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1186. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « La princesse des Ursins. Lettres de Mme de Maintenon et de la princesse des Ursins — I. » pp. 401-420

La princesse des Ursins, à son tour, traitait moins solennellement et plus agréablement la même question dans une de ses lettres à Mme de Maintenon. […] De ces trois personnes, si j’ose dire, Mme des Ursins était celle encore qui dominait le plus sa situation, et qui avait le plus fait le tour de chaque chose par l’esprit : c’était des trois la plus détachée de son rôle, et le jouant d’autant mieux.

1187. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Le duc d’Antin ou le parfait courtisan. » pp. 479-498

Cette situation singulière décida dès l’enfance du tour de ses pensées, et donna le pli à son âme. […] Né avec beaucoup d’esprit, beau comme le jour dans sa jeunesse, « il tenait, dit Saint-Simon, de ce langage charmant de sa mère et du gascon de son père », du gascon adouci par « un tour et des grâces naturelles qui prévenaient toujours ».

1188. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Paul-Louis Courier. — I. » pp. 322-340

J’étais alors substitut à Tours ; on vint me chercher de Véretz au milieu de la nuit ; j’arrivai à l’aube… » Et j’entendis alors un récit vrai, simple, attachant, dramatique, qui me remit en mémoire cette singulière et originale figure, et qui me tente aujourd’hui de la retracer. […] Des lettres ainsi refaites et retouchées laissent toujours à désirer quelque chose, je le sais bien ; elles n’ont pas la même autorité biographique que des lettres toutes naïves, écrites au courant de la plume, oubliées au fond d’un tiroir et retrouvées au moment où l’on y pense le moins : mais Courier, homme de style et de forme, n’a guère dû faire de changements à ses épîtres que pour les perfectionner par le tour ; ses retouches et ses repentirs, comme disent les peintres, n’ont pas dû porter sur les opinions et les sentiments qu’il y exprime, et le travail qu’il y met, le léger poli qu’il y ajoute n’est qu’un cachet de plus.

1189. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre deuxième. L’émotion, dans son rapport à l’appétit et au mouvement — Chapitre deuxième. Rapports du plaisir et de la douleur à la représentation et à l’appétition »

Hegel, à son tour, appelle le sentiment une connaissance confuse. […] C’est aussi en ce sens qu’on peut dire que tout sentiment de plaisir ou de peine enveloppe des idées ; ces idées lui donnent une forme et une direction ; à son tour il leur donne une force de réalisation.

1190. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1880 » pp. 100-128

Ce soir, chez Sichel, après dîner, il fait des tours à la Houdin, joue du violon, se livre à un tas de pitreries, entremêlées de phrases bourbeuses d’esthétique. […] Devant sa psyché, à l’effet de gracieuser sa bouche pour les bals du soir, elle se livrait à une véritable répétition tous les matins, disant cent fois, quand elle voulait la faire toute petite : Un pruneau de Tours, disant quand elle voulait la montrer dans sa largeur et son épanouissement : J’avale une poire.

1191. (1767) Salon de 1767 « Adressé à mon ami Mr Grimm » pp. 52-65

Il n’y avait rien ni de Pierre, ni de Boucher, ni de La Tour, ni de Bachelier, ni de Greuze. […] Je ne veux contrister personne, ni l’être à mon tour.

1192. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 33, que la veneration pour les bons auteurs de l’antiquité durera toujours. S’il est vrai que nous raisonnions mieux que les anciens » pp. 453-488

Vers ce temps-là les navigateurs commencerent à faire le tour de notre globe, et quelque-temps après on sçut que le vent d’orient souffloit continuellement entre les tropiques dans l’un et dans l’autre hemisphere. Ce fut une preuve physique du sentiment qui fait tourner la terre sur son centre d’occident en orient dans vingt-quatre heures, en même-temps qu’elle fait le tour du zodiaque dans un an.

1193. (1824) Discours sur le romantisme pp. 3-28

Nous répondrons modestement que nous les avions toujours crues classiques, c’est-à-dire, composées d’après les excellents modèles de l’antiquité, et dignes de servir de modèles à leur tour aux poètes des siècles futurs. […] On fait des expressions trouvées avec des barbarismes, des tours nouveaux avec des solécismes, et des idées neuves avec des termes impropres.

1194. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre VI. Daniel Stern »

Au milieu de toute votre allemanderie, vous vous ressouvenez du tour de La Bruyère et vous en ornez votre pensée. […] Et pourquoi n’y a-t-il que le tour dont elle se souvienne ?

1195. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Édelestand du Méril »

, Édelestand du Méril, un peu trop ascète, un peu trop loup-garou de la science, descend, comme saint Siméon styliste de sa colonne, des tours Notre-Dame de son cabinet de travail dans la rue, et s’atteste pour la première fois en dehors de la langue fermée des mandarins qu’il avait jusqu’ici parlée. […] Quoique la science et la littérature ne soient pas intimement des amies, quel bon tour cependant ce serait de prendre Édelestand du Méril à la philologie !

1196. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « Brizeux. Œuvres Complètes »

Pas une seule fois, dans ces trois livres de vers, pas une seule fois, un mot, un tour, — une étrangeté, — une incorrection qui sente le dialecte et les âpres habitudes de sa province n’est venu se mêler à la langue de ce poète par trop francisé à la fin, de ce chantre des mœurs bretonnes, sans courage quand il s’agit de risquer à propos un mot patois ! […] Oui, en vérité, c’est cette imperturbable éducation d’université, c’est cette culture d’Académie, qui ne se dérange pas une seule fois, qui n’entre pas une seule fois dans le tour de langage populaire et qui en craint le barbarisme, quand le Génie, lui, n’en aurait pas peur !

