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1115. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Entretiens sur l’histoire, par M. J. Zeller. Et, à ce propos, du discours sur l’histoire universelle. (suite.) »

Si l’on ne voit pas, dit-il, « que tous les temps sont unis ensemble, que la tradition du peuple juif et celle du peuple chrétien ne font qu’une seule et même suite, que les Écritures des deux Testaments ne font qu’un même corps et un même livre » ; si on n’y découvre pas « un dessein éternel toujours soutenu et toujours suivi » ; si on n’y voit pas « un même ordre des conseils de Dieu qui prépare dès l’origine du monde ce qu’il achève à la fin des temps, et qui, sous divers états, mais avec une succession toujours constante, perpétue aux yeux de tout l’univers la sainte Société où il veut être servi, on mérite de ne rien voir et d’être livré à son propre endurcissement comme au plus juste et au plus rigoureux de tous les supplices. » A un moment l’orateur impatient, le prédicateur se lève : « Qu’attendons-nous donc à nous soumettre ? […] Son autorité, révérée autant par le mérite de sa personne que par la majesté de son sceptre, ne se soutient jamais mieux que lorsqu’elle défend la cause de Dieu.

1116. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « La civilisation et la démocratie française. Deux conférences par M. Ch. Duveyrier »

La nature étudiée, attaquée par tous les points, poursuivie dans ses détails, embrassée dans ses ensembles, décrite, dépeinte, admirée, connue ; — ce qui reste de barbarie cerné de toutes parts ; — les antiques civilisations rendues de jour en jour plus intelligibles, plus accessibles ; — le contact des religions considérables amenant l’estime, l’explication et jusqu’à un certain point la justification du passé, et tendant à amortir, à neutraliser dorénavant les fanatismes ; — une tolérance vraie, non plus la tolérance qui supporte en méprisant et qui se contente de ne plus condamner au feu, mais celle qui se rend compte véritablement, qui ménage et qui respecte ; — au dedans, au sein de notre civilisation européenne et française, un adoucissement sensible dans les rapports des classes entre elles, un désarmement des méfiances et des colères ; un souci, une entente croissante des questions économiques et des intérêts, ou, ce qui revient au même, des droits de chacun ; le prolétaire en voie de s’affranchir par degrés et sans trop de secousse, la femme trouvant d’éloquents avocats pour sa faiblesse comme pour sa capacité et ses mérites divers ; les sentiments affectueux, généreux, se réfléchissant et se traduisant dans des essais d’art populaire ou dans des chants d’une musique universelle : — tous ces grands et bons résultats en partie obtenus, en partie entrevus, les transportent ; ils croient pouvoir tirer de cet ordre actuel ou prochain, de cette conquête pacifique future, un idéal qui, pour ne pas ressembler à l’ancien, n’en sera ni moins inspirant, ni moins fécond. […] Et j’ajouterai, Messieurs, que je salue ce mérite, cette nouvelle dignité chez la femme aussi bien que chez l’homme !

1117. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Les cinq derniers mois de la vie de Racine »

Le mérite de ses pièces dramatiques n’égale pas celui qu’il a eu de se former en ce pays-là, où il fait toutes sortes de personnages, où il complimente avec la foule, où il blâme et crie dans le tête-à-tête, où il s’accommode à toutes les intrigues dont on veut le mettre ; mais celle de la dévotion domine chez lui : il tâche toujours de tenir ceux qui en sont le chef. […] Le Roi, abbé de Haute-Fontaine, personnage estimable, généreux de nature et d’humeur libérale, de plus d’ambition peut-être que de talent, d’un mérite réel toutefois, et qui est fort connu dans l’histoire ecclésiastique du XVe siècle.

1118. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Chapitre VII. De l’esprit de parti. »

L’esprit de parti unit les hommes entre eux par l’intérêt d’une haine commune, mais non par l’estime ou l’attrait du cœur ; il anéantit les affections qui existent dans l’âme, pour y substituer des liens formés seulement par les rapports d’opinion : l’on sait moins de gré à un homme de ce qu’il fait pour vous que pour votre cause ; vous avoir sauvé la vie est un mérite beaucoup moins grand à vos yeux que de penser comme vous ; et, par un code singulier, l’on n’établit les relations d’attachement et de reconnaissance qu’entre les personnes du même avis : la limite de son opinion est aussi celle de ses devoirs ; et si l’on reçoit, dans quelques circonstances, des secours d’un homme qui suit un parti contraire au sien, il semble que la confraternité humaine n’existe plus avec lui, et que le service qu’il vous a rendu est un hasard qu’on doit totalement séparer de celui qui l’a fait naître. […] Les réputations n’ayant plus de rapport avec le mérite réel, l’émulation se ralentit en perdant son objet.

