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1426. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Léon Feugère ; Ambroise-Firmin Didot »

Quand un écrivain comme Ambroise-Firmin Didot, qui pouvait mettre dans un écrit la plénitude et l’agrément sans lesquels toute l’érudition de la terre ne vaut pas une pincée de cendres de papyrus, ne produit, en réalité, qu’une œuvre d’érudition, maniable seulement aux savants et aux esprits spéciaux, tant elle est hérissée de citations et de textes, il court grand risque d’être traité, malgré le mérite de ses renseignements, comme le porc-épic de sa propre science… On n’y touchera pas !

1427. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Armand Baschet »

car il agit sous l’influence de la plus grande espérance et du plus grand enthousiasme qui puisse exister sur la terre !

1428. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Paria Korigan » pp. 341-349

— de ce patois qui fut la première langue de sa jeunesse ; car nous autres, gens de province, la première langue que nous ayons entendue a été un patois… Dans ces Récits de la Luçotte, nous n’avons affaire qu’à la première fileuse venue de la Bretagne, rhapsodisant, en tournant son rouet, ses vieilles histoires, et c’est pour cela que, brusquement et de plain-pied, elle est entrée dans ses Récits, sans explication, sans théorie et sans préface, et comme si toute la terre devait aimer le piché qu’elle nous verse et qui va nous griser, pour sûr !

1429. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « Préface » pp. -

Seulement, n’oublions pas non plus, nous autres Français, que soixante-seize ans après Don Quichotte paraissait La Princesse de Clèves, bien avant que l’Angleterre, cette terre du Roman qui, en moins de deux siècles, est allée de Richardson à Walter Scott, n’eût publié les chefs-d’œuvre de Daniel Defoë et Clarisse ; Clarisse, qui est le Roman même, dans la plus splendide netteté de sa notion !

1430. (1900) Taine et Renan. Pages perdues recueillies et commentées par Victor Giraud « Taine — IV »

Ils se désolent de ne pas voir, en place des contemporains que nous a nécessairement créés notre civilisation, soit un Turc dans son harem (rêve de Gautier), soit un grand seigneur anglais dans ses terres (rêve de Taine), soit un savant revêtu des pouvoirs et privilèges qu’eurent jadis les princes de l’Eglise (rêve de Renan).

1431. (1898) Essai sur Goethe

Son vol est moins élevé qu’il ne le paraît : des liens qu’on finit par connaître l’attachent à la terre. […] Quand Ulysse parle de la mer immense et de la terre infinie, cela est vrai, humain, intime, saisissant et mystérieux… » Charlotte est comme lui, bien qu’elle nous soit présentée comme un modèle de grâce naturelle. […] Et là-bas, sur la rive, sont les amis et les aimés, tremblants sur la terre ferme : Ah ! […] Oui, c’est le sentiment qui seul peut me rendre heureux sur cette terre ; qui seul m’a laissé misérable quand je lui résistais et voulais le bannir de mon cœur. […] Mais fortune oblige : elle ne peut que gâter son mari, gouverner ses terres, embellir ses jardins.

1432. (1856) Réalisme, numéros 1-2 pp. 1-32

Elle s’inquiète et s’émeut de tout ce qui est faux ; elle rêve probablement des pays et des êtres inconnus ; elle n’a que le goût des voyages et non celui de la peinture, et se demande en quelles terres habitent les personnages tatoués et coloriés qui l’intéressent. […] Les gens non artistes ne connaissent pas la valeur fragmentaire des objets éclairés ; la couleur est la lumière, mais pour eux, ils n’apprécient qu’une lumière générale où s’absorbe tout ; ils ne connaissent pas la valeur d’un ton lumineux isolé, restreint à un groupe, à un coin de terre. […] Les désastres, les tremblements de terre, les victoires, leur font faire immédiatement des rimes destinées à attendrir le siècle brutal et à le conduire aux grandes actions, après quoi ils vont demander la prime à l’Académie. […] Une heureuse verbosité préside à cet écrit : « La terre se remué comme une Clorinde du Tasse, elle détache une à une les pièces de son armure. » C’est la poésie qui doit vêtir la science, et raconter les romans de fer à aimant qu’on dissimule pudiquement sous des A plus B. […] Si on manque son coup, le mail s’enfonce profondément dans la terre.

1433. (1932) Les idées politiques de la France

Comme les mers au regard des terres, ils s’échauffent et se refroidissent plus lentement que les personnalités dirigeantes. […] Et le militant libre penseur, le lanternier, l’apôtre cantonal de la raison, le lieutenant de louveterie officiel de la chasse à l’homme noir sorti de dessous terre, sont des types révolus. […] La géographie des idées se trouve ici devant un phénomène de relief rajeuni, de vallées qui, à travers des mouvements tectoniques successifs, et de sens différents, maintiennent une ligne stable à une figure de la terre. […] La Révolution croit à la justice sur la terre, et son fleuve individualiste va de ce fait se jeter dans la mer socialiste. L’Église ne croit qu’à la justice d’en haut, et ne tient sur la terre la vie sociale pour bonne qu’en tant qu’elle contribue à la seule fin terrestre valable, le salut de l’âme individuelle.

