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977. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Lettres de lord Chesterfield à son fils. Édition revue par M. Amédée Renée. (1842.) » pp. 226-246

Or, c’est précisément ce feu sacré, cette étincelle qui fait les Achille, les Alexandre et les César, être le premier en tout ce qu’on entreprend, c’est cette devise des grands cœurs et qui est celle des hommes éminents en tout genre, que la nature avait tout d’abord négligé de mettre dans l’âme honnête, mais foncièrement médiocre, du petit Stanhope : Vous paraissez manquer, lui disait son père, de ce vivida vis animi qui anime, qui excite la plupart des jeunes gens à plaire, à briller, à effacer les autres. — Quand j’étais à votre âge, lui dit-il encore, j’aurais été honteux qu’un autre eût mieux appris sa leçon, l’eût emporté sur moi à aucun jeu, et je n’aurais trouvé de repos que je n’eusse repris l’avantage. […] Il s’y occupait de jardinage et de la culture de ses melons et de ses ananas ; il se plaisait à végéter de compagnie avec eux : J’ai végété toute cette année ici, écrivait-il à une amie de France (septembre 1753), sans plaisirs et sans peines : mon âge et ma surdité me défendent les premiers ; ma philosophie, ou peut-être mon tempérament (car on s’y trompe souvent), me garantit des dernières.

978. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Monsieur Théodore Leclercq. » pp. 526-547

Ce genre de tour plaît surtout aux gens d’esprit dans la conversation : mais, au théâtre, beaucoup de ces mots, qui sont comme des épigrammes, courraient risque de s’évanouir. […] Il a rendu et comme enlevé tout cela dans ses rapides esquisses avec la distinction et le bon goût de la meilleure compagnie, et de manière à plaire à ceux mêmes qu’il vient de saisir et à les provoquer à se jouer.

979. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Mémoires du cardinal de Retz. (Collection Michaud et Poujoulat, édition Champollion.) 1837 » pp. 40-61

Se reportant aux âges antérieurs et à l’esprit de ce qui subsistait alors, il définit en termes singulièrement heureux l’antique et vague Constitution de la France, ce qu’il appelle le mystère de l’État : Chaque monarchie a le sien ; celui de la France consiste dans cette espèce de silence religieux et sacré dans lequel on ensevelit, en obéissant presque toujours aveuglément aux rois, le droit que l’on ne veut croire avoir de s’en dispenser que dans les occasions où il ne serait pas même de leur service de leur plaire. […] Bien des querelles, des perfidies, des avanies insultantes survenues depuis ont rabaissé la noblesse de cette première explication et en ont souillé le souvenir : pourtant on se plaît, en la relisant, à penser que ces grands esprits, ces cœurs impétueux et égarés, n’étaient point à l’origine aussi malintentionnés ni aussi livrés à leur sens tout personnel et pervers qu’ils le parurent depuis, quand les passions et les cupidités de chacun furent déchaînées.

980. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Le Brun-Pindare. » pp. 145-167

Il avait compris que « de tous les genres de poésie, c’était l’ode sûrement qui avait le plus droit de lui plaire, parce qu’elle avait plus de rapport avec l’élévation de ses idées et la hauteur de son style ». […] Il respire dans cette pièce un profond sentiment de la justice que la postérité accorde aux œuvres durables et aux monuments élevés avec lenteur : Flatté de plaire aux goûts volages, L’Esprit est le dieu des instants.

981. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) «  Mémoires de Gourville .  » pp. 359-379

« Il m’a souvent passé par l’esprit, dit Gourville, que les hommes ont leurs propriétés à peu près comme les herbes61, et que leur bonheur consiste d’avoir été destinés ou de s’être destinés eux-mêmes aux choses pour lesquelles ils étaient nés. » Et, s’appliquant cette pensée à lui-même, il ajoute : « J’oserais quasi croire que j’étais né avec la propriété de me faire aimer des gens à qui j’ai eu affaire, et que c’est cela proprement qui m’a fait jouer un assez beau rôle avec tous ceux à qui j’avais besoin de plaire. » Gourville fit bien des conquêtes en ce genre, mais la plus difficile, et qui prouve le plus pour lui, fut celle de Colbert. […] Depuis quelques années, je compte de ne pouvoir pas vivre longtemps ; au commencement de chacune, je souhaite pouvoir manger des fraises ; quand elles sont passées, j’aspire aux pêches ; et cela durera autant qu’il plaira à Dieu.

982. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre II : La littérature — Chapitre II : La littérature du xviie  siècle »

Je comprends que la tragédie classique, telle que je viens de la définir et de l’expliquer, ait beaucoup de peine à plaire aux hommes de notre temps : c’est que nous préférons en tout le sensible à l’intelligible ; pour que le cœur humain nous intéresse, il faut qu’il soit mêlé à des événements réels plus ou moins semblables à ceux que nous connaissons. […] Nisard ici cite Saint-Simon : « Saint-Germain, dit celui-ci, offrait à Louis XIV une ville toute faite ; il l’abandonna pour Versailles, le plus triste et le plus ingrat de tous les lieux, sans vue, sans bois, sans eau, parce que tout y est sable mouvant et marécage ; il se plut à y tyranniser la nature et à la dompter à force d’artet de trésors.

983. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Doyen » pp. 178-191

Vous en direz tout ce qu’il vous plaira, monsieur le chevalier Pierre, si ce morceau n’est que d’un écolier, fort à la vérité, qu’êtes-vous ? […] Allez voir le tableau de Doyen, le soir en été, et voyez-le de loin ; allez voir celui de Vien, le même dans la même saison, et voyez-le de près ou de loin, comme il vous plaira ; restez-y jusqu’à la nuit close, et vous verrez la dégradation de toutes les parties suivre exactement la dégradation de la lumière naturelle, et la scène entière s’affaiblir comme la scène de l’univers, lorsque l’astre qui l’éclairait a disparu.

984. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XXVI » pp. 100-108

A travers cela, il se mariait richement, il faisait sa fortune : 80 000 livres de rentes, s’il vous plaît.

985. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XXIX » pp. 117-125

Sa lettre à Villemain sur la liberté de l’enseignement commence en ces termes : « Vous n’aurez point de vacances cette année, monsieur le ministre, ni votre successeur l’année prochaine, s’il plaît à Dieu, car les catholiques ne veulent plus interrompre la guerre qu’ils livrent à l’enseignement de l’État… » Au nom d’un article de la Charte, au nom des serments d’août 1830, voici en fait ce que les catholiques, par l’organe de Veuillot, réclament : 1° Liberté pour tout citoyen d’ouvrir école ; 2° Liberté pour tout citoyen de fréquenter telle école que bon lui semblera, et d’y envoyer ses enfants ; 3° Formation d’un jury d’examen pour le baccalauréat, réunissant aux garanties nécessaires de science et de sévérité, les garanties non moins indispensables de moralité et d’impartialité, afin que devant ce jury, tout citoyen, sous le seul patronage de sa capacité et de son honneur, puisse demander le diplôme, quelle que soit l’école qu’il ait fréquentée, et quand même il n’en aurait fréquenté aucune.

986. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre XIV. De la plaisanterie anglaise » pp. 296-306

Quand le gouvernement est fondé sur la force, il peut ne pas craindre le penchant de la nation à la plaisanterie : mais lorsque l’autorité dépend de la confiance générale, lorsque l’esprit public en est le principal ressort, le talent et la gaieté qui font découvrir le ridicule et se plaire dans la moquerie, sont excessivement dangereux pour la liberté et l’égalité politique.

987. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section II. Des sentiments qui sont l’intermédiaire entre les passions, et les ressources qu’on trouve en soi. — Chapitre III. De la tendresse filiale, paternelle et conjugale. »

Quand les parents aiment assez profondément leurs enfants pour vivre en eux, pour faire de leur avenir leur unique espérance, pour regarder leur propre vie comme finie, et prendre pour les intérêts de leurs enfants des affections personnelles, ce que je vais dire n’existe point ; mais lorsque les parents restent dans eux-mêmes, les enfants sont à leurs yeux des successeurs, presque des rivaux, des sujets devenus indépendants, des amis, dont on ne compte que ce qu’ils ne font pas, des obligés à qui on néglige de plaire, en se fiant sur leur reconnaissance, des associés d’eux à soi, plutôt que de soi à eux ; c’est une sorte d’union dans laquelle les parents, donnant une latitude infinie à l’idée de leurs droits, veulent que vous leur teniez compte de ce vague de puissance, dont ils n’usent pas après se l’être supposé ; enfin, la plupart ont le tort habituel de se fonder toujours sur le seul obstacle qui puisse exister à l’excès de tendresse qu’on aurait pour eux, leur autorité ; et de ne pas sentir, au contraire, que dans cette relation, comme dans toutes celles où il existe d’un côté une supériorité quelconque, c’est pour celui à qui l’avantage appartient, que la dépendance du sentiment est la plus nécessaire et la plus aimable.

988. (1823) Racine et Shakspeare « Chapitre III. Ce que c’est que le Romanticisme » pp. 44-54

Et l’on veut que cette poésie plaise à un Français qui fut de la retraite de Moskou11 !

989. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Préface »

Un peuple consulté peut à la rigueur dire la forme de gouvernement qui lui plaît, mais non celle dont il a besoin ; il ne le saura qu’à l’usage : il lui faut du temps pour vérifier si sa maison politique est commode, solide, capable de résister aux intempéries, appropriée à ses mœurs, à ses occupations, à son caractère, à ses singularités, à ses brusqueries.

990. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « George Sand. »

Le mysticisme magnifique et vague de Spiridion ou de Consuelo, le socialisme un peu incohérent, mais vraiment évangélique, du Péché de Monsieur Antoine ou du Meunier d’Angibaut, la foi au progrès, l’humanitairerie… tout cela plaît chez cette femme excellente, à l’imagination arcadienne, parce que chez elle, encore une fois, tout vient du cœur et en déborde à larges flots.

991. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Contre une légende »

Renan…   Je pourrais ajouter que cet homme « fuyant » a eu la vie la plus harmonieuse, la plus soutenue, la plus une qu’on puisse concevoir ; que cet « épicurien » a autant travaillé que Taine ou Michelet ; que ce grand « je m’enfichiste » (car on a osé l’appeler ainsi) est, au Collège de France, l’administrateur le plus actif, le plus énergique et le plus décidé quand il s’agit des intérêts de la haute science ; que, s’il se défie, par crainte de frustrer l’humanité, des injustices où entraînent les « amitiés particulières » il rend pourtant des services, et que jamais il n’en a promis qu’il n’ait rendus ; que sa loyauté n’a jamais été prise en défaut ; que cet Anacréon de la sagesse contemporaine supporte héroïquement la souffrance physique, sans le dire, sans étaler son courage ; que ce sceptique prétendu est ferme comme un stoïcien, et qu’avec tout cela ce grand homme est, dans toute la force et la beauté du terme, un bon homme… Mais je ne sais s’il lui plairait qu’on fît ces révélations, et je m’arrête.

992. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — K — Kahn, Gustave (1859-1936) »

L’assonance lui plaît : qu’il assone.

993. (1890) L’avenir de la science « XX »

La science se dégrade, du moment où elle s’abaisse à plaire, à amuser, à intéresser, du moment où elle cesse de correspondre directement, comme la poésie, la musique, la religion, à un besoin désintéressé de la nature humaine.

994. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — T. — article » pp. 372-383

Si la voix d’un pere vous touche, si la route que je viens de vous tracer commence à vous plaire, vous saurez la parcourir & franchir les obstacles qui retardent plus ou moins l’esprit dans l’acquisition des connoissances & dans la recherche de la vérité.

995. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Première Partie. Des Langues Françoise et Latine. — De la langue Latine. » pp. 147-158

Une autre raison qu’il donnoit pour excuse des gallicismes dont ses harangues sont pleines, c’est la nécessité d’être clair & de plaire à bien des auditeurs François, pour qui, sans ce secours, des paroles Latines n’auroient été que des sons importuns.

996. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre troisième. Suite de la Poésie dans ses rapports avec les hommes. Passions. — Chapitre VIII. La religion chrétienne considérée elle-même comme passion. »

……………………………………………… Seigneur, de vos bontés il faut que je l’obtienne, Elle a trop de vertu pour n’être pas chrétienne ; Avec trop de mérite il vous plut la former Pour ne vous pas connoître et ne vous pas aimer, Pour vivre des enfers esclave infortunée, Et sous leur triste joug mourir comme elle est née !

997. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 2, de l’attrait des spectacles propres à exciter en nous une grande émotion. Des gladiateurs » pp. 12-24

Neanmoins ce peuple, si respectueux envers l’humanité, se plaît infiniment à voir les bêtes s’entre-déchirer.

998. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 30, objection tirée des bons ouvrages que le public a paru désapprouver, comme des mauvais qu’il a loüez, et réponse à cette objection » pp. 409-421

Je répons : Aulugelle et Martial ne disent point que les tragédies d’Euripide ni les comédies de Menandre aïent été jugées mauvaises, mais bien que d’autres pieces plurent d’avantage.

999. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « III »

Bourgoin10 : « On peut hasarder dans tout genre d’ouvrages d’y mettre le bon et le mauvais : le bon plaît aux uns et le mauvais aux autres.

1000. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre quatrième. La propagation de la doctrine. — Chapitre II. Le public en France. »

Ils empruntent aux théories savantes de quoi lui mettre un bonnet d’âne, et leurs fredaines leur plaisent davantage quand elles sont assaisonnées d’impiété. […] Sans approfondir celle des écrivains plus graves, nous l’admirions comme empreinte de courage et de résistance au pouvoir arbitraire… La liberté, quel que fût son langage, nous plaisait par son courage ; l’égalité, par sa commodité. […] Ainsi, quoique ce fussent nos privilèges, les débris de notre ancienne puissance que l’on minait sous nos pas, cette petite guerre nous plaisait.

