Mais Thureau-Dangin n’est point de cette race.
Lionne était, lui, de la race des susceptibles et des bouillants ; et c’est pourquoi, à part ces grandes manières qu’il avait et qui sont d’un immense emploi dans toutes les situations, il fut moins distingué et moins utile comme ambassadeur et ministre plénipotentiaire que comme secrétaire d’État et rédacteur éclatant de la pensée de son gouvernement.
Ce n’est point un protestant à la manière de d’Aubigné, par exemple, et de tous ceux-là qui, plus près de l’origine du protestantisme, avaient l’âme — cette âme de race catholique !
L’Esprit de la Royauté a-t-il repris possession des anciennes races ?
Les idées et les sentiments de ce siècle, si splendidement civilisé, se réfléchissaient et se raffinaient en ces jeunes personnes chez qui l’éducation s’ajoutait à la race, de même que les choses les plus grandes qui nous environnent peuvent se réfléchir dans une des facettes de la pierre précieuse qu’on porte au doigt, tout en s’y opalisant des propres couleurs de la pierre.
Doudan, qui pouvait rester X, et qui a été X toute sa vie, car il avait le goût exquis de l’obscurité, est un esprit de la race de Joubert, de ce délicieux Joubert découvert après sa mort comme un diamant au fond d’un vieux bonheur du jour (c’en était un ce jour-là !)
Méconnaissance de la nature spirituelle de l’homme qu’on définit un mammifère monodelphe bimane, et rien de plus, négation de l’unité de la race humaine, affirmation de l’activité de la matière, confusion de la physiologie et de l’histoire naturelle, au mépris des traditions médicales, depuis Hippocrate jusqu’à nos jours, enfin l’opinion qui implique le matérialisme le plus complet : « Que la vie ne doit pas être considérée comme un principe, mais comme un résultat, une propriété dont jouit la matière, sans qu’il soit nécessaire de supposer un autre agent dans le corps », toutes ces solutions et beaucoup d’autres de la même énormité sont attaquées et ruinées de fond en comble par le rude jouteur des Études.
Depuis Homère l’aveugle, errant au bord des flots sur l’arène glissante, jusqu’au dernier porte-besace qui doit mourir dans les ornières du Cotentin, les pauvresses mendiants, les vagabonds font une race éternellement poétique, qui s’est toujours emparée de l’imagination — chez ceux qui en ont — avec une incroyable puissance.
Ce n’est pas non plus une question pour une nation historique qui sait, comme la nôtre, par son histoire, que le mariage indissoluble est une affaire de race, de tempérament, de mœurs et de siècles.
Rémusat, de race romancière par sa mère, et élevé à l’école de madame de Staël, pourrait être un miniaturiste convenable et nous donner des médaillons légèrement touchés.
II Elle y est, en effet, cette manie, un des derniers gestes de la décrépitude d’une société tout à la fois curieuse et blasée… Vieux de race, hébétés de civilisation, énervés, blasés, ennuyés, dégoûtés, ayant besoin pour nous secouer d’une originalité dont nous n’avons plus la puissance, nous ne comprenons plus rien à la beauté de la ligne droite dans les choses humaines, et nous la courbons, nous la tordons, nous la recroquevillons en grimaçantes arabesques, pour qu’elle puisse donner une sensation nouvelle à nos cerveaux et à nos organes épuisés… La simplicité du génie et de ses procédés nous échappe.
Elle était même mieux que celtique, quoiqu’elle le fût, mieux qu’autochtone, mieux que la respiration, dans l’air ambiant, de toute une race.
Il est de cette race disproportionnée dans laquelle la nature de l’homme disparaît pour faire place au rêve d’un poète qui, même dans ses autres œuvres plus fortes, plus mûres et plus finies, a toujours caressé l’affreuse chimère du monstrueux.