1197. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre iii »

Le père Deléglise (Jean-Marie), des Pères Oblats de Marie Immaculée, aumônier volontaire au 13e bataillon de chasseurs alpins : « D’un dévouement absolu, exerçant ses fonctions avec un tact et une intelligence au-dessus de tout éloge, apprenant à ses hommes le plus profond mépris de la mort, et montrant la même indifférence complète du danger ; à l’assaut du 14 juin 1915 a suivi la colonne, donnant à tous le meilleur réconfort ; frappé à son tour, en portant un blessé sur ses épaules, s’est relevé pour continuer sa marche avec son glorieux fardeau ; a été tué presque aussitôt d’une balle en plein front.  » (J. […] Si je dois tomber à mon tour, je remercierai Dieu de m’avoir laissé de la terre une aussi réconfortante vision. » ‌ La conduite héroïque des soldats contribue à exalter la foi des prêtres qui les voient agir.

1198. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre III : M. Maine de Biran »

« Il avait, dit-il lui-même, une pente naturelle vers les choses d’observation intérieure »… Il suivait « une lumière intérieure, un esprit de vérité qui luit dans les profondeurs de l’âme et dirige l’homme méditatif appelé à visiter ces galeries souterraines… Cette lumière n’est pas faite pour le monde, car elle n’est appropriée ni au sens externe ni à l’imagination ; elle s’éclipse ou s’éteint même tout à fait devant cette autre espèce de clarté des sensations et des images ; clarté vive et souvent trompeuse qui s’évanouit à son tour en présence de l’esprit de vérité. » Ainsi occupé, et ses regards concentrés sur lui-même, il avait fini, comme les philosophes indiens, par isoler et constituer à part, du moins à ses propres yeux, son être intérieur et sa volonté active. […] À votre tour, je veux les lâcher sur vous : « Si la collection de tous les modes, de toutes les qualités sensibles, étant brisée par l’abstraction, la substance imaginaire n’est plus rien ou n’a qu’une valeur nominale, la substance abstraite du mode, dans ce point de vue intellectuel, conserve encore la réalité qui lui appartient, à l’exclusion de toutes les apparences sensibles qui n’existent qu’en elle et par elle14. » Osez dire que vous comprenez ce jargon.

1199. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « I » pp. 1-8

C'était bien la peine de faire tant de fracas et de prendre les choses par un si grand tour et de tant tonner contre la philosophie éclectique, laquelle, au pis, n’est qu’un déisme et spiritualisme de cette sorte. — Quant au talent lui-même, il y en a certes, mais moins que ne croient les bonnes gens qui ont oublié Raynal, et qui ne savent pas qu’il n’est pas très-difficile avec une certaine énergie de plume de faire de ces peintures qui sont partout, en leur rendant quelque puissance d’ensemble.

1200. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Chateaubriand — Note »

Ainsi un feuilletoniste, qui s’efforce de m’être agréable, dira par exemple : « Jeune, quand vous alliez à l’Abbaye-au-Bois, vous écoutiez ; maintenant, c’est votre tour de parler, on vous écoute… » Il semblerait en vérité que, dans ce charmant salon où présidaient la politesse et le goût, M. de Chateaubriand eût charge de rendre des oracles et que le rôle des autres fût de l’écouter bouche béante.

1201. (1874) Premiers lundis. Tome I « Hoffmann : Contes nocturnes »

En un temps où on est las de toutes les sensations et où il semble qu’on ait épuisé les manières les plus ordinaires de peindre et d’émouvoir, en un temps où les larges sentiers de la nature et de la vie sont battus, et où les troupeaux d’imitateurs qui se précipitent sur les traces des maîtres ne savent que soulever des flots de poussière suffocante, lorsqu’on avait tout lieu de croire que le tour du monde était achevé dans l’art, et qu’il restait beaucoup à transformer et à remanier sans doute, mais rien de bien nouveau à découvrir, Hoffmann s’en est venu qui, aux limites des choses visibles et sur la lisière de l’univers réel, a trouvé je ne sais quel coin obscur, mystérieux et jusque-là inaperçu, dans lequel il nous a appris à discerner des reflets particuliers de la lumière d’ici-bas, des ombres étranges projetées et des rouages subtils, et tout un revers imprévu des perspectives naturelles et des destinées humaines auxquelles nous étions le plus accoutumés.

1202. (1874) Premiers lundis. Tome II « H. de Balzac. Études de mœurs au xixe  siècle. — La Femme supérieure, La Maison Nucingen, La Torpille. »

Ce noble exemple, tant ridiculisé par un monde aveugle, me paraît, à lui seul, capable de racheter les erreurs de sa vie… Il y a loin de la dignité d’action du pauvre Rousseau à la pompeuse fortune littéraire des spéculateurs en philanthropie, Voltaire et son écho lointain Beaumarchais… » M. de Balzac, après avoir, non sans raison, remarqué que cette sévérité contre les auteurs qui vendent leurs livres siérait mieux peut-être sous une plume moins privilégiée à tous égards que celle de M. de Custine, se donne carrière à son tour, se jette sur les contrefaçons, agite tout ce qu’il peut trouver de souvenirs à la fois millionnaires et littéraires : la conclusion est qu’à moins de devenir riche comme un fermier général, on se maintient mal aisément un grand écrivain.

