L’ancienne comédie prenait des sujets véritables pour les mettre sur la scène, tels qu’ils étaient ; ainsi ce misérable Aristophane joua Socrate sur le théâtre, et prépara la ruine du plus vertueux des Grecs.
Qu’est-il besoin d’un brillant théâtre ? […] Dès sa première enfance, un théâtre de marionnettes que lui donne sa grand’mère éveille en lui la conception confuse de l’art dramatique. […] Suivez-le maintenant à la foire ; arrêtez-vous, avec ce groupe d’enfants, au théâtre des marionnettes. […] Hettner n’est pas sans doute un admirateur de Corneille et de Racine : ce serait trop que de demander à un Allemand de l’admiration pour notre théâtre. […] On l’adapta au théâtre.
Puissent la poésie lyrique, le roman et le théâtre profiter bientôt de cet exemple éloquent ! […] À quel moment faut-il prendre Toussaint pour le mettre sur le théâtre ? […] Il serait difficile d’imaginer un coup de théâtre plus digne de l’art primitif. […] Il sortirait du théâtre plus ignorant qu’un enfant de douze ans. […] Hugo, depuis qu’il écrit pour le théâtre, se plaint amèrement en toute occasion des inimitiés qui le poursuivent.
. — Le Théâtre en France : la tragédie, la comédie, le drame, les lacunes (1885)
Sarah Bernhardt Mais si les poètes, à l’instigation de Sarah Bernhardt, se sont trop vite adaptés aux mœurs du théâtre il n’en est pas moins vrai qu’ils ont reçu d’elle, une secousse salutaire et qu’elle les a tirés de la torpeur de leur Tour d’ivoire où ils s’enfermaient trop volontiers, en leur rappelant qu’il y avait autour d’eux des oreilles attentives à conquérir.
. — On assiste à la représentation d’une pièce de théâtre : que de contradiction aussi ou de développement on y apporte ! […] Ces amis qu’on a dans le malheur, et qu’elle a si bien relevés, ces amis de Job, en tout temps les mêmes, la plaignaient assez haut de cette nécessité où elle était, femme et ainsi née, d’écrire des feuilletons, surtout des feuilletons de théâtre. […] On trouve en effet, dans le Publiciste de ces mois, un certain nombre d’articles de mélanges de littérature et de théâtre, signés F. […] M. de Barante m’assure que la plus considérable de ces pièces, l’Histoire du Théâtre français, est en effet de Mlle de Meulan.
Qui m’aurait dit alors, que quinze ans plus tard, la poésie inonderait l’âme de toute la jeunesse française, qu’une foule de talents d’un ordre divers et nouveau, auraient surgi de cette terre morte et froide ; que la presse multipliée à l’infini ne suffirait pas à répandre les idées ferventes d’une armée de jeunes écrivains ; que les drames se heurteraient à la porte de tous les théâtres ; que l’âme lyrique et religieuse d’une génération de bardes chrétiens inventerait une nouvelle langue pour révéler des enthousiasmes inconnus ; que la liberté, la foi, la philosophie, la politique, les doctrines les plus antiques comme les plus neuves, lutteraient, à la face du soleil, de génie, de gloire, de talents et d’ardeur, et qu’une vaste et sublime mêlée des intelligences, couvrirait la France et le monde du plus beau comme du plus hardi mouvement intellectuel qu’aucun de nos siècles eût encore vu ? […] Elle ne sera plus épique ; l’homme a trop vécu, trop réfléchi pour se laisser amuser, intéresser par les longs écrits de l’épopée, et l’expérience a détruit sa foi aux merveilles dont le poème épique enchantait sa crédulité ; elle ne sera plus dramatique ; parce que la scène de la vie réelle a, dans nos temps de liberté et d’action politique, un intérêt plus pressant, plus réel et plus intime que la scène du théâtre ; parce que les classes élevées de la société ne vont plus au théâtre pour être émues, mais pour juger ; parce que la société est devenue critique de naïve qu’elle était. […] Le drame va tomber au peuple ; il était né du peuple et pour le peuple, il y retourne ; il n’y a plus que la classe populaire qui porte son cœur au théâtre.