« Ô race incrédule et dépravée ! […] » Cette race, en effet, artistes et public, a si peu foi dans la peinture, qu’elle cherche sans cesse à la déguiser et à l’envelopper comme une médecine désagréable dans des capsules de sucre ; et quel sucre, grand Dieu ! […] Je ne le crois pas, et je considère ces horreurs comme une grâce spéciale attribuée à la race française. […] Il est impossible de les attribuer indifféremment à telle ou telle race, ou de supposer que ces personnages sont d’une religion qui n’est pas la leur. […] Pris en lui-même, le petit cheval est charmant ; son épaisse crinière, son mufle carré, son air spirituel, sa croupe avalée, ses petites jambes solides et grêles à la fois, tout le désigne comme un de ces humbles animaux qui ont de la race.
Barrès, celle d’une sensibilité originale fixée dans une race. […] Mais enfin cela devrait suffire à nous faire admettre que Flaubert n’est pas un grand écrivain de race et que la pleine maîtrise verbale ne lui était pas donnée dans sa nature même. […] En employant le terme « écrivain de race » pour désigner cette nuance de ma pensée, je faisais récemment une faute de langue. […] On serait mal venu à s’appuyer sur le mot de Saint-Simon pour dire que Louis XIV n’était pas un monarque de grande race. […] Alors voilà une phrase qui dit autre chose que ce que vous vouliez dire, et c’était précisément le cas de ma phrase sur les écrivains de race.
Et pourtant… Mais avec Lamartine il ne faut jamais analyser. » « — Ces mêmes gens qui, hier encore, auraient voulu lapider Lamartine à cause de ses Girondins et de ses discours de Mâcon, lui élèveraient aujourd’hui des autels : mais sur cet autel il faudrait inscrire : Élevé par la Reconnaissance et par la Peur. »|75}} « — Lamartine est au fond un roué, mais un roué de la race de Fenelon.
De nos jours, les esprits aristocratiques n’ont pas manqué, qui ont cherché à exclure de leur sphère d’intelligence ceux qui n’étaient pas censés capables d’y atteindre : de Maistre, par nature et de race, était ainsi ; les doctrinaires, les esprits distingués qu’on a qualifiés de ce nom, ont pris également sur ce ton les choses, et par nature aussi, ou par système et mot d’ordre d’école, ils n’ont pas moins voulu marquer la limite distincte entre eux et le commun des entendements.
Cet enthousiasme de liberté qui caractérise les Romains, il ne paraît pas que les Grecs l’éprouvassent avec la même énergie : ils avaient eu beaucoup moins d’efforts à faire pour conquérir leur liberté ; ils n’avaient point expulsé du trône, comme les Romains, une race de rois cruels, propre à leur inspirer l’horreur de tout ce qui pouvait en rappeler le souvenir.
C’est quelqu’un, c’est même un étrange original, que ce gentilhomme de Normandie, si fier de sa race, d’un si robuste orgueil, au verbe rude et incivil, autoritaire, brusque, indifférent en religion, mais respectueux de la croyance du prince et de la majorité des sujets, très soumis à l’usage et très épris de raison, disputeur, argumenteur, philosophe et fataliste, plus stoïcien que chrétien, très matériel et positif, au demeurant honnête homme, et de plus riche sensibilité qu’on ne croirait d’abord.
Il ne vit que l’ingratitude des hommes ; il se repentit peut-être de souffrir pour une race vile, et il s’écria : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ?
Car la guerre devient « le premier, le plus beau des devoirs, aussitôt qu’elle défend les champs, les villes, la race même, les trésors et le passé d’un peuple ».
Le mazdéisme lui-même, ou religion de Zoroastre, a encore des fidèles, et, s’ils sont en petit nombre, c’est plutôt la race qui a péri que la religion.