1434. (1938) Réflexions sur le roman pp. 9-257

Barrès a pris dans la chronique des Baillard et dans la terre lorraine les éléments matériels nécessaires pour que montât cette musique sans poids. […] Tout coin de terre où nous sommes peut nous devenir l’île de Robinson. […] On passe de la terre à la mer. […] Comme Jupiter visita Léda sous la forme d’un cygne, la Terre n’apparaît-elle pas à Newton sous la figure d’une pomme ? […] Littérairement comme géographiquement, notre terre est faite d’un mélange et d’un équilibre de culture insulaire et de culture continentale.

1435. (1868) Rapport sur le progrès des lettres pp. 1-184

Par eux seuls l’Exposition universelle répond vraiment à son nom et le bazar du Champ-de-Mars est devenu le rendez-vous des curieux et des intéressés de toute la terre. […] L’astronome ne s’en plaint pas ; son nom est dans toutes les bouches ; sa planète est une terre nouvelle, et il en est le Christophe Colomb. […] Enlevé au tourbillon de Paris et devenu propriétaire d’un grand domaine rural, il se mit à gérer ses terres lui-même. […] C’était sans doute une pochade d’une furie enragée, brouillant le ciel et la terre d’un coup de brosse, une véritable extravagance, mais faite par un fou de génie. […] Danaé captive en sa prison d’airain, c’est la terre glacée par l’hiver et attendant que les rayons d’or pleuvent pour la féconder.

1436. (1902) Le chemin de velours. Nouvelles dissociations d’idées

Notre civilisation a méconnu cela : c’est un champ immense de petites fleurettes qui épuise pour un éclat inutile la sève de la terre. […] Il devient à moitié fou ; la terre s’ouvre devant lui et il voit sortir de la fente des flammes et des diables. […] Il plantait la terre au milieu du monde, ce qui rendait ses admirables calculs d’une effroyable complexité. […] Ils posent d’abord le précepte : la terre est le centre du monde. […] On remuera de la terre ou des pierres ; on bourdonnera autour d’une littérature ou d’une histoire.

1437. (1900) La culture des idées

L’équivoque habitant de la terre et des ondes. […] L’arbre a été jeté par terre, ses branches taillées ; il n’y a plus qu’à en faire des fagots. […] La France, qui n’est pas une terre latine, est une terre romanisée ; elle ne peut garder son originalité qu’en demeurant catholique, c’est-à-dire païenne et romaine, c’est-à-dire antiprotestante. […] Ouvre-toi, jeune terre, reçois la graine et sois féconde. […] L’empereur ne se couronna pas dans l’ombre de son oratoire ; il se couronna devant toute la terre et devant les princes de toute la terre, disant ainsi que, premier juge de sa propre gloire, il n’en était que le premier juge, et non pas le seul.

1438. (1883) La Réforme intellectuelle et morale de la France

Parce que, le dauphin Humbert étant tombé dans une sorte de folie, le roi de France se trouva là pour acheter ses terres à beaux deniers comptants. […] L’ouvrier n’est pas éclairé ; le paysan veut avant tout acheter de la terre, arrondir son champ. […] Les ducs, les marquis, les comtes, étaient au fond les généraux, les colonels, les commandants d’une Landwehr, dont les appointements consistaient en terres et en droits seigneuriaux. […] Les Normands ont été en Europe les créateurs de la propriété ; car, le lendemain du jour où ces bandits eurent des terres, ils s’établirent pour eux et pour tous les gens de leur domaine un ordre social et une sécurité qu’on n’avait pas vus jusque-là. […] On reconnaîtra un jour qu’elle était le sel de la terre, et que sans elle le festin de ce monde sera peu savoureux.

1439. (1922) Nouvelles pages de critique et de doctrine. Tome I

Second geste : il rend la liberté à la bête ; et son espingole, d’abord horizontale, se dirige vers la terre. […] Et comme ce mes est un beau cri d’artiste littéraire qui prend possession d’une terre et de ses trésors de songe ! […] Peu d’événements, un récit uni, j’allais dire terre à terre, et c’était un portrait dressé en pied, d’un si haut relief que ce Nangès reste, pour moi, à l’heure présente, aussi vivant que si je l’avais connu en chair et en os. […] Et devant, il y avait la terre, la terre scintillante, givrée de soleil, la terre sans grâce et sans honneur où errent, sous des tentes en poils de chameau, les plus misérables des hommes… » J’ai tenu à citer ce quadro comme un échantillon de la manière de l’écrivain, de son coloris si pittoresque et si vrai. […] C’est par ce souci que s’explique notamment une franchise de peinture qui paraît souvent choquante, en terre anglo-saxonne.

1440. (1912) Pages de critique et de doctrine. Vol I, « I. Notes de rhétorique contemporaine », « II. Notes de critique psychologique »

Mais ceux qui se f… par terre ?  […] C’est là qu’il a pris terre et ciel. […] C’est l’œuvre de la terre natale et des morts. […] L’écrivain, ou mieux, le témoin, nous montre la terre et le ciel « morts de froid ». […] Ils viennent s’agenouiller… Jamais », conclut le narrateur, « jamais Dieu ne descendit sur terre dans un plus triste réduit.

1441. (1905) Études et portraits. Portraits d’écrivains‌ et notes d’esthétique‌. Tome I.

