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1415. (1774) Correspondance générale

Je sais qu’elles sont rares. […] L’un et l’autre n’ont pas dédaigné de nous tendre la main, et cela dans ces circonstances où l’on ne s’occupe d’une entreprise de littérature que quand on a reçu une de ces têtes rares qui embrassent tout à la fois. […] Ajoutez qu’elle a été lue par nos petits-maîtres et nos petites-maîtresses, et que ce n’est pas sans un mérite rare qu’on fait lire des jérémiades à un peuple frivole et gai. […] Enfin, mon ami, il est rare que je sois tout à fait content de l’emploi de mon temps, lorsqu’il n’y a pas une ligne dont vous puissiez tirer votre profit, et qui vous fasse une petite économie de travail. […] Extrait des Lettres et pièces rares ou inédites, publiées par M. 

1416. (1867) Cours familier de littérature. XXIV « CXLIe entretien. L’homme de lettres »

Il est rare que les ouvrages de génie ne renferment pas une idée dominante, qui est l’origine de toutes les autres. […] Après le rare bonheur de trouver une compagne qui nous soit bien assortie, l’état le moins malheureux de la vie est sans doute de vivre seul. […] Examinez les hommes qui paraissent les plus heureux, vous verrez qu’ils ont acheté leur prétendu bonheur bien chèrement: la considération publique, par des maux domestiques ; la fortune, par la perte de la santé ; le plaisir si rare d’être aimé, par des sacrifices continuels: et souvent, à la fin d’une vie sacrifiée aux intérêts d’autrui, ils ne voient autour d’eux que des amis faux et des parents ingrats.

1417. (1898) Émile Zola devant les jeunes (articles de La Plume) pp. 106-203

Car je tiens à le dire ici, quoique le talent de Zola soit reconnu de tout le monde, de rares savants, seulement quelques docteurs ont su pénétrer le sens de son œuvre, et personne, même ceux qui se dirent ses disciples, n’en ont compris toute la pureté. […] Je n’ignore pas que chez lui les jeux de rhétorique sont rares. […] Quant à Musset, son théâtre, seul digne de sa mémoire, laisse le peuple indifférent, — tandis que ses mauvais vers feront pâmer longtemps les demi-vierges sentimentales, toujours plus rares, et les petits « don Juan » qui n’ont pas lu Tinan !

1418. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre septième »

Il avait les plus rares qualités du corps, de l’esprit et du caractère. […] Le goût de la vérité, le don de l’attirer par la douceur et les grâces, en mettant à l’aise ceux qui pouvaient la lui dire, le don non moins rare de se l’approprier, pour en faire usage dans sa conduite, ce sont là des qualités supérieures, parce que la volonté y a peut-être plus de part que la nature. […] Né un an seulement avant le roi, doué comme lui des plus rares qualités du corps et de l’esprit, ayant aussi ce grand air et cette majesté naturelle dont parle Saint-Simon, une sorte de fraternité rapproche le poète et le roi.

1419. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des pièces de théâtre — Préface de « Cromwell » (1827) »

Ces arguments sont solides, sans doute, et surtout d’une rare nouveauté. […] Cette muse, on le conçoit, est d’une bégueulerie rare. […] Celui qui écrit ceci, en présence de ce rare et frappant ensemble, sentit que la silhouette passionnée de Bossuet ne lui suffisait plus.

1420. (1895) La science et la religion. Réponse à quelques objections

Le bon sens, que Descartes croyait, ou affectait de croire « la chose du monde la plus répandue », est au contraire la plus rare que l’on sache, plus rare que le talent, aussi rare que le génie peut-être ; et nous avouons de bonne grâce que de grands savants en ont parfois manqué… Ainsi raisonnent ceux qui ne veulent voir dans « la banqueroute de la science » qu’une métaphore retentissante ; — et je ne puis pas dire qu’ils aient tout à fait tort4.

1421. (1881) La parole intérieure. Essai de psychologie descriptive « Chapitre II. La parole intérieure comparée à la parole interieure »

Ce dernier fait est rare d’ailleurs, ou du moins la création se mêle toujours à l’imitation, et elle est d’autant plus fréquente que sa part est moindre et celle de l’imitation plus grande dans les faits mixtes où il y a de l’une et de l’autre. […] La seconde, qui est plus rare, s’explique par des raisons analogues. […] Ce fait doit être très rare dans l’état de santé intellectuelle.

1422. (1903) Articles de la Revue bleue (1903) pp. 175-627

Mais il semble que, de plus en plus, sauf en de rares périodiques, la critique ait pris le parti de ne s’occuper que de la mode, quand encore elle s’en tient là. […] Puis, créature d’un ordre plus rare, en toi fusionneront la délicatesse et la brutalité de la nature : tu écriras des sonnets mystiques, et tu feras sauvagement l’amour…” » Le poème étant posé avec cette puissance se développe merveilleusement. […] Je sais bien que ceux qui ont de ces pudeurs sont rares ; mais peut-être serait-ce parmi eux que sans crainte le prix pourrait se décerner ?

1423. (1911) Visages d’hier et d’aujourd’hui

Mais il est rare que Samain se fie à ce stratagème. […] Il est un de ces rares esprits pour lesquels le monde extérieur n’existe à peu près pas. […] mon ami, faut-il que les sujets de pièces deviennent rares, pour que vous ayez dû inventer une telle machine ! […] Rares sont les observateurs qui n’ont pas, en quelque manière, conclu déjà quand ils commencent à regarder. […] Même, il est rare qu’on soit tout à fait naturel avec soi.

1424. (1891) Esquisses contemporaines

Avant de décider si Amiel était capable, oui ou non, de manier le verbe français, il serait bon de l’avoir étudié dans les rares articles qu’il donnait aux revues de son pays. […] Pourquoi le spiritualisme, quelques rares penseurs exceptés, reste-t-il muet sur toute la ligne ? […] Il est rare que les individualités puissantes naissent en des temps médiocres. […] Ce ne sont là toutefois que des éclairs isolés et comme les rares abandons d’une âme habituellement environnée de hauteur et d’indifférence. […] Une telle distinction de pensée, une si rare puissance de travail lui gagnèrent bientôt l’estime de ses professeurs, auxquels il donnait de grandes espérances.

1425. (1903) Le problème de l’avenir latin

Qu’on songe aux méthodes précises, aux soins scrupuleux qui président à l’élevage des chevaux ou des chiens de prix, par exemple, ou même à la culture des plantes rares. […] L’éternel argument sophistique, dont usent les réformistes eux-mêmes contre ceux qui, bien rares, réclament une moins anachronique pédagogie, est que les nations latines — la France par exemple — ont un rôle sacré à remplir, qui est de conserver et d’exprimer l’esprit latin. […] Mais pour qu’une telle tentative comportât des chances de succès, il faudrait qu’une intelligence et un tact rare y présidassent. […] Les touristes — comme déjà en Italie — y seront les clients d’une des rares industries subsistantes. […] Les quelques rares survivants qui la représentent ont l’air de vieillards, même quand ils naissent.

1426. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLVIIIe entretien. Littérature latine. Horace (2e partie) » pp. 411-480

VIII Écoutez-en une autre d’un accent plus doux : il s’agit d’inviter un de ses amis, Sextius, à faire trêve aux soucis, ces frimas de l’âme, et à jouir des rares moments de plaisir que le destin permet aux mortels de glaner ici-bas. […] Rousseau, rare dans Horace, devrait-il être respecté dans leurs éditions ?

1427. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 novembre 1885. »

Un homme au caractère vraiment noble, quand même les avantages intellectuels et l’éducation lui feraient absolument défaut, se dresse devant nous comme un homme auquel rien ne manque ; tandis que la plus grande intelligence, si elle est accompagnée de graves défauts moraux, est blâmable… L’intelligence la plus bornée, de même que la plus grotesque laideur, aussitôt qu’elles sont accompagnées d’une rare bonté du cœur, se trouvent transfigurées, entourées d’une auréole de beauté supérieure, et de leur bouche sort une Sagesse, devant laquelle toute autre doit se taire. […] Pour que le Théâtre de Fête de Bayreuth fût un vrai Théâtre-Modèle, il faudrait apporter des modifications, des perfections au système d’éclairage, et supprimer, avant tout, la lumière de la rampe ; car, la lumière peut venir de tous côtés, excepté, à de très rares exceptions près, de la terre.

1428. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 mars 1886. »

Non pas, par exemple, en sacrifiant les compositeurs français, en leur prenant leurs trop rares théâtres, mais en en élevant un à Paris où chacun viendra étudier les chefs-d’œuvre d’un homme que de prétendus admirateurs vont rendre suspect. […] Il prétend monter une œuvre dont la fortune est faite depuis longtemps dans toute l’Europe, que tous les musiciens s’accordent à trouver admirable dans son ensemble, et dont Paris ne connaît encore que quelques rares fragments.

1429. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre deuxième. L’émotion, dans son rapport à l’appétit et au mouvement — Chapitre quatrième. Les émotions proprement dites. L’appétit comme origine des émotions et de leurs signes expressifs. »

L’obscurité, une lumière trop vive, un jour tranquille, donnent tour à tour à la figure une physionomie différente : l’obscurité nous fait écarquiller les yeux pour recevoir les rayons trop rares ; l’éclat du soleil nous fait froncer les sourcils pour protéger notre vue ; un jour tranquille imprime au visage un air de sérénité. […] Les pleurs sont rares chez les animaux ; cependant ils s’y produisent parfois.

1430. (1896) Les origines du romantisme : étude critique sur la période révolutionnaire pp. 577-607

Le Romantisme ouvre l’ère du sérieux, de la mélancolie, du sentimentalisme, des images grandioses et des descriptions sensationnelles : « les ouvrages gais, prédisait Mme de Staël avec un sens de rare divination, vont être dédaignés comme de simples délassements de l’esprit, dont on conserve fort peu de souvenir ». […] Amélie, ainsi que René, expulsée du toit paternel, n’avait pas de fortune ; les maris étaient extrêmement rares, si les filles à marier abondaient sur le marché ; à elles seules, elles constituaient une des questions sociales de l’époque, que dans sa plate utopie Olbie, publiée en 1800, J.

1431. (1856) Cours familier de littérature. I « VIe entretien. Suite du poème et du drame de Sacountala » pp. 401-474

Seigneur, ne parlez pas ainsi : Quelque vil que puisse paraître l’état auquel nous avons été destinés par nos pères, nous ne devons pas nous y soustraire ; et d’ailleurs, quoique l’action de donner la mort à un animal soit, avec justice, considérée comme cruelle, cependant il n’est pas rare de trouver dans le boucher lui-même une âme tendre et accessible à la compassion. […] Lorsque tout le monde sera assis, les acteurs entreront, chanteront certains airs : la principale danseuse soulèvera le rideau et se montrera ; puis, après avoir semé des fleurs dans l’assemblée, elle déploiera son talent et les grâces de son art. » XI Ces représentations étaient rares, car les deux plus grands poètes dramatiques de l’Inde, Kalidasa et Bavahbouti, n’ont composé chacun que trois drames.

1432. (1914) Boulevard et coulisses

Les rares professions régulières accessibles aux femmes sont déjà combles ; d’ailleurs, elles en connaissent les déboires et les malchances, elles n’en veulent plus. […] C’est donc une sensation rare et imprévue que je vous dois, et que je n’oublierai pas, même lorsqu’en vous quittant j’aurai repris ma lucidité.

1433. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre XII : Distribution géographique (suite) »

Des courants très rapides traversent l’archipel, et les coups de vent y sont extraordinairement rares ; de sorte que ces îles sont par le fait beaucoup plus efficacement séparées les unes des autres qu’elles ne le semblent sur la carte. […] Ainsi, la durée de chaque espèce et groupe d’espèce est continue dans la succession des âges : du moins, les exceptions à cette règle sont si rares, qu’elles peuvent, avec droit, être attribuées à ce que nous n’avons pas encore découvert en quelque dépôt intermédiaire les formes qui paraissent y manquer, bien qu’on les trouve dans les formations immédiatement inférieures ou supérieures.

1434. (1919) L’énergie spirituelle. Essais et conférences « Chapitre V. Le souvenir du présent et la fausse reconnaissance »

Il n’est pas rare qu’on aperçoive alors le monde extérieur sous un aspect singulier, comme dans un rêve ; on devient étranger à soi-même, tout près de se dédoubler et d’assister en simple spectateur à ce qu’on dit et à ce qu’on fait. […] Janet fait de la fausse reconnaissance un état nettement pathologique, relativement rare, en tout cas vague et indistinct, où l’on se serait trop hâté de voir une illusion spécifique de la mémoire 20.

1435. (1900) Le rire. Essai sur la signification du comique « Chapitre III. Le comique de caractère »

Il n’est pas rare qu’un personnage comique blâme une certaine conduite en termes généraux et en donne aussitôt l’exemple : témoin le maître de philosophie de M.  […] Il n’est pas rare qu’on observe dans le rêve un crescendo particulier, une bizarrerie qui s’accentue à mesure qu’on avance.

1436. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Montluc — I » pp. 56-70

Il ne commanda point en chef avec étendue et dans de grandes proportions : mais, je le répète, il paraît avoir excellé dans certaines parties rares, difficiles et hardies de la guerre, et il en donne leçon, il en tient école autant que cela se peut, et une école brillante, dans ses Commentaires. — J’ai hâte d’en venir à sa conduite aux jours où il est plus en vue, avant et pendant la bataille de Cérisoles, et surtout dans sa mémorable défense de Sienne, qui fut pour lui ce que fut à Masséna sa défense de Gênes.

1437. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Journal de Dangeau. tomes III, IV et V » pp. 316-332

Ce sont là de rares moments dans sa vie de roi trop asiatique et trop idolâtré : il n’est que plus juste d’en tenir compte.

1438. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Fanny. Étude, par M. Ernest Feydeau » pp. 163-178

Antiquaire par la science et l’imagination, auteur d’un travail où, avec une rare vigueur d’analyse, il a restitué et rendu présentes les royales cités, les immenses nécropoles de l’Égypte, M. 

1439. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Histoire du Consulat et de l’Empire, par M. Thiers (tome xviie ) » pp. 338-354

Jointe à cette prodigieuse intelligence qu’il possède et dont il a prétendu faire la qualité essentielle et même unique de l’historien, elle la redouble et l’aiguise sur quelques points ; elle est comme un sens de plus que toutes les intelligences n’ont pas et qui lui inspire des jugements d’une rare délicatesse (ainsi dans les différences qu’il établit, page 679, entre les différents moments de la résistance de Napoléon à la paix).

1440. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) «  Œuvres et correspondance inédites de M. de Tocqueville — II » pp. 107-121

Dans quelques rangs que vous vous placiez, vous n’en serez pas moins pour moi un parent que j’aime et honore, l’un des esprits les plus élevés et des talents les plus rares que notre époque ait produits.

1441. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Le général Joubert. Extraits de sa correspondance inédite. — Étude sur sa vie, par M. Edmond Chevrier. — I » pp. 146-160

Par un contraste qui n’est point rare, dans le feu de sa plus bouillante valeur il restait bon, humain, ouvert aux meilleurs sentiments ; et, après le récit animé de quelque coup de main audacieux, il ajoutait à ses lettres des post-scriptum tels que celui-ci : Bien des choses à toute la famille.

1442. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Mélanges religieux, historiques, politiques et littéraires. par M. Louis Veuillot. » pp. 64-81

« Non-seulement il n’a pu trouver une pointe, mais même les mots, chose étrange, lui ont manqué… Les subjonctifs étaient rares, la phalange des adjectifs, d’ordinaire si docile et si abondante, n’arrivait pas. » Et cet autre, plus ou moins ministre aussi (M. 

1443. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Térence. Son théâtre complet traduit par M. le marquis de Belloy »

se disait-il parlant à lui-même, c’est là, après tout, un cas bien rare ; résister ainsi à l’exemple, à l’entraînement de compagnons de plaisir, c’est ce qui s’appelle être maître de soi, c’est déjà tenir le gouvernail de sa vie. — Joignez à cela que le jeune homme si cher à son père était en même temps agréable à tous ; chacun chantait ses louanges et félicitait l’heureux Simon d’avoir un tel fils.

1444. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Don Quichotte. »

Ticknor et de tout le monde, de revenir sur ce sujet inépuisable, sur le grand homme auteur du chef-d’œuvre, et qui, dans sa vie misérable et tourmentée, a su être, à force de bonne humeur et de génie facile, un des bienfaiteurs immortels de la race humaine : j’appelle ainsi ces rares esprits qui procurent à l’homme de bons et délicieux moments en toute sécurité et innocence.

1445. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Lettres d’Eugénie de Guérin, publiées par M. Trébutien. »

Trébutien, à redoubler de zèle, à compléter son œuvre commémorative et à donner tout ce qu’il a pu depuis retrouver et rassembler encore de la correspondance de cette personne rare.

1446. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Entretiens sur l’histoire, par M. J. Zeller. Et, à ce propos, du discours sur l’histoire universelle. (suite.) »

Un homme de son temps, au contraire, un habile que la nature avait doué d’une rare faculté philologique comme elle avait doué Malebranche d’un génie métaphysique éminent, avait entrepris cet examen puisé aux sources et avait fondé la véritable critique des Écritures en l’appuyant sur la connaissance de l’hébreu, des langues orientales prochaines qui en sont comme autant de branches, et sur la familiarité avec les anciens commentateurs juifs les plus compétents.

1447. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Les cinq derniers mois de la vie de Racine »

Mais comme le His tribus noctibus Deo jungimur (Ces trois premières nuits n’appartiennent qu’à Dieu)… dépend de la seule inspiration de l’Esprit du Seigneur et d’une grâce aussi rare que précieuse, même pour un temps, et que l’exhortation à une pratique si respectable convenait au pasteur conjoignant, et n’était nullement du ressort ni de l’entremise du médiateur de l’alliance, ç’a été lettres closes pour lui.

1448. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Le comte de Clermont et sa cour, par M. Jules Cousin. (Suite et fin.) »

Le comte de Clermont s’était si bien acoquiné à Berny qu’il n’allait plus même à Versailles qu’à de très rares occasions, et l’appartement inscrit à son nom était plutôt devenu celui du roi Stanislas ou de tout autre hôte au gré de la reine.

1449. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. BRIZEUX (Les Ternaires, livre lyrique.) » pp. 256-275

Marie, qui parut en 1831, à travers la tourmente politique, annonça aux rares lecteurs attentifs ces qualités de cœur et d’art ménagées dans toute leur grâce.

1450. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Chapitre IV. De l’amour. »

J’ai vu, pendant mon séjour en Angleterre, un homme du plus rare mérite, uni depuis vingt-cinq ans à une femme digne de lui : un jour, en nous promenant ensemble nous rencontrâmes, ce qu’on appelle en anglais, des Gipsies, des Bohémiens, errants souvent au milieu des bois, dans la situation la plus déplorable ; je les plaignais de réunir ainsi tous les maux physiques de la nature.

1451. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre I. Littérature héroïque et chevaleresque — Chapitre IV. Poésie lyrique »

Comme l’amour parfait des mystiques ne saurait être l’état du commun des fidèles, et les dégraderait plus qu’il ne les élèverait, s’ils essayaient d’y atteindre, ainsi le pur amour des Provençaux ne saurait être à la portée que d’une rare élite.

1452. (1900) L’état actuel de la critique littéraire française (article de La Nouvelle Revue) pp. 349-362

Ce cas est rare aujourd’hui, mais il existe encore.

1453. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre XIV. La commedia dell’arte au temps de Molière (à partir de 1662) » pp. 265-292

Depuis ce temps-là jusqu’à la mort de ce rare acteur, M. de Harlay le reçut toujours chez lui avec une estime et une distinction particulière ; le monde, qui le sut prétendait qu’Arlequin le dressait aux mimes, et qu’il était plus savant que le magistrat ; mais que celui-ci était aussi bien meilleur comédien que Dominique. » Dominique modifia très sensiblement le caractère d’Arlequin.

1454. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « Le symbolisme ésotérique » pp. 91-110

Tandis que Péladan poursuit son Éthopée, que le poète Édouard Schuré trace, avec ses Grands initiés, l’esquisse de l’histoire secrète des religions qui paraîtra en 1889, tandis que Huysmans abjure la foi réaliste et retourne à Dieu où il se délecte, par haine de la banalité, comme à un vocable rare ou à une idée exceptionnelle et qu’il ébauche Là-bas, Stanislas de Guaita amasse les matériaux qui lui serviront à écrire l’histoire des Sciences maudites.

1455. (1890) L’avenir de la science « XII »

Les rares savants et penseurs, qui, à cette époque, ont cherché par la vraie méthode, alors inaperçus ou per-sécutés, sont à nos yeux sur le premier plan ; car seuls ils ont été continués ; seuls ils ont eu de la postérité.

1456. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Marie-Antoinette. (Notice du comte de La Marck.) » pp. 330-346

Ce qu’il y avait de plus rare dans sa personne était l’union de la grâce et de la dignité la plus imposante.

1457. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Monsieur Walckenaer. » pp. 165-181

Peut-être, Amélie, ce tableau fidèle d’une amitié d’enfance si vraie et si naïve, et accompagnée d’un si charmant abandon, vous fait-il aujourd’hui rougir : alors il ne faudrait plus tant vous enorgueillir de ce rare assemblage de belles qualités que l’on admire en vous, puisqu’il en est une dont vous avez à regretter la perte.

1458. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Saint Anselme, par M. de Rémusat. » pp. 362-377

Le poète Callimaque a fait une épigramme où il dit à peu près : « Ce lièvre que le chasseur poursuit par monts et par vaux avec toutes sortes de fatigues et par toutes les intempéries de l’air, donnez-le-lui tout tué, il n’en voudra pas. » Anselme, pour le résumer dans sa double carrière, reste mémorable à deux titres : historiquement, il a été l’un des patrons, des défenseurs, des militants et des patients pour la liberté de l’Église en face de l’État, scientifiquement, il est l’inventeur d’un argument métaphysique pour l’existence de Dieu, ce qui, joint à ses autres écrits, fait de lui l’un des rares successeurs de saint Augustin et de Platon, l’un des prédécesseurs de Descartes et de Malebranche.

1459. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Seconde Partie. De l’Éloquence. — Éloquence de la chaire. » pp. 205-232

Ce grand homme, admirateur passionné de la vraie éloquence forte, animée, don si rare de la nature & le plus puissant ressort du cœur humain, fut indigné du systême nouveau : il écrivit promptement pour réfuter d’aussi singulières idées.

1460. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre douzième. »

Joli petit conte, et bonne leçon pour qui peut en profiter ; mais j’imagine que les occasions en sont rares.

1461. (1936) Réflexions sur la littérature « 6. Cristallisations » pp. 60-71

Parmi les autres, les exceptions sont rares, toutes confirmeraient la règle ; passez en revue les grands artistes du XIXe siècle, dont on extrait pièce à pièce les correspondances et les confidences.

1462. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXXIII. Des éloges ou panégyriques adressés à Louis XIV. Jugement sur ce prince. »

C’est cette gloire si rare qui justifie ses panégyristes, et lui assure notre reconnaissance.

1463. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXXVIII et dernier. Du genre actuel des éloges parmi nous ; si l’éloquence leur convient, et quel genre d’éloquence. »

Les panégyriques doivent donc être tombés : on lit beaucoup moins d’oraisons funèbres : les dédicaces deviennent rares ; elles ne s’ennoblissent que lorsque la philosophie sait parler avec dignité à la grandeur, ou lorsque la reconnaissance s’entretient avec l’amitié.

1464. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « Lamartine »

Nous voyons que, presque toujours, les écrivains qui ont débuté sur le tard, La Fontaine, Molière, Rousseau, Gustave Flaubert, Montaigne et Rabelais si vous voulez, nous ont donné, du premier coup, les livres les plus rares, les plus pleins, les plus savoureux. […] Charles de Pomairols a étudié avec une rare et amoureuse pénétration la « spiritualité » du style de Lamartine. […] Et en tout cas, dans les rares passages qui ont suggéré à M.  […] Mais tout cela, fuyantes traces de rhétoriques périmées, incorrections naïves, témérités de syntaxe, est emporté d’un si vaste mouvement que, dans les endroits (rares en somme) où l’expression défaille, on se contente de la beauté toujours intacte du rythme, et qu’on ne veut voir, dans ces généreuses négligences, qu’un témoignage candide de la glorieuse spontanéité de cette poésie, tantôt fleuve et tantôt torrent. […] Les pages les plus mêlées et les plus bourbeuses roulent, parmi les algues et les graviers, des perles rares.

1465. (1929) Amiel ou la part du rêve

L’orchestre de la nature alpestre soulève et soutient alors pour un garçon suisse ce monologue de Faust, qui, les rares fois où il se fait entendre ainsi qu’une vocation à un jeune Français, le précipite aussi vers le Rhin ; ce qui est le cas, vers cette époque, du Bressan Quinet. […] Pour qu’une femme me remplaçât toutes les autres, il la faudrait mobile comme l’onde et parfaite comme la lumière. » L’auteur du Journal recule devant le mannequin d’osier que, pour les philosophes de cette rare espèce, toute femme contient en puissance. […] Digne enfant de la Grèce antique, Qui faites connaître à nos bords Et la morale du Portique Et l’hellénisme et ses trésors, En vain, sous un climat barbare, Vous a fait naître le destin, Vous êtes, esprit doux et rare, Fils de Socrate et de Plotin. […] La vérité est que grâce au Journal, à ses dernières pages, on possède un de ces testaments, si rares depuis le Phédon : le philosophe devant la mort. « Ni le soleil ni la mort ne peuvent se regarder fixement » : ce mot n’est pas vrai pour un philosophe. […] Le Journal d’Amiel nous dit son plaisir de vivre, une nuit, — l’une des rares qu’il passe à Paris, — où il sort de l’Opéra.

1466. (1915) Les idées et les hommes. Deuxième série pp. -341

Il n’y a plus d’ennui : et l’ennui était la serre chaude où florissaient les plantes rares. […] Mais la souplesse du talent n’est pas, en notre temps, la qualité la plus rare. […] Il est rare qu’un poète de l’amour continue à donner des livres : je le comprends ! […] Courbaud le déclare excellent, « d’une rare élévation morale ». […] Et la surprenante, la précieuse et rare chose, un théâtre qui a une âme !

1467. (1923) L’art du théâtre pp. 5-212

Tous les auteurs comiques qui naîtront — ils seront rares — devront au père de la comédie leur ton, leur style, leur métier. […] Le plaisir du spectacle, en devenant moins rare, perd son prix… et sa qualité. […] Même dans l’éventualité, rare d’ailleurs, où l’on croit avoir affaire à l’élite ou tout au moins à une élite, de combien s’en faut-il que ceux qui la composent soient d’accord entre eux sur l’essentiel. […] Il perd le sens de la synthèse ; il ne maintient plus le juste équilibre entre ce qui est trop rare et ce qui est trop commun, il omet une part de l’homme ; il retourne au jeu subjectif.

1468. (1910) Muses d’aujourd’hui. Essai de physiologie poétique

Mais la poésie absolue telle que je la conçois ici est rare : pour un Verlaine, que de Leconte de Lisle et de Heredia qui contrediraient cette théorie, puisque leur poésie n’est que de l’art. […] Ses poèmes sont asiatiques par la violence de la passion, et grecs par la ciselure rare et le charme sobre de la strophe. » Cette double qualité, la violence de la passion et la sobriété du style, se retrouve dans l’œuvre de Renée Vivien. […] J’ai l’émoi du pilleur devant un butin rare Pendant la nuit de fièvre où ton regard pâlit… L’âme des conquérants, éclatante et barbare, Chante dans mon triomphe au sortir de ton lit ! […] Si, de même que pour l’œuvre de Sapho, il ne nous restait de l’œuvre de Renée Vivien que ces quelques fragments que je citerai, on pourrait affirmer que la femme qui a aimé la vie et l’amour avec une mélancolie si discrètement passionnée fut une sensibilité merveilleuse et un artiste d’une rare perfection : Ô toi que je verrai dans les yeux de la mort !

1469. (1936) Histoire de la littérature française de 1789 à nos jours pp. -564

On voit en Chateaubriand un des rares écrivains — le seul grand écrivain français — qui ait uni à la vie traditionnelle de la noblesse, et même à un puritanisme de sa caste, une carrière, une pratique, des qualités et des défauts, d’homme de lettres. […] Il ne cherche pas dans l’héritage littéraire le grand, le poétique, l’universel, comme cet autre maître du style héritier, M. de Chateaubriand, mais le rare et l’exquis. […] méditation lyrique dont la force est faite non de sa matière, qui est pauvre avec une langue et une poésie indigentes, mais de son mouvement oratoire, l’esprit banal ayant rencontré un des grands courants de l’âme humaine, et le suivant à pleines voiles. —  Novissima Verba, écrits à Montculot, le sermon de Bossuet transposé sur le mode lyrique, une réflexion de l’homme sur lui-même, grave, régulière, et qui coule comme un fleuve précipité et grossi pendant une nuit d’hiver, pas de sentiments rares ou neufs, mais la route royale du cœur humain, — l’interpellation à l’Esprit Saint, dont la fin hors d’haleine est faible, mais où il semble qu’en achevant les Harmonies, en les publiant l’été de 1830, le poète demande pour le prophète politique de demain l’investiture et le sacrement. […] Et non seulement dans l’épopée, que malheureusement il arrête là, mais dans une poésie lyrique qui, plus rare qu’autrefois, gagne en nombre, en poumons, en poids et qui enfle sa houle dans les poèmes des Recueillements, écrits après 1830.

1470. (1895) Hommes et livres

Il avait donné une base solide aux études littéraires en ressuscitant l’individu, en donnant l’exemple de cette rare qualité : le sens de la vie. […] Il n’arrive rien d’extraordinaire à cet étudiant bâlois, et son cas est des plus communs ; ses émotions, ses impressions n’ont rien de compliqué, ni de rare en nature. […] Nous le savions pour quelques-unes ; les correspondances bénédictines nous font voir qu’il en est ainsi dans tout le royaume, et que la province stupide, ignorante, matérielle, n’y est qu’une rare exception. […] Il a utilisé les rares glaces, conservé le vieux velours des carrosses qu’il a fait briser ; pouvait-il faire mieux, nul acheteur n’en voulant ? […] Je vois bien que la poltronnerie, ou la vanité, ou l’ambition sont souvent l’occasion des disgrâces du personnage ; mais pour être vraiment, directement causes, c’est plus rare.

1471. (1859) Moralistes des seizième et dix-septième siècles

Le mouvement du seizième siècle, moral avant tout, s’empreint d’une dignité rare, aux yeux de l’observateur qui sait lui reconnaître ce grand caractère. […] Dans ses jugements, dans ses trop rares conseils, Rabelais fait preuve d’un bon sens éminent, et le bon sens, à toutes les époques, est, sur certains sujets, une grande hardiesse et une grande nouveauté. Sur ces sujets il est bien plus rare que l’esprit, et même, à certains moments, rien n’est plus voisin du génie. […] Chez les magistrats, on rencontre plus de gravité et non moins de savoir ; Dumoulin, Olivier, l’Hôpital nous offrent de beaux modèles de ce stoïcisme chrétien, si rare toujours, et frappé à un coin qui semblait perdu. […] Ceci est rare sans doute ; mais les lointains créés par son pinceau sont peut-être trop souvent illusoires.

1472. (1891) Impressions de théâtre. Cinquième série

Seulement, il est bien rare que notre négation soit joyeuse. […] La France du dix-septième siècle est encore tout entière chrétienne, et par la foi et par la pratique ; tout le monde prie, va à la messe, reçoit les sacrements ; ceux qui vivent mal ne perdent pas pour cela la foi, et ceux qui l’ont perdue (ils sont rares) la retrouvent régulièrement au lit du mort. […] Et il a eu ce rare et difficile mérite de s’arrêter à temps ; il a su résister à cette terreur de l’oubli, à ce besoin de produire encore, quand les sources de la production sont à demi taries, à ce maladif besoin qui a joué, même à de grands artistes, de si méchants tours. […] Il a même gardé aux Romains une haine implacable (sentiment qui, sauf erreur, devait être bien rare en Gaule trois siècles après la conquête). […] Cette frimousse d’amoureuse de la Vie parisienne parmi tout ce vieux bric-à-brac romantique, vivante et ensorcelante au milieu de ces ombres sinistres et vaines, c’est là une idée qui ne pouvait tomber que dans une cervelle de très rare qualité.

1473. (1939) Réflexions sur la critique (2e éd.) pp. 7-263

Toutes les premières œuvres, et en particulier le Génie du Christianisme, abondent en allégories conventionnelles dans le goût du temps ; les images vraies et neuves y sont rares. […] Il sait combien sont rares, au xixe  siècle, les grands écrivains qui ont connu intégralement l’intérieur, les ressources, la vie de leur langue. […] » Le visiteur convenait en effet que c’était une grande folie, mais point rare. « Et ce n’est pas tout ! […] Pendant des semaines les correcteurs travaillèrent à lisser l’oiseau rare et à chasser la coquille. […] J’ajoute qu’il est rare, cet archaïsme, dans les écrits du groupe, et que rien n’est plus légitime que le plaisir, auquel ils sont sensibles, de se montrer en toilette, de faire voir à quel point on connaît les finesses et les antiquités de la langue.

1474. (1848) Études sur la littérature française au XIXe siècle. Tome III. Sainte-Beuve, Edgar Quinet, Michelet, etc.

Ne sera-ce pas un legs inutile ou même funeste, adressé à mon ami, que ces rares conseils perdus dans des enveloppes frivoles et dans des parfums énervants ? […] Ce volume fût-il mal écrit, et, ce qui serait pire, dépourvu de style, la substance qu’il renferme n’en serait pas moins importante, et cette direction toute particulière de pensée, ce genre de préoccupation si rare dans le temps où nous vivons, mériterait toujours d’être signalé. […] Les poètes, du moins, auraient dû le savoir et le dire : ils ne s’y trompent guère ; ils reconnaissent de loin la poésie, ils la pressentent ; à leur défaut il faudra que les profanes disent à leurs périls et risques que les Pensées d’Août sont de la poésie enveloppée, mais de la vraie poésie ; chose excellente, chose rare ! […] Combien d’esprit bien nés, mais surchargés d’ailleurs De soins lourds, accablants, et trop inférieurs, Dans les rares moments de reprise facile, D’Horace sous leur main ou du tendre Virgile Lecteurs toujours épris, ne tiennent que par eux Au cercle délicat des mortels généreux ! […] Personne n’aura lu les deux ouvrages sans être frappé du rapport autant que des différences ; et si l’admirable fraîcheur du dix-septième siècle manque nécessairement à cet écrit du dix-neuvième, l’auteur nous en dédommage, autant qu’on peut dédommager de la simplicité par la plus moelleuse souplesse et une rare suavité de langage.

1475. (1846) Études de littérature ancienne et étrangère

Quelques caractères furent héroïques ; quelques arts même furent cultivés avec un rare génie : l’architecture surtout fit des choses admirables. […] Une semblable conduite était rare dans un temps où les grands de Rome, ruinés par le luxe, sollicitaient une province pour rétablir leur fortune par le pillage. […] À cette époque brillait déjà un génie rare et facile, né pour l’éloquence, la philosophie et les études variées. […] Ce style est d’ailleurs pur, poli, symétrique ; le langage de l’amour y prend un caractère de délicatesse et de réserve fort rare dans les écrivains de l’antiquité. […] Le naturel est d’ailleurs une chose si admirable et si rare, que, dût-on n’en retrouver que quelques traits perdus dans mille défauts, il faut en tenir un compte infini.