1203. (1874) Premiers lundis. Tome II « Poésie — Le Comte Walewski. L’École du Monde »

Prenons garde de ressembler à notre tour à ceux qui ont voulu décider en des matières ou ils n’étaient pas tout à fait compétents.

1204. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — S — Saint-Pol-Roux (1861-1940) »

Saint-Pol-Roux joue d’une cythare dont les cordes sont parfois trop tendues : il suffirait d’un tour de clef pour que nos oreilles soient toujours profondément réjouies.

1205. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XIX » pp. 207-214

Ne transporte chez vous les pleurs et la misère, Et mettant en nos mains, par un juste retour, Les armes dont se sert sa vengeance sévère,        Il ne vous fasse, en sa colère,        Nos esclaves à votre tour.

1206. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des recueils poétiques — Préfaces des « Orientales » (1829) — Préface de l’édition originale »

Et puis, pourquoi n’en serait-il pas d’une littérature dans son ensemble, et en particulier de l’œuvre d’un poëte, comme de ces belles vieilles villes d’Espagne, par exemple, où vous trouvez tout : fraîches promenades d’orangers le long d’une rivière ; larges places ouvertes au grand soleil pour les fêtes ; rues étroites, tortueuses, quelquefois obscures, où se lient les unes aux autres mille maisons de toute forme, de tout âge, hautes, basses, noires, blanches, peintes, sculptées ; labyrinthes d’édifices dressés côte à côte, pêle-mêle, palais, hospices, couvents, casernes, tous divers, tous portant leur destination écrite dans leur architecture ; marchés pleins de peuple et de bruit ; cimetières où les vivants se taisent comme les morts ; ici, le théâtre avec ses clinquants, sa fanfare et ses oripeaux ; là-bas, le vieux gibet permanent, dont la pierre est vermoulue, dont le fer est rouillé, avec quelque squelette qui craque au vent ; au centre, la grande cathédrale gothique avec ses hautes flèches tailladées en scies, sa large tour du bourdon, ses cinq portails brodés de bas-reliefs, sa frise à jour comme une collerette, ses solides arcs-boutants si frêles à l’œil ; et puis, ses cavités profondes, sa forêt de piliers a chapiteaux bizarres, ses chapelles ardentes, ses myriades de saints et de châsses, ses colonnettes en gerbes, ses rosaces, ses ogives, ses lancettes qui se touchent à l’abside et en font comme une cage de vitraux, son maître-autel aux mille cierges ; merveilleux édifice, imposant par sa masse, curieux par ses détails, beau à deux lieues et beau à deux pas ; — et enfin, à l’autre bout de la ville, cachée dans les sycomores et les palmiers, la mosquée orientale, aux dômes de cuivre et d’étain, aux portes peintes, aux parois vernissées, avec son jour d’en haut, ses grêles arcades, ses cassolettes qui fument jour et nuit, ses versets du Koran sur chaque porte, ses sanctuaires éblouissants, et la mosaïque de son pavé et la mosaïque de ses murailles ; épanouie au soleil comme une large fleur pleine de parfums ?

1207. (1912) L’art de lire « Chapitre VII. Les mauvais auteurs »

Devenus hommes, ils sont chargés, à leur tour, de toutes les imperfections dont ils se sont moqués. » Vous reconnaissez certainement quelques-uns des petits garçons qui furent vos camarades de classe.

1208. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Armand Baschet »

I Pendant que la comédie s’en va mourant sur tous les théâtres de l’Europe, pendant que toutes les pièces qu’on y joue ressemblent — tant elles se copient les unes les autres — au gant retourné de l’escamoteur qui a la prétention de faire des tours différents toujours avec le même gant, il se publie parfois, trop rarement, il est vrai, avec un sang-froid et un sérieux imperturbable, des livres d’un comique profond et achevé qui ne sont plus de la comédie de convention, mais de la bonne et brave comédie de nature humaine.

1209. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Auguste Nicolas »

Les quelques grands écrivains qui ont paru de nos jours attestent presque cette décadence qu’il est si dur d’avouer par la nature même de leur génie tourmenté, multiple, savant, chargé d’ornementations et d’effets, mais privé de la simplicité tranquille des fortes littératures, comme l’atteste à son tour la plèbe des écrivains sans talent par l’inanité de leur effort.

1210. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Paria Korigan » pp. 341-349

Mais elle l’est en patois breton que nous pouvons entendre, — le patois breton de la Bretagne actuelle, — et c’est ce patois-là qu’elle nous donne et dont elle a toutes les grâces, tous les tours naïfs, toutes les locutions attardées, qui font des patois des choses délicieuses.

1211. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « Préface » pp. -

Y a-t-il déjà parmi nous, pressenti ou inconnu encore, un homme qui puisse à son tour prendre le sceptre du Roman, que pour prendre il faut d’abord soulever, et qui sache en augmenter la lourdeur pour les mains qui viendront après lui ?

1212. (1915) La philosophie française « II »

Nul, d’ailleurs, n’a plus contribué à fonder cette psychologie scientifique qu’un Moreau de Tours, un Charcot ou un Ribot.

1213. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre II. Quelques traditions sur Pindare. »

Horace, vous le voyez, badine sur sa prédestination poétique ; et il emprunte à Pindare jusqu’au tour et au moindre détail de son expression : Non sine dis animosus infans.