Prédicateurs et magistrats, poètes et médecins, son analyse féroce les déshabille de leur costume et met à nu leur médiocrité. — Enfin, au dernier degré, c’est la basse plèbe, consolée de sa pauvreté par ses rêves, et en cela aussi voisine de la réalité que les plus hauts seigneurs de la terre. […] Il se tient debout par lui-même, ainsi que le voulait Flaubert, « par la force interne du style, comme la terre, sans être soutenue, se tient dans l’air… » C’est en ces termes qu’il annonçait son projet. […] Ayant, de parti pris, choisi comme objet de son premier roman une aventure commune et terre à terre, il s’était trouvé composer une étude de mœurs, et la composer dans une prose supérieurement ouvrée, sa prose. […] Au pied de ces arbres, la terre, récemment remuée, était presque rouge ; et la lumière du soleil, tour à tour épandue largement sur la route, brisée contre le faîte des arbres, emprisonnée dans les creux des montagnes, baignait cette tranquille campagne d’une vaste et heureuse sérénité. […] Il a un brave cœur tout d’une pièce et un esprit en morceaux, comme un morceau de verre tombé par terre.

1442. (1927) Des romantiques à nous

Ses racines s’étendaient bien au-delà des terres allemandes et puisaient leur sève aux pays de Rossini, de Berlioz, de Liszt, sans parler de ce qu’elle devait aux littératures. […] Parce que la flamme d’un esprit et d’un caractère n’était pas là pour soutenir d’une manière habituelle le port fier et libre de sa personne et l’expression ferme de ses traits ; parce que le moral a abandonné le physique, une fois passée la belle saison où le physique fleurit de lui-même, et que les formes corporelles se sont comme affaissées sur le terre à terre des préoccupations et la mollesse de l’âme. […] Je n’entends que les grands thèmes universels que ces superfétations n’étouffent pas, les thèmes de la terre et de la mer, de l’amitié et de la trahison, de la jeunesse et des ans, de l’amour et de la mort. […] Familier avec les tourments d’un grand créateur qu’effraye et qu’exalte tour à tour la vue des terres vierges que son impérieux génie le presse de conquérir, il n’en avait pas moins la vue la plus sage et la plus positive de la vie. […] La perte de ce compagnon si cher de toute ma vie répand sur cette terre béarnaise qui nous réunissait, où nous courions au devant l’un de l’autre, une ombre qu’aucune lumière ne dissipera.

1443. (1925) Portraits et souvenirs

je m’en souviendrai de la planète Terre !  […] Barrès, délaissant ses domaines d’Espagne et d’Italie, s’implantait définitivement en terre lorraine. […] Je n’aimais vraiment jouer aux boules qu’avec celui-ci et faire des trous dans la terre qu’avec celui-là. […] J’aurais voulu rentrer en terre, fuir, m’envoler. […] Bientôt, on est en sûreté, à l’abri des sans-culottes et des démagogues, mais on est en terre d’exil !

1444. (1898) Manuel de l’histoire de la littérature française « Livre II. L’Âge classique (1498-1801) — Chapitre III. La Déformation de l’Idéal classique (1720-1801) » pp. 278-387

Ceux qui le composent prennent la place des grands malheureux, et quand ils ne peuvent suppléer par eux-mêmes, ils relèvent toutes les grandes maisons par le moyen de leurs filles, qui sont comme une espèce de fumier qui engraisse les terres montagneuses et arides » [Cf.  […] Montesquieu avait débuté par des discours sur l’Usage des glandes rénales, 1718, sur la Cause de la pesanteur des corps ; et le premier grand ouvrage dont il eut formé le projet c’était une Histoire physique de la terre. […] « C’est en affaiblissant la stupide vénération des peuples pour les lois et les usages anciens, écrit Helvétius, qu’on mettra les souverains en état de purger la terre de la plupart des maux qui la désolent et d’assurer la durée des Empires » [Cf.  […] Et découvertes ou hypothèses, comme elles tendaient toutes à déposséder l’homme non pas précisément du rang (qui demeurait toujours le premier), mais de la souveraineté qu’il s’attribuait dans la nature, elles ne pouvaient manquer tôt ou tard de produire des effets analogues à ceux de la découverte de Newton quand, cessant d’être le « centre du monde », la terre était devenue l’une des « petites planètes » d’un système qui n’en est qu’un lui-même entre une infinité d’autres [Cf.  […] Elle comprend : La Théorie de la terre ; l’Histoire de l’homme et l’Histoire des quadrupèdes, 15 vol. in-4º, en collaboration avec Daubenton pour la partie anatomique, 1749-1767.

1445. (1861) Questions d’art et de morale pp. 1-449

On n’eut pas d’abord la pensée d’isoler de l’édifice les figures à la fois sculptées et peintes qui représentaient dans le temple les excroissances végétales dont se couvrent la terre et les êtres vivants qui fourmillent à sa surface. […] Dans toutes les cosmogonies il est dit que la femme a introduit le mal sur la terre en induisant l’homme en tentation. […] La cité primitive fut un asile ouvert à des coupables, comme la terre elle-même est un asile expiatoire ouvert à l’homme déchu. […] Sans doute le saint est supérieur au héros de toute la distance du ciel à la terre ; mais la vie de la terre a ses nécessités, et, dans ce conflit d’intérêts, de devoirs et de droits qui compose l’existence des nations, on risquerait souvent de tomber au-dessous de l’homme en voulant s’élever trop au-dessus. […] Le canal n’a pas augmenté la quantité d’eau, mais il lui aide à s’échapper de la terre, d’où elle jaillirait moins abondamment sans cette ouverture.