1476. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre quatrième. Les conditions physiques des événements moraux — Chapitre premier. Les fonctions des centres nerveux » pp. 239-315

En effet, toutes les images dont l’enchaînement irrégulier fait le rêve et dont l’enchaînement régulier fait la veille étaient absentes ; il ne restait que des sensations rares, intermittentes, celles que l’expérimentateur éveillait, et, avec elles, les tendances sourdes et les mouvements involontaires qui les suivent. — Une poule survécut dix mois à la même mutilation, et, au bout du cinquième mois, était grasse, très forte, très saine ; mais les instincts, la mémoire, la prévision, le jugement étaient abolis. […] Lamotte n’est pas le seul à citer de pareilles observations, car elles ne sont pas très rares. » — Toutes les mutilations pratiquées sur les animaux concluent dans le même sens139. […] Peu à peu, les mouvements respiratoires deviennent rares, saccadés, et la grenouille meurt asphyxiée, avant d’avoir fait aucune tentative pour respirer et sans avoir paru souffrir.

1477. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre II. Le Roman (suite). Thackeray. »

Les sottises parfaites, les mésaventures complètes, les méchancetés achevées, sont choses rares. […] Dès son entrée en scène, à dix-sept ans, accueillie avec la bonté la plus rare par une honnête famille, elle ment depuis le matin jusqu’au soir, et, par des provocations grossières, essaye d’y pêcher un mari. […] On oublie l’auteur, on entend le vieux colonel, on se trouve transporté cent ans en arrière, et l’on a le contentement extrême et si rare de croire à ce qu’on lit.

1478. (1868) Cours familier de littérature. XXV « CLe entretien. Molière »

Enfin, l’aimable Agnès a su m’assujettir, C’est un joli bijou, pour ne vous point mentir, Et ce serait péché qu’une beauté si rare Fût laissée au pouvoir de cet homme bizarre. […] Ayez-en donc, madame, et voyons cette affaire ; Par ce rare secret efforcez-vous de plaire ; Et sans… ARSINOÉ. […] Mais il étale en vous ses plus rares merveilles : Il a sur votre face épanché des beautés Dont les yeux sont surpris et les cœurs transportés : Et je n’ai pu vous voir, parfaite créature, Sans admirer en vous l’auteur de la nature, Et d’une ardente amour sentir mon cœur atteint, Au plus beau des portraits où lui-même il s’est peint.

1479. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « DE LA MÉDÉE D’APOLLONIUS. » pp. 359-406

Plus ordinaire chez les femmes que chez les hommes, qui ont trop de facilités pour la prévenir ou la dissiper, elle ne laisse pas d’être devenue assez rare chez les femmes elles-mêmes qui, en certains pays et dans certain train de société, ont mille moyens gracieux de l’éluder, de s’en prendre ou de s’en tenir aux semblants. […] Le premier, le fils d’Éson reconnut qu’elle était tombée dans le mal sacré, et, d’une voix caressante, il lui tint ce langage… » L’admirable comparaison des deux arbres est du genre de celles qui abondent dans les littératures anciennes, qui sont assez rares dans les littératures modernes, mais dont en particulier la poésie française dite classique s’est scrupuleusement préservée.

1480. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Charles Nodier »

Mais, dans l’un ou dans l’autre cas, elle n’aurait plus été elle-même, c’est-à-dire une génération poétique jetée de côté et interceptée par un char de guerre, une génération vouée à des instincts qu’exaltèrent et réprimèrent à l’instant les choses, et dont les rares individus parurent d’abord marqués au front d’un pâle éclair égaré. […] Les esprits fermes, à régime sain, qui n’ont jamais eu de dégoût indolent ni de caprice, les esprits applicables, d’appétit judicieux, empressés de mordre d’abord à quelque pièce de bonne digestion, pourront se demander souvent à quoi bon ces raffinements de coup d’œil sur des riens, ces jeux de l’ongle sur des écorces, ces dégustations exquises sur le plus rare des Ana ; à quoi bon de savoir si la sphère au frontispice est un insigne tout spécial des Elzevirs, et si leur large guirlande de roses trémières ne leur a pas été en maint cas dérobée.

1481. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre premier. La structure de la société. — Chapitre III. Services locaux que doivent les privilégiés. »

En effet, la différence des manières, la séparation des intérêts, la distance des idées sont si grandes, qu’entre les plus exempts de morgue et leurs tenanciers directs, les contacts sont rares et lointains. […] Il n’est pas rare d’en trouver jusqu’à dix dans un arrondissement qui pourrait à peine en faire vivre deux, s’ils se renfermaient dans les limites de leurs charges. » Aussi « sont-ils en même temps juges, procureurs, procureurs fiscaux, greffiers, notaires », chacun dans un lieu différent, chacun exerçant dans plusieurs seigneuries et sous divers titres, tous ambulants, tous s’entendant comme fripons en foire, et se réunissant au cabaret pour y instrumenter, plaider et juger.

1482. (1860) Cours familier de littérature. IX « XLIXe entretien. Les salons littéraires. Souvenirs de madame Récamier » pp. 6-80

Quelques rares privilégiés de la société, de l’aristocratie, de la politique et de la littérature, y étaient admis. […] Les habitants cosmopolites y demandent volontiers à la spéculation l’opulence que le sol rare et aride leur refuse.

1483. (1860) Cours familier de littérature. X « LVIe entretien. L’Arioste (2e partie) » pp. 81-160

Écoutez l’Arioste : « Deux jeunes Sarrasins, entre autres, veillaient dans le camp ; tous deux d’origine obscure, nés dans la Ptolémaïde, desquels l’aventure, comme un rare exemple d’attachement, mérite d’être racontée. […] « Cloridan, intrépide chasseur toute sa vie, était de robuste stature et d’une rare légèreté à la course ; Médor, à la fleur de ses années, avait encore les joues colorées, blanches et fraîches de l’adolescence, les yeux noirs, les cheveux dorés et bouclés ; il ressemblait à un ange du chœur le plus élevé du ciel.

1484. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre neuvième »

Sorte de petit Tartufe littéraire, dont l’espèce n’est pas rare d’ailleurs, il flatte le travers de la mère pour arriver à la fille, et par la fille à la dot. […] Quelques-uns sont directs ; la langue seule en appartient à Molière : ce sont les plus rares.

1485. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 mai 1885. »

Sans doute, ce grand bienfait ne devait point avoir, pour Beethoven, une durée constante et inaltérée ; il fonda pour lui, cependant, cette harmonie spéciale de la vie qui se révèle dans l’existence du Maître, lorsque cette existence lui a été assurée de si rare façon. […] On trouve dans cette étude une intelligence de la musique Wagnérienne et une hardiesse bien remarquables, si l’on songe combien étaient, en 1869, rares et insuffisants les moyens de connaître l’œuvre de Wagner, et combien périlleux le rôle de wagnériste.

1486. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1860 » pp. 303-358

* * * — Si, dans notre vie, il n’y a eu, jusques à présent, ni chance, ni hasard heureux, nous avons du moins cette grande chose, une chose peut-être unique depuis que le monde existe, cette société intellectuelle de toutes les heures, cette mise en commun de nos orgueils, enfin cette communion des cœurs, à laquelle nous sommes habitués comme à la respiration : un bonheur rare et précieux. […] Il a de longs et rares cheveux blancs, la figure osseuse et décharnée, les yeux tout caves et au fond une petite lueur.

1487. (1857) Cours familier de littérature. III « XIIIe entretien. Racine. — Athalie » pp. 5-80

Ce n’est qu’alors aussi que se forment ces grands acteurs aussi rares que les grands poètes, qui, comme Roscius, Garrick, Talma, Rachel, Ristori, personnifient, dans un corps et dans une diction modelés sur la nature par l’art, les grandes ou touchantes figures que l’histoire ou l’imagination groupent sur la scène dans des poèmes dialogués pétris de sang et de pleurs. […] Oui, son originalité la plus rare de toutes ne fut pas d’être neuf, elle fut d’être parfait.

1488. (1898) Manuel de l’histoire de la littérature française « Livre premier. Le Moyen Âge (842-1498) » pp. 1-39

. — Quelques rares « bourgeois » se sont aussi exercés dans ce genre, — notamment dans les « puys » du nord de la France ; — et parmi lesquels on cite : Adam de la Halle, — Jean Bodel, — Baude Fastoul, tous les trois d’Arras6. […] Succès prodigieux du Roman de la Rose ; — et que Jean de Meung, après Crestien de Troyes, est un des rares écrivains du Moyen Âge dont on puisse dire que l’œuvre ait fait époque. — Attaques de Gerson ; — et de Christine de Pisan ; — témoignage de Pétrarque ; — « Puisque vous désirez un ouvrage étranger en langue vulgaire, écrit-il à Guy de Gonzague de Mantoue, je ne puis rien vous offrir de mieux que celui-ci [le Roman de la Rose], à moins que toute la France et Paris en tête ne se trompent sur son mérite. » — Nombreuses copies du poème ; — et, dès la première invention de l’imprimerie, nombreuses éditions du livre.

1489. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — I. Faculté des arts. Premier cours d’études. » pp. 453-488

Les exemples d’enfants initiés à l’âge de quinze ou seize ans aux éléments de la géométrie transcendante et du calcul infinitésimal, ne sont point rares. […] À cela je réponds qu’on peut exercer et étendre la mémoire des enfants aussi facilement et plus utilement avec d’autres connaissances que des mots grecs et latins ; qu’il faut autant de mémoire pour apprendre exactement la chronologie, la géographie et l’histoire, que le dictionnaire et la syntaxe ; que les exemples d’hommes qui n’ont jamais su ni grec ni latin, et dont la mémoire n’en est ni moins fidèle, ni moins étendue, ne sont pas rares ; qu’il est faux qu’on ne puisse tirer parti que de la mémoire des enfants ; qu’ils ont plus de raison que n’en exigent des éléments d’arithmétique, de géométrie et d’histoire ; qu’il est d’expérience qu’ils retiennent tout indistinctement ; que quand ils n’auraient pas cette dose de raison qui convient aux sciences que je viens de nommer, ce n’est point à l’étude des langues qu’il faudrait accorder la préférence, à moins qu’on ne se proposât de les enseigner comme on apprend la langue maternelle, par usage, par un exercice journalier, méthode très avantageuse sans cloute, mais impraticable dans un enseignement public, dans une école mêlée de commensaux et d’externes ; que l’enseignement des langues se fait par des rudiments et d’autres livres ; c’est-à-dire qu’elle y est montrée par principes raisonnes, et que je ne connais pas de science plus épineuse ; que c’est l’application continuelle d’une logique très-fine, d’une métaphysique subtile, que je ne crois pas seulement supérieure à la capacité de l’enfance, mais encore à l’intelligence de la généralité des hommes faits, et la preuve en est consignée dans l’Encyclopédie, à l’article CONSTRUCTION, du célèbre Dumarsais, et à tous les articles de grammaire ; que si les langues sont des connaissances instrumentales, ce n’est pas pour les élèves, mais pour les maîtres ; que c’est mettre à la main d’un apprenti forgeron un marteau dont il ne peut ni empoigner le manche, ni vaincre le poids ; que si ce sont des clefs, ces clefs sont trèsdifficiles à saisir, très-dures à tourner ; qu’elles ne sont à l’usage que d’un très-petit nombre de conditions ; qu’à consulter l’expérience et à interroger les meilleurs étudiants de nos classes, on trouvera que l’étude s’en fait mal dans la jeunesse ; qu’elle excède de fatigue et d’ennui ; qu’elle occupe cinq ou six années, au bout desquelles on n’en entend pas seulement les mots techniques ; que les définitions rigoureuses des termes génitif, ablatif, verbes personnels, impersonnels sont peut-être encore à faire ; que la théorie précise des temps des verbes ne le cède guère en difficulté aux propositions de la philosophie de Newton, et je demande qu’on en fasse l’essai dans l’Encyclopédie, où ce sujet est supérieurement traité à l’article TEMPS ; que les jeunes étudiants ne savent ni le grec ni le latin qu’on leur a si longtemps enseigné, ni les sciences auxquelles on les aurait initiés ; que les plus habiles sont forcés à les réétudier au sortir de l’école, sous peine de les ignorer toute leur vie, et que la peine qu’ils ont endurée en expliquant Virgile, les pleurs dont ils ont trempé les satires plaisantes d’Horace, les ont à tel point dégoûtés de ces auteurs qu’ils ne les regardent plus qu’en frémissant : d’où je puis conclure, ce me semble, que ces langues savantes propres à si peu, si difficiles pour tous, doivent être renvoyées à un temps où l’esprit soit mûr, et placées dans un ordre d’enseignement postérieur à celui d’un grand nombre de connaissances plus généralement utiles et plus aisées, et avec d’autant plus de raison qu’à dix-huit ans on y fait des progrès plus sûrs et plus rapides, et qu’on en sait plus et mieux dans un an et demi, qu’un enfant n’en peut apprendre en six ou sept ans.

1490. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XVIII. »

S’il y a quelque chose de plus visible pour les chœurs des anges, c’est la Trinité qui le sait. » Si, dans ce qui touche aux vérités de la religion, l’imagination de saint Grégoire est sévèrement contenue par sa foi, il n’en trouve pas moins dans la philosophie même qui s’attache au christianisme un essor nouveau pour la poésie, une sorte d’élévation métaphysique et rêveuse bien rare dans l’antiquité, et qui tient lieu parfois de l’enthousiasme poétique non moins rare parmi nous.

1491. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Le Roman de Renart. Histoire littéraire de la France, t. XXII. (Fin.) » pp. 308-324

Le bon chevalier Beaumanoir va vers lui, et lui dit dans un sentiment tout humain qui est rare au Moyen Âge, qui manque chez Froissart, historien de cour, et qu’on est heureux de retrouver ici : Chevaliers d’Angleterre, vous faites grand péché De travailler les pauvres, ceux qui sèment le blé… Si laboureurs n’étaient, je vous dis ma pensée, Les nobles conviendrait travailler en l’airée (aux champs), Au fléau, à la houe, et souffrir pauvreté ; Et ce serait grand peine quand n’est accoutumé.

1492. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Œuvres de François Arago. Tome I, 1854. » pp. 1-18

En parlant de Fresnel, cet homme d’un vrai génie mort jeune après avoir fait des découvertes délicates et rares, et avec lequel il avait été uni par l’analogie des travaux comme par le cœur, M. 

1493. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Fénelon. Sa correspondance spirituelle et politique. — I. » pp. 19-35

Avouons-le : on sent la force et l’ascendant de ce rare esprit, soit qu’il prêche de génie et sans préparation, soit qu’il prononce un discours étudié et oratoire, soit qu’il explique ses pensées dans la conversation.

1494. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Sénac de Meilhan. — I. » pp. 91-108

C’est ainsi qu’il a dit encore en parlant des femmes et de l’amour-passion (car l’expression est de lui), et en convenant qu’il ne l’avait jamais éprouvé : « En France, les grandes passions sont aussi rares que les grands hommes. » À mes yeux, la vérité de l’ouvrage de M. de Meilhan consiste surtout dans cette nuance générale, relative à son moment.

1495. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Léopold Robert. Sa Vie, ses Œuvres et sa Correspondance, par M. F. Feuillet de Conches. — II. (Fin.) » pp. 427-443

Il est facile de penser ce que les imitateurs de l’Antiquité lui reprocheront : il est si rare qu’ils comprennent ce sentiment vigoureux81 !

1496. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Journal du marquis de Dangeau — I » pp. 1-17

Tout cela n’était pas si ridicule, et Duclos, le mordant esprit, parle ici de cette institution, trop tôt déchue, d’un ton reconnaissant, — Enfin, c’était aussi une idée d’homme de lettres chez Dangeau que de tenir registre chaque soir de tout ce qu’il avait vu dans la journée, sans y manquer jamais, et en comblant soigneusement les lacunes quand il faisait de rares absences.

1497. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Œuvres complètes de Saint-Amant. nouvelle édition, augmentée de pièces inédites, et précédée d’une notice par M. Ch.-L. Livet. 2 vol. » pp. 173-191

Regnier, son rare neveu, S’entendait mieux à ce jeu : Et s’il eût vu cette terre Où Bacchus est en crédit, Je jurerais sur le verre Qu’il n’en aurait pas médit.

1498. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « La marquise de Créqui — III » pp. 476-491

Les rares jeunes femmes à qui il fut donné d’éclore et de fleurir dans ce cercle des Maintenon et des Coulanges en étaient imbues sans effort ; celles-là eurent le regard de la grâce en naissant.

1499. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Le maréchal de Villars — I » pp. 39-56

Le mérite de Villars et le trait dominant de son tempérament militaire fut de rester jeune de cœur et entier de zèle pendant ces ennuis et ces retardements, qui en eussent usé ou fatigué d’autres ; et il se trouva le plus entreprenant des maréchaux, à cinquante ans, c’est tout simple, et à soixante, ce qui est plus rare, — j’allais dire, et à quatre-vingts —, car il garda jusqu’à l’extrême vieillesse, et quand il prenait Milan en 1734, la vivacité de son feu et de son allure.

1500. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Tallemant et Bussy ou le médisant bourgeois et le médisant de qualité » pp. 172-188

madame, il ne tient qu’à vous que je ne passe pour être le plus honnête homme de France. » — Le marquis de Sévigné de même, qui laissait sa charmante femme pour Ninon, était persuadé « qu’on ne peut être honnête homme sans être toujours amoureux. » Ce qu’on voyait pendant les hivers, ce n’étaient donc pas seulement les distractions bruyantes et faciles de toute jeunesse guerrière, c’était une rare émulation chez quelques-uns qui se piquaient d’honnêteté, et des gageures de cette sorte : « Le duc de Candale, qui était l’homme de la Cour le mieux fait, crut qu’il ne manquait rien à sa réputation que d’être aimé de la plus belle femme du royaume ; il résolut donc à l’armée, trois mois après la campagne, d’être amoureux d’elle (Mme d’Olonne) sitôt qu’il la verrait, et fit voir, par une grande passion qu’il eut ensuite pour elle, qu’elles ne sont pas toujours des coups du ciel et de la fortune. » On s’embarquait de parti pris avec quelqu’un, avec quelqu’une, pour se faire honneur dans le monde, pour faire parler de soi, et « parce que les femmes donnaient de l’estime aussi bien que les armes ».

1501. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « L’abbé de Marolles ou le curieux — I » pp. 107-125

Il n’a pas été ridicule en tout ; il a été connaisseur en de certaines parties rares qui sont de plus en plus prisées.

1502. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Correspondance de Buffon, publiée par M. Nadault de Buffon » pp. 320-337

Montesquieu écrit peu (autant du moins qu’on en peut juger par ce qu’on a), et il écrit sans prétention : son grand esprit, sa forte et haute imagination, sa faculté élevée de concevoir et son talent de frapper médaille ou de graver, sont tout entiers tournés et employés à ses compositions savantes et rares.

1503. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Œuvres de Maurice de Guérin, publiées par M. Trébutien — I » pp. 1-17

Je ne parle pas des divers recueils qui ont suivi et qui, sauf quelques pièces assez rares, ne sont que les produits ingrats et de plus en plus saccadés d’une veine aride et tarie.

1504. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire de mon temps. Par M. Guizot. »

Ses Mémoires, du moment qu’il se décidait à les publier de son vivant, ne pouvaient avoir qu’un caractère public et non secret : ne vous attendez pas à des révélations bien rares sur les personnes ou sur les choses.

1505. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Mémoires de l’Impératrice Catherine II. Écrits par elle-même. »

Je revins à la maison très-contente de mon invention de simplicité, tandis que tous les autres habits étaient d’une richesse rare. » Que dites-vous du portrait et des sous-entendus charmants qui passent comme de légères ombres, et de la délicatesse des nuances ?

1506. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Le Poème des champs, par M. Calemard de Lafayette (suite et fin) »

Je n’ai que l’embarras du choix entre les tableaux et les frais paysages, entre les scènes de labourage, de semailles, de fauchaison et de fenaison, de récolte et de vendange, entre les charmants hasards du parc naturel, confinant au bois et à la forêt, et le monde bruyant de la basse-cour ; car tout cela est diversement peint, et presque toujours avec un rare bonheur dû à une extrême vérité.

1507. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Sainte-Hélène, par M. Thiers »

Il expliquait en moraliste consommé les défections dont il avait été l’objet et s’en rendait compte par des intérêts, des vues, des illusions qui rendaient les hommes moins haïssables et moins coupables : « Ils ne m’ont point trahi », disait-il, « ils m’ont abandonné, et c’est bien différent. » — « Les traîtres, répétait-il encore, sont plus rares que vous ne le croyez.

1508. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « M. Octave Feuillet »

Je sais qu’il y a en tout ceci bien du jeu, que l’art est une chose fort différente de la nature, que ce qui s’appelle roman en particulier est fait pour plaire et amuser à tout prix, et le plus souvent moyennant illusion : je ne voudrais pourtant pas qu’on y mentît par trop, qu’on y donnât des idées par trop fausses et chimériques. et j’ai présent à l’esprit en ce moment la boutade d’un moraliste un peu misanthrope, qui écrivait pour lui seul après la lecture de quelqu’un de ces romans à la Sibylle ou à la Scudéry : « Quand je me reporte en idée aux débuts de l’espèce humaine sur cette terre, à cette longue vie sauvage dans les forêts, à ces siècles de misère et de dureté de l’âge de pierre qui précéda l’âge de bronze et l’âge même de fer ; quand je vois, avant l’arrivée même des Celtes, les habitants des Gaules, nos ancêtres les plus anciens, rabougris, affamés et anthropophages à leurs jours de fête le long des fleuves, dans le creux des rochers ou dans les rares clairières ; — puis, quand je me transporte à l’autre extrémité de la civilisation raffinée, dans le salon de l’hôtel de Rambouillet ou des précieuses spiritualistes de nos jours, chez Mme de Longneville ou chez Mme de…, où l’on parle comme si l’on était descendu de la race des anges, je me dis : L’humanité n’est qu’une parvenue qui rougit de ses origines et qui les renie.

1509. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « La Grèce en 1863 par M. A. Grenier. »

Il y a, me dit-on, en Italie à cette heure, à défaut d’un grand ministre dirigeant, une épidémie de bon sens et de sens commun dans toute ]a nation : heureuse et vraiment merveilleuse affection des esprits, qui suppose un peuple de rare qualité et déjà mûr !

1510. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Entretiens sur l’architecture par M. Viollet-Le-Duc »

Taine, devenu professeur à son tour, l’année suivante, a été tout d’un coup applaudi dans cette même chaire ; il le mérite assurément pour son rare talent ; mais il apportait de plus, dans son nouvel enseignement, une popularité toute faite et créée ailleurs.

1511. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « De la poésie en 1865. (suite et fin.) »

Depuis lors je n’avais cessé d’être avec lui en de bons et excellents rapports, plus fréquents pendant notre jeunesse, mais que le temps, en les rendant plus rares, n’avait ni rompus ni même relâchés.

1512. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Le général Jomini. [I] »

Quelques jours après (il sut tout cela depuis par Maret), pendant que la paix se négociait, l’Empereur était à Schœnbrunn, et, se trouvant dans un de ses rares quarts d’heure de loisir, il dit à Maret : « Lisez-moi un peu ce chapitre de l’ouvrage apporté à Austerlitz par un officier du maréchal Ney. » Et, après avoir écouté quelque temps ; « Et qu’on dise maintenant que le siècle ne marche pas !

1513. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « APPENDICE. — CASIMIR DELAVIGNE, page 192. » pp. 470-486

Un homme d’esprit, dont on citait dernièrement de rares pensées, a dit : « Ce ne serait peut-être pas un conseil peu important à donner aux écrivains que celui-ci : N’écrivez jamais rien qui ne vous fasse un grand plaisir. » Au théâtre, et pour des sujets de comédie, le précepte peut surtout sembler de circonstance.

1514. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Millevoye »

Il y a loin de là à la Neige, qui est le même sujet traité par M. de Vigny dans un tout autre style, dans un goût rare et, je crois, plus durable, mais qui a aussi sa teinte particulière de 1824, c’est-à-dire le précieux.

1515. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre X. De la littérature italienne et espagnole » pp. 228-255

Il y a dans le poëme du Camoens, dont l’esprit est le même que celui des ouvrages écrits en espagnol, une fiction d’une rare beauté, l’apparition du fantôme qui défend l’entrée de la mer des Indes.

1516. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre deuxième. Les mœurs et les caractères. — Chapitre III. Inconvénients de la vie de salon. »

À la fin, comme l’amour-propre est un gouffre sans fond, il n’y a pas de « noirceurs » dont ces bourreaux polis ne soient capables, et les personnages de Laclos ont eu leurs originaux302  Sans doute, ces monstres sont rares ; mais l’on n’a pas besoin d’avoir affaire à eux pour démêler ce que la galanterie du monde renferme d’égoïsme.

1517. (1861) La Fontaine et ses fables « Troisième partie — Chapitre III. Théorie de la fable poétique »

Que ce visage est terne, et qu’il est rare de le voir illuminé par un sentiment !

1518. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre IV. Les tempéraments et les idées (suite) — Chapitre I. La lutte philosophique »

Enfin toutes les forces qui devaient concourir à la défense de l’ordre religieux et politique étaient divisées : les Jansénistes tiraient sur les Jésuites, le Parlement faisait échec à la royauté ; dans ces discordes, il était rare que les philosophes n’eussent pas quelqu’un avec eux.

1519. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « J.-J. Weiss  »

Et qu’on ne dise point que le procédé est facile ; car ces aspects nouveaux, c’est bien lui qui les découvre ; nous n’y aurions jamais songé sans lui ; et c’est chose si rare et si précieuse que d’avoir dans la critique littéraire, où la tradition est encore si puissante, des impressions et des vues vraiment personnelles !

1520. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Les deux Tartuffe. » pp. 338-363

.) — Alphonse Daudet a conçu et fait vivre vingt personnages d’une vérité plus rare que Tartarin, d’une observation plus difficile, plus aiguë, plus curieuse ; et peut-être est-ce du seul Tartarin que les siècles se souviendront.

1521. (1914) Enquête : L’Académie française (Les Marges)

On ne l’a vu tel, en France, qu’à de rares époques.

1522. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre IX. Inquiets et mystiques » pp. 111-135

Cette histoire ne tentera-t-elle pas le travailleur sévère et rare qu’est M. 

1523. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Qu’est-ce qu’un classique ? » pp. 38-55

Les plus antiques des sages et des poètes, ceux qui ont mis la morale humaine en maximes et qui l’ont chantée sur un mode simple converseraient entre eux avec des paroles rares et suaves, et ne seraient pas étonnés, dès le premier mot, de s’entendre.

1524. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Marie Stuart, par M. Mignet. (2 vol. in-8º. — Paulin, 1851.) » pp. 409-426

Elle s’y accoutuma au sein de la cour la plus polie, la plus savante, la plus galante d’alors, y brillant en sa fleur naissante comme l’une des plus rares merveilles et des plus admirées, sachant la musique et tous les arts ( divinae Palladis artes ), apprenant les langues de l’Antiquité, soutenant des thèses en latin, commandant des rhétoriques en français, jouissant de l’entretien de ses poètes et leur faisant rivalité avec sa propre poésie.

1525. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Ducis. » pp. 456-473

Tout en s’accommodant avec bonheur de cette condition bourgeoise, il y faisait entrer sans trop d’effort de hautes pensées, et sa modestie domestique prenait un caractère de grandeur morale : Mon père, dit-il quelque part, à propos de je ne sais quel détail de conduite, mon père, qui était un homme rare et digne du temps des Patriarches, le pratiquait ainsi ; et c’est lui qui, par son sang et ses exemples, a transmis à mon âme ses principaux traits et ses maîtresses formes.

1526. (1903) Zola pp. 3-31

Il y a des exceptions ; mais elles sont rares.

1527. (1913) Le bovarysme « Première partie : Pathologie du bovarysme — Chapitre III. Le Bovarysme des individus »

Il adopte en toute matière les sentiments excentriques ; le rare, le précieux, le bizarre, l’exceptionnel lui sont la marque du beau.

1528. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 24, des actions allegoriques et des personnages allegoriques par rapport à la peinture » pp. 183-212

Il est rare que les peintres réussissent dans les compositions purement allegoriques, parce qu’il est presque impossible que dans les compositions de ce genre, ils puissent faire connoître distinctement leur sujet, et mettre toutes leurs idées à portée des spectateurs les plus intelligens.

1529. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Préface de la seconde édition »

Et pourtant, il suffit de parcourir les ouvrages de sociologie pour voir combien est rare le sentiment de cette ignorance et de ces difficultés.

1530. (1912) L’art de lire « Chapitre IV. Les pièces de théâtre »

Remarquez que, dans la comédie, qui n’a pas ou qui n’est pas tenue d’avoir les mêmes préoccupations artistiques, le même idéal sculptural, il est assez rare qu’un groupe de trois personnages occupant le théâtre en même temps soit présent à nos yeux.

1531. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre V. Mme George Sand jugée par elle-même »

Elle a cru que cela poussait, quand rien ne pousse plus, la double et très rare puissance qui invente et qui, après avoir inventé, monte plus haut que son invention, plane sur elle, la regarde et la juge !

1532. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « M. Maurice Rollinat »

I Quand parut ce livre des Névroses, annoncé longtemps à l’avance, il était connu déjà dans une publicité qui tenait aux multiples facultés très rares chez les poètes, mais exceptionnellement puissantes dans celui-ci.

1533. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Gustave Droz » pp. 189-211

Par la modernité des têtes, par le dialogue surtout, si rare maintenant sur nos scènes sans esprit, qui en ont — quand elles en ont — uniquement dans les situations, Gustave Droz aurait sa place et une destinée au théâtre.

1534. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Hippolyte Babou »

Ils veulent des pièces de résistance, et comme ils ne lisent pas en général pour des raisons très littéraires, mais pour passer le temps, quand ils sont oisifs, et pour se distraire, quand ils sont occupés ; comme ce ne sont pas des questions pour eux dans un livre que la profondeur des caractères ou la beauté du langage, ils se détournent naturellement de ce qui est fin, est susceptible de dégustation, pour se retourner vers ce qui est gros et peut s’avaler comme une pâtée… Alors les nouvelles, qui sont des romans concentrés, doivent être, en raison de leur concentration même, d’un très rare et d’un très difficile succès.

1535. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre V : M. Cousin historien et biographe »

La noble dame a eu le rare honneur de faire des conquêtes posthumes, et les froides murailles de la Sorbonne n’ont pas défendu M. 

1536. (1928) Quelques témoignages : hommes et idées. Tome II

La rare qualité du style décèle l’excellent élève qui a failli être un brillant lauréat du concours général. […] Aussi les ouvrages de ce type et qui font revivre réellement une personnalité dans l’intime de son être furent-ils toujours extrêmement rares, davantage encore avec la mode actuelle. […] Seulement, l’auteur de la Terre qui meurt l’applique, cette rare faculté, à sa contrée d’origine, son Anjou. […] Si désireux que vous ayez pu être d’effacer l’individu Taine et de l’absorber dans votre œuvre, vous ne pouvez pas nous blâmer si nous désirons contribuer à ce que votre action se prolonge longtemps encore sous cette forme, la plus rare et la plus haute de toutes : l’Exemple. » 27 juin 1931 X. […] Ces documents, bien rares, jettent un jour très intéressant sur la diplomatie d’Henri IV.

1537. (1814) Cours de littérature dramatique. Tome III

Quant aux leçons du père Porée, je n’en doute pas ; Voltaire fut certainement un excellent écolier, un écolier rare : pour la lecture des anciens cela mérite explication. […] qu’il est rare de savoir ce que l’on fait ! […] Tout le rôle de la reine est un acte de contrition, entremêlé cependant de boutades d’orgueil, parce qu’il est rare que la religion n’échoue pas devant l’amour-propre. […] Le caractère du mari est faux et outré d’un bout à l’autre : celui de la femme est noble et intéressant ; il n’a d’autre défaut que d’être triste et monotone, et d’offrir un de ces prodiges de vertus extrêmement rares dans le monde, mais devenus très communs sur la scène. […] Peut-être eût-il été plus intéressant que la mère eût sa fille auprès d’elle : sa prédilection pour son fils n’en eût été que plus frappante, quand on aurait vu de l’autre côté son indifférence et même son aversion pour une fille douée des plus rares qualités.

1538. (1908) Jean Racine pp. 1-325

Les courriers étaient dix fois, trente fois, cent fois plus rares. […] vous croyez donc qu’à moi-même barbare, J’abandonne en ces lieux une beauté si rare ? […] Et certes, « la galanterie est rare ». […] Mais ces dissonances sont rares : et même, sont-ce des dissonances ? […] Ce morceau est d’une rare niaiserie.

1539. (1925) Feux tournants. Nouveaux portraits contemporains

Un conteur qui s’attache surtout à rendre les figures d’hommes, un poète rude et tumultueux de la nature dont notre Occident n’offre que d’assez rares exemples. […] Les lecteurs étaient plus rares, plus indifférents qu’aujourd’hui, et les éditeurs ne lançaient leurs auteurs qu’avec une extrême circonspection, considérant qu’un trop grand tapage mené autour d’un livre était de nature à jeter quelque discrédit sur leur état, dont les ambitions commerciales ne devaient point paraître. […] Rien ne lui échappe, de « la somme de poésie, d’humanité, d’intelligence » que contient À la recherche du temps perdu 95, et tous les problèmes proposés par l’apport de Proust au roman psychologique y sont définis avec une rare lucidité et une chaleur émouvante. […] S’il fut un des rares adjudants qui n’ait point par le visage ressemblé à un gendarme, Drieu en a parfois pris les manières quand il a chanté la guerre. […] Sur la page de garde d’Adorable Clio, où sont mentionnés les ouvrages qu’il fit paraître jusqu’en 1920, il a illustré, pour moi, chacun de ses titres qui, reconnaissons-le, en passant, sont tous choisis avec un rare bonheur : sur la ligne des Provinciales, deux enfants, un petit chien, un oiseau minuscule me mènent à Bellac, à Cérilly, à Pellevoisin ; devant l’École des Indifférents, deux petits personnages se tiennent par la main, et le héros du livre, est-ce le Paresseux, le Faible, l’Égoïste ?

1540. (1891) Lettres de Marie Bashkirtseff

Presque petite, mais de proportions harmonieuses, le visage rond et d’un modelé exquis, les cheveux blond-paille avec de sombres yeux comme brûlés de pensée, des yeux dévorés du désir de voir et de connaître, la bouche ferme, bonne et rêveuse, les narines vibrantes d’un cheval sauvage de l’Ukraine, Mlle Marie Bashkirtseff donnait, au premier coup d’œil, cette sensation si rare : la volonté dans la douceur, l’énergie dans la grâce. […] Les amis comme lui sont si rares ; pour ne pas dire qu’on n’en trouve plus. […] L’autre Auguste (vingt-quatre à vingt-cinq ans), plus petit, brun, des yeux très beaux, une petite moustache noire pendante, — et dans toute sa personne il y a quelque chose de pendant — une peau veloutée comme je ne crois pas en avoir vu chez un homme, une belle bouche, un nez régulier, ni rond, ni pointu, ni aquilin, ni classique, un nez dont la peau est aussi veloutée, ce qui est excessivement rare, un teint très pâle, qui serait admirable, s’il ne provenait de la maladie. […] On se réveille un beau matin et l’on trouve qu’on est un être rare entouré d’imbéciles. […] Vous brouiller avec un être aussi admirable et rare ?

1541. (1922) Gustave Flaubert

Il ne s’intéresse qu’à l’histoire, qui lui est enseignée par un des rares professeurs remarquables du lycée, Cheruel, et où il est toujours premier. […] En 1872 il lui écrit la dernière lettre que nous ayons de leur rare correspondance : « On m’a donné un chien, je me promène avec lui en regardant l’effet du soleil sur les feuilles qui jaunissent, et comme un vieux je rêve sur le passé, — car je suis un vieux. […] Et comme il est difficile de réaliser ces deux conditions, logiquement contraires, une grande amitié est encore plus rare qu’un grand amour. […] Cette absence pure de caractère est un caractère rare. […] Il est rare que l’amitié ne soit pas bâtie plus ou moins vaguement sur le modèle de l’amour, en ce sens que le caractère de l’un des deux amis représente quelque chose de féminin ou qui touche aux femmes.