Ainsi les quinze cordes de la musique ancienne entrerent dans le chant gregorien, et tout le monde a trouvé que le chant grégorien surpassoit tellement en beauté le chant ambroisien, que dès le temps de nos rois de la seconde race, les églises des Gaules quitterent l’usage du chant ambroisien pour y substituer le chant grégorien.
comme il se serait enivré de cette frivolité ravissante, qui paraît ennuyeuse à des écrivains belges, lesquels ont, comme on sait, le droit d’exiger qu’on soit intéressant et grave, et quoiqu’il fût, lui, de race, moitié Belge et moitié Autrichien !
Je ne saurais pas qui elle est, l’auteur de Robert Emmet, et elle n’aimerait que Villemain, je ne serais pas bien sûr qu’elle fût une femme, car Villemain a le pédantisme sec que les femmes doivent détester, — il est vrai que celle-ci est de race doctrinaire, — mais l’amour de Sainte-Beuve m’aurait fait reconnaître la femme si, malgré la faiblesse du livre et ce bariolage d’opinions avec lesquelles les femmes font un livre comme elles font des tapis avec des petits morceaux d’étoffes de diverses couleurs, j’avais pu, une minute, en douter !
Aujourd’hui, l’Italie ne brûlerait pas encore de son dernier combat contre l’Autriche, que Renée n’en publierait pas moins la vie d’une femme qui, au Moyen Age, a résumé l’Italie dans sa plus opiniâtre résistance à la race allemande, et qui mérita d’être appelée « la Grande Italienne ».
Ernest Moret n’appartient pas à cette race d’esprits.
On ne tue pas sa race pour entrer dans une autre.
Gracieux grand homme de la race des César et des Alcibiade, dédaigneux de la mort comme du pouvoir, parce qu’il se sentait si puissant !
S’il ne s’adressait qu’à cette race de Vésuviennes… licenciées, qui, depuis le coup de foudre épurateur du deux décembre, se sont remises à rêver… en attendant leur émancipation définitive, nous l’aurions laissé aller peut-être à son adresse sans l’intercepter ; car nous sommes de ceux-là qui croient à l’endurcissement des idées fausses et à l’impénitence finale de certains partis.
N’était cette injustice, que nous nous sommes permis de relever, pour une femme douée le plus des anciennes qualités françaises, qui plonge jusqu’au cou dans le génie de sa langue et de sa race, et que l’on peut considérer comme l’arrière-petite-fille de Montaigne, mais sans scepticisme et sans superfluité, l’Introduction de Sainte-Beuve nous paraîtrait ce qu’elle est réellement : un petit chef-d’œuvre d’analyse, d’expression et de sybaritisme littéraire.
Car, tel il était, cet homme si bien de race française, quoique sa famille fût réfugiée depuis trois siècles en Suisse et que trois cents ans de protestantisme l’eussent défrancisée, mais qui reparaissait française dans son dernier descendant, dans la personne de ce brillant esprit, de ce sceptique élégant du xviiie siècle, qui a fait sur les Religions un livre bien français dans son insuffisance et dans sa légèreté religieuse !
D’un autre côté, on sait qu’il est de la même race qu’Hoffmann.
Les Cottins, race inépuisable !
Sur la création, il est pour Moïse, et sur l’unité de la race dans le genre humain ; il croit aux causes finales, mais, comme il le dit, avec un sens délié et profond, il ne conclut pas « le dessein suivi, des causes finales, mais les causes finales du dessein suivi. » Il n’est guère possible de dire plus juste et de penser plus fin.
L’auteur, un normand qui a les qualités de sa race, un normand à front carré : « le signe de la sagesse », a dit saint Bonaventure, qui a devancé Lavater ; l’auteur des Études n’a aucune des ambitions qui n’auraient pas manqué d’égarer un esprit moins gouverné, moins réfléchi et moins mûr.
Il était d’une race d’âmes plus élevées et moins impatientes.
Les Andalouses, s’il faut en croire les vieux moralistes, ont toujours été singulièrement douées de cette antique malice qui voua la race d’Adam aux flammes de l’enfer.