1001. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCIIe entretien. Vie du Tasse (2e partie) » pp. 65-128

Plût à Dieu que le crime du Tasse eût été l’excès d’amour pour Léonora ! […] Plût à Dieu, repris-je, que la fortune, qui m’envoie aujourd’hui un si noble guide, me fût aussi favorable dans toutes les autres circonstances ! […] Plaise à Dieu, ajoutai-je, que je puisse un jour reconnaître cette généreuse hospitalité !

1002. (1864) Cours familier de littérature. XVII « XCVIIIe entretien. Alfieri. Sa vie et ses œuvres (3e partie) » pp. 81-152

À Dieu ne plaise qu’on nous accuse d’avoir cédé ici à l’indiscrète curiosité de notre temps ! […] Le comte Baldelli vivait à Florence, et sa société savante plaisait à Mme d’Albany ; je le voyais souvent moi-même de 1820 à 1826. […] C’est par là qu’il avait dû plaire à cette jeune et vive Allemande rencontrée au bord de l’Arno et intimidée par un vieux mari.

1003. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLVIe Entretien. Marie Stuart (reine d’Écosse) »

Knox aimait cette Thébaïde, cet enclos, ces rives de l’étang. « C’est là qu’il serait doux de se reposer, disait-il ; mais il faut plaire au Christ. » Plaire au Christ, c’était pour Knox, comme pour Philippe II d’Espagne et pour Catherine de Médicis de France, massacrer ses ennemis. […] Le jeune Darnley, fils du comte Lenox, exclurait les princes étrangers dont la domination menacerait l’indépendance de l’Écosse et plus tard peut-être de l’Angleterre ; il donnerait à la reine un gage de bonne harmonie intérieure et de foi commune au catholicisme ; il plairait aux Anglais, car sa maison avait des biens immenses en Angleterre et habitait Londres ; enfin, il conviendrait aux Écossais, car il était Écossais de sang et de race, et les nobles d’Écosse se surbordonneraient plus volontiers à un de leurs plus grands compatriotes qu’à un Anglais ou à un étranger.

1004. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre II. La première génération des grands classiques — Chapitre III. Pascal »

Ceux-ci faisaient grand bruit, multipliaient les scandales et les indécences : ce qui leur plaisait le plus dans l’incrédulité, c’étaient les provocations tapageuses ; c’était de « faire les braves » contre Dieu. […] Il suffisait des progrès du goût, pour rendre impossibles les manifestations éclatantes d’irréligion, les indécentes parodies où se plaisaient les Roquelaure et les Matha. […] Pascal a conduit cette originale tentative avec une rare témérité, une entière ignorance de l’histoire et de la philologie, et une volonté décidée de faire sortir des textes la vérité qui lui plaisait : il ne pouvait se douter que de la méthode qu’il indiquait, appliquée avec la rigueur impartiale de la science, devait sortir la condamnation de sa croyance.

1005. (1911) La morale de l’ironie « Chapitre III. Les immoralités de la morale » pp. 81-134

Si une vie future, telle que l’ont comprise les chrétiens et quelques philosophes spiritualistes nous promet réellement l’éternité de ses peines et de ses joies, la vie terrestre devient tout à fait insignifiante et négligeable, sauf en tant que moyen de préparer la vie future, et de nous concilier, par tous les moyens qui lui plaisent, le juge suprême. […] Et les générations successives, comme les individus contemporains ont été reliés par quelques sentiments changeants et très vagues, désignés par le même mot, et d’autant plus honorés que chacun y pouvait voir ce qui lui plaisait. […] La dignité commande également au poète de se retirer dans sa « tour d’ivoire » si cela lui plaît, ou, s’il le préfère, de ne pas se désintéresser des affaires de l’humanité.

1006. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre III. Le Petit Séminaire Saint-Nicolas du Chardonnet (1880) »

Cette abnégation exagérée, cette trop grande facilité à repousser ce qui plaît au monde par un Abrenuntio tibi, Satana, est mortelle pour la littérature. […] À Paris, sitôt que j’eus montré le petit carillon qui était en moi, le monde s’y plut, et, peut-être pour mon malheur, je fus engagé à continuer. […] Sainte-Beuve, Théophile Gautier me plurent un peu trop.