1542. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Delille »

Les autres rares morceaux de prose qu’on a de l’abbé Delille, depuis son éloge de la Condamine, lors de sa réception à l’Académie, jusqu’à son article La Bruyère dans la Biographie universelle, ne démentent pas cette observation ; agréables de tour et de récits anecdotiques, ils sont très-clair-semés d’idées. […] En un mot, Boileau suppléait par une quantité de moyens savants, et depuis assez inaperçus, au rare emploi qu’il faisait et qu’on faisait en son temps, de la métaphore et de l’image.

1543. (1875) Premiers lundis. Tome III « Du point de départ et des origines de la langue et de la littérature française »

On n’entrevoit qu’à de rares endroits et comme par de rares fissures ce latin vulgaire, qui filtre accidentellement à travers le latin écrit.

1544. (1858) Cours familier de littérature. V « XXXe entretien. La musique de Mozart (2e partie) » pp. 361-440

L’hymne qu’ils chantent est le fameux trio des masques ; c’est un de ces rares morceaux qui, par la clarté de la forme, par l’élégance et la profondeur des idées, émeuvent la foule et charment les doctes. […] Il disparaît ainsi sous la terre, qui s’entrouvre pour l’engloutir. » Le génie de Mozart, on peut le comprendre maintenant, réunit les dons les plus rares, et c’est l’alliance même de facultés si diverses qui prépare merveilleusement l’auteur de Don Juan à opérer une conciliation féconde entre toutes les parties de l’art.

1545. (1859) Cours familier de littérature. VII « XXXVIIe entretien. La littérature des sens. La peinture. Léopold Robert (2e partie) » pp. 5-80

Avant d’atteindre la cime du plateau, et de tourner à gauche dans la gorge sombre de pâturages, de torrents, de grands bois qui servent d’avenues à l’abbaye, la nuit était faite ; on ne voyait plus le chemin sous les pas de son cheval ; quelques rares lueurs, à travers les branches d’arbres, indiquaient seules une ou deux chaumières éparses, châlets des pasteurs de l’Apennin plaqués sur les flancs de la montagne, à notre gauche ; à droite, le murmure d’un torrent invisible et profondément encaissé montait comme une terreur dans la nuit. […] L’histoire doit conserver les noms de ces rares patrons du génie de Robert : M. 

1546. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CVIe entretien. Balzac et ses œuvres (1re partie) » pp. 273-352

« Ma mère, riche, belle, et beaucoup plus jeune que son mari, avait une rare vivacité d’esprit et d’imagination, une activité infatigable, une grande fermeté de décision et un dévouement sans bornes pour les siens. […] Il avait eu, au milieu de beaucoup de chimères, un rare bon sens, celui de réduire son ambition politique à sa juste valeur et de renoncer de bonne heure à cet axiome faux : « J’ajouterai peut-être le titre de grand citoyen au titre d’homme littéraire. » Il avait espéré un moment que l’estime de ses compatriotes le porterait à la députation : il n’en fut rien ; on reconnut promptement que son éloquence, toute de cœur, ne convenait pas au régime parlementaire, qui vit de parti et non de vérité.

1547. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre IV. Les tempéraments et les idées (suite) — Chapitre V. Jean-Jacques Rousseau »

C’est la rupture définitive avec Mme de Warens, dont les affaires se dérangeaient de plus en plus ; désormais dans leurs rares relations les rôles seront intervertis, et Jean-Jacques enverra quelques petits secours à l’amie qui a tant fait pour lui. […] Il eut toujours un solide et fier mépris de l’argent : ne traitons pas trop facilement d’orgueil une assez rare vertu.

1548. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre I — Chapitre troisième »

Tout ce que nous connaissons d’écrits en vers aux xiie et xiiie siècles, sauf de rares exceptions, est affecté de ce double défaut. […] Ainsi, Charles d’Orléans empruntait à Jean de Meung ses allégories, et à Pétrarque ses idées ; voilà pourquoi il est si rare d’y trouver un accent vrai et une expression forte.

1549. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre troisième »

Il en a pourtant, et du meilleur, pour ceux du moins qui le sentent dans le ton, l’accent, l’excellence de l’œuvre, et qui ne mettent pas au-dessous de l’imagination le sentiment, don plus rare encore, quoique de moindre prix dans l’estime du commun des hommes. […] Voilà, tout au contraire, un livre qui vit surtout par l’élévation morale et par cette sorte de poésie secrète qui s’exhale des trop rares ouvrages que le cœur a inspirés.

1550. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre septième »

Vauvenargues juge pour les lecteurs de sa façon, pour ceux qui jugent par sentiment ; mais ils sont rares ceux qui lisent comme ceux qui écrivent avec le cœur. […] Voltaire avait trouvé en Vauvenargues un de ces rares admirateurs qui savent parler à un homme de génie de ses qualités et de ses défauts sans intérêt.

1551. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « VII »

» Il est bien rare que le sens de sa phrase soit identique à celui de la phrase allemande. […] Puis ont été achetés plusieurs autographes et de rares portraits de Richard Wagner ; le texte du Tannhæuser, imprimé sur vélin en et un livret du même opéra, de 1845, deuxième édition dans laquelle ne se trouve pas le chœur final des Pèlerins ; puis le programme de la première représentation à Dresde, le 19 octobre 1845 ; etc. etc… 40.

1552. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « IX »

. — Ces dates sont intéressantes, mais elles serviront, je l’espère, à faire comprendre combien il est impossible de suivre cette genèse musicale avec les très rares documents que nous possédons. […] De telles qualités sont rares ; je crains que M. 

1553. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre VII, seconde guerre médique. »

Ces rois de Perse, pays des supplices rares et des tortures raffinées, s’acharnaient volontiers sur les cadavres de leurs vaincus. — Cambyse, en Egypte, fit fouetter et déchiqueter la momie d’Amasis arrachée de son sarcophage ; et comme le corps, pétri de baumes, émoussait les couteaux des exécuteurs, il ordonna, pour en finir, qu’on le jetât dans un four ardent. — L’Éginète vint donc exhorter Pausanias à venger l’outrage de Léonidas, en exposant, sur un pal, le corps de Mardonios aux huées de l’armée. […] Au moment où ils allaient attaquer, une Déesse rare dans leur mythologie et dans leur histoire, comme un météore à longs intervalles, vola par les rangs et leur apprit la grande nouvelle de Platée.

1554. (1894) Journal des Goncourt. Tome VII (1885-1888) « Année 1887 » pp. 165-228

De très hautes et de très rares qualités. […] La causerie est une causerie esthétique sur l’amour, et elle dit qu’après la possession, il est bien rare, que les deux amants s’aiment d’un amour égal, et que cette inégalité dans le sentiment de l’un et de l’autre, fait des attelages boiteux, et qui ne marchent pas en mesure.

1555. (1885) La légende de Victor Hugo pp. 1-58

Il trouva que l’Empire avait du bon : « Napoléon a fait ma fortune », avouait-il dans un de ces rares moments, où il déposait sa couronne d’épines. […] Les bourgeois apprécièrent hautement ces qualités de Hugo, si rares à trouver réunies chez un homme de lettres : l’habileté dans la conduite de la vie et l’économie dans la gestion de la fortune28.

1556. (1856) Cours familier de littérature. II « VIIe entretien » pp. 5-85

Avoir l’héroïsme de protéger sans avoir l’ambition de conquérir, voilà la condition prodigieusement rare du libérateur futur de l’Italie ! […] Les rares habitants qui circulaient sur les places ou qui respiraient le frais autour des fontaines donnaient à la ville un air de magnifique champ des morts, entrecoupé de monuments et peuplé de fantômes.

1557. (1857) Cours familier de littérature. III « XVIe entretien. Boileau » pp. 241-326

La seconde satire est adressée à Molière : Rare et fameux esprit, dont la fertile veine Ignore en écrivant le travail et la peine, Pour qui tient Apollon tous ses trésors ouverts, Et qui sait à quel coin se frappent les bons vers ! […] Nous les citons, car de tels vers sont trop rares dans Boileau.

1558. (1857) Cours familier de littérature. IV « XXe entretien. Dante. Deuxième partie » pp. 81-160

» Une scène, d’autant plus ravissante qu’elle est plus rare dans ce poème, est décrite ici par le Dante en vers empruntés aux églogues de son maître. […] l’oasis y est rare et ne s’étend jamais au-delà de quelques vers.

1559. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XVIII. J.-M. Audin. Œuvres complètes : Vies de Luther, de Calvin, de Léon X, d’Henri VIII, etc. » pp. 369-425

Mais son goût épuré pour les livres rares, lequel avait l’ardeur d’une passion, ne l’empêcha pas d’être le commerçant le plus rassis et le plus positif. […] La jeunesse, la santé, la fraîcheur, le bon sourire, la cordialité, la larme à l’œil, les beaux tremblements de la main émue, toutes ces qualités si rares dans les talents graves, quels que soient les sujets auxquels ils s’appliquent, Audin ne les a jamais perdues à remuer les impalpables poussières du sépulcre.

1560. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Gabrielle d’Estrées. Portraits des personnages français les plus illustres du XVIe siècle, recueil publié avec notices par M. Niel. » pp. 394-412

Ces scènes, au reste, avec elle étaient rares ; elle était de ces femmes qui reposent et délassent ceux qui les aiment, bien loin d’engendrer les querelles.

1561. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Œuvres complètes de Buffon, revues et annotées par M. Flourens. » pp. 55-73

Isidore Geoffroy Saint-Hilaire s’est occupé avec étendue de Buffon ; une comparaison qu’il établit de l’éloquent historien de la nature avec Linné, et où il marque vivement les contrastes des deux génies, se termine en ces termes : Linné, un de ces types si rares de la perfection de l’intelligence humaine, où la synthèse et l’analyse se complètent dans un juste équilibre, et se fécondent l’une l’autre : Buffon, un de ces hommes puissants par la synthèse, qui, franchissant d’un pied hardi les limites de leur époque, s’engagent seuls dans les voies nouvelles, et s’avancent vers les siècles futurs en tenant tout de leur génie, comme un conquérant de son épée !

1562. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Chateaubriand. Anniversaire du Génie du christianisme. » pp. 74-90

Ce document, voici en quoi il consiste : Chateaubriand avait publié à Londres son Essai sur les révolutions en deux volumes qui n’en faisaient qu’un, un énorme in-8º de près de 700 pages ; il y avait versé toute son érudition historique juvénile, tous ses rapprochements d’imagination, toutes ses audaces de pensée, ses misanthropies ardentes et ses douleurs rêveuses ; livre rare et fécond, plein de germes, d’incohérences et de beautés, où est déjà recèle tout le Chateaubriand futur, avant l’art, mais non avant le talent.

1563. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Henri IV écrivain. par M. Eugène Jung, ancien élève de l’École normale, docteur es lettres. — II » pp. 369-387

Mais, chez les poètes moins complets, l’accord semble plus rare.

1564. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Œuvres inédites de P. de Ronsard, recueillies et publiées par M. Prosper Blanchemain, 1 vol. petit in-8°, Paris, Auguste Aubry, 1856. Étude sur Ronsard, considéré comme imitateur d’Homère et de Pindare, par M. Eugène Gandar, ancien membre de l’École française d’Athènes, 1 vol. in-8°, Metz, 1854. — I » pp. 57-75

Sauf de rares passages dans le ton de ce que je viens de citer, sauf de courts moments où le vieux coursier de guerre se redresse comme au son du clairon, il s’oublie, il se traîne ; il ne donne pas à sa propre manière son perfectionnement graduel, et, après une si fière et tumultueuse entrée, il a une fin lente, inégale et incertaine.

1565. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Œuvres de Voiture. Lettres et poésies, nouvelle édition revue, augmentée et annotée par M. Ubicini. 2 vol. in-18 (Paris, Charpentier). » pp. 192-209

Et cependant il a tant d’esprit que Mlle de Scudéry conclut en lui pardonnant : Callicrate mourut peu de temps après cette fourbe, extrêmement regretté de tous ceux qui l’avaient connu, et même de celles qu’il avait le plus cruellement trompées, tant il est vrai que les rares qualités de son esprit faisaient excuser je ne sais quelle maligne vanité dont son âme était remplie.

1566. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Le duc de Rohan — I » pp. 298-315

Quant à la noblesse et aristocratie de France, il l’estime, et sans assez de raison peut-être, beaucoup plus heureuse que celle d’outre-mer, « tant parce que celle-ci, dit-il, paie taille comme le peuple, qu’aussi pour la rigueur de justice qui est si ordinairement exercée contre eux, qu’il y en a qui tiennent à beaucoup d’honneur, et prennent la grandeur de leurs maisons par le nombre de leurs prédécesseurs qui ont eu la tête tranchée, au lieu que cela est fort rare parmi nous. » Il parle ici en jeune homme et avant Richelieu.

1567. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Le duc de Rohan — III » pp. 337-355

Quoi qu’il en soit, il est, par le rare assemblage de ses mérites, une des figures originales de notre histoire ; et, quand pour le distinguer des autres de son nom et pour caractériser ce dernier mâle de sa race, quelques-uns continueraient de l’appeler par habitude le grand duc de Rohan, il n’y aurait pas de quoi étonner : à l’étudier de près et sans prévention dans ses labeurs et ses vicissitudes, je doute que l’expression vienne aujourd’hui à personne ; mais, la trouvant consacrée, on l’accepte, on la respecte, on y voit l’achèvement et comme la réflexion idéale de ses qualités dans l’imagination de ses contemporains, cette exagération assez naturelle qui compense justement peut-être tant d’autres choses qui de loin nous échappent, et on ne réclame pas.

1568. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Œuvres de Frédéric-le-Grand Correspondance avec le prince Henri — I » pp. 356-374

Les connaisseurs y remarqueront aisément ce mélange heureux de prudence et de hardiesse si rare et si désiré, qui unit et rassemble le plus de perfections que la nature puisse accorder pour former un grand homme de guerre.

1569. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Correspondance de Lammenais » pp. 22-43

Il a retourné sa foi à un moment, mais il en a toujours eu une (sauf à de bien rares instants).

1570. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Des prochaines élections de l’Académie. »

Il a le mérite, qui devient rare, d’écrire des comédies en vers, et dans une versification svelte, vive, limpide, élégante.

1571. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Madame de Staël. Coppet et Weimar, par l’auteur des Souvenirs de Mme Récamier (suite et fin.) »

À l’Académie, lorsqu’on produit, à l’occasion d’un mot, les exemples tirés des principaux écrivains témoins de la langue, il est rare que l’exemple emprunté à Mme de Staël ne soulève pas d’objections, et qu’une phrase d’elle passe couramment.

1572. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Lettres inédites de Jean Racine et de Louis Racine, (précédées de Notices) » pp. 56-75

Les Pitt, fils de Chatham, sont rares en littérature, et même on n’en cite pas un seul exemple.

1573. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Connaissait-on mieux la nature humaine au XVIIe siècle après la Fronde qu’au XVIIIe avant et après 89 ? »

Or, les idées de bon sens, de tolérance, de réforme, civile, les idées justes, exclusives des vieux préjugés et vraiment libératrices des esprits, circulaient, étaient partout au xviiie  siècle, tandis qu’elles étaient rares, étouffées, contraintes, et n’existaient que dans quelques têtes durant la dernière et même la première moitié du règne de Louis XIV.

1574. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Entretiens de Gœthe et d’Eckermann (suite) »

Je devais, après mon Gœtz et mon Werther, vérifier le mot d’un sage : « Lorsqu’on a fait quelque chose qui plaît au monde, le monde sait, s’arranger de manière à ce qu’on ne recommence pas. » En d’autres heures pourtant et dans l’habitude de la vie, il appréciait mieux son rare bonheur : ce bonheur avait été de venir à temps, en tête d’une grande époque qui naissait et qu’il avait en partie dirigée et conduite : « Je suis bien content, disait-il gaiement un jour qu’il venait de lire de jolis vers d’un tout jeune poëte, de n’avoir pas aujourd’hui dix-huit ans.

1575. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Le Mystère du Siège d’Orléans ou Jeanne d’Arc, et à ce propos de l’ancien théâtre français »

Les érudits en ces matières l’avaient signalé depuis quelques années comme particulier et peut-être unique en son genre : il offre, en effet, le premier exemple d’un genre de drame historique national, trop peu cultivé de tout temps, quoique si indiqué, dont les rares productions se comptent, et qui n’a eu son retour tardif qu’au xviiie siècle dans le Siège de Calais de du Belloy, et dans les Templiers de Raynouard, sous le premier Empire.

1576. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Vie de Jésus, par M. Ernest Renan »

Il a fait mille raisonnements, mille remarques, bien des critiques, et quelques-unes sans doute à tort et à travers ; mais, tantôt approuvant, tantôt critiquant, il ne s’est en rien scandalisé, il n’a pas lancé l’anathème, cette arme n’étant plus dans nos mœurs ni à notre usage ; il a reconnu un esprit supérieur qui venait à lui et qui lui parlait (sauf à quelques rares endroits) un langage à sa portée, un langage toujours noble d’ailleurs, éloquent, élégant même : il n’a pensé qu’à s’informer auprès de lui et à s’instruire.

1577. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Théophile Gautier (Suite.) »

Il avait même fini par pousser si loin l’horreur de la prose, qu’il n’écrivait plus ses rares petits billets, toujours fort courts, à ses amis, qu’au crayon et dans un caractère à peine visible, de peur sans doute quelles lignes qu’il risquait ainsi ne vinssent à être lues un jour et à le compromettre.

1578. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Histoire de Louvois et de son administration politique et militaire, par M. Camille Rousset. »

Un fruit peut mûrir hors de sa saison, une plante rare fleurir hors de son climat, parce qu’une science habile aura fait à cette plante et à ce fruit le climat et la saison qui leur conviennent.

1579. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Corneille. Le Cid. »

La double opinion de ceux qui préfèrent ouvertement Corneille à Racine et de ceux qui, au contraire, préfèrent incomparablement Racine à Corneille, ou encore le suffrage impartial et équitable des arbitres entre ces deux illustres rivaux, ont été exprimés d’une façon heureuse et sans réplique par ces plumes fines et d’une qualité rare, Saint-Évremond, Fontenelle, Fénelon, Vauvenargues, La Bruyère, Voltaire, même La Harpe ; nous nous tourmentons fort pour dire autrement ; nous ne dirons jamais mieux ni aussi bien.

1580. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Méditations sur l’essence de la religion chrétienne, par M. Guizot. »

Quand on est meublé comme mon savant et mon critique, on n’invite pas les autres à venir chez soi ; on n’y laisse monter que les rares amis et les adeptes ; on n’aura rien, de bien longtemps, à offrir aux foules, aux auditoires, aux diverses sortes de publics.

1581. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Entretiens sur l’histoire, — Antiquité et Moyen Âge — Par M. J. Zeller. (Suite et fin.) »

Fustel de Coulanges55, la question est discutée et traitée avec un rare esprit philosophique et une érudition des mieux digérées ; mais peut-être la cité romaine n’y est-elle pas assez nettement mise à part et distinguée des cités grecques.

1582. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Mémoires de Malouet »

Sans se contenter d’une sorte de pardon et de gracieuse indulgence, il exigea justice en bonne forme, et de la part des offensés eux-mêmes ; et (chose rare !)

1583. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. PROSPER MÉRIMÉE (Essai sur la Guerre sociale. — Colomba.) » pp. 470-492

1841 Ces deux écrits, l’un d’histoire érudite et sévère, l’autre d’observation pittoresque et d’imagination, composés presque en même temps, montrent, chez l’auteur à qui on les doit, une alliance et comme un faisceau aussi brillant que serré de qualités diverses et rares.

1584. (1902) L’observation médicale chez les écrivains naturalistes « Chapitre IV »

Il y a longtemps déjà que je portais le sujet dans ma tête ; il y a longtemps que je voulais décrire un cas de lèpre, avec tous les phénomènes qui accompagnent cette triste maladie dont on ne voit plus, en Europe du moins, que de rares échantillons.

1585. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre V. De la littérature latine, pendant que la république romaine durait encore » pp. 135-163

Le suicide était très fréquent parmi les Romains, mais les signes extérieurs de la douleur extrêmement rares.

1586. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre II. Du goût, de l’urbanité des mœurs, et de leur influence littéraire et politique » pp. 414-442

Une probité sévère inspire une confiance si noble, un calme si pur, qu’il est bien rare qu’elle ne fasse pas deviner, dans quelque état que l’on soit, tout ce qu’une bonne éducation aurait appris.

1587. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre V. La littérature et le milieu terrestre et cosmique » pp. 139-154

Rares étaient les voyageurs qui maniaient la plume.

1588. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. Bain — Chapitre III : Les Émotions »

Il n’est pas vrai que tous nos actes se réduisent à l’amour de nous-mêmes, « car la sympathie est un fait de la nature humaine dont l’influence se fait sentir loin, et qui constamment modifie et contrarie les impulsions purement égoïstes. » Et de même, l’utilité n’explique pas tous nos actes, puisqu’il n’est point rare de voir un homme refuser d’embrasser une profession lucrative, qui lui paraîtrait déshonorer les traditions d’orgueil de sa famille et choisir plutôt une vie de privations et de misère.

1589. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Des lectures publiques du soir, de ce qu’elles sont et de ce qu’elles pourraient être. » pp. 275-293

Rien n’est plus rare que le bon goût, à le prendre en son sens exquis, et je crois que, dans le cas actuel, il ne faudrait viser qu’au suffisant, mais aussi ne jamais perdre une occasion de favoriser l’amour du simple, du sensé, de l’élevé, de ce qui est grand sans phrase.

1590. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mémoires et correspondance de Mallet du Pan, recueillis et mis en ordre par M. A. Sayous. (2 vol. in-8º, Amyot et Cherbuliez, 1851.) — II. » pp. 494-514

celui-là a su mettre à profit l’adversité… Je ne me suis donc pas trop avancé quand j’ai dit que Mallet du Pan, s’il avait vécu jusqu’en 1830, n’eût pas manqué d’adhérer à la tentative de monarchie constitutionnelle de Louis-Philippe ; et avec son rare pronostic, dès le 20 février 1796, dans une lettre où il est question de ce même duc d’Orléans, il écrivait : Si, par une conduite compatible avec les personnes, avec les préjugés et les intérêts du temps, avec la force impérieuse des circonstances, le roi (Louis XVIII) ne retourne et ne fixe vers lui ou vers sa branche cette multitude de révolutionnaires anciens et nouveaux, Royalisés à demi ou en chemin de se royaliser, vous les verrez prendre le premier roi qui s’arrangera avec eux.

1591. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Portalis. Discours et rapports sur le Code civil, — sur le Concordat de 1801, — publiés par son petit-fils — I. » pp. 441-459

Il fit ses études dans le collège des Oratoriens à Toulon et à Marseille ; il s’y distingua par une rare facilité d’élocution et une maturité précoce de jugement.

1592. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « La reine Marguerite. Ses mémoires et ses lettres. » pp. 182-200

Une des rares distinctions de ses Mémoires, c’est qu’elle n’y dit pas tout, c’est qu’elle n’y dit pas même la moitié de tout, et qu’au milieu de toutes les accusations odieuses et excessives dont on l’a chargée, elle reste, plume en main, femme délicate et des plus discrètes.

1593. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Regnard. » pp. 1-19

Pourtant, c’est de plus en plus rare, et cette gaieté franche, ronde, inépuisable, cette source qui n’avait rien de mince et qu’on voyait comme sortir à gros bouillons, qui nous la rendra ?

1594. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1853 » pp. 31-55

* * * — Philipon aurait une très curieuse collection de maquettes en terre coloriée qui servaient à Daumier de modèles pour ses caricatures d’hommes politiques ; maquettes exécutées avec un rare talent par Daumier et vendues par lui à Philipon, 15 francs pièce.

1595. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre II : La littérature — Chapitre III : La littérature du xviiie et du xixe  siècle »

Non, sans doute, car il nous semble que, s’il a relevé avec justesse les défauts et les travers de Jean-Jacques Rousseau, il n’a pas fait la part assez large à ses rares et fortes qualités.

1596. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Philarète Chasles » pp. 111-136

C’était pourtant un rare esprit.

1597. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Fervaques et Bachaumont(1) » pp. 219-245

Il ne peint pas les mœurs vertueuses, qui sont très rares, — des mœurs d’exception.

1598. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Alfred de Vigny »

A ce point de vue, pour les esprits, pour les rares esprits qui y comprendront quelque chose, rien de si beau et de si navrant que ce livre… depuis Pascal !

1599. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « I — La banqueroute du préraphaélisme »

La peinture a vécu jusqu’à nos jours, à de rares exceptions près, d’un poncif de lumière et d’ombre, du jour de l’atelier.

1600. (1903) Légendes du Moyen Âge pp. -291

La tradition historique est partout extrêmement courte : il est bien rare, quoi qu’on en ait dit, qu’elle dépasse de beaucoup une génération. […] Le Paradis de la reine Sibylle — jusqu’à ces derniers temps resté à peu près inconnu — nous montre même La Sale sous un nouvel aspect, celui du touriste en quête d’impressions rares et observateur attentif de la nature, et soulève en même temps des questions fort curieuses au sujet d’une des plus belles légendes du Moyen Âge, légende rajeunie en notre siècle, comme celles de Tristan, du Chevalier au cygne et de Perceval, par l’imitation créatrice de Wagner. […] C’est une immense prairie, qui a conservé l’égalité de surface, bien rare à cette altitude, du lac qu’elle était jadis et qu’elle redevient à la fonte des neiges ; elle est couverte d’un épais tapis de velours vert qui, sous les nuages gris de ce jour, apparaît mat et foncé, mais qui prend au soleil les transparences d’émeraude pâle des gazons alpestres. […] C’est un homme religieux, de vie sainte ; ses paroles sont rares et circonspectes ; il ne parle que quand des évêques et des personnes religieuses le lui demandent. […] Et en descendant, messer Lionardo fut interrogé par plusieurs citoyens sur ce qu’il pensait de cet homme, et il répondit : « Ou c’est un ange de Dieu, ou c’est le diable, car il a toutes les sciences du monde, il connaît toutes les langues et les mots les plus rares de toutes les provinces. » Et il n’en dit rien d’autre.

1601. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Troisième partie. — L’école historique » pp. 253-354

On fait ses classes pour apprendre toutes ces belles choses, et quand on a la tête meublée d’idées générales de cette force, on a fini ses études ; on a du jugement, du goût ; on est absolument incapable d’émettre une proposition rare, monstrueuse, paradoxale, d’inventer une théorie, de fabriquer un système ; mais on est parfaitement capable d’orner des fleurs de la rhétorique et de l’esprit un discours vide sur un poète qu’on n’a pas lu, et de faire respirer ce bouquet, non avec distraction, mais avec un vrai plaisir, aux innombrables oisifs qui ne demandent pas qu’on les instruise, pourvu qu’on les occupe un instant sans fatigue. […] L’Alarcos de Frédéric Schlegel n’est peut-être qu’une fleur rare, exotique, arrachée par un touriste trop curieux à son sol naturel, et transplantée dans un climat où elle ne saurait vivre. […] « C’est une sincérité et une honnêteté de l’ancienne chevalerie », écrivait madame de Sévigné445, et voici le portrait passablement flatté qu’en 1651 mademoiselle de Scudéry traçait du héros sous le nom de Mégabate : « On voyait tous les jours, en ce temps-là, au palais de Cléomire, un homme de très grande qualité, appelé Mégabate, gouverneur d’une province de Phénicie446, et dont le rare mérite est bien digne d’être connu de l’illustre Cyrus qui m’écoute… Quoique d’un naturel fort violent, Mégabate est souverainement équitable, et je suis fortement persuadé qu’il n’y a rien qui lui pût faire faire une chose qu’il croirait choquer la justice… Il ne donne pas son amitié légèrement, mais ceux à qui il la donne doivent être assurés qu’elle est sincère, qu’elle est fidèle et qu’elle est ardente.

1602. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre V. La philosophie. Stuart Mill. »

I J’étais à Oxford l’an dernier, pendant les séances de la British Association for the advancement of learning, et j’y avais trouvé, parmi les rares étudiants qui restaient encore, un jeune Anglais, homme d’esprit, avec qui j’avais mon franc-parler. […] Le cas est un de ces cas rares où la nature fait l’expérience pour nous de la même manière que nous la ferions nous-mêmes, c’est-à-dire en introduisant dans l’état antérieur des choses une circonstance nouvelle, unique et parfaitement définie, et en manifestant l’effet si rapidement, que le temps manquerait pour tout autre changement considérable dans les circonstances antérieures. […] The case is one of those rare cases ; as we have shown them to be, in which nature works the experiment for us in the same manner in which we ourselves perform it ; introducing into the previous state of things a single and perfectly definite new circumstance, and manifesting the effect so rapidly, that there is not time for any other material change in the preexisting circumstances.

1603. (1880) Goethe et Diderot « Diderot »

Singulière et rare nature d’entre-deux ! […] Car Diderot a cela : il a, en critique, le don le plus rare. […] C’est le mérite du conteur et du critique, — mais le conteur — rare et bref chez Diderot — n’est ni de la grande race ni de la grande manière de ceux qui furent les poètes épiques du conte : Richardson, Daniel de Foe, Fielding, et, plus tard, Walter Scott et Balzac.

1604. (1864) Le positivisme anglais. Étude sur Stuart Mill

Étude sur Stuart Mill [Introduction] I J’étais à Oxford l’an dernier, pendant les séances de la British Association for the advancement of learning, et j’y avais trouvé, parmi les rares étudiants qui restaient encore, un jeune Anglais, homme d’esprit, avec qui j’avais mon franc-parler. […] Le cas est un de ces cas rares où la nature fait l’expérience pour nous de la même manière que nous la ferions nous-mêmes, c’est-à-dire en introduisant dans l’état antérieur des choses une circonstance nouvelle, unique et parfaitement définie, et en manifestant l’effet si rapidement, que le temps manquerait pour tout autre changement considérable dans les circonstances antérieures. […] The case is one of those rare cases, as we have shown them to be, in which nature works the experiment for us in the same manner in which we ourselves perform it ; introducing into the previous state of things a single and perfectly definite new circumstance, and manifesting the effect so rapidly, that there is not time for any other material change in the pre-existing circumstances.

1605. (1883) Essais sur la littérature anglaise pp. 1-364

Il semble que rien ne soit plus facile que de montrer de la décision dans les jugements qu’on porte sur les œuvres littéraires, et cependant ce mérite est tellement rare qu’on peut le donner comme la marque d’un esprit supérieur. […] La sûreté du jugement ne s’allie pas toujours, autant qu’on pourrait le croire, à l’exactitude du sentiment, et les critiques ne sont pas rares, qui, tout en rendant justice à l’homme de génie qu’ils jugent, expriment imparfaitement ou faussement le sentiment que cet homme de génie représente. […] Un pareil homme serait rare en tout temps ; mais, étant données les mœurs, et les habitudes du milieu dans lequel il vécut, il peut passer pour une manière de prodige. […] Ses descriptions sont d’une précision, d’une netteté et d’une fermeté rares. […] Son livre est le modèle des livres de dévotion assez rares qui se proposent d’agir uniquement par la terreur.

1606. (1866) Nouveaux essais de critique et d’histoire (2e éd.)

Elle publie ainsi tous les ans environ cinq volumes d’ouvrages importants et rares ; chaque membre reçoit un exemplaire de chaque ouvrage, et paye vingt-cinq francs par an. […] Dans ses lettres, dans ses actions il y a cent traits de cette humanité, si rare alors, et qui chez lui était si naturelle. […] Une société et une religion nouvelle valent bien une couche de calcaire coquillier, ou une légumineuse rare. […] Les rares trappeurs qui par hasard l’avaient visité affirmaient que toute colonie nombreuse y mourrait de faim. […] La prostitution y est inconnue, « l’adultère si rare qu’on peut dire qu’il n’existe pas ».

1607. (1829) Tableau de la littérature du moyen âge pp. 1-332

Ayala n’est pas inférieur au célèbre Villani, et dans le quinzième siècle la vie dramatique d’Alvar de Luna a été retracée avec un rare talent par Castellanos. […] Les traces en sont rares, excepté pour la partie de l’Espagne qui, touchant aux provinces méridionales de la France, en parlait la langue. […] Non seulement le verbe avoir, mais l’acception singulière qu’il a prise dans nos langues modernes, dérive du latin ; elle y était rare, peu apparente, peu nécessaire, suppléée par d’autres modifications ingénieuses et variées ; elle y était cependant. […] Si vous consultez les monuments de cette époque, il vous semblera que les communications des hommes entre eux étaient rares, difficiles. […] De nos jours, un poëte d’un rare talent, et dont le talent est souvent attaqué, a jeté les vives couleurs de son style sur les souvenirs du moyen âge ; il s’est plu aux armoiries, aux combats, aux usages de ce vieux temps ; il en a blasonné ses vers.

1608. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « M. Daru. Histoire de la république de Venise. — II. (Suite.) » pp. 434-453

Daru pour qui il avait la plus grande estime, différait de lui par plus d’un point essentiel : il était plus réellement poète, et il se montrait tel dans ses vers trop rares, surtout dans sa conversation pleine de feu et dans toute sa personne : il avait de l’imagination en causant, et de la paresse dans le cabinet.

1609. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Instruction générale sur l’exécution du plan d’études des lycées, adressée à MM. les recteurs, par M. Fortoul, ministre de l’Instruction publique » pp. 271-288

Il est rare qu’on ne puisse pas organiser huit à dix promenades par an dans ce but.

1610. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « [Chapitre 5] — I » pp. 93-111

Honnête homme, il a, à certains égards, les mœurs de son temps ; et ce n’est pas de ce qu’il a fait à la rencontre que je m’étonne : ce qui me passe un peu, c’est qu’il ait songé par endroits à l’écrire, à le consigner exactement dans ses cahiers d’observations et de remarques : il n’a pas la pudeur ; il parle de certains actes comme un pur physiologiste, notant, sans d’ailleurs y prendre plaisir, le cas qui lui paraît rare et la singularité.

1611. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Correspondance inédite de Mme du Deffand, précédée d’une notice, par M. le marquis de Sainte-Aulaire. » pp. 218-237

je le suis de vous et de mon Horace… » Mais ces moments sont rares et passent vite ; ils font place à de longs intervalles de sécheresse et de stérilité : alors elle veut savoir ce qu’on pense d’elle au fond, si on l’aime vraiment, et de quelle manière : « Vous savez que vous m’aimez, dit-elle à Mme de Choiseul, mais vous ne le sentez pas. » Elle semble persuadée de cette terrible et cruelle maxime que j’ai vu professer à d’autres qu’elle, et dont le christianisme seul fournirait le correctif ou le remède, que « connaître à fond, et tel qu’il est, un être humain et l’aimer, c’est chose impossible ».

1612. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Le journal de Casaubon » pp. 385-404

alliance étroite et bien rare, chez un savant du xvie  siècle et un homme de la Renaissance, de ce culte des lettres profanes avec le culte du Dieu toujours présent et vivant !

1613. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Œuvres de Maurice de Guérin, publiées par M. Trébutien — II » pp. 18-34

Le talent est une tige qui s’implante volontiers dans la vertu, mais qui souvent aussi s’élance au-delà et la dépasse : il est même rare qu’il lui appartienne en entier au moment où il éclate ; ce n’est qu’au souffle de la passion qu’il livre tous ses parfums.