Cirey a un théâtre : on y joue de tout, depuis les marionnettes où « la femme de Polichinelle fait mourir son mari en chantant Fagnana ! […] Il a chez lui un théâtre où il essaie ses pièces : c’est là qu’il découvre Lekain, le grand tragédien du temps. […] La conversation s’engage entre eux : vers, théâtre, métaphysique, littérature, politique, il n’est rien qu’ils n’effleurent et parfois ne discutent à fond.
Tout ce que je prétends, c’est que la majorité des œuvres contemporaines, roman, poésie, théâtre, sont faites pour un autre auditoire que le peuple. Et même lorsque nos auteurs dramatiques de la nouvelle génération, avec une générosité d’intention véritable, portent au théâtre certaines questions du grand problème social, n’est-il pas évident qu’ils les traitent pour l’instruction de leurs égaux, des philosophes, des économistes ou des gens du monde, et, qu’à de rares exceptions près, ils voient plutôt l’autorité à réformer que l’ouvrier lui-même à former ? […] Le nom de celui qui l’émettait pourra faire sourire, car le spirituel fantaisiste qui eut ses premiers succès au Chat-Noir, avant de devenir l’un de nos hommes de théâtre les plus modernes et les plus mondains, ne passe pas encore pour un auteur avant tout préoccupé du problème social.
Naturellement, ce n’est pas lui, mais Moïse, David, Isaïe et tout le chœur des prophètes, que prit pour modèles Racine, si harmonieux lyrique, mais n’osant pas imiter la grande poésie d’Athènes jusqu’à porter sur notre théâtre, même dans les sujets grecs, avec la mélopée tragique, les intermèdes chantés de Sophocle et d’Euripide. […] Les noms des animaux domestiques » ; et il traduit un peu longuement, mais noblement : « Cet oiseau domestique, dont le chant annonce le jour et qui n’a que son pailler pour théâtre de ses exploits. » Le docte traducteur oubliait qu’au siècle d’Auguste Horace conseillait de tirer du milieu commun le poëme original : Tantum de medio sumptis accedit honoris ! […] Revient-il vers Athènes, qui brillait par-dessus toute la Grèce, et dont Eschyle alors doublait la gloire, en mettant sur la scène cette gloire toute sanglante encore, et en répétant au théâtre, dans les fêtes de sa patrie victorieuse, les chants de douleur d’Ecbatane sur Xerxès fugitif qui repasse la mer dans une barque, avec un carquois vide, il semble plutôt un conseiller qu’un flatteur de la cité triomphante.
On remarque, avec raison, que le goût de la première littérature (à quelques exceptions près que je motiverai en parlant des pièces de théâtre) était d’une grande pureté ; mais comment le bon goût n’existerait-il pas, dans l’abondance et dans la nouveauté de tous les objets agréables ? […] Ils réunissaient le double avantage des petits états et des grands théâtres : l’émulation qui naît de la certitude de se faire connaître au milieu des siens, et celle que doit produire la possibilité d’une gloire sans bornes.
De là vient aussi la prolixité stérile des écrivains qui s’abandonnent à leur facilité naturelle : ils reçoivent dans leurs ouvrages tout ce que leur présente leur fantaisie agitée, mais ils ne remarquent pas qu’elle leur envoie toujours les mêmes idées diversement habillées, comme au théâtre on fait passer et repasser sans cesse les mêmes figurants sur la scène pour donner l’illusion des grandes armées. […] Donc la querelle, qui venait ensuite, si elle n’était plus une vive entrée en matière, devenait un coup de théâtre émouvant : intéressés à la passion des jeunes gens, nous sommes plus touchés de la dispute des pères ; mais voir entrer deux hommes, qu’on ne connaît pas, dont on ne sait rien, qui ne nous sont rien, et les entendre échanger des insolences et des injures, c’est vif, si l’on veut : mais d’effet dramatique, je n’en vois pas.
Dans la composition même, c’était encore la littérature qui prévalait : le théâtre fournissait des modèles d’arrangement et un principe de coordination des objets naturels. […] Cf. sur le théâtre de Diderot p. 647.
