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1561. (1855) Louis David, son école et son temps. Souvenirs pp. -447

Ce conflit, cet amalgame de choses et d’idées incohérentes, fit naître dans l’esprit d’Étienne une foule de réflexions contraires, dont le résultat fut de le plonger dans une rêverie profonde. […] Tant de circonstances et de sentiments nouveaux, bizarres et contradictoires, ne pouvaient manquer de faire une profonde impression sur l’imagination du jeune Étienne. […] » Après ces paroles, que le frère de Lepelletier prononça d’une voix altérée, un profond silence régna dans l’assemblée, puis l’adoption de Suzanne Lepelletier fut décrétée à l’unanimité. […] Voyez-vous cette plaie profonde ? […] Figurez-vous, mon cher Étienne, que dans ce tableau, je veux caractériser ce sentiment profond, grand et religieux qu’inspire l’amour de la patrie.

1562. (1910) Propos de théâtre. Cinquième série

Il est même assez comique à son tour en intitulant un de ses chapitres « Source profonde de cette gaieté » et en ne mettant littéralement rien dans ce chapitre. […] Alexandre Blanchard les imite en cela et se croit obligé de protester de sa profonde admiration pour le grand poète qui… Il était inutile. […] Il avait, au milieu de beaucoup d’erreurs et de préventions, un sens profond et admirablement généreux des choses de la vie. […] Oui, certes, le génie est là ; mais il est aussi dans l’examen attentif et profond des mouvements de l’âme humaine et dans l’art de porter la conviction en s’emparant de l’intérêt. […] Que prouve ton livre, écrivain humoristique, railleur, sévère et profond ?

1563. (1905) Pour qu’on lise Platon pp. 1-398

Vous avez remarqué cette pensée profonde : « c’est l’égalité qui engendre l’amitié ». […] Ceci est la théorie de l’amour dans Platon, en son essence, en sa racine profonde, en tant qu’elle se rattache à sa doctrine la plus générale. […] Et par conséquent la morale n’est qu’une psychologie qui a abouti, n’est qu’une psychologie complète, n’est qu’une psychologie profonde. […] Le sentiment, c’est quelque chose comme la haine des Athéniens ou une profonde irritation contre les Athéniens ; — le principe, c’est l’amour et le culte de la justice. […] La justice, c’est la racine profonde et vivace de l’ordre.

1564. (1910) Variations sur la vie et les livres pp. 5-314

Cependant Ulysse lui répondit en ces termes : — Nous sommes des Achéens partis de Troie et égarés par les vents contraires sur le profond abîme de la mer. […] Pouvillon signale sa sensibilité profonde, sa belle envolée lyrique, sa matière d’art très riche et très pure. […] Mais cette façon d’agir pouvait bien prouver de sa part un manque de goût, et une science de la musique peu profonde. […] Un autre acteur peut être doué de toute l’extériorité nécessaire à son rôle, jusqu’à paraître animé du sentiment le plus profond ; et cependant tout son jeu n’est que purement mécanique. […] À vrai dire, l’œuvre shakespearienne est bien plus riche en mots profonds qu’en action.

1565. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Notes et pensées » pp. 441-535

Pendant qu’il parle ainsi sans discontinuer, d’une voix claire, les yeux baissés, une espèce de sourire vague à sa bouche (assez gracieux dans son dédain) annonce cette profonde et douce satisfaction, cette intime et parfaite certitude qu’il a de lui-même. […] Royer-Collard était réelle et même à quelques égards profonde. […] En rentrant de chanter La Marseillaise avec un si saisissant effet, elle disait dans la coulisse : « La farce est jouée. » La nature de Talma était autrement probe : il vivait dans ses personnages, et aussi l’impression qu’il a laissée chez tous ceux qui l’ont vu est-elle autrement profonde et d’un ordre plus historique (si je puis dire) que les prodiges passagers de Rachel. […] CXCVII On ne saurait se le dissimuler, les absurdités d’un temps deviennent l’objet sérieux des études d’un autre temps ; et comme on ne veut pas avoir l’air de s’appliquer gravement à des absurdités, on suppose à celles-ci des raisons secrètes et des lois profondes qui n’y furent jamais. […] — Ampère, chaque fois qu’il rencontrait de Vigny, ne pouvait s’empêcher, disait-il, de se rappeler les vers de Boileau dans la satire du dîner ridicule : Il est vrai que Quinault est un esprit profond, A repris certain fat qu’à sa mine discrète Et son maintien jaloux j’ai reconnu poète.