1614. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Montaigne en voyage »

Là Montaigne regretta d’avoir omis trois choses en son voyage : 1° de n’avoir point emmené avec lui un cuisinier pour s’instruire des recettes allemandes et en pouvoir faire un jour l’épreuve chez lui (car il s’inquiète des mets et de la chère partout où il passe, il ne vit pas seulement de l’esprit) ; 2° de n’avoir pas amené avec lui un valet allemand ou de ne s’être pas donné pour compagnon de route quelque gentilhomme du pays, afin de ne pas se trouver tout à fait à la merci d’un bélître de guide ; 3° enfin, de n’avoir pas lu d’avance ou emporté dans ses coffres les livres et guides du voyageur (comme nous dirions) qui le pussent avertir des choses rares et remarquables à visiter en chaque lieu.

1615. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Souvenirs de soixante années, par M. Étienne-Jean Delécluze, (suite et fin) »

Beyle eut un mérite rare, incontestable : du sein de la littérature de l’Empire, qui retardait sur les grandes actions et des prodigieux événements contemporains, il sentit qu’une autre littérature devait naître.

1616. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Ducis épistolaire. »

Une qualité, surtout rare aujourd’hui, c’est une certaine tempérance de raison qui connaît les bornes et les limites de tout.

1617. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Œuvres complètes de Molière »

Battre l’estrade, courir la campagne, comme fit Molière pendant douze années, c’était fourrager parmi les originaux ; Molière put en recueillir une rare et abondante collection.

1618. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Gavarni (suite et fin.) »

Et il y vivait depuis des années, l’embellissant, l’ornant à plaisir, y plantant des arbres rares, ifs d’Irlande, genévriers, cyprès, cèdres du Liban, et le Thuya filiformis, et le Wellingtonia gigantea, et que sais-je encore ?

1619. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Théophile Gautier (Suite et fin.) »

» Il le redit, non moins excellemment, dans un article sur Ary Scheffer, en faisant remarquer que cet esprit si distingué et si élevé n’a pas assez compris que la pensée pittoresque n’avait rien de commun avec la pensée poétique : « Un effet d’ombre ou de clair, une ligne d’un tour rare, une attitude nouvelle, un type frappant par sa beauté ou sa bizarrerie, un contraste heureux de couleur, voilà des pensées comme en trouvent dans le spectacle des choses les peintres de tempérament, les peintres nés. » Aussi, tout en rendant justice aux sentiments et aux intentions épurées de ce « poète de la peinture » comme il l’appelle, il ne l’a loué en toute sincérité et franchise que pour certains portraits où le sens moral n’a fait qu’aiguiser l’observation et donner plus de vie à la vérité.

1620. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Vaugelas. Discours de M. Maurel, Premier avocat général, à l’Audience solennelle de la Cour impériale de Chambéry. »

Ce n’est pas un médiocre honneur pour Vaugelas d’avoir préparé à Racine sa langue, de lui avoir aplani les voies d’élégance et de douceur dans la diction, et d’avoir si bien et si exactement défini tout ce rare ensemble de qualités possibles, qu’il n’y manque plus que d’écrire en marge le nom du plus parfait écrivain.

1621. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Le mariage du duc Pompée : par M. le comte d’Alton-Shée »

Si je provoque le scandale, je hais le mensonge ; jamais, pour triompher d’une résistance, je n’ai eu recours à la comédie de l’amitié ; jamais je n’ai prodigué les feintes promesses ni les faux serments d’une éternelle flamme ; jamais je n’ai séduit, jamais je n’ai trompé… » Morale facile, morale commode, mais qui va devenir rare encore en ce siècle, s’il continue dans la voie où il est depuis quelque temps engagé, — et où il semble faire des progrès chaque jour, celle du faux-semblant convenu et de l’hypocrisie utile.

1622. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Histoire de la littérature anglaise, par M. Taine, (suite et fin.) »

J’en indiquerai quelques-unes qu’il faudrait citer dans l’original : « De même que chez les poètes un vrai génie n’est jamais que rare, de même le vrai goût est rarement le lot des critiques ; les uns et les autres également ne tirent que du Ciel leur lumière, les uns nés pour juger comme les autres pour produire. » « Quelques-uns ont d’abord passé pour beaux esprits, ensuite pour poètes ; puis, ils se sont faits critiques, et ils se sont montrés tout uniment des sots sous toutes les formes ! 

1623. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « La comédie de J. de La Bruyère : par M. Édouard Fournier. »

Le mieux serait assurément de tout concilier, de garder du passé les vues justes, les pensées ingénieuses et sensées, nées d’un premier et d’un second coup d’œil, impressions de goût qu’on ne remplacera pas, et d’y joindre les aperçus que suggèrent les faits nouveaux, d’accroître ainsi le trésor des jugements, sans en détruire une partie à mesure qu’on en construit une autre ; mais cette sagesse est rare ; la mesure n’est la qualité et le don que de quelques-uns.

1624. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Essai sur Talleyrand (suite.) »

L’indifférence pour le bien ou le mal qui se débite à notre sujet n’est pas chose en elle-même si rare qu’on le croit.

1625. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « HISTOIRE de SAINTE ÉLISABETH DE HONGRIE par m. de montalembert  » pp. 423-443

Malgré la difficulté d’être vraiment naïf, en sachant si bien ce qu’on veut et ce qu’on fait, il a laissé échapper sur presque toutes les pages la candeur, que sa piété n’a pas perdue, la facilité à l’enthousiasme, le bonheur d’admirer, d’adorer, la docilité, l’élancement, la simplicité de cœur, toutes ces belles qualités du disciple et du jeune homme, si rares de nos jours à rencontrer, si perverties le plus souvent et si exploitées là où elles essayent de naître.

1626. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « JASMIN. » pp. 64-86

Il était triste encore quand, après la foire, où il avait rempli sa petite bourse en portant des paquets, il la donnait à sa mère, et qu’il voyait celle-ci la prendre avec soupir en disant : « Pauvre enfant, tu viens bien à propos. » La pauvreté s’annonçait ainsi par de rares pensées, que bientôt dissipait la légèreté de l’âge.

1627. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « UN FACTUM contre ANDRÉ CHÉNIER. » pp. 301-324

remy, qui, jeune, ne trouva pas à ouvrir sa voie dans les tentatives d’alors, et qui dissipa ses premiers efforts dans les conceptions les plus hasardées, fit preuve, à un certain moment, d’une volonté forte et d’un bien rare courage : il rompit brusquement avec cette imagination qui ne lui répondait pas, avec ce passé qu’il avait fini par réprouver ; il aborda les études sévères, les hautes sources du savoir et du goût, et il en sortit après plusieurs années comme régénéré.

1628. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE SÉVIGNÉ » pp. 2-21

Certes, une femme qui, mêlée dès sa jeunesse aux Ménage, aux Godeau, aux Benserade, se garantit, par la seule force de son bon sens, de leurs pointes et de leurs fadeurs ; qui esquive, comme en se jouant, la prétention plus raffinée et plus séduisante des Saint-Évremond et des Bussy ; une femme qui, amie, admiratrice de Mlle de Scudéry et de Mme de Maintenon, se tient à égale distance des sentiments romanesques de l’une et de la réserve un peu renchérie de l’autre ; qui, liée avec Port-Royal et nourrie des ouvrages de ces Messieurs, n’en prise pas moins Montaigne, n’en cite pas moins Rabelais, et ne veut d’autre inscription à ce qu’elle appelle son couvent que Sainte liberté, ou Fais ce que voudras, comme à l’abbaye de Thélème ; une telle femme a beau folâtrer, s’ébattre, glisser sur les pensées, et prendre volontiers les choses par le côté familier et divertissant, elle fait preuve d’une énergie profonde et d’une originalité d’esprit bien rare.

1629. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE SOUZA » pp. 42-61

Elle permettra, dans son cadre en apparence uniforme, mille distinctions de pensées et bien des formes rares d’existences intérieures ; sans quoi elle serait sur un point très au-dessous de la civilisation précédente et ne satisferait que médiocrement toute une famille d’âmes.

1630. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE DURAS » pp. 62-80

De même que du sein des rangs royalistes une voix éloquente s’élevait par accès, qui conviait à une chevaleresque alliance la légitimité et la liberté, et qui, dans l’ordre politique, invoquait un idéal de monarchie selon la Charte, de même, tout à côté, et avec plus de réussite, dans la haute compagnie, il se trouvait une femme rare, qui opérait naturellement autour d’elle un compromis merveilleux entre le goût, le ton d’autrefois et les puissances nouvelles.

1631. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « CHRISTEL » pp. 515-533

Depuis quelque temps, les lettres venaient plus rares ; une fois, deux fois, il s’était présenté sans en trouver.

1632. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre premier. La structure de la société. — Chapitre II. Les privilèges. »

Tels sont, en Auvergne, en Flandre, en Hainaut, dans l’Artois, dans la Picardie, l’Alsace et la Lorraine, les droits de poursoin ou de sauvement qu’on lui paye pour sa protection générale ; ceux de guet et de garde qu’il réclame pour sa protection militaire ; l’afforage qu’il exige de ceux qui vendent de la bière, du vin et autres boissons en gros ou en détail ; le fouage, en argent ou en grains, que, dans plusieurs coutumes, il perçoit sur chaque feu, maison ou famille ; le pulvérage, fort commun en Dauphiné et en Provence, sur les troupeaux de moutons qui passent ; les lods et ventes, droit presque universel, qui est le prélèvement d’un sixième, parfois d’un cinquième ou même d’un quart sur le prix de toute terre vendue et de tout bail qui excède neuf ans ; le droit de rachat ou relief, équivalent à une année de revenu et qu’il reçoit des héritiers collatéraux, parfois des héritiers directs ; enfin un droit plus rare, mais le plus lourd de tous, celui d’acapte ou de plaît-à-merci, qui est un cens double ou une année des fruits, payable aussi bien au décès du seigneur qu’à celui du censitaire.

1633. (1892) Boileau « Chapitre VI. La critique de Boileau (Fin). La querelle des anciens et des modernes » pp. 156-181

Ils ont la vérité et la beauté : nous sommes romanesques et spirituels, nous cherchons le rare et le joli.

1634. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Quatrième partie. Élocution — Chapitre IV. Des figures : métaphores, métonymies, périphrases »

Et quand Gilbert attaque la coterie encyclopédique : Eux seuls peuvent prétendre au rare privilège D’aller au Louvre, en corps, commenter l’alphabet, Grammairiens jurés, immortels par brevet : s’il eût dit simplement le privilège d’entrer à l’Académie, la moitié de sa pensée fût restée au bout de sa plume.

1635. (1895) Histoire de la littérature française « Seconde partie. Du moyen âge à la Renaissance — Livre II. Littérature dramatique — Chapitre I. Le théâtre avant le quinzième siècle »

En somme, cette pièce, qui n’a rien de rare, peut être prise comme un type distingué des compositions dramatiques dont l’objet est de glorifier Notre-Dame.

1636. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre II. La première génération des grands classiques — Chapitre I. La tragédie de Jodelle à Corneille »

Mais ces rencontres sont rares, et peut-être un peu surfaites par le bonne volonté que développe chez le lecteur la surprise de le trouvaille.

1637. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « Le père Monsabré »

Une flamme si vivace embrasait les lèvres de Lacordaire que son œuvre oratoire (chose rare) n’est pas encore refroidie après quarante ans.

1638. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Henry Rabusson »

Après le dilettante qui écrit, voici le dilettante qui n’écrit pas, supérieur peut-être au premier par la façon dont il entend la vie, par la sagesse plus rare qu’implique le rôle qu’il s’est donné.

1639. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Alphonse Daudet, l’Immortel. »

Zola observe sommairement, parce qu’il construit ses romans à priori et subordonne à ses conceptions les rares remarques qu’il a pu faire sur le vif, c’est pour cela que ses récits ont une si forte unité, sont d’une si large coulée  et rappellent les belles œuvres classiques en dépit des ordures qu’il y entasse.

1640. (1829) De la poésie de style pp. 324-338

Montesquieu écrira : « Quand les sauvages de la Louisiane veulent avoir du fruit, ils coupent l’arbre au pied, et cueillent le fruit ; voilà le gouvernement despotique » ; mais, outre que la forme de comparaison est encore conservée ici, ces exemples étaient rares et remarqués.

1641. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre XI. L’antinomie sociologique » pp. 223-252

Le cas du menteur qui finit par croire à son propre mensonge n’est pas rare.

1642. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — Chapitre V »

C’est du pathétique spontané, si rare au théâtre, la nature saisie sur le fait et dans son élan.

1643. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Discours sur l’histoire de la révolution d’Angleterre, par M. Guizot (1850) » pp. 311-331

Plus cette intervention, sous leur plume, est discrète et rare, plus elle atteste de véritable respect.

1644. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « La Mare au diable, La Petite Fadette, François le Champi, par George Sand. (1846-1850.) » pp. 351-370

Je n’ai pas à continuer ici cette analyse ; je n’ai voulu insister que sur les parties tout à fait rares et neuves de l’idylle, sur la première partie du voyage.

1645. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Lettres de la marquise Du Deffand. » pp. 412-431

Ce dernier ton, c’est-à-dire l’accent pénétrant et sérieux, qui va au fond de tout, n’est point rare dans ces lettres de Mme Du Deffand.

1646. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Frédéric le Grand littérateur. » pp. 185-205

On se dit de part et d’autre des vérités, et (chose rare) on les supporte.

1647. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Histoire du chancelier d’Aguesseau, par M. Boullée. (1848.) » pp. 407-427

Cette timidité et cette vacillation en politique n’est point rare chez de grands magistrats, qui ne retrouvent toute leur force et leur autorité que sur leur siège et sous les garanties extérieures qui laissent à leur jugement toute sa balance Mais les faiblesses mêmes d’un d’Aguesseau observent des principes et ont leurs limites ; elles naissent d’un fonds de scrupules, et elles méritent encore les respects.

1648. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Madame de Maintenon. » pp. 369-388

Elle était le point de mire de toutes les demandes, de toutes les sollicitations : elle éludait tant qu’elle pouvait ; elle se disait nulle, petite, sans crédit, une Agnès en politique ; on ne la croyait pas, et les importunités arrivaient de toutes parts, la saisissaient au passage, malgré le soin qu’elle avait de se rendre rare et comme inaccessible : « En vérité, la tête est quelquefois prête à me tourner, disait-elle au moment où elle n’y tenait plus, et je crois que, si l’on ouvrait mon corps après ma mort, on trouverait mon cœur sec et tors comme celui de M. de Louvois. » Ne soyons donc pas trop sévère en jugeant son pauvre cœur, qu’elle nous étale à nu ainsi.

1649. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Boileau. » pp. 494-513

Boileau était un des rares et justes divertissements de Colbert.

1650. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Le président de Brosses. Sa vie, par M. Th. Foisset, 1842 ; ses Lettres sur l’Italie, publiées par M. Colomb, 1836. » pp. 85-104

Il en est résulté que de Brosses, l’ami de Buffon, n’est resté grand homme que dans sa province ; et, pour l’apprécier aujourd’hui en quelques-unes de ses qualités rares, c’est à ses Lettres écrites d’Italie qu’il faut s’adresser, lettres de jeunesse, écrites pour l’intimité et entre camarades, avec toute la liberté bourguignonne et le sel du pays natal, mais remplies aussi d’observations excellentese, de libres et fins jugements sur les arts, sur les mœurs et sur les hommes.

1651. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1880 » pp. 100-128

La température française, se montre trop inclémente aux arbustes rares, pour que je recommence.

1652. (1864) William Shakespeare « Première partie — Livre III. L’art et la science »

Quelques savants, tels que Kepler, Euler, Geoffroy Saint-Hilaire, Arago, n’ont apporté dans la science que de la lumière ; ils sont rares.

1653. (1897) Préface sur le vers libre (Premiers poèmes) pp. 3-38

Quoiqu’il y ait beaucoup de mélodie dans les complaintes, Laforgue, se souciant moins de musique (sauf pour évoquer quelque ancien refrain de la rue), négligeait de parti-pris l’unité strophe, ce qui causa que beaucoup de ses poèmes parurent relever, avec des rythmes neufs à foison, et tant de beautés, de l’école qui tendait seulement à sensibiliser le vers, soit celle de Verlaine, Rimbaud et quelques poètes épris de questions de césure, doués dans la recherche d’un vocabulaire rare et renouvelé.

1654. (1911) Jugements de valeur et jugements de réalité

Si les choses de luxe sont celles qui coûtent le plus cher, ce n’est pas seulement parce qu’en général elles sont les plus rares ; c’est aussi parce qu’elles sont les plus estimées.

1655. (1860) Ceci n’est pas un livre « Une préface abandonnée » pp. 31-76

Ils dépensent d’un coup, dans un souper joyeux ou dans l’achat d’une vieille toile, le rare bank-note qui s’échappe pour eux du portefeuille de la Providence.

1656. (1824) Discours sur le romantisme pp. 3-28

L’originalité elle-même, don précieux et rare, n’est plus qu’une recette vulgaire, mais sûre, qui consiste à n’écrire comme personne, ce que personne n’a jamais pensé.

1657. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre VI. Daniel Stern »

L’originalité n’y est pas, l’originalité si rare chez toute femme, même chez Mme de Staël, mais l’aristocratie, une aristocratie native, plus forte que les fausses doctrines et les mauvaises habitudes de société, n’a pu en disparaître.

1658. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Prosper Mérimée »

Elles sont, je ne dirai pas du même tonneau, car un tonneau, c’est vaste et quelquefois plein, et il n’y a pas de tonneau dans la cave littéraire de Mérimée mais elles sont de la même bariquette d’où sont sorties, goutte à goutte, ces œuvres filtrées et rares qui ne coulèrent jamais à flots.

1659. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « J. de Maistre » pp. 81-108

Ces fragments, gardés dans la famille, et qui attestent la laborieuse fécondité d’un homme aussi savant qu’il fut inspiré, chose si rare !

1660. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « Brizeux. Œuvres Complètes »

Elle avait aimé cet enfant, qui a vieilli sans devenir un homme ; et la pureté dans la faiblesse, cette chose si rare dans des temps d’inspiration grossière, l’empêchait de dire qu’il n’était plus !

1661. (1900) La province dans le roman pp. 113-140

Mais aujourd’hui, les rares costumes provinciaux qui subsistent en France, personne ne songe plus à les trouver ridicules ; on les aime, on les célèbre, ils font partie de la précieuse « couleur locale », et chacun sait qu’il en reste bien peu, non seulement en France, mais en Europe.

1662. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Deuxième partie — Chapitre IV. L’unification des sociétés »

Les grandes villes, foyers désignés des idées démocratiques, y sont, nous l’avons vu, plus rares que dans le reste de l’Europe. — Il est vrai que, sous nos yeux, de jour en jour, des centres populeux se forment jusque dans l’Empire des tsars ; toutes les industries russes, et en particulier celle des transports, se perfectionnent peu à peu207.

1663. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXVI. Des oraisons funèbres et des éloges dans les premiers temps de la littérature française, depuis François Ier jusqu’à la fin du règne de Henri IV. »

Mais il en est ainsi de presque tous les honneurs : la justice les institue, la politique les conserve quelque temps au mérite, bientôt la vanité les réclame comme un droit, le vice les usurpe par l’intrigue : au lieu d’honorer ceux à qui on les accorde, quelquefois ceux qui les obtiennent les déshonorent ; et ce qui devait être glorieux et rare, finit par être prodigué et avili.

1664. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre XV. »

Elle n’y prenait pas une place à part ; elle n’avait pas su attacher aux traditions religieuses et aux fêtes nationales quelques empreintes immortelles d’imagination et d’art, ; elle n’était pas entrée dans la vie des Romains, moins poétique et moins libre que celle des Grecs : et, si elle s’était mêlée parfois à ces œuvres artificielles du théâtre que Rome victorieuse chercha comme une distraction, elle n’avait eu, sous cette forme, qu’un rôle secondaire, dont le cadre même devenait difficile et rare sous le pouvoir absolu d’Auguste.

1665. (1857) Causeries du samedi. Deuxième série des Causeries littéraires pp. 1-402

Il semble, au premier abord, que le mysticisme dans le roman soit le contraire du matérialisme, et il n’est pas rare d’entendre les personnes à qui l’on parle de l’immoralité de Balzac se récrier en alléguant ceux de ses ouvrages où le sentiment et l’âme dominent de toutes les hauteurs de l’infini les sens et la chair. […] Il est bien rare que, dans ses ouvrages, la fin réponde au milieu, et les derniers chapitres aux premières pages. […] Gaberel a parlé de lui avec une sympathie qu’expliquent ses malheurs, sa qualité de compatriote, et ces rares lueurs de sentiment chrétien mêlées, chez cet infortuné rêveur, à tant de folies et d’alliage. […] Ce sera là, en même temps, mon excuse et mon hommage : à une époque littéraire où lu phrase tyrannise la pensée et souvent se passe d’elle, où l’ivresse des mots dissimule la disette des idées, ces rares ouvrages, pleins, solides, nourrissants, riches de fond, précis de forme, ont droit à quelque chose de plus que de banales louanges. […] Elle recouvrit tout cela par un mâle courage, une persistance énergique, une fidélité rare à ses amitiés, et cette fierté patricienne qui n’excuse rien, mais rehausse tout.

1666. (1890) Impressions de théâtre. Quatrième série

Enfin on nous a révélé que « l’âme de Gondinet, du premier jusqu’au dernier jour, fut remplie par une seule amitié, par une seule affection, par un seul amour. » C’était donc une nature rare et charmante. […] Cet homme d’un si rare bon sens est aussi un homme d’imagination hardie et d’inépuisable humour. […] Vous croyez avoir fait quelque chose de merveilleux et de rare en démontrant que M.  […] Je crois aussi que les amours de cette sorte ont dû être infiniment rares pendant la Révolution et je me demande même s’ils ont été possibles. […] Il ne l’a jamais été (sauf de très rares exceptions) depuis la Renaissance.

1667. (1900) La vie et les livres. Cinquième série pp. 1-352

Lisons, afin de nous nettoyer les yeux et l’âme, ce vers du bon poète Pierre de Ronsard : L’amour, sans plus, du verd laurier m’agrée… Je sais un homme, qui est resté parmi nous comme un survivant d’une génération disparue, et dont l’exemple est un cas très rare, tout à fait singulier, d’amour des lettres. […] Il faut écouter cet idéaliste impénitent, comme on écoute les témoins, de plus en plus rares, des victoires impériales. […] La garde de nos institutions militaires exige chez ceux qui en sont chargés, l’exercice presque quotidien des facultés les plus rares. […] On trouve, en province, dans les plus petites provinces, des curés très vertueux, des pasteurs d’une rare culture.

1668. (1873) Molière, sa vie et ses œuvres pp. 1-196

Et les autographes du grand comique, ces autographes si rares et si précieux, on leur fait la chasse, et quelle joie si on parvenait à en découvrir encore quelqu’un d’inédit, comme vient de le faire le directeur des Archives de Montpellier ! […] Molière, « l’homme du monde qui travaillait avec le plus de difficulté », nous disent Vinot et La Grange, et qui avait tout prêts, un an à l’avance, les Divertissements qu’on lui demandait à l’improviste, maniait avec plus de facilité la parole que la plume, et, chose à noter et fort curieuse, il n’était point rare qu’il fît précéder ses pièces d’une sorte d’explication verbale par laquelle il entretenait les bonnes relations avec le public39. […] Elle est fort rare et à peu près introuvable. […] De pareils traits d’ailleurs, qui ouvrent de telles perspectives, ne sont pas rares dans son œuvre, et pour n’en citer qu’un, le monde moderne, épris d’égalité, ne doit-il pas regarder comme un des siens le poète qui, en plein xviie  siècle, s’est vaillamment écrié : La naissance n’est rien où la vertu n’est pas ? […] Actrice d’un talent rare, elle jouait Agnès de L’École des femmes d’une façon admirable et les applaudissements ne tarissaient pas .

1669. (1898) Politiques et moralistes du dix-neuvième siècle. Deuxième série

De ses deux éléments, l’un est impuissant, l’autre trop rare. […] C’est qu’il est rare qu’ils ne soient pas irritables. […] Ayant le courage de sa logique, qui est un courage assez rare, il demande et veut les libertés favorables à son Église, et aussi celles qui lui sont défavorables. […] Et les hommes aiment à penser librement, parce qu’ils sentent que l’essence même de la pensée est d’être libre, et qu’une pensée qui n’est pas spontanée, quelque rares qualités qu’elle puisse avoir d’ailleurs, a ce seul défaut et ce seul manque qu’elle n’est pas une pensée. […] La durée si courte de ce grand bouleversement social ne s’explique que trop par l’absence de fanatisme vrai et profond : « Ce qui est rare, c’est de persévérer dans la première ardeur, de ne pas se laisser abattre par sa propre victoire ; or, c’est ce qui a manqué le plus aux hommes de la Révolution.

1670. (1938) Réflexions sur le roman pp. 9-257

Il est très rare qu’un auteur qui s’expose dans un roman fasse de lui un individu vivant. […] Les exceptions sont rares. […] Adolphe, un des rares romans du xixe  siècle qui n’ait pas aujourd’hui une ride, est étranger, ou supérieur, à toute actualité. […] Zola, qui avait parcouru les livres de Taine à la librairie Hachette quand il y était commis (une de ses rares lectures) avait pensé offrir cette place à Taine en se proclamant son disciple. […] Mais la Prose pour des Esseintes ou Suzanne nous fait rêver une hyperbole, une pureté d’île, état rare, précaire et charmant qui prend fin par le retour de la règle, la rentrée au bercail.

1671. (1883) La Réforme intellectuelle et morale de la France

Les organisations militaires sont comme les outillages industriels ; un outillage vieillit vite, et il est rare que l’industriel réforme de lui-même l’outillage qui est en sa possession ; cet outillage, en effet, représente un immense capital d’établissement ; on veut le garder ; on ne le change que si la concurrence vous y force. […] La république ne peut avoir ni armée ni diplomatie ; la république serait un État militaire d’une rare nullité ; la discipline y serait très imparfaite ; car, ainsi que l’a bien montre M.  […] Chez nous, les dons brillants, le talent, l’esprit, le génie sont seuls estimes ; en Allemagne, ces dons sont rares, peut-être parce qu’ils ne sont pas fort prisés ; les bons écrivains y sont peu nombreux ; le journalisme, la tribune politique n’ont pas l’éclat qu’ils ont chez nous ; mais la force de tête, l’instruction, la solidité du jugement sont bien plus répandues, et constituent une moyenne de culture intellectuelle supérieure à tout ce qu’on avait pu obtenir jusqu’ici d’une nation.

1672. (1901) L’imagination de l’artiste pp. 1-286

Sans doute il est assez rare que ces images aient été inventées de toutes pièces. […] Il est rare que les adeptes du symbolisme, quand ils exposent eux-mêmes leurs théories, résistent au plaisir d’être obscurs. […] Mais on peut le remarquer : déjà ce talent devient de moins en moins rare. […] Les excellents modèles sont rares. […] Il est bien rare que dans une composition décorative les ornements qui encadrent le motif central ne soient pas hors d’échelle.

1673. (1911) Études pp. 9-261

Les plus rares y sont pris avec les plus familiers, les plus humbles avec les plus hardis. […] Mais parmi cette sensualité l’esprit s’insinue ; il défait sa richesse contractée ; il la clarifie, il l’épure, il l’articule, il la distille jusqu’à faire évanouir tout ce qui est lourd, trouble et charnel, tout ce qui manque à être rare. […] Ses rares images sont justes, mais elles ne sont pas de celles qui brusquement remplacent l’objet, qui le représentent en le supprimant. […] Dans les premières œuvres, ils étaient d’une généralité extrême ; ils laissaient fuir le plus âpre de leur sens pour ne plus être que grave retentissement ; en eux ne veillait qu’une rare et vide lueur, rayonnement de leur abstraction ; ils semblaient de « pâles flammes239 »..Les phrases du Voyage d’Urien étaient pleines d’une creuse lumière, pareille à celle de cette grotte azurée où vont errer les prisonniers d’Haïatalnefous : La barque y pénétrait par une très étroite ouverture et qu’on ne voyait plus dès qu’on était entré ; le jour qui passait sous les roches, à travers l’eau bleue prenait la couleur de la vague… et des roches du fond semblait venir la clarté indécise240. […] Le style d’Isabelle surtout contient beaucoup de ces mots rares et anciens250 ; c’est qu’ils semblent à Gide plus concrets, plus sensibles que tous les autres ; pendant leur sommeil, leur sens profond, que trop d’usage avait atténué, a repris sa vivacité ; rajeunis, ils montrent une vertu toute neuve, une justesse palpable.

1674. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome III pp. -

Ses découvertes, dans l’astronomie & dans les méchaniques, firent parler de lui dans toute l’Italie : il y mérita la réputation de génie rare, audacieux & créateur. […] Avec quelle pénétration étonante, quelle méthode rare, quel stile clair & concis, quelle imagination forte & brillante l’auteur y dévoile les erreurs des sens, & de cette même imagination ! […] Il avoit cet air de héros, ce courage, cette confiance, cet esprit fertile en ressources, ce bonheur soutenu, ce concours rare de qualités qui font imaginer & réussir les grandes entreprises. […] Un mérite bien rare qu’avoit Fossombrone, c’est qu’il ne s’enorgueillissoit point de ses victoires. […] C’est à lui qu’on est redevable de deux idées rares ; le concours concomitant & la science moyenne.

1675. (1898) Manuel de l’histoire de la littérature française « Livre III. L’Âge moderne (1801-1875) » pp. 388-524

Ce que Victor Hugo, ce que Musset, le vieux Dumas ou George Sand ont imité de Goethe ou de Byron, ce n’a jamais été que leur manière de vivre leurs romans, ou de « romancer » leur vie ; de se mettre eux-mêmes en scène ; de raconter, de confesser publiquement leurs amours ; le Werther du premier, le Don Juan du second ; — mais non pas la rare application de l’un au perfectionnement de sa propre individualité, ni la mort héroïque de l’autre. […] 2º L’Homme et l’Écrivain ; — et qu’il mérite qu’on ne l’oublie point, pour la seule originalité de sa physionomie ; — comme ayant passé sa vie de soldat à déserter son poste ; — sa vie publique à jouer au « paysan » en traduisant du grec dans le français d’Amyot ; — et comme ayant réuni dans ses meilleurs écrits le sentiment le plus délicat du style à une rare grossièreté de pensées. — Quelles raisons il a eues de se ranger dans l’opposition libérale sous la Restauration ; — et si la principale n’en a pas été son échec à l’Académie des inscriptions, 1818 ? […] 2º L’Écrivain ; — et d’abord, ce qu’il y a dans son œuvre de la tradition des idéologues, et même des encyclopédistes. — Les premiers maîtres de Stendhal : Montesquieu, Marivaux, Duclos, Helvétius, Cabanis. — La carrière militaire et administrative d’Henri Beyle, 1800-1814 ; — et d’une expérience de la vie, rare chez les hommes de lettres, qu’il y a de bonne heure acquise. — Son admiration pour Napoléon [Cf.  […] 2º Le rôle de Mérimée ; — et qu’il semble avoir été d’un ironiste ; — qui n’aurait feint de croire au romantisme, — que pour le mieux connaître ; — s’en mieux moquer ; — et finalement le discréditer. — Les débuts de Mérimée : le Théâtre de Clara Gazul, 1825, — et La Guzla, 1827 ; — et que, si la « couleur » en est d’un romantique, — l’idée première en est d’un curieux de toutes choses ou d’un dilettante ; — et bien moins d’un disciple de Chateaubriand — que d’un élève de Fauriel et d’un ami de Stendhal. — La Chronique du règne de Charles IX, 1829 ; — Le Vase étrusque, 1830 ; — La Double méprise, 1833 ; — et que déjà ces deux dernières Nouvelles n’ont presque plus rien de romantique. — Celles qui ont suivi : Les Âmes du Purgatoire, 1834, — et La Vénus d’Ille, 1837, semblent rentrer dans la formule romantique. — Mais ce n’est là qu’une apparence ; — et on le voit bien dans Colomba, 1840 ; —  Arsène Guillot, 1844 ; — Carmen, 1845 ; — où l’on ne retrouve plus du romantisme que deux traits seulement : la recherche de la « couleur locale » ; — et la glorification de l’énergie ; — mais à peine quelque intention de faire montre de soi-même. — On n’y trouve non plus aucune déclamation ; — et l’art y consiste au contraire à faire rentrer le rare ou le singulier sous les conditions communes de la réalité. — C’est ce qui aurait suffi ; — quand d’ailleurs il n’aurait pas eu des goûts d’archéologue et d’érudit, — pour conduire Mérimée à l’histoire ; — et, en effet, c’est par l’histoire qu’il a fini ; — assez obscurément d’ailleurs ; — et en se moquant du « réalisme » à la formation duquel il avait pourtant contribué ; — comme il s’était moqué jadis du « romantisme » ; — tout en faisant campagne avec lui. […] 2º Le rôle de Baudelaire ; — et qu’il est tout à fait posthume. — Les Fleurs du mal elles-mêmes auraient passé presque inaperçues, — sans l’espèce de condamnation qui leur valut dans leur nouveauté une popularité de mauvais aloi. — Mais sa mort, en 1867, ayant ramené l’attention sur Baudelaire, — et levé le scrupule que beaucoup de gens eussent eu de son vivant à se dire son admirateur ou son disciple, — c’est à partir de ce moment qu’il a exercé, — et qu’il exerce encore une influence réelle, — dont on peut réduire l’action à trois points. — Il a réalisé cette poésie morbide, — qu’avait rêvée Sainte-Beuve au temps de sa jeunesse, — et dont le principe est l’orgueil d’avoir quelque maladie plus rare ou plus monstrueuse. — Il a découvert ainsi et exprimé quelques rapports, — dont le caractère maladif est relevé par l’acuité des sensations qu’ils procurent ; — et aussi par la brutalité même des mots dont on a besoin pour les exprimer. — Et enfin, en s’attachant à l’expression de ces rapports, — il a inauguré le symbolisme contemporain ; — si ce symbolisme consiste essentiellement dans le mélange confus du mysticisme et de la sensualité. — La question qui se pose d’ailleurs sur ces « innovations » — est de savoir jusqu’à quel point l’auteur en fut sincère — et si toute une école n’a pas été la dupe d’un dangereux mystificateur.

1676. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « LEOPARDI. » pp. 363-422

… » Et l’un des morts lui apprend que ce réveillon ne tire pas à conséquence, que c’est la première célébration de la grande année mathématique qui s’accomplit en ce moment, et que les morts n’en ont plus de ce rare sabbat périodique que pour un quart d’heure. — Ruysch en profite pour les interroger sur tant de choses qu’ils doivent savoir mieux que les vivants ; et le quart d’heure est bientôt passé, même un peu trop vite pour le philosophe et avant qu’il ait obtenu toutes les réponses satisfaisantes152. — Dans le dialogue intitulé Parini, ou de la Gloire, Leopardi met dans la bouche du sage poëte Parini, sous forme de conseils à un jeune homme, ses propres réflexions, qui sont comme le développement des paroles de l’antique Théophraste. […] Vers 1830, la santé de Leopardi, âgé seulement de trente-deux ans, était tellement perdue qu’elle ne lui permettait que de rares instants d’application.

