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1541. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Le Brun-Pindare. » pp. 145-167

Ce que je veux conclure de tout ceci, c’est que, pour être véritablement vivante, une ode politique ou religieuse ne doit être que la voix harmonieuse et vaste de tout un peuple assemblé, qui y reconnaît et y salue son âme, et s’y exalte en l’écoutant : tel était le chœur antique. […] Le Brun disait de Louis XVI captif, à la fin de 1792 : Venez voir, conseillers sinistres, Un roi sans peuple, sans amis !

1542. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Œuvres de Louis XIV. (6 vol. in-8º. — 1808.) » pp. 313-333

Son long règne, en effet, commençait fort à lasser les peuples, et l’on aspirait de toutes parts au relâchement. […] Ayant reconnu « que cette liberté, cette douceur, et pour ainsi dire cette facilité de la monarchie, avait passé les justes bornes durant sa minorité et dans les troubles de l’État, et qu’elle était devenue licence, confusion, désordre », il crut devoir retrancher de cet excès en s’attachant toutefois à conserver à la monarchie son caractère humain et affectueux, à maintenir auprès de lui les personnes de qualité dans une familiarité honnête, et à rester en communication avec les peuples par des plaisirs et des spectacles conformes à leur génie.

1543. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Le maréchal Marmont, duc de Raguse. — I. » pp. 1-22

Il avait fait une grande étude du cœur humain : cette science est d’ailleurs pour ainsi dire l’apanage des peuples demi-barbares, où les familles sont dans un état constant de guerre entre elles, et, à ces titres, tous les Corses la possèdent. […] Et développant sa pensée : Mon beau-père l’empereur d’Autriche, disait-il, a fait ce qu’il a cru utile aux intérêts de ses peuples, c’est un honnête homme, un homme de conscience, mais ce n’est pas un homme d’honneur.

1544. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « M. Necker. — II. (Fin.) » pp. 350-370

Necker n’est pas revenu de son opinion sur le peuple et sur le gros de la nation : il transporte de ce côté son illusion et sa confiance ; il se fait l’idée d’une nation tout aimable, sensible, aisée à conduire et à ramener, sans corruption et sans vices, et il ne perd cette idée qu’à la dernière extrémité. […] … Les acclamations du peuple, dont je fis une seconde fois la douce épreuve, je les écoutais avec plus de charme… Mais, hélas !

1545. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre quatrième. L’expression de la vie individuelle et sociale dans l’art. »

Très probablement un homme du peuple, en présence d’un danger donné, aura une expression qu’un autre homme du peuple vis-à-vis de ce même danger reproduira.

1546. (1886) Quelques écrivains français. Flaubert, Zola, Hugo, Goncourt, Huysmans, etc. « Émile Zola » pp. 70-104

Enfin, il a conçu le premier, sans la réaliser, malheureusement, la grande idée que le roman ne devait pas être une étude individuelle, mais bien une vue d’ensemble où passerait la foule, où s’étalerait toute une époque, et qui, décentralisé et indéfini, engloberait tout un peuple, dans un temps et toute une ville. […] Avec le Flaubert de l’Éducation sentimentale, avec le Tolstoï de la Guerre et la Paix, avec tout Balzac, avec les psychologues comme Stendhal et les individualistes comme les de Goncourt, les Rougon-Macquart, seront les ancêtres du roman démotique futur, où il y aura des cerveaux et des corps, le peuple et les chefs, les dégradés et les génies, de la chair et des nerfs, le sang et la pensée.

1547. (1864) William Shakespeare « Première partie — Livre I. Shakespeare — Sa vie »

L’activité y est tumulte et le peuple y est fourmilière. […] Tandis que les acteurs gesticulaient et déclamaient, les gentilshommes et les officiers, avec leurs panaches et leurs rabats de dentelle d’or, debout ou accroupis sur le théâtre, tournant le dos, hautains et à leur aise au milieu des comédiens gênés, riaient, criaient, tenaient des brelans, se jetaient les cartes à la tête, ou jouaient au post and pair ; et en bas, dans l’ombre, sur le pavé, parmi les pots de bière et les pipes, on entrevoyait « les puants1 » (le peuple).

1548. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre IV : La philosophie — II. L’histoire de la philosophie au xixe  siècle — Chapitre II : Rapports de l’histoire de la philosophie avec la philosophie même »

Il est donc ouvert à toutes les vérités, de quelque part qu’elles viennent, comme un peuple éclairé qui juge sagement dans ses comices les systèmes politiques qu’on lui propose, et qu’il n’eût pas trouvés tout seul. […] Ils ne dédaignent rien, ni la sagesse de leurs prédécesseurs, ni celle des poètes, ni celle du peuple.

1549. (1913) Essai sur la littérature merveilleuse des noirs ; suivi de Contes indigènes de l’Ouest-Africain français « Essai sur la littérature merveilleuse des noirs. — Chapitre I. »

Ces légendes essaient d’exposer — sans grande conviction, d’ailleurs — la création du monde, l’origine de certaines races ou de certains peuples, l’histoire des héros fabuleux, l’évolution de la civilisation. […] Chaque peuple a ses conceptions, plus ou moins convaincues, sous ce rapport et nul ne songerait à proposer le recueil des fables de notre La Fontaine comme un modèle de vérité scientifique.

1550. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Appendice. — [Rapport sur les primes à donner aux ouvrages dramatiques.] » pp. 518-522

Puisque, dans les représentations scéniques qui sont plus particulièrement à l’usage du peuple, dans cette suite de tableaux compliqués et vastes où il se dépense souvent tant d’artifice et de talent, les auteurs ne visent point à cette reproduction entière et profonde de la nature, qui est le suprême de l’art, puisqu’ils font des sacrifices à l’appareil, à l’émotion, et, pour tout dire, à l’effet, il est tout simple qu’on leur demande plus ouvertement de pousser au bien plutôt qu’au mal, et à la vertu plutôt qu’au vice.

1551. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « APPENDICE. — M. DE VIGNY, page 67. » pp. -542

Anne d’Autriche salue-t-elle, du Louvre, le peuple mutiné, il voit déjà Marie-Antoinette au balcon.

1552. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Sur l’École française d’Athènes »

L’interruption littéraire dans la Grèce moderne ne date que du xve  siècle ; depuis lors la langue, en tombant à la merci du simple peuple, s’est amoindrie, s’est appauvrie, et a subi la loi des idiomes qui se décomposent ; elle a conservé pourtant beaucoup de son vocabulaire, de ses tours et de son harmonie.

1553. (1874) Premiers lundis. Tome I « Vie, poésies et pensées de Joseph Delorme. Deuxième édition. »

Même aujourd’hui, qu’après les tempêtes civiles, La Concorde au front d’or rit d’en haut sur nos villes, Et qu’il n’est ni couteau, ni balle à recevoir Pour le roi, pour le peuple, enfin pour un devoir ; Si du moins, en secret, des dévoûments intimes Pouvaient aux mains du sort échanger les victimes, Et si, comme autrefois, l’homme obtenait des cieux De racheter les jours des êtres précieux !

1554. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Quatrième partie. Élocution — Chapitre VI. De l’emploi des figures et de la condition qui les rend légitimes : la nécessité »

Mais l’homme qui écrit par besoin, pour défendre ce qu’il croit ou ce qu’il aime, pour réaliser un idéal d’art, ou même pour satisfaire son ambition, son égoïsme ou ses vices, ne songe qu’à parler juste, et qu’à trouver les mots qui rendent sa pensée et l’approchent de son but : celui-là est aussi éloigné de concerter ses figures que l’homme du peuple, qui, en jurant, ne pense guère à faire une imprécation.

1555. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Pronostics pour l’année 1887. »

Le désir de la femme les mordra au cœur ; et la femme, introduite dans la place, les trahira, livrera au peuple les secrets des savants et les machines par lesquelles ils terrorisaient la multitude.

1556. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « La Tolérance »

Je ne vois personne qui réclame publiquement l’esclavage, l’inquisition, l’abrutissement du peuple, ni l’oppression des faibles par les forts.

1557. (1920) La mêlée symboliste. I. 1870-1890 « Laurent Tailhade à l’hôpital » pp. 168-177

C’est un fils du peuple, instruit par les lectures du soir, et qui ne doit rien qu’à lui-même.

1558. (1890) L’avenir de la science « XIV »

Oratio, nous apprend-il, vient de os et ratio, raison de la bouche, (ce qui lui paraît d’une admirable profondeur), caecutire, caecus ut ire ; sortir, sehorstir ; maison est un mot celtique ; sopha vient de l’hébreu, de la racine saphan, laquelle, dit-il, signifie élever, d’où vient le mot sofetim, juge, les éleveurs des peuples (encore un sens profond) !

1559. (1887) Discours et conférences « Discours prononcé à Quimper »

Je ne suis pas un homme de lettres ; je suis un homme du peuple ; je suis l’aboutissant de longues files obscures de paysans et de marins.

1560. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » pp. 312-324

Car enfin, qu’on parcoure l’Histoire des Peuples les plus sauvages, on y trouve au moins quelques étincelles d’instinct & de raison, conservées au milieu de la barbarie des mœurs & de la férocité du genre de vie.

1561. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Milton, et Saumaise. » pp. 253-264

Milton répondit sans peine au livre de la défense des rois, par un autre ouvrage sous ce titre : Défense pour le peuple Anglois (**).

1562. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Première Partie. Des Langues Françoise et Latine. — Les inscriptions des monumens publics de France doivent-elles être écrites en Latin ou en François. » pp. 98-109

Le plus grand nombre étoit d’avis qu’on annonçât en François, aux peuples, les actions éclatantes des rois & les vertus des citoyens.

1563. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre second. Philosophie. — Chapitre VI. Suite des Moralistes. »

Le peuple et les habiles composent pour l’ordinaire le train du monde ; les autres les méprisent, et en sont méprisés. » Nous ne pouvons nous empêcher de faire ici un triste retour sur nous-même.

1564. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Lépicié » pp. 275-278

Les progrès de l’esprit humain chez un peuple rendent ce plan mobile.

1565. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « M. Alaux. La Religion progressive » pp. 391-400

Il dit comme Edgar Quinet, autre philosophe moderne, qu’il faut une religion aux peuples, même après la révolution française : — la religion de la révolution française !

1566. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XV. De Tacite. D’un éloge qu’il prononça étant consul ; de son éloge historique d’Agricola. »

qui est descendu plus avant dans les profondeurs de la politique ; a mieux tiré de grands résultats des plus petits événements ; a mieux fait à chaque ligne, dans l’histoire d’un homme, l’histoire de l’esprit humain et de tous les siècles ; a mieux surpris la bassesse qui se cache et s’enveloppe ; a mieux démêlé tous les genres de crainte, tous les genres de courage, tous les secrets des passions, tous les motifs des discours, tous les contrastes entre les sentiments et les actions, tous les mouvements que l’âme se dissimule ; a mieux tracé le mélange bizarre des vertus et des vices, l’assemblage des qualités différentes et quelquefois contraires ; la férocité froide et sombre dans Tibère, la férocité ardente dans Caligula, la férocité imbécile dans Claude, la férocité sans frein comme sans honte dans Néron, la férocité hypocrite et timide dans Domitien, les crimes de la domination et ceux de l’esclavage, la fierté qui sert d’un côté pour commander de l’autre, la corruption tranquille et lente, et la corruption impétueuse et hardie, le caractère et l’esprit des révolutions, les vues opposées des chefs, l’instinct féroce et avide du soldat, l’instinct tumultueux et faible de la multitude, et dans Rome la stupidité d’un grand peuple à qui le vaincu, le vainqueur, sont également indifférents, et qui sans choix, sans regret, sans désir, assis aux spectacles, attend froidement qu’on lui annonce son maître ; prêt à battre des mains au hasard à celui qui viendra, et qu’il aurait foulé aux pieds si un autre eût vaincu ?

1567. (1864) Cours familier de littérature. XVII « XCVIIIe entretien. Alfieri. Sa vie et ses œuvres (3e partie) » pp. 81-152

Comme on déclame en pays étranger, devant un peuple curieux, les balbutiements d’un écolier de rhétorique, on a applaudi la magique beauté, le geste neuf et pathétique, la sublime diction de la tragédienne ; mais la tragédie ? […] Le peuple révolutionné triomphe au 10 août. Il se sauve devant la victoire du peuple.

1568. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLIVe entretien. Madame de Staël. Suite »

La révolution française, ou plutôt la révolution européenne, couvant et éclatant dans le foyer de la France, avait deux buts : un but humain, l’émancipation de la classe la plus nombreuse, ou du peuple, de toute servitude et de toute inégalité aristocratique ; un but surhumain, l’émancipation de la raison et de la conscience de toute religion imposée et de toute servitude religieuse ; le détrônement des castes privilégiées par la loi, et le détrônement des églises d’État ; la loi égale et la foi libre, voilà la révolution. […] Mais il y a une heure pour tout dans la vie des peuples, c’était en France l’heure de l’Angleterre. […] Il rappelle qu’il y a eu une vertu publique, et que si le peuple en a perdu la formule, la langue du moins en a conservé le retentissement.

1569. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre II. La première génération des grands classiques — Chapitre III. Pascal »

Il est le même que lorsque les Réformateurs avaient convié le peuple à examiner les Écritures ; ils ne pensaient pas non plus travailler au profit de l’irréligion. […] Il lui fera remarquer ensuite le peuple juif, et ce livre, qui est son histoire, sa loi, sa religion : là l’homme trouvera le récit de la chute d’Adam ; et cette idée d’une nature d’abord excellente, puis déchue par le péché, illuminera les contradictions qu’on aura d’abord relevées. […] Ce n’est pas à Pascal qu’il prendra l’idée du Discours sur l’histoire universelle, l’idée d’une Providence qui fait tourner l’histoire du monde autour du petit peuple juif.

1570. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre II, grandeur et décadence de Bacchus. »

Son thyrse, moitié javelot, moitié pampre, guérit, comme la lance de Diomède, les plaies qu’il fait aux peuples conquis, il répand le vin sur le sang versé. […] Ce Bacchus que nous venons de décrire, est le Bacchus épique, classique, démotique, adoré par le peuple, chanté par la poésie et sculpté par l’art. […] Pluton se retire devant l’usurpateur entraînant ; il s’amoindrit, il s’efface, il n’est plus que le Roi fainéant du peuple des Mânes.

1571. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Troisième Partie. De la Poësie. — IV. La Poësie dramatique. » pp. 354-420

On déploroit l’avilissement de l’art de Sophocle & d’Euripide : on gémissoit de voir la majesté de la scène Françoise en proie à de fades discours d’amans : on auroit voulu la ramener à son institution, faire le procès à tout auteur qui donnoit à Melpomène d’autre langage que celui qu’elle parloit aux Grecs, une autre passion, d’autres ressorts à développer que ceux dont elle faisoit usage chez ce peuple si poli, si spirituel, si tourné à la galanterie & à la délicatesse des sentimens. […] La galanterie, à ce qu’il remarque dans la préface de leur théâtre, n’eût pas été bien reçue d’un peuple qui n’est remué que par des images affreuses ; sur qui le fer, le poison, les tortures, les roues, les gibets, les enterremens, les sorciers, les diables même, font tout un autre effet à la représentation que des discours élégiaques. […] Chez ce peuple si sage, les sujets de tragédies sont presque toujours moraux, & relevés par les pensées & par les exemples des philosophes, & des héros de la nation.

1572. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Victor Hugo »

Les sentiments de l’envieux social, les flatteries aux peuples et même aux canailles, — cette aristocratie renversée des peuples, — par ce flatteur de tous les gouvernements, les uns après les autres, et à qui il ne restait plus qu’à flatter cela aussi pour être complet, circulent et respirent dans toutes les pages de ce roman, qui n’est peut-être qu’un prétexte à déclamations pourpensées au lieu d’être un livre d’imagination de bonne foi… Ah ! […] Mais l’engoulevent n’est qu’une grive en comparaison du poète dramatique qui avale, lui, des choses bien plus difficiles à avaler que le vent, quand ces choses peuvent se réduire en drame, en effets à produire, en applaudissements… Or, la Lucrèce Borgia d’Hugo est une de ces choses-là… Lucrèce Borgia avait été, comme son père Alexandre VI, arrangée de longue main, pour le scandale et pour l’horreur, par des drôles, ennemis de la Papauté, qui trouvaient joli de faire la Renaissance des crimes de l’Antiquité en même temps que la Renaissance littéraire ; et l’engoulevent dramatique avala cette Lucrèce comme Gargantua avala ses six pèlerins en salade, et nous la rendit, cette Lucrèce, en cette chose qu’on joue pour apprendre au peuple la véritable histoire.

1573. (1895) Nos maîtres : études et portraits littéraires pp. -360

Ils furent, sous la douce chaleur de leur ciel, le peuple de la pure dialectique. […] Qu’importent les premières légendes latines, les barbares essais du drame chez ce peuple ? […] À chaque peuple les mêmes émotions sont suggérées par des rythmes et des sons différents. […] Elle fut d’abord populaire, universelle, très simple et comprise par tout un peuple. […] Les plus riches implorèrent du peuple roi, en échange de petits sacrifices pécuniaires, telles fonctions législatives.

1574. (1774) Correspondance générale

Que ce peuple pense à présent de ma Lettre sur les Aveugles tout ce qu’il voudra ; elle ne vous a pas déplu ; mes amis la trouvent bonne : cela me suffit. […] Est-ce qu’une tragédie ne commencerait pas bien par deux sénateurs qui reprocheraient à un peuple avili les applaudissements qu’il vient de prodiguer à son tyran ? […] Il est mille fois plus facile, j’en suis persuadé, pour un peuple éclairé de retourner à la barbarie que pour un peuple barbare d’avancer d’un seul pas vers la civilisation. […] Dans le peuple ? […] Le peuple en est-il plus opprimé, et le vizir moins digne du mortier d’Amurat ?

1575. (1890) Les princes de la jeune critique pp. -299

Elle devient ainsi une branche de l’histoire, et son idéal, c’est de s’élever par l’étude des faits particuliers à la connaissance des lois générales qui dominent et résument l’évolution littéraire d’un peuple et la marche de l’esprit humain. […] Mais ceux qui ont eu la sottise de vouloir relever la condition du peuple, ô mes amis, comme il les accommode ! […] Et, non content de charger le peuple de tous ces méfaits, M.  […] Mais le roman sentait sa province et, quant à la chanson, c’était une gueuse, une fille du peuple, presque une fille de joie. […] Ce n’est pas lui qui suivra d’une sympathie ardente les efforts désespérés des peuples vers la justice éternelle.

1576. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Molière »

Vous avez vu de ces beautés vraies et naturelles qui éclatent et se font jour du milieu de la misère, de l’air malsain, de la vie chétive ; vous avez, bien que rarement, rencontré de ces admirables filles du peuple, qui vous apparaissent formées et éclairées on ne sait d’où, avec une haute perfection de l’ensemble, et dont l’ongle même est élégant : elles empêchent de périr l’idée de cette noble race humaine, image des Dieux. […] Il est à remarquer aussi combien ces quatre ou cinq esprits étaient de pure bourgeoisie et du peuple : Chapelle, fils d’un riche magistrat, mais fils bâtard ; Bernier, enfant pauvre, associé par charité à l’éducation de Chapelle ; Hesnault, fils d’un boulanger de Paris ; Poquelin, fils d’un tapissier ; et Gassendi leur maître, non pas un gentilhomme, comme on l’a dit de Descartes, mais fils de simples villageois. […] C’est par là que Molière, illustrant ses écrits, Peut-être de son art eût remporté le prix, Si, moins ami du peuple en ses doctes peintures, Il n’eût pas fait souvent grimacer ses figures, Quitté pour le bouffon l’agréable et le fin, Et sans honte à Térence allié Tabarin : Dans ce sac ridicule où Scapin l’enveloppe, Je ne reconnois plus l’auteur du Misanthrope. […] Une marque souveraine du génie dramatique fortement caractérisé, c’est, selon moi, la fécondité de production, c’est le maniement de tout un monde qu’on évoque autour de soi et qu’on peuple sans relâche. […] On voit, après sa mort, De Visé, dans une lettre à Grimarest, contester le monsieur à Molière ; et à son convoi, une femme du peuple à qui l’on demandait quel était ce mort qu’on enterrait : « Eh !

1577. (1889) Ægri somnia : pensées et caractères

* Je ne puis trop admirer la simplicité du peuple criant de la même voix : Vive la République ! […] C’est sa chose, et pour comble, elle a persuadé au peuple que c’est la sienne. […] Peuples de la terre, chantez ! […] C’est pour cela que, parmi les politiques, le crédit est surtout aux économistes, et, parmi les économistes, à ceux qui ouvrent aux peuples les plus belles perspectives. […] Avec l’ordre sans la liberté on a vu des nations florir et durer des siècles ; avec la liberté sans l’ordre, où est le peuple qui ait eu un lendemain ?

1578. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre IV. L’âge moderne. — Chapitre I. Les idées et les œuvres. » pp. 234-333

Le flot montant de la civilisation soulève la masse du peuple jusqu’aux rudiments de l’éducation, et la masse de la bourgeoisie jusqu’à l’éducation complète. […] Béranger, qui se croyait ou se disait le poëte du peuple, en a fait autant. […] Le baron de Bradwardine, Dominie Sampson, Meg Merrilies, l’Antiquaire, Ochiltree, Jeanne Deans et son père, aubergistes, marchands, commères, tout un peuple. […] Miss Austen, miss Brontë, mistress Gaskell, mistress Eliot, Bulwer, Thackeray, Dickens et tant d’autres peignent surtout ou peignent uniquement, comme lui, la vie contemporaine, telle qu’elle est, sans embellissements, à tous les étages, souvent dans le peuple, plus souvent encore dans la classe moyenne. […] J’ai oublié de dire qu’à dix-huit ans il avait épousé une jeune fille du peuple, qu’ils s’étaient séparés, qu’elle s’était tuée, qu’il avait miné sa santé à force d’exaltations et d’angoisses1231, et que jusqu’à la fin de sa vie il fut nerveux ou malade.