1119. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre I. Littérature héroïque et chevaleresque — Chapitre IV. Poésie lyrique »

L’amant à genoux, humble, dévot, ardent, reçoit la vie ou la mort de sa dame : il désire l’honneur et le bien de sa dame plus que sa vie propre : il a assez de bonheur, s’il aime : il est joyeux de souffrir, et accroît son mérite en souffrant. […] Tandis que la poésie antique ne connaissait que la passion physique, et, pour rendre raison de la force de l’amour, regardait le désir allumé par Vénus dans la nature entière à la saison nouvelle, la poésie moderne, par une orientation toute contraire, assimilera l’amour humain à l’amour divin et en fondera la puissance sur l’infinie disproportion du mérite au désir Même quand le terme réel de l’amour appartiendra à l’ordre le plus matériel et terrestre, la pensée et la parole s’en détourneront, et c’est à peine si, comme indice de ses antiques et traditionnelles attaches au monde de la sensation physique, il gardera ces descriptions du printemps, saison du réveil de la vie universelle ; encore ces descriptions seront-elles de moins en moins sincères et vivantes, et ne subsisteront-elles chez la plupart des poètes que comme une forme vide de sens, un organe inutile et atrophié.

1120. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre XI. Quelques philosophes »

Maeterlinck mérite peut-être qu’on parodie à son occasion le mot magnifique de Cicéron sur Socrate et qu’on dise, en souriant à peine : « Il a fait remonter de l’enfer sur la terre la philosophie de l’Inconscient. » [Remy de Gourmont] Notre temps adore les fantômes et n’aperçoit même pas les véritables puissances. […] Ils sentaient peut-être que ce qu’on appelait le style leur manquait et ils prétendaient pourtant, avec quelque raison, à un certain mérite d’expression dont le nom n’existait pas encore.

1121. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 16, des pantomimes ou des acteurs qui joüoient sans parler » pp. 265-295

Nous sommes aussi peu capables de décider sur le mérite de l’art des pantomimes, que sur le mérite du partage de la déclamation entre deux acteurs.

1122. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXXVIII et dernier. Du genre actuel des éloges parmi nous ; si l’éloquence leur convient, et quel genre d’éloquence. »

Que l’homme de mérite, éclipsé par l’intrigue, et persécuté par la haine, sache en mourant que son nom du moins sera vengé ! […] Si on se passionne pour ce qui ne le mérite pas, on est froid ; si on passe le but, on est ridicule.

1123. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Appendice. — Notice sur M. G. Duplessis. » pp. 516-517

C’est de près et dans l’intimité de chaque jour que l’on pouvait le mieux apprécier le genre de mérite et d’utilité littéraire de M. 

1124. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LXXIV » pp. 294-298

Qu'il me soit permis de leur rendre cette justice, à moi, l’un des derniers d’entre eux par le mérite et par l’âge.

1125. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Appendice — Début d’un article sur l’histoire de César »

Nés dans la pourpre ou à côté de la pourpre, ils se sont inspirés avec une crédulité naïve de tous les reflets de leur berceau ; ils ont grandi dans une religion dynastique, dont leur mérite a été de ne se déprendre ni de ne se départir jamais.

1126. (1874) Premiers lundis. Tome I « Mémoires de madame de Genlis sur le dix-huitième siècle et la Révolution française, depuis 1756 jusqu’à nos jours — I »

Elle a pu se croire une puissance dans le siècle, du moment qu’elle s’en est venue accomplir, vers l’an de grâce 1800, je ne sais que le mission prédestinée, dogmatisant parmi les châteaux et les palais, à la plus grande gloire d’en haut ; et maintenant que la lumière est revenue, qu’on n’a plus que faire de précurseur, et que la vie militante a fait place à la vie privée, c’est peut-être un devoir à ses yeux d’enregistrer publiquement les mérites et indulgences qui lui reviennent de cette pieuse lutte, engagée sous son patronage.