1677. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE CHARRIÈRE » pp. 411-457

J’avais été mis depuis longtemps sur la trace de Mme de Charrière par la lecture des Lettres de Lausanne ; mieux informé de toutes choses par rapport à elle durant mon séjour dans le pays, j’aurais cru manquer à une sorte de justice que de ne pas venir, tôt ou tard, parler un peu en détail d’une des femmes les plus distinguées assurément du dix-huitième siècle, d’une personne si parfaitement originale de grâce, de pensée et de destinée aussi, qui, née en Hollande et vivant en Suisse, n’écrivait à la fin ses légers ouvrages que pour qu’on les traduisît en allemand, et qui pourtant, par l’esprit et par le ton, fut de la pure littérature française, et de la plus rare aujourd’hui, de celle de Gil Blas, d’Hamilton et de Zadig. […] Il y disait : « Ce n’est qu’une bagatelle, assurément ; mais c’est une très-jolie bagatelle ; mais il y a de la facilité, de la rapidité dans le style, des choses qui font tableau, des observations justes, des idées qui restent ; mais il y a dans les caractères cet heureux mélange de faiblesse et d’honnêteté, de bonté et de fougue, d’écarts et de générosité, qui les rend à la fois attachants et vrais ; il y a une sorte de courage d’esprit dans tout ce qu’ils font, qui les fait ressortir, et je soutiens qu’avec une âme commune on ne les eût point inventés ; mais il y a une très-grande vérité de sentiments : toutes les fois qu’un mot de sentiment est là, c’est sans effort, sans apprêt ; c’est ce débordement si rare qui fait sentir qu’il ne vient que de la plénitude du cœur, dont il sort et coule avec facilité, sans avoir rien de recherché, de contraint, d’affecté, ni d’enflé… » 223.

1678. (1860) Cours familier de littérature. X « LIXe entretien. La littérature diplomatique. Le prince de Talleyrand. — État actuel de l’Europe » pp. 289-399

Sa parole n’entrouvrait que par quelques éclairs rares et courts l’horizon voilé de son esprit. […] Sa seule consolation avait été d’y rencontrer çà et là quelques rares compagnons d’infortune, membres, comme lui, de l’Assemblée constituante, fuyant l’échafaud, naufragés sur ce nouveau monde, cultivant avec leur famille les steppes de l’Amérique du Nord.

1679. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCIIIe entretien. Vie du Tasse (3e partie) » pp. 129-224

Il put y recevoir de rares visiteurs ; le voyageur français Montaigne, en contemplant cette triste ruine, s’apitoya sur la dégradation du génie. […] Il se lia d’une amitié, d’abord poétique, puis intime, avec le marquis Manso de Villa, jeune seigneur qui méritait le rôle de Mécène du seizième siècle, et qui, après avoir été l’ami du Tasse, devint plus tard l’ami de Milton, attachant ainsi, par la plus rare des fortunes, son souvenir par des liens de cœur aux deux plus immortelles épopées du monde chrétien.

1680. (1864) Cours familier de littérature. XVII « XCIXe entretien. Benvenuto Cellini (1re partie) » pp. 153-232

« En quittant Naples, je cachai mon argent sur mon dos, à cause des voleurs, qui ne sont point rares dans ce pays. […] « Étant entré dans l’hôtellerie, je montai dans une chambre où se trouvaient à table plusieurs gentilshommes, et une dame de la plus rare beauté.

1681. (1864) Cours familier de littérature. XVII « CIIe entretien. Lettre à M. Sainte-Beuve (2e partie) » pp. 409-488

« Il y a une audace et un abandon dans la confidence des mouvements d’un pareil cœur, bien rares en notre pays et qui annoncent le poète. […] Félicité rare !

1682. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXIe entretien. Conversations de Goethe, par Eckermann (3e partie) » pp. 5-96

Il faut donc, sous peine de forcer ces grandes natures à se réfugier dans le tombeau avant l’heure marquée par le destin et à chercher la paix dans le suicide, il faut que la Providence, dans sa bonté infinie pour tous les êtres, donne à cet homme d’élite la goutte d’eau de l’éponge qu’on laisse tomber sur les lèvres pâles du Nazaréen dans son agonie sur la croix ; cette goutte d’eau, c’est le culte fidèle de quelques rares et tendres admirateurs au-dessus du monde par leur intelligence et leur dévouement, qui s’attachent aux pas, aux malheurs même des hommes supérieurs et persécutés, et qui les suivent de station en station jusqu’à leur supplice ou à leur mort. […] Il parla de la bonté du cœur de la régente actuelle, des grandes espérances que faisait naître le jeune prince5, et se répandit avec une prédilection visible sur les rares qualités de la princesse régnante, qui s’appliquait avec tant de noblesse à calmer partout les souffrances et à faire prospérer tous les germes heureux.

1683. (1856) Jonathan Swift, sa vie et ses œuvres pp. 5-62

Son visage était maigre, ses cheveux lisses et rares, sa voix creuse. […] Vers 1736, il se sentit, avec désespoir, survivre à sa raison ; il ne la recouvra plus qu’à de rares intervalles.

1684. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre VI » pp. 394-434

Non, certes, je ne dirai pas alors que vous êtes un grand talent, un rare esprit, je dirai mieux que cela, je dirai que vous êtes un heureux artiste. […] La critique a beaucoup perdu en perdant mademoiselle Mars ; elle portait un de ces noms très rares que le public aime à rencontrer dans nos discours ; elle était hardie et se mêlait volontiers aux œuvres nouvelles ; elle enfantait à chaque instant des choses inconnues, elle s’est battue, au premier rang, dans la première œuvre de M. 

1685. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Paul Féval » pp. 107-174

Selon moi, Raymond Brucker fut, de nature, ce que je me permettrai d’appeler un homme-cause (chose rare !) […] Faire aimer la puissance à ceux qui la subissent, chose rare, dans ce temps surtout où l’orgueil n’en veut plus, de puissance !

1686. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « L’abbé de Bernis. » pp. 1-22

La première commotion passée, il se dit avec ce bon sens et cette réflexion sans amertume dont il était pourvu et qui formait la base de son caractère : « Je n’ai plus de fortune à faire : je n’ai qu’à remplir honnêtement la carrière de mon état, et à m’acquérir la considération qui doit accompagner une grande dignité : pour cela la retraite est merveilleuse. » C’est sous cette dernière forme, non plus politique, non plus tout à fait mondaine, non pas absolument ecclésiastique, mais agréablement diversifiée et mélangée ; c’est dans cette retraite suivie et couronnée bientôt d’une grande ambassade, qu’il nous sera possible de l’étudier désormais en sa qualité de cardinal, et que nous aimerons à reconnaître de plus en plus en lui le personnage considérable, d’un esprit doux, d’une culture rare et d’un art social infini.

1687. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Sully, ses Économies royales ou Mémoires. — I. » pp. 134-154

Au lieu de voir en lui ce qu’il était avant tout, un caractère et une capacité rare, diverse et complexe, formée avec travail et appliquée au fur et à mesure aux diverses circonstances et difficultés de son temps, on lui prêta une doctrine générale, philosophique, d’après le Télémaque ou d’après les économistes.

1688. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Nouvelles lettres de Madame, mère du Régent, traduites par M. G. Brunet. — I. » pp. 41-61

Chose rare à la Cour, elle aimait la joie pour elle-même : « La joie est très bonne pour la santé, pensait-elle ; ce qui est sot, c’est d’être triste. » Elle rompait la monotonie des formes cérémonieuses, des menuets en tout genre, des longs repas silencieux.

1689. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « M. Daru. Histoire de la république de Venise. — I. » pp. 413-433

C’est ainsi qu’en multipliant à plaisir ses travaux, et en se créant avec une rare vigueur de pensée ces surcroîts et comme ces superfluités d’action et d’emploi au milieu d’occupations qui, seules, eussent absorbé tout autre, Daru, sans s’en douter, préludait à ce rôle qui devait l’illustrer un jour, celui d’administrateur de la plus forte trempe sous le capitaine le plus infatigable qui ait jamais existé.

1690. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « William Cowper, ou de la poésie domestique (I, II et III) — I » pp. 139-158

Les visites de nuit que tu faisais dans ma chambre pour savoir si j’étais sain et sauf et chaudement couché ; tes largesses du matin avant le départ pour l’école, le biscuit ou la prune confite ; l’eau odorante que ta main prodiguait à mes joues jusqu’à ce qu’elles fussent brillantes de fraîcheur et luisantes, tout cela, et ce qui fait plus chérir que tout encore, ce courant continu d’amour que rien en toi n’interrompait, que ne troublèrent jamais ces débordements et ces sécheresses que crée une humeur inégale ; tous ces souvenirs, toujours lisibles dans les pages de ma mémoire et qui le seront jusqu’à mon dernier âge, ajoutent le plaisir au devoir, me font une joie de te rendre de tels honneurs que le peuvent mes vers ; un bien fragile témoignage peut-être, mais sincère, et qui ne sera point méprisé au ciel, quand il passerait inaperçu ici-bas… Si le Temps pouvait, retournant son vol, ramener les heures où jouant avec les fleurs brodées sur ta robe, — violette, œillet et jasmin, — je les dessinais sur le papier avec des piqûres d’épingle (et toi, pendant ce temps-là, tu étais encore plus heureuse que moi, tu me parlais d’une voix douce et tu me passais la main dans les cheveux, et tu me souriais) ; si ces jours rares et fortunés pouvaient renaître, s’il suffisait d’un souhait pour les ramener, en souhaiterais-je le retour ?

1691. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Maine de Biran. Sa vie et ses pensées, publiées par M. Ernest Naville. » pp. 304-323

La seule conclusion que nous tirons, nous, lecteur vulgaire, de ce rare sentiment de satisfaction que nous le voyons éprouver quand il a fini et bien fini, c’est que ce qui lui a manqué, ç’a été la satisfaction plus fréquente de produire, et le plaisir sérieux, mérité, qui accompagne un labeur plus ou moins facile, mais répété, habituel et fécond.

1692. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Œuvres de Vauvenargues tant anciennes qu’inédites avec notes et commentaires, par M. Gilbert. — II — Vauvenargues et le marquis de Mirabeau » pp. 17-37

Le fond de ces écrits est le plus souvent raisonnable ; c’est la forme seule qui est étrange, sauvage, rocailleuse, et (sauf de rares et heureux endroits) des plus rebutantes.

1693. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Merlin de Thionville et la Chartreuse du Val-Saint-Pierre. »

L’église était resplendissante de dorures et divisée en quatre parties : le sanctuaire, surmonté d’une couronne soutenue par des colonnes de marbre de vingt-cinq à trente pieds de hauteur ; le chœur des chantres, garni de stalles en bois de chêne d’une rare beauté, avec des panneaux incrustés en bois de diverses couleurs, et des tableaux représentant la vie de saint Bruno ; le transept contenant d’un côté l’autel de la Vierge, de l’autre celui de saint Bruno, avec la statue en marbre blanc de ce bienheureux ; la nef, dans laquelle le public était admis une fois l’an, séparée du reste par une haute et magnifique grille, toute chargée de dorures.

1694. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « La comtesse de Boufflers. »

J’ai cru et je crois encore payer une dette délicate, remplir un devoir de politesse et d’honneur comme de justice, envers des personnes rares, si brillantes à leur heure, si fêtées et méritant de l’être, mais dont la mémoire, pour peu qu’on néglige d’en recueillir avec quelque précision les témoignages et les traits distinctifs, se dissipe de loin, s’efface peu à peu et s’évanouit.

1695. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « La comtesse de Boufflers (suite.) »

« En vérité, le monde n’est pas si corrompu que ces messieurs le prétendent ; la bonté n’est pas rare ; chaque nation offre à celui qui les cherche une infinité d’hommes estimables, portés par leurs principes ou par leur naturel à aimer, à servir ceux qui leur ressemblent ; partout le mérite et l’honneur trouvent de l’appui, des secours, des amis.

1696. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Sismondi. Fragments de son journal et correspondance »

Et en effet, esprit essentiellement moderne, Sismondi n’aura rien de l’art antique ; il appréciera peu ce je ne sais quoi qui fait la finesse rare et la simplicité exquise des anciens.

1697. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Dominique par M. Eugène Fromentin »

J’y suis le matin, j’y suis à midi, j’y retourne le soir ; j’y suis seul et n’y vois personne, hormis de rares visiteurs qui s’approchent, attirés par le signal blanc de mon ombrelle, et sans doute étonnés du goût que j’ai pour ces lieux élevés… A l’heure où j’arrive, un peu après le lever du soleil, j’y trouve une sentinelle indigène encore endormie et couchée contre le pied de la tour.

1698. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Dominique par M. Eugène Fromentin (suite et fin.) »

Quelquefois en plein hiver ou bien aux premières brumes, un matin, un oiseau plus rare s’envolait, à l’endroit du bois le plus abandonné avec un battement d’ailes inconnu, très bruyant et un peu gauche, quoique rapide.

1699. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Catinat (suite et fin.) »

Saint-Simon enfin, le grand peintre, — et aussi grand par là qu’il est hasardé en ses anecdotes, — a achevé de le fixer au vif dans la mémoire, quand il a dit à l’occasion de sa mort (22 février 1712) : « J’ai si souvent parlé du maréchal Catinat, de sa vertu, de sa sagesse, de sa modestie, de son désintéressement, de la supériorité si rare de ses sentiments, de ses grandes parties de capitaine, qu’il ne me reste plus à dire que sa mort dans un âge très-avancé [74 ans], sans avoir été marié, ni avoir acquis aucunes richesses, dans sa petite maison de Saint-Gratien, près Saint-Denis, où il s’était retiré, d’où il ne sortait plus depuis quelques années, et où il ne voulait presque plus recevoir personne.

1700. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Réminiscences, par M. Coulmann. Ancien Maître des requêtes, ancien Député. »

Il est l’un des rares Français qui virent lord Byron ; il le visita à Gênes, recueillit la conversation qu’il eut avec le noble poète, et reçut même de lui une lettre qu’il publia dans le temps et qu’il reproduit aujourd’hui.

1701. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Mémoires de Malouet (suite.) »

Il se fit conduire chez moi : c’était un jour d’assemblée ; nous avions alors une escadre hollandaise en rade, commandée par l’amiral Kinsbergen, homme d’un rare mérite ; nous avions de plus un vaisseau de guerre suédois : tour, ces étrangers et plusieurs officiers de la marine française se trouvaient à l’intendance, lorsqu’on annonça l’abbé Raynal, que personne n’attendait.

1702. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Œuvres inédites de F. de La Mennais »

Cette joie intérieure est à remarquer chez lui, car elle est rare et elle dure peu.

1703. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Madame Desbordes-Valmore. »

Il y a de l’esprit de reste en France, mais la vraie sensibilité y est beaucoup plus rare, et c’est là un de vos domaines.

1704. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « George Sand — Note »

Elle y fut amenée par Planche qui lui servait de cavalier, et qui était alors dans une de ses courtes et rares périodes d’élégance ; elle connaissait très-peu d’entre nous, trois ou quatre au plus ; elle fut l’objet d’une vive curiosité qu’elle soutint simplement et avec bon goût, observant, parlant peu ; elle se retira de bonne heure.

1705. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « MME DESBORDES-VALMORE. (Les Pleurs, poésies nouvelles. — Une Raillerie de l’Amour, roman.) » pp. 91-114

A ses heures riantes, ce qui est rare, quand elle oublie un moment sa peine et qu’elle se met à décrire et à conter, il lui arrive le défaut tout contraire à la diffusion éthérée de Lamartine, elle tombe dans le petit, dans l’imperceptible, dans la vignette scintillante : Un tout petit enfant s’en allait à l’école… O mouche, que ton être occupa mon enfance !

1706. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « QUELQUES VÉRITÉS SUR LA SITUATION EN LITTÉRATURE. » pp. 415-441

Autour des noms les plus honorés, il n’est pas rare de trouver, comme des clients sous le patron, les plumes les plus abjectes et les plus viles, flattant ici et blessant là, célébrant qui les accepte et insultant qui les méprise : c’est à ce double emploi qu’elles doivent leur faveur et leur sportule.

1707. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Boileau »

Mais ces accidents champêtres, et toujours et avant tout ingénieux, sont rares chez Boileau, et ils le devinrent de plus en plus avec l’Age. — Puisque nous en sommes à ce détail, ne laissons pas de remarquer encore que la fontaine Polycrècne, dont il est question dans la même épître et qui arrose la vallée de Saint-Chéron, près de Bàville, fontaine chantée en latin par tous les doctes et les beaux-esprits du temps, Rapin, Huet, etc., est restée connue dans le pays sous le nom de fontaine de Boileau.

1708. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre cinquième. Le peuple. — Chapitre III »

» Vingt-cinq ans avant la Révolution, il n’était pas rare d’en voir quinze ou vingt « tomber dans une ferme pour y coucher, intimider les fermiers, et en exiger tout ce qu’il leur plaisait »  En 1764, le gouvernement prend contre eux des mesures qui témoignent de l’excès du mal760 : « Sont réputés vagabonds et gens sans aveu, et condamnés comme tels, ceux qui, depuis six mois révolus, n’auront exercé ni profession ni métier, et qui, n’ayant aucun état ni aucun bien pour subsister, ne pourront être avoués ni faire certifier de leurs bonnes vies et mœurs par personnes dignes de foi… L’intention de Sa Majesté n’est pas seulement qu’on arrête les vagabonds qui courent les campagnes, mais encore tous les mendiants, lesquels, n’ayant point de profession, peuvent être regardés comme suspects de vagabondage. » Pour les valides, trois ans de galères ; en cas de récidive, neuf ans ; à la seconde récidive, les galères à perpétuité.

1709. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre V. Transition vers la littérature classique — Chapitre I. La littérature sous Henri IV »

Le sonnet se fait rare chez lui, et il ne tente plus guère les formes savamment compliquées de la Pléiade.

1710. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Jules de Glouvet »

M. de Glouvet a eu cette fois la chance rare de dresser en pied une figure humaine qui représente un sentiment très général et très beau sous une forme concrète et dans des conditions très particulières et très pittoresques.

1711. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Victor Duruy » pp. 67-94

Et cela déjà, Messieurs, est un éloge tout à fait rare, même ici.

1712. (1894) Propos de littérature « Chapitre II » pp. 23-49

Un livre rare et personnel de M. 

1713. (1890) L’avenir de la science « XIII »

Il n’est pas rare de voir dans les journaux littéraires, dans les actes des congrès philologiques, etc., un savant prévenir ses confrères qu’il a entrepris un travail spécial sur tel sujet et les prier en conséquence de lui envoyer tout ce que leurs études particulières leur ont fait rencontrer sur ce point.

1714. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre XI, les Suppliantes. »

Aucune catastrophe et peu d’incidents, des péripéties lentes et rares.

1715. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — Chapitre XII »

Qui n’a rencontré, dans quelque salon, M. de Chantrin, le bellâtre frisé, brossé, peigné, poncé, bien élevé, orné de favoris soyeux dont pas un poil ne passe l’autre, et juchant, sur sa cravate blanche, une de ces têtes de cire où flânent, comme dit Stendhal, « des idées convenables et rares ».

1716. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Adrienne Le Couvreur. » pp. 199-220

On raconte qu’à ses débuts à Paris, au milieu des vifs applaudissements qu’elle excitait, un seul homme, enfoncé dans un coin de loge, et résistant à l’enthousiasme universel, se bornait de temps en temps et à de rares endroits à dire : « C’est bon, cela ! 

1717. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Œuvres de Barnave, publiées par M. Bérenger (de la Drôme). (4 volumes.) » pp. 22-43

Si Barnave a jamais atteint à quelque chose qui approche de ce qu’on peut appeler le sentiment ou l’expression poétique (accident chez lui très rare), c’est ce jour-là qu’il y est arrivé par l’émotion.

1718. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) «  Mémoires et correspondance de Mme d’Épinay .  » pp. 187-207

Aujourd’hui je n’ai voulu qu’insister sur des mémoires curieux et presque naïfs d’une époque raffinée, sur un monument singulier des mœurs d’un siècle, et aussi rappeler l’attention sur une femme dont on peut dire, à sa louange, que, dans tous ses défauts comme dans ses qualités, elle fut et resta toujours vraiment femme, ce qui devient rare.

1719. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Lettres de lord Chesterfield à son fils. Édition revue par M. Amédée Renée. (1842.) » pp. 226-246

Votre lot a été et est encore un des plus désirables dans cette grande loterie où les bons billets sont si rares, et où le gros lot d’un bonheur continuel n’a été encore gagné par personne.

1720. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Madame Geoffrin. » pp. 309-329

Voilà le rare et le délicat.

1721. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Procès de Jeanne d’arc, publiés pour la première fois par M. J. Quicherat. (6 vol. in-8º.) » pp. 399-420

Sans pouvoir me permettre ici d’aborder une question qui est tout entière du ressort de la physiologie et de la science, je dirai seulement que le seul fait d’avoir entendu des voix et de les entendre habituellement, de se figurer que les pensées nées du dedans, et qui reviennent sous cette forme, sont des suggestions extérieures ou supérieures, est un fait désormais bien constaté dans la science, un fait très rare assurément, très exceptionnel, mais qui ne constitue nullement miracle, et qui non plus ne constitue pas nécessairement folie : c’est le fait de l’hallucination proprement dite.

1722. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Le duc de Lauzun. » pp. 287-308

Des aventures galantes, romanesques, des voyages, des courses de chevaux, une grande magnificence de train, lui avaient valu cette rare renommée.

1723. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Jasmin. (Troisième volume de ses Poésies.) (1851.) » pp. 309-329

Nul poète n’a reçu autant d’éloges que lui, et nul ne se gêne moins à paraître les aimer, mais il a cela de particulier que ces éloges ne lui ont fait faire aucune folie : il a porté son ivresse de poète avec un rare bon sens : « Je ne sais aucun faux pas de lui », me disait quelqu’un qui le connaît bien.

1724. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Histoire des travaux et des idées de Buffon, par M. Flourens. (Hachette. — 1850.) » pp. 347-368

On cite chez lui quelques exemples charmants d’une langue neuve et véritablement trouvée, mais ils sont rares.

1725. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Essai sur Amyot, par M. A. de Blignières. (1 vol. — 1851.) » pp. 450-470

Dans ses préfaces, dans ses dédicaces, dans le petit nombre de pages de son cru, sauf de rares endroits, Amyot est faible ; il écrit moins bien pour son compte que quand il traduit.

1726. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Notice historique sur M. Raynouard, par M. Walckenaer. » pp. 1-22

Ces traits spirituels sont rares dans sa critique écrite : il les réservait d’ordinaire pour sa conversation.

1727. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « M. Fiévée. Correspondance et relations avec Bonaparte. (3 vol. in-8º. — 1837.) » pp. 217-237

L’analyse de ces sentiments compliqués et divers qui sont aux prises au sujet de cet enfant mystérieux, ces trois situations de la mère, du fils et du père, sont démêlées avec une rare finesse et indiquées avec une sûreté de trait un peu sèche, mais curieuse et bien sentie.

1728. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Paul-Louis Courier. — II. (Suite et fin.) » pp. 341-361

Courier, quelle que soit l’idée qu’on se fasse de sa personne morale et de ses qualités sociales, restera dans la littérature française comme un type d’écrivain unique et rare.

1729. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Monsieur Michaud, de l’Académie française. » pp. 20-40

Michaud a le rare mérite de la bonne foi qui épuise sa recherche, de l’ordonnance raisonnable et de l’étendue7.

1730. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Montesquieu. — I. » pp. 41-62

Au milieu des hardiesses et des irrévérences des Lettres persanes, un esprit de prudence se laisse entrevoir par la plume d’Usbek ; en agitant si bien les questions et en les perçant quelquefois à jour, Usbek (et c’est une contradiction peut-être à laquelle n’a pas échappé Montesquieu) veut continuer de rester fidèle aux lois de son pays, de sa religion : « Il est vrai, dit-il, que, par une bizarrerie qui vient plutôt de la nature que de l’esprit des hommes, il est quelquefois nécessaire de changer certaines lois : mais le cas est rare ; et, lorsqu’il arrive, il n’y faut toucher que d’une main tremblante. » Rica lui-même, l’homme badin et léger, remarquant que dans les tribunaux de justice, pour rendre la sentence, on prend les voix à la majeure (à la majorité), ajoute par manière d’épigramme : « Mais on dit qu’on a reconnu par expérience qu’il vaudrait mieux les recueillir à la mineure : et cela est assez naturel, car il y a très peu d’esprits justes, et tout le monde convient qu’il y en a une infinité de faux. » C’est assez pour montrer que cet esprit qui a dicté les Lettres persanes ne poussera jamais les choses à l’extrémité du côté des réformes et des révolutions populaires.

1731. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Franklin. — I. » pp. 127-148

Franklin imagina un moyen de le gagner sans sollicitation ni bassesse, et ce moyen, ce fut de se faire rendre un petit service par lui : Ayant appris, dit-il, qu’il avait dans sa bibliothèque un certain livre très rare et curieux, je lui écrivis un mot où je lui exprimais mon désir de parcourir ce volume, et où je demandais qu’il me fît la faveur de me le prêter pour peu de jours : il me l’envoya immédiatement, et je le lui renvoyai au bout d’une semaine avec un autre billet qui lui exprimait vivement ma reconnaissance pour cette faveur.

1732. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Le cardinal de Richelieu. Ses Lettres, instructions et papiers d’État. Publiés dans la Collection des documents historiques, par M. Avenel. — Premier volume, 1853. — I. » pp. 224-245

Elle choisit pour cette exécution Thémines, dont Henri IV lui avait dit « qu’il était homme à ne reconnaître jamais que le caractère de la royauté », et à n’obéir qu’à elle : qualité qui devenait si rare !

1733. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Grimm. — I. » pp. 287-307

En même temps, dans les rares rencontres glorieuses, il est sensible aux belles et nobles actions de nos soldats.

1734. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « M. Necker. — II. (Fin.) » pp. 350-370

Comme écrivain, il s’était beaucoup formé par l’usage, et il était arrivé à se faire un style : style singulier, fin, abstrait, qui se grave peu dans la mémoire et ne se peint jamais dans l’imagination, mais qui atteint pourtant à l’expression rare de quelques hautes vérités.

1735. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre IV : La philosophie — II. L’histoire de la philosophie au xixe  siècle — Chapitre II : Rapports de l’histoire de la philosophie avec la philosophie même »

Sans doute l’éclectisme bien compris, celui d’un Platon ou d’un Plotin n’exclut pas, bien loin de là, implique un principe de conciliation qui se distingue de tous les points de vue précédents : mais on sait que rien n’est plus rare en philosophie que la découverte d’une idée absolument nouvelle ; et cependant, en attendant, il faut philosopher.

1736. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome I « Bibliotheque d’un homme de goût. — Chapitre VI. Des Livres qui traitent de la Rhétorique. » pp. 294-329

Une personne qui seroit en état d’étendre ou de resserrer une vérité, de la presser, ou de ne faire que l’indiquer selon qu’il s’appercevroit que cela conviendroit à la situation d’esprit de ses auditeurs, pourroit faire un grand fruit ; mais il est rare de trouver de telles personnes.

1737. (1913) Essai sur la littérature merveilleuse des noirs ; suivi de Contes indigènes de l’Ouest-Africain français « Essai sur la littérature merveilleuse des noirs. — Chapitre I. »

* * * En regard des fables — relativement rares — qui relatent les aventures d’animaux divers, il en est un grand nombre qui s’attachent avec complaisance à évoquer les tours pendables de frère lièvre à son éternelle dupe : l’hyène.

1738. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Saint-Simon »

Nous allons pouvoir goûter à loisir la sensation rare que donne le génie, — le plus grand bonheur pour la pensée !

1739. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Rivarol » pp. 245-272

plus rare que la gloire littéraire, car vous pouvez compter ce qu’il y a dans un siècle de littérateurs — et même de littérateurs de talent ! 

1740. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre v »

  Roger Cahen, Robert Hertz, Amédé Rothstein, toutes ces figures vigoureusement caractérisées offrent quelque chose de rare et de singulier.

1741. (1868) Curiosités esthétiques « VI. De l’essence du rire » pp. 359-387

Mais le cas est rare.

1742. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « II — L’inter-nationalisme »

Si pareilles exagérations se sont produites, amenant une réaction qui faisait proclamer récemment, par un éminent économiste américain, la banqueroute de la sociologie biologique, c’est peut-être parce que, — à d’éminentes mais rares exceptions près, — les recherches bio-sociologiques ont été poursuivies soit par des naturalistes peu au courant des questions sociales, soit par des sociologues dont les connaissances biologiques étaient incomplètes et superficielles. » Selon M. 

1743. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XX. Le Dante, poëte lyrique. »

Ici viennent à nous encore, comme des précurseurs du Dante, ou du moins comme des initiateurs de la langue qu’allait parler son génie, ces poëtes franciscains dont un rare talent de nos jours, un éloquent érudit, a retrouvé d’heureux échos.

1744. (1885) Le romantisme des classiques (4e éd.)

En butte à des hostilités puissantes, il finira par se courber sous ces prétendues lois, et n’essayera plus qu’à de rares intervalles d’en secouer le joug, après qu’on lui aura fait payer si cher son triomphe trop éclatant. […] Clindor Comme votre valeur, votre prudence est rare. […] Il est peut-être moins difficile aux rares génies de rencontrer le grand et le sublime que d’éviter toute sorte de fautes. […] Viguier a également percée à jour dans une dissertation érudite et piquante, vrai modèle du genre, comme tous les écrits, trop rares, qui sont sortis de sa plume. […] Éloge rare en son ingénuité sincère, de contemporain à contemporain, de poète à poète, d’artiste à artiste.

1745. (1911) L’attitude du lyrisme contemporain pp. 5-466

À présent, sans s’écarter du procédé plastique, qu’il n’abandonnera d’ailleurs jamais, le poète s’est enrichi d’images somptueuses et rares. […] Cette attitude est rare parmi les symbolistes : nous ne la retrouvons que chez Vielé-Griffin et chez Claudel, malgré le désir des poètes contemporains de « faire grand », comme l’a dit Beaunier20 Ainsi que Hugo, Verhaeren débute toujours par une vision ample, par une annonce claironnante de son sujet. […] Ils ne cherchent pas à enguirlander de fleurs rares des lieux communs classiques, mais à creuser à l’intérieur d’eux-mêmes, pour faire jaillir la source des émotions vraies et primordiales qui dort dans l’intime de notre être. […] Bien entendu, ce fut le contraire qui se produisit, à de rares exceptions près. […] Même le critique, chose rare pour l’époque, célèbre la muse d’André Theuriet comme elle le mérite « qui nous a fait voir des sous-bois où la lumière est fraîche et comme élastique, qui nous a récité la cantilène des ramilles et qui a bien aussi, je crois, pressenti l’immémoriale épopée des hauts arbres ».

1746. (1894) Dégénérescence. Fin de siècle, le mysticisme. L’égotisme, le réalisme, le vingtième siècle

Celui-ci montre les boucles courtes et la barbe frisée à deux pointes de Lucius Verus ; celui-là, la tête rasée au milieu en une large raie, sur les côtés les cheveux plus longs, et la moustache rare, hérissée comme chez les chats, d’un kakemono japonais ; son voisin, la barbiche de Henri IV ; un autre, la moustache farouche d’un lansquenet de F. […] Un cerveau vigoureux qui élabore chaque aperception en pleine netteté, une volonté forte qui arrête l’attention si difficile à fixer, sont des dons rares. […] Rares ceux qui savent profondément de quoi ils traitent, ceux qui ne cherchent pas à faire étalage et parade d’un parler sans autre mérite qu’une vanité de syllabes100 ». […] Aman-Jean au Salon du Champ-de-Mars, on remarque au premier coup d’œil la forte asymétrie du crâne que Lombroso a signalée chez les dégénérés115, et la physionomie mongoloïde caractérisée par les pommettes saillantes, les yeux bridés et la barbe rare, que le même savant regarde comme un stigmate de dégénérescence116. […] Les symbolistes admirent cette manifestation de l’imbécillité, en l’appelant « la recherche de l’épithète rare et précieuse ».

1747. (1907) Le romantisme français. Essai sur la révolution dans les sentiments et dans les idées au XIXe siècle

S’il confesse avoir été peu assidu aux cours, il en profite évidemment pour apprendre l’allemand, ce qui lui permettra d’être un des rares intellectuels français de son siècle à avoir de la culture germanique une connaissance étendue et directe. […] Parce que certains maîtres, en se servant trop du ressort de la crainte, rendent les enfants dissimulés, « les mensonges des enfants sont tous l’ouvrage des maîtres » Parce que c’est l’art le plus rare que de savoir mettre un principe à la portée du jeune âge, il ne faut lui inculquer aucun principe. […] Ces années de jeunesse illustre et d’amour, ou sait comme il les a romancées dans ce récit d’Eudore, où son habituel éclat se tempère d’une douceur inaccoutumée, de cette beauté d’émotion si rare chez lui. […] Il est extrêmement rare que la psychologie romantique n’associe pas ces qualités et ces fonctions à l’infamie, à la perversité, à la corruption, à la cupidité, à la stupidité, tout au moins à une basse médiocrité.

1748. (1853) Histoire de la littérature française sous la Restauration. Tome I

Il y avait dans cet ouvrage un caractère qui, avec les rares qualités de l’auteur, devait lui assurer un grand succès ; il enrôlait l’esprit moderne au service des idées chrétiennes. […] Mais ces défauts ne détruisent pas ses rares qualités, l’élévation de son esprit, la pénétration de son regard, la fermeté de sa raison et le spiritualisme de toutes ses conceptions religieuses, philosophiques et sociales. […] Hoffmann critiqua vivement l’ouvrage ; puis, comme l’auteur le fait remarquer avec raison dans ses Mémoires, il est rare qu’en France la malignité et la jalousie supportent deux succès consécutifs. […] La vie intellectuelle n’était pas en effet, pour M. de Maistre, comme une exception et une oasis dans la vie matérielle et mécanique qui emporte, dans son tourbillon, les hommes vulgaires, en ne leur permettant que de rapides et rares échappées sur les grandes questions qui sont tout l’homme et devraient l’occuper tout entier. […] Au fond, et sauf de rares exceptions, pour les hommes de l’école matérialiste et révolutionnaire, la liberté n’a jamais guère été qu’un moyen, et non un but : les hommes de lettres de l’intimité de Fouché, de courtisans du gouvernement impérial qu’ils avaient été, allaient se faire les courtisans de l’opinion publique ; ils changeaient de costume, non de rôle.

1749. (1882) Hommes et dieux. Études d’histoire et de littérature

Les pièces fausses se sont glissées dans cette « glyptothèque » où tout était rare et de premier choix. […] Ses rares amours, si elle en eut avant Henri II furent toutes politiques : instruments de règne et non de plaisir. […] La nourriture y est rare, la bonne chère y semble un prodige. […] Ses rares portraits font frémir ; ce masque blême et hagard semble la larve d’une race épuisée. […] Ces rares visites, surveillées comme celles d’une étrangère dans le parloir d’un couvent, n’en étaient pas moins bien venues.

1750. (1880) Une maladie morale : le mal du siècle pp. 7-419

Je ne sais si ceux qui l’entretenaient de projets de suicide eussent suivi sans hésiter un conseil favorable à ces projets, mais les consultations de ce genre n’étaient pas rares. […] Mais de tels instants sont rares ; la fatigue du corps épuise l’activité trompeuse qui ne me laisserait apercevoir autour de moi que l’abandon et l’uniformité. » Pas plus que dans les Libres méditations, le portrait de la solitude n’est flatté dans le roman d’Isabelle. […] Ils sont trop rares et trop rapides pour constituer un état ; et le bonheur que mon cœur regrette n’est point composé d’instants fugitifs, mais un état simple et permanent, qui n’a rien de vif en lui-même, mais dont la durée accroît le charme, au point d’y trouver enfin la suprême félicité. » Après lui, Zimmermann préconisait aussi, comme le grand moyen de bonheur, l’occupation dans le calme. […] Cette exception, rare dans la littérature que nous étudions, méritait d’être signalée. […] C’était le moment de leur plus grande faveur, et par un rare privilège elles avaient conquis à la fois l’admiration discrète des cœurs solitaires et le culte officiel qu’à l’exemple du maître leur rendait le monde de la cour et de l’armée.