1566. (1933) De mon temps…

  J’ignore quelle fut l’origine entre Villiers et Mendès de l’antipathie réciproque, pour ne pas dire plus, qu’ils éprouvaient l’un pour l’autre, mais je crois qu’elle venait de profondes différences de race et de nature. […] Ils s’en référaient respectueusement à son haut conseil, et sa mort leur causa un vide profond. […] Un immense amour et une immense pitié pour l’humanité s’en dégagent, de même que s’en exhale une profonde et mâle tendresse pour sa terre natale. […] Son ironie défensive voilait une sensibilité profonde et vulnérable, toujours à vif. […] Joint à sa profonde justesse d’esprit, Gourmont a le goût du paradoxe, de même que son érudition recherche les singularités.

1567. (1925) Dissociations

Surveiller une femme, la faire surveiller, interroger les bonnes, les concierges, tous moyens dont la profonde inutilité ne tarde pas à se faire sentir. […] Je crois fermement qu’il peut très bien arriver qu’un homme très riche, encore jeune et d’une santé ordinaire, éprouve un profond dégoût de la vie. […] Il veut entre les animaux et l’homme un fossé profond, si profond que les animaux ne puissent le franchir. […] Mais surtout l’abus de la Marseillaise a fait qu’elle dégage un profond ennui. […] Le mystère devient plus profond, si possible, quand des professions aussi éloignées que les musiciens et les ramoneurs sont rapprochées par la statistique dans le chapitre du suicide, lequel fait également beaucoup plus de ravages chez les scieurs de long que chez les menuisiers.

1568. (1805) Mélanges littéraires [posth.]

Être éloquent, comme je l’ai dit ailleurs, c’est faire passer avec rapidité et imprimer avec force dans l’âme des autres, le sentiment profond dont on est pénétré. […] La persuasion intime de la vérité qu’on veut prouver, est alors le sentiment profond dont on est rempli, et qu’on fait passer dans l’âme de l’auditeur. […] Le sentiment dont l’orateur doit être rempli, est, comme je l’ai dit, un sentiment profond, fruit d’une sensibilité rare et exquise, et non cette émotion superficielle et passagère qu’il excite dans la plupart de ses auditeurs ; émotion qui est plus extérieure qu’interne, qui a pour objet l’orateur même plutôt que ce qu’il dit, et qui, dans la multitude, n’est souvent qu’une impression machinale et animale produite par l’exemple et par le ton qu’on lui a donné. […] Il résulte de ces principes, que l’on peut être éloquent dans quelque langue que ce soit, parce qu’il n’y a point de langue qui se refuse à l’expression vive d’un sentiment élevé et profond. […] Les mots érudit et docte sont bornés à désigner les hommes profonds dans l’érudition ; savant s’applique également aux hommes versés dans les matières d’érudition et dans les sciences de raisonnement.

1569. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Sénac de Meilhan. — II. (Fin.) » pp. 109-130

L’homme n’a qu’une mesure de sensibilité, et son langage qu’un degré d’énergie ; son cœur est-il oppressé par le poids accablant d’un sentiment profond, son imagination ravagée par des spectacles d’horreur multipliés, il désespère d’y proportionner son langage ; et un geste, un regard, un morne silence lui tiennent lieu alors de paroles et sont plus expressifs. […] En mettant votre esprit juste, élevé et profond sur une plus grande échelle, il n’y a pas de doute de l’effet de vos prodigieuses lumières et connaissances.

1570. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « [Chapitre 5] — II » pp. 112-130

De tout cela il lui a résulté peu de soif de la justice, et comme il ne se commande rien à lui-même, par facilité de vivre et par habitude de suivre ses penchants, il ne s’est formé aucuns principes de morale, de justice, ni de droit public ; il ne voit ces règles qu’à mesure des occurrences et de l’offre de chaque espèce, ce qui rend nécessairement cette conduite fautive et peu profonde, n’étant conduite que par l’esprit. […] [NdA] En nommant Maurepas, je nomme l’antipathique de d’Argenson et l’homme qui personnifie le mieux le vice en question et cette mauvaise influence : « Août 1738. — Mon frère est naturellement fait pour le secret, le mystère, et même la profonde dissimulation ; mais il est si esclave du bon air et du goût d’imitation, que, voyant M. de Maurepas indiscret, il se pique de l’être aujourd’hui. » 19.