1446. (1911) Nos directions

Certes, la Noblesse de la Terre et Monsieur Bonnet diffèrent assez pour mériter deux études distinctes. […] La terre, un jour, parla par eux. […] Au reste, les personnages de la Noblesse de la Terre, ne faisaient que vivre, sans plus. […] La fille, peinant à la terre, grisée d’été, « faisait le mal », comme une bête ; le père et le séducteur se la disputaient âprement. […] On voulut en imaginer de secrets, oubliant que le poète les avait faites volontairement successives, pour illustrer l’idée centrale de la Noblesse de la Terre.

1447. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE CHARRIÈRE » pp. 411-457

J’étais assis à côté d’elle : je me suis baissé jusqu’à terre. — Qu’avez-vous laissé tomber ? […] M. de Bompré, âgé d’environ quarante-cinq ans, retiré du service, habite en paix une terre dans le pays de Vaud ; mais il est allé à Orbe, à la noce d’un ami, et il se met à envier ce bonheur. […] En arrivant à la terre de son mari, elle tient le bon Antoine à distance ; elle a lu les Jardins de l’abbé Delille, et elle bouleverse l’antique verger. […] Dans ces lettres de mistriss Henley, il y a plus que des pensées aimables et fines ; la mélancolie y prend parfois de la hauteur, et je n’en veux pour preuve que cette page profonde : « Ce séjour (la terre d’Hollowpark) est comme son maître, tout y est trop bien ; il n’y a rien à changer, rien qui demande mon activité ni mes soins.

1448. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCVe entretien. Alfred de Vigny (2e partie) » pp. 321-411

« Je repris : « — Il paraît que ces citoyens-là n’ont pas voulu faire votre affaire sur terre, ils ont pensé qu’ici çà ne paraîtrait pas tant. […] Quand je revins en France, je demandai à passer avec mon grade dans les troupes de terre, ayant pris la mer en haine parce que j’y avais jeté du sang innocent. […] « La pluie tombait toujours tristement ; le ciel gris et la terre grise s’étendaient sans fin ; une sorte de lumière terne, un pâle soleil, tout mouillé, s’abaissait derrière de grands moulins qui ne tournaient pas. […] « Une vitalité indéfinissable anime cette vertu bizarre, orgueilleuse, qui se tient debout au milieu de tous nos vices, s’accordant même avec eux au point de s’accroître de leur énergie. — Tandis que toutes les vertus semblent descendre du ciel pour nous donner la main et nous élever, celle-ci paraît venir de nous-mêmes et tendre à monter jusqu’au ciel. — C’est une vertu tout humaine que l’on peut croire née de la terre, sans palme céleste après la mort ; c’est la vertu de la vie.

1449. (1865) Cours familier de littérature. XX « CXXe entretien. Conversations de Goethe, par Eckermann (2e partie) » pp. 315-400

Il parla sur les lois éternelles d’aspiration et de respiration de la terre, sur la possibilité d’un déluge, au cas d’une affirmation d’humidité constante. […] La flèche monta droit, et en retombant, se ficha en terre. […] L’alouette des champs ainsi que l’alouette des airs monte vers le ciel, redescend vers la terre ; en automne, elle traverse l’espace par bandes et s’abat sur des champs de chaume, mais jamais elle ne se posera sur une haie ou sur un buisson. […] Tout cela passe, et s’en va, car moi aussi je ne suis plus aujourd’hui celui que j’étais alors ; mais pour cette vieille terre, elle tient bon, et l’air, l’eau, le sol, tout cela est resté comme autrefois !

1450. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 juin 1886. »

Tantôt sa voix expire dans des tenues prolongées, comme si ses forces physiques l’abandonnaient à cette cruelle tâche ; tantôt sa force d’âme vient les ranimer, et avec des accents de plus en plus émouvants et pénétrants, elle atteste les Cieux et la terre que l’inflexibilité serait sacrilège ; elle devient inspirée pour désarmer une farouche indignation, et commande au nom du Rédempteur lui-même de renoncer à l’iniquité d’un jugement prématuré. […] … La terre du moins l’a reconquis encore ! […] A la vue de cette destinée flétrie, brisée sur la terre comme un jonc foulé, et refleurissant dans le Ciel comme un lys splendide, nous sentons palpablement pour ainsi dire, comment en se perdant, on se sauve : si forte est la puissance du religieux élan renfermé dans le morceau final, formant l’Épilogue de la pièce. […] Mais la Grèce antique, déjà fort civilisée, et tard venue dans l’humaine évolution, a été la terre privilégiée des lettres.

1451. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. Herbert Spencer — Chapitre II : La psychologie »

Et le milieu que traverse la correspondance humaine n’est pas confiné à la terre ni à sa surface. […] L’homme commence par reconnaître les séquences de jour et de nuit ; puis les séquences mensuelles produites par la lune ; puis le cycle annuel du soleil ; puis le cycle des éclipses de lune ; puis les périodes des planètes supérieures ; tandis que l’astronomie moderne détermine le long intervalle, après lequel l’axe de la terre reviendra occuper le même point dans le ciel ; et l’époque à peine concevable dans laquelle se reproduiront les perturbations planétaires142. » Un nouveau progrès consiste en ce que la correspondance croît en spécialité. […] Elle nous a aidé à explorer un univers comparativement auquel notre terre n’est qu’un grain de sable, et à découvrir la structure d’une monade, comparativement à laquelle un grain de sable est une terre.