1127. (1874) Premiers lundis. Tome II « Théophile Gautier. Fortunio — La Comédie de la Mort. »

Théophile Gautier notre rôle de juge et de donneur de conseils puisse sembler encore plus délicat, puisqu’on a bien voulu mêler de loin notre nom et notre exemple à son talent, il y a quelque chose qui met à Taise, c’est un sentiment envers lui et envers ses mérites poétiques, un sentiment de bon vouloir équitable, dont nous sommes sûr et dont nous espérons, malgré quelque sévérité, qu’il ne doutera pas.

1128. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre XII. Du principal défaut qu’on reproche, en France, à la littérature du Nord » pp. 270-275

Le mérite négatif ne peut donner aucune jouissance ; mais beaucoup de gens ne demandent à la vie que l’absence de peines, aux écrits que l’absence de fautes, à tout que des absences.

1129. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — B — Béranger, Pierre-Jean de (1780-1857) »

Hippolyte Babou Le mérite de Béranger consiste, non pas, comme on l’a dit, en ce qu’il a élevé la chanson au niveau de l’ode, mais en ce qu’il a tenté pour la chanson ce que La Fontaine avait tenté pour la fable.

1130. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — B — Bouchor, Maurice (1855-1929) »

Charles Morice Le grand mérite de M. 

1131. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre XII. Demain »

La foule, incapable de distinguer entre les mérites de ses flagorneurs, se livre surtout aux plus inclinés, aux plus assidus et aux plus anciennement inscrits.

1132. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — D. — article » pp. 189-194

Dorat n’eût du mérite & du talent : ses Pieces fugitives ont un ton & une physionomie qui lui sont particuliers & le distinguent honorablement de la foule des Poëtes de nos jours.

1133. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Racan, et Marie de Jars de Gournai. » pp. 165-171

L’envie de connoître un poëte de ce mérite, & si capable de prôner celui des autres, ne quittoit point mademoiselle de Gournai.

1134. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Eugène Chapus »

Ce sont là des mérites très positifs et très éclatants ; mais les Chasses royales ont un intérêt plus général et plus animé.

1135. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Mercier » pp. 1-6

Elle s’émeut beaucoup quand on lui déterre un poème de Milton ou une philosophie de Vico, mais les mérites relatifs sont pour elle peu de chose.

1136. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Furetière »

Prenez tous les moralistes de son temps, tous les poètes comiques du xviiie  siècle, tous les écrivains qui ont parlé longuement ou brièvement de la bourgeoisie et qu’a invoqués Asselineau, tous déposeront plus ou moins dans le sens de Furetière et appuieront son mérite de romancier, qui est très grand.

1137. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre troisième. Découverte du véritable Homère — Chapitre VII » pp. 278-283

Nous assurons à Homère le privilège d’avoir eu seul la puissance d’inventer les mensonges poétiques (Aristote), les caractères héroïques (Horace) ; le privilège d’une incomparable éloquence dans ses comparaisons sauvages, dans ses affreux tableaux de morts et de batailles, dans ses peintures sublimes des passions, enfin le mérite du style le plus brillant et le plus pittoresque.

1138. (1856) Articles du Figaro (1855-1856) pp. 2-6

S’il n’y réussit pas, quel mérite a-t-il à ce désintéressement forcé ? […] Laurent-Pichat, — indépendamment de tout mérite d’exécution, — nous paraît avoir une sérieuse valeur. […] J’ignore si ces robes noires contenaient ou non beaucoup d’esprit, et quel pouvait être le mérite collectif de cette caravane des quarante ; mais ce que je sais parfaitement, c’est que M.  […] Je n’ai pas besoin de célébrer les mérites de ce dernier comme journaliste. […] L’extrême faiblesse qui éclate dans ce livre ne doit pas me faire oublier que M. de Pontmartin avait publié antérieurement un recueil de nouvelles d’un mérite bien supérieur.

1139. (1887) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Troisième série pp. 1-326

Mme de La Fayette fut une aimable femme, elle n’est pas un de nos classiques, ni ne mérite vraiment d’en être. […] La nature a si bien établi le commerce de l’amour qu’elle n’a pas laissé beaucoup de choses à faire au mérite. […] On a raison ; mais il faut cependant faire aussi sa part à Marivaux, et le louer du mérite au moins de l’invention. […] Mais, au contraire, c’en est pour nous aujourd’hui le mérite, et c’est le mérite aussi des romans de Marivaux. […] Mais l’honneur ou le bonheur des autres ne diminue pas le mérite particulier de Marivaux.