Cela le met à, part de Gautier, gai à peu près comme un émail ou comme un camée… Cela met enfin, son individualité dans sa race, et cela suffit pour le faire tout autre que Victor Hugo et Alfred de Musset avec lesquels il a pourtant des parentés si étroites et si évidentes.
C’est par le classique traditionnel de son fond et par l’accent et le tour particuliers à la race des esprits dont il descend, autant que par l’audace romantique de sa forme, aussi travaillée que celle des plus rudes ouvriers en rythme de 1830, qu’il frappa d’abord l’attention et obtint des succès divers, qui étonneraient par leur diversité si l’on ne se rendait pas compte de la double tendance qui vivait en lui.
C’était un homme d’esprit à la française, très capable, comme il l’a bien prouvé, de glisser sa petite comédie à la Marivaux entre deux poèmes d’albâtre pur… Excepté la force des épaules, auxquelles on pourrait reconnaître la race de guerre, faite pour la cuirasse, dont il était issu, rien n’indique, dans ce portrait des Œuvres posthumes, le mousquetaire rouge qu’avait été pourtant Alfred de Vigny.
Tant qu’il y aura, d’organisation naturelle, des esprits bâtis comme le sien, la race des livres ne sera pas éteinte.
et Lovelace (le roman de Richardson eût pu s’appeler très-bien Lovelace) n’est-il pas l’idéal de la séduction impitoyable, comme on l’entend, chez cette grande race de flibustiers ?
Ses juges n’eurent pas de peine à démêler en ce téméraire un homme qui pensait par lui-même, un écrivain de race. […] Quoiqu’il n’y ait jamais eu de meilleur Français que lui, quoiqu’il poussât l’amour de la patrie jusqu’au chauvinisme, il avait gardé un certain goût pour l’esprit et surtout pour le tour d’imagination de la race germanique. […] Il a seulement reconnu en lui « de la race » ; il prend, à le former, le même genre d’intérêt qu’à dresser un cheval farouche. […] Battu en classe par les écoliers, race méchante et acharnée contre le faible, méprisé à la ville par les honnêtes gens, aimé uniquement de sa mère, il grandit dans les outrages et l’ignominie. […] Sur lui, le meilleur de sa race, sur lui, l’humble, le pauvre, l’innocent, le timide, est retombé tout ce qui s’agite encore au fond de nos cœurs de vieil orgueil et de vieille intolérance, mal corrigée par les lois !
Le sentiment d’anxiété sur l’avenir de notre race, tant à l’extérieur qu’à l’intérieur, résulte de bien des causes, mais en particulier de celle-là, de ce désarroi intellectuel et moral qui ne se calmera, s’il doit se calmer, que par un travail d’idées dont le très modeste effort du Père Léonce de Grandmaison nous donne un exemple si émouvant. […] Il n’y a que le vieil Évangile pour nous retenir sur notre pente fatale, pour enrayer le glissement insensible par lequel incessamment et de tout son poids originel, notre race rétrograde vers ses bas-fonds. » Il faut noter pourtant une différence profonde entre Taine et Balzac. […] Il y a de l’élégance morale dans les finesses de leur facture, et cette même atmosphère, en les maintenant en contact avec les plus graves des idées, les a sauvés d’un autre danger auquel les exposait le tempérament nerveux de la race, le maniérisme. […] L’histoire d’un peuple nous montre l’action constante, à travers la diversité des événements, d’une disposition psychologique qui tient à la nature même des races qui le composent et aussi à la situation géographique de ce peuple. […] Ce territoire est travaillé par des habitants qui, n’ayant pas d’unité ethnique, n’ont pu s’unir qu’en s’accommodant les uns aux autres, autant dire en modérant les impulsions instinctives de leurs races.