1751. (1864) Physiologie des écrivains et des artistes ou Essai de critique naturelle

Heureux les nobles cœurs et les rares esprits qui gagnent la maturité sans perdre le désintéressement ! […] Moreau, de Tours, l’atteste avec l’autorité de la science, « les hypocondriaques sont loin d’être rares parmi les hommes d’un génie véritable. […] L’état de santé complète est plus rare qu’on ne croit. […] Autrement le génie serait aussi commun qu’il est rare, par la facilité que chacun aurait de s’en procurer à l’aide de quelques excitants cérébraux », Cet aveu est considérable. […] On s’enfuit dans son lit, le froid vous y poursuit… Qu’ils sont rares les maîtres d’étude qui, ce jour-là, ne donnent pas de pensum à leurs écoliers !

1752. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre I. La Renaissance païenne. » pp. 239-403

Vingt vers d’un poëte, douze lignes d’un traité sur l’agriculture, une colonne d’in-folio sur les armoiries, la description des poissons rares, un paragraphe d’un sermon sur la patience, le compte des accès de fièvre dans l’hypocondrie, l’histoire de la particule que, un morceau de métaphysique, voilà ce qui a passé dans son cerveau en un quart d’heure : c’est un carnaval d’idées et de phrases grecques, latines, allemandes, françaises, italiennes, philosophiques, géométriques, médicales, poétiques, astrologiques, musicales, pédagogiques, entassées les unes sur les autres, pêle-mêle énorme, prodigieux fouillis de citations entre-croisées, de pensées heurtées, avec la vivacité et l’entrain d’une fête de fous. « J’apprends, dit-il, de nouvelles nouvelles tous les jours,  — et les rumeurs ordinaires de guerre, pestes, incendies, inondations, vols, meurtres, massacres, météores, comètes, spectres, prodiges, apparitions, villes prises, cités assiégées en France, en Germanie, en Turquie, en Perse, en Pologne, etc. ; les levées et préparatifs journaliers de guerre et autres choses semblables qu’amène notre temps orageux, batailles livrées, tant d’hommes tués, monomachies, naufrages, pirateries, combats sur mer, paix, ligues, stratagèmes et nouvelles alarmes,  — une vaste confusion de vœux, désirs, actions, édits, pétitions, procès, défenses, proclamations, plaintes, griefs,  — sont chaque jour apportés à nos oreilles. —  De nouveaux livres chaque jour, pamphlets, nouvelles, histoires, catalogues entiers de volumes de toute sorte, paradoxes nouveaux, opinions, schismes, hérésies, controverses en philosophie, en religion, etc. […] Il n’est point d’idées qu’il ne répète sous cinquante formes ; quand il a épuisé les siennes, il verse sur nous celles des autres ; les classiques, les auteurs plus rares, connus seulement des savants, les auteurs plus rares encore, connus seulement des érudits, il prend chez tous. […] … No gate, but like one, being goodly dight With bowes and braunches wich did broad dilate Their clasping armes in wanton wreathings intricate : So fashioned a porch with rare device,  Archt over head with an embracing vine,  Whose brounches hanging downe seemed to entice All passers-by to taste their lushious wine,  And did themselves into their hands incline,  As freely offering to be gathered,  Some deepe empurpled as the hyaline,  Some as the rubine laughing sweetely red,  Some like faire emeraudes not yet well ripened… And in the midst of all a fountaine stood,  Of richest substance that on earth might bee,  So pure and shiny that the silver flood Through every channell running one might see. […] Archimedis cochlea, and rare devises to corrivate waters, music instruments, and trisyllable echoes again, again, and again repeated, with myriads of such.

1753. (1930) Physiologie de la critique pp. 7-243

Il est rare que l’une des trois reconnaisse le droit des deux autres à une existence indépendante. […] La multiplicité des journaux rend à la société les mêmes services de sagesse que la multiplicité des lectures de journaux différents rendra aux rares amateurs de conversation écrite. […] Si la critique universitaire a trois bêtes noires, dont une à deux têtes, la critique des journaux, des contemporains, a eu et a encore une bête triplement noire, qui est Brunetière, Brunetière (qui, dans son discours de réception à l’Académie, où il succédait à un journaliste, avait d’ailleurs lancé une déclaration de guerre aux journalistes) connut le rare privilège d’être considéré comme un cuistre et un crétin par la presque unanimité des journalistes de gauche et de droite. […] Et il ne s’agit pas seulement ici du génie individuel (rare dans le monde littéraire) mais du génie profond et vivant d’un genre, d’une époque, d’une religion. […] Quand elle réalise un de ses très rares chefs-d’œuvre, elle se comporte devant la réalité littéraire comme le romancier devant la réalité morale ou sociale.

1754. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre IV. La philosophie et l’histoire. Carlyle. »

Sur ce grand vide obscur du passé, ses yeux s’attachent aux rares points lumineux, comme à un trésor. […] Tout cela est racheté et au-delà par des avantages rares. […] Il est rare que notre esprit puisse saisir les ensembles : nous sommes resserrés dans un coin trop étroit du temps et de l’espace ; nos sens n’aperçoivent que la surface des choses ; nos instruments n’ont qu’une petite portée ; nous n’expérimentons que depuis trois cents ans ; notre mémoire est courte, et les documents par lesquels nous plongeons dans le passé ne sont que des flambeaux douteux, épars sur un champ immense, qu’ils font entrevoir sans l’éclairer.

1755. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Gui Patin. — I. » pp. 88-109

Belin, médecin de Troyes ; c’est une curiosité d’amateur qui lui dicte sa première lettre (20 avril 1630) : il s’est mis depuis quelques années à rechercher les antiquités de la faculté de Paris, à faire collection de toutes les thèses qu’on y a soutenues ; il en a déjà ramassé plus de cinq cents, mais ce sont surtout celles des vingt dernières années qu’il possède, à partir de 1609 : quant à celles qui remontent plus haut, elles sont plus rares, et il s’adresse à M. 

1756. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Duclos. — II. Duclos historien » pp. 224-245

Dans l’intervalle des phrases de Duclos que j’ai rapprochées, celui-ci a eu soin d’introduire un brillant éloge d’Agnès Sorel et un mot sur Jeanne d’Arc, qu’il appelle d’ailleurs une généreuse fille ; mais Agnès Sorel a tous les honneurs : Ce fut la maîtresse pour qui Charles eut la plus forte passion et qui fut la plus digne de son attachement : sa beauté singulière la fit nommer la belle Agnès… Rare exemple pour celles qui jouissent de la même faveur, elle aima Charles uniquement pour lui-même, et n’eut jamais d’autre objet dans sa conduite que la gloire de son amant et le bonheur de l’État.

1757. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « [Chapitre 5] — III » pp. 132-153

Il ne paraît pas se douter qu’ici il parle comme Pascal ; une telle rencontre est rare chez lui.

1758. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) «  Essais, lettres et pensées de Mme  de Tracy  » pp. 189-209

Penser par soi-même est fort rare en France dans le monde, et chez une femme c’est assez mal vu d’ordinaire ; on s’en indigne ou l’on en sourit.

1759. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Histoire du règne de Henri IV, par M. Poirson » pp. 210-230

Au dedans, si Henri IV avait vécu et si quinze années de règne lui avaient été accordées encore, on peut croire que la France se serait de plus en plus assise, aurait mûri (ce qui lui est chose rare) par voie de continuité.

1760. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Souvenirs militaires et intimes du général vicomte de Pelleport, publiés par son fils. » pp. 324-345

Les armes d’honneur n’étaient pas encore en usage, et les citations dans les bulletins étaient extrêmement rares ; aucun officier n’aurait osé y prétendre à l’exclusion de ses camarades ; tout était en commun dans ces familles militaires ; la gloire acquise par un de leurs membres devenait la propriété de tous, et contribuait à l’honneur et à la réputation du corps.

1761. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Horace Vernet (suite.) »

C’est ce qui fait qu’à cause de la vérité même de son rendu, on l’a appelé un trompe-l’œil, comme si ce n’était pas une rare qualité en peinture, la première dans un art d’imitation, que d’imiter ce qu’on a sous les yeux. » Vanité de la gloire et de la réputation, et non-seulement vanité, mais âcreté et amertume !

1762. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Horace Vernet (suite.) »

C’est dans son voyage de Syrie qu’Horace Vernet paraît avoir conçu pour la première fois ses idées sur l’immobilité de l’Orient et sur les applications qu’on en pouvait tirer à la peinture ; il lui arriva alors une chose rare, unique dans sa vie : il eut un système, il fit une théorie.

1763. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Théophile Gautier. »

C’est une dette que je me reprochais de n’avoir pas encore payée à l’un de nos confrères les plus distingués en art et en poésie, connu et aimé de tous, pas assez connu et apprécié, ce me semble, dans quelques-unes de ses branches les plus rares et les plus perfectionnées.

1764. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Anthologie grecque traduite pour la première fois en français et de la question des Anciens et des Modernes »

Mais je crois, en effet, que les choses humaines sont emportées de plus en plus dans un courant qui les sépare à jamais, et par tout un abîme, du goût et de l’esprit littéraire de l’Antiquité, et qu’il n’y aura dans l’avenir qu’une rare élite à qui il sera donné de conserver la tradition intacte, de préserver le feu sacré et le flambeau.

1765. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Jean-Bon Saint-André, sa vie et ses écrits. par M. Michel Nicolas. (suite et fin.) »

Il est rare, et heureusement il n’est pas nécessaire qu’il faille tant de préparations et d’épreuves pour devenir un bon préfet.

1766. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Maurice comte de Saxe et Marie-Josèphe de Saxe, dauphine de France. »

Ainsi, écrivant à sa sœur naturelle, la princesse de Holstein, qu’il fit dans un temps venir en France et qu’il pilota au début, il disait, non sans finesse, mais en exagérant un peu, je l’espère : « Comme il est d’usage en France que les femmes marchent comme les capucins, deux à deux, je ferai venir de Paris sur votre route une femme qui s’appelle Mme de Narbonne, qui est de fort bonne compagnie, et qui, ayant vécu toujours dans le grand monde français, en connaît parfaitement les usages ; elle a le bon ton, a été très riche, a de l’esprit, avec tout cela fort peu de cervelle ; mais c’est la chose du monde la plus rare dans ce pays-ci, et dont on fait le moins de cas. » Voilà pour le compte des femmes.

1767. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Maurice comte de Saxe et Marie-Joséphine de Saxe dauphine de France. (Suite et fin.) »

Saint-René Taillandier) nous montre en conséquence Mme Favart « se moquant des menaces aussi bien que des promesses, en butte à de lâches intrigues, poursuivie, jetée au fond d’un cachot, gardant purs et intacts la dignité de son art et l’honneur de son nom : rare leçon donnée par une comédienne à une société corrompue ! 

1768. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Le Général Franceschi-Delonne : Souvenirs militaires, par le général baron de Saint-Joseph. »

Les rares et aimables qualités du général Franceschi, son excellente éducation, ses talents d’agrément, son esprit supérieur, sans compter son haut mérite militaire, tout parlait pour lui et lui conciliait l’affection.

1769. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Madame Desbordes-Valmore. » p. 232

On serait trop tenté vraiment, à voir le détail d’une telle vie, et quel mal infini eut de tout temps à se soutenir et à subsister cette famille d’élite et d’honneur, ce groupe rare d’êtres distingués et charmants, comptant des amitiés et, ce semble, des protections sans nombre, chéris et estimés de tous, on serait tenté de s’en prendre à notre civilisation si vantée, à notre société même, à rougir pour elle ; et surtout si l’on y joint par la pensée le cortège naturel de Mme Valmore, cette quantité prodigieuse de femmes dans la même situation et « ne sachant où poser leur existence », courageuses, intelligentes et sans pain, « toutes ces chères infortunées » qui, par instinct et comme par un avertissement secret, accouraient à elle, qu’elle ne savait comment secourir, et avec qui elle était toujours prête à partager le peu qui ne lui suffisait pas à elle-même !

1770. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Le général Jomini. [V] »

Ils sont rares et par trop aimés du Ciel, ceux à qui il a été accordé d’emblée de donner au monde toute leur mesure : celui qui n’en donne que la moitié, et à la longue, est déjà l’un des heureux et des favorisés.

1771. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Victor Hugo — Victor Hugo en 1831 »

Les solutions habituelles qu’ils donnaient des problèmes étaient promptes, rigoureuses, mais en même temps indirectes, imprévues, d’une construction singulièrement rare et d’une symétrie compliquée.

1772. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. ULRIC GUTTINGUER. — Arthur, roman ; 1836. — » pp. 397-422

Ces jours sont assez rares ; ils pénètrent de leur harmonie et de leur douceur ; tous, jusqu’aux animaux, sont paisibles et soumis, et je n’entends ni imprécations ni jurements.

1773. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Pierre Corneille »

Mais il contracta en particulier avec Rotrou une de ces amitiés si rares dans les lettres, et que nul esprit de rivalité ne put jamais refroidir.

1774. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « M. Joubert »

« Voltaire l’avait, les anciens ne l’avaient pas. » Le style de son temps, du xviiie  siècle, ne lui paraît pas l’unique dans la vraie beauté française : « Aujourd’hui le style a plus de fermeté, mais il a moins de grâce ; on s’exprime plus nettement et moins agréablement ; on articule trop distinctement, pour ainsi dire. » Il se souvient du xvie , du xviie  siècle et de la Grèce ; il ajoute avec un sentiment attique des idiotismes : « Il y a, dans la langue française, de petits mots dont presque personne ne sait rien faire. » Ce Gil Blas, que Fontanes lui citait, n’était son fait qu’à demi : « On peut dire des romans de Le Sage, qu’ils ont l’air d’avoir été écrits dans un café, par un joueur de dominos, en sortant de la comédie. » Il disait de La Harpe : « La facilité et l’abondance avec lesquelles La Harpe parle le langage de la critique lui donnent l’air habile, mais il l’est peu. » Il disait d’Anacharsis  : « Anacharsis donne l’idée d’un beau livre et ne l’est pas. » Maintenant on voit, ce me semble, apparaître, se dresser dans sa hauteur et son peu d’alignement cette rare et originale nature.

1775. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Le comte de Ségur »

En se rappelant les éloquents, les généreux récits du fils, on aime à y associer par comparaison les mérites qui recommandent ceux du père, la mesure insensible du ton, ce style d’un choix si épuré, d’une aristocratie si légitime, et toute cette physionomie, si rare de nos jours, qui caractérise dans les lettres la postérité, prête à s’éteindre, des Chesterfield, des Nivernais, des Bouflers173. » Prête à s’éteindre !

1776. (1869) Cours familier de littérature. XXVII « CLXIe Entretien. Chateaubriand »

est comme ces sortes d’arbres qui ne donnent leur baume pour les blessures des hommes, que lorsque le fer les a blessés eux-mêmes. » Et encore, pour exprimer qu’il n’est point de cœur mortel qui n’ait au fond sa plaie cachée : « Le cœur le plus serein en apparence ressemble au puits naturel de la savane Alachua : la surface en paraît calme et pure ; mais, quand vous regardez au fond du bassin, vous apercevez un large crocodile, que le puits nourrit dans ses eaux. » Les funérailles d’Atala sont d’une rare beauté et d’une expression idéale.

1777. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXVIIIe entretien. Fénelon, (suite) »

Ce prince, pour échapper à la jalouse tyrannie de son grand-père, était obligé de faire un mystère de son attachement à Fénelon et de cacher, comme un crime d’État, sa rare correspondance avec son ami.

1778. (1892) Boileau « Chapitre II. La poésie de Boileau » pp. 44-72

Les impressions qu’il retirait des courtes et rares visites qu’il lui faisait, ne se reliaient pas suffisamment à ses idées : ces jouissances ne fournissaient rien à sa raison, et n’avaient pas de valeur intellectuelle ; aussi les goûtait-il sans en faire la matière d’un discours.

1779. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre II. Littérature bourgeoise — Chapitre I. Roman de Renart et Fabliaux »

Quelques thèmes plus rares et moins grossiers, au moins extérieurement, sont des histoires d’amour, mêlées ou non de merveilleux, qui font comme la transition entre les lais de Marie de France et les fabliaux bourgeois.

1780. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre II. La première génération des grands classiques — Chapitre II. Corneille »

La forme du dialogue cornélien est une des parties essentielles de son génie dramatique : ce dialogue tantôt se distribue en longs couplets, d’une rare éloquence, d’un raisonnement puissant et nerveux, et traversés d’éclatantes sentences, tantôt se ramasse en courtes répliques, qui se croisent et s’entre-choquent avec une singulière vivacité.

1781. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « Anatole France »

Anatole France est une des « résultantes » les plus riches de tout le travail intellectuel de ce siècle, et que les plus récentes curiosités et les sentiments les plus rares d’un âge de science et d’inquiète sympathie sont entrés dans la composition de son talent littéraire.

1782. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « La jeunesse du grand Condé d’après M. le duc d’Aumale »

Nous allons voir Gassion au pinacle, le plus actif, le plus clairvoyant des éclaireurs, le plus prompt, le plus vigoureux des officiers de bataille, réunissant ces parties si rares qui font le général de cavalerie complet.

1783. (1765) Articles de l’Encyclopédie pp. 7761-7767

Nous sommes touchés de ce qu’une personne nous plaît plus qu’elle ne nous a paru d’abord devoir nous plaire ; & nous sommes agréablement surpris de ce qu’elle a sû vaincre des défauts que nos yeux nous montrent, & que le coeur ne croit plus : voilà pourquoi les femmes laides ont très souvent des graces, & qu’il est rare que les belles en ayent ; car une belle personne fait ordinairement le contraire de ce que nous avions attendu ; elle parvient à nous paroître moins aimable ; après nous avoir surpris en bien, elle nous surprend en mal : mais l’impression du bien est ancienne, celle du mal nouvelle ; aussi les belles personnes font elles rarement les grandes passions, presque toûjours reservées à celles qui ont des graces, c’est-à-dire des agrémens que nous n’attendions point, & que nous n’avions pas sujet d’attendre.

1784. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre douzième. »

Le public, si digne alors des auteurs, et qui pouvait aider les plus illustres à se connaître, sentit que ces trop rares portraits donneraient seuls à La Bruyère une place à côté de La Rochefoucauld et de Pascal, et il lui en commanda de nouveaux.

1785. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre VIII. L’antinomie économique » pp. 159-192

Il ne faut pas oublier non plus que l’originalité individuelle, si faible et si rare qu’elle soit et même qu’elle devienne de plus en plus par suite de la complication croissante de la technique scientifique et industrielle, il ne faut pas oublier que cette originalité, même supposée infinitésimale, est la seule source du progrès et que le cerveau de l’inventeur est le point de départ d’une initiative que les travailleurs ne font que recueillir, imiter et propager à travers la société entière.

1786. (1900) Poètes d’aujourd’hui et poésie de demain (Mercure de France) pp. 321-350

Tels furent donc un certain byzantinisme et un excès de subtilité, les principaux défauts des Poètes qu’on appelait Décadents, défauts plus apparents que réels et plus passagers que durables et que rachetait amplement, un ardent désir de nouveauté, l’espoir d’étendre le domaine de la poésie et de cultiver à l’ombre de la Tour d’Ivoire des fleurs singulières, rares et parfumées.

1787. (1890) L’avenir de la science « II »

Guizot, livre inestimable et qui aura le rare privilège d’être lu de l’avenir, car il peint avec originalité un curieux moment intellectuel.

1788. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre IV, Eschyle. »

De rares sourires effleurent sa bouche contractée par le rictus tragique, mais ces sourires sont divins.

1789. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — Chapitre II »

Cette scène amuse toujours, quoiqu’elle soit bien vieille et bien surannée ; elle fait partie du fonds de boutique de la Comédie, c’est un de ses meubles meublants pour ainsi dire, qui n’ont rien de précieux ni de rare, mais qui servent toujours et qui tiennent leur place partout où on les fourre.

1790. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Mme de Caylus et de ce qu’on appelle Urbanité. » pp. 56-77

Mme de Caylus fait tout pour avoir ses entrées auprès de sa tante en ces rares moments ; elle l’agace, elle la lutine en tout respect pour la dérider : « Je ne sais ce que l’Académie dira du mot acoquiner, mais j’en sens, moi, toute l’énergie avec vous », lui dit-elle.

1791. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Biographie de Camille Desmoulins, par M. Éd. Fleury. (1850.) » pp. 98-122

Chose rare !

1792. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « La duchesse du Maine. » pp. 206-228

M. le Duc (de Bourbon), propre frère de la duchesse du Maine, prit dans un temps un très grand goût pour elle ; ces sortes de goûts n’étaient pas rares dans la famille des Condé.

1793. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « La Grande Mademoiselle. » pp. 503-525

Il est rare de voir un enfant si sensible à ce genre d’agrément.

1794. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Hégésippe Moreau. (Le Myosotis, nouvelle édition, 1 vol., Masgana.) — Pierre Dupont. (Chants et poésies, 1 vol., Garnier frères.) » pp. 51-75

Pour s’élever au-dessus de ces circonstances en quelque sorte matérielles et physiques, deux choses sont nécessaires, et elles sont rares : du caractère et des principes.

1795. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Madame de Lambert et madame Necker. » pp. 217-239

Quand de concert la fortune et la vertu ont mis un homme en place, c’est un double empire, et qui exige une double soumission. » Mais que cette rencontre est rare !

1796. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Le comte-pacha de Bonneval. » pp. 499-522

On a ses lettres ; elles sont délicates, discrètes, tendres, parfaites de tout point ; et c’est l’une des plus pures et des plus rares figures de femmes sous la Régence, que cette épouse presque vierge et sitôt veuve, modeste, sacrifiée, résignée, et aussi longtemps dévouée qu’il y eut moyen à l’honneur et aux intérêts de cet aimable mauvais sujet, qui court d’aventure en aventure et ne lui répond pas. — Mme de Bonneval mérite d’être placée à côté de Mlle Aïssé, parmi les plus gracieuses exceptions de cette époque de désordre et de licence.

1797. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Armand Carrel. — II. (Suite.) Janvier 1830-mars 1831. » pp. 105-127

Si le hasard lui procurait une nouvelle connaissance, il était rare (de 1825 à 1830) que Carrel ne la mît pas à l’épreuve sous ce point de vue.

1798. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Beaumarchais. — II. (Suite.) » pp. 220-241

que peuvent quelques La Harpe clairsemés, quelques froids et minces Suard, fussent-ils aussi nombreux qu’ils sont rares, contre un jouteur de la force et de l’entrain de Beaumarchais ?

1799. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Volney. Étude sur sa vie et sur ses œuvres, par M. Eugène Berger. 1852. — I. » pp. 389-410

Volney fit un voyage savant, exact, positif, et l’écrivit avec des qualités de style rares, bien qu’incomplètes.

1800. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1881 » pp. 132-169

— Pourquoi… Madame, c’est que rien n’est plus rare, qu’un derrière chez une Française.

1801. (1888) La critique scientifique « La critique et l’histoire »

Pour une cause de même genre, la criminalité violente est fort rare parmi les membres des professions libérales et sévit surtout dans les pays illettrés.

1802. (1864) William Shakespeare « Deuxième partie — Livre I. Shakespeare — Son génie »

Il a, par-dessus tout, une qualité bien rare ; il est sobre. » Qu’est ceci ?

1803. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre III : La science — Chapitre II : De la méthode expérimentale en physiologie »

Malgré ces exemples imposants, mais trop rares, trop éloignés, trop peu décisifs, le préjugé subsista longtemps, et dure encore, que la matière vivante, par sa complexité infinie, par les causes mystérieuses qui s’y manifestent, échappe à l’analyse artificielle de l’expérimentateur.

1804. (1906) La nouvelle littérature, 1895-1905 « Première partie. Écoles et manifestes » pp. 13-41

Satisfaisons sans remords notre goût du rare autant que notre culte de l’universel.

1805. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — Plan, d’une université, pour, le gouvernement de Russie » pp. 433-452

La capacité ou l’incapacité d’un sujet rare par son intelligence ou par sa stupidité décide la sorte d’instruction forte ou faible qui lui convient.

1806. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Loutherbourg » pp. 258-274

Vernet nous a rendus difficiles sur les ciels ; les siens sont si légers, si rares, si vaporeux, si liquides !

1807. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 35, de la mécanique de la poësie qui ne regarde les mots que comme de simples sons. Avantages des poetes qui ont composé en latin sur ceux qui composent en françois » pp. 296-339

D’ailleurs un latin éviteroit facilement cette collision desagréable à l’aide de son inversion, au lieu qu’il est rare que le françois puisse sortir de la difficulté par cet expedient.

1808. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre X. Première partie. Théorie de la parole » pp. 268-299

Mais Virgile fit plus : il devança, sous ce rapport, le siècle où il vivait, rare prérogative des génies de l’ordre le plus élevé.

1809. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « La Révolution française »

Toute cette partie de l’Histoire des Causes et de l’Histoire de France est faite en grand, par un esprit de la plus rare compétence et qu’on ne saurait trop admirer.

1810. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Philarète Chasles » pp. 147-177

À part ce trop de cœur, aux rares pages où il ne prêche ni ne gémit, l’auteur de la Psychologie se retrouve excellent, intéressant, animé.

1811. (1919) L’énergie spirituelle. Essais et conférences « Chapitre IV. Le rêve »

Ceux-ci n’en seront d’ailleurs pas choqués, car il est rare que les excentricités auxquelles nous nous livrons en songe paraissent émouvoir les spectateurs, si confus que nous en puissions être nous-mêmes.

1812. (1885) Les étapes d’un naturaliste : impressions et critiques pp. -302

L’espèce n’en est pas si rare que je m’en désole… ni vous non plus, j’espère, d’autant que j’ai soin de ne vous pas nommer, ma chère victime ! […] Castelar, murmurent quelques-uns, — et pour amener semblable entente, en dépit des divergences politiques et religieuses, il faut bien que le mérite soit rare. […] Numa Roumestan est de monture plus solide les ciselures qui deviennent rares et que nous regrettons parfois, — ces délicieuses ciselures des oiseaux de perles de la petite Désirée dans Froment ! […] L’exemple de Tridon n’est donc point rare parmi les modernistes, entre lesquels cet outrancier a bien le droit de prendre rang. […] Gaut faisait jouer à Sorgues un de ses opéras-comiques, et Astruc, tout enfiévré par une audition du Pain du Péché, mettait la main à sa Marsiheso (la Marseillaise), pièce d’ailleurs assez faible de conception et de style, chose rare chez un écrivain aussi artiste, ce qui nous porte à énoncer cette date de 1878, la vingtième année du poète.

1813. (1858) Du roman et du théâtre contemporains et de leur influence sur les mœurs (2e éd.)

Si on trouvait que sur ces points fondamentaux nos citations ont été rares, nous ferions observer que le roman et surtout le drame ne procèdent point d’ordinaire par formules abstraites et par propositions générales. […] Il faut reconnaître que, depuis quarante ans, il a beaucoup perdu de sa popularité ; mais ses représentants, quoique plus rares, ont été cependant assez marquants pour qu’il ne soit pas permis de les passer sous silence. […] Les mauvais penchants sont rares, ils sont exceptionnels, Dieu merci191. » L’homme est bon, la société seule est mauvaise. […] Songes-y, malheureux, toutes ces femmes de plaisir et d’ivresse, c’est l’élite des femmes, ce sont les types les plus rares et les plus puissants qui soient sortis des mains de la nature. […] Tant vaut la religion, tant vaut la morale : c’est un axiome qui peut souffrir parfois pour les individus quelques rares et douteuses exceptions ; mais qui, pour la généralité, pour les peuples, n’en admet point.

1814. (1854) Causeries littéraires pp. 1-353

Octave Feuillet reste distingué, même en réhabilitant les droits du lieu commun ; élégant, même lorsqu’il déprécie les vanités mondaines ; plein d’une saveur exquise et rare pour les gourmets intellectuels, même lorsqu’il vante le brouet noir du ménage, du foyer domestique et des félicités orthodoxes. […] Plante frêle et vivace, sa fleur ne s’épanouit que sous de trop rares soleils ; mais sa racine est partout, et, pour que la fleur pût disparaître, il faudrait que la racine disparût ! […] Sans oser y compter ni le prédire, mettons à profit ce moment de pacification intellectuelle pour rendre hommage à ceux qui relèvent encore et ennoblissent, en leur personne, ce rôle, si beau et si rare, de défenseur de la vérité ! […] Nous ne nous doutions pas alors que cette tâche sainte fût, tout près de nous, poursuivie avec un rare courage et une persévérance infatigable, par un homme que d’éclatants débuts poétiques avaient recommandé, il y a quinze ans, à l’attention publique, et qui avait paru, depuis, rentrer dans le silence et se résigner à l’oubli. […] « Dans cet enfant de sept ans et demi, il y avait un mélange de force et de grâce, bien rare chez les natures les plus heureuses.

1815. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Malherbe »

Chénier ; mais ces occasions furent trop rares pour réagir sur le talent du poète et pour modifier le genre. […] Figurons-nous Boileau, rappelons-nous Royer-Collard ; l’autorité de tels hommes qui ne repose pas seulement sur leurs œuvres, sur leurs écrits assez rares, cette autorité perpétuelle qui réside en leur personne et que chacun de leurs mots appuie, confirme et renouvelle, est des plus effectives et des plus sûres.

1816. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre I. Le Roman. Dickens. »

Il pousse ses personnages dans l’absurde avec une intrépidité rare. […] it is long since this bottle of old wine was brought into contact with the mellow breath of night, you may depend, and rare good stuff it is to wet a bugler’s whistle with.

1817. (1861) Cours familier de littérature. XII « LXXe entretien. Critique de l’Histoire des Girondins » pp. 185-304

Je voyais encore quelquefois par déférence et assez familièrement le duc d’Orléans ; il me traitait avec distinction ; il m’entretint même avec un rare talent d’élocution une fois très longuement de politique étrangère, sans craindre de dénigrer ouvertement la diplomatie du gouvernement de Charles X, et d’exposer hardiment et savamment la politique étrangère qu’il dessinerait pour son gouvernement, s’il était roi. […] C’est là que je vis pour la première fois combien les véritables hommes d’État étaient rares.

1818. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre huitième »

Est-ce parce que rien n’est plus difficile que d’exprimer ce qu’il y a d’ardeur et de délicatesse dans l’âme d’une femme, de finesse et de lumière sur son visage, de suavité dans ses formes, et qu’il faut, pour y réussir, joindre à la raison et à l’imagination la plus rare sorte d’intelligence, celle du cœur ? […] Les théâtres, les livres en faveur, le donnent en spectacle tous les jours ; et, quelque naïfs que soient les premiers sentiments d’un jeune cœur, il est rare qu’il ne se glisse pas de l’imitation dans la manière dont il les exprime.

1819. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre quatorzième. »

Cette doctrine des parfaits, cet impossible amour de Dieu, cette piété distinguée, toutes ces rêveries du sens propre, ce rare, ce grand fin en religion, selon l’expression du temps, telle est, pour la plus grande part, l’invention dans Fénelon. […] Établissez en principe, écrivez dans vos livres que l’adhésion est un effet grossier de l’esprit d’imitation, que différer est la marque d’un esprit indépendant et rare : vous autorisez, vous constituez en quelque sorte la dissolution et la dispersion.

1820. (1887) Journal des Goncourt. Tome II (1862-1865) « Année 1862 » pp. 3-73

Là-dedans un petit homme très maigre, aux cheveux rares et longs, au teint de papier mâché, aux yeux fureteurs : c’est Édouard Fournier, l’érudit critique de La Patrie. […] Elle nous fait de jolies et spirituelles plaintes sur le niveau singulièrement descendu de la femme, depuis le temps que nous avons peint, sur son ennui de ne point trouver de femmes s’intéressant aux choses d’art, aux nouveautés de la littérature, ou ayant des curiosités, sinon viriles, au moins élevées ou rares.

1821. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre cinquième. Le réalisme. — Le trivialisme et les moyens d’y échapper. »

Si le moi de l’auteur est constitué par un groupement d’idées exceptionnel et rare, mais non bien lié et systématique, s’il n’a rien enfin d’un « microcosme » complet, son art pourra étonner le beau, c’est l’étonnant, disait Baudelaire), mais cet art passera vite. […] Lorsqu’on s’est ennuyé longtemps à attendre une personne, qu’on la rencontre enfin et qu’elle vous sourit, on oublie d’un seul coup la longue heure passée dans la monotonie de l’attente ; cette heure ne semble plus former dans le passé qu’un point sombre, bientôt effacé lui-même : c’est là un simple exemple de ce qui se passe sans cesse dans la vie.Tout ce qui était gris, terne, décoloré (c’est-à-dire en somme la majeure partie de l’existence) se dissipe, tel qu’un brouillard qui nous cachait les côtés lumineux des choses, et nous voyons surgir seuls les rares instants qui font que la vie vaut la peine d’être vécue.

1822. (1866) Cours familier de littérature. XXII « CXXXIe entretien. Littérature russe. Ivan Tourgueneff » pp. 237-315

C’est là qu’il vit, entre sa fille, ses livres, ses amis très choisis et ses rares compatriotes, allant de temps en temps en Russie visiter ses propriétés et raviver dans son cœur les souvenirs de son heureuse enfance ; cosmopolite par sa résidence, Moscovite par son cœur, homme éminent par tout. […] VI Il y a beaucoup de talent dans notre pays ; le génie y est rare comme partout ailleurs. […] Rien en elle pourtant n’était d’une beauté rare, mais il suffisait de la voir et de l’entendre pour se dire aussitôt : voilà une excellente personne.

1823. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) «  Chapitre treizième.  »

La sienne est peut-être plus rare, parce qu’avec la réunion de toutes les qualités qui portent le génie à ces hardis voyages de découvertes, il s’est tenu dans les limites du bon sens, dans une assiette d’où n’ont pu le déranger ni l’ardeur des méditations solitaires, ni les disputes, ni la gloire. […] Les exemples sont plus rares d’écrivains qui s’élèvent ou s’abaissent selon la nature des vérités qu’ils traitent. […] Fénelon, non moins attaché que Bossuet au fond de la doctrine catholique, mais né avec un esprit ardent et subtil, qu’attirait toute recherche des choses rares et inaccessibles, s’était senti de bonne heure entraîné vers les mystiques.

1824. (1865) La crise philosophique. MM. Taine, Renan, Littré, Vacherot

En effet, quelque avantage que présente en théorie l’union de la métaphysique et des sciences, il est bien rare que dans la pratique elle donne les résultats qu’on en attend. On oppose sans cesse aux philosophes contemporains Descartes et Leibniz ; mais, sans parler du rare et exceptionnel génie de ces grands hommes, qu’on n’a pas le droit d’exiger de tous ceux qui se livrent à une science, on oublie que le domaine des sciences physiques et celui des sciences morales était bien autrement restreint de leur temps que du nôtre. […] Plus la science est élevée et sérieuse, moins elle est accessible à la foule ; mais si le mérite philosophique consiste dans la recherche sévère, abstraite, entièrement désintéressée des principes et des causes, si le philosophe doit étudier les questions en elles-mêmes et ne s’élever à la solution que par un lent et laborieux enfantement, si, évitant de parler aux passions, ne cherchant pas le succès, ne songeant ni à plaire ni à déplaire, il n’a d’autre ambition que de se satisfaire soi-même (au risque de ne pas satisfaire tout le monde), si ce sont là les rares qualités du métaphysicien, on ne saurait contester ce titre à un philosophe dont nous ne partageons pas toutes les doctrines, mais qui mérite plus qu’aucun autre le respect et l’examen, M. 