1214. (1912) Chateaubriand pp. 1-344

Et cette inquiétude, d’où vient-elle à son tour ? […] Mais la Révolution a été abominable à son tour. […] L’innocence à son tour… n’est-elle pas le plus ineffable des mystères ? […] Sur un palier de l’escalier de la grande tour battait une pendule qui sonnait le temps au silence. […] Il fut nommé au second tour et par treize voix.

1215. (1920) Impressions de théâtre. Onzième série

Brunetière sur Tartufe a été un tour de force de dialectique et une merveille aussi d’habileté oratoire. […] Mais il sait donner à ses plus audacieuses fantaisies l’expression, le tour, l’accent le plus dogmatiques, ceux qu’on croyait convenir uniquement à l’exposition des idées traditionnelles. […] Et Marivaux, et Voltaire, et La Chaussée, et Sedaine, et Beaumarchais, — et même Scribe, je vous assure — , ont eu, chacun à son tour, le dessein de s’approcher davantage du vrai. […] … Je crois bien que cela est délicieux… Mais, à ce moment, des colombes s’envolent de la tour. […] … Des dômes, des dômes, des tours, des tours !

1216. (1923) Au service de la déesse

Il a raison de distinguer les systèmes et le tour que prennent les systèmes en passant des philosophes à la multitude. […] Et est-il responsable du tour que son hérésie a pris depuis sa mort ? […] L’analyse des sources ne serait complète que si le commentateur lisait à son tour ces quinze cents volumes. […] C’est un peu ridicule : non pas cette confiance en Dieu ; mais le tour qu’elle prend ici. […] C’est la seconde création, pour ainsi dire : Dieu a créé le monde ; à son tour, la jeune Ève en crée l’idée humaine.

1217. (1923) Les dates et les œuvres. Symbolisme et poésie scientifique

D’autres livres ainsi viendront, à leur tour, et ce sera ainsi, « parallèlement ». […] Tour à tour il devait prononcer : « Ronsard et Moi !  […] Et Jean de Gourmont constatera à son tour : « M.  […] Et c’était, en ses prunelles visionnaires, la quotidienneté stupide dominée à son tour par l’idéal Inconnu. […] Ils espèrent, en la jouant, vous jouer en même temps un mauvais tour.

1218. (1921) Esquisses critiques. Première série

Avec une extrême virtuosité, le poète entreprend et réussit de menus tours de force pleins d’agréments. […] Il a l’art d’utiliser, dans des périodes à grande cadence, un vocabulaire en parfait désaccord avec leur tour oratoire. […] La brièveté de ses ouvrages, leur tour burlesque, l’impression qu’ils produisent, tout en eux restitue ces œuvres d’antique gaieté. […] Mille tours variés, imprévus, l’ornent et l’enrichissent, les mots y sont mis en des places d’où ils étincellent, les ressources de la syntaxe y sont employées avec bonheur : c’est une matière de choix. […] Toulet semble être dans les tours.

1219. (1929) Critique et conférences (Œuvres posthumes III)

Je les observe ou plutôt je les espionne : ils m’observent à leur tour, qui est le bon, et ne m’espionnent pas, et pourquoi le feraient-ils ? […] Aussi, en me penchant énormément, je vois à ma gauche le sommet de la tour Saint-Jacques du Haut-Pas et le faîte de l’arbre des Sourds-Muets, tandis qu’à ma droite, très loin, s’estompe la tour Saint-Jacques-la-Boucherie. […] une véritable campagne autour de mon « entrée » dans divers hôpitaux plus ou moins inexactement cités, chacun à son tour, les uns que les autres. […] Après avoir ordonné le silence, ce qui fut obtenu, non sans peine, par un jeune homme d’environ seize ans, un élève destiné à devenir maître à son tour, Mr Andrews lut à haute voix les prières. […] C’est une vieille ville qui possède une superbe église dont la tour rappelle l’une de celles de la cathédrale de Rouen ; elle s’enorgueillit encore d’une blanche statue de M. 

1220. (1765) Articles de l’Encyclopédie pp. 5482-9849

Un philosophe très éclairé a remarqué que le peuple même s’exprime par des figures ; que rien n’est plus commun, plus naturel que les tours qu’on appelle tropes. […] Cette facilité en Peinture, en Musique, en Éloquence, en Poésie, consiste dans un naturel heureux, qui n’admet aucun tour de recherche, & qui peut se passer de force & de profondeur. […] On tend un piége avec finesse, on en échappe avec subtilité ; on a une conduite fine, on joue un tour subtil ; on inspire la défiance, en employant toûjours la finesse. […] Toute harangue est foible, quand elle n’est pas relevée par des tours ingénieux & par des expressions énergiques ; mais un plaidoyer est foible, quand avec tout le secours de l’éloquence & toute la véhémence de l’action, il manque le raisons. […] L’affluence du peuple, l’opulence, l’oisiveté, qui ne peut s’occuper que des plaisirs & des arts, & non du gouvernement, ont donné un nouveau tour d’esprit à un peuple entier.

1221. (1908) Après le naturalisme

Le classicisme, l’encyclopédisme, le romantisme, le naturalisme commirent chacun à leur tour la réalisation d’une âme commune dont le moindre servant s’appliquait à représenter les différents aspects. […] C’est le tour des hommes d’action. […] Le roman, le théâtre ne seront-ils pas frappés à leur tour, et ne réclamez-vous pas pour eux une destinée qu’ils ne doivent plus espérer ? […] Tout héros de cet avatar en arrive promptement à se retirer loin de la foule dans la tour d’ivoire ou d’ébène où il lui est loisible davantage de se livrer à son rêve. […] Et s’il ne réagit pas à son tour sur l’univers selon ses facultés, il n’est pas l’homme, mais bien moins qu’un plastide, lequel du moins vit pour vivre et réagit suffisamment de la seule force de ses mollécules.