Assurément celles-là gardent, de leur origine et de leurs habitudes primitives, des signes de race, des traces indélébiles de distinction et d’élégance. […] elle était malheureusement infestée des doctrines voltairiennes, gâtée par les licencieux souvenirs de la Régence et de Louis XV, affadie par ce sentimentalisme philosophique que Louis XVI traduisit en chrétien, que son temps adapta à ses engouements dangereux ou futiles : et pourtant elle ne faiblit pas, elle resta debout, héroïque et souriante, au milieu d’une des plus horribles épreuves qui aient jamais frappé une race condamnée et effrayé la constance humaine. […] Oui, la noblesse fut coupable et frivole, funeste souvent par cela même qu’elle était oisive ; elle ne respira pas impunément l’atmosphère de la cour ; elle oublia, on lui fit oublier que le sol natal était sa force, et que, semblables à Antée, les vieilles races ne retrouvent leur vigueur qu’en touchant leur terre ; on l’amusa de privilèges qui n’étaient plus que des abus ; on l’écrasa de faveurs qui n’étaient plus que des vanités. […] Quelle facilité à donner sa parole avec la formelle intention d’y manquer, chez ces descendants de races chevaleresques ! […] C’était, on l’a remarqué, un monde qui finissait ; c’était surtout un des types les plus vigoureux, les plus accentués, les plus héroïques de ce vieux monde, le grand seigneur féodal, qui, au moment de périr, se résumait dans une race et dans un homme, avec ce caractère de violence et de fougue, puis de frivolité et d’abaissement, qui accompagne, en pareil cas, les décadences et les agonies.
Quoique cette première forme de la philosophie théologique se retrouve avec évidence dans l’histoire intellectuelle de toutes nos sociétés, elle ne domine plus directement aujourd’hui que chez la moins nombreuse des trois grandes races qui composent notre espèce. […] La majorité de notre espèce n’est point encore sortie d’un tel état qui persiste aujourd’hui chez la plus nombreuse des trois races humaines, outre l’élite de la race noire et la partie la moins avancée de la race blanche. […] Sous des formes très diverses, et même radicalement inconciliables, cet extrême mode du régime préliminaire persiste encore avec une énergie fort inégale, chez l’immense majorité de la race blanche ; mais, quoiqu’il soit ainsi d’une observation plus facile, ces mêmes préoccupations personnelles apportent aujourd’hui un trop fréquent obstacle à sa judicieuse appréciation, faute d’une comparaison assez rationnelle et assez impartiale avec les deux modes précédents.
Pour dire un homme bien élevé et distingué, on disait alors « un cavalier accompli » ; en effet, il n’avait toute sa prestance qu’en selle et sur un cheval de race comme lui. — Autre goût de gentilhomme, qui est une suite du précédent : la chasse. […] Approcher du roi, être domestique dans sa maison, huissier, porte-manteau, valet de chambre, est un privilège qu’on achète, même en 1789, trente, quarante et cent mille livres ; à plus forte raison sera-ce un privilège, et le plus honorable, le plus utile, le plus envié de tous, de faire partie de sa société D’abord, c’est une preuve de race. […] Hommes et femmes, on les a choisis un à un ; ce sont tous des gens du monde accomplis, ornés de toutes les grâces que peuvent donner la race, l’éducation, la fortune, le loisir et l’usage ; dans leur genre, ils sont parfaits.
Plus on étudie les races et les littératures latines par contraste avec les races et les littératures germaniques, plus on arrive à se convaincre que le don propre et distinctif des premières est l’art de développer, c’est-à-dire d’aligner les idées en files continues, selon les règles de la rhétorique et l’éloquence, par des transitions ménagées, avec un progrès régulier, sans heurts ni sauts. […] Il se gouverne et gouverne ses personnages ; il veut et sait tout ce qu’ils font et tout ce qu’il fait. — Mais par-dessus les habitudes d’ordonnance latine, il possède la grande faculté de son siècle et de sa race, le sentiment du naturel et de la vie, la connaissance exacte du détail précis, la force de manier franchement, audacieusement, les passions franches.