1579. (1868) Curiosités esthétiques « V. Salon de 1859 » pp. 245-358

D’autres peuples, plus favorisés, sentent tout de suite, tout à la fois, synthétiquement. […] Quelque écrivain démocrate a dû voir là le moyen, à bon marché, de répandre dans le peuple le goût de l’histoire et de la peinture, commettant ainsi un double sacrilège et insultant à la fois la divine peinture et l’art sublime du comédien. […] moins ingrats que les peuples d’Ausonie, les sauvages habitants des bords de l’Ister se souviennent encore de l’Orphée qui parut dans leurs forêts ! […] Nous devinons Rome derrière cette muraille, et nous entendons les cris de ce peuple stupide et délivré, à la fois ingrat envers la victime et envers l’assassin : « Faisons Brutus César !  […] Il est juste de dire que le moment n’était pas très-bien choisi, et qu’il aurait dû ajouter que tous les peuples étalent naïvement le même défaut sur leurs théâtres et dans leurs musées.

1580. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Le cardinal de Bernis. (Fin.) » pp. 44-66

Lui qui devait si bien s’acclimater à Rome, en épouser les habitudes, en ressentir et en rehausser encore la noble hospitalité, il fut sévère d’abord jusqu’à l’injustice pour ses collègues les princes de l’Église, et pour le peuple romain en général. […] Tant d’équipages, de livrées, une table somptueuse ; le concours des grands, les hommages du peuple ; une politique qui a mis plus d’une fois la leur en défaut ; une politesse aisée qui toujours est à tout et s’étend à tout le monde, donnent au cardinal de Bernis un crédit, un ascendant, que ses grands talents soutiennent d’une manière imposante.

1581. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Sénac de Meilhan. — II. (Fin.) » pp. 109-130

Les anciens peuples ont commencé par la pauvreté et l’égalité ; la gloire les a enivrés, menés aux richesses et au pouvoir absolu. […] Lorsque le peuple, quinze ans après, s’empara de la Bastille, on n’y trouva que quatre ou cinq prisonniers : « L’un d’eux était fou, et les autres avaient commis des crimes avérés. » C’est cependant sous ce règne « à jamais remarquable par l’indulgence » qu’on s’est élevé contre l’autorité avec une violence sans bornes, qui a fini par tout niveler.

1582. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « La marquise de Créqui — II » pp. 454-475

Mais ce qu’on sait moins, ce qu’un observateur moraliste peut seul avoir saisi sur le fait et nous rendre ensuite comme il l’a senti, c’est quel était au moment même et quelques heures après, dans cette même soirée, l’effet de cette scène déplorable sur ce qu’on appelait la bonne compagnie, qui n’est bien souvent qu’une autre espèce de peuple. […] Examinant la nature des différents gouvernements et le dédain que professent les républicains pour celui d’Angleterre, le président de Longueil remarque que le gouvernement romain et celui des Anglais sont les seuls qui aient dû leurs succès et leur grandeur à leur constitution, tandis que les autres ont dû leur plus grande prospérité à ceux qui en ont tenu les rênes : Mais l’art d’attacher les hommes au régime qui les gouverne, et de le renforcer par leurs efforts, quoique souvent en sens contraire en apparence, n’a été le partage que de ces deux peuples.

1583. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Le maréchal de Villars — III » pp. 81-102

Au milieu de la rigueur nécessaire, il s’y montre assez humain, bon politique, observateur éclairé et curieux des cerveaux en délire, nullement présomptueux : « Quand on a, dit-il, à ramener un peuple qui a la tête renversée, on ne peut répondre de rien que tout ne soit consommé. » Témoin des phénomènes physiologiques les plus bizarres, des tremblements convulsifs des prophètes et prophétesses, il est un de ceux dont la science invoquera un jour le témoignage : J’ai vu dans ce genre des choses que je n’aurais jamais crues si elles ne s’étaient passées sous mes yeux : une ville entière, dont toutes les femmes et les filles, sans exception, paraissaient possédées du diable. […] Cela m’a fait penser, ajoutait Villars, que la mort la plus prompte à ces gens-là est toujours la plus convenable ; qu’il est surtout convenable de ne pas donner à un peuple gâté le spectacle d’un prêtre qui crie, et d’un patient qui le méprise ; et qu’il faut surtout faire porter leur sentence plutôt sur leur opiniâtreté dans la révolte que dans la religion.

1584. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Souvenirs militaires et intimes du général vicomte de Pelleport, publiés par son fils. » pp. 324-345

Par la manière dont il traite en Égypte les vieillards et les chefs de la loi, les notables habitants et le peuple, Bonaparte prélude à ce qu’il fera bientôt en France à l’égard de la religion et des croyances nationales. […] Après avoir reçu d’un épicier un verre d’eau, des gens du peuple (ils étaient restés Français), Parisiens du faubourg, enfoncèrent les portes d’un hôtel, m’introduisirent dans les salons de MM. 

1585. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Horace Vernet (suite.) »

Il avait peur avant tout de paraître penser comme le peuple et d’être pris pour un simple passant. […] Et remarquez comme, sans théorie aucune et par un pur sentiment de vérité, il pense au peuple de l’armée, à toutes les classes de héros.

1586. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Madame Roland, ses lettres à Buzot. Ses Mémoires. »

Je connais et j’ai présentes en ce moment à la pensée un certain nombre de femmes instruites, méritantes, éprouvées, natures vaillantes et probes, qui, sorties du peuple ou presque du peuple, ont conquis l’éducation, les lettres, les sciences, les arts même, — quelques-unes la poésie ; — qui pensent et s’expriment avec fermeté, avec nombre et non sans grâce ; qui comptent dans leur intérieur à tous les titres ; qui doublent et affermissent l’intelligence du frère ou de l’époux, le secondent dans sa carrière, l’aident modestement dans ses travaux, et, à défaut d’une certaine fleur peut-être, font goûter les fruits les plus sûrs et ce qu’il y a de meilleur dans le trésor domestique.

1587. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Victor Hugo — Victor Hugo en 1831 »

Si parfois de mon sein s’envolent mes pensées, Mes chansons par le monde en lambeaux dispersées ; S’il me plaît de cacher l’amour et la douleur Dans le coin d’un roman ironique et railleur ; Si j’ébranle la scène avec ma fantaisie, Si j’entre-choque aux yeux d’une foule choisie D’autres hommes comme eux, vivant tous à la fois De mon souffle, et parlant au peuple avec ma voix ; Si ma tête, fournaise où mon esprit s’allume, Jette le vers d’airain, qui bouillonne et qui fume, Dans le rhythme profond, moule mystérieux, D’où sort la Strophe, ouvrant ses ailes dans les cieux ; C’est que l’amour, la tombe, et la gloire, et la vie, L’onde qui fuit, par l’onde incessamment suivie, Tout souffle, tout rayon, ou propice ou fatal, Fait reluire et vibrer mon âme de cristal, Mon âme aux mille voix, que le Dieu que j’adore Mit au centre de tout comme un écho sonore ! […] Il a compris l’enseignement manifeste de la Providence, l’aveuglement incorrigible des vieilles races, et il s’est dit qu’à l’ère expirante des dynasties succédait l’ère définitive des peuples et des grands hommes.

1588. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « LES JOURNAUX CHEZ LES ROMAINS PAR M. JOSEPH-VICTOR LE CLERC. » pp. 442-469

Ailleurs192, il lui arrive de parler de la candeur des récits consignés dans les Annales pontificales, avant les luttes passionnées du sénat et du peuple ; il m’est impossible vraiment, en songeant à toutes les fables qu’y affichaient les pontifes, et qui entraient dans l’intérêt aussi de leur politique, de me figurer de quelle candeur particulière il s’agit, si ce n’est que ces Annales étaient tracées sur une table blanchie, in albo. […] Les journaux, dès l’année 626 environ, y auraient suppléé et auraient rendu compte des affaires publiques, des édits, des procès scandaleux, des orages, pluies de sang et autres phénomènes atmosphériques, etc. ; les actes de l’assemblée du peuple, selon la conjecture très-avenante de M.

1589. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « HISTOIRE DE LA ROYAUTÉ considérée DANS SES ORIGINES JUSQU’AU XIe SIÈCLE PAR M. LE COMTE A. DE SAINT-PRIEST. 1842. » pp. 1-30

Ce qui est bien certain, c’est qu’il faut aux peuples une histoire, comme il leur faut une religion. […] J’ai sous les yeux deux chansons des rues, en tête desquelles Napoléon sur sa colonne est mis en regard (j’en demande bien pardon) de la plus adorable et de la plus ineffable image de la mansuétude divine et humaine, et, dans le parallèle que déduit au long la complainte bien plutôt niaise que sacrilège, il est dit sérieusement : Napoléon aimait la guerre, Et son peuple comme Jésus !

1590. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « M. DE BARANTE. » pp. 31-61

On lut avec émotion, on connut pour la première fois dans son entière sincérité cet épisode unique, cette première Vendée restée la plus grande et la seule vraiment naïve ; on salua, on suivit avec enthousiasme et avec larmes ces jeunes et soudaines figures d’une Iliade toute voisine et retrouvée à deux pas dans les buissons et derrière les haies de notre France ; ces défis, ces stratagèmes primitifs, ces victoires antiques par des moyens simples ; puis ces malheurs, ce lamentable passage de la Loire, ce désastre du Mans, cette destruction errante d’une armée et de tout un peuple. […] Que le Charles XII d’alors se précipite fatalement par ses fautes, que Louis XI s’éteigne à petit feu dans ses hypocrites intrigues, l’historien saura faire entendre le jugement des peuples sur leur tombe.

1591. (1869) Cours familier de littérature. XXVII « CLXIe Entretien. Chateaubriand »

Ils étaient parents des grands proscrits du Sylla du peuple, entre autres de M. de Malesherbes qu’il rappela trop souvent pour un bon chrétien, car Malesherbes était le Socrate des philosophes. […] Vous avez ce bonheur, que les trois quarts de la France et de l’Europe vous devancent dans la voie des expiations et qu’un héros vous précède ; vous ne pouvez douter que Bonaparte ne veuille s’allier à la religion tôt ou tard, pour rendre au peuple l’obéissance et pour mettre sous la sanction du Dieu des armées l’autorité dont il s’empare.

1592. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre IV. Les tempéraments et les idées (suite) — Chapitre IV. Le patriarche de Ferney »

Il méprisait les hommes en masse, le peuple, et il a eu des phrases révoltantes sur ce bétail humain que les propriétaires, les rois, doivent engraisser dans leur propre intérêt : il n’estimait pas l’humanité capable de faire elle-même son bien ; il ne croyait qu’aux réformes venues d’en haut, et le despote bienfaisant était son idéal. […] Mais la bourgeoisie dans l’ensemble est restée voltairienne, et le peuple l’est devenu.

1593. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre IX. La littérature et le droit » pp. 231-249

Quelques obstinés ont rappelé le droit qu’ont les peuples de disposer librement d’eux-mêmes. […] Combien de fois Taine n’a-t-il pas écrit que la forme sociale dans laquelle un peuple peut entrer et durer ne dépend pas de sa volonté, mais lui est imposée par son caractère et son passé.

1594. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Huet, évêque d’Avranches, par M. Christian Bartholmèss. (1850.) » pp. 163-186

Et pourtant l’évêque d’Avranches a encore du renom dans son pays de Basse-Normandie ; il en a jusque parmi le peuple, parmi les paysans ; son souvenir a fait dicton et proverbe. […] On sait que lorsque Huet fut nommé à l’évêché d’Avranches, et pendant les huit ou neuf années qu’il remplit les fonctions épiscopales si peu d’accord avec son amour opiniâtre pour l’étude, il passait bien des heures dans son cabinet, et quand on venait le demander pour affaire, on répondait : Monseigneur étudie, ce qui faisait dire aux gens d’Avranches, pleins d’ailleurs de respect pour lui : « Nous prierons le roi de nous donner un évêque qui ait fini ses études. » C’est cette idée de savant toujours absorbé et rêveur, tel qu’on se le figure communément, qui se sera répandue dans le peuple et qui aura donné lieu à ce dicton : T’es tout évêque d’Avranches.

1595. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Gil Blas, par Lesage. (Collection Lefèvre.) » pp. 353-375

Voici de lui un mot que cite Spence et qui rentre bien dans la philosophie de Gil Blas : quelqu’un faisait de grands récits des doléances qu’on entend perpétuellement en Angleterre, en dépit de tous les droits et des avantages dont on jouit : « Certainement, dit Lesage, le peuple anglais est le plus malheureux peuple de la terre, avec la liberté, la propriété, et trois repas par jour. » 21.

1596. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « L’abbé Galiani. » pp. 421-442

Le peuple cependant ne faisait là que traduire le raisonnement des plus fins ; il le traduisait grossièrement, selon l’ordinaire des traducteurs, mais sans trop de contresens. […] Galiani avait pris à dessein cette forme du dialogue, comme plus française : « Cela est naturel, disait-il ; le langage du peuple le plus social de l’univers, le langage d’une nation qui parle plus qu’elle ne pense, d’une nation qui a besoin de parler pour penser, et qui ne pense que pour parler, doit être le langage le plus dialoguant. » Quant au fond, en combattant les idées absolues et les raisonnements des économistes, Galiani visait à faire entrevoir les idées politiques qui doivent régir et dominer même ces matières.

1597. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « L’abbé Maury. Essai sur l’éloquence de la chaire. (Collection Lefèvre.) » pp. 263-286

Avec le peuple, avec la populace du dehors qui, une fois qu’elle l’eut bien connu, le menaçait encore moins qu’elle ne l’agaçait et le provoquait, l’abbé Maury avait le propos également gai, gaillard et même poissard. […] » Le peuple, à ces saillies, applaudissait, et l’abbé Maury obtenait la vogue d’un acteur qui est bien dans son rôle.

1598. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Rollin. » pp. 261-282

L’Université, ce corps singulier composé de tant de fondations et de collèges distincts, et où le peuple latin se divisait par nations et par tribus, cette confédération aussi compliquée au sein de Paris que pouvait l’être la Confédération helvétique, avait alors un grand travail à faire sur elle-même pour se mettre en accord avec la société française et avec les lumières qui s’y répandaient de toutes parts. […] Avec l’abbé d’Asfeld, il causait surtout de l’Écriture, des grands desseins de Dieu sur les peuples et de l’explication des prophéties ; avec le maréchal, il parlait des sièges, des batailles, et se faisait expliquer les détails militaires, pour s’épargner, disait-il ingénument, les bévues grossières et les méprises.

1599. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Volney. Étude sur sa vie et sur ses œuvres, par M. Eugène Berger. 1852. — I. » pp. 389-410

L’année suivante (1788), il publia un écrit de circonstance, des Considérations sur la guerre des Turcs, dans lesquelles il parlait de ces peuples d’Orient en connaissance de cause et ne se montrait point défavorable aux projets de Catherine ; il exposait les chances probables de la guerre comme étant tout à l’avantage de la Russie. […] C. sur la chronologie de différents peuples anciens », laquelle est de Volney ; il y donna sommairement les résultats de plusieurs années d’études.

1600. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Vien » pp. 74-89

Un catéchisme d’autant plus utile aux peuples qu’on n’avoit guères que ce moyen de tenir présentes à leurs esprits et à leurs yeux, et de graver dans leur mémoire, les actions des dieux, la théologie du tems. […] S’il étoit permis d’appliquer ici l’idée de l’abbé Galliani que l’histoire moderne n’est que l’histoire ancienne sous d’autres noms, je vous dirois que ces bas-reliefs si purs, si corrects, n’étoient que des copies de mauvais bas-reliefs anciens dont on avoit gardé toute la platitude, pour leur conserver la vénération des peuples.

1601. (1920) Action, n° 4, juillet 1920, Extraits

Je le désarmais en lui choisissant, au lieu d’une mère, une maîtresse au sein de ce peuple élu dont le sang l’eut contaminé, mais dont le contact charnel le révoltait beaucoup moinss. […] S’il saisit l’idée russe, il comprendra les erreurs de notre peuple.

1602. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Philarète Chasles » pp. 147-177

IV Psychologie sociale des nouveaux peuples [IV-VII]. […] Ce que j’y ai trouvé, c’est un fantaisiste américanisé comme un cheval est hongre, un utilitaire besoigneux, qui ne s’occupe plus de la question du beau en littérature, mais de l’éducation des peuples, de l’amélioration des races, de la réconciliation générale de ces ennemis qui, jusqu’à cette heure, ont composé le genre humain.

1603. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « III — La rentrée dans l’ordre »

Il écrit la Rome nouvelle, où il prêche l’alliance du pape et de la démocratie, le salut des peuples modernes dans un retour à l’évangélisme primitif, à la religion des humbles, élargie et devenue la religion nouvelle. […] Comment faire surgir la nouvelle croyance dont les peuples sont assoiffés ?

1604. (1889) La bataille littéraire. Première série (1875-1878) pp. -312

L’homme du peuple se détacha du groupe et vint à ce passant : — Tu ne sais pas, dit-il, Michel Berthier ? […] En v’là-t-il du peuple ! […] Le malheur extrême et immérité la sanctifiait en quelque sorte aux yeux de ce peuple si admirable par la délicatesse et la sûreté de ses instincts. […] Mérimée savait que le monde parisien, comme le peuple athénien, n’aime pas à être attristé et que l’idée de la mort lui déplaît fort. […] Il y a dans l’Insecte tout un peuple de scarabées, de mouches, de fourmis, d’abeilles, de rares coléoptères, de papillons et de fleurs.

1605. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Études sur Blaise Pascal par M. A. Vinet. »

Son livre, en un mot, s’il l’avait exécuté comme il l’avait conçu, n’aurait pas été seulement destiné aux moralistes et aux penseurs ; il aurait eu pour objet d’acheminer et d’entraîner tout un peuple moins relevé de lecteurs par l’attrait, par le mouvement graduel et l’émotion presque dramatique d’une marche savamment concertée.

1606. (1874) Premiers lundis. Tome I « Walter Scott : Vie de Napoléon Bonaparte — II »

A propos de l’enlèvement des tableaux et des statues, contre lequel il se déchaîne avec plus d’emportement qu’il ne sied au compatriote et à l’ami de lord Elgin, « Il est certain, dit-il, que les  Français ne ressemblaient nullement à ces peuples dont le génie créa les premiers chefs-d’œuvre de l’art ; au contraire, le prototype classique de Bonaparte dans cette circonstance fut ce Mummius, consul romain qui dépouilla violemment la Grèce de ses trésors, dont lui-même et ses compatriotes étaient incapables d’apprécier le véritable mérite. » Cette mauvaise humeur de l’historien se mêle même aux éloges que lui arrache une admiration involontaire.

1607. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre IX. De l’esprit général de la littérature chez les modernes » pp. 215-227

Chez les anciens peuples du Nord, des leçons de prudence et d’habileté, des maximes qui commandaient un empire surnaturel sur sa propre douleur, étaient placées parmi les préceptes de la vertu.

1608. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section III. Des ressources qu’on trouve en soi. — Chapitre IV. De la bienfaisance. »

La bonté est la vertu primitive, elle existe par un mouvement spontané ; et comme elle seule est véritablement nécessaire au bonheur général, elle seule est gravée dans le cœur ; tandis que les devoirs qu’elle n’inspire pas, sont consignés dans des codes, que la diversité des pays et des circonstances peut modifier ou présenter trop tard à la connaissance des peuples.

1609. (1897) La crise littéraire et le naturisme (article de La Plume) pp. 206-208

Croit-on donc qu’une pareille invasion compte pour peu de chose dans l’histoire intellectuelle d’un peuple ?

1610. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — V — Vielé-Griffin, Francis (1864-1937) »

La plupart des sentiments dont il a reçu l’héritage sont trop universels encore pour qu’il puisse les dire selon les saintes règles d’une prosodie que des siècles ont formée et dans laquelle, poème à poème, s’est révélée toute l’âme d’un peuple dans sa précision victorieuse.

1611. (1920) La mêlée symboliste. I. 1870-1890 « Le lyrisme français au lendemain de la guerre de 1870 » pp. 1-13

Même quand vous en semblerez le plus éloignés, vous ne perdrez jamais de vue le grand but : venger la France par la fraternité des peuples, défaire les empires, faire l’Europe.

1612. (1897) Manifeste naturiste (Le Figaro) pp. 4-5

De pareilles catastrophes recréent un peuple.

1613. (1765) Essais sur la peinture pour faire suite au salon de 1765 « Tout ce que j’ai compris de ma vie du clair-obscur » pp. 26-33

Ces tours de l’art ont été fréquents dans tous les temps et chez tous les peuples.

1614. (1765) Essais sur la peinture pour faire suite au salon de 1765 « Mon mot sur l’architecture » pp. 70-76

Citez-moi un peuple qui ait eu des statues et des tableaux, des peintres et des sculpteurs sans palais ni temples, ou avec des temples d’où la nature du culte ait banni la toile coloriée et la pierre sculptée.

1615. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — Deuxième cours des études d’une Université » pp. 489-494

Malgré les maux infinis que les opinions religieuses ont faits à l’humanité, malgré les inconvénients d’un système qui met la confiance des peuples entre les mains du prêtre, toujours rival dangereux du souverain, qui donne un supérieur au chef de la société et qui institue des lois plus respectables et plus saintes que les siennes ; elle est persuadée que la somme des petits biens journaliers que la croyance produit dans tous les États compense la somme des maux occasionnés entre les citoyens par les sectes et entre les nations par l’intolérance, espèce de fureur maniaque à laquelle il n’y a point de remède81.

1616. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Satire contre le luxe, à la manière de Perse » pp. 122-126

Y reste celui qui peut voir avec patience un peuple qui se prétend civilisé, et le plus civilisé de la terre, mettre à l’encan l’exercice des fonctions civiles ; mon cœur se gonfle, et un jour de ma vie, non, un jour de ma vie, je ne le passe pas sans charger d’imprécations celui qui rendit les charges vénales.

1617. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 23, que la voïe de discussion n’est pas aussi bonne pour connoître le mérite des poëmes et des tableaux, que celle du sentiment » pp. 341-353

On voit par les livres du Boccalin, qu’il sçavoit tout ce que les anciens et les modernes ont écrit de plus ingénieux sur le grand art de gouverner les peuples.