Mais si on avait, comme je le suppose, un désir sincère de les convertir en les effrayant, on pouvait, ce me semble, faire agir un intérêt plus puissant et plus sûr, celui de leur vanité et de leur amour-propre ; les représenter courant sans cesse après des chimères ou des chagrins ; leur montrer d’une part le néant des connaissances humaines, la futilité de quelques-unes, l’incertitude de presque toutes ; de l’autre, la haine et l’envie poursuivant jusqu’au tombeau les écrivains célèbres, honorés après leur mort comme les premiers des hommes, et traités comme les derniers pendant leur vie ; Homère et Milton, pauvres et malheureux ; Aristote et Descartes, fuyant la persécution ; le Tasse, mourant sans avoir joui de sa gloire ; Corneille, dégoûté du théâtre, et n’y rentrant que pour s’y traîner avec de nouveaux dégoûts ; Racine, désespéré par ses critiques ; Quinault, victime de la satire ; tous enfin se reprochant d’avoir perdu leur repos pour courir après la renommée. […] Plein de cette confiance et d’une étude profonde des règles du théâtre, j’ai fait une tragédie, elle a été sifflée ; une comédie, elle n’a pas été jusqu’à la fin.
C’est ainsi qu’on a vu un poète célèbre dont on représentait une pièce, mêler ses acclamations aux cris du public, oubliant également et le théâtre, et les spectateurs, et lui-même. […] Son extérieur était simple, son caractère ne l’était pas ; ses discours, ses actions avaient de l’appareil et semblaient avertir qu’il était grand ; suivez-le, sa passion pour la gloire perce partout ; il lui faut un théâtre et des battements de mains ; il s’indigne quand on les refuse ; il se venge, il est vrai, plus en homme d’esprit qu’en prince irrité qui commandait à cent mille hommes, mais il se venge ; il court à la renommée, il l’appelle ; il flatte pour être flatté : il veut être tout à la fois Platon, Marc-Aurèle et Alexandre57.
Sous ces deux titres on peut concevoir ce que, bien des siècles plus tard, et dans une science toute formée des traditions grecques, nous retrouvons sous la plume de Varron, divisant la théologie en mythologique, naturelle, et civile : « La première, ajoutait-il, faite pour le théâtre, la seconde pour l’univers, la troisième pour Rome. » Il paraît, d’après les courtes analyses de saint Augustin, que Varron touchait dans sa seconde théologie à cet antique panthéisme, à cette idée d’une nature éternellement vivante et par là divine, qui semble le fondement des cultes antiques de l’Inde. […] Tandis que le vaillant soldat de Marathon portait sur le théâtre agrandi quelques rayons de cette philosophie, au risque d’être accusé de sacrilège, d’autres poëtes devaient la célébrer, attirés par le même prestige d’une harmonie céleste.
Viollet-Le-Duc poursuit, on effet, son catalogue poétique durant tout le XVIIe siècle ; sa période de Louis XIIl est particulièrement très-riche ; il a excepte et réservé le théâtre pour un prochain volume.
L’éditeur y parle des tours de force plaisans ou bizarres de la littérature présente, et à voir, selon lui, le nouveau poète armé de la massue, « vous diriez un athlète sans draperies, entraîné tout à coup dans un cirque de théâtre, parmi des danseurs couverts de paillettes et étincelants d’or faux ».
— Théâtre moliéresque et cornélien (1898). — En mémoire d’un enfant (1899). — Les Gueux d’Afrique (1900).
Alphonse Lemerre Au théâtre, La Belle Saïnara, comédie en un acte et en vers, joint, comme certains de nos plus charmants tableaux de genre, la couleur locale japonaise à la couleur locale parisienne.
C’est pendant ce séjour en Orient, où il devait retourner, en 1897, suivre, pour le compte du journal l’Illustration, les opérations de la guerre gréco-turque, qu’il écrivit l’Errante, poème dialogué et qui fut représenté au Théâtre de l’Œuvre, en mai 1896, et la plupart de ces pièces sous le titre général : Les Vaines Images, si pures, si harmonieuses, d’une beauté tout ensemble orgueilleuse et désabusée.
Placé sur un plus grand théâtre, et dans le seul pays où l’on connût deux sortes d’éloquence, celle du barreau et celle de Forum, Tite-Live les transporta dans ses récits : il fut l’orateur de l’histoire comme Hérodote en est le poète.