1140. (1876) Romanciers contemporains

Sandeau, après celui que l’on tire de son propre mérite ». […] Reybaud mérite une place à part dans la galerie du roman contemporain. […] Nous n’en comprenons guère le mérite. […] L’auteur y a eu plus de mérite que l’abbé Faujas. […] La plupart lui appartiennent, et lui seul en a tout le mérite.

1141. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Werther. Correspondance de Goethe et de Kestner, traduite par M. L. Poley » pp. 289-315

Il y devint l’ami de Goethe, qu’il eut le mérite d’apprécier du premier jour à sa valeur ; et ce qui est vrai encore, c’est que pendant toute cette belle saison de 1772, Goethe, accueilli par lui, adopté par Charlotte et par toute la famille, mena une vie d’exaltation, de tendresse, d’intelligence passionnée par le sentiment, d’amour naissant et confus, d’amitié encore inviolable, une vie d’idylle et de paradis terrestre impossible à prolonger sans péril, mais délicieuse une fois à saisir. […] C’est alors qu’il conçut l’idée d’identifier bientôt l’histoire de ce Jérusalem avec celle d’un amoureux comme lui-même l’avait été ou aurait pu l’être, et de faire du tout un personnage romanesque intéressant, et qui aurait pour le vulgaire le mérite de finir par une catastrophe. […] Je serais le plus ingrat des hommes, si je n’avouais pas que j’ai une meilleure position que je ne mérite. » Il sent que dans ce monde de luttes et où si peu arrivent, ce serait offenser Dieu et les hommes que de se plaindre pour quelques ennuis passagers, quand il a trouvé un cadre si orné et si paisible à son développement et à toutes les nobles jouissances de son être.

1142. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Sismondi. Fragments de son journal et correspondance. »

Le jugement de Sismondi sur la société de Paris est à la fois remarquable et ordinaire : il distingue à merveille et indique par des nuances fort justes les divers degrés de mérite et d’amabilité chez les personnes qu’il rencontre, et en même temps il recommence pour son compte l’éternelle plainte qu’on avait déjà faite avant lui, et qu’on refera depuis, sur la décadence des générations. […] je n’y ai d’autre mérite que d’avoir deviné ce peuple. » Et brusquant les répliques qui n’étaient que pour la forme : « Oui, oui ! […] Il a eu le mérite d’y puiser, l’un des premiers, avant les systèmes modernes et tant de découvertes réelles ou prétendues.

1143. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Vaugelas. Discours de M. Maurel, Premier avocat général, à l’audience solennelle de la Cour impériale de Chambéry. (Suite et fin.) »

Chacun connaît Génin, qui n’a même eu qu’en ces sortes de matières grammaticales tout son mérite et son agrément. […] Chacun de ces verbes a sa raison à produire ; chacun mérite au moins d’être entendu. […] L’homme de mérite qui prit ce sujet de thèse en 1851, excellent esprit, très-fort latiniste, et, à ce titre, devenu plus tard maître de conférences à cette même École dont il avait été un des élèves les plus distingués, est mort il y a deux ans. — Je dois recommander encore, comme non moins essentielle, la thèse de M. 

1144. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Œuvres françaises de Joachim Du Bellay. [III] »

Du Bellay aspirait d’abord à imiter et reproduire Horace en français, l’Horace lyrique : c’était une noble et impossible ambition, Mais voilà que, sans y songer presque, il rivalise avec un Perse ou un Juvénal en ces crayons parlants, expressifs, des espèces d’eaux-fortes à la plume ; il nous donne la monnaie de certaines pièces de l’Arioste ; il devance Mathurin Regnier, et c’est ainsi qu’il mérite d’être appelé véritablement le premier en date de nos satiriques classiques. […] Revillout, dans le Mémoire qu’il a lu sur Du Bellay à la réunion des sociétés savantes en Sorbonne au mois d’avril dernier, en même temps qu’il mérite tous nos remerciements pour les communications précieuses qu’on lui a dues, m’a paru un peu sévère dans ses conclusions sur l’aimable poète. […] J’avois (et peut-être non sans occasion) conçu quelque espérance de recevoir un jour quelque bien et avancement de la libéralité du feu roi, plus par la faveur de Madame que pour aucun mérite que je sentisse en moi.

