poésie peut arriver au public face à face, en le prenant par ses sensations, en le domptant.

1699. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. LEBRUN (Reprise de Marie Stuart.) » pp. 146-189

Talma se montrait particulièrement admirable par son jeu muet dans la grande scène du troisième acte entre les deux reines.

1700. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Charles Labitte »

Assistez à telle séance de la Chambre des députés, ou écoutez celui qui en sort tout animé de l’esprit des orateurs et vous en exprimant l’émotion, les péripéties, les jeux de scène, et puis lisez le lendemain le procès-verbal de cette séance : cela fait-il l’effet d’être la même chose ?

1701. (1861) La Fontaine et ses fables « Deuxième partie — Chapitre II. Les bêtes »

Il est muni de documents, il a lu ; il connaît la place, le jeu de tous les muscles ; il a sur son bureau des planches coloriées, autour de lui des squelettes, à côté de lui Daubenton qui lui fournit des préparations et toutes les pièces anatomiques.

1702. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Introduction. » pp. -

On a découvert qu’une œuvre littéraire n’est pas un simple jeu d’imagination, le caprice isolé d’une tête chaude, mais une copie des mœurs environnantes et le signe d’un état d’esprit.

1703. (1858) Cours familier de littérature. VI « XXXIIIe entretien. Poésie lyrique. David (2e partie) » pp. 157-220

Tous les gémissements les plus secrets du cœur humain ont trouvé leurs voix et leurs notes sur les lèvres et sur la harpe de ce barde sacré ; et, si l’on remonte à l’époque reculée où de tels chants retentissaient sur la terre ; si l’on pense qu’alors la poésie lyrique des nations les plus cultivées ne chantait que le vin, l’amour, le sang et les victoires des mules et des coursiers dans les jeux de l’Élide, on est saisi d’un profond étonnement aux accents mystiques du berger-prophète, qui parle au Dieu créateur comme un ami à son ami, qui comprend et loue ses merveilles, qui admire ses justices, qui implore ses miséricordes, et qui semble un écho anticipé de la poésie évangélique, répétant les douces paroles du Christ avant de les avoir entendues.

1704. (1862) Cours familier de littérature. XIII « LXXIVe entretien. Critique de l’Histoire des Girondins (5e partie) » pp. 65-128

La France ne lui reprochait ni le 14 juillet, ni le Jeu de Paume, ni même le 10 août, où Paris avait conquis pour elle, sans la consulter et sans l’attendre, la Révolution et la république.

1705. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXVe entretien. La Science ou Le Cosmos, par M. de Humboldt (4e partie) » pp. 429-500

La mort seule était le jeu de ce peuple funèbre qui tuait pour triompher, et qui tuait encore pour célébrer ses triomphes.

1706. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXVe entretien. Fior d’Aliza (suite) » pp. 321-384

Leurs jeux et leurs rires sur le seuil de la cabane, les jours de fête, en revenant de la messe des Ermites aux Camaldules du couvent, faisaient la gaieté de la semaine ; les feuilles des bois en tremblaient d’aise, et le soleil en luisait et en chauffait mieux sur l’herbe au pied du châtaignier.

1707. (1869) Cours familier de littérature. XXVII « CLXIIe entretien. Chateaubriand, (suite.) »

« Tantôt nous marchions en silence, prêtant l’oreille au sourd mugissement de l’automne, ou au bruit des feuilles séchées que nous traînions tristement sous nos pas ; tantôt, dans nos jeux innocents, nous poursuivions l’hirondelle dans la prairie, l’arc-en-ciel sur les collines pluvieuses ; quelquefois aussi nous murmurions des vers que nous inspirait le spectacle de la nature.

1708. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre I. Littérature héroïque et chevaleresque — Chapitre I. Les chansons de geste »

Elle se mit à lire, et n’ayant plus besoin, des jongleurs, elle donna leur place auprès d’elle aux hérauts, détenteurs de la science du blason, rédacteurs de chroniques, ordonnateurs de jeux et de pompes.

1709. (1895) Histoire de la littérature française « Seconde partie. Du moyen âge à la Renaissance — Livre I. Décomposition du Moyen âge — Chapitre I. Le quatorzième siècle (1328-1420) »

Pour le Français, routier ou prince, depuis Talebard Talebardon jusqu’au roi Jean, les deniers ne sont pas méprisables, sans doute, mais deviennent après autre chose : et cette autre chose, c’est l’aventure, la recherche du hasard périlleux qui met en jeu toutes les énergies du corps et de l’esprit.

1710. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « M. Deschanel et le romantisme de Racine »

L’homme de lettres, l’artiste, celui qui, par métier, observe, analyse et exprime ses propres sentiments et par là développe sa capacité de sentir, reçoit de tout ce qui le touche et, en général, du spectacle de la vie des impressions plus fortes et plus fines que le vulgaire : ce n’est pas là, j’imagine, une infériorité pour l’artiste, même en admettant que cette impressionnabilité excessive ne soit qu’un jeu divin, une duperie volontaire et intermittente et qui ne serve qu’à l’art.

1711. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « De l’influence récente des littératures du nord »

Chez nous, au contraire, catholiques émancipés  ou catholiques pratiquants, mais que la confession sacramentelle décharge en partie du soin d’administrer leur propre conscience  il y a une littérature religieuse, ou plutôt ecclésiastique, que nous ne connaissons guère, et une littérature toute profane et laïque, chacune faisant son jeu à part.

1712. (1894) Propos de littérature « Chapitre IV » pp. 69-110

Mais la rigide mesure forçait à ne penser que par six syllabes à la fois, — uniformément, — et, l’on s’en souvient, la monotonie de ces jeux produisit par réaction les coupes hardies des Romantiques.

1713. (1890) L’avenir de la science « XXIII »

Je vois Louis XIV fondant je ne sais quel ordre nobiliaire et je ne vois pas Vincent de Paul fondant la charité moderne ; je vois des scènes de cour plus ou moins insignifiantes et je ne vois pas Abélard, au milieu de ses disciples, discutant les problèmes du temps sur la montagne Sainte-Geneviève ; je vois le serment du jeu de Paume et je ne vois pas Descartes, enfermé dans son poêle, jurant de ne pas lâcher prise qu’il n’ait découvert la philosophie.

1714. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1878 » pp. 4-51

Et au dessert, ce sont des jeux de cache-cache de petites filles, et des parties de main-chaude, où il faut deviner le nom de la bouche, qui vous embrasse la main.

1715. (1772) Éloge de Racine pp. -

Il purgea le théâtre des jeux de mots et des pointes ridicules, qui sont l’éloquence des temps de barbarie.

1716. (1857) Articles justificatifs pour Charles Baudelaire, auteur des « Fleurs du mal » pp. 1-33

. — Le poème didactique est un jeu de rhétoricien qui ne peut être poétique qu’épisodiquement. — Quant au poème démonstratif ou persuasif, à la poésie de propagande, au poème-sermon, au poème-pamphlet, ne sont-ils pas devenus ridicules aujourd’hui qu’un article de journal ou une simple brochure renseigne plus vite et plus nettement ?

1717. (1828) Préface des Études françaises et étrangères pp. -

— Nous répondrons d’abord que rien ne serait plus original et plus neuf pour le public, que la représentation naïve sur notre théâtre d’une grande tragédie de Shakespeare, avec toute la pompe d’une mise en scène soignée ; car les représentations anglaises où les trois quarts et demi des spectateurs n’entendent pas un mot, et les traductions en prose, privées de la magie du style et du jeu des acteurs, ne donnent du grand poète qu’une idée toujours imparfaite et quelquefois très fausse.

/ 1884