1618. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 1, idée generale de la musique des anciens et des arts musicaux subordonnez à cette science » pp. 6-19

Il est certain que depuis le regne d’Auguste jusques au renversement total de l’empire d’occident, les representations des pantomimes firent le plaisir le plus cher au peuple romain.

1619. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 14, de la danse ou de la saltation théatrale. Comment l’acteur qui faisoit les gestes pouvoit s’accorder avec l’acteur qui récitoit, de la danse des choeurs » pp. 234-247

Ce qui est de certain, c’est que le peuple voïoit bien quand on y manquoit.

1620. (1897) L’empirisme rationaliste de Taine et les sciences morales

Au moment précis où un peuple entreprend de se refaire un système d’idées, il peut bien, dans une crise d’enthousiasme et de confiance juvénile, croire que la tâche est aisée ; mais il ne tarde pas à en éprouver toutes les difficultés, et les illusions qu’il peut avoir eues ne font que rendre son désenchantement plus amer.

1621. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Gabrille d’Estrées et Henri IV »

Très concluant et supérieur de bon sens en tout ce qui touche à la politique de Henri IV, aux difficultés de son temps, aux luttes des partis et aux impossibilités d’une situation connue et fréquente dans l’histoire et qui doit toujours y amener les mêmes catastrophes, il ne l’est plus au même degré en tout ce qui touche aux passions de ce premier roi Bourbon, qui introduisit la bâtardise dans la maison royale de France et qui abaissa la notion sainte de la famille aux yeux de son peuple.

1622. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Hebel »

Ils goûteront aussi au houblon de Hebel, qui est moins amer… En effet, quoique resté très vrai, très naïf, très peuple d’inspiration, ou pour mieux dire très paysan, Hebel est parfois ingénieux comme un lettré qu’il est, tandis que Burns est fruste comme la nature dont il est le fils, comme la branche de houx qu’il attache, le dimanche, à son bonnet bleu.

1623. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Leopardi »

Vernier nomme plusieurs, essaya de lui composer une petite gloire posthume ; mais cet élégiaque artificiel, au désespoir mollasse et terne, répugnait à ce peuple italien, amoureux de concetti et de mots sonores.

1624. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Belmontet »

malgré les lâches déclamations de la philosophie et tous les congrès de la paix, inventions de peuples amollis, les batailles, ces hécatombes de cœurs sacrifiés au devoir ou à la patrie, continueront d’être les plus grands événements qu’il y ait pour l’homme ici-bas.

1625. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXV. De Paul Jove, et de ses éloges. »

Si vous portez vos regards plus loin, vous trouverez en Hongrie ce fameux Jean Hunniade qui combattit les Turcs, et simple général d’un peuple libre, fut plus absolu que vingt rois ; et ce Mathias Corvin son fils, le seul exemple peut-être d’un grand homme fils d’un grand homme ; en Épire, Scanderberg, grand prince dans un petit État ; et parmi les Orientaux, ce Saladin, aussi poli que fier, ennemi généreux et conquérant humain ; Tamerlan, un de ces Tartares qui ont bouleversé le monde ; Bajazet qui commença comme Alexandre, et finit comme Darius : d’abord le plus terrible des hommes, et ensuite le plus malheureux ; Amurat II, le seul prince turc qui ait été philosophe, qui abdiqua deux fois le trône, et y remonta deux fois pour vaincre ; Mahomet II, qui conquit avec tant de rapidité, et récompensa les arts avec tant de magnificence ; Sélim, qui subjugua l’Égypte et détruisit cette aristocratie guerrière établie depuis trois cents ans aux bords du Nil, par des soldats tartares ; Soliman, vainqueur de l’Euphrate au Danube, qui prit Babylone et assiégea Vienne ; le fameux Barberousse Chérédin, son amiral, qui de pirate devint roi ; et cet Ismaël Sophi, qui au commencement du seizième siècle, prêcha les armes à la main, et en dogmatisant conquit la Perse, comme Mahomet avait conquis l’Arabie.

1626. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre IV. Que la critique doit être écrite avec zèle, et par des hommes de talent » pp. 136-215

Lovelace est le type odieux et blafard des plus malhonnêtes gens qui aient déshonoré le caractère du peuple anglais. — Les uns et les autres, de Lovelace à Brummel, ils ne se doutent pas qu’ils ont pour aïeul… Don Juan ! […] Sganarelle, c’est l’enfant du peuple, homme timoré et de bon sens, croyant et crédule, honnête dans le fond, quelque peu fourbe dans la forme, qui pour gagner sa vie, beaucoup par curiosité, et un peu parce que le spectacle et le langage du vice lui plaisent et l’amusent, suit son seigneur et maître dans ce hardi et merveilleux sentier d’esprit, d’orgies, de doute, de libertinage et de débauche. […] Si pourtant Molière, le poète ami du peuple, n’eût pas tenu si fort à nous montrer dans cet appareil funèbre, la statue absurde et sublime, elle pouvait rester fort paisiblement à cheval sur son tombeau ! […] nous avons effacé, de nos annales et de nos remords ce jour de malédiction et de misère, ce jour de notre honte éternelle, ce jour où le triomphe fut un crime, où le supplice fut suivi d’une récompense éternelle, le deuil honteux, le deuil des nations libres et des peuples intelligents, le deuil abominable du 24 janvier ! […] Il lui reproche d’avoir dévoré le peuple et d’avoir bu ses sueurs. : « Un million de soldats ont versé leur sang pour payer vos lauriers, un million de paysans sont morts à la peine pour vous bâtir Versailles. » Il lui reproche ses peintres, ses poètes, ses prêtres, ses architectes ; il finit par lui prédire très clairement la révocation de l’Édit de Nantes, et le règne de madame de Maintenon.

1627. (1891) Impressions de théâtre. Cinquième série

… Il semble, en ce moment, que nous soyons sensiblement en avance sur les autres peuples de l’Europe. […] Mais l’avance qu’a pu prendre un peuple dans la voie du progrès humain ne se mesure pas nécessairement à sa prospérité. […] Il était naturel que ce poète septentrional réussît surtout chez les peuples de race saxonne et germanique. […] Mon Mounet-Sully de Gaulois refuse toujours plus énergiquement ; sa dignité ne lui permet d’accepter la liberté que du peuple romain. Car le peuple a le droit d’affranchir, au cirque, les esclaves vainqueurs.

1628. (1911) La morale de l’ironie « Chapitre II. Le rôle de la morale » pp. 28-80

Sans doute même ils se remplacent dans un ordre variable, disparaissant et revenant à plusieurs reprises, selon les peuples et selon les individus. […] L’autorité acceptée, cette identification avec autrui spontanée et partielle, que ce soit celle d’un individu, celle d’un peuple ou d’une secte, le conformisme, toutes les idées, tous les sentiments, tous les actes qui se rattachent à ces manières d’être et d’agir, sont des faits éminemment sociaux, des forces organisatrices de la vie en commun. […] Un roi qui ne peut plus se faire obéir par son armée et se faire respecter par son peuple n’a plus qu’à s’en aller.

1629. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 mars 1886. »

A première vue, en effet, il paraît indigne d’un grand peuple de garder rancune à un mort pour une blessure d’amour-propre faite dans un moment mai choisi pour la vengeance. […] Il y a, dans le grand monde, dans la bourgeoisie et dans le peuple, des femmes de France qui sont légion et qui éprouvent le patriotisme comme moi. […] « Il y a, dit Mme Adam, il y a dans le grand monde, dans la bourgeoisie et dans le peuple, des femmes de France qui sont légion et éprouvent le patriotisme comme moi. » Puisque ces femmes sont une légion, il en est, parmi elles, qui sont aptes à enfanter ; eh bien !

1630. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre deuxième. L’émotion, dans son rapport à l’appétit et au mouvement — Chapitre quatrième. Les émotions proprement dites. L’appétit comme origine des émotions et de leurs signes expressifs. »

Le cri d’alarme qui sort de votre bouche est la traduction pour l’oreille de l’alarme qui s’est produite non seulement dans votre cerveau, mais jusque dans les moindres particules de votre organisme : c’est le cri d’un peuple entier qui se sent menacé dans sa vie. […] Ces deux directions de l’expression chez les peuples divers, l’une centrifuge et l’autre centripète, confirment ce que nous avons dit des deux directions fondamentales de l’activité humaine, qui se combinent de mille manières dans les sentiments ou les passions : facilité et effort, expansion et contraction. […] Beaucoup de peuples slaves ne regardent pas volontiers en face et ont une mimique très fausse.

1631. (1896) Les origines du romantisme : étude critique sur la période révolutionnaire pp. 577-607

C’était le temps où il était permis à tous d’aspirer à tout, d’espérer tout ; des petits avocats, des boutiquiers, des artisans, des palefreniers se révélaient généraux d’armée, législateurs et dictateurs de peuples. […] Elle se consacra à Jésus, l’amant divin, le cœur ravagé par une passion criminelle : la mère d’Atala, alors qu’elle sentait remuer dans son sein l’enfant de Lopez, de l’Espagnol, de l’ennemi de sa race, épousa « le magnanime Sinaghan, tout semblable à un roi et honoré des peuples, comme un génie ». […] Dumas appelle le capital de la jeune fille. — Les théories ont parfois de curieuses vicissitudes : un pasteur écossais, Malthus, invente une prétendue loi de population et aussitôt des sociétés de bourgeois honnêtes et modérés se fondent pour propager dans le peuple anglais l’art de ne pas procréer des enfants ; elles échouent ; en France, on assourdit le public de déclamations morales contre le malthusianisme et on le pratique au point d’inquiéter les statisticiens.

1632. (1836) Portraits littéraires. Tome II pp. 1-523

Les Souvenirs du peuple, de Bérenger, étaient assurément un bel exemple à suivre. […] On est tenté de s’écrier avec Bossuet : Et maintenant instruisez-vous, vous qui gouvernez les peuples. […] Je suis fort d’avis qu’il est très inutile, pour inventer un poème dramatique fondé sur une époque donnée de l’histoire d’un peuple, de posséder une formule générale et précise qui exprime le développement total de ce peuple ; ces sortes d’études pouvaient convenir à Bossuet, à Vico, à Herder, et, de nos jours, séduisent encore quelques esprits graves et solitaires comme Schelling ou Ballanche. […] Sous le ciel même de l’Attique, chez ce peuple bavard et médisant, qui reconnaissait l’accent d’une marchande de figues et s’arrêtait pour la railler, Sophocle avait relégué l’ode dans la strophe et l’antistrophe des chœurs. […] Après lui, les peuples seront plongés dans les ténèbres et la confusion ; c’est pourquoi la discussion de sa conduite n’est rien moins qu’une impiété.

1633. (1915) Les idées et les hommes. Deuxième série pp. -341

Nous nous sommes complu à nous figurer que nous étions, dans l’histoire, le peuple martyr et que nous avions notre grandeur à bien subir notre passion. […] André Rivoire était né « chez un peuple où les fiançailles ne sont pas entrées dans les mœurs et où, préliminaires abrégés d’un engagement téméraire, à la fois tardif et précipité, elles n’accomplissent pas leur naturel bienfait ». […] Et avouons que le folklore est périlleux : le peuple n’y travaille pas beaucoup ; le folkloriste, énormément. […] Son récit n’est pas ennuyeux : « À deux heures (le 22 février), on vient me chercher pour me dire que Toto harangue le peuple… » Toto, c’est le poète. […] Alors, Victor Hugo la blâmait, sans doute : mais il la sentait « peuple » et goûtait bien cet agrément d’une verte nature.

1634. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Eugène Gandar »

Olympie, c’est l’unité de la Grèce, c’est la fraternité des peuples consacrée par des jeux et des prières solennelles, c’est la concorde succédant, quand son heure est venue, aux guerres intestines, et faisant tomber des mains de quelques-uns, au nom de la patrie commune, des armes fratricides. […] Des merveilles d’Olympie il reste bien peu de traces ; les alluvions du Gladée et de l’Alphée ont couvert sous vingt pieds de terre l’hippodrome, le bois sacré de l’Altis, les sculptures d’Alcamène dont Pausanias a parlé ; c’est à peine si les architectes de la Commission de Morée ont découvert par leurs fouilles la base de quelques colonnes, seul reste de ce majestueux temple de Jupiter, plus grand et plus vénéré que le Parthénon : et cependant aucun lieu ne répond plus fidèlement à l’idée qui s’attache à son nom ; aucun paysage n’est plus harmonieux dans ses lignes, plus doux aux regards ; ces plaines fécondes, ces eaux paisibles, ces collines verdoyantes écartent l’idée de la souffrance, de la haine, du sang versé ; la joie et la paix y respirent ; c’est là que des peuples de frères doivent se réunir pour oublier leurs querelles et jurer de s’aimer toujours. » Il ne se peut de plus beau commentaire littéraire ; Gandar s’y complaisait et aurait eu peu à faire pour y exceller. […] J’avais dit d’abord, d’après une fausse indication, que, sous le contrecoup des émotions qui ébranlèrent dès lors la Ville éternelle, il était arrivé à Gandar de faire sa harangue au peuple romain. […] Dans aucun cas Gandar n’aurait pu s’adresser au peuple romain, ni parler en plein Corso : il ne savait pas assez d’italien pour cela.

1635. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — Chapitre IV. Addison. »

Pour pénétrer dans l’intérieur de cette civilisation et de ce peuple, il n’y a pas de meilleur moyen que de s’arrêter avec insistance sur Swift et sur Addison. […] Dès sa première jeunesse, il s’était joint au parti libéral, et jusqu’au bout il y demeura, espérant bien de la raison et de la vertu humaines, marquant les misères où tombent les peuples qui avec leur indépendance abandonnent leur dignité903. […] Bref, je regarde ma famille comme un État patriarcal où je suis, à la fois roi et prêtre… Quand je vois mon petit peuple devant moi, je me réjouis d’avoir fourni des accroissements à mon espèce, à mon pays, à ma religion, en produisant un tel nombre de créatures raisonnables, de citoyens et de chrétiens. […] Ce sont des lettres de toutes sortes de personnages, ecclésiastiques, gens du peuple, hommes du monde, qui chacun gardent leur style et déguisent le conseil sous l’apparence d’un petit roman.

1636. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre I. Le Roman. Dickens. »

. —  Les gens du peuple. […] Les pierres pour lui prennent une voix, les murs blancs s’allongent comme de grands fantômes, les puits noirs bâillent hideusement et mystérieusement dans les ténèbres ; des légions d’êtres étranges tourbillonnent en frissonnant dans la campagne fantastique ; la nature vide se peuple, la matière inerte s’agite. […] L’esprit pratique, comme l’esprit moral, est anglais ; à force de commercer, de travailler et de se gouverner, ce peuple a pris le goût et le talent des affaires ; c’est pourquoi ils nous regardent comme des enfants et des fous. […] Les gens du peuple sont comme des enfants, dépendants, peu cultivés, voisins de la nature et sujets à l’oppression.

1637. (1864) Cours familier de littérature. XVII « CIe entretien. Lettre à M. Sainte-Beuve (1re partie) » pp. 313-408

Sa situation était honorable et logique, deux mandats, l’un du peuple vainqueur, l’autre du roi vaincu, lui donnant une base inébranlable. […] Sans cela j’aurais certainement ramené la duchesse d’Orléans et son fils aux Tuileries ; je n’avais qu’à les indiquer, au peuple indécis ! […] Les dimanches d’été, le soir, vers les six heures, Quand le peuple empressé déserte ses demeures                  Et va s’ébattre aux champs, Ma persienne fermée, assis à ma fenêtre, Je regarde d’en haut passer et disparaître                  Joyeux bourgeois, marchands, Ouvriers en habits de fête, au cœur plein d’aise ; Un livre est entr’ouvert, près de moi, sur ma chaise :                  Je lis ou fais semblant ; Et les jaunes rayons que le couchant ramène, Plus jaunes ce soir-là que pendant la semaine,                  Teignent mon rideau blanc. […] D’une main je lançais un peuple, de l’autre main je découvrais ma poitrine et je réprimais une populace victorieuse et domptée, puis je retombais sans me plaindre dans l’humiliation de la misère ou dans le sang de mon échafaud ; le plus grand des bonheurs n’est-ce pas l’échafaud pour l’innocent ?

1638. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CVIIIe entretien. Balzac et ses œuvres (3e partie) » pp. 433-527

Ses ormoires (il prononçait ce mot à la manière du menu peuple) furent remplies par la nombreuse argenterie de son ménage. […] Le peuple se tuait à la porte des boulangers, tandis que certaines personnes allaient chercher sans émeute des pâtes d’Italie chez les épiciers. […] Rousseau, Chateaubriand dans Atala ou René, et, de nos jours, Mme Sand, se livrent, sous la forme de roman, au lyrisme le plus transcendant de leur génie, et, pour flatter tantôt l’aristocratie, tantôt la religion, tantôt la démocratie du temps, chantent depuis les licencieuses amours de la Nouvelle Héloïse ou depuis les ridicules systèmes d’éducation de l’Émile, éminemment propre à former un peuple de marquis, jusqu’aux rêveries grotesques et féroces d’un socialisme et d’un communisme qui nient la nature, et qui prétendent refaire le monde mieux que le Créateur. Admirables prosateurs, détestables philosophes, préparant, pour désaltérer le peuple, non de l’eau salubre, mais de l’opium ivre de rêves et de convulsions !

1639. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Discours prononcé à la société des visiteurs des pauvres. » pp. 230-304

Demolins et de moi-même, quelque chose d’irréductible s’oppose à ce que nous soyons jamais des Anglo-Saxons, quelque chose d’intime et de séculaire qui est heurté, bousculé, offensé par ce qu’on sent de brutal et d’insociable dans ces pétarades de l’individualisme et dans ces excessives énergies transatlantiques, — et enfin par l’impudeur de ces « flirts », la pudeur étant mieux comprise, malgré tout, par le vieux peuple corrompu que nous sommes. — Mais, tout cela, M.  […] Mais, de ces gens-là, il y en a évidemment dans toutes les classes de la société sans exception ; il y en a parmi le peuple et les ouvriers, comme parmi les gens du monde, et même parmi les littérateurs, les artistes, les esthètes et les socialistes. […] Le noble dessein d’affranchir et d’élever le peuple, d’établir le règne de la justice, de fonder la cité idéale, et de tuer la bourgeoisie, est presque toujours né dans des cervelles de bourgeois. […] C’est le peuple arrivé.

1640. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre dixième. Le style, comme moyen d’expression et instrument de sympathie. »

Les Grecs, ce peuple tout intellectualiste, ont trop considéré les figures de langage à un point de vue purement logique (synecdoche, métonymie, etc.) ; ils n’ont pas assez fait la psychologie du langage imagé. […] Où donc le vieux saint Paul, haranguant les Romains, Suspendant tout un peuple à ses haillons divins ? […]      Le chant monotone des officiants, Les réponses du peuple au prêtre, Quelquefois inarticulées, quelquefois tonnantes, L’harmonieux tressaillement des vitraux, L’orgue éclatant comme cent trompettes, Les trois cloches bourdonnant comme des ruches de grosses abeilles, Tout cet orchestre sur lequel bondissait une gamme gigantesque Montant et descendant sans cesse d’une foule à un clocher, Assourdissaient sa mémoire, son imagination, sa douleur. […]     Par une soirée sanglante de cette fin de siècle,          Oui, un soir, le peuple lâché, débridé,          Galoperait ainsi sur les chemins ; Et il ruissellerait du sang des bourgeois,     Il promènerait des têtes, Il sèmerait l’or des coffres éventrés.

1641. (1904) Essai sur le symbolisme pp. -

Ce serait, à propos, un curieux tracé d’histoire comparée des idées, que celui où s’inscrirait la courbe des transformations subies chez tous les peuples, depuis l’antiquité jusqu’à nos jours, par la notion de réel. […] C’est qu’un mythe est le miroir toujours lucide où se reflètent les idées, les croyances, l’âme des peuples ; la source éternellement vive qui fuse les pensées essentielles dont s’abreuve l’homme quotidien ; son actualité ne tarira jamais, chaque âge y puise sans l’épuiser la ferveur de son inspiration50. […] Nos sentiments aussi ne sont pas en eux-mêmes ce qu’un vain peuple pense : des catégories bien définies, soigneusement étiquetées, qu’un psychologue peut extraire, et à loisir, analyser. […] Il y a dans les rapprochements et les combinaisons de la langue écrite par certains hommes, toute l’évocation d’un monde poétique que le peuple des mondains ne sait plus apercevoir ni deviner.

1642. (1802) Études sur Molière pp. -355

[Introduction] Dans les pays les plus barbares, chez les peuples les plus voisins de la simple nature, un arbre, une pierre, quelques caractères gravés sur le roc, décèlent au voyageur le berceau du mortel qui se distingua. […] Elle le pressa de mettre à son tour, sur la scène, un sujet si propre à séduire le peuple ; et Molière ne pouvant résister aux sollicitations réitérées de ses camarades, fît paraître son Dom Juan, ou le Festin de Pierre, sur le théâtre du Palais-Royal, le 15 février. […] Le dénouement. — Bien propre à frapper un peuple superstitieux, aussi la scène se passe-t-elle en Sicile. […] Jusques à quand, cher peuple, toi, qui parais si poli, si raisonnable, si paisible lorsque tu es seul ; jusques à quand, enfin, te montreras-tu en public le plus imbécile des vieillards ?  […] Non, il ne put l’y trouver, j’en conviens ; Mais ce grand juge y retrouva fort bien Le Grec fameux qui sut en personnages Faire jadis changer jusqu’aux nuages, Un chœur d’oiseaux, en peuple révéré, Et Plutus même en Argus éclairé.

1643. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « La poésie »

Il reproche à l’aimable et romanesque chantre d’avoir, en consacrant uniquement les noms de ses héros chevaliers, négligé et tout à fait omis la foule héroïque, le peuple, ces chrétiens obscurs, ces martyrs sans nom : « Le manant, dit-il, le petit bourgeois, le vilain aussi bien que le baron et le roi, tous vont délivrer le Saint-Sépulcre, tous vont chercher la rémission de leurs péchés ; tous sont égaux devant la miséricorde de Dieu qui recueille leurs confessions et prépare leurs sièges en paradis.

