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847. (1773) Essai sur les éloges « Morceaux retranchés à la censure dans l’Essai sur les éloges. »

On ne peut douter que les deux oraisons funèbres de Le Tellier, où Fléchier et Bossuet le représentent comme un grand homme et comme un sage, le jour et le lendemain qu’elles furent prononcées, n’aient été fort applaudies à la table et dans l’antichambre de Louvois, qui était son fils, et qui était tout-puissant ; mais si elles avaient été lues à ceux qui avaient suivi la vie entière de Le Tellier, qui l’avaient vu s’élever par degrés, et qui, si l’on en croit les mémoires du temps, n’avaient jamais vu en lui qu’un courtisan adroit, toujours occupé de ses intérêts, rarement de ceux de l’État, courant à la fortune par la souplesse, et l’augmentant par l’avarice, flatteur de son maître, et calomniateur de ses rivaux ; si elles avaient été lues à Fouquet dans sa prison, à ce même Fouquet dont Le Tellier fut un des plus ardents persécuteurs, qu’il traita avec la basse dureté d’un homme qui veut plaire, et qu’il chercha à faire condamner à mort, sans avoir cependant le bonheur cruel de réussir ; si elles avaient été lues en Allemagne, en Hollande, en Angleterre, à toutes ces familles de Français que la révocation d’un édit célèbre, révocation pressée, sollicitée et signée avec transport par Le Tellier, fit sortir du royaume, et obligea d’aller chercher un asile et une patrie dans des contrées étrangères ; qu’auraient pensé tous ces hommes, et des oraisons funèbres, et de l’éloquence, et des orateurs ?

848. (1878) Nos gens de lettres : leur caractère et leurs œuvres pp. -316

» On peut vous lire en remuant sa demi-tasse et en fumant son cigare. […] Elle s’est tue, le public n’a pas lu, — il ne savait pas ! […] Celui-là qui, ayant lu un beau livre, ne crie pas sur les toits qu’il a lu un beau livre et n’arrête pas les gens dans la rue pour les forcer de le lire, celui-là est un misérable !  […] Je lis dans Ursule Mirouët, p. 132, t.  […] Nous lisons Mistral avec une sorte d’admiration honteuse.

849. (1922) Gustave Flaubert

Son père méprisait toute littérature, et s’endormit la première fois que Gustave lui lut une de ses œuvres. […] Elle demande à Flaubert de lui laisser lire les notes de voyage qu’il a rapportées d’Orient. […] Du Camp vient de publier le Livre posthume. « J’ai lu le Livre posthume ; est-il pitoyable, hein ? […] Ainsi je viens de lire de mon ami Du Camp son nouveau roman, les Forces perdues. […] « Dans trois ans, tous les Français peuvent savoir lire.

850. (1914) Une année de critique

Lisez, dans le volume que vient de publier M.  […] Lisez les lettres d’amour qu’échangeaient les révolutionnaires : ah ! […] Et Dieu sait combien de livres j’ai lus ! […] Il faut lire le livre et négliger la pièce. […] Nous mourons de trop lire et de trop rêver.

851. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Roederer. — III. (Fin.) » pp. 371-393

J’aime la tragédie63, mais toutes les tragédies du monde seraient là d’un côté, et des états de situation de l’autre, je ne regarderais pas une tragédie, et je ne laisserais pas une ligne de mes états de situation sans l’avoir lue avec attention. Ce soir je vais les trouver dans ma chambre ; je ne me coucherai pas sans les avoir lus. […] Qu’il lise les poétiques, celle d’Aristote. […] c’est en partie ce qu’il a voulu. — Dans tous les cas, il a gagné un point ; il n’est plus permis, après l’avoir lu, de parler de l’hôtel Rambouillet du ton de dédain qu’on y mettait auparavant. […] [NdA] Dans les journaux du temps, on peut lire l’article du Journal des débats du 22 février 1835.

852. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Histoire de la Restauration par M. Louis de Viel-Castel. Tomes IV et V. (suite et fin) »

Jeune, il avait passé ensuite plusieurs années en province, dans la solitude, à étudier, à bien lire un petit nombre de livres, à méditer surtout les écrits des géomètres, Clairaut, d’Alembert, Euler : il s’adressa une ou deux fois par lettres à l’abbé Bossut pour lui demander des conseils généraux ; mais il étudiait seul, et c’est ainsi qu’il se forma l’esprit : la géométrie, ce fut sa logique. […] C’est, lui qui, la veille du discours de réception de Victor Hugo à l’Académie, disait à quelqu’un qui ne paraissait pas sûr de pouvoir y assister : « Il faut y aller, on s’attend a de l’imprévu. » Et après la séance, il dit au glorieux récipiendaire, en manière de compliment : « Monsieur, vous avez fait un bien grand discours pour une bien petite assemblée. » C’est lui qui, à un célèbre candidat pour l’Académié46, qui s’étonnait d’apprendre de sa bouche qu’il n’eût pas lu ses ouvrages, fit cette réponse qui a couru et qui court encore : « Je ne lis pas, Monsieur, je relis. » On aurait pu trouver quelquefois qu’il usait et abusait du poids de sa parole pour écraser les gens. […] Royer-Collard, plus expert que lui en telle matière, lut dans la discussion finale qui précéda de quelques jours à peine le terme de la session, et à l’occasion de la loi sur la dotation du Clergé. […] Dans son ignorance de Jupiter Férétrien, il débaptisait le dieu et il baptisait un roi de son invention, preuve que ce soi-disant défenseur des bonnes études n’avait, pas même lu son Rollin.

853. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Madame Desbordes-Valmore. » p. 232

— D’un autre côté, plus je lis, plus je pénètre sous les voiles qui me cachaient nos grandes gloires, et moins ] j’ose écrire ; je suis frappée de crainte, comme un ver luisant mis au soleil. » Et cette autre lettre encore, qui semble résonner et bruire de tous les carillons de ces jolies villes flamandes à toutes les grandes et moyennes fêtes de l’année : « Le 1er novembre 1840. — Bruxelles. — 10 heures du soir. — Je vous écris, mes chères âmes, au milieu de toutes les cloches battantes de Bruxelles qui se répondent pour les Saints et pour les Morts. […] Je te dirai pourtant que si j’avais là ce volume dont tu me parles, je ne le lirais pas… Je t’ai toujours trouvé ce tort funeste de te jeter au-devant des couteaux. […] C’est cette sœur aînée qui avait appris à lire à la jeune Marceline tout enfant, et l’on trouve en maint passage des poésies un souvenir esquissé de sa douce figure. […] C’est elle qui écrivait un jour à Mme Valmore cette lettre émue, où l’on croirait lire un bout de légende d’un autre âge : « J’ai été dimanche faire une course pour une dame qui m’est quelquefois utile dans des moments où je ne sais plus à qui avoir recours ; elle me tend la main pour me ranimer un peu. […] » Et qui a connu Mme Valmore en ces longues années d’épreuves, qui l’a visitée dans ces humbles et étroits logements où elle avait tant de peine à rassembler ses débris, qui l’y a vue polie, aisée, accueillante, hospitalière même, donnant à tout un air de propreté et d’art, cachant ses pleurs sous une grâce naturelle et y mêlant des éclairs de gaieté, brave et vaillante nature entre les plus délicates et les plus sensitives, qui l’a vue ainsi et qui lira ce qui précède se prendra encore plus à l’admirer et à l’aimer.

854. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Le général Jomini. [II] »

En l’écrivant, il avait l’arrière-pensée peut-être que son travail serait lu par d’autres encore que par Ney. […] Mais, là comme ailleurs, il faut savoir lire : or, Jomini excellait à lire sur une carte, et, par une sorte de don de nature, il avait aussi le secret de la manière de lire de Napoléon. […] Je n’ai fait dans la page qu’on vient de lire, et en général je ne ferai que résumer les jugements et emprunter les expressions mêmes de Joinini dans ses différents ouvrages.

855. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre II. Littérature bourgeoise — Chapitre I. Roman de Renart et Fabliaux »

. : toutes ces aventures, et d’autres encore, méritent d’être lues. […] Qui n’a lu tout cela vingt fois dans les chansons de geste ? […] Fort aussi qui la bat : lisez comment un chevalier mit à la raison sa femme et sa belle-mère ; la comédie de Shakespeare n’est que fadeur auprès78. […] Il y aura pourtant quelque chose pour le moraliste : nous lisons en effet qu’en France au xiiie  siècle il y avait des hommes, des femmes, des prêtres qui vivaient mal. […] Il fut remplacé, après un intervalle, par les nouvelles en prose : l’inutilité des vers, du moment qu’on lisait, et l’influence des nouvellistes italiens décidèrent au xve  siècle l’emploi de la prose dans les contes de ce genre.

856. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre XIII. Retour de Molière à Paris » pp. 225-264

Il s’agit d’une jeune fille qui a reçu une lettre de son amant, lequel est à l’armée ; elle ne sait pas lire et voudrait qu’on lui lût cette lettre. […] Mais au lieu de lire ce qu’écrit l’amoureux, il invente une épître de sa façon. […] La fillette est charmée, et quand d’autres lecteurs, plus sincères, essayent de lire la lettre à leur tour, elle la leur arrache dès les premières lignes en disant qu’ils ne savent pas lire aussi bien que le monsieur de chez Gély.

857. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Gil Blas, par Lesage. (Collection Lefèvre.) » pp. 353-375

Avant que la pièce fût représentée, il avait promis à la duchesse de Bouillon d’aller la lui lire. […] Quand on vient de lire René pour la première fois, on est saisi d’une impression profonde et sombre. […] Quand on est bien sombre, qu’on croit à la fatalité, quand vous vous imaginez que certaines choses extraordinaires n’arrivent qu’à vous, lisez Gil Blas, et laissez-vous faire, vous trouverez qu’il a eu ce malheur ou quelque autre pareil, qu’il l’a pris comme une simple mésaventure, et qu’il s’en est consolé. […] Je viens de lire sa Foire des fées, son Monde renversé, de fort jolies farces vraiment. […] Sur Gil Blas et sur Lesage, il faut lire la Notice de Walter Scott, les pages de M. 

858. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Monsieur de Broglie. » pp. 376-398

Prudhomme (le nom est assez singulier pour un Espagnol), qui est à la fois lieutenant de roi et médecin ; de plus, philosophe avancé et très curieux de lire une histoire de la révolution des colonies anglaises et quelques volumes de l’abbé Raynal. […] Sachons bien que la plupart des hommes de ce temps qui sont lancés dans le monde et dans les affaires ne lisent pas, c’est-à-dire qu’ils ne lisent que ce qui leur est indispensable et nécessaire, mais pas autre chose. Quand ces hommes ont de l’esprit, du goût, et une certaine prétention à passer pour littéraires, ils ont une ressource très simple, ils font semblant d’avoir lu. […] [NdA] Sur les rapports de M. de Broglie et de M. d’Argenson, on pourrait lire une Notice sur la vie de Voyer d’Argenson (Paris, 1845), et deux articles insérés dans le journal Le Progrès de la Vienne (2 et 5 mars 1845).

859. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « La duchesse du Maine. » pp. 206-228

. — Pour nous résumer sans trop de frivolité, la duchesse du Maine étudiait le cartésianisme avec M. de Malezieu ; elle lisait avec lui et par lui Virgile, Térence, Sophocle, Euripide, et bientôt elle put lire une partie de ces auteurs, les latins au moins, dans l’original. […] Il s’occupait toujours de son grand poème de l’Anti-Lucrèce, où il soutenait en vers latins les bons principes de la théologie et de la morale : il le lisait, l’expliquait à la duchesse, et M. du Maine se plaisait à en traduire des chants. […] Ôtez le compliment, la louange reste la même que celle qu’on vient de lire. […] Or, il arriva que Mlle de Launay et Mme de Lambert lurent à ce mardi des lettres qu’elles avaient reçues de la duchesse du Maine, laquelle, informée de cet honneur qu’on avait fait à ses lettres, eut l’air de s’effrayer qu’on les eût produites en si docte et si redoutable compagnie.

860. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Œuvres de Condorcet, nouvelle édition, avec l’éloge de Condorcet, par M. Arago. (12 vol. — 1847-1849.) » pp. 336-359

Le premier volume est à lire pour l’histoire de la société française au xviiie  siècle. […] Quand on vient, comme moi, de lire les écrits du Condorcet révolutionnaire, non pas les écrits recueillis dans cette édition de famille, et les seuls dont M.  […] Pour bien étudier Condorcet, et sur le terrain le plus pacifique et le moins brûlant, il faut lire sa Vie de M.  […] Ses éloges académiques, quoiqu’on n’y rencontre presque jamais la couleur, la sensibilité, l’agrément ni le bonheur de l’expression, et que trop souvent la déclamation les dépare, se recommandent par des analyses fidèles, des jugements élevés et fermes, des observations fines et parfois mordantes : « On ne peut rien lire, dit M.  […] On peut lire, dans le numéro du 5 juillet 1792, une lettre de M. 

861. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Madame Necker. » pp. 240-263

Un peu plus loin, je lis cette autre pensée : Je connais quelques esprits métaphysiques auxquels je ne parlerai jamais des beautés de la nature ; ils ont franchi depuis longtemps les idées intermédiaires qui lient les sensations avec les pensées, et leur esprit s’occupe trop d’abstractions pour qu’on puisse leur faire partager les jouissances qui supposent toujours les rapports de l’âme avec des objets réels et extérieurs. […] Ne croirait-on pas qu’elle songeait à Mme de Lambert et qu’elle se ressouvenait de l’avoir lue, quand elle a dit : « Heureux qui n’a jamais trouvé de plaisir que dans des mouvements sensibles et raisonnables ! […] Mais ces défauts se rachètent ici plus aisément qu’ailleurs : le sujet l’inspire ; c’est élevé, c’est ingénieux ; et quand elle en vient à la considération du mariage dans la vieillesse, à ce dernier but de consolation et quelquefois encore de bonheur dans cet âge déshérité, elle a de belles et fortes paroles : « Le bonheur ou le malheur de la vieillesse n’est souvent que l’extrait de notre vie passée. » Et montrant, d’après son expérience de cœur et son idéal, le dernier bonheur de deux époux Qui s’aiment jusqu’au bout malgré l’effort des ans, elle nous trace l’image et nous livre le secret de sa propre destinée ; il faut lire toute cette page vraiment charmante : Deux époux attachés l’un à l’autre marquent les époques de leur longue vie par des gages de vertus et d’affections mutuelles ; ils se fortifient du temps passé, et s’en font un rempart contre les attaques du temps présent. […] On peut lire, dans une Notice écrite par son petit-fils, de touchants détails sur cette fin. […] Dans le volume intitulé Lettres diverses recueillies en Suisse par le comte Fédor Golowkin (Genève, 1821), on peut lire, à partir de la page 232, cette suite de lettres de Mme Necker adressées à Mme de Brenles.

862. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Rollin. » pp. 261-282

Pour bien comprendre Rollin et les fruits multipliés et faciles de sa vieillesse féconde, il faut remonter à cette vie antérieure durant laquelle il s’était formé, il avait mûri, et où il était, pour tous ceux qui l’approchaient, ce qu’il parut plus tard aux yeux de tous ceux qui le lurent. […] D’Aguesseau, résumant cette impression si juste, lui écrivait après l’avoir lu : « J’envie presque à ceux qui étudient à présent, un bonheur qui nous a manqué, je veux dire l’avantage d’être conduit dans les belles-lettres par un guide dont le goût est si sûr, si délié (délié est un peu fort), si propre à faire sentir le vrai et le beau dans tous les ouvrages anciens et modernes. » Voltaire lui-même, qui fut sévère et une fois surtout injuste pour Rollin, l’a proclamé « le premier de son corps qui ait écrit en français avec pureté et noblesse. » Il l’a loué dans Le Temple du goût en des termes qui sont le jugement même, et il est allé jusqu’à appeler le Traité des études « un livre à jamais utile », ce qui est même trop dire, puisque ces sortes de livres n’ont qu’un temps, et que les générations qui en profitent les usent. […] Ces livres de Rollin, c’est proprement l’histoire à lire pendant l’année de la première communion. […] Le vertueux et entêté Soanen, évêque de Senez, lui écrivait à ce propos : « Votre nom, monsieur, si cher à la France, se lira avec distinction parmi les braves d’Israël. » Cela dit, et ce coin de conscience rétive excepté, on ne voyait en lui que paix, douceur, humilité, la charité même. […] Il en donne des preuves touchantes en toute occasion, et notamment dans ses lettres, soit que, correspondant avec Jean-Baptiste Rousseau, il se montre continuellement en peine sur l’état de l’âme de ce poète, et sur la sincérité de son repentir au sujet de certains vers, que lui, Rollin, confesse n’avoir jamais lus ; soit qu’écrivant à Frédéric, au moment de son avènement au trône, il lui adresse des conseils de religion, et y mêle une prière à Dieu : « Qu’il lui plaise, dit-il à ce roi philosophe, de vous rendre un roi selon son cœur ! 

863. (1910) Études littéraires : dix-huitième siècle

Il a lu, toute sa vie — une plume en main, pour mieux lire, et pour relire en résumé — et voilà toute son existence. […] C’est le livre qu’il faut le moins lire quatre à quatre. […] Leur compensation c’est qu’ils sont toujours lus. […] À lire les autres œuvres de Marivaux, on soupçonne cette lacune ; à lire le Spectateur, on s’en assure. […] A-t-il lu Homère ?

864. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « [Chapitre 5] — Post-scriptum » pp. 154-156

Il semble vraiment, à lire sa lettre, qu’il faille une licence de lui pour s’occuper de son arrière-grand-oncle. Or je maintiens que le marquis d’Argenson, philosophe et citoyen, philanthrope en son temps, s’occupant des intérêts du genre humain, et qui écrivait tous les matins ses idées pour qu’elles ne fussent point perdues, appartient à quiconque sait le lire, le comprendre et le peindre ; et si un éditeur de sa famille vient après un siècle nous l’arranger, nous l’affaiblir, lui ôter son originalité et l’éteindre, je lui dirai hardiment : « Laissez-nous notre d’Argenson. »

865. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XII » pp. 47-52

Je le lis, c’est du plus haut intérêt, philosophique, systématique et à la fois nourri d’observations physiques et microscopiques. […] Ponsard en le félicitant de Lucréce : « Vous avez beaucoup lu Corneille : eh bien, croyez-moi, fermez Corneille maintenant et ouvrez Racine. » Madame Sand admire un peu malgré Leroux, qui ne trouve pas sans doute Lucrèce assez avancée : mais elle admire.

866. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Stéphane Mallarmé »

Ils n’ont rien à oublier avant de lire. […] Le romarin salue la tombe, le lis flotte sur la vague… » La poésie de Poe est pareille à ce paysage.

867. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — R — Rodenbach, Georges (1855-1898) »

Charles Maurras J’ai lu ce « poème » des Vies encloses. […] On lira plus haut la liste de ses ouvrages.

868. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre XIII. Beau trio » pp. 164-169

L’article de Coppée se résumerait assez comme suit : « Eh, eh, lisez-vous la Petite Paroisse ? […] Nul n’en sut rien. » Telle Sidonie Chèbe : « Mon garçon, répétait la mère Chèbe à un cousin rougeaud, cette petite on n’a jamais su ce qu’elle pensait… »« Richard aurait voulu lire la lettre qu’elle avait écrite en partant ; mais la mère la cachait, cette lettre… Un autre jour, plus tard, quand il serait guéri.

869. (1895) Les confessions littéraires : le vers libre et les poètes. Figaro pp. 101-162

Reconnaissez-le : la seule cadence, le heurt savant des rimes constituent la Poésie… Et puis, enfin, je trouve outrecuidant de jeter par-dessus bord une forme que nous avons mis douze siècles à acquérir ; lisez la Chanson, monorime et mnémotechnique, de Roland, lisez les fabliaux, du moyen âge, voyez la Poésie grandir jusqu’au sublime Corneille ! […] D’abord, ils sont nécessaires qui donc nous lirait ? […] C’est pour cela qu’on doit dire et non lire les vers. […] » Au surplus, on oublie qu’avant que d’être lu, le poème doit être chanté. […] Quant à Mistral, je l’admire de confiance, mais… je ne le lis jamais !

870. (1856) Réalisme, numéros 1-2 pp. 1-32

N’est-il pas fatigant de lire un volume pour s’amuser quelquefois ? […] Et quel roman n’est pas lu ? […] Ils ne lisent que pour tuer le temps. […] Ce qu’il y a de sûr, c’est que nous les lisons. […] Tout le monde a pu lire cette annonce : « M. 

871. (1890) La bataille littéraire. Troisième série (1883-1886) pp. 1-343

Est-ce à dire que le livre ne soit pas à lire ? […] C’est, je ne crains pas de l’avouer, un des livres de poésie les plus intéressants que j’aie lus depuis longtemps. […] Dieu lisait dans un livre et tout était détruit. […] Qui aura lu ce livre connaîtra intimement M.  […] Sur les murailles, je lis quelques inscriptions pieuses : God bless our home !

872. (1889) La littérature de Tout à l’heure pp. -383

On le lut avec des yeux plus jeunes, non pas plus pénétrants. […] Lamartine n’aime pas Rousseau, mais il en vient, et il a lu Chateaubriand qui a lu Bossuet. Musset déteste Voltaire et Rousseau, mais il en a hérité, et il a lu Marivaux qui a lu Molière. — Or, tous les deux, ils sont des enfants. […] Cette langue, une des plus belles qu’on puisse lire en aucune littérature. […] Quant à ma pensée personnelle, elle est dans les pages qui seront lues les dernières.

873. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre III. La critique et l’histoire. Macaulay. »

Nous trouvons, nous l’avouons, un si grand charme dans son anglais, que même lorsqu’il écrit des absurdités, nous le lisons généralement avec plaisir, excepté lorsqu’il essaye d’être plaisant. […] En voici un exemple : Macaulay réfute ceux qui ne veulent pas qu’on imprime les auteurs classiques indécents : Nous avons peine à croire, dit-il, que dans un monde aussi plein de tentations que celui-ci, un homme, qui aurait été vertueux s’il n’avait pas lu Aristophane et Juvénal, devienne vicieux parce qu’il les a lus. […] Lisez, par exemple, le voyage du roi Jacques en Irlande : point de peinture plus curieuse ; n’est-ce pourtant qu’une peinture curieuse ? […] Tel autre, excellent et nouveau, ne peut être lu qu’une fois avec plaisir. […] Macaulay a écrit, dans la Revue d’Édimbourg, cinq volumes d’Essais ; et chacun sait que le premier mérite d’un reviewer, ou d’un journaliste, est de se faire lire.

874. (1891) Lettres de Marie Bashkirtseff

Ici, elle travaillait ; là, elle lisait. […] mais non, je ne veux pas, je dois étudier et, le cœur serré, je lis les courses de chevaux de X. […] Je dois avouer que ce monde m’amusait fort peu, aussi me suis-je isolée pendant une heure au moins pour lire chez moi. […] Mais cela n’est pas possible, dit-on, car si vous trouvez des amateurs pour écrire vous n’en trouverez pas pour lire, et dès notre plus tendre enfance les mots lire et écrire tendrement unis sonnent à nos oreilles comme deux inséparables. […] J’avais tout lu de vous, sauf Lucrèce.

875. (1893) Des réputations littéraires. Essais de morale et d’histoire. Première série

Nous ne serons pas lus de l’avenir ; nous le savons, nous nous en réjouissons et nous en félicitons l’avenir. […] Vous écrivez, donc vous voulez être lu. […] Lisez, leur disons-nous, et relisez les originaux ; laissez là les commentateurs ; remontez aux sources ? […] Nous n’avons pas besoin de guide pour lire nos romanciers et nos poètes du jour ; mais il en faudra plus tard à nos neveux. […] ses œuvres ne sont point lues et son nom est à peine connu du public.

876. (1895) La vie et les livres. Deuxième série pp. -364

Il lisait des monographies et dépouillait des textes, parcourait des index. […] Taine avait lu et appris toute une bibliothèque. […] Ce livre que vous lisez vous opprime. […] Il a tout lu, tout exploré. […] Il a lu les siennes.