Aussi, son théâtre garde-t-il encore pour nous, à travers tant d’années, un vrai charme et un vif intérêt. […] Son Richelieu est un admirable Richelieu de théâtre ; ce n’est pas le grand ministre de l’histoire. […] Souvent elle me conduisait aux théâtres du boulevard, ou à quelques bals ou à des parties de campagne. […] Là, sur ce nouveau théâtre, le jeune républicain se trouva dépaysé. […] Il n’y a pas de passions, à proprement parler, dans le théâtre de M.
Dans leur théâtre, la Patrie en danger plaît assez. […] Il faudrait, entre autres, éliminer presque tout le théâtre de Racine car je défie M. […] Puis, par goût et par réflexion, j’aime que le Théâtre ne m’évoque pas directement la vie. […] Le romantisme, au théâtre, fut en général ridicule. […] Ces considérations nous ont fort écarté du Théâtre vivant.
Ponsard a prouvé, une fois de plus, dans ce discours académique, que là, comme au théâtre, il y a des cordes qu’il sait faire vibrer, et que, sans trop d’art ni de raffinement, sans trop demander à l’expression, et en disant directement les choses comme il les pense et comme il les sent, son talent a en soi une force qui vient de l’âme et qui parle aux âmes.
Il offre de gros prix aux rédacteurs ; il a pris Rolle, le rédacteur des feuilletons du théâtre au National ; il a acquis la collaboration de madame Sand pour qui la Revue indépendante était une ressource un peu maigre.
— La comédie sur laquelle on comptait beaucoup au Théâtre Français, Une Femme de quarante ans, a réussi, et a paru agréable, mais non pas aussi neuve qu’on aurait pu le croire d’après les promesses.
Les bons esprits, parmi les novateurs, se rejetaient dans les drames écrits, dans les essais développés en volume ou les chaudes esquisses dialoguées : on eut les États de Blois, les Barricades de Vitet ; on eut le Théâtre de Clara Gazul de Mérimée.
Ce résultat, quoique l’auteur de ce livre soit bien peu de chose pour une fonction si haute, il continuera d’y tendre par toutes les voies ouvertes à sa pensée, par le théâtre comme par le livre, par le roman comme par le drame, par l’histoire comme par la poésie.
Georges Casella à la Critique, au Roman et au Théâtre.
Le grand Corneille répond à ces objections, que cet usage a été établi pour donner du repos à l’esprit, dont l’attention ne pourrait se soutenir pendant cinq actes, et n’est point assez relâchée par les chants du chœur, dont le spectateur est obligé d’entendre les moralités ; que, de plus, il est bien plus facile à l’imagination de se figurer un long terme écoulé dans nos entr’actes, que dans les entr’actes des Grecs, dont la mesure était plus présente à l’esprit ; qu’enfin la constitution de la tragédie moderne est de ne point avoir de chœur sur le théâtre, au moins pendant toute la pièce.
La comédie ne fut d’abord qu’un tissu d’injures adressées aux passants par des vendangeurs barbouillés de lie ; mais Cratès, à l’exemple d’Epicharmus et de Phormis, poètes siciliens, l’éleva sur un théâtre plus décent et dans un ordre plus régulier.
Là, sans quitter le théâtre, il rapporte ses observations, toujours fines et quelquefois profondes.
En fait de théâtre, c’était le Palais-Royal qui se chargeait de lancer le mot croustillant par l’intermédiaire de Mlle Déjazet et de ses camarades. […] Maintenant, il ne s’agit plus d’un genre spécial, mais du genre littéraire tout entier ; son diapason est la licence romans, pièces de théâtre, poésies, chroniques l’adoptent comme un accordeur de pianos se soumet au la officiel. […] Ici, il ne s’agit plus de la vie théorique, ordonnée dans une certaine symétrie, mais de la vie pratique, vécue avec toutes ses efflorescences salubres ou malsaines journaux, brochures, livres, tribunaux, théâtres. […] Zola, qui n’est pas seulement romancier mais critique dramatique, publie dans ses feuilletons que « tout est mensonge au théâtre mensonge de la part des auteurs, mensonge de la part du public. […] Je ne viens pas soutenir sottement, ici, qu’il ne faille mettre en scène dans le théâtre et dans le roman, que des cœurs vertueux et les naturalistes mentent sciemment quand ils nous ‘usent de flatter l’humanité.