1007. (1906) La nouvelle littérature, 1895-1905 « Deuxième partie. L’évolution des genres — Chapitre II. La poésie lyrique » pp. 81-134

André Lebey traduisit les poésies de Sappho et se laissa gagner à toutes les formes successives que voulurent revêtir pour lui plaire, les Muses. […] Son lyrisme se pose sur des bases inébranlables, mais il dévoile aussi un cœur avide, pris d’un forcené besoin de tendresse et qui, s’il ne se désespère pas de savoir la mort victorieuse de la beauté, se plaît au jeu divin des rythmes qui masquent mal son humanité chancelante. […] Va et dis à ces morts pensifs À qui mes jeux auraient su plaire Que je rêve d’eux sous les ifs Où je passe petite et claire… Tu leur diras que je m’endors Mes bras nus pliés sous ma tête, Que ma chair est comme de l’or Autour des veines violettes.

1008. (1856) Mémoires du duc de Saint-Simon pp. 5-63

Allons, s’il vous plaît, chez Pierre et chez Paul : ne craignez pas de vous compromettre. […] Donnez-moi aussi un homme, un protestant, le premier venu, celui qu’il vous plaira, ou, si vous l’aimez mieux, un droit de 30,000 livres sur les halles, ou même une rente de 20,000 livres sur les carrosses publics. […] Je lui parlai aussi de la longue absence que j’avais faite, de douleur de me trouver mal avec lui, d’où je pris occasion de me répandre moins en respects qu’en choses affectueuses sur mon attachement à sa personne et mon désir de lui plaire en tout, que je poussai avec une sorte de familiarité et d’épanchement… Je le suppliai même de daigner me faire avertir s’il lui revenait quelque chose de moi qui pût lui déplaire, qu’il en saurait aussitôt la vérité, ou pour pardonner à mon ignorance, ou pour mon instruction, ou pour voir si je n’étais pas en faute. » On parlait au roi comme à un Dieu, comme à un père, comme à une maîtresse ; lorsqu’un homme d’esprit attrapait ce style, il était difficile de le renvoyer chez lui.

1009. (1866) Dante et Goethe. Dialogues

Cela vous plaît à dire ; mais, apparemment, cela ne serait pas si aisé. […] Il se plaît à conjecturer que les tourments des hérésiarques s’aggravent de siècle en siècle, à mesure que leurs doctrines séduisent des âmes nouvelles. […] voilà qui ne me plaît guère. […] Rien ne me plaît comme cette manière d’apprendre. […] Comment Gœthe, l’adorateur idolâtre de la beauté, le païen, pouvait-il se plaire auprès d’un laideron ?

1010. (1901) Des réputations littéraires. Essais de morale et d’histoire. Deuxième série

On se plut à en tirer les applications les plus brutales, et elle passa, du domaine scientifique, dans les lieux communs de la conversation, du journalisme, de la littérature et même du théâtre. […] L’écrivain le plus sûr de vivre est celui qui, en se conformant au goût nouveau du jour, a su lui sacrifier le moins de ce qui fit plaisir dans le passé et plaira dans l’avenir. […] Vinet, plus grand que l’un et que l’autre et sain comme un classique, n’a pas eu l’heur de plaire aussi vite et aussi complètement que ces deux représentants exotiques et sympathiques de notre décadence. […] On a vu le goût bourgeois, même en pays anglais, se plaire à Dickens, mais lui préférer Paul de Kock ! […] Les chefs-d’œuvre entretiennent aisément autour d’eux l’atmosphère de convention dont ils ont besoin pour plaire, et l’Œdipe Roi du vieux Sophocle est, avec toute sa barbarie, une pièce à succès.

1011. (1857) Réalisme, numéros 3-6 pp. 33-88

Ils savent plaire. […] Aussi n’y a-t-il pas d’éclats, d’incidents terribles, de complications farouches comme dans les œuvres fortement charpentées ; tout est simple, tranquille, tout y découle comme dans la vie, et cela doit plaire à tous les gens que l’humanité intéresse. […] — Plaît-il ?  […] Nous sommes si pauvres de volonté, si timides, que nous n’osons nous faire cette simple question : Mais qu’est-ce qui me plairait à moi ?  […] Ensuite tu distribueras ton rouge, ton bleu, ton jaune, selon les accords qui te plairont le plus.

1012. (1884) Les problèmes de l’esthétique contemporaine pp. -257

Ce qui plaît à nos yeux par exemple, c’est bien souvent ce qui plaît à nos autres sens, plus directement liés aux fonctions vitales. […] Selon nous, l’opposition qu’on se plaît à établir ainsi entre l’imagination poétique et la science est plus superficielle que profonde, et la poésie aura toujours sa raison d’être à côté de la science. […] Nous aimons presque tous le rythme et l’harmonie des vers sans trop savoir ce qui nous plaît en eux ; il faudrait le savoir. […] Quant à Victor Hugo, il besoin de tout son génie pour se faire pardonner son habileté, et de toute la puissance de son art pour compenser les artifices où il se plaît trop souvent. […] Les poètes se plaisent parfois à se donner eux-mêmes des entraves et à se mettre, comme dit Musset, « de bons clous à la pensée ».