1644. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre VI. De la littérature latine sous le règne d’Auguste » pp. 164-175

Ces deux peuples se plaisent également dans les images qui conviennent aux mêmes climats.

1645. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Mistral, Frédéric (1830-1914) »

Notre origine ne saurait nous condamner à user d’une langue morte ou mourante, mais elle nous pousse à l’admiration du beau monument qui perpétuera des vocables qui s’en vont et l’image d’un peuple harmonieux.

1646. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — L — article » pp. 23-38

Ne devoit-il pas craindre de soulever contre lui, non seulement ses Compatriotes, mais encore tous les Peuples éclairés de l’Europe, qui ne s’applaudissent de leurs progrès dans notre Langue, qu’à proportion qu’ils sentent mieux les beautés originales de ces mêmes Fables qu’il cherche à dépriser ?

1647. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre troisième. Le souvenir. Son rapport à l’appétit et au mouvement. — Chapitre quatrième. L’aperception et son influence sur la liaison des idées »

— Ici encore, nous demanderons à Wundt ce qu’il y a de mystérieux et de vraiment libre dans l’attention prêtée par les peuples primitifs aux caractères des choses qui les intéressaient le plus.

1648. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Balzac, et le père Goulu, général des feuillans. » pp. 184-196

« On a vu, dit-il, trois mois durant, certain nombre de ceux de sa faction sortir tous les matins de leur quartier, & prendre leur département de deux en deux, avec ordre de m’aller rendre de mauvais offices en toutes les contrées du petit monde & de semer par-tout leur doctrine médisante, avec intention de soulever contre moi le peuple, & le porter à faire de ma personne ce que leur supérieur a fait de mon livre… Ils ont été rechercher, pour grossir leur troupe, des hommes condamnés par la voix publique, fameux par leurs débauches & par le scandale de leur vie, connus de toute la France par les mauvais sentimens qu’ils ont de la foi. » Toutes les actions du P.

1649. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Casanove » pp. 192-197

C’était chez ces peuples un devoir religieux que de célébrer par des chants ceux qui avaient eu le bonheur de mourir les armes à la main.

1650. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XI. Mme Marie-Alexandre Dumas. Les Dauphines littéraires »

Or, dans ce peuple de galants que nous sommes, nous préférons de beaucoup, comme de juste, les Dauphines aux Dauphins… En France, tomber en quenouille, pour un Pouvoir, ce n’est pas tomber !

1651. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Avellaneda »

Ce peuple de mendiants se le partageait !

1652. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « J.-K. Huysmans »

Cette vieille et inepte amoureuse d’histrions et de cochers s’abaissa et s’avilit aux choses petites dans lesquelles meurent les peuples qui furent grands, et qui, quand ils sont vieux, se voûtent jusqu’à terre, mais elle n’est pas tombée dans des choses aussi petites que les choses inventées par un romancier ennuyé de l’œuvre de Dieu !

1653. (1867) Cours familier de littérature. XXIV « CXLe entretien. L’homme de lettres »

Les hommages d’un peuple chargé de chaînes ne sont que des marques d’ignorance et d’avilissement ; mais les bénédictions d’un peuple libre sont des témoignages d’intelligence et de vertu ; l’univers y applaudit, et la postérité les entend. […] Un chœur de petits enfants le suivait en chantant des hymnes: après eux venait tout ce que l’île avait de plus distingué dans ses habitants et dans son état-major, à la suite duquel marchait le gouverneur, suivi de la foule du peuple. […] Au moment où le royaume se divisait en deux partis, dont l’un voulait faire une république et l’autre conserver la monarchie, il se hâta de rappeler au peuple les anciennes obligations qu’il avait à son roi. […] Bernardin de Saint-Pierre en recueillit en peu de mois assez de bénéfice pour s’acheter dans un des faubourgs de Paris une petite maison et un jardin au milieu des habitations les plus élémentaires du pauvre peuple.

1654. (1910) Propos de théâtre. Cinquième série

Les mots changent de sens comme les peuples changent de caractère et comme les hommes changent d’aspect extérieur. […] C’est le sort surtout des mots qui flattent l’amour-propre national du peuple qui les emploie, et dans lesquels ce peuple se regarde comme dans un miroir qui serait flatteur. […] Se faire de la littérature un poste pour déserter son métier, c’est faire croire qu’on méprise la classe dans laquelle on est né, c’est ne plus vouloir être peuple ; et ce peuple, comment le relèvera-t-on si, dès qu’on s’en distingue par quelque rare talent, on se hâte de s’en séparer ? […] Démosthène a attaqué vivement hier Harpalos, Asiatique réfugié à Athènes, et a fait décider, à peu près, par l’assemblée du peuple, qu’il serait expulsé. […] Son peuple, j’en suis sûr, étonnerait le monde En cachant son dégoût devant cet être immonde !

1655. (1914) En lisant Molière. L’homme et son temps, l’écrivain et son œuvre pp. 1-315

Le peuple et la bourgeoisie aiment jusqu’à ces fêtes splendides que le Roi leur donne, parce qu’il comprend qu’à les divertir et à les attacher à sa personne, il les annihile ou tout au moins les neutralise. […] C’est une passion très naturelle ; on la trouve à chaque instant dans le peuple. […] Le petit peuple lui-même de ce qu’il rit d’un homme sous lequel on écarte la chaise où il allait s’asseoir et qui s’étale, n’en conclut aucunement que celui qui l’a retirée soit adorable. […] Le bon sens naturel, soit du peuple, soit de la Cour avec la connaissance de la vie, voilà les deux choses où en appelle toujours Molière. […] Elle est peuple, avec de l’esprit et de l’élégance bourgeoise.

1656. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE STAEL » pp. 81-164

Il y a une inspiration antique dans cette figure de jeune femme qui s’élance pour parler à un peuple, le pied sur des décombres tout fumants. […] On peut aisément aujourd’hui compléter la pensée de Mme de Staël : c’est la bourgeoisie seule qui a fait invasion en 89 ; le peuple des derniers rangs, qui avait fait trouée en 93, a été repoussé depuis à plusieurs reprises, et la bourgeoisie s’est cantonnée vigoureusement. […] « Heureux, s’écrie Mme de Staël, si nous trouvions, comme à l’époque de l’invasion des peuples du Nord, un système philosophique, un enthousiasme vertueux, une législation forte et juste, qui fût, comme la religion chrétienne l’a été, l’opinion dans laquelle les vainqueurs et les vaincus pourraient se réunir !  […] Un poëte anglais moraliste, et qui, tour à tour aimable ou austère, s’est parfois montré sévère pour la France jusqu’à l’injustice, William Cowper n’a pourtant pas tout à fait tort quand il définit quelque part les Français (à l’occasion de la guerre d’Amérique), ce peuple à l’humeur inquiète et ingérante (meddling), qui se mêle de tout, — qui se mêle du moins de bien des choses. […] Tant de trésors voisins, dont un peuple se sèvre, Tentent ton libre esprit et font fête à ton cœur.

1657. (1925) Feux tournants. Nouveaux portraits contemporains

Green, historien du peuple anglais, il insiste sur la largeur de vues, sur l’hospitalité qu’offre l’anglicanisme aux divergences dogmatiques. […] Quel livre attachant pour un de ces jeunes bourgeois français qui découvrirent en même temps que la plus saine exaltation, le peuple, le plein air, la rudesse et qu’il est toujours important d’avoir des poètes dans son sac ! […] Il participait alors aux généreuses « utopies », le mot n’est pas de moi, qui voulaient offrir l’indépendance au peuple du midi de la France, aux vieux Albigeois. […] Il ne voulait pas renoncer à tout ce qu’il avait hérité de son peuple. […] Il publiait alors dans la Gazette de Lausanne des « Au jour le jour », réflexions inspirées des événements, des saisons et des réactions instinctives du peuple sur lequel il se penchait.

1658. (1864) Le roman contemporain

C’est l’effort des clubs et des journaux démagogiques contre l’Assemblée issue du vote universel, l’assaut donné à la souveraineté du peuple par la souveraineté du but. […] Vous savez, et nous savons s’ils ont cette infaillibilité, cette pureté immaculée, cette vertu sans ombre, et si la croyance à la perfectibilité humaine, au progrès indéfini des peuples, la négation de l’existence de l’esprit du mal et de l’éternité des peines, — voilà leur pauvre et stérile théodicée, et c’est aussi la vôtre, — suffisent pour les mettre à l’abri des passions, des corruptions et des erreurs. […] Il joue une demi-douzaine de rôles sous une demi-douzaine de noms ; il veut changer le monde, abaisser l’Angleterre, soulever l’Inde, délivrer Napoléon prisonnier à Sainte-Hélène, afin d’affranchir les peuples, ce qui ne me paraît pas le plus court chemin pour arriver au but. […] Si l’on interrogeait l’histoire de la décadence des peuples, le bruit de la chute des empires, retentissant dans le lointain des âges, résoudrait mieux la question que tous les raisonnements, car l’on verrait le sensualisme et ce réalisme abject qu’on appelle le matérialisme, debout le pic à la main, au milieu des ruines, comme des ouvriers de destruction. […] « Le vieux représentant du peuple, reprend M. 

1659. (1884) La légende du Parnasse contemporain

Et, dans un rapide galop, Vous voyez tournoyer la ronde Du peuple noblement immonde Que nous légua le grand Callot. […] Dans l’ombre tu rentras, spectre mystérieux, Passant calme à travers les peuples furieux. […] J’approuve ces historiens, déchiffreurs acharnés des manuscrits antiques, qui apportent l’ordre et la lumière parmi nos vieilles chroniques et qui restituent dans sa réalité probable le passé des peuples. […] La vérité historique, quoique cruelle, vaut d’être aimée pour elle-même ; la certitude acquise peut remplacer dans l’esprit d’un peuple la foi, hélas ! […] Ô peuple !

1660. (1887) George Sand

Elle s’est formée au milieu des luttes que le sang du peuple a soulevées dans son cœur et dans sa vie, « et si plus tard certains livres firent de l’effet sur elle, c’est que leurs tendances ne faisaient que confirmer et consacrer les siennes ». […] Voyez-la initiant Pierre Huguenin aux mystères du carbonarisme, fondant, au milieu de cette campagne splendide et de ce beau parc, la loge Jean-Jacques Rousseau ; puis, à son tour, initiée par la vertu de l’ouvrier à la vraie doctrine de l’égalité, tout à coup, dans une scène étrange, lui demandant, devant Dieu qui les voit et qui les entend, s’il l’aime comme elle l’aime, et lui avouant que, depuis le jour où elle a pu raisonner sur l’avenir, elle a résolu d’épouser un homme du peuple afin d’être peuple, comme les esprits disposés au christianisme se faisaient baptiser afin de pouvoir se dire chrétiens. […] Elle symbolise l’âme héroïque et rêveuse du peuple des campagnes. […] Vous vivrez maintenant au milieu de ce peuple idéal que le génie crée et qui vit du souffle immortel de l’art. […] S’ils se portent vers les profondeurs sans limites du ciel, on nous y fait supposer des peuples d’âmes inconnues, animant de leurs joies ou de leurs souffrances la bleue immensité.

1661. (1902) Propos littéraires. Première série

aussi précises qu’on aurait pu, et restant toujours un peu conjecturales, je le reconnais, — il fallait commencer par une petite « psychologie de peuples », réduite, bien entendu, au seul peuple français qu’ait connu Henri Heine, comme M. Jules Legras l’indique très justement, à savoir le peuple barbouilleur de papier à Paris, de 1830 à 1850. […] — Plus que peuple, ce que vous faites là. […] Zola a fait un petit essai de « psychologie des peuples » qui n’est pas mauvais du tout. Ce peuple, nous dit-il en substance, c’est toujours le peuple romain.

1662. (1911) L’attitude du lyrisme contemporain pp. 5-466

Le génie de notre peuple, les qualités de notre intelligence persistent au cours des vicissitudes des âges. […] Les procédés théologiques des premiers peuples rentrent dans cette catégorie. […] Saurait-il aussi bien entendre la rotation des peuples ou l’adolescence des planètes ? […] Un instinct national régit le tempérament de notre peuple. […] Par là se précise, en une vaste synthèse harmonieuse, la mentalité d’un peuple honnête, âprement naturaliste, mesuré quoique expressif.

1663. (1858) Cours familier de littérature. VI « XXXIIe entretien. Vie et œuvres de Pétrarque (2e partie) » pp. 81-155

Que le peuple romain n’ait qu’une voix, qu’une âme ! […] Il allait subir le supplice quand un autre tribun s’éleva dans Rome, appelant le peuple romain à la liberté. […] J’ai plus de gloire que je n’en voudrais pour mon repos : le plus grand prince d’Italie avec toute sa cour me chérit et m’honore ; le peuple même me fait plus de caresses que je ne mérite ; il m’aime sans me connaître, car je me montre peu, et c’est peut-être à cause de cela même que je suis aimé et considéré.

1664. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLIIIe entretien. Madame de Staël. Suite. »

Il m’a paru que l’air de ce pays-ci ne vous convenait point, et nous n’en sommes pas encore réduits à chercher des modèles dans les peuples que vous admirez. […] Les gens du peuple sont beaucoup plus près d’être poëtes que les hommes de bonne compagnie, car la convenance et le persiflage ne sont propres qu’à servir de borne : ils ne peuvent rien inspirer. […] » « Voilà, ajoute-t-elle, de la vraie simplicité, celle de l’âme, celle qui convient au peuple comme aux rois, aux pauvres comme aux riches ; enfin, à toutes les créatures de Dieu.

1665. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Charles-Victor de Bonstetten. Étude biographique et littéraire, par M. Aimé Steinlen. — III » pp. 455-479

Le successeur de Pie VI y régnait avec une résignation souriante sur un peuple réduit de moitié, sur des temples dépouillés de leurs richesses, et sur des provinces qu’un signe parti d’au-delà des monts pouvait lui ravir le lendemain. […] La politesse des officiers de cette jeune armée, en opposition avec la grossièreté des représentants du peuple, lui avait paru le modèle de la politesse du nouveau régime. « L’absence des formes de convention semblait mettre dans tout son jour la bienveillance et la bonté de ces jeunes héros. » Il avait recueilli de la bouche des soldats quelques-unes de ces paroles patriotiques et simples qui leur sont familières dans les journées immortelles, et qui lui étaient allées au cœur ; aussi Bonstetten, revenant à Paris, jouissait des changements accomplis, mais ne s’en étonnait pas.

1666. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Corneille. Le Cid, (suite.) »

A ces difficultés et à ces questions, il faut bien répondre que l’imagination des peuples, lorsqu’elle est abandonnée à elle-même, comme cela arrive aux époques d’obscurité relative et d’ignorance, et lorsque rien ne vient la refréner et la contrôler, se joue aux inventions les plus bizarres, aux transformations les plus étranges ; les grandes renommées qui en résultent recèlent presque toujours, on l’a dit, un contre-sens ou un caprice. […] Les peuples, à défaut d’histoire précise, se font un fantôme d’un certain nom, et ils le brodent, ils l’habillent, ils l’embellissent : c’est un travail où chacun s’évertue et où l’on renchérit à l’envi l’un sur l’autre.

1667. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Nouvelle correspondance inédite de M. de Tocqueville »

L’idée simple (et les idées qui demeurent dans l’esprit des peuples sont toujours simples), qui restera de vous, est celle de l’homme qui a le plus sincèrement et le plus énergiquement voulu rapprocher l’un de l’autre et retenir ensemble le principe de la liberté moderne et celui de l’hérédité antique. […] On conçoit de grands aristocrates passant à la démocratie et devenus populaires, puis, à un certain moment, se retournant vers le peuple pour essayer de le modérer : c’est le cas des Mirabeau et des La Fayette ; il y eut deux temps dans leur carrière.

1668. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Œuvres de Virgile »

» Cet état de calme et de stabilité pour Virgile et son peuple a duré jusqu’en 1841 environ, c’est-à-dire pendant près de cinquante ans. […] Achille, de son côté, fait de même et se précipite au milieu des Troyens, frappant à droite et à gauche ; — nous y voici : « Il frappe d’abord Iphition, le vaillant fils d’Otrynte, chef de peuples nombreux, que la nymphe Néis avait engendré au valeureux Otrynte, au pied du Tmolus neigeux, dans le gras pays d’Hyda. » Achille le pourfend et s’écrie : « Gis ici, fils d’Otrynte, le plus effrayant des hommes, c’est ici qu’est ton trépas ; et ta naissance est au bord du lac Gygée, où est ton domaine paternel, près de l’Hyllus poissonneux et du tournoyant Hermus. » Nous avons là un exemple de la beauté homérique dans toute son étendue et son expansion : elle est volontiers éparse et non concise.

1669. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Madame Desbordes-Valmore. »

Elle était irrésistiblement du côté du peuple et des peuples.

1670. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « M. MIGNET. » pp. 225-256

A propos des similitudes frappantes et presque des symétries d’accidents qui sautent aux yeux entre l’avénement de la seconde race et celui de la troisième, il disait : « Cette analogie de causes et d’effets est remarquable, et prouve combien les choses agissent avec suite, s’accomplissent de nécessité, et se servent des hommes comme moyens, et des événements comme occasions. » Après avoir montré dans saint Louis le principal fondateur du système monarchique, il suivait les progrès de l’œuvre sous les plus habiles successeurs, et faisait voir avec le temps la royauté de plus en plus puissante et sans contrôle, roulant à la fin sur un terrain uni où elle n’éprouva pas d’obstacle, mais où elle manqua de soutien ; si bien qu’un jour « elle se trouva seule en face de la Révolution, c’est-à-dire d’un grand peuple qui n’était pas à sa place et qui voulait s’y mettre, et elle ne résista pas. […] Ainsi, dans cette première lutte avec la Hollande et pendant les années qui la préparent (1668-1672), on peut admirer l’art profond avec lequel le roi isole à l’avance ce petit peuple et le sépare successivement de tous ses alliés, pour l’écraser ensuite ; mais patience !

1671. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Mémoires sur la mort de Louis XV »

L’effet était bien différent dans le peuple que trente ans auparavant, où le même roi, malade à Metz, aurait réellement trouvé dans sa capitale un millier d’hommes assez fous pour sacrifier leur vie pour sauver la sienne, et où tout son peuple, d’une voix unanime, lui avait donné, on ne sait pas trop pourquoi, le beau nom de Bien-aimé , dont il n’a jamais senti la douceur et le prix.

1672. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre IV. Guerres civiles conflits d’idées et de passions (1562-1594) — Chapitre III. Montaigne »

Les idées de Montaigne Mais enfin voilà le produit net de sa vaste et curieuse enquête : à travers tous ces faits, témoignages et arguments qui se choquent confusément, ceci seul apparaît, que les hommes ne sont d’accord sur rien, qu’ils ne savent rien : en politique, en législation, en morale, en religion, en métaphysique, les peuples donnent des démentis aux peuples, les siècles aux siècles ; le vulgaire se divise, et les savants s’accusent de rêverie ou d’ânerie.

1673. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre III. Les grands artistes classiques — Chapitre I. Les mondains : La Rochefoucauld, Retz, Madame de Sévigné »

On l’a fait d’Église malgré lui, pour conserver dans la famille l’archevêché de Paris : dès qu’il a reconnu la nécessité d’être prêtre sans vocation, peut-être sans foi, il cesse de regimber ; sa volonté se fixe un but, le ministère ; pour y atteindre, il prêche le bon peuple de Paris, il répand les aumônes ; il est populaire. […] Pascal même n’a pas signalé par un mot plus saisissant le danger de poser certaines questions sur l’origine du pouvoir, sur l’accord du droit des rois et du droit des peuples.

1674. (1895) La musique et les lettres pp. 1-84

Le roulement, en les âges, de la gloire poétique d’un peuple ne se borne pas à la pure splendeur, il fournit, à côté, une caisse, avec les générations accrue — puisque les grands auteurs parviennent par des livres, qui se vendent. […] Le spéculateur, qui convoque le peuple à témoigner de son industrie sur le terrain commun, cesse d’être un de tous et acquitte un droit.

1675. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre troisième »

C’est ce qui fit retourner au parti de Calvin le peuple de Genève. […] Outre les amis que celui-ci avait dans le peuple, il était entouré d’émigrés de toutes les nations, qui lui servaient de garde particulière.

1676. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre neuvième »

Il se rencontrait des Français pour penser, des écrivains pour imprimer, que le peuple n’était pas si fou quand il voulait déchirer le corps de Colbert, puisqu’il avait été malheureux, et malheureux par Colbert. […] Ce que nous demandons à l’historien, pour en garder une impression durable, ce sont les causes de la guerre exposées et jugées, la situation des deux peuples qui vont en venir aux mains, leurs chefs, les préparatifs de la lutte, les batailles, et, dans les récits de ces batailles, les traits qui caractérisent le commandement chez les généraux et la manière de se battre chez les soldats ; enfin, la justice rendue à tous, avec un peu d’inclination pour tout ce qui peut honorer notre nation à ses propres yeux, et entretenir parmi nous la tradition de la discipline et du courage.

1677. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Madame de Pompadour. Mémoires de Mme Du Hausset, sa femme de chambre. (Collection Didot.) » pp. 486-511

La même, toujours d’après son frère, suggérait l’idée qu’il serait utile d’engager le roi à se mettre à la tête des armées : Ce n’est pas qu’entre nous, ajoutait-elle encore, il soit en état de commander une compagnie de grenadiers, mais sa présence fera beaucoup ; le peuple aime son roi par habitude, et il sera enchanté de lui voir faire une démarche qui lui aura été soufflée. […] Le peuple français n’y va pas de main morte. » Ces paroles me firent trembler, ajoute la bonne Mme Du Hausset qui nous transmet le récit, et je m’empressai de sortir.