Plus que toute autre œuvre d’art, le Théâtre dit : Je suis. […] Voyez le rôle que la personnalité du Christ a repris dans la poésie sous toutes ses formes, depuis qu’on l’a rapproché de nous. — Voyez en musique les plus grands artistes s’inspirer avec prédilection de cette figure tendre et pensive en des chefs-d’œuvre comme « l’Enfance du Christ » de Berlioz, le « Parsifal » de Wagner, « les Béatitudes » de César Franck (pour ne citer que ceux-là). — Voyez en peinture : là le mouvement va jusqu’à l’excès, voire jusqu’à la caricature, et l’on ne peut plus compter les exemplaires de la peinture religieuse ramenée aux proportions humaines, qui fait la plus singulière caractéristique des salons annuels. — Voyez en littérature, voyez même au théâtre. […] À Paris, l’an dernier, dans les grands et les petits théâtres, c’est à la douzaine qu’il faut compter les tentatives de ce genre. […] L’église changera de lieu : ce sera le théâtre. Là, le prêtre deviendra l’ordonnateur de pures fêtes. — Nous sentons bien quelle énorme besogne ce sera, celle de préparer le théâtre à tant d’honneur : en vérité, les écuries d’Augias… Et pourtant il suffit d’adresser nos regards vers cette noble église de Bayreuth pour comprendre que notre rêve n’est point irréalisable et que d’autres y ont pensé.
Ce devait être un effrayant spectacle que celui de cette Crucifixion gigantesque dressée en plein théâtre, sous les yeux d’un peuple. […] L’imagination renverse comme une machine d’opéra, le char aérien qui les apportait sur le théâtre d’Athènes ; elle amplifie la scène et elle la disperse. […] Lorsqu’il prononça pour la première fois cette parole sur le théâtre d’Athènes, l’écho lointain d’une colline de la Judée dut la répéter. […] On fit de lui un dieu à tout faire, une sorte de valet tragi-comique du grand théâtre Olympien, aussi propre aux exécutions qu’aux intrigues galantes, moitié entremetteur, moitié satellite, chargé, selon l’occurrence, de décapiter Argos ou de séduire Alcmène, d’enlever Chioné ou d’enchaîner Ixion sur sa roue. […] » XII Telle est cette tragédie, point culminant du théâtre grec, et dont la profondeur égale la hauteur.
Le théâtre me dégoûte invinciblement et ce n’est pas cette pièce de néant, Nana-Sahib, qui m’y pousserait. […] Vacquerie a écrit que « le théâtre est le Golgotha de l’idée ». […] À mes yeux, le théâtre est le triomphe de la bagatelle et la décisive victoire du médiocre. […] L’expression de ce surnaturel sentiment ne doit pas être fort ordinaire au théâtre et en dépasse furieusement les traditions. […] Par là, madame Sarah Bernhardt fait éclater tous les cadres connus de l’esthétique de théâtre et s’envole infiniment au-delà de toutes les catégories d’artistes.
C’est d’abord le théâtre, c’est-à-dire la littérature en chair et en os, extériorisée en personnages. […] Le Garçon s’installa, pour le peupler et l’animer, dans le désœuvrement nomade de Flaubert, s’imposa à lui et à Du Camp, mit entre eux son théâtre et son guignol intérieurs. […] En tout cas, comme Racine dans celles de théâtre, il trouva l’amour dans les coulisses des lettres. Le goût du théâtre, prétend Diderot, est fait d’abord du désir de coucher avec les actrices. […] Drame, élément dramatique, sont donnés comme synonymes, à peu près, de composition, et il semble que le roman puisse les éliminer précisément dans la mesure où il n’est pas du théâtre.
Pour nous en tenir à Genève toutefois, le plus considérable des trois petits États, et sous le nom duquel, dans nos à-peu-près d’ici, nous nous obstinons à confondre tous les autres, la difficulté, ce semble, est moindre ; véritable lieu de rendez-vous et de passage européen, il y a là naturellement théâtre à célébrité. […] On peut s’y croire à l’étroit par moments, et trouver que le théâtre ne suffit pas ; mais combien cette impression de gêne et à la fois de ressort est préférable à la lassitude des âmes qui sentent qu’elles ne suffisent pas elles-mêmes à leur théâtre et qu’elles s’y dissipent à tous les vents ! […] (Depuis que nous tracions ce rêve d’idylle, la réalité, comme il arrive trop souvent, a cessé d’y répondre ; toute une partie des rivages de ce beau Léman a été troublée ; notre cher canton de Vaud surtout s’est vu le théâtre d’une révolution sans but (février 1845) qui a fait prévaloir les instincts brutaux et grossiers.