1013. (1925) Proses datées

Dans cette solitude forestière et fluviale, Mallarmé se plaisait infiniment. […] Tel qu’il était, il plut à Lamartine qui ne dédaignait ni de l’écouter ni de lui donner la réplique. […] Là, « Mecaenas », comme se plaisait à le nommer Voltaire, trouvait un cadre digne de lui. […] Est-il besoin de dire que vous vous y plaisiez ? […] Ils nous offrent de la vie à déchiffrer et nous nous plaisons à imaginer ce qu’ils furent, ne sachant rien de ce qu’ils ont été.

1014. (1887) George Sand

La mère ne me plaît guère quand elle veut épouser son gondolier, et la fille m’effraye quand elle se jette à la tête du chanteur. […] Elle se plaît, dans les jeux de son imagination, à rapprocher les conditions et à préparer (elle le croit du moins) la fusion des castes par l’amour. […] Ce site sauvage et romantique me plaît à la folie… Ah ! […] Troubadour, le nom plaît à George Sand, elle l’adopte en riant et se désigne ainsi elle-même depuis ce jour-là. […] Le vent joue de ma vieille harpe comme il lui plaît.

1015. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « Lamartine »

Cela commence ainsi : « L’homme se plaît à remonter à sa source ; le fleuve n’y remonte pas. […] Un jour, il eut l’idée d’y employer les cheveux d’une grand’tante, — des cheveux « blanchis dans les cachots de la Terreur », s’il vous plaît ! […] Nous aimons toujours, pour ainsi dire, par-delà ceux et celles que nous aimons ; et la preuve, c’est que nous ne les aimons jamais tels qu’ils sont, ni tels qu’ils apparaissent aux autres hommes, mais tels qu’il nous plaît de nous les représenter. […] Le poète des mélancolies et des langueurs a, dès qu’il lui plaît, des vers « forts », des sentences robustes et concises, à la façon de Corneille ; et c’est alors comme une pluie retentissante de médailles d’airain… Voyez, par exemple, dans les Premières Méditations, une pièce que le poète y ajouta en 1842 : Ressouvenir du lac Léman. […] les jeunes poètes d’aujourd’hui, surtout ceux qu’on appelle les « symbolistes », il me semble que Lamartine doit leur plaire infiniment, et qu’il a souvent fait par instinct ce qu’ils veulent faire avec préméditation.

1016. (1778) De la littérature et des littérateurs suivi d’un Nouvel examen sur la tragédie françoise pp. -158

La morale n’est ni triste, ni fâcheuse, ni sombre ; on peut intéresser, amuser, plaire, tout en instruisant. […] La transfiguration de Raphaël, le Milon de Puget, le Stabat de Pergolèze, le second Livre de l’Eneïde, doivent également plaire aux peuples qui se rapprochent par le même dégré de perfectibilité. […] Les Poètes Tragiques ne seront pas les derniers à jeter de longues clameurs, parce que, esclaves des préjugés reçus, tremblans devant le regard des périodistes, ils s’abaissent jusqu’à recevoir la forme sous laquelle ils doivent leur plaire. […] Fénelon plaît bien autrement que la Bruyère. […] Que l’on ne craigne point que l’on puisse imiter trop fidèlement la Nature ; ce qui nous déplaît même dans la Nature, plaît beaucoup dans une copie fidelle en tant qu’imitation.

1017. (1896) Essai sur le naturisme pp. 13-150

Mais je crois que tous ces auteurs, qui se plurent, ces derniers temps, au dessin d’atlas sentimentaux, et aux auscultations psychologiques, se trompèrent. […] Ici ce n’est plus l’homme qui se mire dans l’univers et se plaît amoureusement à lui attribuer ses traits délicats et blancs, à l’agrémenter de sa fine stature. […] * *   * Tels sont les derniers tableaux où se plaît l’imagination exaspérée de Verhaeren. […] Il ne lui plut pas de promener son âme dans des décors de tapisserie, parmi l’ingénieux agencement des vieilles laines fanées. […] Il lui plut d’être « le Sourire de la terre » ; d’interpréter, en sa conscience et sa haute raison, la vie muette, pourtant si intense de toutes choses.

1018. (1910) Études littéraires : dix-huitième siècle

Ce genre d’athéisme n’est point pour plaire à un croyant ; mais il ne le révolte pas. […] Le dualisme manichéen lui plaît, comme une bonne table des matières, sur deux colonnes. […] Entendre parler de brebis et de chèvres, cela n’a rien par soi-même qui puisse plaire. » — Qu’est-ce donc qui plaira, et qu’est-ce qui fait la poésie des hommes des champs ? […] S’il plaît mieux (de nos jours surtout) à la lecture qu’aux chandelles, c’est probablement pour cela. […] Pour les rois, non, s’il vous plaît !