877. (1896) Études et portraits littéraires

Là-dessus, qu’on lise M.  […] C’est beau, l’unité rigoureuse d’une doctrine, lu symétrie logique. […] Je lui reproche pourtant d’avoir lu trop jeune Schopenhauer. Car il ne le nomme pas, mais il l’a lu. […] Il lut trop de livres et fit trop de rêves.

878. (1911) Lyrisme, épopée, drame. Une loi de l’histoire littéraire expliquée par l’évolution générale « Chapitre II. Vérification de la loi par l’examen de la littérature française » pp. 34-154

Pour se renseigner sur les idées, sur l’action parallèle des deux principes essentiels, il faut lire les prédicateurs, les Miracles de Gautier de Coincy, et surtout Villehardouin et Joinville. […] L’épopée nationale fut, pendant deux siècles, le « grand succès » ; chantée par les jongleurs jusque sur le champ de bataille, et lue aussi par les lettrés, elle fit battre les cœurs des héros et des rustres ; expression d’une unité grandissante, elle contribue à cette unité. […] L’action épique du Pantagruel est bien peu de chose ; on la résume en trois lignes, et je sais plus d’un homme qui, ayant mal lu Rabelais, est très surpris d’un si gros livre, d’une telle célébrité, pour un sujet si mince. […] Il faut avoir suivi de près le travail créateur d’un artiste, connaître l’influence du Salon sur un sculpteur, sur un peintre, lire par exemple la correspondance de Flaubert, pour savoir ce que peuvent sur une œuvre d’art les critiques, les encouragements, l’esprit ambiant. […] L’auteur a lu Benedetto Croce et cherche à « lier les genres ensemble dans la recherche de l’idée dominante ».

879. (1858) Cours familier de littérature. VI « XXXIIe entretien. Vie et œuvres de Pétrarque (2e partie) » pp. 81-155

Si vous pouviez le lire dans la langue où il est psalmodié plutôt qu’écrit, vous reconnaîtriez, dans l’accent des vers, l’accent d’airain de la cloche funèbre qui tinte sur la tombe des morts ! […] Je lis ou j’écris jour et nuit ; l’un me délasse de l’autre… Mes yeux sont affaiblis par les veilles, ma main est lasse de tenir la plume, mon cœur est rongé par les soucis… J’ai à combattre mes passions ; pour tout ce qui tient à la fortune, je suis dans un juste milieu, également éloigné des deux extrêmes. […] Son ami Boccace venait de Florence le visiter ; Boccace n’osait pas lui lire son Décaméron, recueil de contes charmants, mais légers, dont il avait amusé et scandalisé l’Italie pendant sa jeunesse. […] Qu’on ne m’accuse pas de vouloir porter atteinte à sa réputation ; je connais peut-être mieux les beautés de ses ouvrages que tant de gens qui se déclarent ses fanatiques sans les avoir lus. » (N’est-ce pas l’enthousiasme d’aujourd’hui en France, où tout le monde exalte et où si peu de personnes ont lu et compris ce livre ?) […] Ses domestiques, étonnés de ne pas le voir descendre comme à l’ordinaire au verger pour y lire ses Matines dans son bréviaire, entrèrent dans sa chambre et le crurent endormi ; il dormait déjà sa nuit éternelle.

880. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXXIe entretien. Socrate et Platon. Philosophie grecque (1re partie) » pp. 145-224

Mais lisons d’abord ensemble les deux ou trois plus beaux de ses dialogues, en nous hâtant d’arriver au Phédon, le chef-d’œuvre de toute la philosophie de Socrate. […] Qui a lu le Phédon connaît ce qu’il y a de mieux à connaître de la philosophie de Socrate et du génie de Platon. […] On en conviendra après avoir lu le Phédon. […] Si j’avais un athée à convertir, je ne voudrais pas d’autre argument avec lui que de lui faire lire et relire le Phédon. […] Mais nous allons encore lire ensemble la Politique de Platon, pour convaincre l’esprit humain de sa vanité et de son inconséquence, une fois qu’il veut appliquer au gouvernement des sociétés les chimères de ses sophismes.

881. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Bossuet. Lettres sur Bossuet à un homme d’État, par M. Poujoulat, 1854. — Portrait de Bossuet, par M. de Lamartine, dans Le Civilisateur, 1854. — I. » pp. 180-197

M. de Lamartine aura lu par distraction Horace au lieu d’Homère, et il en a pris occasion de traiter Horace, l’ami du bon sens, presque aussi mal qu’il a traité autrefois La Fontaine41. C’est Fénelon (et non Bossuet) qui lisait et goûtait entre tous Horace, qui le savait par cœur, qui le citait sans cesse, qui, dans sa correspondance des dernières années avec M.  […] Mais le livre par excellence qui détermina bientôt le génie et toute la vocation de Bossuet et qui régla tout en lui, fut la Bible : on raconte que la première fois qu’il la lut, il en fut tout illuminé et transporté. […] On croirait lire un passage du livre des Pensées.

882. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Correspondance diplomatique du comte Joseph de Maistre, recueillie et publiée par M. Albert Blanc » pp. 67-83

Cet homme que j’ai tant lu et (je puis dire) tant connu autrefois à force de le lire, je viens de l’approcher de nouveau, je viens de l’entendre ; la Correspondance qu’on publie me l’a rendu au complet, vivant, parlant, dans ses jets et ses éclairs, dans ses éruptions et ses effusions de chaque jour, et je me suis senti de nouveau sous le charme, sous l’ascendant. […] C’est le présent dont nous sommes les témoins intelligents, qui éclaire pour nous le passé ; c’est la vie présente et que nous vivons, qui nous apprend à bien lire dans l’histoire, dans cette histoire humaine qui n’a été qu’un perpétuel mouvement. […] Pour moi, si j’ai eu le tort d’oublier la discussion de M. d’Aurevilly, c’est qu’en général, quand je le lis, je ne retiens jamais de lui que des mots ou des traits (et il en a de très fins et de très distingués, mais qui sont, par malheur, noyés dans toutes sortes d’affectations et d’extravagances).

883. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Louis XIV et le duc de Bourgogne, par M. Michelet »

Quelquefois il ne peut s’empêcher d’être étonné de ses excès et de ses fougues : malgré son chagrin, il sourit des paroles extravagantes qui lut ont échappé. […] Il s’imagine souvent que tous ceux qui lui parlent sont emportés, et que c’est lui qui se modère ; comme un homme qui a la jaunisse croit que tous ceux qu’il voit sont jaunes, quoique le jaune ne soit que dans ses yeux… » Je ne puis tout citer ; la fin encore est à lire, et ceci ne peut s’omettre : « Mais attendez un moment, voici une autre scène. […] Il faut lire encore la Médaille, c’est-à-dire le beau côté et son revers : non plus une simple copie d’après nature, mais une invention ingénieuse de cette imagination charmante et souple qui savait prendre toutes les formes pour s’insinuer et persuader. […] Les Fables de Fénelon, sous leur forme enfantine ; lues dans l’esprit qui les a fait composer et vues en situation, deviennent fort intéressantes.

884. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Salammbô par M. Gustave Flaubert. (Suite.) » pp. 52-72

« Il consulta l’un après l’autre tous les devins de l’armée, ceux qui observent la marche des serpents, ceux qui lisent dans les étoiles, ceux qui soufflent sur la cendre des morts. […] Lisez tout haut le paragraphe qui suit, en le scandant comme une prose poétique, et vous serez frappé du ton et du nombre : « Souvent, au milieu du jour, le soleil perdait ses rayons tout à coup. […] n’a-t-il donc pas lu Aristote, parlant de la sagesse de cette Constitution qu’il compare à celle de Lacédémone et au gouvernement de Crète, et qui les trouve tous trois supérieurs à tous les gouvernements connus : « Les Carthaginois en particulier, dit-il, possèdent des institutions excellentes, et ce qui prouve bien la sagesse de leur Constitution, c’est que, malgré la part de pouvoir qu’elle accorde au peuple, on n’a jamais vu à Carthage, chose remarquable ! […] Puis chaque peuple est enseveli selon ses rites : tout ce passage atteste un grand talent de peinture érudite ; une harmonie lugubre distingue chaque paragraphe qui, lu à haute voix, est comme un couplet funèbre tristement cadencé ; celui-ci, par exemple : « Les Grecs, avec la pointe de leurs glaives, creusèrent des fosses.

885. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Entretiens sur l’histoire, — Antiquité et Moyen Âge — Par M. J. Zeller. »

Il le propose comme le modèle inimitable des abrégés : « Cet écrivain, dit-il, que je ne me lasse point de lire ; que, par pressentiment, j’ai admiré toute ma vie ; qui réunit tous les genres ; qui est historien, quoique abréviateur ; qui, dans le plus petit espace, nous a conservé un grand nombre d’anecdotes qu’on ne trouve point ailleurs ; qui défend son lecteur de l’ennui d’un abrégé par des réflexions courtes, qui sont comme le corollaire de chaque événement ; dont les portraits nécessaires pour l’intelligence des faits sont tous en ornement ; enfin l’écrivain le plus agréable que l’on puisse lire… », cet écrivain sans pareil n’est autre pour lui que Velléius. […] Ce qu’on savait moins, c’est que de prétendues beautés qui tenaient à des leçons mal lues disparaissent et s’évanouissent (ainsi le passage où il est question d’Horace, vainqueur des Curiaces et meurtrier de sa sœur, mais absous en vue de sa gloire : Et facinus intra gloriam fuit, devient tout simple et ordinaire, si on lit infra). […] J’ai du regret, je l’avoue, à mon premier Florus. — La note qu’on vient de lire, imprimée d’abord presque dans les mêmes termes, a paru irrévérente, je dois le dire, et m’a attiré une réfutation officieuse de la part d’un professeur de l’Université : « Sans doute, m’écrivait M. 

886. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Le général Jomini. [I] »

Il suivait chaque bulletin sur la carte, tenait un petit journal des opérations de guerre, lisait en même temps l’histoire des campagnes du grand Frédéric et entrait avec une facilité merveilleuse dans le sens et l’intelligence de ces grandes opérations qui étonnaient et éblouissaient le monde. […] Quelques jours après (il sut tout cela depuis par Maret), pendant que la paix se négociait, l’Empereur était à Schœnbrunn, et, se trouvant dans un de ses rares quarts d’heure de loisir, il dit à Maret : « Lisez-moi un peu ce chapitre de l’ouvrage apporté à Austerlitz par un officier du maréchal Ney. » Et, après avoir écouté quelque temps ; « Et qu’on dise maintenant que le siècle ne marche pas ! […] Si ignorant du métier que l’on soit, à le lire avec soin, il semble en vérité qu’il ait presque toujours raison, même contre les généraux les plus célèbres. […] Le chapitre de son ouvrage, que Jomini avait eu l’esprit d’indiquer à lire à Napoléon au lendemain d’Austerlitz (le ive du tome II de la première édition, qui est devenu le xive de l’édition de 1851), ce chapitre n’était pas si mal choisi ni fait pour déplaire au nouvel Empereur.

887. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre quatrième. Les conditions physiques des événements moraux — Chapitre II. Rapports des fonctions des centres nerveux et des événements moraux » pp. 317-336

Prenons la sensation du jaune d’or, d’un son comme ut, celle que donnent les émanations d’un lis, la saveur du sucre, la douleur d’une coupure, celle du chatouillement, de la chaleur, du froid. […] Il est très lisible au dernier chapitre ; à l’avant-dernier, l’encre pâlit ; aux précédents, on devine encore qu’il y a là de l’impression, mais on n’en peut rien lire ; plus avant encore, toute trace d’encre disparaît. […] Quand l’un est pour nos yeux effacé ou indéchiffrable, nous sommes autorisés à conclure, de celui que nous lisons, à celui que nous ne lisons pas161.

888. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre I. La préparations des chefs-d’œuvre — Chapitre III. Trois ouvriers du classicisme »

Il n’a rien dit de bien neuf, ni de bien profond : il a dit ce qu’il avait lu dans Montaigne et dans les anciens. […] Il a essayé, selon ses propres paroles, « de civiliser la doctrine en la dépaysant des collèges et la délivrant des mains des Pédants290 » ; à ceux qui n’étaient pas des savants, et ne lisaient latin ni grec, aux femmes, il a offert la substance de l’antiquité. […] Le Discours de la Méthode fut lu de tout le monde en effet, des femmes même. […] Plus tard, Descartes sera un maître, pour la génération suivante : mais tout d’abord, pour sa génération, il fut souvent un « semblable », qui avait su lire en lui-même ce que tous portaient en eux, et qui les révélait à eux-mêmes.

889. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « Alphonse Daudet  »

mon Daniel, quelle jolie façon lu as de dire les choses ! […] j’ai déjà lu ça quelque part. » Jamais M.  […] » — Est-ce que cette phrase : « Tais-toi, boulanger, je t’en prie », ne vous remet pas sous les yeux toute la scène de la Diligence de Beaucaire 96, le rémouleur immobile sous sa casquette pendant que ce farceur de boulanger conte les aventures de la jolie rémouleuse   Qui a pu lire le Phare des Sanguinaires 97 et oublier le gros Plutarque à tranches rouges, toute la bibliothèque du phare, et, parmi les grondements de la mer, dans le crépitement de la flamme et le bruit de l’huile qui s’égoutte et de la chaîne qui se dévide, la voix du gardien psalmodiant la vie de Démétrius de Phalère   Vous souvenez-vous de ce qu’on trouve au fond du portefeuille de Bixiou98 le vieux caricaturiste aveugle, le funèbre et féroce blagueur : « Cheveux de Céline coupés le 13 mai ?  […] Alphonse Daudet a dû la surprendre, celle-là ou une autre, sur des lèvres d’enfant apprenant à lire.

890. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Légendes françaises. Rabelais par M. Eugène Noël. (1850.) » pp. 1-18

Quand on veut lire tout haut du Rabelais, même devant des hommes (car devant les femmes cela ne se peut), on est toujours comme quelqu’un qui veut traverser une vaste place pleine de boues et d’ordures : il s’agit d’enjamber à chaque moment et de traverser sans trop se crotter ; c’est difficile. […] Lisez toutes ces choses, ces gigantesques polissonneries d’écolier qui sont devenues des scènes de comédie excellentes : je me réfugie dans les parties à demi sérieuses. […] Lucien, dans un dialogue entre Vénus et Cupidon, avait fait demander par la déesse à son fils pourquoi il respectait tant les muses, et l’enfant avait répondu quelque chose de ce que Rabelais va reprendre, amplifier en ces termes et embellir : Et me souvient avoir lu que Cupido, quelquefois interrogé de sa mère Vénus pourquoi il n’assailloit les Muses, répondit que il les trouvoit tant belles, tant nettes, tant honnêtes, tant pudiques et continuellement occupées, l’une à contemplation des astres, l’autre à supputation des nombres, l’autre à dimension des corps géométriques, l’autre à invention rhétorique, l’autre à composition poétique, l’autre à disposition de musique, que, approchant d’elles, il débandoit son arc, fermoit sa trousse et éteignoit son flambeau, de honte et crainte de leur nuire. […] Les uns l’admirent encore moins qu’ils ne le goûtent ; ils le lisent, le comprennent là où ils peuvent, et se consolent de ce qu’ils n’entendent pas, avec les portions exquises qu’ils en tirent comme la moelle de l’os, et qu’ils savourent.

891. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Madame la duchesse d’Angoulême. » pp. 85-102

Ils nous lurent un arrêté de la Commune qui ordonnait de nous fouiller à discrétion, ce qu’ils firent exactement jusque sous les matelas. […] Ce n’est que le premier jour du procès de Louis XVI, quand elle le voit emmené pour être interrogé à la barre de la Convention, ce n’est que ce jour-là que Marie-Antoinette succombe à son inquiétude et qu’elle rompt son silence généreux : « Ma mère avait tout tenté auprès des municipaux qui la gardaient pour apprendre ce qui se passait ; c’était la première fois qu’elle daignait les questionner. » Dans ce récit tout simple et que nul ne lira sans larmes, il y a des traits qui font une impression profonde, et dont la plume qui écrit ne se doute pas. […] On ne voulait plus me donner de livres : je n’en avais que de piété, et des voyages que j’avais lus mille fois. […] Elle était instruite, dans le genre d’instruction de Louis XVI ; elle lisait des livres d’histoire, de voyages, de morale, de religion.

892. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Ducis. » pp. 456-473

Si l’on relit, comme je viens de le faire, Le Roi Lear de Shakespeare, et qu’on lise à côté la soi-disant imitation française, il est impossible de voir dans celle-ci autre chose qu’un travestissement sentimental à l’usage de ce xviiie  siècle qui a tant abusé des mots de vertu et de nature, mais jamais plus que par la bouche de Ducis. […] Dans sa cellule de Versailles, à côté de son Horace, de son Virgile et de son La Fontaine, il lisait les Vies des Pères des déserts, traduites par Arnauld d’Andilly : Je continue auprès de mon feu des lectures douces et des heures paisibles qui vont à petits pas comme mon pouls et mes affections innocentes et pastorales. Mon cher ami, je lis la vie des Pères du Désert : j’habite avec saint Pacôme, fondateur du monastère de Tabenne. […] dans tous ses vers, il n’y a rien qui soit mieux que ces deux lignes de prose qu’on vient de lire.

893. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « L’abbé Barthélemy. — II. (Fin.) » pp. 206-223

Au moment où il conçut l’idée de son ouvrage, l’abbé Barthélemy avait lu ses anciens auteurs ; il les relut alors plume en main, « marquant sur des cartes tous les traits qui pouvaient éclaircir la nature des gouvernements, les mœurs et les lois des peuples, les opinions des philosophes ». […] Tout nous le dit, Barthélemy a lu, mais n’a pas vu. […] La conclusion à tirer pour moi de cette longue suite d’essais où l’on a été tour à tour dans les extrêmes et où l’on a si rarement atteint le point précis, c’est qu’on ne transporte pas une littérature dans une autre, ni le génie d’une race et d’une langue dans le génie d’un peuple différent ; que, pour bien connaître la Grèce et les Grecs, il faut beaucoup les lire et en très peu parler, si ce n’est avec ceux qui les lisent aussi, et que, pour en tirer quelque chose dans l’usage courant et moderne, le plus sûr encore est d’avoir du talent et de l’imagination en français.

894. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « I »

J’ajoute cette dernière restriction, pour cette bonne raison qu’ils sont rares, ceux qui lisent avec soin ou même qui lisent simplement les ouvrages au sujet desquels ils tranchent. […] Nous étions bien sûrs que ceux qui voudraient nous lire ne nous reprocheraient pas d’avoir été déçus. […] Albalat a lu, la plume à la main, annoté, disséqué les pages de tous nos écrivains français ; et, les textes sous les yeux, il explique comment on peut s’y prendre pour écrire sans recherche, mais avec précision, goût, sobriété et, si possible, de façon originale6. »‌ M. de Gourmont lui-même le reconnaît :‌ « Ce livre, dit-il, est bien meilleur que son titre, en ce sens qu’il soulève toutes sortes de questions de psychologie linguistique, alors qu’ou aurait pu s’attendre à un simple manuel scolaire… L’œuvre garde des parties excellentes ».

895. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Gustave Droz » pp. 189-211

II Ce qu’il a donné en volume, je l’avais lu en partie dans La Vie parisienne, et j’avais été, je l’avoue, intéressé par le ton de tout cela, par ce ton retrouvé et que nous allions perdre, et qui est le ton de notre race. […] Et quand ces écrits sont des articles, lus à distance les uns des autres, c’est charmant ; mais quand le tout est ramassé et massé dans un seul volume, qu’on lit d’une haleine, on finit par trouver que c’est trop de poudre comme cela, et on pense malgré soi à la fameuse anecdote du glorieux bailly de Suffren, qui avait l’habitude de fourrer de bien autres poudres que celles-ci dans son tabac d’Espagne, et qui, un jour qu’on voulut l’attraper et le corriger de ce goût étrange, en ne mettant, au lieu de tabac, que de cette poudrette dans sa tabatière, dit avec la majesté du connaisseur, après avoir aspiré fortement jusqu’au fin fond de son nez héroïque ce qu’il croyait du tabac encore : « Il est bon, mais il y en a trop !  […] Lisez son Premier-Né, Le Jour de l’An en famille, les Vieux souvenirs, Les Petites Bottes, — qui rappellent, mais en vieux et en usé, le frais soulier de la Gudule dans Notre-Dame de Paris, — les Bébés et papas et la Première culotte, et voyez si dans tout cela l’enfant n’est pas toujours ajusté, toujours compris de la même manière, aimé pour le plaisir et la peine qu’il donne, — car il y a aussi l’épicurisme de la douleur, — et si la moitié du sentiment paternel, celle que Dieu élargit en la doublant du sentiment de son être, n’est pas restée, pure lumière, étouffée sous le boisseau de la chair ! […] Je le connais pour l’avoir lu.

896. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Renou » pp. 301-307

J’en demande pardon à Marmontel, mais je n’ai jamais pu lire Lucain. […] Ceux qui ignorent les sensations que l’harmonie porte à l’âme diront que j’ai plus d’oreille que de jugement ; ils seront plaisans, mais j’ouvrirai l’énéide, et pour réponse à leur mot je lirai : o ter quaterque beati, … etc. je porterai à leur organe le son de l’harmonie. […] Je lis dans un endroit de mon répertoire : bien coloriées, bien touchées, et de beau caractère… et dans un autre endroit barbe d’ébène, noire, compacte, cheveux de même ; bout de vêtement sec et raide.

897. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XIV. L’auteur de Robert Emmet »

C’est une copie de tout ce que nous avons lu jamais sur lord Byron. […] — tandis que l’auteur de Robert Emmet s’est barbouillée en écrivant des livres graves pour ce public de Bartholo, qui ne les lira pas ou qui dormira en les lisant ! […] Seule, la femme, forte en orthographe de l’école doctrinaire, pouvait, à propos du mouvement d’imagination généreuse par lequel lord Byron fut emporté vers la Grèce, écrire, sans se déferrer, dans un style d’institutrice anglaise qui a lu Wilberforce, que Byron n’avait ni la foi d’un croisé (merci de me l’apprendre), ni l’ignorante ardeur d’un jeune homme, MAIS le sentiment d’un PHILANTHROPE SAGE et ÉCLAIRÉ !

898. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Sixte-Quint et Henri IV »

L’une des plus belles discussions de ce livre de Segretain est celle-là, dans laquelle il démontre la fausseté de la thèse de l’émancipation de la pensée et de l’homme esclave brisant ses fers, que des écrivains de parti ont toujours soutenue avec succès à propos de la Réforme, et fait admettre à l’ignorance, non pas gobe-mouche, mais gobe-montagne de ceux qui les lisent. […] Par exemple, maintenant que j’ai lu Segretain, je connais mieux Henri de Guise, cet ambitieux non par lui-même, mais par influence de famille, trop négligemment et fièrement grand pour être ambitieux, s’il n’avait pas eu des parents qui le poussaient vers le pouvoir comme les mauvais Génies de son génie, et qui, pour le faire roi, auraient été forcés de le porter à bras, lui et son cheval, jusqu’au milieu du chœur de la cathédrale de Reims ! […] Qu’on lise cela !

899. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Les Femmes de la Révolution » pp. 73-87

C’est toujours une bonne idée, pour qui tient à être lu et à faire son petit bruit immédiat, que d’écrire un livre sur les femmes… les femmes quelconques. […] Les héroïnes-modèles de Michelet, transportées de l’ensemble d’événements auxquels elles appartiennent, et mises à part dans des cadres et des fonds qui repoussent vigoureusement ce que Michelet croit leurs beautés, peuvent produire sur la moralité de celles qui les lisent un effet de jettatura funeste. […] Cette rage retrouvée l’aveugle au point que lui, l’historien, l’homme des faits, dans une note de la page 129 qu’il nous est impossible de transcrire, non par pudeur, mais par honte (que le lecteur la lise sans nous !)

900. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Si j’avais une fille à marier ! » pp. 215-228

nous dit dans la préface de son volume « qu’il ne sera lu avec fruit que par les hommes d’honneur et les femmes honnêtes, mais que les sots ne le liront pas sans danger… ». […] Peut-être même ces têtes légères en riront-elles quelquefois, malgré les adroites paroles croquemitaines claquant si dru dans la préface, vous vous en souvenez : « Un pareil livre ne sera lu avec fruit que par des femmes honnêtes et des hommes d’honneur ! 

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