« Déjà mon texte était imprimé depuis plus d’une année, et les dernières feuilles de ma traduction étaient sous presse, lorsque, à la nouvelle de la publication des Chefs-d’œuvre du Théâtre indien, par le savant Wilson, je craignis qu’au moment de paraître, notre Sacountala ne fût éclipsée par de fâcheuses rivales, et que le soin que j’avais mis à faire ressortir ses charmes ne fût entièrement perdu. Je lus ces pièces, et ma crainte fut bientôt dissipée ; car si ce sont là les chefs-d’œuvre du théâtre indien, il me semble que Sacountala peut, à bon droit, mériter le titre de chef-d’œuvre des chefs-d’œuvre de ce théâtre. […] La représentation est précédée d’un prologue dialogué entre le directeur du théâtre et les principaux acteurs qui doivent jouer leur rôle dans ce drame.
. — Ceux-ci étaient carbonari sous la restauration ; ils faisaient partie des sociétés républicaines, ils allaient partout clabaudant qu’il n’y avait pas de liberté pour la presse, pas de liberté pour le théâtre, pas de liberté pour l’enseignement. […] Ils muselèrent la presse par des lois oppressives, ils arrêtèrent la représentation des pièces de théâtre, ils jetèrent bas de leur chaire des professeurs savants, sages et aimés. — Ceux-là, qui furent de petits journalistes parvenus, qui sortirent de je ne sais quel salon guindé où l’on avait applaudi leurs vaudevilles et leurs égrillardes chansonnettes, ceux-là qui, grimpant d’épaules en épaules et de méprises en méprises, en étaient arrivés à être tout-puissants sur les choses dramatiques, osèrent porter la main sur Balzac ; ils prirent le géant au collet, mirent son drame dans leur souricière, et, sans reconnaissance des gloires nationales, sans foi artistique, sans pudeur littéraire, ils ruinèrent et mirent à néant l’administrateur courageux qui avait le plus aidé à l’éclosion de toute une vaillante génération de poëtes. — D’autres ont fait pis encore. […] On la remplacerait par des lexicographes, des poëtes, des étymologistes, des romanciers, des historiens, des philosophes et des savants qui recevraient la mission de faire un vrai dictionnaire, d’écrire les origines de la langue française, d’encourager toute tentative nouvelle et sérieuse, de veiller à la liberté du théâtre, de rédiger le Code encore attendu de la propriété littéraire, de préserver partout les intérêts de l’esprit humain, de signaler toute découverte, de faire l’Encyclopédie moderne, d’envoyer des missionnaires à la recherche de toutes les belles choses encore inconnues dans le monde, de traduire incessamment les chefs-d’œuvre des langues étrangères, de formuler la foi la plus haute, de combattre les erreurs et les préjugés qui subsistent encore, de rééditer nos grands poëtes et nos grands prosateurs, enfin de chercher le beau, le vrai et le bien par tous les moyens possibles. […] À l’heure qu’il est le diable s’appelle Croquemitaine et fait peur aux petits garçons qui ne sont pas sages, on l’enferme dans des boîtes à surprises, et il n’emporte plus que Polichinelle à la fin des pièces du théâtre de Guignole.
Oui, oui, mon bon, ce n’est pas seulement en faisant des poésies et des pièces de théâtre que l’on est fécond ; il y a aussi une fécondité d’actions qui en maintes circonstances est la première de toutes… Génie et fécondité sont choses très-voisines… » Et une fois lancé, il ne s’arrêtait pas dans cette veine d’idées ; il montrait dans tous les ordres la force fécondante comme le signe le plus caractéristique du génie : Mozart, Phidias et Raphaël, Dürer et Holbein, il les prenait tous, et celui qui a trouvé le premier la forme de l’architecture gothique, et qui a rendu possible par la suite des temps un munster de Strasbourg, un dôme de Cologne ; et Luther, ce génie de la grande race, et dont la force d’action sur l’avenir n’est pas épuisée. […] Il les associait encore dans une lettre écrite à Zelter vers le même temps : « Si tu ne les connais pas déjà, je te conseille de lire le théâtre de Clara Gazul et les Poésies de Béranger.