1571. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Histoire du règne de Henri IV, par M. Poirson » pp. 210-230

D’autre part, en France, sous les derniers Valois, la décadence était complète ; les vices avaient gangrené le chef, et tous les membres de l’État se ressentaient d’une corruption honteuse et si profondes. […] [1re éd.] et tous les membres de l’État se ressentaient d’une corruption si honteuse et si profonde.

1572. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Benjamin Constant. Son cours de politique constitutionnelle, ou collection de ses divers écrits et brochures avec une introduction et des notes, par M. Laboulaye »

Laboulaye et dont rien ne nous avertit, qui constitue, par son absence, une sorte d’infidélité, une inexactitude morale profonde. […] Benjamin Constant est un homme à peu près de votre âge, passionné pour la liberté, d’un esprit et d’un talent en première ligne ; il a marqué par un petit nombre d’ouvrages écrits d’un style énergique et brillant, pleins d’observations fines et profondes ; son caractère est ferme et modéré ; républicain inébranlable et libéral.

1573. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « La femme au XVIIIe siècle, par MM. Edmond et Jules de Goncourt. » pp. 2-30

Je suis avec un profond respect, etc. » Tout cela ne prouverait qu’une chose, c’est que Mme de Luxembourg savait mieux le monde et le français que l’orthographe. […] Ce déchet l’a radoucie au point de la rendre plutôt agréable, car elle a de l’esprit et de bonnes manières ; mais vous jureriez, à voir l’agitation de sa personne et les effrois qu’elle ne peut cacher, qu’elle a signé un pacte avec le malin et qu’elle s’attend à être citée dans la huitaine, à l’échéance. » La sagacité de Walpole, d’ordinaire si pénétrante, semble l’avoir ici trompé, et il prête à l’activité de Mme de Luxembourg et à son goût pour les plaisirs de la société un sens plus profond qu’il n’en faut probablement chercher.

1574. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Œuvres de Louise Labé, la Belle Cordière. »

J’y lis tout à côté de belles et dignes Stances à Alfred de Musset, ce frère puîné de Louise Labé ; écrites au lendemain même de sa mort, elles sont toutes pénétrées de son immortel sanglot ; en voici quelques notes vibrantes : Parmi nous maint poëte à la bouche inspirée Avait déjà rouvert une source sacrée ; Oui, d’autres nous avaient de leurs chants abreuvés ; Mais le cri qui saisit le cœur et le remue, Mais ces accens profonds qui d’une lèvre émue Vont à l’âme de tous, toi seul les as trouvés. […] Émile Deschanel, dans un article du Journal des Débats, et qui me semble en effet d’une grande signification morale et d’un sentiment bien profond.

1575. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Horace Vernet (suite.) »

Or, pour cela, quoi de mieux, en présence d’un tableau vivant, intéressant, animé, où tout parle, se comprend, où là foule s’arrête, et qui est signé d’un nom célèbre, que de hocher la tête, de pousser un profond soupir ou de hausser les épaulés de pitié ? […] Je donne textuellement et tout au long ce récit : « De Bone à Medjz-el-Ammar rien d’intéressant ; mais, après avoir passé le Raz-el-Akba, le pays dépouillé d’arbres devient un vaste désert coupé de ravins profonds et entouré de vastes montagnes pelées dans le genre de Radicofani13 ; la pluie nous a rendu visite dans ces lieux épouvantables ; il nous a fallu coucher dans la boue, mais heureusement le mauvais temps n’a duré que deux jours.

1576. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Théophile Gautier. »

Un culte dominait toutes ces ironies, un seul, sincère et profond, celui de l’art. […] Dès ses premières années et au sein d’une éducation de famille calme et honnête, sous l’aile d’une bonne mère, il est arrivé à la corruption d’esprit la plus profonde, à la satiété et à la nausée avant le plaisir.