1678. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Chateaubriand homme d’État et politique. » pp. 539-564

Ouvrez la frénétique brochure De Buonaparte et des Bourbons, et lisez-y ces paroles : Et quel Français aussi pourrait oublier ce qu’il doit au prince régent d’Angleterre, au noble peuple qui a tant contribué à nous affranchir ? […] Il est bien temps de venir nous dire, quand l’expérience est faite et que vous êtes à bout de mécomptes : Que m’importaient pourtant ces futiles misères, à moi qui n’ai jamais cru au temps où je vivais, à moi qui appartenais au passé, à moi sans foi dans les rois, sans conviction à l’égard des peuples, à moi qui ne me suis jamais soucié de rien, excepté des songes, à condition encore qu’ils ne durent qu’une nuit !

1679. (1913) Le bovarysme « Première partie : Pathologie du bovarysme — Chapitre I. Le Bovarysme chez les personnages de Flaubert »

En 1848 il offre de calmer une émeute en montrant sa tête au peuple. […] À Chavignolles, le comte de Faverges oublié qu’il est royaliste pour ne se souvenir que de sa haine contre les d’Orléans et faire cause commune avec le peuple, le curé Jeuffroy bénit l’arbre de la liberté ; il glorifie, au nom de l’Évangile, les principes de la Révolution, et à Paris M. 

1680. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome I « Bibliotheque d’un homme de goût. — Chapitre II. Des poëtes étrangers. » pp. 94-141

Après le début, le Poëte conduit la flotte portugaise à l’embouchure du Gange, décrit en passant les Indes occidentales, le Midi & l’Orient de l’Afrique, & les différens peuples qui vivent sur cette côte. […] ON nous parle tant de ce peuple depuis quelque tems, qu’il ne sera pas inutile d’indiquer les Livres qui peuvent donner une idée de leur poésie.

1681. (1913) Essai sur la littérature merveilleuse des noirs ; suivi de Contes indigènes de l’Ouest-Africain français « Essai sur la littérature merveilleuse des noirs. — Chapitre II. Le fond et la forme dans la littérature indigène. »

Le sacrifice d’une vierge à un monstre et la libération par un héros d’un peuple contraint à ce tribut. — C’est la vieille légende de Persée et de Thésée vainqueur du Minotaure. […] Ce thème est fréquent dans la littérature merveilleuse de tous les peuples.

1682. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « II — La solidarité des élites »

« Ne voyez-vous pas que la terre a envie de produire et de nous enrichir, de donner des sources et des fruits, de créer des races nouvelles, plus saines et plus durables, de créer sans mesure des peuples et des moissons ? […] Le chauvinisme, cette plaie, que j’oserais appeler française, si elle n’existait aussi néfaste chez presque tous les peuples, ne s’obstine à vivre que dans les cerveaux laissés en chemin par l’évolution.

1683. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « PENSÉES » pp. 456-468

A un certain âge de la vie, si votre maison ne se peuple point d’enfants, elle se remplit de manies ou de vices.

1684. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Relation inédite de la dernière maladie de Louis XV. »

Ce n’est pas qu’entre nous il soit en état de commander une compagnie de grenadiers ; mais sa présence fera beaucoup ; le peuple aime son roi par habitude, et il sera enchanté de lui voir faire une démarche qui lui aura été soufflée.

1685. (1874) Premiers lundis. Tome I « M. A. Thiers : Histoire de la Révolution française. IXe et Xe volumes »

S’il concluait la paix, il avait toujours consulté trop peu la dignité République, il avait sacrifié des alliés fidèles ; s’il poursuivait la guerre, il épuisait la France et méconnaissait les besoins du peuple.

1686. (1874) Premiers lundis. Tome II « Thomas Jefferson. Mélanges politiques et philosophiques, extraits de ses Mémoires et de sa correspondance, avec une introduction par M. Conseil — II »

Dans un voyage qu’il fit à travers la Bourgogne et les provinces du Midi, il est touchant de le voir « rôder par les champs et dénicher les habitants dans leurs chaumières, regarder dans leur pot-au-feu, manger leur pain, se coucher sur leurs lits sous prétexte de se reposer, mais, dans le fait, pour s’assurer s’ils sont assez doux. » De retour en Amérique, après des adieux bien vifs à la France, pour laquelle il garda toujours une prédilection vraiment tendre, Jefferson suivit jusqu’au bout les vicissitudes et les progrès de ce grand et bon peuple, qu’il considérait comme l’initiateur du vieux monde.

1687. (1874) Premiers lundis. Tome II « Loève-Veimars. Le Népenthès, contes, nouvelles et critiques »

Dans un tel état d’incohérence, la critique a beau jeu ; elle s’évertue, elle triomphe ; sous prétexte de mettre le holà à droite ou à gauche, elle augmente souvent elle-même le tumulte ; elle prêche pour son saint, elle décrie, elle exalte ; elle parle bien haut et sans savoir toujours que dire, elle fait comme les avocats ou conseillers au parlement durant la fronde, attroupant le peuple autour d’eux sur le Pont-Neuf et l’embrouillant.

1688. (1874) Premiers lundis. Tome II « Henri Heine. De la France. »

S’il nous juge un peuple malin et dénigrant plutôt qu’admiratif, il se trompe ; nulle part on ne croit à la gloire comme chez nous.

1689. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre III. Les tempéraments et les idées — Chapitre I. Un retardataire : Saint-Simon »

Comme au reste il est honnête homme, il serait patriote, ami du bien public, pitoyable au menu peuple : du moment que les petites gens se connaîtraient et ne « prétendraient » rien contre la hiérarchie, Saint-Simon gouvernerait en bon propriétaire et bon père de famille.

1690. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre I. La littérature pendant la Révolution et l’Empire — Chapitre I. Influence de la Révolution sur la littérature »

Les œuvres où se continuait la précédente époque nous apparaissent noyées au milieu du fatras, des platitudes, des grossièretés, des violences sans caractère et sans décence, par où toute sorte d’écrivassiers flattèrent les passions du peuple, et les entretinrent honteusement sous prétexte de se mettre à sa portée.

1691. (1920) La mêlée symboliste. I. 1870-1890 « Les poètes maudits » pp. 101-114

Le peuple des arbres borde le fleuve et, dans le feuillage humide de rosée, le chant des oiseaux s’éveille.

1692. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XIV. Rapports de Jésus avec les païens et les samaritains. »

Souvent il citait le passage d’Isaïe : « Ce peuple m’honore des lèvres, mais son cœur est loin de moi 641. » Le sabbat était le point capital sur lequel s’élevait l’édifice des scrupules et des subtilités pharisaïques.

1693. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Première Partie. Des Langues Françoise et Latine. — L’orthographe, et la prononciation. » pp. 110-124

Il décide, par ce moyen, la bonté de bien des rimes, & la terminaison véritable de beaucoup de noms de peuples.

1694. (1767) Salon de 1767 « Sculpture — Pajou » pp. 325-330

Cependant Pajou en sait trop dans son art pour ignorer que la sculpture veut être plus grande, plus piquante, plus originale, et en même temps plus simple dans le choix de ses caractères et de son expression que la peinture, et qu’en sculpture point de milieu, sublime ou plat ; ou comme disait au sallon un homme du peuple : tout ce qui n’est pas de la sculpture est de la sculpterie.

1695. (1912) L’art de lire « Chapitre VI. Les écrivains obscurs »

On me répond, des yeux du moins et de la mine, car nous sommes un peuple poli : « Oh !

1696. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Notre critique et la leur »

À côté du théâtre, il y a les livres, les livres, dont le meilleur fait moins de bruit que la plus mauvaise de toutes les pièces, car c’est encore un des caractères de ce temps contre lesquels nous voulons réagir que la gloire facile du théâtre, que cette préoccupation des spectacles qui matérialisent tous, plus ou moins, la pensée des peuples.

1697. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « La Bruyère » pp. 111-122

Il est vrai que les Allemands sont des Allemands, — un peuple de rêveurs, — tandis que nous sommes des hommes d’affaires.

1698. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Auguste Vitu » pp. 103-115

Suleau, dont on se souvenait peut-être à cause de son horrible mort, que par parenthèse Michelet a excusée, fut le tribun d’une royauté qui s’était assez abandonnée elle-même pour avoir, comme le peuple, besoin de tribuns pour la défendre.

1699. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Le Conte de l’Isle. Poëmes antiques. »

Il se fait, autant qu’il le peut, l’âme indienne, et devient, de parti pris et travaillé, métaphysicien et mystique à la façon de ces grands peuples fous, qui portent, comme la peine des races favorisées, et par conséquent plus coupables, le poids sur leur intelligence de quelque colossale insanité !

1700. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. de Gères. Le Roitelet, verselets. »

Imagination qu’aurait préservée l’ignorance et qui n’était pas assez forte pour résister à la culture, M. de Gères ne sait pas ou peut-être a-t-il oublié que la fraternité tue les poètes autant que les peuples, et qu’ils doivent ressembler, pour être aussi impressifs qu’elle, à cette Tour seule qu’il a si bien peinte et chantée dans une de ses poésies le plus genuines par la rêverie et par le rythme : Au faîte où le sentier se plie Et plonge vers l’autre vallon, Droite sur son dur mamelon, Qu’au paysage rien ne lie, Sans arbre, sans maison autour, Sans voisinage qu’une meule, S’élève, muette, la tour               Seule !

1701. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « M. Paul Bourget »

Osons nous plaindre, à l’heure où le peuple qui monte Semble nous refuser jusqu’au droit de souffrir.

1702. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « J.-J. Ampère ; A. Regnault ; Édouard Salvador »

il est impossible de moins se surfaire et de mieux apprécier son livre tout en l’expliquant… Seulement, la Critique littéraire, qui voit les facultés où elles sont et qui lit les feuillets des livres qui n’ont jamais été écrits, regrette que des intelligences faites pour mieux se contentent de brûler le pavé et ne rapportent au logis, sur des peuples qu’on a regardés du dehors au dedans, au lieu de les regarder du dedans au dehors, rien de plus que des impressions personnelles, fussent-elles aussi vivantes que peuvent l’être ces impressions !

1703. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Conclusion »

Nous avons essayé, en découvrant les cent voies par où s’exerce cette action ininterrompue, de déterminer leur point de convergence : il nous a semblé que les progrès de la quantité sociale, de la mobilité et de la densité, de l’homogénéité et de l’hétérogénéité, de la complication et de l’unification conspiraient pour mettre en lumière sur les ruines des classes et des castes, à la fois le prix de l’humanité et celui de l’individu : ils devaient donc, suivant toutes les vraisemblances psychologiques, conduire les peuples à l’idée de l’égalité des hommes.

1704. (1930) Les livres du Temps. Troisième série pp. 1-288

Il eut même le courage de plaider pour Port-Royal et pour les misères du peuple ! […] Le plus croyable me paraît être, en général, que l’invention des peuples et des poètes a travaillé sur des bases en partie réelles. […] Taine les accuse d’avoir déchaîné l’anarchie en proclamant la souveraineté du peuple. […] Quant à leur intention d’affranchir tous les peuples, c’était peut-être une folie, comme Taine le prétend, mais sublime. […] Or, Napoléon et Alexandre, leurs armées et leurs peuples, la France et la Russie, vivent d’une façon continue.

1705. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Première série

La patrie est chose concrète : c’est l’ensemble des biens qui font pour un peuple la douceur et la beauté de la vie ; là encore le mysticisme n’a que faire. […] Une chose nous distingue des autres peuples : nous aimerions mieux ne pas les haïr. […] … Restait cette redoutable infanterie… Venez, peuples…), qui a jamais lu les Oraisons funèbres ? […] Je ne sais, mais peut-être le « pauvre peuple » est-il moins heureux encore depuis qu’on le plaint davantage. […] Le sujet de l’épopée est un sujet national, intéressant pour tout un peuple, intelligible à toute une race.

1706. (1890) Impressions de théâtre. Quatrième série

Les longues séparations et, par suite, les retours imprévus, n’étaient point rares en ces temps lointains, dans un pays où les communications étaient difficiles, chez un petit peuple aventureux, un peuple de navigateurs… Quoi qu’il en soit, les « reconnaissances », c’est la moitié du théâtre de Voltaire. […] Le peuple, à qui l’on a apporté la paix et tous les bienfaits d’un gouvernement fort, est content et ne demande rien avec. […] Il demande à l’un de ses lieutenants ce que fait le peuple pendant ce temps-là. « — Disparu, le peuple ! […] « … Des gibernes sur des habits, des couteaux de chasse dans des mains noires… du peuple comme si la liberté sortait des pavés !

1707. (1836) Portraits littéraires. Tome I pp. 1-388

Les idées et les sentiments se communiquent de peuple à peuple, mais ne se greffent pas comme les fruits ; chacun n’en prend que ce qu’il veut. […] La cour et le peuple se placeraient naturellement sur le second plan. […] De ces villes qu’il a parcourues, de ces peuples qu’il a interrogés, quels enseignements ou quels poèmes nous a-t-il rapportés ? […] Quant à la biographie de Prosper Mérimée, elle est comme l’histoire des peuples heureux, elle n’existe pas. […] Son imagination malade et furieuse peuple ses nuits de fantômes menaçants.

1708. (1890) La bataille littéraire. Troisième série (1883-1886) pp. 1-343

Une armée de fiacres menait sous les arbres tout un peuple d’amoureux. […] Les peuples qui n’ont pas ce livre le mendient, Et vingt siècles penchés dans l’ombre l’étudient. […] Peuple, lequel des deux veux-tu que je délivre : Barrabas, ou Jésus nommé Christ ? […] Cria le peuple. Cria le peuple.

1709. (1920) Essais de psychologie contemporaine. Tome II

Il est d’un âge et d’un peuple où le mot amour a perdu sa signification véritable. […] Le décor des maisons s’harmonise à ce peuple. […] Il ignore, en composant, quel retentissement ses idées raffinées, ses phrases subtiles pourront avoir sur un peuple qu’il considère comme inintelligent et brutal. […] Il était un trop profond connaisseur de la nature humaine pour avoir jamais cru à la souveraine influence des théories sur le perfectionnement des peuples. […] La première de ces deux méthodes s’est surtout développée chez les peuples de tradition gréco-latine qui lui ont dû leur art de logique et de belle clarté.

1710. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre I. La Renaissance païenne. » pp. 239-403

Le peuple chrétien se remet aux mains du clergé, qui se remet aux mains du pape. […] C’est là déjà l’Angleterre telle que nous la voyons aujourd’hui, contrée de prairies, toute verte, coupée de haies, parsemée de bétail, navigatrice, manufacturière, opulente, avec un peuple de travailleurs nourris de viande, qui l’enrichissent en s’enrichissant. […] Quelques sectaires, surtout des bourgeois et des gens du peuple, s’appesantissent tristement sur la Bible. […] La dignité du gouvernement s’affaiblit et la loyauté du peuple s’attiédit. […] La belle prose, telle qu’on l’a vue à la cour de Louis XIV, chez Pollion, dans les gymnases d’Athènes, telle que les peuples rhétoriciens et sociables savent la faire, manque tout à fait.

1711. (1856) Articles du Figaro (1855-1856) pp. 2-6

Dans nos cerveaux malsains, dit-il, Dans nos cerveaux malsains, comme un million d’helminthes, Grouille, chante et ripaille un peuple de démons. […] — que ceux-ci n’ont pas eu la moindre influence permanente sur les peuples. […] Sur cette montagne où il semait ses sublimes paraboles, le Christ n’y montait qu’entouré de ses disciples et de tout un peuple ; le lyrisme romantique s’établit seul sur la montagne et laisse la foule à ses pieds. […] Il fait du poète l’éducateur du peuple et le pacificateur de ses colères. […] Au surplus, là n’est pas l’importance capitale de son livre ; elle est dans la Chronique de Jacques Bonhomme, sorte d’épopée agreste, où, sous cette appellation historique du peuple des campagnes, l’auteur chante les misères et les joies de l’homme des champs.

1712. (1856) À travers la critique. Figaro pp. 4-2

Après avoir respectueusement ôté mon chapeau à la phrase d’un académicien, je retourne vers le petit peuple de la littérature. […] Ô bienheureux peuple italien ! […] Bien que l’idole devant laquelle elles s’inclinent soit parfois l’œuvre de leurs mains industrieuses, elles finissent par l’adorer de bonne foi, et lui demeurent fidèles, même après que l’incrédulité du peuple l’a mise en pièces. […] L’homme de goût se laisse prendre au style du virtuose, l’homme du peuple, au ton de vérité ou au comique du récit tous les deux à l’émotion bien sentie du chanteur. […] Il exerce, en un mot, la même fascination sur la salle entière que sur les grands et le peuple qui l’environnent dans la Cathédrale de Munster, et sur sa pauvre mère éplorée, etc.

1713. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — Chapitre II. Dryden. »

J’ai conté comment le ministre Clarendon, apprenant que sa fille venait d’épouser en secret le duc d’York, suppliait le roi de la faire décapiter au plus vite ; comment la chambre des communes, composée en majorité de presbytériens, se déclarait elle-même et le peuple anglais rebelles, dignes du dernier supplice, et allait encore se jeter aux pieds du roi, d’un air contrit, pour le supplier de pardonner à la chambre et à la nation. […] Les mensonges d’Oates, l’assassinat du magistrat Godfrey, son cadavre promené solennellement dans les rues de Londres, avaient enflammé l’imagination et les préjugés du peuple ; les juges intimidés ou aveugles envoyaient à l’échafaud les catholiques innocents, et la foule accueillait par des insultes et des malédictions leurs protestations d’innocence. […] D’esprit, il n’y en a guère ici : on n’a pas le loisir d’être spirituel en de pareilles batailles ; songez à ce peuple soulevé qui écoute, à ces hommes emprisonnés, exilés, qui attendent : ce sont la fortune, la liberté, la vie ici qui sont en jeu. […] Il montre le bon député « servant à la fois le roi et le peuple, conservant à l’un sa prérogative, à l’autre son privilége », placé comme une digue entre les deux fleuves, cédant davantage au roi en temps de guerre et davantage au peuple en temps de paix, « empêchant l’un et l’autre de déborder et de tarir788. » Cette grave conversation indique un esprit politique nourri par le spectacle des affaires, ayant, en matière de débats publics et pratiques, la supériorité que les Français ont dans les dissertations spéculatives et les entretiens de société.

1714. (1895) Les confessions littéraires : le vers libre et les poètes. Figaro pp. 101-162

répondit Mistral à un de nos confrères venu l’interroger, j’y chanterai le peuple des bateliers qui descendent le Rhône de Lyon à la mer, aussi bien ceux qui sont sur les bateaux à vapeur que ceux qui dirigent les barques… L’ouvrage aura plusieurs chants et sera sans rimes. […] » D’ailleurs, un fait curieux, bien significatif : Gineste me racontait que dans un des récents concours poétiques, en province, en dehors du lauréat qu’on devait primer, tous les concurrents étaient des gens du peuple. […] Car, malgré la Majesté blonde Ou brune, ce Peuple toqué Ne rêve qu’à l’argent casqué Sur la casaque d’un Jockey. […] C’est la loi naturelle ; les littératures n’y échappent pas plus que les peuples. […] Il y a longtemps que le peuple s’est accordé infiniment plus de libertés que Mistral n’en saurait prendre.

1715. (1854) Nouveaux portraits littéraires. Tome II pp. 1-419

Ne voyez-vous pas les larmes, n’entendez-vous pas les plaintes du peuple qui vous implore ? […] C’est de vous seuls, après Dieu, que le peuple attend son repos. […] Ernest Maltravers est dédié au peuple allemand, que M.  […] Fallait-il intervenir dans les affaires d’un peuple voisin ? […] Le peuple, dans sa pensée, a droit à une réparation ; il a été dépouillé de sa part légitime d’action par les historiens de la révolution française ; il est temps de lui rendre ce qu’ils lui ont ravi.

1716. (1857) Réalisme, numéros 3-6 pp. 33-88

Et puis, Restif représente l’introduction dans notre littérature, d’une classe jusqu’à lui négligée ; c’est lui, le premier, qui a cherché à peindre le peuple. Vadé faisait du peuple, dans ses livres, ce qu’il était dans la société : l’amusement des seigneurs ; il chargeait et rendait grotesque son modèle pour faire rire ses lecteurs. Restif a peint le peuple sans arrière-pensée, il l’a souvent peint d’une façon remarquablement vraie. […] Les gens du peuple aiment toutes les musiques, les justes et les fausses ; les musiciens ne goûtent que peu de musiques, et moi je crois avoir plus d’oreille que vous. […] Si donc le réaliste a pour but, dans ses tendances politiques, le bien-être, dût-il en coûter quelque chose à l’indépendance morale du peuple, l’idéaliste, lui, visera à la liberté, même au préjudice du bien-être.

1717. (1884) L’art de la mise en scène. Essai d’esthétique théâtrale

Est-il un but plus noble que celui de convier à un plaisir aussi parfait et aussi pur un peuple récemment affranchi, mais libre, hélas ! […] N’est-il pas à espérer que parmi ce peuple, ceux qui auront une fois goûté et apprécié un plaisir si délicat se sentiront moins entraînés vers des plaisirs grossiers ? […] Au lever du rideau, le peuple est à genoux, tendant ses mains suppliantes vers le palais d’Œdipe. […] Le peuple de Thèbes est groupé au fond du théâtre, devant le palais d’Œdipe. […] Toute notre littérature dérive en grande partie de celles des peuples grecs et des peuples latins : elle a une origine toute méridionale.