1222. (1848) Études critiques (1844-1848) pp. 8-146

Alfred de Musset, et ce n’est pas à coup sûr que nous les en tenions indignes ; telles qu’elles sont, il n’en est pas une seule qui n’explique par quelque qualité le juste renom de l’auteur ; mais malheureusement celles que nous passons sous silence ressemblent trop à celles dont nous avons parlé, et en les examinant à leur tour, nous pourrions courir grand risque de tomber dans les redites. […] Ils ont perdu des tours, des églises, la vieille bourse ; mais ils ont sauvé la banque et les gros livres. […] Sa tête était couverte d’un bonnet dont la mousseline empesée imitait une couronne murale garnie de tours et de créneaux. […] Jules Janin C’est presque aller chercher l’occasion d’un tour de force que de prétendre parler avec impartialité du critique des Débats. […] À la suite, assez de gens ont brûlé leur encens devant les productions littéraires de ce temps-là pour qu’il soit inutile de les louer à mon tour.

1223. (1895) Les confessions littéraires : le vers libre et les poètes. Figaro pp. 101-162

Allons : à qui le tour ? […] Oui, Mistral a du Maître de Bayreuth le retour du leitmotiv, l’art des énumérations familières et joyeuses, de noms ou de choses, l’instrumentation harmonieuse des voix simultanées de la foule ; et, à plusieurs reprises, dans son œuvre, tels tours de pensée spiritualiste et sublime sur la survie de l’amour des âmes, aux transports sensuels. […] On entend au loin L’onde qui gazouille Tourbillonne et mouille La Tour du moulin. […] Ne me considérant pas comme « un ange exilé sur la terre » ni comme un dédaigneux des vagues humanités juché au sommet de la « Tour d’Ivoire ». […] Adolphe Retté le Saint-Esprit ; comme ces messieurs, il habite une Tour d’Ivoire, dans la sérénité de laquelle il œuvre à rénover, à racheter la Poésie française.

1224. (1924) Critiques et romanciers

Le talent se cantonne volontiers dans la sécurité d’une chambre ou, comme on disait, dans la tour d’ivoire. […] Peut-être alors le pantalon sera-t-il, à son tour, démodé : le pantalon périra. […] Voilà ce que signifient les pantalons que promènent à petits pas vigilants les gardiens de la Tour. […] Ils ont résolu de ne point l’embellir : donc, ils l’enlaidissent, et à tour de bras. […] Il n’a pas un tour de phrase où l’on ait à le reconnaître.

1225. (1864) Études sur Shakespeare

La jeunesse de Stratford, provoquée à son tour, accepta vaillamment le défi ; et Shakespeare, non moins connaisseur, assure-t-on, en fait de bière, que Falstaff en fait de vin d’Espagne, fit partie de la bande joyeuse, dont sans doute il se séparait rarement. […] Mais elles reparaissent après sa mort, et avec tant d’autorité que le jeune roi Édouard VI compose lui-même, sous le titre de la Prostituée de Babylone, une pièce antipapiste, et qu’à son tour la reine Marie, fait représenter dans les églises, en faveur du papisme, des drames populaires. […] La cour elle-même affectait bien quelquefois, comme distinction, une admiration exclusive pour la littérature ancienne ; mais dès qu’il s’agissait d’amusement, elle rentrait dans le public ; et, en effet, il n’était pas aisé de passer du spectacle des combats de Tours à la prétention des sévérités classiques, même telles qu’on les concevait alors. […] Il ne manquait à ce mouvement national qu’un homme de génie, capable de le recevoir et d’élever à son tour le public vers les hautes régions de l’art. […] La passion du spectacle fournissait de l’emploi à des gens de tout étage, depuis ceux qu’on dressait aux combats de Tours jusqu’aux enfants de Saint-Paul et aux sociétaires de Black-Friars.

1226. (1898) Manuel de l’histoire de la littérature française « Livre II. L’Âge classique (1498-1801) — Chapitre III. La Déformation de l’Idéal classique (1720-1801) » pp. 278-387

Les contemporains en ont goûté l’esprit ou l’humour grave, le ton et le tour épigrammatiques, le chapitre sur le Despotisme ou le chapitre sur l’Esclavage ; les allusions, les citations, les singularités, la façon discrète et licencieuse à la fois dont il y est parlé des usages bizarres ou indécents du Bénin, de Calicut et de Bornéo ; les anecdotes ; la nouveauté des informations ; l’éloge de l’honneur et celui de la vertu. […] « Les femmes s’enivrèrent du livre et de l’auteur » [Confessions, II, 2], Et les hommes, à leur tour, dans l’Émile, dans la Lettre à l’archevêque de Paris, dans le Contrat social, crurent entendre gronder sourdement ils ne savaient quelle menace ! […] Après avoir fait le tour du monde, cherché des sujets au Mexique, au Pérou, en Chine, au Malabar, jusqu’en Nouvelle-Zélande, et exploré dans toutes les directions, pour en tirer du nouveau, l’histoire nationale, elle finit par en revenir aux Grecs et aux Romains, avec ses Coriolan, ses Virginie, ses Hypermnestre et ses Philoctète. […] L’Esprit des Lois. — Du lien qui rattache les Lettres persanes à l’Esprit des lois ; — et dans quel sens on peut dire que Montesquieu n’a vraiment écrit qu’un seul ouvrage. — Du dessein du livre ; — et qu’il faut bien qu’il ne soit pas clair ; — puisqu’il n’est le même pour aucun des commentateurs de Montesquieu. — Qu’à vrai dire l’ambition de Montesquieu a été de faire un grand livre ; — mais qu’il n’y a qu’à moitié réussi. — Indétermination de son plan ; — tour fâcheux de sa plaisanterie ; — insuffisance ou légèreté de sa critique [Cf.  […] Les Élégies de Chénier sont d’un plus grand poète que celles du chevalier de Parny, mais elles sont bien de la même famille ; et d’un tour, à la vérité plus latin et plus grec ; — mais cependant marquées aux mêmes signes ; — quand encore on n’y retrouve pas des traits de P. 