1577. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Anthologie grecque traduite pour la première fois en français et de la question des Anciens et des Modernes »

Trois savants hommes, dans la seconde moitié du siècle dernier, se sont attachés à le faire connaître, à dégager son œuvre, sa personnalité en tant que poète, Reiske, Ilgen et Meinecke : ces noms, familiers aux savants, présentent l’idée d’une érudition profonde unie à un goût sûr ; on ne court pas risque de s’égarer en les suivant, et en ayant de plus M.  […] On ne saurait méconnaître ici un accent profond et d’une sincère amertume, un accent à la Lucrèce.

1578. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Le Général Franceschi-Delonne : Souvenirs militaires, par le général baron de Saint-Joseph. »

Je ne crois rien m’exagérer, mais ce récit naturel, qui d’une part nous montre des populations exaspérées, fanatisées, sauvages, des chefs et des gouverneurs timides et obligés de hurler avec la populace, de peur de la voir se déchaîner ; qui, d’autre part, nous fait entrevoir des âmes humaines comme il s’en rencontre partout, des cœurs pétris d’un meilleur limon et qui s’attendrissent au spectacle des peines et des souffrances de leurs semblables ; ce récit, sans y viser, a quelque chose de pathétique et de tout à fait virgilien : « Au coucher de la lune, l’obscurité devint profonde ; les guérillas perdirent toute trace de chemin et nous surveillèrent de plus près. […] On n’aperçoit ce fleuve qu’en arrivant sur le bord de l’encaissement profond et à pic dans lequel il coule.

1579. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « DE LA LITTÉRATURE INDUSTRIELLE. » pp. 444-471

Il semble qu’on n’ait pas affaire à un fâcheux accident, au simple coup de grêle d’une saison moins heureuse, mais à un résultat général tenant à des causes profondes et qui doit plutôt s’augmenter. […] Mais voilà qu’en littérature, comme en politique, à mesure que les causes extérieures de perturbation ont cessé, les symptômes intérieurs et de désorganisation profonde se sent mieux laissé voir.

1580. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE PONTIVY » pp. 492-514

Elle n’y résistait pas, et s’en laissait entourer, réservant seulement en son sein l’affection profonde. « Oh ! […] Et ils s’avançaient ainsi dans les années qu’on peut appeler crépusculaires, et où un voile doit couvrir toutes choses en cette vie, même les sentiments devenus chaque jour plus profonds et plus sacrés.

1581. (1869) Cours familier de littérature. XXVII « CLXIe Entretien. Chateaubriand »

Son front était penché comme sous une pensée méditative ; ses traits étaient fins, comme ils sont restés depuis, mais nobles et francs ; son expression profonde sans double entente, son œil intelligent mais sincère. […] Elle joignait à cela des grâces plus tendres ; une extrême sensibilité, unie à une mélancolie profonde, respirait dans ses regards.... » XXI On arrive au grand village d’Atala, la veille de la mort du prisonnier.

1582. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre II. Littérature bourgeoise — Chapitre I. Roman de Renart et Fabliaux »

Même s’il est une classe qui soit plus durement raillée, et méprisée du plus profond de l’âme, ce sont les vilains : une marque encore du caractère bourgeois de l’œuvre. […] La marque sensible de la sympathie qu’inspire Renart à ses biographes, c’est qu’ils n’ont pas su donner de véritable et profonde indignation aux victimes même de ses méfaits.

1583. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre I. Renaissance et Réforme avant 1535 — Chapitre II. Clément Marot »

Rien de profond en lui, rien d’intime : mais de là même vient la perfection du type qu’il réalise. […] Il y a dans Amadis une fantasmagorie d’héroïsme, des héros occis, des géants pourfendus, des chevaliers vaincus par deux et par trois à la fois, des hommes d’armes par huit ou dix, des soldats par milliers sur le champ de bataille, un seul preux, tantôt Amadis, et tantôt Galaor, ou un autre, pour toutes ces besognes : des enfants perdus et retrouvés, des époux ou des amants séparés, des amours foudroyants ou ineffablement profonds, des enchantements, des oracles, une géographie fabuleuse.

1584. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre IV. Les tempéraments et les idées (suite) — Chapitre IV. Le patriarche de Ferney »

Il n’a pas eu le grand goût, le sens profond de l’art, de la poésie : il a eu des timidités d’écolier, des répugnances de petite-maîtresse, devant la vraie nature et devant les maîtres qui l’ont rendue. […] Une critique plus large, plus profonde, plus juste, qui comprend les religions en dissolvant les dogmes, qui admire la fonction, l’efficacité, la beauté des croyances auxquelles elle retire la réalité de leur objet, une critique non moins rationnelle, plus scientifique et plus savante, plus respectueuse et plus bienveillante précisément à cause de cela, a remplacé la critique voltairienne.