1452. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre VI » pp. 394-434

Ils ont dépensé leurs plus belles années, leur plus beau style et leur meilleur esprit, à soutenir, à parer, à décorer, à fortifier la chose de ce monsieur ; ils ont fécondé sa terre, ils ont taillé sa vigne, ils ont mené paître ses troupeaux, ils ont supporté, pendant que le maître dormait, ou batifolait avec ses esclaves, la chaleur de la journée et la fraîcheur du matin ; ils n’ont pas osé être malades sans la permission de ce monsieur ; ils ont regardé dans les yeux de Trajan, pour savoir si Trajan était content ; ils ont été attentifs à sa moindre parole, ils ont interrogé son sourcil de Jupiter Olympien, ils ont flatté même sa cuisinière, la complice de sa toute-puissance ; ils ont ri de son rire, et pleuré de son chagrin ; ils ont sué, ils ont halé, ils ont râlé… et les voilà à la porte de cette maison qu’ils ont bâtie, à la porte de ces jardins qu’ils ont plantés ; et du jour au lendemain, pendant que ce sol qu’ils ont fécondé de leur esprit, de leur talent, de leur labeur, rapporte au maître un intérêt qui serait un capital pour les ouvriers de la vigne, nul ne s’informe du destin de ces ouvriers habiles, actifs, intelligents, dévoués, braves jusqu’à l’audace, hardis jusqu’à l’abnégation ! […] Est riche aujourd’hui qui joue à la Bourse, qui achète plus de terre qu’il n’en peut cultiver, qui habite au second étage et qui marie à quelque usurier bien connu, sa fille unique ; et bien contente d’épouser un si gros monsieur ! […] « On voit certains animaux farouches, des mâles et des femelles, répandus par la campagne, noirs, livides et tout brûlés du soleil ; attachés à la terre qu’ils fouillent, ils ont comme une voix articulée, et, quand ils se lèvent sur leurs pieds, ils montrent une face humaine. — En effet, ils sont des hommes !  […] Vous dites que vous avez assez de moi, c’est bien plutôt moi qui ne veux plus de vous ; de vous à qui j’ai consacré ma vie et mon génie et les chefs-d’œuvre des maîtres ; de vous à qui j’ai voulu plaire, même en faisant violence à ma vocation sur la terre ; de vous qui m’avez fait jouer, même des drames ; de vous qui avez mis le sanglot à ma voix, la pâleur à ma joue, le désordre à mes cheveux, le poison à mes lèvres, le poignard à ma main !

1453. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « De l’état de la France sous Louis XV (1757-1758). » pp. 23-43

Les affaires de la guerre se trouvent encore, par les subalternes, sous l’influence des Ormes, c’est-à-dire du comte d’Argenson qui est en exil à sa terre des Ormes, et qui a quitté le ministère depuis les premiers mois de 1757. […] Il s’en explique nettement dans une lettre à Choiseul du 6 janvier 1758, et lui découvre sa pensée avant même de s’en être ouvert au roi : Mon avis serait, dit-il, de faire la paix et de commencer par une trêve sur terre et sur mer.

1454. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Histoire de la maison royale de Saint-Cyr, par M. Théophile Lavallée. » pp. 473-494

Un autre esprit, bien meilleur et plus sûr, Mme de Glapion, était elle-même légèrement atteinte : « Je me suis bien aperçue, lui écrivait Mme de Maintenon, du dégoût que vous avez pour vos confesseurs : vous les trouvez grossiers ; vous voudriez plus de brillant et plus de délicatesse ; vous voudriez aller au ciel par un chemin semé de fleurs. » Mme de Glapion trouvait le catéchisme un peu terre à terre, un peu court sur de certains points ; il lui semblait ridicule « que le maître fît des demandes dignes d’un écolier, et que l’écolier fît des réponses d’un maître ».

1455. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Œuvres de Vauvenargues tant anciennes qu’inédites avec notes et commentaires, par M. Gilbert. — II — Vauvenargues et le marquis de Mirabeau » pp. 17-37

Ducs manants d’un côté, robins décrassés de l’autre, tout empiète sur l’homme de qualité : faites comme tout le monde avec ces gens-là, vous les avez toujours sur les épaules ; sachez vous annoncer et vous redresser, vous les voyez arriver plus bas que terre. […] Mirabeau qui va et vient à sa guise, qui est maître d’une fortune considérable dont il use et abuse déjà, qui n’est à son régiment que quand il le veut bien ; qui, dès que l’envie lui en prend, s’installe à Paris où il va acheter un hôtel ; qui, cette année même (1740), achètera la terre de Bignon dans le Gâtinais pour être toujours à portée de la capitale, Mirabeau en parle donc bien à son aise.

1456. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Vie de Maupertuis, par La Beaumelle. Ouvrage posthume » pp. 86-106

… » Comme Voltaire l’avait dénoncé d’emblée aux puissances et signalé comme un calomniateur de Louis XIV, de Louis XV et du roi de Prusse, La Beaumelle le rappelait à l’ordre et lui faisait toucher son inconséquence : « Apprenez qu’il est inouï que le même homme ait sans cesse réclamé la liberté de la presse, et sans cesse ait tâché de la ravir à ses confrères15. » Il y a même une lettre assez éloquente, la xiiie , dans laquelle l’auteur suppose un baron allemand de ses amis, qui s’indigne de l’espèce de défi porté par Voltaire, dans son enthousiasme pour le règne de Louis XIV : « Je défie qu’on me montre aucune monarchie sur la terre, dans laquelle les lois, la justice distributive, les droits de l’humanité, aient été moins foulés aux pieds… que pendant les cinquante-cinq années que Louis XIV régna par lui-même. » La réponse est d’un homme qui a souffert dans la personne de ses pères et qui sort d’une race odieusement violentée dans sa conscience, opprimée depuis près de quatre-vingts ans16 et traquée. […] Maupertuis, jeune, ancien capitaine de cavalerie, converti à la géométrie et aux sciences, eut alors son moment d’éclat et de faveur, surtout lorsqu’au retour de son voyage dans le Nord, où il était allé vérifier par ses mesures la forme assignée à cette région de la terre par Newton, il eut incidemment tant de choses à raconter sur les Lapons et les Lapones.