1145. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Diderot »

Buffon ne manquait pas de foi en lui-même et en ses idées, mais il ne les prodiguait pas ; il les élaborait à part, et ne les émettait que par intervalles, sous une forme pompeuse dont la magnificence était à ses yeux le mérite triomphant. […] Madame de Puisieux fut la première : coquette et aux expédients, elle ajouta aux embarras de Diderot, et c’est pour elle qu’il traduisit l’Essai sur le Mérite et la Vertu, qu’il fit les Pensées philosophiques, l’Interprétation de la Nature, la Lettre sur les Aveugles, et les Bijoux indiscrets, offrande mieux assortie et moins sévère. […] » Ce fut une singulière destinée de Diderot, et bien explicable d’ailleurs par son exaltation naïve et contagieuse, d’avoir éprouvé ou inspiré dans sa vie des sentiments si disproportionnés avec le mérite véritable des personnes.

1146. (1861) Cours familier de littérature. XII « LXVIIe entretien. J.-J. Rousseau. Son faux Contrat social et le vrai contrat social (3e partie) » pp. 5-56

Le devoir de défendre la patrie, de vivre et de mourir au besoin pour elle, pour ceux même qui ne sont pas encore nés, dignifie, sanctifie en passion désintéressée, en dévouement sublime, en sacrifice méritoire, en vertu glorieuse sur la terre, en mérite immortel dans la patrie future, ce devoir patriotique. […] Elles ont l’unique et immense mérite d’élever l’âme, les lumières, et le sentiment de justice du peuple, à la hauteur de sa souveraineté. […] La société politique et civile est le milieu composé de devoirs mutuels dans lequel l’homme trouve à exercer son âme militante et perfectible à cette vertu dont la société vit, mais dont le mérite ne finit pas ici-bas ; c’est la civilisation spiritualiste de l’âme humaine.

1147. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « Octave Feuillet »

Seulement, ce bruit qui ne vient pas du mérite intrinsèque des œuvres se dissipe promptement. […] Tel est le mérite présent d’Octave Feuillet, et je ne veux pas le diminuer. […] … Quels que soient les mérites intrinsèques des livres d’Octave Feuillet, on ne peut nier qu’il n’ait dans le talent, dans la tournure de son talent, je ne sais quelle gracile élégance, et c’est même cette élégance qui le fît nommer un jour le clair de lune vertueux — quoiqu’ils soient très peu vertueux ordinairement, les clairs de lune, — de ce radieux libertin d’Alfred de Musset… Dans tous les temps, ce serait là quelque chose que cette appellation gracieuse ; mais par ce temps de littérature ignoble qui coule, c’est une gloire.

1148. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) «  Chapitre treizième.  »

En quoi le bon sens, qui n’est que l’habitude de voir juste et de se conduire en conséquence, est-il si caractéristique dans Bossuet, que ce soit surtout par ce mérite simple qu’il nous étonne ? […] Toutes les fois qu’un devoir a imposé à Bossuet l’éloge funèbre d’un mérite ou de vertus secondaires, l’appareil du discours paraît disproportionné à son effet : témoin les quatre oraisons qui viennent à la suite des six qu’il rendit publiques. […] À la vérité, ce sont des vers de grand seigneur, et il y est mal parlé d’un moine : double mérite aux yeux de Voltaire. […] Bossuet n’a pas besoin d’exagérer le mérite de Fénelon, parce qu’il n’a pas peur de l’estimer. […] Bossuet ne va pas plus loin ; il ne cherche pas à faire voir clair aux autres là où il confesse et s’attribue à mérite ses propres ténèbres.

1149. (1884) L’art de la mise en scène. Essai d’esthétique théâtrale

Mais il s’agit ici de l’effet représentatif absolu, et à ce titre elle mérite de nous arrêter. […] C’est à peine si la première proposition mérite que nous nous y arrêtions. […] Un mouvement généreux de l’âme vaut par lui-même, et c’est en diminuer le mérite que de le faire dépendre de causes matérielles et accidentelles. […] C’était la naissance seule qui importait ; on s’inquiétait fort peu de la fonction et du mérite social. […] C’est précisément le caractère de l’art d’être un jeu, et c’est par là qu’il mérite de charmer et d’embellir la vie.