1227. (1857) Causeries du samedi. Deuxième série des Causeries littéraires pp. 1-402

On le proclame aujourd’hui le chef des réalistes ; mais, ou le mot réalisme est vide de sens, ou il signifie le sentiment de la réalité ; et la réalité, à son tour, ne m’offre pas une idée bien nette, si je ne la définis le côté de la vérité accessible par en bas. […] dirons-nous à notre tour, si votre défaut absolu de clairvoyance et d’esprit critique n’est pas une de vos poésies ? […] C’est là le côté faible, et je voudrais le généraliser afin de n’être, à mon tour, ni indiscret ni offensant. […] Ai-je été bien juste à mon tour ? […] Trois mérites, entre bien d’autres, me frappent surtout dans ce livre : je dirais volontiers trois tours de force, si ce mot, appliqué aux choses d’art, n’avait parfois un sens désobligeant.

1228. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE CHARRIÈRE » pp. 411-457

Adieu. » Et Meyer est digne d’elle, même par l’esprit ; écrivant à son ami Godefroy, il n’est pas en reste, à son tour, pour ces finesses d’âme subitement révélées : « Tu trouves le style de mes lettres changé, mon cher Godefroy ! […] Quelquefois je me repose et je me remonte en faisant un tour de promenade avec ma fille, ou bien comme aujourd’hui en m’asseyant seule vis-à-vis d’une fenêtre ouverte qui donne sur le lac. […] Regarde-t-on marcher un homme qui marche tout simplement, quand on est accoutumé à ne voir que tours de force, que sauts périlleux ?  […] Déjà cette conversation me fait quelque bien ; mais j’étais au désespoir quand je vous voyais tout occupée de vous et d’un certain mérite que vous voulez avoir, et avec lequel vous laisseriez tranquillement souffrir tout le monde… » Ainsi encore, quand Émilie, sur l’aveu de Mme de Vaucourt que ses biens avaient été mal acquis, cherche à lui donner des scrupules, celle-ci, après une justification de son motif, ajoute en souriant : « Cependant, permettez-moi de vous dire que l’on pourrait vous chicaner à votre tour sur bien des choses que vous trouvez toutes simples, et cela parce qu’elles vous conviennent et que vos principes s’y sont pliés peu à peu. — Que voulez-vous dire ?

1229. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre III. Ben Jonson. » pp. 98-162

Il y a plaisir à le voir marcher sous le poids de tant d’observations et de souvenirs, chargé de détails techniques et de réminiscences érudites, sans s’égarer ni se ralentir, véritable « Béhémoth littéraire », pareil à ces éléphants de guerre qui recevaient sur leur dos des tours, des hommes, des armures, des machines, et sous cet attirail couraient aussi vite qu’un cheval léger. […] Ces vices et ces vertus reçoivent en descendant en lui un tour et une figure qu’ils n’ont pas dans les autres. […] Puis le héraut cite les accusés ; le consul prononce le réquisitoire ; Afer déchaîne contre eux son éloquence meurtrière ; les sénateurs s’échauffent ; on voit à nu, comme dans Tacite et Juvénal, les profondeurs de la servilité romaine, l’hypocrisie, l’insensibilité, la venimeuse politique de Tibère. —  Enfin, après tant d’autres, le tour de Séjan approche. […] J’en parlerai à part ; il faut, pour en faire le tour, une large place vide.

1230. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 octobre 1885. »

Arrivée du gouvernement ; les trois Jules siégeant au tour d’une table à tapis vert, sont poussés sur le balcon. […] Ils ont voulu leurs œuvres lues sagement, lues par nous avec un désir de les penser à notre tour, non avec la vaine envie, commune, de critiquer et de railler. […] Nous passons cette vie à bâtir la vaine tour de notre prospérité, qui, jamais, ne peut être construite. […] J’aurais voulu, à mon tour, examiner les théories Wagnériennes de l’auteur de la Harpe et la Lyre ; telles m’avaient même paru intéressantes, ne serait-ce que par le ton d’évidente sincérité, et d’extraordinaire bonne foi.

1231. (1857) Cours familier de littérature. IV « XXIe Entretien. Le 16 juillet 1857, ou œuvres et caractère de Béranger » pp. 161-252

Tour à tour jovial, populaire, héroïque, on voit (et il ne le cache ni dans ses préfaces, ni dans ses chansons) qu’il s’adresse exclusivement, dans ses couplets ou dans ses strophes, à la guinguette du faubourg, à la mansarde de l’artisan, au cabaret de la banlieue, à la chambrée de la compagnie de vieille garde. […] Quand l’homme a fait le tour de sa vie et qu’il se rapproche par la mémoire du foyer d’où il est parti enfant, il revoit par la pensée les sœurs qui jouaient dans des berceaux à côté du sien, et, s’il en existe une encore, fût-ce derrière les grilles d’un monastère, toute son âme y reflue : les feuilles en automne tombent sur les racines. […] Le tour de ces chansons est, selon nous, trop essentiellement latin, sous sa prétention gauloise, pour n’y pas reconnaître à chaque construction de couplet des réminiscences savantes, et trop savantes peut-être, de latinité.