1457. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « L’abbé de Marolles ou le curieux — II » pp. 126-147

[NdA] Dans un écrit de Furetière, Nouvelle Allégorique, ou histoire des derniers troubles arrivés au royaume d’Éloquence (1659), on lit : « Il y vint (à l’armée du Bon Sens) un illustre abbé de Marolles, qui poussa ses conquêtes jusques dans les terres de Tibulle, Catulle, Properce, Stace, Lucrèce, Piaule, Térence et Martial ; terres auparavant inconnues à tous ceux de sa nation ; cependant il les dompta, et les mit sous le joug de ses sévères versions, et il les traita avec telle exactitude et rigueur, que de tous les mots qu’il y trouva, il n’y eut ni petit ni grand qu’il ne fît passer au fil de sa plume, et qu’il n’obligeât à parler français et à lui demander la vie… » Ce jugement ne ferait guère d’honneur à la critique de Furetière qui était d’ailleurs un homme d’esprit, mais il est à croire qu’il ne parlait pas sérieusement quand il écrivait cela.

1458. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « La comtesse de Boufflers (suite.) »

Rousseau, à peine arrivé en terre libre, à Yverdun, s’était empressé d’écrire à M. et à Mme de Luxembourg ainsi qu’au prince de Conti, pour les remercier de leurs bontés ; dans ces premiers moments d’inquiétude et de délivrance, ses sentiments obéissant à la pente naturelle n’étaient pas encore aigris par la réflexion, ni son jugement faussé par la méfiance : il faut du temps et du travail pour en venir à sophistiquer et à se dénaturer à soi-même cette première sincérité des impressions involontaires. […] Hume, philosophe et moraliste comme il était, aurait du s’en douter un peu et imiter le médecin qui ne s’irrite point et ne juge point à propos d’informer toute la terre, pour un coup qu’il reçoit par hasard de son malade, dans la cure qu’il a entreprise.

1459. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Essai sur Talleyrand (suite.) »

Royer-Collard était son voisin de terre. […] Maubreuil échappant à la surveillance s’était rendu le 20 janvier à Saint-Denis pendant la célébration de l’anniversaire, et là, en pleine solennité, il avait frappé M. de Talleyrand au visage et l’avait renversé par terre.

1460. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Le général Jomini. [III] »

Mille de ces misérables boulets ont sillonné la terre autour de moi, enlevé bras et jambes à mes camarades : aucun n’a voulu m’épargner la peine qui me tue… » « Aarau, le 24 octobre 1810. […] Il vit aussitôt le ministre Clarke, qui lui demanda s’il voulait entamer une lutte avec l’Empereur, le pot de terre contre le pot de fer : « Je serais insensé en effet, répliqua Jomini, si telle était ma pensée, … mais loin de là ; j’ai eu de puissants motifs de donner ma démission.

1461. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « MME DESBORDES-VALMORE. (Les Pleurs, poésies nouvelles. — Une Raillerie de l’Amour, roman.) » pp. 91-114

Au moment où ce navire Argo qui portait les poëtes, après maint effort, maint combat durant la traversée contre les prames et pataches classiques qui encombraient les mers et en gardaient le monopole, — au moment où ce beau navire fut en vue de terre, l’équipage avait cessé d’être parfaitement d’accord ; l’expédition semblait sur le point de réussir, mais on n’apercevait guère en face de lieu de débarquement ; les principaux ouvraient des avis différents, ou couvaient des arrière-pensées contraires. […] » Lamartine a merveilleusement exprimé comment, de tous ces fragments brisés d’une vie si douloureuse, il résultait une plus touchante harmonie ; ce tendre et bienfaisant consolateur, que nul désormais ne consolera38, a dit en s’adressant à Mme Valmore : Du poëte c’est le mystère : Le luthier qui crée une voix Jette son instrument à terre, Foule aux pieds, brise comme un verre L’œuvre chantante de ses doigts Puis d’une main que l’art inspire, Rajustant ces fragments meurtris, Réveille le son et l’admire, Et trouve une voix à sa lyre Plus sonore dans ses débris !

1462. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. ALFRED DE MUSSET. » pp. 177-201

La religion sans âme, la beauté vénale et souillée, ce n’est pas seulement Rome ou Venise ; le peuple méprisé et fort, c’est partout la Terre de labour ; Juliette assoupie et non pas morte, Juliette au tombeau, appelant le fiancé, c’est la Vierge palingénésique de Ballanche, la noble Vierge qui, des ombres du caveau, s’en va nous apparaître sur la plate-forme de la tour ; c’est l’avenir du siècle et du monde. […] Le plus beau passage du volume, ces stances du milieu de Namouna, que nul ne se chantera sans larmes, ce Don Juan vraiment nouveau, réalisé d’après Mozart, qu’est-ce encore, je le demande, sinon l’amas de tous les dons et de tous les fléaux, de tous les vices et de toutes les grâces ; l’éternelle profusion de l’impossible ; terres et palais, naissance et beauté ; trois mille71 noms de femmes dans un seul cœur ; le paradis de l’enfer, l’amour dans le mal et pour le mal, un amour pieux, attendri, infini, comme celui du vieux Blondel pour son pauvre roi ?