1585. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « Anatole France »

Nous sentons dans l’Évangile je ne sais quel charme profond, mystique et vaguement sensuel. […] Mais cette ironie, n’étant en somme que la conscience toujours présente du mystère des choses et de la fragilité des destinées humaines, implique la bonté, la pitié, la tendresse — une tendresse pleine de pensée et d’autant plus profonde.

1586. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre quatrième »

A cet habile artisan de mots il ne vient jamais de pensées profondes, de douces ni de bienfaisantes. […] L’Ode au comte du Luc est même un chef-d’œuvre pour qui ne demande à l’ode ni une raison exacte, ni un sentiment profond, ni le feu, si différent de cet enthousiasme que simule le versificateur par la violence des figures de mots.

1587. (1920) La mêlée symboliste. I. 1870-1890 « Les poètes décadents » pp. 63-99

Relisez ses articles dans la collection déjà précieuse du fameux canard, vous dégageant, bien entendu, de tous préjugés, de par la Presse hostile lue, ou des plaisanteries trop faciles, écoutées ; relisez surtout le récent pamphlet, et vous resterez persuadés comme moi, non seulement de la conviction si profonde et si courageuse, mais encore et surtout, de l’absolu bon sens absolument triomphal, envers et contre tout et tous, du polémiste comme du théoricien. […] « Un certain nombre de jeunes gens, las de lire toujours les mêmes tristes horreurs, dites naturalistes, appartenant d’ailleurs à une génération plus désabusée que toutes les précédentes, mais d’autant plus avide d’une littérature expressive, de ses aspirations vers un idéal, dès lors profond et sérieux, fait de souffrance très noble et de très hautes ambitions, — injustement, sans doute, un peu dépris de la sérénité parnassienne et de l’impassibilité pessimiste d’un Leconte de Lisle, d’ailleurs admiré, s’avisèrent un jour de lire mes vers, écrits pour la plupart en dehors de toute préoccupation d’école, comme je les sentais, douloureusement et joyeusement poétiques encore, et pleins, j’ose le dire, du souci de la langue bien parlée, vénérée comme on vénère les saints, mais voulue aussi exquise et forte que claire assez.

1588. (1900) Poètes d’aujourd’hui et poésie de demain (Mercure de France) pp. 321-350

Elle s’accoutuma à ces soins ingénieux et à ces aises nouvelles et, la tête appuyée sur un oreiller de strophes moelleuses, elle finit par s’endormir d’un profond et nouveau sommeil. […] Il faut remonter à des principes généraux très profonds pour déterminer à leur effort personnel un point de départ commun.

1589. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « V »

Je me souviendrai toujours du regard, que, du profond de ses extraordinaires yeux bleus, Wagner fixa sur moi. […] Certes, ce furent là de profondes, de graves paroles… ― Mais, comme l’a dit Charles Baudelaire, à quoi bon répéter, ces grandes, ces éternelles, ces inutiles véritésy !

1590. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — CHAPITRE VII »

Augier, c’est l’ardeur du coeur et des sens, l’analyse profonde de la passion poussée jusqu’au vice, l’art de marcher sur la corruption sans s’y enfoncer, et des éclats presque tragiques de sentiments comprimés. […] Il se pose en désespéré d’amour devant Pierre Champlion ; il lui demande, comme une grâce, de l’enrôler dans son armée africaine, la mort ou l’exil pouvant seuls guérir la profonde blessure de son cœur.

1591. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — CHAPITRE XIV »

Ce vif esprit, qui a imprimé les traces si profondes dans l’observation directe et vivante, trébuche dès qu’il aborde la philosophie ou la pensée pure. […] Madame Guichard est encore un type admirable, accentué sans charge, aussi profond que saillant, pétri, de main d’artiste, en pleine pâte plébéienne.