Le Mystère du Siège d’Orléans ou Jeanne d’Arc, et à ce propos de l’ancien théâtre français (suite et fin.) […] Figurons-nous bien, car c’est le devoir de la critique de se déplacer ainsi à tout moment et de mettre chaque fois sa lorgnette au point, — figurons-nous donc, non pas seulement dans la salle de l’hôpital de la Trinité à Paris (cette salle me semble trop étroite), mais dans une des places publiques d’une de ces villes considérables, Angers ou Valenciennes, devant la cathédrale ou quelque autre église, un échafaud dressé, recouvert et orné de tapisseries et de tentures magnifiques, et tout alentour une foule avide et béante ; des centaines d’acteurs de la connaissance des spectateurs, jouant la plupart au vrai dans des rôles de leur métier ou de leur profession : des prêtres faisant ou Dieu le Père ou les Saints ; des charpentiers faisant saint Joseph ou saint Thomas ; des fils de famille dans les rôles plus distingués, et quelques-uns de ces acteurs sans nul doute décelant des qualités naturelles pour le théâtre ; figurons-nous dans ce sujet émouvant et populaire, cru et vénéré de tous, une suite de scènes comme celles que je ne puis qu’indiquer : — le dîner de saint Matthieu le financier, qui fait les honneurs de son hôtel à Jésus et à ses apôtres, dîner copieux et fin, où l’on ne s’assoit qu’après avoir dit tout haut le bénédicité, où les gais propos n’en circulent pas moins à la ronde, où l’un des apôtres loue la chère, et l’autre le vin ; — pendant ce temps-là, les murmures des Juifs et des Pharisiens dans la rue et à la porte ; — puis les noces de Cana chez Architriclin, espèce de traiteur en vogue, faisant noces et festins, une vraie noce du xve siècle ; — oh !
Où en était-on à la veille de la Lucrèce de Ponsard, et de l’avénement de cette nouvelle école dramatique dont les principaux talents ont fait depuis bien autre chose et sont sortis de la ligne étroite et un peu secondaire où l’on prétendait les confiner d’abord, — mais où en était-on au théâtre, lors de leur premier début ? […] » Le mot est mémorable et fait date ; il marque bien le dernier terme du mouvement purement romantique au théâtre (mars 1843).
Duveyrier a cru utile d’opposer immédiatement un tableau presque contraire, celui des frais, des sueurs, des risques et périls, des pertes et sacrifices de tout genre que coûte cette grande œuvre : il a tenu à montrer l’envers de la tapisserie, le revers de la médaille, la cuisine du dîner, les coulisses du théâtre. […] Il faut y porter, comme à un théâtre, quelques illusions avec un vif instinct de sympathie morale.
Après être remonté jusqu’à l’aïeul et bisaïeul du coté de père et de mère, il a suivi Racine pas à pas dès sa naissance, dès son enfance, l’a accompagné dans le cours de ses études, l’a épié et surpris dans ses premiers divertissements, a insisté (et même avec surcroît) sur ses moindres relations de cousinage, les premières occasions prochaines de sa dissipation, et n’a rien laissé passer de vague ni d’indécis, pas plus dans sa vie de famille que dans sa carrière poétique : il a tiré à clair les amours de théâtre et les querelles littéraires. […] de Racine, disait Spanheim, a passé du théâtre à la Cour, où il est devenu habile courtisan, dévot même.
Il se trouve sans doute un résultat philosophique à la fin de ses contes ; mais l’agrément et la tournure du récit sont tels, que vous ne vous apercevez du but que lorsqu’il est atteint : ainsi qu’une excellente comédie, dont, à la réflexion, vous sentez l’effet moral, mais qui ne vous frappe d’abord au théâtre que par son intérêt et son action. […] Les odes de Klopstock, les tragédies de Schiller, les écrits de Wieland, le théâtre de Kotzebue, etc., exigeraient plusieurs chapitres, si l’on voulait approfondir leur mérite littéraire ; mais ce travail, comme je l’ai déjà dit, ne pouvait entrer dans le plan général de mon ouvrage.