1232. (1857) Cours familier de littérature. IV « XXIVe entretien. Épopée. Homère. — L’Odyssée » pp. 445-524

C’était autrefois un château à tours, à fossés, à pont-levis ; on en voit encore les vestiges mal recouverts par les constructions modernes. […] VIII La tonte des brebis, le lavage des agneaux dans le bassin d’eau courante ; la dernière gerbe qui arrivait dans l’aire sur le dernier char de la moisson, festonné de bleuets, de pavots, de guirlandes de chêne ; la dernière gerbe battue, dont on apportait le grain dans une écuelle au maître du château pour la répandre sous ses pas et pour qu’il remplît à son tour l’écuelle vide de petites monnaies pour les batteurs ; la visite des étables, où les bœufs, les vaches, les taureaux, liés aux mangeoires par de grosses cordes, étalaient leurs flancs luisants et leurs litières dorées, témoignages des soins et de la propreté des bouviers ; les écuries des chevaux de trait, tapissées de harnais aux boucles de cuivre aussi éclatantes que l’or, le bruit de leurs mâchoires qui moulaient l’orge, la fève ou l’avoine entre leurs dents, délicieuse musique des râteliers bien garnis aux heures où le laboureur détèle trois fois par jour ses attelages ; les mugissements lointains des bœufs de labour répercutés d’une colline à l’autre, le matin avant que le soleil se lève ; les cris intermittents de l’enfant qui les chatouille de la pointe de l’aiguillon ; les claquements du fouet du charretier qui revient à vide de la ville où il a déchargé ses sacs de blé ; le roucoulement perpétuel des pigeons sur le toit du colombier ou sur la paille des basses-cours, ou ils disputent l’épi mal vidé aux poules ou aux passereaux ; les fêtes champêtres au château, fêtes qui marquaient pour les serviteurs et pour les mercenaires des hameaux voisins la fin de chaque travail essentiel de l’année ; les danses dans la grande salle délabrée quand la pluie ou le froid s’opposait aux danses sur les pelouses des parterres ; les préférences naissantes, les inclinations devinées, avouées, combattues, ajournées, triomphantes enfin entre les jeunes serviteurs de la ferme et les jeunes servantes de la maison ; les aveux, les fiançailles, les noces, les joies des épousées devenant la joie et l’entretien de toute la tribu ; enfin ces repos et ces silences complets des dimanches d’été succédant aux bruits de la semaine, silences délassants pendant lesquels on n’entendait plus autour du château et jusqu’au fond des bois que le bourdonnement des abeilles sur le sainfoin autour des ruches et le ruminement assoupissant des bœufs couchés sur les grasses litières dans les étables ; toutes ces scènes de la vie privée, quoique vulgaire, rurale, domestique, n’étaient-elles pas aussi riches de véritable poésie épique ou descriptive que les scènes de la vie publique dans l’Iliade, que les tentes des héros, les conseils des chefs, les champs de bataille d’Ilion ? […] Euryclée, n’est-ce pas votre Philiberte, qui vous a portés tous à votre tour dans son tablier, qui vieillit avec nous, et qui me remplacerait auprès de vous et de votre père si je venais à mourir avant elle ? […] continua-t-elle. — C’est que la douleur défigure le visage, répondit une de mes sœurs, et que nous n’aimons pas nous laisser voir enlaidies par les larmes. — N’est-ce pas aussi, répondis-je à mon tour, parce que la douleur est une faiblesse et que l’homme doit se montrer fort, même contre le chagrin ?

1233. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Paul Féval » pp. 107-174

Doué des qualités que je caractériserai tout à l’heure et qui ne manquent ni d’élévation ni de force, il s’est particulièrement, presque exclusivement, consacré à ce genre de roman, qui représente dans l’art le matérialisme et la démocratie, et qui ferait le tour du monde, comme le drapeau de la Révolution, si la Critique, qui ne veut pas que les grandes notions littéraires périssent, ne lui barrait pas le chemin ! […] Alexandre Dumas, Paul Féval, ces deux travailleurs à bride abattue, n’ont peut-être pas, quand on y regarde de près, une fécondité égale à celle de Balzac, car chaque volume de La Comédie humaine est bourré d’un texte formidable, mais ils ont montré cependant à leur tour une fécondité qui a diminué quelque peu le phénomène de celle de Balzac. […] Le rieur de ce livre, qui rit, n’est pas l’affreux Homme qui rit de l’académicien Victor Hugo, ce monstre (c’est de L’Homme qui rit que je veux parler), mais c’est un rieur de cette nation qui avait, en riant, le plus de grâce, et qui faisait faire le tour du monde à son rire, — ce qui valait mieux que le drapeau de Mirabeau ! […] Les sentiments que ce pathétique récit remue dans les âmes, on les saura, en le lisant, mais il n’y a que les connaisseurs littéraires qui apprécieront le tour de force dans le chef-d’œuvre de ce récit.