1019. (1874) Portraits contemporains : littérateurs, peintres, sculpteurs, artistes dramatiques

Je fus assez bon élève, mais avec des curiosités bizarres, qui ne plaisaient pas toujours aux professeurs. Je traitais les sujets de vers latins dans tous les mètres imaginables, et je me plaisais à imiter les styles qu’au collège on appelle de décadence. […] A vrai dire, ce qui plaît à Murger dans l’amour, c’est la souffrance. […] Venise nous plut tant que nous y restâmes bien au-delà du temps que nous devions y consacrer. […] Henriette Maréchal n’eut pas le bonheur de plaire à maître Pipe-en-Bois, étudiant de vingtième année.

1020. (1896) Impressions de théâtre. Neuvième série

On prévoit même les rimes la plupart du temps, et d’autant mieux qu’elles sont plus rares ; prévision qui est un des charmes ou des inconvénients (comme il vous plaira) de la rime parnassienne. […] J’ajoute que la pièce est difficile à juger parce que ce qui plaira le plus en elle n’est ni proprement littéraire ni proprement dramatique. […] Et il me plaît aussi de “peser sur une destinée” d’homme, comme les femmes du Norvégien Ibsen. […] Il n’est d’ailleurs pas nécessaire que l’homme soit de premier rang pour que nous lui pardonnions ces épanchements ; et ce qui nous plaît encore de Marmontel, esprit médiocre, ce sont ses Mémoires familiers. […] … » De quelle espèce sera cette coquine qu’il me plaît de baptiser Yoyo ?

1021. (1866) Nouveaux essais de critique et d’histoire (2e éd.)

Les pensées sont comme les hommes ; elles ont besoin, pour plaire, d’être bien vêtues, et le livre fait valoir l’auteur. […] Dans un salon, le premier devoir est de ne point déplaire ; le second, de plaire. […] Cela est repoussant, peu importe ; ces difformités acquises plaisent à l’esprit de Balzac. […] C’est peu d’être vrai et de plaire ; il faut encore que l’œuvre soit conforme à la poétique officielle ; il y a un uniforme littéraire qu’elle doit porter. […] Plût aux dieux que je pusse aussi en rappeler quelques-uns du tombeau ! 

1022. (1889) Ægri somnia : pensées et caractères

* Il y a des parents et même des amis pour qui l’homme qui tombe ne se fait jamais assez de mal ; il faudrait, pour leur plaire, qu’il fût tué sur le coup. […] Mais ceux qui te donnent ce nom, demain, s’il leur plaît, ils peuvent te le reprendre. […] Pourrait-on impunément leur enlever le peu qu’il leur plaît d’en pratiquer ? […] Voilà pourquoi ils relisent et paraissent tant s’y plaire. […] Récapitulons pourtant, s’il vous plaît, les obligations d’un académicien en temps de candidature.

1023. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Le cardinal de Bernis. (Fin.) » pp. 44-66

Mais Voltaire est tenté, à tout moment, d’envoyer à Bernis autre chose encore que des tragédies ; il veut lui envoyer ses contes, ses légèretés, Ce qui plaît aux dames : « Mais je n’ose », ajoute-t-il en se retenant à peine. […] Plus on la voit, plus on lui reconnaît un fonds de justice, de bon cœur, d’humanité et d’envie de plaire, qui la rendent respectable et aimable.

1024. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Étienne de La Boétie. L’ami de Montaigne. » pp. 140-161

Mais, quel que soit le lieu qui m’accueille dans ma fatigue (et plût à Dieu que ce fût avec vous, ô mes amis !) […] À ce prix, inquiet sur ce seul point, rassuré sur le reste, je me résigne à vivre en exil, à ne point revoir la maison natale, et, avec cette amère certitude, j’attendrai le décret du destin, soit que l’ennui d’un ciel étranger doive m’enlever avant l’heure, soit qu’il plaise à la Parque de me laisser longtemps survivre.

1025. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « La marquise de Créqui — II » pp. 454-475

Pour nous, ce qui nous attire et ce qui nous en plaît aujourd’hui, ce n’est pas tant ce canevas sentimental aisé à imaginer, et qui est traité d’ailleurs avec grâce et délicatesse, comme aurait pu le faire Mme de Souza ; ce sont moins les personnages amoureux que des personnages au premier abord accessoires, mais qui sont en réalité les principaux : c’est un président de Longueil, forte tête, à idées politiques, à vues étendues, une sorte de Montesquieu consultatif en 89, et qui, en écrivant à Saint-Alban, lui communique ses appréciations supérieures et son pronostic chaque fois vérifié ; — c’est aussi le père du jeune Saint-Alban, espèce de Pétrone ou d’Aristippe, qui, pour se livrer à ses goûts d’observation philosophique et de voyages, a renoncé dès longtemps aux affaires, aux intérêts publics, même aux soins et aux droits de la puissance paternelle, et s’en est déchargé sur son ami le président de Longueil. […] Cacher son amour-propre et caresser celui d’autrui est le contraire de ce que font les hommes, et c’est cependant le seul moyen d’avoir avec eux des rapports agréables et de leur plaire.