1718. (1845) Simples lettres sur l’art dramatique pp. 3-132

« Louis, par la grâce de Dieu, roi de France et de Navarre, à tous présents et à venir, salut : « Les sciences et les arts étant les ornements les plus considérables des États, nous n’avons point eu de plus agréable divertissement depuis que nous avons donné la paix à nos peuples, que de les faire revivre en appelant près de nous tous ceux qui se sont acquis la réputation d’y exceller, non seulement dans l’étendue de notre royaume, mais aussi dans les pays étrangers ; et, pour les obliger davantage de s’y perfectionner, nous les avons honorés des marques de notre estime et de notre bienveillance. » Maintenant, lisez le privilège de l’Opéra, donné en 1831 à M.  […] Tous les peuples se désaltèrent à ce grand fleuve qui prend sa source à Paris, dont chaque flot est une pensée, et qui se répand large et fécondateur sur le monde. […] Or, il ne fallait, pour faire un théâtre unique, splendide, magnifique, un théâtre qui réunît en lui les qualités de tous les autres théâtres enfin, que reprendre l’œuvre d’édification où M. le baron Taylor l’avait abandonnée ; il fallait dire au roi : « Sire, la grandeur des souverains n’est pas toujours en eux-mêmes, mais quelquefois aussi dans les hommes qui les entourent. » Il fallait dire aux ministres : « Excellences, dans une époque où l’on demande et où l’on obtient des chambres cent vingt millions pour les monuments publics, et deux cents millions pour les fortifications de Paris ; demandez donc de temps en temps un demi-million pour l’art. » Il fallait dire au peuple : « Peuple, écoute et regarde », car toutes les idées politiques, philosophiques, sociales, contemporaines, sont dans ce théâtre, ce journal qui se lit à haute voix chaque soir à Paris devant quarante mille spectateurs ; en France, devant cent mille.

1719. (1881) La parole intérieure. Essai de psychologie descriptive « Chapitre II. La parole intérieure comparée à la parole interieure »

Nous avons admis plus haut que l’habitude jointe à l’attention peut créer parmi les hommes, des différences individuelles en ce qui concerne l’image tactile ; or les habitudes ne sont pas seulement individuelles, elles peuvent être aussi collectives ; il nous semble que les peuples diffèrent à cet égard comme les individus, et que le tactum buccal est mieux conservé chez certains d’entre eux que chez les autres. […] Enfin, le retard de l’évolution des consonnes sur celle des voyelles dans une langue donnée est la mesure de l’importance de l’image tactile dans le langage intérieur du peuple qui fait usage de cette langue, et, comme ce retard est variable, nous devons en conclure que l’image tactile n’a pas chez tous les peuples exactement le même degré de faiblesse, qu’elle dépasse zéro d’une quantité tantôt plus grande, tantôt moindre ; sans doute, les peuples dont le tempérament est plus esthétique s’attachent exclusivement aux sons ; chez d’autres, l’imagination moins raffinée porte quelque intérêt aux souvenirs tactiles et ne les livre pas absolument à l’habitude négative.

1720. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Virgile et Constantin le Grand par M. J.-P. Rossignol. »

Rossignol nous fait bien comprendre la transformation que subit peu à peu dans l’imagination des peuples cette sorte de vague prédiction virgilienne, portée sur l’aile des beaux vers et revêtue d’une magique harmonie.

1721. (1874) Premiers lundis. Tome II « Jouffroy. Cours de philosophie moderne — I »

Les peuples se suivent, se ruent les uns sur les autres, sans rime ni raison, sans que l’on puisse expliquer toute cette agitation.

1722. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Conclusion » pp. 355-370

L’Académie française a mis au concours cette question : « De la nécessité de concilier dans l’histoire critique des lettres le sentiment perfectionné du goût et les principes de la tradition avec les recherches érudites dites et l’intelligence historique du génie divers des peuples » ; et, bien que les concurrents aient évidemment peu de foi dans cette nécessité, puis que, d’année en année, le prix ne se décerne point, nous ne pouvons-nous empêcher d’admirer avec joie la foi de l’Académie elle-même dans cette nécessité non douteuse ; car, voyez !

1723. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXVIII » pp. 305-318

Voltaire, qui, à la vérité, avait une bonne raison pour ne pas aimer que l’on décriât les femmes savantes (c’était son attachement pour la marquise du Châtelet), observe fort judicieusement et en homme de l’art, que dans la pièce dont nous parlons, « Molière attaque un ridicule qui semblait peu propre à réjouir ni la cour, ni le peuple à qui ce ridicule paraissait être également étranger, et qu’elle fut reçue d’abord assez froidement.

1724. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Préface. de. la premiere édition. » pp. 1-22

Les Athéniens & tous les Peuples guerriers ne furent subjugués, que quand ils furent mieux raisonner que vivre & combattre.

1725. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Abailard, et saint Bernard. » pp. 79-94

Peuples, rois & papes le consultoient avec vénération ; & quoique simple abbé de Clairvaux, il gouvernoit l’église & l’état.

1726. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Première Partie. Des Langues Françoise et Latine. — De la langue Françoise. » pp. 159-174

L’auteur de l’Esprit des loix veut que la différence des gouvernemens, des religions, des mœurs & des coutumes des peuples, vienne principalement du climat.

1727. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Seconde Partie. De l’Éloquence. — Éloquence en général. » pp. 177-192

Les orateurs anciens parloient autrement en plein sénat que devant le peuple.

1728. (1682) Préface à l’édition des œuvres de Molière de 1682

Elle eut un succès qui passa ses espérances : Comme ce n’était qu’une pièce d’un seul Acte qu’on représentait après une autre de cinq, il la fit jouer le premier jour au prix ordinaire, mais le peuple y vint en telle affluence, et les applaudissements qu’on lui donna furent si extraordinaires, qu’on redoubla le prix dans la suite ; ce qui réussit parfaitement à la gloire de l’Auteur, et au profit de la Troupe.

1729. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre huitième. »

Cependant ce qui ferait croire que c’est le peuple qui parle, ce sont les vers suivans : V. 14….

1730. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Baudouin » pp. 198-202

C’est que tout ce qui s’est fait de bien chez un peuple se rapporte à un seul homme ; c’est que cet homme jaloux de toute gloire ne souffre pas qu’un autre soit honoré, c’est qu’il n’y a que lui.

1731. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre X. Seconde partie. Émancipation de la pensée » pp. 300-314

Des esprits inattentifs ont souvent, comme on sait, accusé le peuple hébreu de n’avoir pas connu autrefois le dogme de l’immortalité de l’âme, parce que, prétendaient-ils, ce dogme n’est nulle part textuellement énoncé dans la loi judaïque ; mais il était bien plus formellement énoncé que par des mots ou des propositions, puisqu’il jaillissait du génie même de la langue, si fortement empreint du sentiment de la continuité d’existence.

1732. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « M. Jacques Demogeot » pp. 273-285

Les littératures sont aussi ingrates que les peuples.

1733. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Laïs de Corinthe et Ninon de Lenclos » pp. 123-135

Les Grecs — peuple tout extérieur — n’ont point laissé de mémoires, et leur individualité, qui ressemble à leurs statues, ne se voit qu’à la place publique et sous les draperies d’un art et d’un mensonge qui ne les abandonnent jamais.

1734. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Francis Wey » pp. 229-241

L’esprit oriental n’est pas très compliqué… Mais faire l’Anglais, c’est-à-dire entrer, tout botté, dans l’originalité du peuple le plus original, le plus profond, le plus insulaire d’esprit, d’impression, de jugement, qui ait jamais existé ; pénétrer, pour se les assimiler un instant, dans les manières de sentir et d’exprimer d’une nation qui a jusqu’à une gaîté à elle, — laquelle ne ressemble à la gaîté de personne et dont le nom même est intraduisible, et reste, dans toutes les langues, de l’humour, — c’est là une chose qui demandait plus qu’une prodigieuse souplesse de talent.

1735. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « Léopold Ranke » pp. 1-14

Même le degré de civilisation se mesure à la connaissance qu’acquièrent les peuples de cette idée abstraite de l’État, que la Féodalité n’avait pas.

1736. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Μ. Eugène Hatin » pp. 1-14

La superbe invention des annuaires des pontifes, à Rome, dans laquelle on reconnaît tout de suite la main d’un peuple politique, n’a pas fécondé sa réflexion davantage, à lui qui parlait, il n’y a qu’un instant, de magistrature !

1737. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXII. Philosophie politique »

Elles parlent toutes du bonheur des peuples !

1738. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Barthélemy Saint-Hilaire »

La Bible et l’Évangile ont été les deux mamelles auxquelles il a bu longtemps en silence, et qui l’ont fait de force à créer ces trois choses, dont une seule suffît pour l’immortalité d’un homme : — une religion, un peuple, un empire !

1739. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Mistral. Mirèio »

Les plus ingénieux et les plus profonds parmi les Maîtres ont prétendu que, pour être épique, il fallait qu’un poëme embrassât toute la civilisation d’un peuple.

1740. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. de Banville. Les Odes funambulesques. »

C’est cette école qui, pour faire plus spectacle, a mis la poésie lyrique sur le théâtre et le théâtre dans la poésie lyrique, et a développé depuis vingt-cinq ans en nous tous, gens de vieille société ennuyée, cet amour que les peuples de civilisation excessive, à la veille de leurs décadences, ont toujours eu pour leurs histrions.

1741. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre V. »

De là se forma dans l’imagination du peuple ce type d’Orphée, guide harmonieux des Argonautes, époux d’Eurydice, vainqueur de la barbarie, et même de l’enfer, s’il n’eut pas été lui-même vaincu par l’amour.

1742. (1928) Quelques témoignages : hommes et idées. Tome I

Le troisième s’est incarné un peuple. […] Malheur aux peuples chez lesquels serait sans échos la sage formule de nos aïeux Romains : majoribus placuit ! […] N’a-t-il pas, dans ces articles sur Amiel, qui datent de 1884, parlé de l’ivrognerie chez les gens du peuple presque en la légitimant ? […] Et, d’abord, faut-il entendre par ce mot toutes les chansons que chante le peuple ? […] Avec les armées nationales, qui se recrutent parmi tous les hommes valides du pays, nous sommes revenus à l’époque des guerres primitives où des peuples tout entiers se précipitaient sur d’autres peuples, engagés, eux aussi, tout entiers dans la lutte.

1743. (1929) Dialogues critiques

Le peuple se laisse facilement tromper, mais il hait sincèrement la tyrannie. […] Paul Pourquoi le peuple détesterait-il ma tyrannie ? […] Paul Mauclair ne le prouve que par la jalousie de Baudelaire qui exécra réellement le général Aupick, au point de vouloir le faire massacrer par le peuple en 1848.

1744. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre deuxième. Les mœurs et les caractères. — Chapitre II. La vie de salon. »

C’est celui des peuples que leur régime politique exclut des soucis virils et qui jouent avec la vie à la façon des enfants. […] Mais ce lambeau, si brillant qu’il soit, ne lui suffit point, et, dans tous les châteaux, dans tous les hôtels, à Paris, en province, il installe les travestissements de société et la comédie à domicile  Pour accueillir un grand personnage, pour célébrer la fête du maître ou de la maîtresse de la maison, ses hôtes ou ses invités lui jouent une opérette improvisée, quelque pastorale ingénieuse et louangeuse, tantôt habillés en Dieux, en Vertus, en abstractions mythologiques, en Turcs, en Lapons, en Polonais d’opéra, et pareils aux figures qui ornent alors le frontispice des livres ; tantôt en costumes de paysans, de magisters, de marchands forains, de laitières, de rosières, et semblables aux villageois bien appris dont le goût du temps peuple alors le théâtre. […] Le marquis disait de son père Antoine : « Je n’ai jamais eu l’honneur de toucher la joue de cet homme vénérable… À l’Académie, étant à 200 lieues de lui, son seul souvenir me faisait craindre toute partie de jeunesse qui pouvait avoir des suites un peu dangereuses »  L’autorité paternelle semble presque aussi âpre dans la bourgeoisie et dans le peuple.

1745. (1858) Cours familier de littérature. V « XXXe entretien. La musique de Mozart (2e partie) » pp. 361-440

Il semble que le hasard m’avait inspiré d’écrire sur Mozart à la même heure où ce même hasard inspirait, aux artistes transcendants groupés dans ce petit sanctuaire du boulevard, de faire chanter Mozart par leurs voix d’élite devant ce peuple si peu musicien des quartiers tumultueux de Paris. […] Pendant que Leporello chantait l’introduction, Mozart dit, en riant, à ses voisins : « Quelques notes sont tombées sous les pupitres, néanmoins l’ouverture a bien marché. » XIV Le succès fut prodigieux à Prague ; Don Juan y devint si populaire, qu’on fut forcé de traduire le poème en langue allemande, pour que le peuple pût chanter dans son idiome les airs que son oreille musicale avait si bien retenus. […] Il part de Cénéda pour Londres, il y prospère un moment dans des spéculations de théâtre et de librairie ; il y succombe ensuite sous un déluge d’adversités domestiques et de dettes ; il se réfugie avec sa femme et ses enfants aux États-Unis, il y professe la littérature italienne à un peuple qui n’est pas encore parvenu à l’âge littéraire ; il y meurt donc de misère, mais toujours jeune à quatre-vingt-dix-sept ans !

1746. (1859) Cours familier de littérature. VII « XXXVIIe entretien. La littérature des sens. La peinture. Léopold Robert (2e partie) » pp. 5-80

C’était enfin le prince Napoléon, fils aîné du roi de Hollande et de la reine Hortense, frère du prince, alors inconnu, à qui les versatilités du peuple, les inexpériences de la liberté, les impatiences de la multitude et les péripéties du sort préparaient de loin, dans l’ombre, un second empire. […] XI C’est dans cette famille des Bonaparte, réfugiés pour la plupart à Rome, et protégeant les arts afin de prolonger au moins ses règnes éphémères sur les peuples, en régnant sur les talents, que Léopold Robert passait ses soirées à Rome : on lui avait commandé quelques tableaux. […] Il pouvait prendre cette image de l’extase humaine sous mille aspects, sous mille formes, dans mille attitudes et dans mille scènes plus élevées du drame de la vie : les palais, les temples, les bosquets, les bords des fontaines lui offraient ces images de la félicité ou de la volupté, dans les champs de victoire, dans les triomphes des guerriers ou des orateurs sauveurs de la patrie et idoles des peuples, dans les actes de foi et de culte qui unissent les hommes à Dieu par la piété, cette plénitude de l’âme ; par les langueurs de l’amour heureux, dans les jardins d’Armide et d’Alcine, où le Tasse et l’Arioste enlacent leurs héros dans les bras de beautés ivres de regards.

1747. (1860) Cours familier de littérature. IX « LIe entretien. Les salons littéraires. Souvenirs de madame Récamier. — Correspondance de Chateaubriand (3e partie) » pp. 161-240

Quand on fait à midi ce qui ne doit être fait qu’à minuit, on échoue : l’heure est tout dans le choix des moments où les peuples refusent ou acceptent les coups d’État de la lassitude. […] » XXVI Cette fausse foi du vieillard qui voulait être à la mode en prenant le ton du jour, cette foi poétique du jeune homme qui s’éblouissait de la Colonne, et qui ne pensait pas assez que le peuple prend au sérieux ces métaphores d’opposition, créaient en France un paradoxe national de discipline militaire présenté comme un élément de liberté. […] Béranger a été enseveli, comme il avait vécu, dans l’apothéose ambiguë du peuple et de l’armée, de la République et de l’Empire !

1748. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CVe entretien. Aristote. Traduction complète par M. Barthélemy Saint-Hilaire (3e partie) » pp. 193-271

Peut-être les hommes vivraient-ils en troupes comme quelques autres espèces d’animaux ; mais ils ne pourraient jamais avoir entre eux ces rapports et ces liens durables qui forment les peuples et les nations, avec les gouvernements plus ou moins parfaits qu’ils se donnent et qui subsistent des siècles. […] Si elle sent son importance, elle sent non moins vivement ses bornes ; et comme elle peut à peine éclairer quelques individus, elle ne se flatte pas de l’orgueilleuse prétention de gouverner les peuples. […] S’il n’est pas facile déjà de faire parler la raison au cœur de l’homme, c’est une tâche bien autrement ardue de la faire parler au cœur des peuples, en supposant qu’on ait soi-même le bonheur de l’entendre.

1749. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXe entretien. Mémoires du cardinal Consalvi, ministre du pape Pie VII, par M. Crétineau-Joly (2e partie) » pp. 81-159

. — Et, à propos du général Duphot dont j’ai prononcé le nom tout à l’heure, je dois affirmer que je n’étais pas moins innocent de son assassinat que le gouvernement pontifical et le peuple lui-même. […] Consalvi et Cacault partirent ensemble de Rome en plein jour, dans la même voiture, pour donner confiance au peuple romain. […] Je les appuyais sur ma ferme résolution de n’être pas l’occasion de tous les désastres qui fondraient sur Sa Sainteté et sur l’État ; je disais qu’il fallait avoir soin de ne pas inculquer aux peuples, — quoique sans raison, — la pensée que ces désastres arrivaient parce que le Pape avait voulu me défendre, et qu’on les aurait évités s’il eût consenti à me sacrifier, quoique sans motifs, aux exigences de celui qui pouvait tout.

1750. (1888) Journal des Goncourt. Tome III (1866-1870) « Année 1869 » pp. 253-317

un baptême comme le trouve la langue du peuple. […] Il nous révèle une chose curieuse : c’est que le peuple ne dit pas la prochaine révolution, il dit la prochaine liquidation. En ce temps de Bourse, la menace du peuple prend à l’argot de l’argent, sa langue.

1751. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Conclusions »

Par un sentiment instinctif de la source de leur mal, les pessimistes de la pensée ont tous soif d’anéantir la trop féconde activité de leur cerveau, de « s’abêtir » ; les Indous par l’ascétisme, les catholiques par la fatigue de rites purement manuels, les Slaves eu s’abîmant dans la stupidité satisfaite et insoucieuse du peuple ; c’est ainsi que dernièrement le plus grand des romanciers et des pessimistes russes, le comte Tolstoï, a été converti et pacifié par un mystique de grand chemin. […] Et en fait, le nombre des écrivains optimistes, des artistes heureux et s’occupant de choses heureuses est extrêmement petit, même chez les peuples les plus gais. […] L’on est embarrassé, par contre, de trouver chez les peuples tristes, des littérateurs de quelque nom, dont le génie n’ait rien d’amer ou de mélancolique.

1752. (1857) Cours familier de littérature. IV « XXe entretien. Dante. Deuxième partie » pp. 81-160

Pour qui a visité l’Italie, cela n’est pas étonnant ; le Purgatoire est la grande popularité de la religion chrétienne chez ce peuple à grandes passions et à grands repentirs. […] Une âpre et sublime imprécation à l’Italie, imprécation devenue immortelle dans la bouche de tous les patriotes, éclate tout à coup au sixième chant ; mais c’est l’imprécation d’un Gibelin qui gourmande son peuple pour avoir rejeté son César. […] peuple qui devrais être plus dévoué à ton vrai maître et laisser ton César s’asseoir sur ta selle, si tu comprenais mieux ce que Dieu veut de toi !

1753. (1857) Cours familier de littérature. IV « XXIIIe entretien. I. — Une page de mémoires. Comment je suis devenu poète » pp. 365-444

c’est le Dieu sans refuge              Qui sécha l’eau du déluge,              Qui refoula le Jourdain ;              Qui, pour ouvrir une route              À son peuple ingrat qui doute,              Prit la mer, et la tint toute              Un jour au creux de sa main ! […] La scène qui s’efface pour nous se colore pour un autre peuple ; ce n’est pas le spectacle, c’est le spectateur qui change. […] De même que chaque peuple, chaque civilisation et chaque siècle portent leurs pensées, ils portent aussi leur style.

1754. (1873) Molière, sa vie et ses œuvres pp. 1-196

Certes un peuple qui honore ainsi ses grands esprits ne fait que s’honorer lui-même. […] Ô peuple de badauds et d’étourdis ! […] Il faut que je parle à une foule de peuple et à peu de gens d’esprit ! […] Et vous, peuples, donnez-lui des larmes, si vous ne les pouvez accompagner d’autre chose. […] Il y avoit grande foule de peuple, et l’on a fait distribution de mil à douze cens livres aux pauvres qui s’y sont trouvés, à chacun cinq sols.

1755. (1902) Le critique mort jeune

Un mot forgé par le peuple, selon les secrètes raisons de la nature, sera toujours beau et bon, utile aussi. […] Il nous montre de jeunes intellectuels mettant leur culture à la disposition du peuple et au lieu de développer chez lui, comme ils se le proposent, le libre examen, aidant à former un fanatisme nouveau. […] Le plus humain des peuples était un peu las des plaisirs et des pouvoirs de l’humanité. […] La sagesse des peuples a accumulé les précautions à l’origine du mariage. […] L’autorité de l’expérience et de la tradition et une raison supérieure à la raison raisonnante peuvent seules prévenir les malheurs dont cet éternel esprit d’anarchie menace les peuples et la civilisation.

1756. (1889) Les artistes littéraires : études sur le XIXe siècle

Quant au peuple proprement dit, inutile d’en parler ; il ne lit pas, pour cette bonne raison qu’on a négligé de lui apprendre à lire. […] Il fallait des mets épicés à ce palais d’éphèbe, et lui-même, en quelques pages curieuses de Mademoiselle de Maupin, il se reconnaît atteint, à vingt ans, « de cette maladie qui prend aux peuples et aux hommes puissants dans leur vieillesse ». […] Dans l’opinion généralement répandue, le mystérieux fils d’Hermès et d’Aphrodite, c’est le monstre obscène enfanté par une imagination lubrique, et explicable seulement chez un peuple aux mœurs ambiguës. […] L’homme a été proclamé roi de la nature entière, et encore faut-il entendre le mot roi selon la signification que lui ont toujours donnée les peuples d’Orient, c’est-à-dire le maître absolu et despotique : tout a été, dès l’origine, fabriqué à son usage et soumis à son empire. […] Le fait seul d’aller prendre, comme cadre de son livre, un peuple pour lequel l’archéologie et l’histoire n’ont fourni que des données insignifiantes, porte déjà en soi un indice assez net des dispositions du maître.