Il n’a point été impatient de justice ; il ne l’a pas attendue, cette justice, de ses contemporains ; il a jugé que ni les républicains ardents et sectaires, ni les royalistes absolus et irrités, ni les hommes religieux implacables contre sa répudiation du sacerdoce, même sanctionnée par le souverain pontife, ni les démocrates jaloux de toute antiquité de race dans ceux-là même qui les adoptent, ni les démagogues furieux contre ceux qui conservent le sang-froid et la mesure aux révolutions, ni les bonapartistes survivants du premier Empire, qui ne pardonnent pas à l’homme de 1814 d’avoir préféré la patrie à un homme, et prévenu par la déchéance de Napoléon le suicide de la France, ni les apôtres turbulents de la guerre, qui ont toujours trouvé entre eux et leurs mers de sang, dans les ministères, dans les ambassades, dans les congrès, l’homme de la paix, personnifié par le grand diplomate, ni les légitimistes de 1830, qui n’excusent pas ce vieillard monarchique d’avoir conseillé deux Bourbons sur le même trône, ni toutes les médiocrités, enfin, que la longue fortune et la supériorité exaspère contre tout nom historique, il n’a pas jugé, disons-nous, qu’aucun de ces partis contemporains fût assez impartial pour l’écouter, même du fond de sa tombe ; il a su attendre, et il a bien fait. […] Né d’une race qui avait été souveraine d’une province de France avant l’unité du royaume, et qui maintenant décorait la royauté, M. de Talleyrand avait été jeté dans l’Église, comme un rebut indigne de la cour, pour y attendre les plus hautes dignités de l’épiscopat et du cardinalat. […] de lui avoir conseillé la politique de Louis XIV en Espagne, comme si la continuation de la politique de Louis XIV en Espagne avait pu être le détrônement de la race des Bourbons !
C’est l’histoire imaginaire, l’histoire altérée par les fables, l’histoire encadrée dans la poésie, mais enfin l’histoire, c’est-à-dire le récit, conforme aux temps, aux mœurs, aux costumes, aux événements, d’une des grandes races qui ont apparu sur la scène du monde, ou d’un des grands faits qui ont imprimé leur trace profonde sur la terre. […] Une véritable mascarade épique, où les guerriers des deux races et des deux cultes se confondent dans une galanterie commune, où les femmes elles-mêmes, les femmes cloîtrées et invisibles de l’Orient, Clorinde, Armide, Herminie, travesties tantôt en bergères de pastorales, tantôt en amazones de théâtres, tantôt en sorcières de sabbat, soupirent des amours de bergerie, livrent des combats d’Hercule, opèrent des enchantements et des sortiléges, transforment des héros en bêtes, en poissons, en monstres bizarres, sortent tout à coup de leur tente ou de leur armure de fer, vêtues en nymphes d’opéra ou en princesses de cour, pour parler le langage affecté et langoureux d’héroïnes de roman ou de muses d’académie. […] Né d’une race à la fois chevaleresque et poétique, élevé par une mère d’élite et par un père déjà glorieux, recueilli dans la fleur de son adolescence par un prince qui lui ouvrit pour ainsi dire sa propre famille, protégé, aimé peut-être par la sœur charmante de ce prince, qui fut pour lui, sinon une amante, du moins une autre sœur, et qui lui pardonna tout, même ses négligences et ses distractions de sentiment que tant d’autres femmes ne pardonnent jamais, illustre avant l’âge de la gloire par des poèmes que la religion et la nation popularisaient à mesure qu’ils tombaient de sa plume ; disputé comme un joyau de gloire entre la maison d’Este, la maison de Médicis, la maison de Gonzague, la maison de la Rovère, ces grands patrons des lettres en Italie ; misérable et errant par sa propre insanité, mais non par la persécution de ses ennemis ; comblé d’enthousiasme et de soins par la jeune princesse Léonora de Médicis ; chéri à Turin, désiré à Florence, appelé à Rome ; retrouvant à Naples, toutes les fois qu’il voulait s’y réfugier, la patrie, l’amitié, la paix d’esprit, l’admiration d’une foule de disciples fiers d’être ses compatriotes ; enfin rappelé pour le triomphe à Rome par un neveu du souverain de la chrétienté, fanatique de son génie et providence de sa fortune ; mourant dans ses bras avec la couronne du poète en perspective et le triomphe pour tombeau : on ne voit rien dans une telle vie qui soit de nature à accuser l’ingratitude humaine, excepté quelques années de cruelle séquestration dans un hospice de fous, qui n’accusent pas, mais qui dégradent un peu son protecteur devenu son geôlier ; mais cette infortune n’est-elle pas souvent, dans l’économie d’une grande destinée, l’ombre qui fait mieux ressortir la note pathétique, qui attendrit le cœur de la postérité, et qui donne à la gloire quelque chose d’une compassion enthousiaste du monde ?