Obscur ou visible, ce moi lui-même n’est qu’un chef de file, un centre supérieur au-dessous duquel s’échelonnent, dans les segments de la moelle et dans les ganglions nerveux, quantité d’autres centres subordonnés, théâtres de sensations et d’impulsions analogues mais rudimentaires, en sorte que l’homme total se présente comme une hiérarchie de centres de sensation et d’impulsion, ayant chacun leur initiative, leurs fonctions et leur domaine, sous le gouvernement d’un centre plus parfait qui reçoit d’eux les nouvelles locales, leur envoie les injonctions générales, et ne diffère d’eux que par son organisation plus complexe, son action plus étendue et son rang plus élevé. […] Le cerveau humain est alors un théâtre où se jouent à la fois plusieurs pièces différentes, sur plusieurs plans dont un seul est en lumière.
Les Fables Nous pouvons négliger tout le reste de l’œuvre de La Fontaine, les Contes, si ennuyeux et si tristement vides de pensée dans la grâce légère de leur style, tout le théâtre, les Poèmes sur le Quinquina et la captivité de Saint-Malo, les pièces détachées, les lettres. […] Il écrivit pour le théâtre Ragotin ou le Roman comique (1684), le Florentin (1685), la Coupe enchantée (1688).
Mais il est vrai, en principe, que si la critique dramatique demeure puissante, parce qu’elle est financièrement indispensable aux directeurs de théâtres, et contente une foule d’intérêts matériels, dans le même sens que la publicité de bourse ou de négoce, — la critique littéraire se meurt parce qu’elle s’occupe de questions de pensée qui n’intéressent qu’une minorité, ou alors de livres à succès facile que la réclame payée lance sans avoir besoin de critique sérieuse. […] Mais il faut, pour cela, que se brisent les derniers liens qui unissent le critique au journalisme, c’est-à-dire qui rabaissent sa mission, lui donnent un sens d’utilité immédiate, et prolongent à son sujet l’éternel malentendu : pas plus que le roman ou le théâtre, la critique n’est une carrière, mais une vocation de l’esprit.
La pose de Musset, le manque manifeste de sincérité de cet écrivain dégingandé, amusant et libre, homme de théâtre, mais rien autre, a pu lasser assez tôt les lecteurs nouveaux. […] Précédemment, il avait rassemblé en un album de prose les cinq chroniques célèbres sur le théâtre (1886-1887), l’étude sur Richard Wagner, et quatorze pages çà et là parues depuis 1865 : le Phénomène futur, le Démon de l’Analogie, le Nénuphar blanc, l’Ecclésiastique, etc.
Dans le théâtre romantique, il en fut de même que dans le roman. […] Habitude vicieuse et pleine de périls au théâtre surtout : car le public — il faut bien le constater — n’aime guère l’abscons ni le mystérieux, et, peu enclin à chercher la signification secrète des mots, affectionne les idées simples et d’assimilation facile.
Ainsi, sous ce règne d’Auguste, si favorable aux arts, dit-on, dans cette heureuse maturité de l’idiome et du génie romain secondée par la paix de l’empire, chez ce peuple où se réfléchit alors le génie de la Grèce, parmi des conditions tout à la fois d’affinité naturelle et d’imitation, la poésie lyrique, cette belle parure du théâtre d’Athènes et des fêtes d’Olympie, cette voix antique de la religion et de la patrie, n’eut qu’un seul interprète, plus ingénieux que grand, plus ami du plaisir que de la vertu, de la fortune que de la gloire. […] Créateur de l’ode philosophique sans théâtre et sans appareil, inventeur d’une poésie concise comme la pensée, brillante comme la passion, il a trouvé ce qui charmera toujours les esprits délicats, quels que soient les changements extérieurs du monde.
Était-ce tout simplement le chat familier du théâtre qui n’avait pas assez mangé de souris ce jour-là, et qui en cherchait dans la tente d’Holopherne, ou plutôt au milieu des bouches affamées des Hébreux expulsés hors de la ville ?