1757. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Œuvres françaises de Joachim Du Bellay. [III] »

Du Bellay, dans un sonnet final, demande à ses vers s’ils osent bien espérer l’immortalité et si « l’œuvre d’une lyre » peut prétendre à espérer plus de durée que tant de monuments de porphyre et de marbre qui semblaient devoir être éternels. « Ne laisse pas toutefois de sonner, dit-il à son Luth, car si foible que tu sois, tu peux du moins te vanter d’avoir été le premier des François à chanter « L’antique honneur du peuple à longue robe. » Du Bellay a raison. […] Cette terre si désirée, et qui dès lors était l’objet des vœux de tout savant et de tout poète, ce pays « où le citronnier fleurit », n’était plus, aux yeux de l’exilé, abreuvé d’ennuis et de dégoûts, qu’un rivage de fer, une sorte de Thrace cruelle et barbare : Fuyons, Dilliers, fuyons cette cruelle terre, Fuyons ce bord avare et ce peuple inhumain… Heu !

1758. (1875) Premiers lundis. Tome III « De la loi sur la presse »

Les moments sont pour beaucoup dans la vie des peuples et dans le succès des entreprises. […] Cette peine corporelle est une petite torture lente, imperceptible, indigne d’être infligée, chez un peuple civilisé, à des hommes qui n’ont eu qu’une erreur intellectuelle (si tant est qu’ils l’aient eue en effet).

1759. (1892) Boileau « Chapitre V. La critique de Boileau (Suite). Les théories de l’« Art poétique » (Fin) » pp. 121-155

. — Pour la même raison, le poète tiendra compte des différences que les climats, les époques, la civilisation mettent entre les peuples. […] Voilà donc les limites du genre comique ; il exclut les héros et le peuple, les larmes et la bouffonnerie.

1760. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre III. Les grands artistes classiques — Chapitre IV. Racine »

A côté d’elle, Néron, une âme mauvaise, égoïste, vaniteuse, lâche, en qui l’amour est une fureur sensuelle, un transport de l’imagination, sans tendresse, sans estime, sans pitié : il va à son premier crime, poussé par son instinct, fouetté par la jalousie, retenu par ses peurs, peur de sa mère, peur de son gouverneur, peur des mille voix du peuple, enlevé enfin par l’aigreur de sa vanité, sans étonnement après le crime, et d’une belle impudence, mais affolé soudain d’une peur toute physique, dans la détente de ses nerfs après l’action, et déprimé de voir la femme pour qui il avait fait le coup, lui échapper. […] Fuyez l’aspect de ce climat sauvage… Un peuple obéissant vous attend à genoux Sous un ciel plus heureux… ; mais surtout à la fin, dans ce dernier vers qui évoque à nos yeux Monime Souveraine des mers qui la doivent porter, on voit tout un triomphal cortège glisser sur l’étendue resplendissante des eaux.

1761. (1911) Enquête sur la question du latin (Les Marges)

Supposez que recevant une lettre ainsi conçue : 54817 84354 17320 32691 tous les peuples, rien qu’en feuilletant en deux minutes un petit vocabulaire de poche, comprennent chacun dans leur langue et traduisent : « Envoyez-moi la semaine prochaine vingt tonnes de minerai de cuivre brut seconde qualité que je vous paierai à trois mois, sur votre traite acceptée par moi, deux pour cent d’escompte. » Alors est-ce qu’on ne sera point un peu délivré du cauchemar d’apprendre durant des années les charabias étrangers ? Et le jour où le problème serait ainsi résolu, chaque peuple n’étant plus obligé d’apprendre les langues commerciales, se contenterait de sa langue propre comme langue usuelle — en y ajoutant le français comme langue de culture et d’art.

1762. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre deuxième »

On dirait ces oracles que le peuple, en certains pays, croit voir sortir de la bouché des fous. […] Panurge est l’homme du peuple il a besoin de toutes ses ressources pour se défendre et subsister, et si ses qualités n’y suffisent pas, il est tenté, pour se tirer d’affaire plutôt que par perversité, de faire le contraire du bien.

1763. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre premier »

A ceux qui reprochaient à Balzac le titre de Lettres donné à ses pièces d’éloquence, disant qu’une inscription si basse ne devait couvrir que des choses ordinaires, ses admirateurs répondaient « qu’il n’avait tenu qu’à la fortune que ce qu’on appelait Lettres n’eussent été harangues ou discours d’Etat ; mais que, dans un pays où la volonté d’un seul avait remplacé le gouvernement populaire, n’y ayant ni peuples opprimés à défendre devant un sénat, ni oppresseurs à accuser, il n’y avait pas lieu à l’éloquence politique ; que quant au barreau, les affaires y étaient tellement étouffées par la chicane, que là non plus il n’y avait pas place pour l’éloquence judiciaire : qu’il restait les chaires des prédicateurs, mais que ce n’étaient pas des hommes tels que M. de Balzac qu’on appelait aux fonctions ecclésiastiques », — allusion à Richelieu, qui l’avait critiqué et ne l’avait pas fait évêque, pas même abbé, à quoi Balzac, dit-on, s’était rabattu ; — « que dès lors il avait fallu que son éloquence s’enfermât dans ce petit espace. » C’est là, en effet, le malheur de cette éloquence. […] Dans tous les lieux de l’obéissance de ce feuillant, il était qualifié de monstre ; on le dénonçait auprès des cours étrangères ; on ameutait le peuple contre sa prétendue impiété.

1764. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre quinzième. »

De même que Bossuet trouvait dans sa croyance passionnée à la tradition de l’Église, la sagacité historique qui en aperçoit l’enchaînement sous la mobilité et sous les contradictions des grands corps qui la perpétuent, le sens du moraliste qui découvre au fond des cœurs les causes de la longue obéissance des peuples, l’intelligence qui comprend les grands orthodoxes, et je ne sais quelle amitié, à travers les siècles, qui fait de lui leur frère d’armes dans leurs luttes théologiques ; de même la prévention de Saint-Simon pour une monarchie absolue appuyée sur la noblesse, lui inspira une pénétration impitoyable pour découvrir les vices de la monarchie absolue remplaçant par des roturiers la noblesse disgraciée. […] Mais ce n’est pas seulement par cet esprit d’opposition au gouvernement de Louis XIV qu’ils appartiennent au dix-huitième siècle ; ils en sont les précurseurs par tout ce qu’ils ont pensé et exprimé de durable sur les devoirs des gouvernements envers les peuples, et par des maximes d’humanité, de justice, de patriotisme, dont la propagation a été la gloire du dix-huitième siècle et dont l’application est la tâche du nôtre.

1765. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « II »

Comme il s’adresse au peuple le plus spirituel de la terre, il agrémente le texte du barbare, qu’il traduit. […] Lohengrin révèle son nom, devant le roi et le peuple assemblé.

1766. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1856 » pp. 121-159

Il dit cela, remuant un paquet de cartes hautes d’un pied où sur chacune est une représentation d’une femme, d’un épisode de l’existence : toutes ces allégories dessinées par une main ignare du dessin, mais burlesquement fantastiques, mais bourgeoisement monstrueuses, et peinturlurées brutalement de noir et de vilain rouge, et mettant à ces images de la vie réelle, je ne sais quoi du sauvage et du macabre des figurations d’idoles des peuples primitifs et anthropophages. Alors, avec un geste impérieux — l’index de la main droite plongeant dans le rayon lumineux, et comme montrant dans du jour, l’avenir, — le devin commence, et avec une voix canaille et des intonations de peuple, il vous récite pendant une demi-heure le roman qui vous menace.

1767. (1899) Esthétique de la langue française « La métaphore  »

Michel Bréal, dans sa récente Sémantique 143, écrit, à propos de la singularité de certaines métaphores : « Si l’on disait qu’il existe un idiome où le même mot qui désigne le lézard signifie aussi un bras musculeux, parce que le tressaillement des muscles sous la peau a été comparé à un lézard qui passe, cette explication serait accueillie avec doute, ou bien croirait-on qu’il est parlé des imaginations de quelque peuple sauvage. […] Sans doute, quelle que soit la métaphore, son âge ou son habitat, elle a toujours été une création personnelle ; ni les mots ni les idées ne peuvent être sérieusement considérés comme le produit naturel de cet être mythique qu’on appelle le Peuple.

1768. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre septième. L’introduction des idées philosophiques et sociales dans la poésie. »

Tous les peuples esclaves ou exilés boivent. Les Irlandais, les Polonais sont les peuples les plus ivrognes de l’Europe.

1769. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre III. Le théâtre est l’Église du diable » pp. 113-135

Les Romains, qui savaient merveilleusement désigner les diverses œuvres de l’esprit, et ce fut un grand avantage de leur critique sur la nôtre, avaient des noms pour distinguer entre elles, les diverses comédies représentées sur leurs théâtres : satyres, drames, comédies — præxtextæ, togatæ, palliafæ ; comédies vêtues à la grecque, à la façon des nobles ; vêtues à la romaine, à la façon du peuple. […] Ainsi, rien que par le titre de la chose représentée, on savait si l’on allait voir des gens du monde ou des gens du peuple, des bouffons ou des sénateurs, des élégances chastes, ou des satyres pleines de vin et de licences.

1770. (1913) La Fontaine « II. Son caractère. »

Dans le Voyage en Limousin, écrivant à Mlle de La Fontaine, il dira : « Cette maison était agréable, mais il y avait un peu trop d’enfants, et vous savez quels sont mes sentiments à l’égard de ce petit peuple. » Et je trouve cela un peu dur. […] Ce breuvage vanté par le peuple rimeur, Le nectar que l’on sert au maître du tonnerre Et dont nous enivrons tous les dieux de la terre, C’est la louange, Iris.

1771. (1898) Les personnages de roman pp. 39-76

Quand tout cela serait vrai, il n’en resterait pas moins permis de choisir ses héros parmi les gens du peuple. […] Il s’en faut que le peuple soit tout épais, tout grossier ; qu’il n’exprime une idée qu’après avoir juré, comme on le supposerait d’après certains livres ; qu’on ne puisse assister à une réunion de famille ouvrière sans découvrir une tare nouvelle chez des gens déjà soupçonnés.

1772. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Charles Nodier après les funérailles »

L’intérêt public, celui du monde proprement dit celui du peuple même ; on l’a vu aux funérailles de Nodier cet intérêt d’autant plus touchant ici qu’il est plus désintéressé, éclate de toutes parts ; le nom de celui qui n’a rien été, qui n’a rien pu, qui n’a exercé d’autre pouvoir que le don de plaire et de charmer, ce nom-là est en un moment dans toutes les bouches, et tous le pleurent.

1773. (1874) Premiers lundis. Tome I « Victor Hugo : Odes et ballades — II »

Au milieu de l’énumération des peuples soumis à Napoléon, à côté du Mameluk, du Turc, il mettra le Polonais qui porte une flamme à sa lance .

1774. (1823) Racine et Shakspeare « Chapitre II. Le Rire » pp. 28-42

Quel peuple n’a pas ses préjugés littéraires ?

1775. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Deuxième partie. Invention — Chapitre III. Du récit des faits. — Antécédents et conséquents. — Causes et effets »

Il aurait voulu pouvoir faire quelque chose pour le soulagement du peuple ; tout au moins il avait bon cœur, les bonnes gens le savaient bien.

1776. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre III. Éducation de Jésus. »

Son auteur, vrai créateur de la philosophie de l’histoire, avait pour la première fois osé ne voir dans le mouvement du monde et la succession des empires qu’une fonction subordonnée aux destinées du peuple juif.

1777. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Troisième Partie. De la Poësie. — II. La versification, et la rime. » pp. 257-274

Les Grecs & les Romains sont les deux peuples de la terre qui ont le mieux entendu cette partie, qui ont le plus montré de délicatesse d’oreilles, en mesurant les syllabes brèves & longues, & les combinant ensemble pour le rithme & le métre.

1778. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « VII »

Epopée pour le peuple, guerrière avant tout, conte féerique, espèce de roman de chevalerie, cette œuvre a le rare mérite d’avoir identifié la France avec la patrie.

1779. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Royalistes et Républicains »

Ils n’auront pas à le ramasser… Nous lui devrons, pour dédommagement des malheurs et des hontes dont il n’a pas su nous préserver, sinon de nous faire rentrer, par le clair spectacle de son impuissance, dans notre tradition historique, — car l’Histoire a de ces interruptions qui, comme les arcades rompues du Colysée, doivent rester béantes pour l’éternité, — au moins de nous replacer dans notre tempérament, dans notre vérité de peuple sentant et pensant… Le gouvernement du bavardage éternel, du sophisme, de la subtilité, de la chicane, de l’intrigaillerie de couloir, nous aura réappris le gouvernement de l’action, rapide et droite, qui fut notre génie !

1780. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Le comte de Fersen et la cour de France »

… Fersen, jusqu’à cette heure, n’avait, dans l’histoire, qu’une place mystérieusement éclairée d’un jour faux, et c’est sur cette place que ce livre va verser un jour vrai… Il a été recueilli par un homme du noble sang de Fersen et fier de son lignage ; et certainement, et avant tout, cet homme aura pensé à ce qui fait l’honneur de son illustre parent, à ce dévouement qu’il montra au Roi et à la Reine de France, abandonnés, captifs, et finalement traînés à l’échafaud par leur peuple !

1781. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Madame de Maintenon » pp. 27-40

On s’explique un peu Élisabeth par Burleigh, et Catherine Il par son peuple, mais on ne s’explique madame de Maintenon que par Louis XIV, le moi solitaire et royal… ce qui redouble la difficulté.

1782. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Lettres d’une mère à son fils » pp. 157-170

— dans l’éducation morale, c’est-à-dire dans l’éducation de la volonté de son fils, ni de la religion dans laquelle il a été élevé probablement, ni de la prière, ni des préjugés (ceux qu’il faut rejeter et ceux qu’il faut admettre), ni du point d’honneur, ni du respect humain, ni de la charité, ni de la fonction sociale, ni de la famille, ni des rapports avec les subalternes, ni du théâtre, ni des moralistes, ni de la crédulité aux livres, — la grande superstition des peuples qui ne croient plus aux hommes ! 

1783. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. Henri de L’Épinois » pp. 83-97

Outre l’exercice de ce pouvoir judiciaire qui mène à tous les autres pouvoirs, les évêques prirent une part élevée à l’administration, et le chef respecté de l’Église, dit Mignet, cité par M. de L’Épinois, fut le chef accepté du peuple.

1784. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Abailard et Héloïse »

Elle profite pour cela d’un préjugé populaire et de la légende telle que l’écrit la générosité des peuples sous la dictée de l’infortune.

1785. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XIX. Abailard »

Elle profite pour cela d’un préjugé populaire et de la légende telle que l’écrit la générosité des peuples sous la dictée de l’infortune.

1786. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXVI. Médecine Tessier »

Filtrant partout comme la boue du Nil, dans les inspirations des poëtes, dans les chefs-d’œuvre des artistes, dans les mœurs des classes élevées, pour retomber de là dans les peuples, comme, de l’élégante cuvette d’une fontaine, l’eau ruisselle dans les profondeurs d’un bassin, le Matérialisme, qui cherchait son lit, en a enfin trouvé un, qui semble éternel, sur le marbré des amphithéâtres.

1787. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « M. Caro. Le Pessimisme au XIXe siècle » pp. 297-311

Il est, enfin, non moins épouvantablement certain que cette philosophie de lâche est aussi dans la sensation recherchée des peuples abêtis et énervés qui n’ont ni Dieu pour couronnement de leurs civilisations, ni devoir, ni sens moral, ni rien de la substance qui fut une âme, et qu’ils sont dégoûtés jusque de porter le poids de leurs dernières corruptions !

1788. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Mgr Rudesindo Salvado »

Et, d’un autre côté, si le sort définitif de ces colonies est lié étroitement à la civilisation des peuples sauvages qui les entourent, cette civilisation peut-elle s’obtenir autrement que par un travail fixe et des idées fixes, par une tradition qui persévère de génération en génération, comme la tradition catholique ?

1789. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. J. Autran. Laboureurs et Soldats, — Milianah. »

Les peuples mourant de mollesse, de paix, d’abjection diplomatique, ressuscitent par la guerre.

1790. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Milton »

À côté des pédants de la Critique, il y a les pédants de la Politique, — une race nouvelle, — il y a les caporaux de la Démocratie, qui donnent, depuis quelque temps, le mot d’ordre contre la Poésie, qui lui refusent le droit d’exister, à cette sublime fille de la tête humaine, et qui la traitent comme une amusette de peuple enfant, comme un polichinelle cassé.

1791. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Théophile Gautier. » pp. 295-308

Telle est la force du préjugé et encore plus des relations, chez un peuple qui croit peut-être toujours au mot de Lafayette : « L’insurrection est le plus saint des devoirs », mais qui ne l’admet pas en littérature.

1792. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « L’Abbé *** »

Eugène Sue, l’écrivain des Mystères du Peuple, plus bas de ton que les Mystères de Paris, Eugène Sue, qui, au début de sa vie littéraire, se vantait d’être anti-canaille, et qui a fini par effacer l’anti dans ce mot, a travaillé, en badigeon grossier, pour cette littérature.

1793. (1905) Études et portraits. Portraits d’écrivains‌ et notes d’esthétique‌. Tome I.

si le peuple savait ce qu’il peut ! […] C’est l’histoire littérale du peuple juif, et c’est aussi la représentation des actes temporels du Messie. […] Il est demeuré homme du peuple dans son impression intime de la vie. […] En d’autres termes, il n’y a plus d’expression poétique des sentiments communs à tout un peuple. […] Le dimanche, ce peuple ne va plus à la messe, il va au concert.

1794. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre II. Le théâtre. » pp. 2-96

Le peuple peut y entrer comme les riches ; il y a des places de six pence, de deux pence, même d’un penny ; mais on n’en a que pour son argent ; s’il pleut, et il pleut souvent à Londres, les gens du parterre, bouchers, merciers, boulangers, matelots, apprentis, recevront debout la pluie ruisselante. […] Regardez chez les hommes incultes, chez les gens du peuple, comme tout d’un coup le sang s’échauffe et monte au visage ; les poings se ferment, les lèvres se serrent, et ces vigoureux corps se précipitent tout d’un bloc vers l’action. Les courtisans de ce siècle ressemblent à nos hommes du peuple. […] Après tout, à tout âge, sous toute civilisation, un peuple est toujours lui-même ; quel que soit son habit, sayon de poil de chèvre, pourpoint doré, ou frac noir, les cinq ou six grands instincts qu’il avait dans ses forêts le suivent dans ses palais et dans ses bureaux. […] Beaucoup étaient purement païens et athées ; la cour de la reine elle-même était un asile d’épicuriens et d’athées et de gens sans loi. » (Strype, année 1572.) « Dans ma jeunesse… le dimanche… le peuple ne voulait pas interrompre ses jeux et ses danses, et bien des fois celui qui lisait la Bible était forcé de s’arrêter jusqu’à ce que le joueur de flageolet et les acteurs eussent fini.

1795. (1925) Dissociations

Pour le peuple, il est bouddhiste. […] Nous devenons un peuple si docile qu’ils pourraient manier à leur gré la pâte humaine. […] Mais quel contraste entre ces instituteurs et ces enfants du peuple qui travaillent courageusement à l’œuvre du reboisement des flancs de montagne et des hauts plateaux et ces grands seigneurs qui vendent leurs forêts pour qu’on en fasse des poteaux télégraphiques, des traverses de chemins de fer et du papier ! […] Les autorités ont de même inventé le boisseau décimal, le demi-setier décimal, la chopine décimale ; le peuple n’a pas cédé, s’il décimalise, c’est sans s’en apercevoir. […] Il n’en est pas de même chez les divers peuples qui l’ont adopté au temps où l’Angleterre passait pour être le modèle des gouvernements.

1796. (1898) Manuel de l’histoire de la littérature française « Livre II. L’Âge classique (1498-1801) — Chapitre III. La Déformation de l’Idéal classique (1720-1801) » pp. 278-387

« S’il a paru autrefois des impies, — s’écrie Massillon dans son Petit Carême, — le monde lui-même les a regardés avec horreur… Mais aujourd’hui l’impiété est presque devenue un air de distinction et de gloire ; c’est un mérite qui donne accès auprès des grands, qui relève, pour ainsi dire, la bassesse du nom et de la naissance, qui donne à des hommes obscurs, auprès des princes du peuple, un privilège de familiarité. » [Cf.  […] Les princes du peuple, ce sont les Vendôme, à moins que ce ne soit Philippe d’Orléans lui-même, puisque nous sommes en 1718 ; et ces hommes obscurs, dont la profession d’athéisme ou de libertinage « ennoblit la roture », nous les connaissons également : ce sont les beaux esprits qui se réunissent au café Procope ou au café Gradot ; c’est ce « petit Arouet », comme on l’appelle, et qu’on vient d’embastiller, l’an dernier. […] « C’est en affaiblissant la stupide vénération des peuples pour les lois et les usages anciens, écrit Helvétius, qu’on mettra les souverains en état de purger la terre de la plupart des maux qui la désolent et d’assurer la durée des Empires » [Cf.  […] Ainsi s’exprime encore Diderot, dans son Supplément au voyage de Bougainville ; et telle est aussi l’opinion qu’Helvétius a sans doute ramassée dans quelqu’un des « salons » de son temps : « Les vices d’un peuple sont toujours cachés au fond de sa législation : c’est là qu’il faut fouiller pour arracher la racine productrice de ses vices » [Cf.  […] De l’esprit, Discours II, chap. 15] ; — que les questions morales ne sont que des questions sociales, —  « puisque les vices d’un peuple sont toujours cachés au fond de sa législation » (Cf. 

1797. (1895) Journal des Goncourt. Tome VIII (1889-1891) « Année 1891 » pp. 197-291

Samedi 4 juillet Dans une coupe à saké, en laque rouge, je trouve une petite Japonaise, d’après l’idéal de beauté rêvé par ce peuple : la femme ayant les cheveux noirs, du noir de la laque dont ils sont faits, et le visage ciselé dans un morceau de nacre, apparaissant en une blancheur transparente. […] C’est un Ramsès, le fils de celui dont le nom a fait le tour du monde par les exploits de son bras , dont les victoires sculptées ornent les murs d’Ibsamboul, de Louqsor, du Ramasseum, et pendant que mon esprit est à sa glorieuse campagne contre les peuples de l’Asie occidentale, où, séparé de son armée, et attaqué par un corps de 2 500 chars, il n’échappe à la mort que par des prodiges de valeur, une voix de ventriloque, une voix comique de Bridoux, parlant avec un gardien de la permutation d’un camarade dans une brigade du Nord, me tire de ma rêvasserie, presque colère, et me chasse plus loin. […] Oui, c’est tout le long de cet escalier, exposée sur ces fragments de papyrus, toute la vie civile du peuple du rez-de-chaussée, ce sont ses contrats de vente (ses écrits d’oui), ses donations avec la formule : Tu as donné et mon cœur est satisfait, ses partages, ses prêts, ses inventaires, ses réclamations, etc., etc. […] Lundi 9 novembre Une femme du peuple se plaignant de son fils, près de la buraliste du chemin de fer : « Ah !