1825. (1932) Les deux sources de la morale et de la religion « L’obligation morale »

D’autre part, il est conforme à nos habitudes d’esprit de considérer comme anormal ce qui est relativement rare et exceptionnel, la maladie par exemple. […] L’ironie courait à travers l’enseignement socratique, et le lyrisme n’y faisait sans doute que des explosions rares ; mais, dans la mesure où ces explosions ont livré passage à un esprit nouveau, elles ont été décisives pour l’avenir de l’humanité. […] Elle vaut pour le passé ; il est rare qu’elle puisse orienter notre choix pour l’avenir.

1826. (1803) Littérature et critique pp. 133-288

Veut-on voir un exemple de bienséance encore plus rare parmi nous ? […] Il posséda surtout, dans un degré supérieur, cette qualité qu’on croit vulgaire, et qui est si rare, cette qualité non moins utile au gouvernement des États qu’à la conduite de la vie, qui donne plus de tranquillité que de mouvement à l’âme, et plus de bonheur que de gloire à ceux qui la possèdent, ou à ceux qui en ressentent les effets : c’est le bon sens dont je veux parler ; le bon sens, dont l’orgueil a trop rejeté les anciennes règles, et qu’il est temps de réhabiliter dans tous ses droits. […] Dans la Bible il est toujours inattendu, il fond sur vous comme l’éclair, etc., etc., etc. » Il y a dans ces remarques, si je ne me trompe, un mélange d’imagination, de sentiment et de finesse, qu’il est bien rare de trouver dans les poétiques les plus vantées. […] Les opinions courageusement professées par l’auteur lui obtiendront encore plus d’estime que son rare talent.

1827. (1853) Propos de ville et propos de théâtre

. — Les soirées étaient rares, et les bals presque nuls. — La bien-aimée restait au coin de son feu, paresseusement étendue dans sa chauffeuse. — Pendant la journée, monsieur allait à la Bourse. — Le soir, après le dîner, il courait au club, ou se prétendait appelé au dehors pour un rendez-vous d’affaires, l’affaire Chaumontel, — cette inépuisable mine aux galants escampativos […] *** En termes de coulisse, on appelle la famille du four les rares spectateurs disséminés dans la salle d’un théâtre quand on y joue une pièce qui n’a pas de succès. — Depuis quelque temps, la famille du four se montrait très-assidue aux représentations des ouvrages de M***. […] Bref, un oiseau rare, — avis rara, — dirait-il lui-même de lui-même. — C’est cet animal intelligent dont M.  […] Comme tous les talents supérieurs dont l’arrivée imprévue occasionne un déplacement soudain dans les idées et dans les goûts du public, la grande tragédienne, dont Paris accompagne aujourd’hui même les funérailles, a soulevé bien des discussions dans la critique pendant le cours de sa carrière, si hâtivement interrompue. — Peu d’artistes ont éveillé plus de passions ; mais si l’admiration ne s’est pas livrée toujours sans résistance, si l’enthousiasme s’enveloppait quelquefois de formules restrictives, une chose qui n’a jamais été contestée à la défunte par aucune voix, ce fut sa nature nativement privilégiée, qui, dès le premier aspect, et avant même qu’elle eût agi ou parlé, lui permettait de révéler cet on ne sait quoi de plus qu’humain, indiquant une de ces rares individualités que l’art destine à la domination des foules. — Aussi la mort de mademoiselle Rachel est-elle plus que la disparition regrettable d’une femme intelligente, jeune, admirée, aimée : elle est pour l’art un véritable sinistre. — Quelque chose était avec elle, qui ne sera plus ; et c’est bien véritablement une grande place vide que va faire ailleurs cette petite place qu’on creuse à sa dépouille. — Mademoiselle Rachel est morte à trente-sept ans. […] Mais ce n’est point là ce qui peut compter pour des services rendus à l’art de son temps. — Sauf de rares exceptions, mademoiselle Rachel avait la coquetterie de l’isolement et du tour de force : — elle protégeait particulièrement de sa présence et de son autorité des pièces— qui n’auraient pu exister sans elle, et il y eut dans quelques-unes de ces créations plus de charité que de dévouement. — Hostile à l’art dramatique, on ne peut point affirmer qu’elle le fut, mais du moins peut-on dire qu’elle se montra quelquefois paresseusement indifférente à l’aider. — Ce qui est certain, c’est que la tragédie est morte de nouveau avec elle.

1828. (1900) Molière pp. -283

Étienne Arago, l’un des hommes très rares qui possédaient à fond l’histoire du théâtre depuis deux cents ans, et que l’on pouvait presque définir « le dernier des classiques ». […] Nous n’avons aucune espèce de lettre ou de document qui nous indique d’une manière quelconque que Favart se soit excusé auprès de Marmontel pour lui avoir pris son idée ; mais en revanche, ce que nous avons, c’est une lettre de Marmontel, qui demande pardon à Favart d’oser, lui indigne, traiter pour le théâtre la même idée que Favart n’a pas dédaigné d’embellir de son rare talent pour la scène. […] Troisième conférence Mesdames, Messieurs, Un homme de génie peut avoir trois procédés d’étude du monde, d’observation et de reproduction ; il peut n’en avoir qu’un ; il peut en avoir deux, et, ce qui est plus rare, les avoir tous trois ; c’est le cas de Molière. […] Il faut surtout qu’il l’exerce sous l’inspiration ou le pressentiment d’événements considérables, et, autant que possible, dans un de ces moments de crise qui sont rares, en bien comme en mal, dans l’histoire des peuples, et où l’émotion universelle des cœurs se communique et se fond en une seule âme, l’âme des poètes. […] Aujourd’hui, l’autorité plus douce a rendu les scandales de ce genre plus rares ; nous avons mis partout des dehors plus honnêtes, des maximes plus honnêtes, des maximes plus régulières, et c’est la grande gloire de Molière de s’être fait d’avance le défenseur de ces maximes dans le gouvernement de la famille.

1829. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Gui Patin. — II. (Fin.) » pp. 110-133

Auparavant les gens de lettres et les doctes, à part de rares exceptions (dont celle d’Étienne Pasquier est la plus notable), s’écrivaient en latin.

1830. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Roederer. — II. (Suite.) » pp. 346-370

… Ce sont là des scrupules de délicatesse assez rares pour devoir être notés, et qui marquent l’ordre de sentiments véritablement patriotiques qui entraient (au moins de la part de quelques-uns) dans l’acte du 18 Brumaire.

1831. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Journal et Mémoires, de Mathieu Marais, publiés, par M. De Lescure  »

Il est plus rare à lui d’avoir si fort admiré Bayle que d’avoir admiré Boileau.

1832. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Journal et Mémoires, de Mathieu Marais, publiés, par M. De Lescure »

Ce qui est rare, c’est que Mme de Motteville n’est de rien dans tout ce qu’elle raconte, et qu’elle n’a fait qu’écrire ce qu’elle a vu et entendu, au lieu que tous les faiseurs de Mémoires sont toujours de quelque parti. » C’est là un jugement net et accompli.

1833. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Nouvelle correspondance inédite de M. de Tocqueville »

Je puis dire qu’alors j’ai combattu avec le doute corps à corps, et qu’il est rare de le faire avec plus de désespoir.

1834. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Nouvelle correspondance inédite de M. de Tocqueville (suite et fin.) »

Ne faisons pas fi des périodes trajanes : elles sont rares, elles finissent toujours assez tôt, et on les regrette quand on ne les a plus.

1835. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Œuvres de Virgile »

Mais n’allez point pour cela appeler Virgile un « compilateur de génie », comme je vois que l’a fait tout récemment un professeur de rhétorique, d’ailleurs fort estimable, et qui a cru bien dire ; tout mon sens critique se révolte contre une pareille appellation qui tend à confondre le vulgaire et le rare, le grossier et le délicat, l’engeance des Trublet et la famille des Virgile, et à méconnaître une des formes les plus fines, une des sources les plus secrètes de l’invention poétique.

1836. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Le général Jomini. [IV] »

Il est rare, quand un homme possède un talent supérieur évident, qu’on n’en profite pas pour lui en dénier un autre ; cela est de la nature humaine et de tous les temps.

1837. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Œuvres mêlées de Saint-Évremond »

Il a je ne sais quelle façon rare et fine de dire les choses.

1838. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Chateaubriand — Chateaubriand, Vie de Rancé »

Il en est de la vie comme de la personne la plus aimée : il n’y a pas tellement loin de la haine passionnée à l’amour ; c’est précisément parce qu’on l’a trop aimée, trop rêvée idéale, cette vie passagère, trop embrassée dans de rares et uniques instants, qu’on se met ensuite, quand on a l’âme grande, à s’en dégoûter opiniâtrement et à s’en déprendre.

1839. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « PENSÉES FRAGMENTS ET LETTRES DE BLAISE PASCAL, Publiés pour la première fois conformément aux manuscrits, par M. Prosper Faugère. (1844). » pp. 193-224

La famille Perier était bien d’avis de retrancher, de modifier le moins possible : l’intérêt de famille se trouvait d’accord en ce cas avec l’intérêt littéraire (ce qui est si rare) ; mais il y avait d’autre part des considérations puissantes, invincibles, les approbateurs à satisfaire, l’Archevêque à ménager, la Paix de l’Église à respecter loyalement.

1840. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Mémoires sur la mort de Louis XV »

Ils se donnaient l’un et l’autre pour aimer le roi tendrement, et s’entretenaient toujours de ses rares et sublimes qualités.

1841. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre troisième. L’esprit et la doctrine. — Chapitre IV. Construction de la société future »

Autant la raison est boiteuse dans l’homme, autant elle est rare dans l’humanité.

1842. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre cinquième. Le peuple. — Chapitre I »

Le paysan est trop pauvre pour devenir entrepreneur de culture ; il n’a point de capital agricole640. « Le propriétaire qui veut faire valoir sa terre ne trouve pour la cultiver que des malheureux qui n’ont que leurs bras ; il est obligé de faire à ses frais toutes les avances de la culture, bestiaux, instruments et semences, d’avancer même à ce métayer de quoi le nourrir jusqu’à la première récolte. » — « À Vatan, par exemple, dans le Berry, presque tous les ans les métayers empruntent du pain au propriétaire, afin de pouvoir attendre la moisson. » — « Il est très rare d’en trouver qui ne s’endettent pas envers leur maître d’au moins cent livres par an. » Plusieurs fois, celui-ci leur propose de leur laisser toute la récolte, à condition qu’ils ne lui demanderont rien de toute l’année ; « ces misérables » ont refusé ; livrés à eux seuls, ils ne seraient pas sûrs de vivre  En Limousin et en Angoumois, leur pauvreté est telle641, « qu’ils n’ont pas, déduction faite des charges qu’ils supportent, plus de vingt-cinq à trente livres à dépenser par an et par personne, je ne dis pas en argent, mais en comptant tout ce qu’ils consomment en nature sur ce qu’ils ont récolté.

1843. (1858) Cours familier de littérature. V « XXVIIIe entretien. Poésie sacrée. David, berger et roi » pp. 225-279

Ces arbres rares gardent un pan de leur ombre aux troupeaux sur ce sol calciné.

1844. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre I. Littérature héroïque et chevaleresque — Chapitre II. Les romans bretons »

Si les chefs-d’œuvre y sont bien rares, si la beauté presque toujours y manque, il faut songer à tout ce qui en est sorti.

1845. (1868) Alexandre Pouchkine pp. 1-34

Il n’est pas rare que la perfection d’un instrument entraîne celui qui sait le manier à une recherche minutieuse et puérile.

1846. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre huitième »

Montesquieu nous fait plutôt des confidences à voix basse sur des choses supérieures, curieuses, rares, qu’il ne veut nous amener de force à des opinions contentieuses.

1847. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre douzième »

Dans ce qu’il écrivit pour les lettres en ce temps-là, les belles pages sont plus rares que les belles phrases.

1848. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « L’expression de l’amour chez les poètes symbolistes » pp. 57-90

Il verse dans le pessimisme outré, la recherche du rare et de l’inédit, sinon dans les mots, du moins dans les sensations.

1849. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre X. La littérature et la vie de famille » pp. 251-271

On peut compter les pièces où elle manque : Athalie, la Mort de César, quelques tragédies de Marie-Joseph Chénier font exception à la règle générale ; mais ces exceptions sont bien rares.

1850. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Madame de Pompadour. Mémoires de Mme Du Hausset, sa femme de chambre. (Collection Didot.) » pp. 486-511

Jeanne-Antoinette Poisson, née à Paris le 29 décembre 1721, sortait de cette riche bourgeoisie et de ce monde de finance qui s’était si fort poussé dans les dernières années de Louis XIV, et dans lequel il n’était pas rare de rencontrer un épicuréisme spirituel et somptueux : elle y apporta les élégances.

1851. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Monsieur de Malesherbes. » pp. 512-538

Pour ministre, il ne l’était pas, il l’a reconnu lui-même en cent façons : « Les qualités nécessaires pour remplir une charge, surtout une charge de magistrature, ne sont point celles qui conviennent à un administrateur, et il est rare qu’elles soient réunies. » Il écrivait cela dans l’un de ses Mémoires sur la librairie.

1852. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Études sur Saint-Just, par M. Édouard Fleury. (2 vol. — Didier, 1851.) » pp. 334-358

Et un écrivain aussi a très bien défini Saint-Just : « C’est un monstre bien peigné et qui débite des apophtegmes. » Dans sa parole brève, concise et coupante, et assez habilement relevée de rares images, il ne doutait de rien : Travaillons enfin pour le bonheur du peuple, disait-il magistralement, et que les législateurs qui doivent éclairer le monde prennent leur course d’un pied hardi, comme le soleil.

1853. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1861 » pp. 361-395

L’effort sans doute est immense, la patience infinie, et, malgré la critique que j’en fais, le talent rare ; mais dans ce livre, point de ces illuminations, point de ces révélations par analogie qui font retrouver un morceau de l’âme d’une nation qui n’est plus.

1854. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des romans — Préface des « Derniers Jours d’un condamné » (1832) »

Il est rare, en effet, que les révolutions soient sobres de sang humain, et, venues qu’elles sont pour émonder, pour ébrancher, pour étêter la société, la peine de mort est une des serpes dont elles se dessaisissent le plus malaisément.

1855. (1913) Essai sur la littérature merveilleuse des noirs ; suivi de Contes indigènes de l’Ouest-Africain français « Essai sur la littérature merveilleuse des noirs. — Chapitre II. Le fond et la forme dans la littérature indigène. »

Les musulmans qui, auraient dû, semble-t-il, inspirer fortement la littérature merveilleuse des noirs, n’y laissent au contraire que de rares traces d’influence.

1856. (1913) La Fontaine « III. Éducation de son esprit. Sa philosophie  Sa morale. »

Cependant, je vous montrerai que La Fontaine — je le crois — touche à la morale, à quelque chose, du moins, qui peut s’appeler une morale ; cela à certains moments ; mais je reconnaîtrai aussi que ces moments sont assez rares.

1857. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre XI. »

Les rares débris de ses pièces perdues nous laissent voir encore çà et là bien des effluves de ce feu lyrique dont il inondait l’âme des Grecs.

1858. (1907) Jean-Jacques Rousseau pp. 1-357

Ce fut un de ces moments trop rares qui replacent les choses dans leur ordre naturel et vengent le mérite avili des outrages de la fortune ». […] Cela est beaucoup plus rare dans ses autres livres. […] Jean-Jacques aime, comme eux, et pour eux comme pour lui-même, les situations bizarres… D’abord, parce qu’il en a l’habitude, ayant été souvent amoureux toléré de femmes qui avaient des amants ; puis, parce que nous l’avons toujours vu étrangement exempt de jalousie charnelle (et j’ai essayé de dire pourquoi) ; enfin, parce que ces situations anormales et compliquées donnent lieu à des sentiments rares, qui par là lui semblent sublimes. […] — Wolmar paraît bien n’avoir jamais pu exister : mais Claire est assez vivante ; Saint-Preux est un des premiers types du héros romantique, faible, inquiet, plein de désirs et d’impuissance ; et Julie, sermonneuse, mais charmante, offre l’exemple, assez rare dans les romans, d’un personnage qui évolue, puisque c’est une jeune fille passionnée et déraisonnable, lentement transformée par sa fonction d’épouse et de mère. […] — On y lit que « le peuple se trompe bien moins sur ses choix que le prince » ; — « qu’un homme d’un vrai mérite est presque aussi rare dans le ministère (d’un roi) qu’un sot à la tête d’un gouvernement républicain ».

1859. (1905) Pour qu’on lise Platon pp. 1-398

Elle est en parfaite contradiction, ce me semble, avec cette autre, toute voisine : « Ce sont les deux extrêmes de l’égalité et de l’inégalité qui remplissent les États de séditions » ; et du reste elle est fausse, et si l’amitié entre inégaux est à peu près impossible, il est vrai aussi que l’amitié entre égaux est parfaitement rare. […] De ce qu’après s’être fié à un homme, sans aucun examen, et l’avoir toujours cru sincère, honnête et fidèle, on trouve enfin qu’il est faux et méchant ; et après plusieurs épreuves semblables, voyant qu’on a été trompé par ceux qu’on croyait ses meilleurs et ses plus intimes amis, las enfin d’être si longtemps dupe, on hait tous les hommes également et on reste persuadé qu’il n’y en a pas un seul qui soit sincère… Si l’on avait un peu d’expérience ou de réflexion, on saurait que les bons sont très rares et très rares aussi les méchants, et que ceux qui tiennent le milieu sont en très grand nombre, comme il y a peu d’hommes très grands et peu d’hommes de très petite taille. En toutes choses les extrêmes sont très rares. […] Que le savant passionné sorte de l’artiste, c’est aussi rare et c’est aussi irrationnel, tout au moins c’est aussi peu nécessaire que ceci que l’artiste sorte de l’amoureux. […] L’aristocratie s’affaiblit parce que, pour qu’elle ne s’affaiblît pas, il faudrait qu’elle eût dans cent ou deux cents familles la suite de pensées, de maximes, de principes, de traditions, de sentiments énergiques qu’a ou peut avoir une famille seule, et ceci même peut arriver, mais ne laisse pas d’être rare.

1860. (1896) Hokousaï. L’art japonais au XVIIIe siècle pp. 5-298

De cette série ferait encore partie l’impression de deux chevaux et d’un poulain, d’une furie, d’un emportement, d’un mors aux dents du dessin si extraordinaire, et la plus rare des cinq impressions faisant partie de la collection de M.  […] Réapparition de nombreux sourimonos dont la production était devenue assez rare dans les années précédentes, et sourimonos où, chose curieuse, apparaît l’influence de Gakoutei et de Hokkei, les deux élèves supérieurs de Hokousaï. […] Ce qui vous frappe dans cette tête d’homme de génie, c’est la longueur du visage, des sourcils au menton, et le peu d’élévation et la fuite cabossée du crâne, — un crâne qui n’est pas du tout européen, avec sur les tempes de rares petits cheveux ressemblant aux herbettes de ses paysages. […] Le premier volume de la première édition appelée l’édition à la plume de faucon, par suite de la représentation d’une plume de cet oiseau sur la couverture, édition rare, a paru en 1834, le second volume en 1835.

1861. (1884) L’art de la mise en scène. Essai d’esthétique théâtrale

La première condition paraît beaucoup plus rare ; elle exige non seulement une compétence spéciale, mais encore un labeur quotidien et persévérant, sans lequel la direction d’un théâtre n’est pas très différente d’une simple partie de baccarat. Les directeurs se plaignent de ne pas rencontrer de chefs-d’œuvre ; mais ont-ils la conscience de faire tout ce qu’il faut pour trouver, non des chefs-d’œuvre qui sont toujours choses rares, mais seulement des pièces véritablement estimables ? […] Ses gestes seront plus rares, car le petit effort qu’il lui faudra faire sera un obstacle suffisant à la plupart de ceux qui ne sont pas le fait d’une volonté déterminée, et ceux qu’elle aura la résolution d’achever seront d’un effet beaucoup plus saisissant, parce qu’ils trahiront l’effort. […] Au contraire, transportez-le au milieu de civilisations éteintes ou étrangères, dans un milieu populaire, bourgeois ou aristocratique, étalez devant ses yeux les crimes les plus monstrueux, les actes vertueux les plus rares, il s’écriera ingénument : comme c’est nature ! […] Le premier acte de l’Ami Fritz présente un emploi de la musique plus remarquable encore, parce qu’il est plus rare : il s’agit de l’émotion produite uniquement par un morceau de musique instrumentale.

1862. (1861) La Fontaine et ses fables « Deuxième partie — Chapitre I. Les personnages »

. — D’autres vraiment affligés ou de cabale frappée pleuraient amèrement ou se contenaient avec un effort aussi aisé à remarquer que les sanglots… Parmi ces diverses sortes d’affligés, peu ou point de propos ; de conversation, nulle ; quelque exclamation parfois répondue par une douleur voisine, un mot en un quart d’heure, des yeux sombres ou hagards, les mouvements des mains moins rares qu’involontaires, immobilité du reste presque entière. […] Le bourgeois frondeur, satirique, égalitaire, est rare au dix-septième siècle.

1863. (1867) Cours familier de littérature. XXIII « cxxxiiie entretien. Littérature russe. Ivan Tourgueneff »

Un épais rideau de nuages s’étendait à l’horizon, et de longs éclairs s’y dessinaient encore par moments ; mais au-dessus de nous le ciel était d’un bleu sombre et de rares étoiles scintillaient à travers des nuages pluvieux qui fuyaient. […] Je vois encore ta figure de poitrinaire, sèche et verdâtre, tes cheveux blonds et rares, ton modeste sourire, ton regard enthousiaste, tes membres amaigris… J’entends ta voix faible et caressante !

1864. (1896) Journal des Goncourt. Tome IX (1892-1895 et index général) « Année 1895 » pp. 297-383

J’ai bien peur, que les rares fabricateurs de livres de ce jeune monde, soient mangés par le journalisme : où se payent de gros dividendes, avec le tintamarre de la gloire. […] Maintenant dans le jardin, dans le petit parc, des plantes venues de chez tous les horticulteurs de l’Angleterre, de la Hollande, de la France, des plantes admirables, des plantes amusant la vue par leurs ramifications artistes, par leurs nuances rares, et surtout des iris du Japon, aux fleurs grandes comme des fleurs de magnolia, et aux colorations brisées et fondues des plus beaux flambés.

1865. (1856) Cours familier de littérature. II « Xe entretien » pp. 217-327

Justesse d’idée, finesse de tact, sûreté de jugement, élévation de point de vue, largesse d’horizon, dignité de but, moralité de moyen, sang-froid dans le trouble, amour du peuple, dédain de la popularité, horreur de l’anarchie, haine des démagogues, pitié des utopistes, constance et modération dans le caractère, tout se réunissait en lui pour rendre cet homme rare digne et capable du rôle de conseiller confidentiel de la liberté. […] On voyait au costume et à la maigreur l’exténuement d’une population à qui le travail manque et à qui le pain est rare depuis plusieurs mois.

1866. (1857) Cours familier de littérature. IV « XXIIe entretien. Sur le caractère et les œuvres de Béranger » pp. 253-364

Il est si rare de rencontrer dans un même homme la popularité, la résistance et la politique : donnez ce spectacle au monde et cette consolation aux bons citoyens. […] » XXXIII Puis c’étaient de jeunes ouvriers en grand nombre qui se trompaient de vocation en prenant leur travail manuel en dégoût et qui s’admiraient eux-mêmes dans des vers incultes qu’ils prenaient pour des promesses de génie, parce qu’ils ignoraient les conditions rares et providentielles du vrai génie.

1867. (1888) Épidémie naturaliste ; suivi de : Émile Zola et la science : discours prononcé au profit d’une société pour l’enseignement en 1880 pp. 4-93

Bien que les talents soient rares, je ne m’explique guère la faveur dont ils jouissent encore. […] Il y a là un mélange singulier de rare élégance et de grossièreté avouée qui a de quoi nous surprendre.

1868. (1845) Simples lettres sur l’art dramatique pp. 3-132

Buloz comprit tout le parti qu’il pouvait tirer de cette rare universalité contemporaine ; il accapara, comme on dit en termes de librairie, Mme Sand ; il devint non seulement son publicateur, mais son éditeur. […] Il y a deux ans que je n’ai mis le pied au Théâtre-Français, et la dernière fois que j’y ai été, comme je rencontrai Anaïs et qu’elle me demanda pourquoi je devenais si rare ?

1869. (1890) Derniers essais de littérature et d’esthétique

A vrai dire, c’est là chose si rare que nous ne pouvons faire autrement que de l’aimer, quand nous la rencontrons, mais tout n’est pas là. […] « Au sujet de ce trait rendu intentionnellement palpable dans quelques vers, je dirai seulement que le principe qui s’applique à ces vers donne si bien le souffle à toute entreprise que la presque totalité de mes poésies auraient pu n’être jamais écrites, si ces vers en avaient été omis… « Si certains faits et symptômes de sociétés sont universels… rien n’est plus rare dans les conventions et dans la poésie moderne, que leur acceptation normale. […] Que le miel embaume toute la forêt, qui s’étend dans les vallons et sur les montagnes ; que des parfums rares se répandent sur les bords des prés, que l’huile coule à flot des terres basses. » Tous les métiers, tous les travaux d’art sont écrits, comme dans Homère, avec un minutieux détail  : Alors le forgeron Ilmarinen, l’éternel artiste-forgeron, dans la fournaise, forgea un aigle avec le feu de l’antique savoir. […] Tous deux ont ce caractère de distinction qui est si rare en ces jours de violence, d’exagération et de rhétorique. […] Les tentatives de ce genre ne sont point chose rare dans l’histoire de l’art.

1870. (1927) Quelques progrès dans l’étude du cœur humain (Freud et Proust)

Lui-même, d’ailleurs, a conscience de la révolution que cette seule proclamation de la réalité déterminée de l’inconscient peut produire dans l’histoire des idées et il ne se défend pas d’un mouvement d’orgueil : C’est en attribuant une importance pareille à l’inconscient, dans la vie psychique, s’écrie-t-il, que nous avons dressé contre la psychanalyse les plus méchants esprits de la critique… Et pourtant un démenti sera infligé à la mégalomanie humaine par la recherche psychologique de nos jours qui se propose de montrer au moi qu’il n’est seulement pas maître dans sa propre maison, qu’il en est réduit à se contenter de renseignements rares et fragmentaires sur ce qui se passe, en dehors de sa conscience, dans sa vie psychique. […] Il y a un monde immergé sur lequel nous ne pouvons avoir que des renseignements rares et accidentels. […] Et c’est justement une des grandes et d’ailleurs des rares différences entre l’esprit de Swann et le sien, que cette paresse à supposer qu’il attribue au premier. […] C’est un hôte de la conscience extrêmement rare et fugitif, mais il existe.

1871. (1882) Autour de la table (nouv. éd.) pp. 1-376

Il est rare que nous lisions des vers autour de la table. […] L’élévation et la chaleur du sentiment avec l’ordre et la clarté des idées, une grande raison et un noble enthousiasme, voilà des qualités non seulement rares mais brillantes, et qui méritent d’être placées au premier rang. […] D’excellentes définitions y résument avec un rare bonheur les parties délicates de la discussion, et restent dans l’esprit comme des lumières acquises une fois pour toutes. […] Initié tard aux douceurs de la vie domestique, le rêveur solitaire avait déjà vu sans doute de nouveaux horizons s’ouvrir devant lui, lorsqu’une destruction rapide s’empara de cette rare intelligence. […] Il me semblait qu’a moins d’un rare talent (que je ne me sentais pas), c’était l’affaire du ceux qui ne sont bons à rien.

1872. (1929) La société des grands esprits

C’est un grand érudit par goût et par système, un fouilleur de manuscrits et de livres rares, un dénicheur de textes oubliés ou inédits, un partisan de l’histoire littéraire objective et documentée, traitée par des méthodes autant que possible scientifiques et, en tout cas, dans l’esprit de la science. […] Certes, les bons critiques sont rares, et les mauvais pullulent : c’est-à-dire : qu’il en va tout de même que des dramaturges, des poètes et des romanciers. […] Les vraies vocations sont rares, et les autres, désastreuses. […] Il résulte, je crois, de ces controverses que, malgré quelques défaillances, généralement des provincialismes, d’ailleurs fort rares et sans gravité, Flaubert reste un des maîtres de la langue et du style, un des plus grands écrivains français, de l’aveu de Faguet lui-même, qui ne péchait pas envers lui par excès de bienveillance. […] Il est rare qu’un homme à système soit capable d’une critique aussi compréhensive.

1873. (1930) Les livres du Temps. Troisième série pp. 1-288

Alcandre, le grand Alcandre, proclame la jeune merveille qu’il sert En rares qualités à nulle autre pareille, Seule semblable à soi. […] La passion est pour lui un fait, très réel, très positif, malheureusement très rare, mais donnant ici-bas à ceux qui en sont capables le plus grand bonheur possible. […] On n’est arrêté par aucune difficulté de pensée, ni retenu par aucune subtilité ou rare beauté de forme. […] L’exception est apparemment si rare que le vulgaire se croirait trop naïf de l’admettre, même lorsqu’elle est évidente.

1874. (1864) Corneille, Shakespeare et Goethe : étude sur l’influence anglo-germanique en France au XIXe siècle pp. -311

L’autre manière d’écrire est plus difficile, et il est rare que nous songions à la pratiquer. […] Ce qui distingue cette manière de la première c’est la sincérité de l’inspiration ; et il s’agit ici d’une qualité si rare, si difficile à acquérir, qui demande tant d’indépendance, de force d’âme, de recueillement, qu’il n’est peut-être pas un auteur de génie qui l’ait constamment pratiquée. […] On connaît l’histoire de cette petite maison presqu’en ruines que Balzac possédait, je crois, près de Ville d’Avray, et qu’il vantait comme un château merveilleux, orné des objets d’art les plus rares. […] Comme tous les jeunes poètes qui ont, au début de leur carrière, remporté de nombreux prix académiques, il possédait une grande facilité pour exprimer en vers des lieux communs, et en même temps une rare fécondité d’imagination. […] Toute mouche qu’elle est, c’est rare qu’elle pique.

1875. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre IV. Shakspeare. » pp. 164-280

Parfois, après un de ces découragements, dit Shakspeare, « je pense à toi, et comme l’alouette au retour du soleil s’élance hors des sillons mornes, mon âme s’envole et va chanter des hymnes à la porte du ciel207. » Puis tout s’affaisse, comme dans un foyer où un flamboiement trop fort n’a plus laissé de substance. « Tu vois en moi le moment de l’année — où les feuilles jaunes, rares et qui s’en vont, —  pendent aux rameaux froids qui frissonnent, —  arceaux dégarnis, nefs ruinées où tout à l’heure chantaient les doux oiseaux. —  Tu vois en moi le crépuscule d’un jour — qui, après le soleil couché, s’évanouit à l’occident, —  et que, par degrés, engloutit la nuit noire, —  la nuit, sœur jumelle de la mort, qui clôt tout dans le repos208… Ne pleure pas sur moi quand je serai mort ; —  du moins cesse de pleurer quand cessera de tinter la morne cloche morose, —  avertissant le monde que je me suis enfui de ce monde abject pour habiter avec les plus abjects des vers. —  Ne vous souvenez pas même, si vous lisez ces lignes — de la main qui les a écrites : car je vous aime tant — que je voudrais être oublié dans votre chère pensée, —  si penser à moi vous a faisait quelque peine209. » Ces subites alternatives de joie et de tristesse, ces ravissements divins et ces grandes mélancolies, ces tendresses exquises, et ces abattements féminins, peignent le poëte extrême dans ses émotions, incessamment troublé de douleur ou d’allégresse, sensible au moindre choc, plus puissant, plus délicat pour jouir et souffrir que les autres hommes, capable de rêves plus intenses et plus doux, en qui s’agitait un monde imaginaire d’êtres gracieux ou terribles, tous passionnés comme leur auteur. […] Les mots qui frappent nos oreilles ne sont pas la millième partie de ceux que nous écoutons intérieurement ; ils sont comme des étincelles qui s’échappent de distance en distance ; les yeux voient de rares traits de flamme ; l’esprit seul aperçoit le vaste embrasement dont ils sont l’indice et l’effet. […] Désormais, dans les rares intervalles où la fièvre de son esprit s’abat, il est comme un homme usé par une longue maladie.

1876. (1932) Le clavecin de Diderot

Elle regardait l’heure à un bracelet-montre extensible (objet alors fort rare), et, très volontiers pour ma grande joie (à nous le symbolisme sexuel) sa main allait et venait à travers ce cercle complaisant. […] Au contact de certains doigts, les rares occasions de bonds révolutionnaires tournent donc en eau de boudin. […] Le chapeau taupé, à la mode de 1912, dont il le coiffa, abrite un visage d’une expression assez rare pour évoquer les fleurs de ces plantes qui méprisent le sol et ses aliments et ne veulent de nourritures qu’aériennes, impondérables.

1877. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Werther. Correspondance de Goethe et de Kestner, traduite par M. L. Poley » pp. 289-315

Il est impossible de ne pas remarquer que, Werther fait et publié, la correspondance se ralentit aussitôt et ne consiste plus qu’en billets de plus en plus rares.

1878. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Sismondi. Fragments de son journal et correspondance. »

Les lettres que ces correspondants échangent entre eux sont plus rares qu’ils ne le voudraient, et, quand ils s’écrivent, ils ont des sous-entendus forcés, ils n’osent tout se dire ; ils vivent sous l’impression de maux actuels et immédiats, dans un serrement de cœur continuel et comme en présence d’une crise extrême et permanente ; les bienfaits, les améliorations civiles qui pourraient leur sembler une compensation et un correctif, ne se révéleront que le lendemain et leur échappent.

1879. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Madame Desbordes-Valmore. »

Oui, vous m’éclairerez, si je peux l’être, et vous verrez si je mérite au moins, par ma sincérité, d’obtenir le premier et le plus rare des biens, la vérité ! 

1880. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Diderot »

Voilà ce que nous avions besoin de nous dire avant de nous remettre, nous, critique littéraire, à l’étude curieuse de l’art, et à l’examen attentif des grands individus du passé ; il nous a semblé que, malgré ce qui a éclaté dans le monde et ce qui s’y remue encore, un portrait de Regnier, de Boileau, de La Fontaine, d’André Chénier, de l’un de ces hommes dont les pareils restent de tout temps fort rares, ne serait pas plus une puérilité aujourd’hui qu’il y a un an ; et en nous prenant cette fois à Diderot philosophe et artiste, en le suivant de près dans son intimité attrayante, en le voyant dire, en l’écoutant penser aux heures les plus familières, nous y avons gagné du moins, outre la connaissance d’un grand homme de plus, d’oublier pendant quelques jours l’affligeant spectacle de la société environnante, tant de misère et de turbulence dans les masses, un si vague effroi, un si dévorant égoïsme dans les classes élevées, les gouvernements sans idées ni grandeur, des nations héroïques qu’on immole, le sentiment de patrie qui se perd et que rien de plus large ne remplace, la religion retombée dans l’arène d’où elle a le monde à reconquérir, et l’avenir de plus en plus nébuleux, recélant un rivage qui n’apparaît pas encore.

1881. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « François Ier, poëte. Poésies et correspondance recueillies et publiées par M. Aimé Champollion-Figeac, 1 vol. in-4°, Paris, 1847. »

Le grand-oncle de François Ier, Charles d’Orléans, en pareille disgrâce, avait également demandé consolation à la poésie et l’avait fait avec un rare bonheur de talent.

1882. (1875) Premiers lundis. Tome III « De la loi sur la presse »

Les familles, en général (sauf quelques exceptions bien rares), sont peu amies de la littérature.

1883. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre quatrième. La propagation de la doctrine. — Chapitre III »

Ses yeux ne se hasardaient guère au-delà, dans le territoire interdit et dangereux des choses d’État ; à peine s’il y coulait un regard furtif et rare ; les affaires publiques étaient « les affaires du roi ». — Point de fronde alors, sauf dans le barreau, satellite obligé du Parlement et entraîné dans son orbite.