1592. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « La duchesse du Maine. » pp. 206-228

» La Bruyère présageait et voyait déjà quelque chose de ce changement profond qui a éclaté depuis, quand il disait : Pendant que les grands négligent de rien connaître, je ne dis pas seulement aux intérêts des princes et aux affaires publiques, mais à leurs propres affaires ; qu’ils ignorent l’économie et la science d’un père de famille, et qu’ils se louent eux-mêmes de cette ignorance…, des citoyens s’instruisent du dedans et du dehors d’un royaume, étudient le gouvernement, deviennent fins et politiques, savent le fort et le faible de tout un État, songent à se mieux placer, se placent, s’élèvent, deviennent puissants, soulagent le prince d’une partie des soins publics. […] Voltaire, plus vif, a parlé de lui comme d’un homme dans qui l’érudition la plus profonde n’avait point éteint le génie : Il prenait quelquefois devant Votre Altesse Sérénissime (Mme du Maine) un Sophocle, un Euripide ; il traduisait sur-le-champ en français une de leurs tragédies.

1593. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « L’abbé de Choisy. » pp. 428-450

Cela fait un effet admirable : et souvent, quand je ne dis mot, on croit que je ne veux, pas parler ; au lieu que la bonne raison de mon silence est une ignorance profonde, qu’il est bon de cacher aux yeux des mortels. […] Son ton partout est vif, son style leste, espiègle, éveillé ; mais ne lui demandez rien de grave ou de profond.

1594. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « La Grande Mademoiselle. » pp. 503-525

C’étaient des révérences profondes, des assurances de soumission à n’en pas finir, mais il faisait la sourde oreille à toute parole tendre ; et non seulement lui, mais Baraille, officier de sa compagnie, et qui était son homme de confiance, faisait de même : Toutes les fois que je le rencontrais (Baraille), je le saluais, nous dit Mademoiselle, pour lui donner quelque envie de m’approcher ; il faisait toujours semblant de croire que c’était à quelque autre personne que je m’adressais, et me faisait cependant de profondes révérences d’un côté, et se retirait de l’autre : dont j’étais au désespoir.

1595. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « La Harpe. Anecdotes. » pp. 123-144

Étonnée de l’attitude de cette douleur profonde, elle en demande la cause ; c’est à travers mille sanglots que le saint homme lui dit : « Madame, comment n’aurais-je pas le cœur brisé ? […] s’écrie-t-il, un Robespierre (puisqu’il faut descendre à ce nom infâme, que je ne puis prononcer sans faire une sorte de violence au profond mépris que j’ai toujours eu pour lui, et qu’il n’a pas ignoré) !

1596. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Rollin. » pp. 261-282

À quoi Rollin répondait : J’ai été quelquefois à Saint-Médard, qui est à ma porte, avec confiance dans l’intercession d’un grand serviteur de Dieu, dont j’ai connu et admiré l’humilité profonde, l’austère pénitence et la solide piété. […] Ainsi s’exprimait éloquemment, dans l’amertume de son cœur et avec un sentiment de deuil profond, un biographe et un successeur de Rollin, il y a près de cinquante ans, en présence des générations dont René ouvrait la marche, et auxquelles nous avons tous plus ou moins appartenu.

1597. (1888) Préfaces et manifestes littéraires « Histoire » pp. 179-240

Les auteurs veulent, au bout de ces quelques lignes, assurer de leur gratitude profonde M.  […] Les lettres que nous annonçons au public sont déjà recommandables, comme on le voit, par le nom des personnages qui les ont écrites, et dont nous possédons les originaux ; mais quand on apprendra qu’elles renferment tout ce qu’il y a de plus instructif à la fois, de plus original et de plus piquant ; quand on saura que la science, la politique, la littérature, y ont leur compte avec de nouveaux aperçus, quand on y verra le vieux philosophe Adanson, l’homme le plus scientifique et le plus profond qui fût jamais, s’enivrer des regards d’une Dervieux, et tourner le fuseau presque à ses pieds ; Noverre, déployer toutes les ressources de l’imagination la plus riche ; Mme Beaumarchais, effacer presque les Ninon et les Sévigné ; et cette brillante Sophie Arnould, parer tour à tour son style de tout ce que l’esprit a de folle gaieté, de tout ce que le cœur a de sentiments les plus exquis, révéler avec cet abandon séduisant toutes les petites indiscrétions du boudoir et nous initier aux mystères de l’alcôve, c’est alors surtout que nos lecteurs nous sauront gré de notre entreprise. 2 vol. in-8, 12 francs.