Là où nous avons vu hier Hamlet, nous voyons aujourd’hui Staberle 20, et là où demain doit nous ravir la Flûte enchantée, il faudra, après-demain, écouter les farces du plaisant à la mode. » IV Voici comment, en homme supérieur, il se jugeait lui-même : « Le style d’un écrivain est la contre-épreuve de son caractère ; si quelqu’un veut écrire clairement, il faut d’abord qu’il fasse clair dans son esprit, et si quelqu’un veut avoir un style grandiose, il faut d’abord qu’il ait une grande âme. » Goethe a parlé ensuite de ses adversaires, disant que cette race est immortelle. […] « Les Bourbons ne paraissent pas lui convenir : il est vrai que c’est maintenant une race affaiblie ! […] Goethe observa que la forme des dents montre que ces squelettes appartenaient à une race d’une grande moralité.
Il fallait insérer dans le récit épique Rome entière, l’histoire de Rome depuis les origines jusqu’à la bataille d’Actium, la légende des vieilles races qui avaient peuplé d’abord le sol italien, une sorte de livre d’or de la noblesse, qui se disait sortie des compagnons d’Énée ; toute la religion romaine, les dieux indigènes, les dieux helléniques latinisés, les vieilles divinités locales, les mœurs et usages publics et privés du peuple romain, etc… Virgile y a réussi. […] Tandis que Taine se travaille à voir en eux les produits du moment, du milieu et de la race ; il nous les montre surtout comme des producteurs d’une certaine espèce de beauté où nous ne saurons jamais au juste ce qui revient à la race, au milieu et au moment.
à ces grands faiseurs de silhouettes crayonnées sur les murs de l’antichambre, je préfère encore les satiriques, race acharnée et mal élevée, il est vrai, mais la satire même finit par arriver à je ne sais quelle ressemblance violente, qui ressemble à la comédie ou à l’histoire, comme le bistouri qui sauve ressemble au couteau qui égorge ! […] Nous avons les révoltées qui agitaient au-dessus de l’émeute en furie, un mouchoir brodé à leurs armes ; nous avons les énergumènes-femmes de la plume et de la parole, armées jusqu’aux dents des paradoxes les plus furieux ; nous avons eu les Mirabeau déguenillées du Club des Femmes ; la femme libre, amie et enfant de chœur de l’abbé Chatel ; nous avons eu une race à part de Saint-Simoniennes qui réclamaient la pluralité des, femmes dans la petite église d’où sont sortis, à la plus grande gloire de la doctrine, tant d’apôtres réservés aux plus hautes destinées ; nous avons eu la femme découverte par M. de Balzac, La Femme de trente ans, un saule-pleureur tout chargé des guirlandes, des lyres, des sonnets de la jeunesse et des hoquets de la suprême passion ! […] Les comédiens, les chanteurs, les belles personnes, race passagère et périssable, meurent deux fois Ainsi meurent les grands orateurs et les plus habiles écrivains de la presse (Armand Carrel !