1150. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XII » pp. 47-52

— Les quolibets de la haute littérature sur Lucrèce courent le monde et ne tarissent pas : « C'est du style vieilli, dit de Vigny, il mérite un accessit.

1151. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LX » pp. 231-236

Letronne a beaucoup d’ennemis comme tout critique de mérite ; chacun de ses ennemis se trouva aussitôt converti en un partisan du cœur de saint Louis.

1152. (1874) Premiers lundis. Tome II « La Comtesse Merlin. Souvenirs d’un créole. »

Ils veulent bien admirer une fois pour toutes un mérite en vous, mais deux, c’est trop fort.

1153. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre III. De la comédie grecque » pp. 113-119

Ces portraits des hommes vivants, ces épigrammes sur les faits contemporains, sont des plaisanteries de famille et des succès d’un jour, qui doivent ennuyer les nations et les siècles ; le mérite de tels ouvrages peut disparaître même d’une année à l’autre.

1154. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre VI » pp. 50-55

En 1620 on y voit la marquise de Sablé, dame d’un grand esprit et d’un rare mérite , dit Vigneul de Marville ; Voiture était particulièrement lié avec elle et elle lui disait avec une certaine supériorité de raison qu’il avait un amour-propre de femme .

1155. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — C — article » pp. 512-518

Au mérite de bien analyser un Ouvrage, d’en faire connoître les défauts, de donner d’excellens préceptes de goût, tous fondés sur la nature & la raison, M.

1156. (1899) Esthétique de la langue française « Esthétique de la langue française — Chapitre X »

Je suis même moins choqué par le populaire de l’eau d’ânon que par microphotographie ou bio-bibliographie ; les deux mots par quoi les bonnes femmes s’expliquent à elles-mêmes le mystérieux laudanum ont au moins le mérite de leur sonorité française ; d’ailleurs laudanum n’est lui-même qu’une corruption dont il a été impossible d’analyser les éléments primitifs118.

1157. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Avant-Propos. » pp. -

Tout ce qui respire la haine, l’envie ou l’esprit de parti, ne mérite que de l’indignation.

1158. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome I « Lettre a monseigneur le duc de**. » pp. -

En appréciant le mérite des Ecrivains que la mort nous a enlevés, je me suis permis un peu plus de liberté que dans le compte que j’ai rendu des productions des Auteurs vivans.

1159. (1763) Salon de 1763 « Peintures — Restout » pp. 187-190

Convenez, mon ami, qu’on a prononcé un peu légèrement sur le mérite de ce morceau.

1160. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Taraval » pp. 282-283

De la manière dont ce sujet est composé, il ne peut guère y avoir que le mérite du technique ; la figure principale tourne le dos, et un dos n’a pas beaucoup d’expression ; voyez pourtant ce dos, car il en vaut la peine, et la manière dont cette figure est assise sur son coussin, la vérité des chairs et du coussin.

1161. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 36, de la rime » pp. 340-346

En effet la rime la plus riche ne fait qu’un effet bien passager. à n’estimer même le mérite des vers que par les difficultez qu’il faut surmonter pour les faire ; il est moins difficile sans comparaison de rimer richement que de composer des vers nombreux et remplis d’harmonie.

1162. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 50, de la sculpture, du talent qu’elle demande, et de l’art des bas-reliefs » pp. 492-498

En effet, la poësie et les expressions en sont aussi touchantes que celle du tableau où Raphaël a traité le même sujet, et l’execution du sculpteur, qui semble avoir trouvé le clair-obscur avec son cizeau, me paroît d’un plus grand mérite que celle du peintre.

1163. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « XIII »

Généralement, pour la trouver, il faut la chercher laborieusement et, bien qu’elle soit un mérite positif du rang le plus élevé, c’est moins l’esprit d’invention que l’esprit de négation qui nous fournit les moyens de l’atteindre. »‌ Tous les grands écrivains ont à peu près dit la même chose, et, l’hésitation n’est pas permise, c’est Edgard Poë (sic) qui a raison : l’originalité du fond et surtout l’originalité de la forme peut être instantanée ; mais, en général, il est très vrai qu’il faut la chercher laborieusement, nous l’avons prouvé sans réplique dans notre dernier livre par les corrections manuscrites des grands auteurs.