1598. (1694) Des ouvrages de l’esprit

Théocrine sait des choses assez inutiles, il a des sentiments toujours singuliers ; il est moins profond que méthodique, il n’exerce que sa mémoire ; il est abstrait, dédaigneux, et il semble toujours rire en lui-même de ceux qu’il croit ne le valoir pas : le hasard fait que je lui lis mon ouvrage, il l’écoute ; est-il lu, il me parle du sien : et du vôtre, me direz-vous, qu’en pense-t-il ? […] Ces ouvrages ont cela de particulier qu’ils ne méritent ni le cours prodigieux qu’ils ont pendant un certain temps, ni le profond oubli où ils tombent, lorsque le feu et la division venant à s’éteindre, ils deviennent des almanachs de l’autre année.

1599. (1906) La nouvelle littérature, 1895-1905 « Première partie. Écoles et manifestes » pp. 13-41

Nous manquons d’une foi neuve et profonde, d’une tendance qui entraîne et divise les écrivains. […] Par une culture raisonnée et profonde des énergies françaises, un écrivain peut se former entièrement et admirablement.

1600. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Vien » pp. 74-89

J’en appelle sur ce qui suit à ceux qui sont profonds dans la pratique et dans la partie spéculative de l’art. […] Du reste, je n’ai garde de toucher à cette théorie qui me paraît non seulement très ingénieuse, mais profonde et vraie.

1601. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Loutherbourg » pp. 258-274

Il se gonfle, il bouillone, il renverse, il franchit sa barrière, il s’étend : c’est une mer qui tombe dans un gouffre profond. " vous avez senti la beauté de l’image qui n’est rien. […] L’étude, le goût acquis, la réflexion saisiront fort bien la place d’un vers spondaïque, l’habitude dictera le choix d’une expression, elle séchera des pleurs, elle laissera couler les larmes ; mais frapper mes yeux et mon oreille, porter à mon imagination, par le seul prestige des sons, le fracas d’un torrent qui se précipite, ses eaux gonflées, la plaine submergée, son mouvement majestueux et sa chûte dans un gouffre profond, cela ne se peut.

1602. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre X. Première partie. Théorie de la parole » pp. 268-299

La succession du temps lui était moins nécessaire, parce que chaque expression avait un sens plus vaste et plus profond. […] La francique ou la langue franque, sur les bords de la Méditerranée et de la mer Rouge, offre encore des traces profondes de la langue française.

1603. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « III — La rentrée dans l’ordre »

Ce simple livre, dans la modestie de ses trois cent quinze pages, du fait même de sa simplicité et de sa vérité, de la vie profonde qui l’anime, de l’absence d’intentions étrangères au sujet est l’un des plus formidables réquisitoires qui ait été dressé par la main de l’homme contre le sacerdoce catholique. […] Et quant à ces mouvements profonds de l’instinct et du cœur par où s’annonce bien plus communément encore chez une âme jeune l’éternel amour de la vie, si elle ne parvient pas à les détruire, du moins y jette-t-elle, par la terreur du péché et les hideuses images de la souillure, assez de trouble, de honte et d’alarmes, pour en chasser à jamais toute franchise et toute joie.

1604. (1896) La vie et les livres. Troisième série pp. 1-336

L’Ermitage ne peut que s’associer au deuil douloureux et profond de la poésie française. […] — En effet, il y a de lui, ici, l’Antechrist, très, très profond. […] Dans ce concert de vociférations suraiguës, on distingue, par intervalles, des basses profondes et caverneuses. […] Mais je plains ceux qui cherchent dans le mariage autre chose que les plus profondes délices auxquelles puisse aspirer notre cœur. […] Ses vers embaumés de parfums et brillants d’étoiles, ouvraient parfois de profonds paysages, des échappées merveilleuses.

1605. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « AUGUSTE BARBIER, Il Pianto, poëme, 2e édition » pp. 235-242

Il y a une profonde et consolante vérité à nous présenter ainsi le peuple comme certain de lui-même, sentant sa vigueur croissante et son avénement prochain ; à lui faire donner une sévère leçon au poëte qui trop souvent en nos jours, lui qui devrait diriger, s’égare, s’exaspère, n’entend que la voix de l’orgueil blessé, au lieu de répondre d’une lyre sympathique à l’appel fraternel des hommes, et farouche, inutile, manquant de foi au lendemain, s’enfuit comme Salvator dans les montagnes84.