1463. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « DU ROMAN INTIME ou MADEMOISELLE DE LIRON » pp. 22-41

Il est des douleurs tellement irrémédiables à la fois et fécondes, que, malgré la fragilité de notre nature et le démenti de l’expérience, nous nous obstinons à les concevoir éternelles ; faibles, inconstants, médiocres nous-mêmes, nous vouons héroïquement au sacrifice les êtres qui ont inspiré de grandes préférences et causé de grandes infortunes ; nous nous les imaginons comme fixés désormais sur cette terre dans la situation sublime où l’élan d’une noble passion les a portés. — Mais nous n’en étions qu’au départ de Rome. […] As-tu jamais essayé dans ton enfance de replacer ton pied précisément dans l’empreinte qu’il venait de laisser sur la terre ?

1464. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Aloïsius Bertrand »

Toi qui fus un si doux mystère, Fantôme triste et gracieux, Pourquoi venais-tu sur la terre Comme les Anges sont aux cieux ? […] Le poëte est comme la giroflée qui s’attache frêle et odorante au granit, et demande moins de terre que de soleil.

1465. (1894) Propos de littérature « Chapitre II » pp. 23-49

Que ton vers soit la chose envolée… On souffre lorsqu’après des images grandes ou fluides apparaissent des mots prosaïques ressortissant du vocabulaire de la philosophie ou empruntés à la terminologie de la Science ; l’esprit qui croyait planer avec le rêve se retrouve soudain à terre. […] La parabole du grain de sénevé est un symbole dans l’Évangile ; mais, telle que le catéchisme nous l’enseigne, à savoir : « le grain de la pensée divine germera dans le cœur des hommes et l’on en verra grandir l’arbre immense de l’Église universelle dont les rameaux couvriront toute la terre », — elle devient une allégorie.

1466. (1887) Discours et conférences « Réponse au discours de M. Louis Pasteur »

M. de Maistre peint quelque part la science moderne « sous l’habit étriqué du Nord…, les bras chargés de livres et d’instruments, pâle de veilles et de travaux, se traînant souillée d’encre et toute pantelante sur la route de la vérité, baissant toujours vers la terre son front sillonné d’algèbre ». […] Il était persuadé que les tolérants posséderont la terre et que le libéralisme qui n’a pas peur de la liberté des autres est le signe de la vérité.

1467. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XVII. Rapports d’une littérature avec les littératures étrangères et avec son propre passé » pp. 444-461

Pour qu’une conception du beau passe d’un groupe d’hommes à un autre groupe d’hommes, il faut qu’il y ait déjà entre eux certaines analogies ; une idée, comme une plante, ne s’acclimate hors de sa terre natale que si elle rencontre un sol pour ainsi dire prédisposé à la recevoir. […] On dirait que la terre entière est diminuée, rétrécie.

1468. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Saint-Évremond et Ninon. » pp. 170-191

Leur morale terre à terre désole ; leur horizon baisse à chaque pas.

1469. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Jasmin. (Troisième volume de ses Poésies.) (1851.) » pp. 309-329

Ici, nous faisons tout naître rien qu’en égratignant la terre ; qui en possède un morceau se prélasse chez lui ; il n’y a pas de petit bien sous notre soleil ! […] Il n’était content que quand il avait ramené aux champs son jeune Monsieur égaré, et quand il lui avait fait dire : « La campagne fut mon berceau, maintenant elle sera ma tombe : car j’ai compris la terre, j’ai sondé ce qu’elle vaut. » Ce jeune homme, égaré par les idées modernes, pourrait être caractérisé dans sa maladie morale avec plus de particularité sans doute et plus de ressemblance ; l’intention suffit pourtant ; l’auditeur achève la pensée.

1470. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Œuvres de Louis XIV. (6 vol. in-8º. — 1808.) » pp. 313-333

Il voulut montrer à toute la terre, et c’est lui qui le dit, qu’il y en avait encore un au monde. […] Il voudrait que son fils, au lieu de s’arrêter en chemin, et de regarder autour de lui et au-dessous de lui, ceux qui valent moins, reportât ses regards plus haut : Pensez plutôt à ceux qu’on a le plus sujet d’estimer et d’admirer dans les siècles passés, qui d’une fortune particulière ou d’une puissance très médiocre, par la seule force de leur mérite, sont venus à fonder de grands empires, ont passé comme des éclairs d’une partie du monde à l’autre, charmé toute la terre par leurs grandes qualités, et laissé depuis tant de siècles une longue et éternelle mémoire d’eux-mêmes, qui semble, au lieu de se détruire, s’augmenter et se fortifier tous les jours par le temps.

1471. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Le cardinal de Richelieu. Ses Lettres, instructions et papiers d’État. Publiés dans la Collection des documents historiques, par M. Avenel. — Premier volume, 1853. — I. » pp. 224-245

À la comtesse de Soissons, à l’occasion de la mort du comte son mari, il dira assez singulièrement et pour lui persuader qu’elle y a gagné plutôt que perdu : « Si vous désirez votre bien, il est meilleur que vous ayez un avocat au ciel qu’un mari en terre (sur la terre). » Une fois, il donne des conseils intérieurs et tout spirituels à une âme dévote qui éprouvait des peines et des découragements dans l’oraison ; il essaye avec elle d’un langage et d’une science mystique, où il est aisément vaincu par les saint François de Sales et les Fénelon.