1026. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Le maréchal de Villars — III » pp. 81-102

Parlant au roi des conseils de guerre et de ces délibérations où le général en chef met aux voix une entreprise : Depuis que Votre Majesté me l’a défendu, écrivait Villars quelques mois après, je consulte médiocrement, et seulement par honnêteté ; et plût à Dieu ne l’avoir pas fait à Bühl, ou que mes premiers ordres eussent été suivis le 23 avril, jour qui me donnera des regrets toute ma vie ! […] Pour lui, bien inférieur en nombre, il ne se laissa point imposer et ne se piqua point non plus d’honneur hors de propos ; il attendit sous les armes, ne devançant rien, acceptant ce qu’il plairait à l’ennemi d’offrir, n’essayant pas de le décourager d’une bataille, et ne faisant élever des retranchements qu’à l’endroit le plus faible de sa ligne.

1027. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « François Villon, sa vie et ses œuvres, par M. Antoine Campaux » pp. 279-302

Il se plaît donc à faire défiler devant nous le cortège des beautés illustres, des reines puissantes, des héroïnes, et il se demande : Où sont-elles ? […] Il n’est pas homme à s’écrier avec un poète moderne7, maudissant les passions que l’on continue à subir sans qu’elles nous plaisent : Je bois avec horreur le vin dont je m’enivre.

1028. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Don Carlos et Philippe II par M. Gachard Don Carlos et Philippe II par M. Charles de Mouy »

Son grand-père fut obligé de lui dire : « Tu l’auras quand je serai mort. » On rapporte cet autre mot très-probable du vieil empereur à la reine Éléonore : « Il me semble qu’il est très-turbulent ; ses manières et son humeur ne me plaisent guère ; je ne sais ce qu’il pourra devenir un jour. » Son gouverneur, don Garcia de Tolède, dans une lettre à l’empereur où il rend compte du régime et de l’éducation du prince, le montre en bonne santé à cet âge, « quoique n’ayant pas bonne couleur », peu avancé dans ses études, s’y livrant de mauvaise grâce ainsi qu’aux exercices du corps qui forment le cavalier et le gentilhomme, ne faisant rien en aucun genre que par l’appât d’une récompense, et en tout « très évaporé. » On insista beaucoup auprès de Charles-Quint, retiré à Yuste, pour qu’il y laissât venir quelque temps le jeune prince ; on espérait que l’autorité de l’aïeul aurait quelque influence sur lui pour le réformer et l’exciter. […] Mais les peuples d’humeur mobile et d’impression superficielle se mirent aussitôt à regretter à l’excès un prince que chacun bafouait la veille, et dont l’existence, si elle s’était prolongée, eût pu être pour eux un malheur et un fléau ; la pitié s’émut comme pour une victime ; les poètes qui ne cherchent que des thèmes le chantèrent ; on se plut à voir dans sa fin rapide un mystère de machiavélisme et de ténèbres.

1029. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Gavarni. »

Il aime assez la vie, il ne la trouve pas mauvaise, il l’a satirisée sans être misanthrope, et seulement parce qu’il ne pouvait s’empêcher de la voir telle quelle est ; mais enfin la vie dans la réalité lui paraît plate ; elle ne lui plaît jamais plus que quand il peut l’animer, la poétiser, la travestir ; il eût été capable de faire, des folies pour cela ; « Mon royaume pour un cheval !  […] Au tour du laboureur : — « Ce qui plaît le mieux à nos regards est un champ d’épis jaunes. » Mais le poète : — « C’est de laurier que la beauté se couronne.

1030. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Théophile Gautier. »

Comment (et il se l’est demandé plus tard avec bien de l’énergie sous le masque de son d’Albert), comment, nourri dans le milieu domestique le plus calme et le plus chaste, dans une atmosphère pure et saine, allait-il deviner et choisir en tout de préférence le point gâté, faisandé, le ragoût épicé qui relève et qui est surtout fait pour plaire aux palais blasés ? […] Il a trois désirs : « les armes, les chevaux, les femmes. » Trois choses lui plaisent avant tout : « Tor, le marbre et la pourpre ; éclat, solidité, couleur. » Tous ses rêves sont faits de cela.

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