1884. (1867) Cours familier de littérature. XXIV « CXLIVe entretien. Mélanges »

Elle avait emmené une jeune personne, mademoiselle de Fauveau, célèbre pour son rare talent de sculpteur, qu’elle continua de perfectionner à Florence.

1885. (1892) Boileau « Chapitre V. La critique de Boileau (Suite). Les théories de l’« Art poétique » (Fin) » pp. 121-155

Nous savons de quelle énergie il a poursuivi tous ces emphatiques, précieux, fantaisistes, bouffons, qui ne trouvaient pas la réalité assez noble, ni assez délicate, ni assez rare, ni assez plaisante, et quels exemples il a donnés parfois de pur et strict réalisme.

1886. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre I — Chapitre premier »

Les joies de l’art sont rares et austères ; ce n’est que le plus noble de tous les travaux imposés à la race d’Adam.

1887. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre deuxième »

Ajoutez à cela le goût des ouvrages curieux et rares, et des monstruosités intellectuelles ; peut-être un grain de folie ; pourquoi n’oserais-je pas le dire ?

1888. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre VI. Premiers pas hors de Saint-Sulpice  (1882) »

Berthelot et moi fut certainement du genre le plus rare et le plus singulier.

1889. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Chamfort. » pp. 539-566

Son influence durant ces années ardentes fut réelle, mais elle s’exerça toute en conversation, en saillies, par quelques-unes de ces boutades comme il en avait souvent, « qui font, chose très rare, rire et penser tout à la fois80 ».

1890. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre troisième. Le souvenir. Son rapport à l’appétit et au mouvement. — Chapitre troisième. La reconnaissance des souvenirs. Son rapport à l’appétit et au mouvement. »

Mais il est rare qu’une image soit seule, qu’une idée soit ce qu’on appelle une idée fixe : n’oublions pas qu’une foule d’autres images luttent pour la vie et exercent leur pression sur l’image actuellement dominante, en déployant dans la lutte des intensités variables.

1891. (1913) Le bovarysme « Première partie : Pathologie du bovarysme — Chapitre V. Le Bovarysme des collectivités : sa forme idéologique »

Contre un tel état de choses le stoïcisme qui réclamait à la fois une rare culture intellectuelle et une vertu d’orgueil exceptionnelle, ne put être une ressource que pour une élite.

1892. (1888) Journal des Goncourt. Tome III (1866-1870) « Année 1870 » pp. 321-367

11 juin Ce matin, il lui a été impossible de se rappeler un titre, un seul titre de ses romans, et cependant il possède encore deux facultés remarquables : la qualification pittoresque avec laquelle il caractérise un passant, l’épithète rare avec laquelle il peint un ciel.

1893. (1891) Journal des Goncourt. Tome V (1872-1877) « Année 1877 » pp. 308-348

Il n’est pas rare, quand on les examine de tout près, de découvrir au milieu des laines éclatantes, une petite mèche de cheveux.

1894. (1899) Esthétique de la langue française « La métaphore  »

Cependant si le cas de roitelet était unique ou rare ; si l’on ne trouvait dans les langues européennes que trois ou quatre exemples de cette sorte, on pourrait imaginer une chanson, un conte, une de ces traditions populaires qui traversent les siècles, les montagnes, et les océans ; mais, au contraire, à la moindre recherche les exemples se multiplient et l’on est forcé de ramener la plupart des causes à une seule, la nécessité psychologique.

1895. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre deuxième. Le génie, comme puissance de sociabilité et création d’un nouveau milieu social »

En un mot, c’est toujours la réussite rare et précieuse, c’est le coup de défavorable qui fait gagner la partie.Un sociologiste remarquable par l’originalité des vues et la finesse de l’esprit, M. 

1896. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Deuxième partie — Chapitre II. La qualité des unités sociales. Homogénéité et hétérogénéité »

« Nos femmes se couvrent de pelleteries rares, dit une chanson populaire du xve  siècle ; elles sont parées comme des princesses : qui peut maintenant distinguer leur rang96 ? 

1897. (1864) Le roman contemporain

Quand le vent vient à changer, il se fait mie sorte de révolution sur la surface de la mer ; il y a des vagues qui retombent, d’autres qui s’élèvent : de même, quand une révolution politique éclate, il est rare que dans le monde littéraire elle n’amène point des avènements comme des déchéances. […] Alexandre Dumas, et il avait appris à cette école l’art de nouer une action, de créer des situations fortes, de développer dans un récit attachant une fable savamment ourdie, mais il avait conservé dans cette association transitoire les qualités qui lui étaient propres : une élégance native, une rare finesse d’analyse, le goût et l’intelligence des mœurs de la société polie, quelque chose de subtil dans l’esprit, et, dans le style, un mélange de grâce et de distinction qui fait contraste avec les tendances de la littérature contemporaine. […] Malheureusement, les ménages parisiens comme celui de Roland de Val-Chesnay et de Clotilde des Rozais ne sont pas rares ; heureusement il y en a plus encore comme celui de Blanche de Guy-Ferrand et du duc de Sauves, avec de la faiblesse d’un côté, de la négligence de l’autre. […] Au lieu de cela, il ne fait que balbutier les noms de Louis XVI et de Louis XVII, pour donner à son interlocuteur l’occasion de déclarer qu’il n’a pas condamné le premier, non parce que Louis XVI était roi, mais parce qu’il était homme, et qu’il ne se reconnaît pas le droit d’abréger une vie humaine, scrupule rare et exceptionnel, vous en conviendrez, dans cette homicide assemblée ; et que, quant au second, il le plaint non comme fils de roi, mais comme enfant, au même titre que le frère de Cartouche, pendu, quoique innocent, avec ce célèbre malfaiteur. […] Je n’oserai pas affirmer que la chose n’ait jamais eu lieu ; mais j’affirme que ce fait monstrueux est infiniment rare et tout à fait exceptionnel, qu’il ne s’est pas produit une fois en un demi-siècle.

1898. (1809) Tableau de la littérature française au dix-huitième siècle

Il eut le rare bon sens de n’attacher ni assez d’importance ; ni assez de certitude à ses idées ; pour vouloir les faire adopter aux autres ; aucun parti ne put le recruter. […] et encore il était rare qu’on sût offrir le tableau fidèle, même de cette légère écorce. […] À cette époque, un tel caractère commençait à être rare. […] Tels ne sont point les motifs qui vous le firent choisir ; ce n’est pas les lettres que vous voulûtes honorer en lui : ou plutôt vous avez saisi avec empressement l’occasion de signaler un de ces exemples si rares, où le talent n’est pas seulement consacré à satisfaire l’esprit, mais où, se produisant sur le théâtre de la vie réelle, il se montre comme un sentiment de l’âme et se confond avec la vertu. […] On aimait à voir ce contentement d’un vieillard, et ce rare exemple d’un acte de courage et de vertu, qui, accompli sans nul espoir de récompense, avait fini par la recevoir éclatante et complète.

1899. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Molière »

Ainsi ces génies rares, de grande et facile beauté, de beauté native et génuine, triomphent, d’un air d’aisance, des conditions les plus contraires ; ils se déploient, ils s’établissent invinciblement. […] Il le comprenait et l’admirait dans les parties les plus étrangères à lui-même ; il se plaisait à être son complice dans le latin macaronique de ses plus folles comédies ; il lui fournissait les malignes étymologies grecques de l’Amour médecin  ; il mesurait dans son entier cette faculté multipliée, immense ; et le jour où Louis XIV lui demanda quel était le plus rare des grands écrivains qui auraient honoré la France durant son règne, le juge rigoureux n’hésita pas et répondit : « Sire, c’est Molière. »  — « Je ne le croyais pas, répliqua Louis XIV ; mais vous vous y connaissez mieux que moi. » On a loué Molière de tant de façons, comme peintre des mœurs et de la vie humaine, que je veux indiquer surtout un côté qu’on a trop peu mis en lumière, ou plutôt qu’on a méconnu.

1900. (1825) Racine et Shaskpeare, n° II pp. -103

En ma qualité de Romantique, et pour n’imiter personne, pas même l’Académie, je me proposais de relever une discussion aussi frivole, par un avantage bien piquant et bien rare, un peu de bonne foi et de candeur. […] Si les divers incidents de cette tragédie ressemblent à ceux que l’histoire nous dévoile, si le langage, au lieu d’être épique et officiel, est simple, vif, brillant de naturel, sans tirades ; ce n’est pas le cas, assurément fort rare, qui aura placé les événements de cette tragédie dans un palais, et dans l’espace de temps indiqué par l’abbé d’Aubignac, qui l’empêchera d’être romantique, c’est-à-dire d’offrir au public les impressions dont il a besoin, et par conséquent d’enlever les suffrages des gens qui pensent par eux-mêmes.

1901. (1894) Journal des Goncourt. Tome VII (1885-1888) « Année 1888 » pp. 231-328

Lundi 9 janvier Toute la journée, je la passe à voir planter une quarantaine de pivoines, qu’Hayashi m’a envoyées du Japon, et qu’il m’a fait dire être les espèces les plus remarquables et les plus rares. […] Bien rares, hélas !

1902. (1895) Journal des Goncourt. Tome VIII (1889-1891) « Année 1891 » pp. 197-291

C’est extraordinaire la jouissance que procure à un amateur la possession d’un objet parfait : c’est si rare le bibelot qui vous satisfait complètement. […] Hier, j’étais à la Bibliothèque de l’Opéra, demain, j’irai chez un notaire, successeur du notaire de La Guimard, copier le Contrat de mariage de la danseuse, un autre jour, j’irai prendre, chez Groult, la description de son portrait en Terpsichore, peint par Fragonard dans son hôtel de la Chaussée-d’Antin, un autre jour j’irai, à Pantin, retrouver ce qu’il peut rester de son érotique théâtre, un autre jour encore, j’irai chez Prieur de Blainville, s’il existe encore, étudier la gouache de la rare estampe du Concert à trois.

1903. (1896) Journal des Goncourt. Tome IX (1892-1895 et index général) « Année 1892 » pp. 3-94

Je le revoyais, dans le salon des demoiselles de Villedeuil, les filles du ministre de Louis XVI, les vieilles cousines de ma mère, ce froid et immense salon, aux boiseries blanches, toutes nues, au mobilier rare, empaqueté dans des housses, et où toujours, au dos d’une chaise, était oublié le ridicule d’une des deux sœurs, aux jardinières rectilignes, contenant de pauvres fleurs fanées, aux dunkerques, où s’étageaient des objets d’art légitimistes, je le revoyais, dans ce salon, qu’on aurait pu croire le salon de la duchesse d’Angoulême, adossé debout à la cheminée, son diable d’œil noir, tout plein d’ironie, et à un moment, dans l’ennui de l’endroit solennel, jetant un mot, qui secouait d’un rire, la sèche vieillesse et les robes feuille morte et caca dauphin des deux antiques demoiselles. […] … au fond cette entorse me coûte 20 000 francs. » Et là-dessus, il se met à me parler de la crise qui sévit sur les théâtres, m’affirmant qu’à l’heure présente, personne ne veut payer sa place, qu’il arrive même ceci de phénoménal, que les rares payants demandent leurs coupons sur papier blanc, ainsi que des billets de faveur, et il me cite un monsieur de la société, dont il tait le nom, achetant pas mal de loges, qu’il donne, comme les tenant des auteurs.

1904. (1914) Note conjointe sur M. Descartes et la philosophie cartésienne pp. 59-331

Par ailleurs ils savent que l’amitié est d’un prix unique, qu’elle est infiniment rare, que rien ne la remplace ; qu’elle est infiniment sensible. […] Et ceci aussi est la réussite rare entre ces quelques réussites. […] Elle réalise ainsi, sans ombre de gêne, et ainsi sans ombre d’effort, sans apparence d’effort, la plus rare liaison, la plus rare conjonction qu’il puisse être donné à une œuvre d’effectuer. […] Il est si rare que les tenants de la bonne cause ne reçoivent pat une merveilleuse armure, c’est-à-dire une armure frauduleuse. C’est-à-dire, il est si rare que les tenants de la bonne cause n’aient pas peur.

1905. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamartine — Lamartine, Jocelyn (1836) »

. — Jocelyn est un enfant des champs et du hameau ; malgré ce nom breton de rare et fine race, je ne le crois pas né en Bretagne ; il serait plutôt de Touraine, de quelqu’un de ces jolis hameaux voisins de la Loire, dans lesquels Goldsmith nous dit qu’il a fait danser bien des fois l’innocente jeunesse au son de sa flûte, et qui ont dû lui fournir plusieurs traits dont il a peint son délicieux Auburn.

1906. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « LOUISE LABÉ. » pp. 1-38

Monfalcon en tête de la belle et rare édition des Œuvres de la belle Cordière (1853), il est dit à l’occasion d’une des dernières pages qu’on vient de lire : « M.

1907. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « DÉSAUGIERS. » pp. 39-77

Les chansons de Désaugiers, plus rares sous la Restauration, furent trop souvent de circonstance : les fêtes du roi, le baptême du duc de Bordeaux, le sacre de Reims, obtenaient de lui sans effort des couplets sincères, mais que la France entière ne répétait pas.

1908. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE KRÜDNER » pp. 382-410

Mais ces défauts de goût y sont rares, aussi bien que quelques locutions vicieuses (en imposer pour imposer), qu’un trait de plume corrigerait.

1909. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre premier. La structure de la société. — Chapitre IV. Services généraux que doivent les privilégiés. »

Là-dessus quelques chiffres et anecdotes pris, entre mille, sont d’une rare éloquence115  « M. le prince de Pons avait 25 000 livres de pension des bienfaits du roi, sur quoi Sa Majesté avait bien voulu en donner 6 000 à Mlle de Marsan, sa fille, chanoinesse de Remiremont.

1910. (1863) Cours familier de littérature. XV « XCe entretien. De la littérature de l’âme. Journal intime d’une jeune personne. Mlle de Guérin (3e partie) » pp. 385-448

. — Si j’écrivais sa vie, cette vie si jeune, si riche, si rare, si rattachée à tant d’événements, à tant d’intérêts, à tant de cœurs !

1911. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXIVe entretien. Fior d’Aliza (suite) » pp. 257-320

— Car les hôtes de ces solitudes sont bien rares, et il faut bien s’en défier, ajouta-t-elle avec grâce ; mais il y en a dont l’arrivée porte bonheur à une maison.

1912. (1867) Cours familier de littérature. XXIII « cxxxive Entretien. Réminiscence littéraire. Œuvres de Clotilde de Surville »

Aussy n’attends que du rare soleil Rays tremblottants esjouïssent ma cousche, Pour au dehors entonner chantz d’amours ; Ainz sont muets oysels, échoz sont sourds : Tout revivroit s’ung qu’appelle ma bousche, Tost la bayzant, estouffoit mes clamours ; Se l’espargnez, preulx vaillants d’Angleterre, Pardonne tout à vos maistres ingrats : En le veyant desfieray le tonnerre ; Et m’escrieray, le serrant dans mes bras : « Ores de l’air, de l’onde et de la terre, « Grondez, tyrans. » XIII Telles sont ces délicieuses élégies que Tibulle et Properce ne dépassent pas, et la langue de Racine n’était pas faite encore.

1913. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXIVe entretien. Chateaubriand, (suite.) »

Elle n’y répondait que par de rares lettres dont l’accent n’avait plus que la langueur des regrets.

1914. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série «  M. Taine.  »

Certes, ce sont là des vers d’une qualité tout à fait rare.

1915. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre sixième. »

« Il étoit peu adroit », dit son biographe Roulliard, « en son génie poétique. » « Il se mêla de poésie, dit Bayle, et n’y réussit pas. » La version des vers grecs en vers français, ajoute-t-il, à laquelle Amyot se voulut assujettir dans son Plutarque, est « affreuse. » Charles IX la trouvait grossière, « en quoi, dit Roulliard, son opinion a esté suivie de beaucoup d’aultres. » Amyot n’a pas même eu, à cet égard, l’espèce d’adresse que donnait aux auteurs les plus médiocres l’habitude générale au xvie  siècle d’écrire en vers ; outre que, dans la traduction des poëtes grecs, les analogies des deux langues étant beaucoup plus rares, il lui arrive plus souvent d’éteindre l’original que d’enrichir sa propre langue.

1916. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XIV. La littérature et la science » pp. 336-362

Dans le domaine de la science pure, la chose est assez rare.

1917. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 février 1885. »

On doit en conclure, ce me semble, qu’il possède, cette rare intensité du sentiment, cette ardeur intérieure, cette puissance de volonté, cette foi qui subjuguent, émeuvent et entraînent. » Et il termine son article par le fameux serment : « Si telle est cette religion (« le beau est horrible, l’horrible est beau ») je suis fort loin de la professer ; je n’en ai jamais été, je n’en suis pas, je n’en serai jamais… Je lève la main, et je le jure : Non credo ! 

1918. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 avril 1886. »

II Le grand cœur de la Terre, d’où toutes choses étranges et rares Prennent forme et verbe afin que chaque atome inséparé Puisse porter sa partie dans tout l’accord des pensées qui partagent       Le grand cœur de la Terre.

1919. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 septembre 1886. »

Mais pour les rares « différents », pour ceux qui furent habitués par Bach, et par Grétry, et par Beethoven, à la recréation affinée d’émotions délicates, elle demeure précieuse seulement comme une inconsciente fabrication de termes nouveaux et d’utiles procédés.

1920. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — Chapitre X »

Quelle délicatesse de touche il fallait pour exprimer ce cas rare, cette nuance indécise, une virginité malade de la corruption qu’elle respire, et qui languit et qui va mourir.

1921. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre troisième. Le souvenir. Son rapport à l’appétit et au mouvement. — Chapitre premier. La sélection et la conservation des idées dans leur relation à l’appétit et au mouvement. »

On oublie d’abord les mots, c’est-à-dire le langage rationnel, puis les exclamations et interjections, ou langage émotionnel, et, dans des cas très rares, les gestes.

1922. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1883 » pp. 236-282

Il ajoutait que dans les sentiments de pure affection, le baiser était une chose rare.

1923. (1707) Discours sur la poésie pp. 13-60

En effet les beautés les plus fréquentes des poëtes consistent en des images vives et détaillées, au lieu que les raisonemens y sont rares, et presque toujours superficiels.

1924. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Notes et éclaircissements. [Œuvres complètes, tome XIII] »

« Accoutumez-vous à la disette des talents en tout genre, à l’esprit devenu commun, et au génie devenu rare, à une inondation de livres sur la guerre pour être battus, sur les finances pour n’avoir pas un sou, sur la population pour manquer de recrues et de cultivateurs, et sur tous les arts pour ne réussir dans aucun. » (Ibid.

1925. (1913) La Fontaine « VI. Ses petits poèmes  son théâtre. »

La pièce que j’expose à vos doctes génies Est un beau composé de ces rares saillies, De ce bon goût nouveau d’un ouvrage du temps Où l’esprit prend partout le dessus du bon sens.

1926. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « VII. M. Ferrari » pp. 157-193

Qui refuse à l’auteur de l’Histoire de la Raison d’État et des Révolutions d’Italie ce rare assemblage de facultés qui forment son talent d’originalités complexes et font de lui une sorte de génie composite, un grand artiste, abstrait et poétique, qui prend l’histoire comme un matras et la pétrit à sa fantaisie, quitte à prendre, dans une suprême duperie, pour une éternelle vérité, cette forte fantaisie qu’il a imprimée sur l’histoire ?

1927. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre vii »

Pleins de goût et de feu, ces jeunes doctrinaires formaient une société d’une espèce rare, une académie à la fois savante, policée et enthousiaste.

1928. (1870) La science et la conscience « Chapitre II : La psychologie expérimentale »

On commence à connaître assez les peuples de race jaune, Chinois, Japonais, Tartares, pour se faire une idée des aptitudes et des incapacités naturelles de cette race, de son goût et son talent pour les sciences pratiques et les arts mécaniques, de son éloignement pour les sciences transcendantes et pour la métaphysique, de sa rare finesse, de son étonnante subtilité d’esprit, non-seulement dans les choses de négoce, mois encore dans les plus difficiles exercices d’attention et de raisonnement.

1929. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Jean-Jacques Ampère »

Ce sont là, il faut en convenir, de hauts dilettantismes de l’esprit et à la portée d’une rare élite. […] Cuvier et retraçant le fin profil de la jeune fille, a écrit : « … C’était Clémentine, l’unique enfant de Cuvier, une créature angélique dans laquelle l’illustre académicien se plaisait à retrouver quelques-uns des dons les plus rares de sa grande intelligence.

1930. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre III. La critique et l’histoire. Macaulay. »

Des brouillards et des orages pèsent sur elle pendant la plus grande partie des beaux étés ; et même dans les jours rares où le soleil est brillant, quand il n’y a aucun nuage dans le ciel, l’impression que laisse le paysage est triste et accablante. […] Mists and storms brood over it through the greater part of the finest summer ; and even on those rare days when the sun is bright, and when there is no cloud in the sky, the impression made by the landscape is sad and awful.

1931. (1887) Journal des Goncourt. Tome II (1862-1865) « Année 1865 » pp. 239-332

* * * — Il est bien rare qu’on se dévoue gratuitement à spiritualiser ses semblables. […] Et il est devenu, pour ainsi dire, l’ombre transparente du petit et maigrelet homme qu’il était autrefois : une ombre avec quelques rares bouquets de poils blancs épars sur une figure spectrale.

1932. (1898) Manuel de l’histoire de la littérature française « Livre II. L’Âge classique (1498-1801) — Chapitre premier. La Formation de l’Idéal classique (1498-1610) » pp. 40-106

C’est qu’aussi bien, si le grec a de rares qualités, le latin en a d’autres, et de plus convenables peut-être à la nature du génie français. […] La Délie de Scève, et les Rymes de Pernette du Guillet, devenues de nos jours extrêmement rares, ont été réimprimées à Lyon, chez Scheuring, 1862 et 1864.

1933. (1882) Essais de critique et d’histoire (4e éd.)

Leurs frères les pélicans, les cygnes, deviennent rares, « On chercherait en vain ces blanches flottes qui couvraient de leurs voiles les eaux du Mincio, les marais de Mantoue, qui pleuraient Phaéton à l’ombre de ses sœurs, ou, dans leur vol sublime, poursuivant les étoiles d’un chant harmonieux, leur portaient le nom de Varus. » C’est la tendresse du poète qui ranime ses créatures. […] D’autres alentour les regardaient, et parmi eux Lysis, qui se tenait debout dans un groupe de jeunes gens et d’enfants, la couronne sur la tête d’une figure vraiment rare, et digne d’être appelé non seulement beau, mais beau et bon. […] La piété, l’attention infatigable de Mme la Princesse, sa douceur, sa soumissionne novice, ne purent la garantir ni des injures fréquentes, ni des coups de pied et de poing, qui n’étaient pas rares. » Il avait couru après l’alliance des bâtards, et, pendant que sa fille était chez le roi, faisait antichambre à la porte. […] Plus d’invention : la littérature, au bout d’un siècle, devient un amusement de rhéteurs et de sophistes30 ; la philosophie, réduite à la pratique, est une exhortation à jouir ou à bien mourir ; les artistes font des copies ; les habiles ouvriers meurent et n’ont point d’élèves ; l’industrie s’amoindrit ; l’esclave s’abrutit ; les curiales s’enfuient ; le mariage devient rare. — Dans cet affaissement de toutes les forces et de toutes les espérances terrestres, devant ce spectacle de l’injustice organisée, de la tyrannie invincible, de la décadence croissante, dans cette ruine de la religion, de la cité, de la famille, des arts, de la philosophie, des lettres, que reste-t-il à l’homme qui n’est point encore descendu dans l’abrutissement ou dans l’orgie ?

1934. (1858) Du vrai, du beau et du bien (7e éd.) pp. -492

Mais cette langue-là n’est pas à l’usage de la jeunesse ; elle demande, avec une rare justesse d’esprit et un sincère amour de la vérité et des hommes, de longs efforts, le commerce du monde, et un art qui sait effacer sa trace. […] Il a gravé dans la mémoire des hommes un certain nombre de travers et de vices qui s’appelleront à jamais L’Avare, Le Malade imaginaire, Les Femmes savantes, le Tartufe, Don Juan, pour ne pas parler du Misanthrope, pièce à part, touchante autant que plaisante, qui ne s’adresse pas à la foule et ne peut être populaire, parce qu’elle exprime un ridicule assez rare, l’excès dans la passion de la vérité et de l’honneur. […] Le paysage placé immédiatement sous vos yeux n’a rien de bien rare, on le peut trouver partout ; mais suivez la perspective : elle vous conduit à travers des campagnes florissantes, une belle rivière, des ruines, des montagnes qui dominent ces ruines, et vous vous perdez dans des lointains infinis. […] Rappelé en France par Richelieu, qui y avait aussi rappelé Poussin et Champagne, Jacques Sarazin, en peu d’années, a produit une foule d’ouvrages d’une rare élégance et d’un grand caractère.

1935. (1924) Intérieurs : Baudelaire, Fromentin, Amiel

La nuit qui tombait n’augmenta ni la solitude, ni l’abandon, ni l’exprimable désolation de ce lieu. » On voit la différence qui existe dans l’art du paysage entre l’état d’âme à la Chateaubriand et l’état d’âme à la Fromentin : le premier romantique et tendu, rare et noble, le second réaliste, précis, quotidien. […] Il constate que son œuvre, comme celle de la plupart de ses contemporains, est dépourvue de « ce rare, absolu et indubitable caractère auquel on reconnaît toute création divine et humaine, de pouvoir être limitée, mais non suppléée, et de manquer aux besoins du monde si on la suppose absente ». […] Rien de plus rare chez un homme ; rien de plus rare surtout chez un artiste au génie duquel est souvent incorporée l’illusion sur lui-même.

1936. (1857) Réalisme, numéros 3-6 pp. 33-88

« Ses qualités étaient aussi rares que sa beauté : il avait une voix virginale et n’en était que plus affranchi. […] La chose est rare. […] Dans les actions compliquées et longues, il est rare que le lecteur arrive à la fin sans avoir oublié le commencement ; l’auteur ne peut suivre ses caractères avec la même conscience, la même sûreté, étant entravé à chaque pas par les besoins du plan, l’étrangeté des scènes, et tout finit par être un mensonge ennuyeux et insignifiant. Quand on met trop d’imagination dans un livre, il est bien rare qu’il y ait des caractères, et s’il y en a, on les trouve en contradiction perpétuelle avec l’action ; ce sont deux choses qui se nient perpétuellement l’une par l’autre. […] à nous faire de délicieux habits en papier, des patrons de gilets d’une élégance rare, et des pantalons collants dont on n’a jamais pu voir que la doublure.

1937. (1903) Hommes et idées du XIXe siècle

De même en est-il dans l’art, dans les sciences où il est rare que les grandes découvertes soient l’œuvre de ceux qui s’en sont les premiers avisés, et de même encore dans la politique. […] Le public subitement élargi, auquel les auteurs devaient désormais s’adresser, excédait de toutes parts l’élite sociale de jadis ; et tandis que les représentants de l’ancien goût se faisaient de plus en plus rares, la masse qui venait de faire son avènement réclamait un art qui fût assorti à son humeur. […] Le psychologue, pour définir l’esprit et marquer les limites de son activité normale, décrit les formes rares, curieuses, extrêmes, extraordinaires de cette activité, et inventorie les cas anormaux. […] Qu’un petit bourgeois, soigneusement élevé et pourvu d’un emploi modeste, soit conduit par sa paresse, par son ivrognerie, par toute sorte de vices à la prison et à l’hôpital… j’avoue pour ma part ne pas voir ce qu’il y a dans une telle destinée de hardi et de rare, de pittoresque et de poétique. […] Il gémit sur l’état de la France qu’il voit, Dépravée, insensée, une fille, une folle Déchirant de ses mains la pudeur des aïeules, Et l’honneur ataval et l’antique parole, La parlant en argot pour des sottises seules, L’amour s’évaporant en homicides vils D’où quelque rare enfant, pâle fantôme, sort, Son Dieu le reniant, pour quels crimes civils ?

1938. (1896) Écrivains étrangers. Première série

Et puisque aussi bien le Cas Wagner est l’un de ses rares écrits qui aient été traduits en français, on me permettra de rechercher en quelque sorte, dans sa biographie et ses notes intimes, les antécédents de ce petit livre. […] Les plus intimes amis de Tourguenef, aussi longtemps qu’il a vécu, n’ont rien vu en lui qu’une façon de bon géant, très intelligent, très instruit, d’une obligeance infatigable, et joignant à la faculté de savoir parler la faculté plus rare de savoir écouter. […] Mais ils lui reprochent d’avoir été égoïste, vaniteux, d’avoir eu ainsi mille petits travers d’homme de lettres qui ne doivent pas être plus rares, pourtant, à Saint-Pétersbourg qu’à Paris. […] Il vit seul, le plus souvent, ayant perdu sa femme, et marié ses trois filles : mais il a pour lui tenir compagnie des œuvres d’art amoureusement choisies, et une bibliothèque pleine d’éditions rares. […] C’est surtout le cabinet de travail du jeune poète, une grande pièce tapissée de damas rouge, toute pleine de meubles rares et de bibelots précieux.

1939. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « MÉLEAGRE. » pp. 407-444

C’est là, nous dit Brunck, qu’on aurait retrouvé en entier ces idylles ou petites pièces des plus inventifs et des plus accomplis poëtes, l’admiration et les délices de toute l’antiquité, de ceux dont nous sommes accoutumés à vénérer les noms, et dont il ne nous est arrivé que de rares débris encore plus faits pour enflammer nos regrets que pour nous donner la mesure des pertes.

1940. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre quatrième. La propagation de la doctrine. — Chapitre I. Succès de cette philosophie en France. — Insuccès de la même philosophie en Angleterre. »

Talent unique, le plus rare en un siècle classique, le plus précieux de tous, puisqu’il consiste à se représenter les êtres, non pas à travers le voile grisâtre des phrases générales, mais en eux-mêmes, tels qu’ils sont dans la nature et dans l’histoire, avec leur couleur et leur forme sensibles, avec leur saillie et leur relief individuels, avec leurs accessoires et leurs alentours dans le temps et dans l’espace, un paysan à sa charrue, un quaker dans sa congrégation, un baron allemand dans son château, des Hollandais, des Anglais, des Espagnols, des Italiens, des Français chez eux469, une grande dame, une intrigante, des provinciaux, des soldats, des filles470, et le reste du pêle-mêle humain, à tous les degrés de l’escalier social, chacun en raccourci et dans la lumière fuyante d’un éclair.

1941. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Introduction. » pp. -

Il fallait trouver un peuple qui eût une grande littérature complète, et cela est rare ; il y a peu de nations qui aient, pendant toute leur vie, vraiment pensé et vraiment écrit.

1942. (1862) Cours familier de littérature. XIII « LXXIIIe entretien. Critique de l’Histoire des Girondins (4e partie) » pp. 1-63

On cria à la complicité du gouvernement et à sa mollesse le jour de la lutte ; et la vérité, c’est que le gouvernement était armé jusqu’à l’excès de forces ; qu’il était debout avant l’heure de la sédition ; que la lenteur dans le maniement des troupes préparées surabondamment pour la crise l’étonna et le consterna plus que personne ; qu’il se constitua énergiquement lui-même en permanence et en conseil de guerre, pour couvrir de son corps la représentation nationale ; qu’il prit lui-même les armes du soldat dans les moments où la victoire semblait hésiter ; que ses principaux membres montèrent à cheval pour conduire les rares colonnes de gardes mobiles à l’assaut des positions de l’ennemi ; et qu’il prodigua son sang à la place des troupes, pendant qu’on l’accusait de cacher ses troupes pour encourager la sédition.

1943. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXIIe entretien. La Science ou Le Cosmos, par M. de Humboldt (1re partie). Littérature scientifique » pp. 221-288

Les travaux scientifiques de Humboldt et de son compagnon, malgré la richesse des matériaux où chaque jour apportait à leur ardeur quelque chose de neuf et de rare, ne pouvaient apaiser les mouvements de leur cœur ; aussi Humboldt se réjouissait-il de voir briller une voile à l’horizon lointain.

1944. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXVe entretien. La Science ou Le Cosmos, par M. de Humboldt (4e partie) » pp. 429-500

Le ramage trop rare des oiseaux a un caractère mélancolique et mystérieux, plutôt fait pour aviver le sentiment de la solitude que pour égayer et pour exciter à vivre.

1945. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLIIe entretien. Madame de Staël »

Elle n’eut pas d’enfance ; elle grandit et fleurit, comme une plante rare en serre chaude, sous la vertu de sa mère, sous la gloire de son père, sous les caresses et sous les admirations précoces des familiers illustres de la maison : ébauche de statue destinée au piédestal, sans cesse exposée dans le salon de son père comme dans un atelier de gloire à laquelle chacun des hôtes de la maison donnait tour à tour son coup de ciseau !

1946. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Mme Desbordes-Valmore » pp. 01-46

« Parmi les habitués du théâtre Feydeau, que charmait sa tenue décente autant que son jeu naturel, ne s’est-il pas trouvé un homme du monde, un lettré, un rimeur versé dans l’art d’Ovide, lequel, frappé et peut-être ému des rares aptitudes poétiques de la jeune artiste, sut tout de suite les apprécier et offrir des conseils accueillis avec une gratitude ingénue ? 

1947. (1890) L’avenir de la science « XXIII »

Ces moments sont rares et fugitifs ; habituellement nous vivons en face d’une tierce personne, qui empêche l’effrayant contact du moi contre lui-même.

1948. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, le 8 décembre 1885. »

On trouve ici un des rares articles de la Revue qui parle du fonctionnement musical de l’œuvre.

1949. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre XVII, l’Orestie. — les Euménides. »

La Renaissance exhume Eschyle des rares manuscrits qui restent de lui, elle l’édite et elle le commente doctement ; mais son génie ne sort pas des officines où l’érudition l’élucubre.

1950. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — CHAPITRE IX »

Elle avait le don rare d’entrer, de s’asseoir, de se parer dans le goût suprême.

1951. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Additions et appendice. — Treize lettres inédites de Bernardin de Saint-Pierre. (Article Bernardin de Saint-Pierre, p. 420.) » pp. 515-539

Conservez-moi votre amitié, mon cher ami, et donnez m’en souvent des preuves en m’écrivant par la voie de la mer qui n’est ni rare, ni coûteuse.

1952. (1856) Cours familier de littérature. I « Digression » pp. 98-160

Deux chambres basses où l’on montait par un escalier de bois, des meubles rares et éraillés, restes de l’antique opulence, quelques livres sur des tablettes suspendues à côté de la cheminée, une table où les vers de la fille et les romans de la mère, corrigés pour l’impression, révélaient assez les travaux assidus des deux femmes ; au fond de l’appartement, un petit cabinet de travail où Delphine se retirait du bruit pour écouter l’inspiration, voilà tout.

1953. (1913) La Fontaine « I. sa vie. »

La Fontaine a été poussé du côté de la carrière littéraire, et par son père, et par sa femme, pendant le temps qu’elle a pu avoir de l’influence sur lui, et surtout, évidemment, par sa vocation, par une de ces vocations (assez rares) qui sont lentes à sortir tout leur effet, et lentes à pousser l’homme du côté où il doit aller, mais enfin par une vocation évidente.

1954. (1913) La Fontaine « VIII. Ses fables — conclusions. »

Vous savez que les gens de génie ont quelquefois le flair critique, encore que ce soit assez rare.

1955. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. Taine » pp. 305-350

C’est un impartial, chose bien rare !

1956. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Crétineau-Joly »

Eh bien, c’est cette méprise humaine que les enseignements de l’histoire ont pour but de rendre plus rare !

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