1606. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Études sur Blaise Pascal par M. A. Vinet. »

Quelle impression profonde, intime, toute chrétienne, d’un christianisme tout réel et spirituel !

1607. (1874) Premiers lundis. Tome I « M. Mignet : Histoire de la Révolution française, depuis 1789 jusqu’en 1814. 3e édition. »

A la vue des vastes et profondes émotions populaires qu’il avait à décrire, au spectacle de l’impuissance et du néant où tombent les plus sublimes génies, les vertus les plus saintes, alors que les masses se soulèvent, il s’est pris de pitié pour les individus, n’a vu en eux, pris isolément, que faiblesse, et ne leur a reconnu d’action efficace que dans leur union avec la multitude.

1608. (1874) Premiers lundis. Tome I « Victor Hugo : Odes et ballades — I »

Hugo parle en son nom dans ses poésies, qu’il ne cherche plus à déguiser ses accents, mais qu’il les tire du profond de son âme, il réussit bien autrement.

1609. (1874) Premiers lundis. Tome I « Walter Scott : Vie de Napoléon Bonaparte — II »

Entendu de cette façon, il nous semble que le talent fécond, brillant et pittoresque de Walter Scott, abordant le genre austère de l’histoire, a bien pu s’égarer, comme il l’a fait, à la merci de passions mesquines et de préjugés aveugles ; égarement miraculeux et de tout point incompréhensible, si l’on reconnaît à l’auteur cette intelligence profonde des époques et ce sens historique pénétrant dont on l’a jusqu’ici trop libéralement doué.

1610. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre II. Les formes d’art — Chapitre I. La poésie »

Un provincial gauche, à qui les salons ne firent pas fête, Gilbert, a trouvé dans les blessures profondes de son amour-propre une source d’amertume éloquente : il a vu le faible de son siècle, les petitesses de ses grands hommes, et sa raillerie s’est abattue, précise, lourde, assommante.

1611. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. Bain — Chapitre V : Rapports du physique et du moral. »

Il y a là une incompatibilité dont on se rend mieux compte en se demandant si les hommes d’une extrême sociabilité sont des penseurs profonds ou originaux, s’ils font de grandes découvertes ; ou bien si leur grandeur ne se borne pas aux sphères où la sensibilité joue un rôle — la poésie, l’éloquence, l’influence sociale. » Voilà bien des questions posées et qu’aujourd’hui nul assurément ne peut tenter de résoudre.

1612. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre premier. Prostitués »

Ô mes frères en prostitution, saluons nos trois héros : Saint Paul qui adresse aux Romains et aux Corinthiens de sublimes épîtres, mais qui se refuse aux simonies, qui ne vit ni de l’autel ni de la parole, qui, pour avoir à manger, tisse des tentes ; — saint Spinoza qui compose la plus logique ou creuse la plus profonde des philosophies, mais qui, ayant besoin chaque jour de quelques grains de gruau pour soutenir son corps ascétique, ne veut pas les obtenir comme professeur, méprise les chaires offertes et polit des verres de lunette ; — saint Tolstoï, le plus noble génie de notre temps, qui donne ses livres libérateurs et ne se reconnaît le droit de dîner que lorsqu’il a raccommodé une paire de souliers.

1613. (1913) Le bovarysme « Première partie : Pathologie du bovarysme — Chapitre IV Le Bovarysme des collectivités : sa forme imitative »

II On peut dès à présent noter que tout remous profond de l’énergie d’une collectivité sociale donne naissance, en même temps qu’à un progrès parfois et à des changements heureux, à des phénomènes de Bovarysme qui marquent une solution de continuité dans le développement du groupe et introduisent dans sa composition, avec des éléments hétérogènes, qui ne sont point assimilables, un principe d’affaiblissement et de désorganisation.

1614. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des romans — Préfaces de « Han d’Islande » (1823-1833) — Préface d’avril 1823 »

quiconque a fait imprimer douze lignes dans sa vie, ne fût-ce qu’une lettre de mariage ou d’enterrement, sentira l’amertume profonde d’une pareille douleur !

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