1234. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Sully, ses Économies royales ou Mémoires. — I. » pp. 134-154

Le père du jeune Rosny l’appela un jour qu’il avait onze ans dans la chambre de la haute tour, et là, en présence du seul La Durandière, son précepteur, il lui dit : Maximilian, puisque la coutume ne me permet pas de vous faire le principal héritier de mes biens, je veux en récompense essayer de vous enrichir de vertus, et par le moyen d’icelles, comme l’on m’a prédit, j’espère que vous serez un jour quelque chose. […] Ce qu’il fera en 1589, dans un des quartiers de Tours qui lui est confié, pour le mettre en défense, il le fit plus ou moins de tout temps.

1235. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Nouvelles lettres de Madame, mère du Régent, traduites par M. G. Brunet. — I. » pp. 41-61

Elle aimait les chiens et les chevaux, passionnément la chasse et les spectacles, n’était jamais qu’en grand habit ou en perruque d’homme, et en habit de cheval… Et ailleurs, dans un second portrait d’elle qu’il recommence admirablement et qu’il conclut en ces mots : « La figure et le rustre d’un Suisse ; capable avec cela d’une amitié tendre et inviolable. » Introduite à la Cour par sa tante, l’illustre princesse palatine Anne de Gonzague, elle ne lui ressemblait donc en rien pour l’esprit, pour le don d’insinuation habile et de conciliation, pour la prudence ; succédant, à la première Madame, elle en était encore plus loin et véritablement le contraire pour les manières, pour la qualité et le tour des pensées, pour la délicatesse et pour tout, Madame, dans toute sa vie, était et sera ainsi le contraire de bien des choses et de bien des personnes autour d’elle : elle était originale du moins, et tout à fait elle-même. […] Au contraire de la nature des femmes, elle n’a aucune envie de plaire, aucune coquetterie : « Nulle complaisance, dit Saint-Simon, nul tour dans l’esprit, quoiqu’elle ne manquât pas d’esprit. » On lui demandait un jour pourquoi elle ne donnait jamais un coup d’œil au miroir en passant : « C’est, répondit-elle, parce que j’ai trop d’amour-propre pour aimer à me voir laide comme je suis. » Le beau portrait de Rigaud nous la rend d’une parfaite ressemblance dans sa vieillesse, grasse, grosse, à double menton, aux joues colorées, avec la dignité du port toutefois et la fierté du maintien, et une expression de bonté dans les yeux et dans le sourire.

1236. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « M. Daru. Histoire de la république de Venise. — I. » pp. 413-433

Pour rendre son français plus agréable, il a sacrifié la période de Cicéron ; il a coupé, retourné les phrases de son modèle, ce qu’au contraire a voulu éviter le jeune traducteur, plus fidèle à l’ordre et au tour périodique du latin. […] Et il s’y mêlait une sorte d’accompagnement patriotique, lorsque, célébrant le triomphe de la patrie romaine contre cette Cléopâtre qui, du haut de ses vaisseaux, avait osé menacer le Capitole, et qui fuyait à son tour, qui fuyait comme une femme, mais qui savait mourir comme une reine, le poète s’écriait : Et sans daigner chercher quelque houleux asile, Elle a voulu périr, d’un visage tranquille,          Sur son trône ébranlé.

1237. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « La marquise de Créqui — I » pp. 432-453

Ils avaient de quoi se former à leur tour auprès d’elle et au contact de son esprit si vrai, de sa parole si ferme et si aiguisée. […] Dans le Tacite traduit par d’Alembert, elle goûtait surtout les sentences. « S’il y a quelques maximes dignes de moi, envoyez-les, écrivait-elle à M. de Meilhan ; j’aime le genre, quoique très avili par la quantité d’ignares qui s’en mêlent. » Les ouvrages de ce dernier lui plaisent par le fond des sujets autant que par le tour.

1238. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « I » pp. 1-20

Nous demandons la permission, ayant à parler de lui, d’en rester à nos propres impressions déjà anciennes, fort antérieures à des débats récents, et de redire, à propos des volumes aujourd’hui publiés, et sauf les applications nouvelles, le jugement assez complexe que nous avons tâché, durant plus de vingt ans, de nous former sur son compte, de mûrir en nous et de rectifier sans cesse, ne voulant rien ôter à un grand esprit si français par les qualités et les défauts, et voulant encore moins faire, de celui qui n’a rien ou presque rien respecté, un personnage d’autorité morale et philosophique, une religion à son tour ou une idole. […] Ce grand monde et ces salons qui se disputaient Voltaire l’accomplirent à certains égards et firent de lui le poète du tour le plus vif, le plus aisé, l’homme de lettres du goût le plus naturellement élégant.

1239. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Le maréchal de Villars — IV » pp. 103-122

Ainsi dirai-je à mon tour, et c’est pourquoi je laisserai toutes les discussions des Feuquières et autres connaisseurs sur les fautes qui purent être commises à Malplaquet ; si la disposition de la veille était bonne ; s’il n’eût pas mieux valu pour Villars prendre les devants et attaquer résolument le 9 ou le 10, au lieu de recevoir le combat le 11. […] Voilà comme je raisonne : dites-moi présentement votre avis… Ces paroles de Louis XIV ont été citées un peu diversement ; il les redit au duc d’Harcourt pendant le siège de Landrecies, et il dut les répéter à peu près dans les mêmes termes : mais c’est à Viliars qu’il est naturel qu’il les ait dites d’abord ; et il est mieux qu’on les lise de la sorte dans le langage grave et simple, familier au roi, avec leur tour de longueur, et sans aucune ostentation, sans aucune posture à la Corneille.

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