1472. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « M. Necker. — II. (Fin.) » pp. 350-370

Chacun de ces instants est gravé dans ma mémoire… J’avais obtenu le retour de la paix, je l’avais obtenu sans autre moyen que le langage de la raison et de la vertu : cette idée me saisissait par toutes les affections de mon âme, et je me crus un moment entre le ciel et la terre. […] disait-il, tous les hommes sans doute sont égaux devant vous, lorsqu’ils communiquent avec votre bonté, lorsqu’ils vous adressent leurs plaintes, et lorsque leur bonheur occupe votre pensée ; mais, si vous avez permis qu’il y eût une image de vous sur la terre, si vous avez permis du moins à des êtres finis de s’élever jusqu’à la conception de votre existence éternelle, c’est à l’homme dans sa perfection que vous avez accordé cette précieuse prérogative ; c’est à l’homme parvenu par degrés à développer le beau système de ses facultés morales ; c’est à l’homme enfin, lorsqu’il se montre dans toute la gloire de son esprit.

1473. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre cinquième. Principales idées-forces, leur genèse et leur influence — Chapitre sixième. Genèse et action des idées de réalité en soi, d’absolu, d’infini et de perfection »

Quand je dis que la terre tourne autour du soleil, malgré ma perception actuelle, je veux dire que, si j’occupais dans l’espace un point fixe, à une assez grande distance du soleil et de la lune, je percevrais le mouvement de la terre autour du soleil.

1474. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre quatrième. L’expression de la vie individuelle et sociale dans l’art. »

Si on a vécu trente ans, avec une conscience assez aiguisée, dans un coin pas trop fermé de la terre, on peut compter n’avoir plus à éprouver de sensations radicalement neuves, mais seulement des nuances inaperçues jusqu’alors, des nouveautés de détail. […] En lelisant, je ne puis m’empêcher de penser à Pierre Loti : à travers ces lignes le plus souvent sèches, on entrevoit les mêmes visions qui passent dans Pêcheur d’Islande ; on devine l’inguérissable nostalgie du marin qui s’attache à chaque coin de terre où il séjourne, s’en fait une patrie, et ensuite ne se trouve plus chez lui nulle part, même au pays natal, ayant éparpillé de son cœur sur toute la surface du globe. « Le départ du Pola, qui nous laisse ici, rompt l’unique lien qui nous rattachait encore à la patrie.

1475. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XIX » pp. 76-83

Par suite de la même activité, qui se porte actuellement sur de l’inédit, Cousin a publié ses Fragments littéraires, anciens discours académiques, ou éloges mortuaires, auxquels il a ajouté pour assaisonnement les lettres inédites de madame de Longueville (chassant ainsi sur mes terres et me tuant sans façon mon gibier) ; il a ajouté un petit commentaire à ces lettres, dont il s’est, je crois, exagéré un peu l’importance littéraire ; comme étude d’âme et de confessionnal, c’est curieux, (et j’en avais tiré parti dans mon étude). « Au fond, il n’y a de véridique, dit-il, si quelque chose l’est entièrement, que les correspondances intimes et confidentielles, les mémoires eux-mêmes sont toujours destinés au public, et ce regard au public, même le plus lointain, gâte tout ; on s’y défend ou on attaque, on se compose un personnage, on pense à soi, on ment. » — Ceci est dit à merveille comme Cousin sait dire, dans sa langue excellente et digne du xviie  siècle ; mais que serait-ce si on appliquait cette vérité à son éclectisme officiel, qu’il défendait et qu’il préconisait hier tout en attaquant Pascal ?

1476. (1874) Premiers lundis. Tome I « Vie, poésies et pensées de Joseph Delorme. Deuxième édition. »

Les individus illustres sont assurés de retrouver leur place dans cette prochaine association de l’art vers laquelle convergent rapidement toutes les destinées de notre avenir ; Victor Hugo y fournira une phase de plus, une période nouvelle de son génie ; Alfred de Vigny, merveilleux poète, y marchera d’un pied plus ferme sur cette terre dont il a été jusqu’ici trop dédaigneux.

1477. (1874) Premiers lundis. Tome II « E. Lerminier. Lettres philosophiques adressées à un Berlinois »

« Si la France ne le comptait pas parmi ses citoyens, si M. de La Fayette était anglais ou américain, on ne manquerait pas de raisonnements et de raisonneurs pour établir que jamais un caractère si persévérant et si droit n’aurait pu s’élever et grandir en France, pays de la mobilité, terre toujours remuée et toujours ébranlée.

1478. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Quatrième partie. Élocution — Chapitre V. Figures de construction et figures de pensées. — Alliances de mots et antithèses »

L’honneur leur appartient d’avoir ouvert la porte À quiconque osera d’une âme belle et forte Pour vivre dans le ciel en la terre mourir.

1479. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Introduction. Origines de la littérature française — 1. Éléments et développement de la langue. »

Même en Terre-Sainte, à Chypre, en Grèce, le Français eut un règne éphémère : et notre langue s’enrichissait en terre byzantine ou sarrasine de monuments tels que la Chronique de Villehardouin et les Assises de Jérusalem.

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