1164. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Madame de La Fayette ; Frédéric Soulié »

Ce qui fait l’étonnant mérite de la Princesse de Clèves et de Madame de La Fayette, ce sont les nuances les plus tendres et les plus choisies qu’on ait jamais vues fleurir, un matin, dans la délicatesse humaine, et que madame de la Fayette nous a offertes avec l’adorable simplicité qui prend de l’eau de source dans ses belles mains pour nous montrer combien elle est pure.

1165. (1925) Comment on devient écrivain

Le je n’est supportable que chez quelqu’un d’illustre qui mérite qu’on l’écoute.‌ […] Pour faire de la bonne critique littéraire, il faut d’abord aimer la littérature, et ce n’est pas un mince mérite. […] Celui-là n’eut d’autre mérite que d’être un érudit qui a passé sa vie à étudier, non pas la littérature, mais l’histoire de la littérature. […] Le grand mérite de Leconte de Lisle, c’est son effort de littéralité. […] A Rome, à la table de l’ambassadeur de France, Montaigne défendit les mérites d’Amyot.

1166. (1930) Le roman français pp. 1-197

C’est à la fois son mérite et son défaut. […] On oublie qu’il y en eut un autre qui le dépasse en mérite, en signification : Anatole France. […] C’est dans Rosny qu’elles devraient aller chercher un inspirateur et un maître : c’est un très grand esprit, qu’on n’a pas mis encore à la place qu’il mérite. […] Mais tous peuvent être rapprochés par un sort semblable : ils n’ont exercé, malgré ces mérites, aucune influence sur les générations littéraires qui les suivirent. […] Paul Souday, n’en ait pas discerné le mérite singulier.

1167. (1890) L’avenir de la science « III » pp. 129-135

Ceux qui pensent que le sentiment et l’imagination, les instincts spontanés de la nature humaine peuvent par une sorte d’intuition atteindre les vérités essentielles seront également conséquents en envisageant les recherches du savant comme de frivoles hors-d’œuvre, qui n’ont même pas le mérite d’amuser. […] Dans un système révélé, la science n’a plus qu’une valeur très secondaire et ne mérite pas qu’on y consacre sa vie : car ce qui seul en fait le prix est donné d’ailleurs d’une façon plus éminente. […] La ligne entre tout croire et ne rien croire est alors bien indécise et pour le lecteur et pour l’auteur ; on peut incliner vers l’un ou vers l’autre, suivant les heures de rationalisme ou de poésie, et l’œuvre conserve au moins un incontestable mérite comme œuvre d’art. […] Peut-être nos affirmations à cet égard ont-elles un peu du mérite de la foi, qui croit sans avoir vu, et, à vrai dire, quand on envisage les faits isolés, l’optimisme semble une générosité faite à Dieu en toute gratuité.

1168. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre VIII. La littérature et la vie politique » pp. 191-229

Napoléon, à Sainte-Hélène, écrivant pour la postérité et plaidant sa cause sans en avoir l’air, se vante d’avoir récompensé tous les mérites, encouragé le libre développement de toutes les facultés. […] Ainsi au temps de Louis XIV, la flatterie se gonfle en hyperboles énormes, quand Boileau s’écrie : Grand roi, cesse de vaincre ou je cesse d’écrire ; quand l’Académie met au concours ce sujet : De toutes les vertus du prince laquelle mérite la préférence ; quand la même Académie reçoit comme un de ses membres, le duc du Maine, âgé seulement de treize ans, mais bâtard du roi ; quand Racine l’assure que, s’il n’y eût pas eu de place vacante, chacun des académiciens existants aurait été heureux de mourir pour lui en faire une. […] Quand un peuple est appelé à décider s’il doit s’engager dans une guerre, changer son système d’impôts, reviser sa Constitution légale, il ne songe guère à se passionner pour une pure question d’art, à discuter la propriété d’un mot ou le mérite d’une combinaison de rimes. […] C’est l’intrusion de l’argot des rues, du parler gras de l’atelier ou du cabaret là où ils n’ont que faire ; c’est le puéril plaisir pris par certains à choquer par bravade la bégueulerie des raffinés ; c’est la crudité des termes recherchée par esprit de contradiction  ; c’est le mot propre apprécié surtout quand il a le mérite d’être malpropre.

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