1798. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre II. Filles à soldats »

Car la guerre devient « le premier, le plus beau des devoirs, aussitôt qu’elle défend les champs, les villes, la race même, les trésors et le passé d’un peuple ».

1799. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 32, que malgré les critiques la réputation des poëtes que nous admirons ira toujours en s’augmentant » pp. 432-452

Ainsi nous pouvons promettre sans trop de témerité la destinée de Virgile, d’Horace et de Ciceron aux écrivains françois, qui font honneur au siecle de Louis Le Grand, c’est-à-dire, d’être regardez dans tous les temps et par tous les peuples à venir comme tenans un rang entre les grands hommes, dont les ouvrages sont réputez les productions les plus précieuses de l’esprit humain.

1800. (1799) Dialogue entre la Poésie et la Philosophie [posth.]

oui, de celles que les barbouilleurs débitent, et que le peuple recherche, mais non pas des dessins du Poussin et de Raphaël.

1801. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XVII. Le Retour du Christ. Appel aux femmes ! »

Ceux-là seuls, en effet, ont le droit de prier tout haut, parmi les peuples, qui ne mêlent pas d’erreurs à leur prière, et tel n’est point le cas ici.

1802. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « Th. Carlyle » pp. 243-258

Pour faire du pittoresque, comme diraient les peintres plastiques, il descendait jusqu’à la vulgarité et le mauvais goût. « Le cruel Jean Bon, — dit-il quelque part, en parlant de ce représentant du peuple et à la fin d’une page très soutenue et très solennelle, — le cruel Jean Bon !

1803. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Balzac »

Le troisième s’est incarné un peuple.

1804. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Madame de Créqui »

Ses Souvenirs de Madame de Créqui avaient eu le succès de cette chose qui enfonce l’Histoire chez les peuples aussi légers que nous et que l’on appelle l’anecdote.

1805. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « G.-A. Lawrence »

Guy Livingstone est le frère du Giaour, de Lara, de Conrad le Corsaire, moins coupable sans doute que ces sombres figures de la Force blessée au cœur et qui continuent de vivre avec la fierté de la Force jusqu’au moment où, d’un dernier coup, Dieu les achève… C’est un héros de Lord Byron resté au logis (at home), dans son ordre social, qui a été très bon pour lui et qui lui a donné à peu près tout ce que l’ordre social peut donner : la naissance, la fortune, l’éducation, les relations, tout ce qui s’ajoute à la force individuelle dans un pays où l’ordre social est si bien fait qu’un homme s’y dira, avec la certitude qu’on n’a jamais ailleurs, dans les pêles-mêles que l’on prend pour les sociétés : « Je nais ici, et c’est là que je puis mourir. » Comme les héros de Lord Byron, Guy Livingstone est un de ces Puissants taillés pour l’Histoire, et qui les jours où l’Histoire se tait, — car il y a de ces jours-là dans la vie des peuples, — débordent de leur colosse inutile le cadre de la vie privée.

1806. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « MM. Delondre et Caro. Feuchtersleben et ses critiques. — L’Hygiène de l’âme » pp. 329-343

… Le progrès ne doit-il pas, un jour, amener une mutation de génie entre tous les peuples, et les noyer, ces génies différents, dans une fusion universelle ?

1807. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Soulary. Sonnets humouristiques. »

On ne le trouve cultivé et florissant qu’aux époques de forte poésie. » Pour nous, le symptôme est différent : le Sonnet si vanté, à cause de la difficulté vaincue, chez un peuple qui a toujours aimé à vaincre la difficulté, n’est que l’amusette des sociétés qui jouent aux petits jeux de la littérature… Ni les grands noms de Shakespeare, de Milton, de Corneille, de Machiavel, de Pétrarque, qui ont splendidifié ce monde de poésie, si écourté et presque puéril, ne me troublent et ne m’imposent.

1808. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « G.-A. Lawrence » pp. 353-366

Comme les héros de lord Byron, Guy Livingstone est un de ces Puissants taillés pour l’histoire et qui, les jours où l’histoire se tait, — car il y a de ces jours-là dans la vie des peuples, — débordent de leur colosse inutile le cadre de la vie privée.

1809. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre iv »

Contraints à défendre la liberté de la France, nous luttons du même coup pour la libre respiration des petits peuples.

1810. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Introduction »

En ce sens, l’explication intégrale d’un fait social suppose une conspiration de toutes les disciplines de l’histoire, de celles qui ont déjà revêtu la forme scientifique comme de celles qui l’attendent encore : sociogéographie, technologie, anthropologie, psychologie des peuples, économie politique, science des religions, de la morale, etc. : cette conspiration, c’est la future philosophie de l’histoire, qui ne doit plus être, comme celle de l’âge héroïque, antérieure, mais postérieure à la connaissance scientifique des faits sociaux.

1811. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXX. De Fléchier. »

Je passe rapidement sur tous les discours, pour venir à celui qui a, et qui mérite en effet le plus de réputation ; c’est l’éloge funèbre de Turenne, de cet homme si célèbre, si regretté par nos aïeux, et dont nous ne prononçons pas encore le nom sans respect ; qui, dans le siècle le plus fécond en grands hommes, n’eut point de supérieur, et ne compta qu’un rival ; qui fut aussi simple qu’il était grand, aussi estimé pour sa probité que pour ses victoires ; à qui on pardonna ses fautes, parce qu’il n’eut jamais ni l’affectation de ses vertus, ni celle de ses talents ; qui, en servant Louis XIV et la France, eut souvent à combattre le ministre de Louis XIV, et fut haï de Louvois comme admiré de l’Europe ; le seul homme, depuis Henri IV, dont la mort ait été regardée comme une calamité publique par le peuple ; le seul, depuis Du Guesclin, dont la cendre ait été jugée digne d’être mêlée à la cendre des rois, et dont le mausolée attire plus nos regards que celui de beaucoup de souverains dont il est entouré, parce que la renommée suit les vertus et non les rangs, et que l’idée de la gloire est toujours supérieure à celle de la puissance.

1812. (1910) Variations sur la vie et les livres pp. 5-314

Quoi qu’il en soit, du temps de Corneille, les auteurs parlaient comme le feraient des gens de la lie du peuple dans un lieu suspect. […] Il pacifia tous les peuples autour de sa nation, puis il tourna son esprit vers le ciel. […] Dagobert devint cher à son peuple. […] Le peuple d’Athènes essuya le reproche d’avoir prostitué aux marionnettes d’un certain Pothein la scène où les héros tragiques d’Euripide faisaient retentir leur fureur. […] Puis selon Tolstoï, le comédien Shakespeare a dû être un méchant homme, fort corrompu, un flatteur qui ne s’attachait qu’aux grands et qui méprisait le peuple.

1813. (1895) Impressions de théâtre. Huitième série

Une femme du peuple, Métrotimé, vient trouver le maître d’école Lampriscos pour qu’il mette à la raison son garnement de fils, Kottalos, dont elle lui raconte les méfaits. […] C’est la petite bourgeoisie et le petit peuple cordial du Paris d’autrefois ; ce sont les personnages de Paul de Kock, de ce Paul de Kock qui plaisait tant à l’un des derniers Papes (je ne sais plus si c’était Grégoire XVI ou Pie IX). […] Et le « peuple qui crève de faim et que vous avez flatté, « quand donc penserez-vous à lui ?  […] Au dehors, le peuple crie, sur l’air des lampions : « Rémoussin ! […] Et cependant, Morin lavé, Morin triomphant, harangue la foule : « Oui, mes amis, ce que je veux, c’est le bonheur du peuple, de ce peuple intelligent et fier, etc. » Et la foule crie : « Vive Morin ! 

1814. (1890) La bataille littéraire. Deuxième série (1879-1882) (3e éd.) pp. 1-303

Communion de tous les peuples, fêtes publiques. […] La république s’était suicidée en juin par une effroyable scission entre le peuple et la bourgeoisie. […] Les peuples ont leur enfance comme les hommes ; certes nous mentons en menaçant notre enfant de croquemitaine et du loup, mais on l’a subitement impressionné, empêché de se blesser, de se brûler, jusqu’au temps où l’on pourra s’adresser à sa raison et à son intelligence. […] J’ai omis de dire que le roman se passe à la veille de la Révolution et, pour l’excuse de certaines parties du livre, que le malaise de la France n’avait pas épargné le clergé plus que le reste du peuple. […] Vils flatteurs, vous dites au peuple qu’il est souverain, mais vous savez bien que c’est un souverain éternellement mineur, dupe d’habiles filous que l’on appelle démagogues.

1815. (1858) Du vrai, du beau et du bien (7e éd.) pp. -492

L’enfant, le peuple, les trois quarts du genre humain ne la dépassent guère, et s’y reposent avec une sécurité illimitée. […] Où est-il donc cet oracle qui ne se tait jamais, et contre lequel ne peuvent jamais rien tous les vains préjugés des peuples ? […] Que ce client soit un homme, un peuple, une idée, peu importe. […] Connaissez-vous une langue, un peuple, qui ne possède le mot de vertu désintéressée ? […] Elle descendit de la cour dans la noblesse, dans le clergé même, et aussi dans le peuple.

1816. (1901) Des réputations littéraires. Essais de morale et d’histoire. Deuxième série

», bien qu’il ait soulevé la furie d’un peuple imbécile et fanatisé, est le fait rédempteur par lequel sont absous mille et mille péchés de sa plume. […] Les voyageurs en pays sauvages ont constaté que, chez les peuples qui n’ont point de grammaire, la langue est si instable que, dans un laps de temps de moins de deux années, on ne la reconnaît plus. […] « On vante avec raison, écrit Kant dans sa Critique du jugement, les ouvrages des anciens comme des modèles ; les auteurs en sont appelés classiques et forment, parmi les écrivains, comme une noblesse dont les exemples sont des lois pour le peuple. […] La pensée des individus, et d’abord celle des peuples, sera donc ce que la langue nationale, qui est son moule nécessaire, la forcera d’être. […] S’il est vrai qu’il y ait 5,744 mots arabes relatifs au chameau, on voit l’importance de cet animal utile dans la vie de ce peuple nomade ; mais on comprend aussi avec quelle tyrannie, nuisible à l’introduction d’idées d’un autre ordre, leur imagination doit en être obsédée.

1817. (1866) Cours familier de littérature. XXII « CXXXIe entretien. Littérature russe. Ivan Tourgueneff » pp. 237-315

Ivan Tourgueneff I La littérature est comme le soleil : elle éclaire tour à tour l’horizon des peuples. […] Ces peuples fondent des capitales improvisées, comme Pétersbourg ; des étapes d’un moment dans des climats inhabitables, aux bords de la mer, pour surveiller de là des voisins plus avancés qu’eux-mêmes dans les arts de la navigation ; puis, lorsque le péril est passé, ils passent dans de meilleurs climats et bâtissent, comme en Crimée, aux bords d’autres mers, des capitales d’avenir, pour porter leurs yeux et attirer leurs cœurs vers des empires croulants, qui offrent à leur espoir des capitales définitives, où le soleil et l’ambition les invitent. […] C’est alors que Karamsin écrit, d’une main encore novice, l’histoire nationale de la Russie ; que Pouschkine ou Lamanof chantent leurs poèmes, auxquels il ne manque que l’originalité ; c’est alors, enfin, que des écrivains à formes moins prétentieuses, comme Ivan Tourgueneff, dont nous nous occupons en ce moment, écrivent avec une originalité à la fois savante et naïve ces romans ou ces nouvelles, poèmes épiques des salons, où les mœurs de leur nation sont représentées avec l’étrangeté de leur origine, la poésie des steppes et la grâce de la jeunesse des peuples. […] D’abord je ne m’éloigne que pour peu de temps, et je pars avec une société charmante et de la façon la plus agréable ; en second lieu, je suis convaincu qu’après avoir cédé à cette dernière fantaisie, après avoir satisfait à ce désir de voir de nouvelles contrées et de nouveaux peuples, j’en reviendrai à la vie la plus calme et la plus casanière. […] Le peuple russe croit que ces taches à la joue gauche sont un signe de malheur.

1818. (1864) Cours familier de littérature. XVII « Ce entretien. Benvenuto Cellini (2e partie) » pp. 233-311

Comme le bruit courait depuis longtemps que ce vieux château était habité par un esprit, que je n’avais cependant jamais vu ni entendu, et que cette fille qui était couchée dans cette tête la faisait remuer de temps en temps, le sot peuple disait que l’esprit s’était déjà emparé de cette grande figure, et qu’il lui faisait mouvoir les yeux et la bouche, comme si elle voulait parler ; les uns en étaient effrayés, et les autres plus malins s’efforçaient de le leur faire croire, quoiqu’ils ne sussent pas qu’il y avait dans cette tête un véritable esprit. » VIII Le roi cependant, à la sollicitation de Mme d’Étampes, lui reprocha de perdre son temps et son talent à faire pour d’autres des vases, des salières, des têtes, des portes, et de négliger les grands ouvrages qu’il lui avait commandés. […] Il lui commanda une œuvre de sculpture dont il décorait en ce moment la Logia de Lanzi, espèce d’amphithéâtre couvert, mais en plein air, où l’on exposait à perpétuité les œuvres immortelles des artistes toscans à l’admiration et à la gloire du peuple sur la place du Gouvernement. […] C’est la beauté, la colère et la victoire vengeresse fondues dans une même expression ; Cosme en fut ravi, et le peuple toscan le rangea dès le premier jour au rang de ces œuvres qui n’ont pas de secondes.

1819. (1911) Lyrisme, épopée, drame. Une loi de l’histoire littéraire expliquée par l’évolution générale « Appendices » pp. 235-309

… Ceux qui t’ont bâtie t’ont rendue parfaite en beauté  (Ézéchiel, XXVII, 4) ; … tous les navires de la mer et leurs mariniers ont été avec toi pour trafiquer et pour faire ton commerce (XXVII, 9) ; … tu as rassasié plusieurs peuples et tu as enrichi les rois de la terre (XXVII, 33) ; … tu es un sujet d’étonnement (36). […] Un ennemi du peuple (1882) ; cinq actes, dans la même ville ; le premier, dans le salon de Stockmann, commence au soir ; le deuxième se passe le lendemain, avant midi, dans le même lieu ; le troisième, après midi, au bureau de rédaction du Volksbote ; le quatrième, chez le capitaine Holster, le lendemain au soir ; le cinquième, au matin suivant, dans le cabinet de Stockmann. […] La civilisation dont nous sommes aussi fiers que l’Égypte le fut de la sienne pourrait sombrer dans une nouvelle barbarie… Notre effort ne serait pas perdu ; d’autres peuples, recommençant l’ascension, retrouveraient nos traces et vivraient de notre indomptable espérance.

1820. (1863) Cours familier de littérature. XV « LXXXIXe entretien. De la littérature de l’âme. Journal intime d’une jeune personne. Mlle de Guérin (2e partie) » pp. 321-384

Il est nuit, mais une de ces nuits lumineuses sur les collines de Judée ; les disciples de ce sage, qui voit sa mort pour le lendemain dans la colère des grands et dans l’indifférence du peuple de Jérusalem, reposent endormis et à peine visibles, étendus sur les racines des noirs oliviers ; le Christ les fuit comme des compagnons qui commencent à douter et dans l’esprit de qui la trahison s’insinue pour ébranler la foi chancelante. […] Descendant comme nous de l’exilé d’Éden, connaissent-ils sa naissance, sa vie, sa chute, sa lamentable et merveilleuse histoire ; cette Ève pour laquelle il a perdu le ciel, tant de malheur et de bonheur ensemble, tant d’espérances dans la foi, tant de larmes sur leurs enfants, tant et tant de choses que nous savons, que savait peut-être avant nous ce peuple dont il ne reste qu’une planche ?

1821. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXIe entretien. Mémoires du cardinal Consalvi, ministre du pape Pie VII, par M. Crétineau-Joly (3e partie) » pp. 161-219

Alors, avec la rapidité de l’éclair, et sans lui accorder aucun répit, on le traîna jusqu’à Grenoble, où il ne resta prisonnier que onze jours, parce que la piété du peuple inspirait des craintes au gouvernement. […] Il le laissa passer pour se donner du temps ; Pie VII passa et arriva à Rome porté sur les bras et sur le cœur du peuple.

1822. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXIVe entretien. La Science ou Le Cosmos, par M. de Humboldt (3e partie) » pp. 365-427

J’appris plus tard qu’en Allemagne des voituriers et d’autres gens avaient prévenu les astronomes du peuple d’une grande apparition dans le ciel, ce qui a fourni l’occasion de renouveler les railleries accoutumées contre les hommes de science (comme pour les comètes dont la venue n’avait pas été prédite). […] Le premier objet de cette pensée, partout, chez tous les peuples plus ou moins policés, c’est l’auteur du monde.

1823. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série «  Leconte de Lisle  »

La palestre, l’Agora, les Dionysiaques et les Panathénées leur étaient de suffisantes raisons de consentir à voir la lumière et empêchaient la maladie métaphysique de devenir jamais mortelle à ce peuple subtil. […] Il les verrait plutôt du même regard que ce corbeau positiviste, soixante fois centenaire, qui raconte ses aventures à l’abbé Sérapion : Seigneur, dit le corbeau, vous parlez comme un homme Sûr de se réveiller après le dernier somme ; Mais j’ai vu force rois et des peuples entiers Qui n’allaient point de vie à trépas volontiers.

1824. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre sixième. »

On n’avait pas d’ailleurs cessé un seul jour en France d’écrire ou de parler en latin, en sorte que depuis longtemps, par la religion, par l’usage, par ces grands traits de ressemblance avec le peuple romain, nous inclinions du côté où nous poussait le catholicisme, vainqueur de la Réforme. […] Ainsi en usent les hommes de génie avec des langues qui ne sont pas encore formées ; ils imitent les gens du peuple, toujours enfants même au sein des langues perfectionnées, lesquels, ayant plus d’idées que de mots pour les rendre, courent aux équivalents, aux comparaisons, aux figures, s’aidant de tout pour parler comme ils sentent, et se faisant dans la chaleur du moment une langue incorrecte mais vive expressive et colorée.

1825. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 février 1886. »

Il y a encore beaucoup à faire, à créer, à Bayreuth ; et pour chaque Wagneriste, il y a à contribuer à la formation de ce public idéal, de ce « peuple d’idéalistes » que Wagner nous a décrit, non pas de gens « qui se font des idéals » dans le sens banal du mot, mais d’hommes vivant dans l’idée, voyant l’Art et y croyant. […] Il y dit : « Chaque peuple a une quadruple intuition : religieuse, politique, scientifique et artistique. » Il voit dans le drame le point culminant de la poésie.

1826. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Chapitre II : Règles relatives à l’observation des faits sociaux »

Un peuple qui en remplace un autre n’est pas simplement un prolongement de ce dernier avec quelques caractères nouveaux ; il est autre, il a des propriétés en plus, d’autres en moins ; il constitue une individualité nouvelle et toutes ces individualités distinctes, étant hétérogènes, ne peuvent pas se fondre en une même série continue, ni surtout en une série unique. […] Ils partent de cette idée que notre morale est la morale ; or il est évident qu’elle est inconnue des peuples primitifs ou qu’elle n’y existe qu’à l’état rudimentaire.

1827. (1833) De la littérature dramatique. Lettre à M. Victor Hugo pp. 5-47

Les théâtres, vrais thermomètres de la prospérité publique, sont tout à la fois le soutien des lettres et des beaux-arts ; en entretenant un certain luxe, ils encouragent le commerce, appellent l’or de l’étranger, amusent les oisifs, instruisent le peuple, et rendent au vieillard les charmes des illusions du jeune âge. Si les théâtres, pour un vieux peuple, sont devenus une nécessité, un besoin indispensable, il est du devoir du gouvernement de les soutenir convenablement, afin de pouvoir les diriger dans l’intérêt de la morale, des mœurs et de nos grandes institutions.

1828. (1913) La Fontaine « VI. Ses petits poèmes  son théâtre. »

Or, c’est ce que dit La Fontaine : Je ne veux pour témoins de ces expériences, Que les peuples sans lois, sans arts et sans sciences. […] Un du peuple étant mort, notre saint le contemple En forme de convoi soigneusement porté Hors les toits fourmillants de l’avare cité.

1829. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Vie militaire du général comte Friant, par le comte Friant, son fils » pp. 56-68

Championnet demanda au général en chef Jourdan le nom de cet officier précieux et désira l’avoir avec lui pour commander son avant-garde ; et quand peu de temps après Friant passa général, il lui apprit sa nomination en ces termes tout empreints de la camaraderie républicaine : Le représentant du peuple Gillet vient de rendre justice à ton mérite ; il t’a nommé général de brigade.

1830. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Histoire de la littérature française, par M. D. Nisard. Tome iv. » pp. 207-218

Il en est de même des peuples célèbres : la plupart ont vu naître dans leur sein des hommes profondément empreints de la physionomie nationale, comme si la nature les eût destinés à en offrir le modèle. — Et c’est ainsi, ajoute-t-il, que la nature produisit dans Voltaire l’homme le plus éminemment doué de toutes les qualités qui caractérisent et honorent sa nation, et le chargea de représenter la France à l’univers. » Et il énumère les qualités nombreuses et les quelques défauts essentiels qui font de lui l’image brillante du Français accompli.

1831. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « JULES LEFÈVRE. Confidences, poésies, 1833. » pp. 249-261

Si ce volume, qui ne doit pas contenir moins de six mille vers, tombait aux mains de lecteurs qui aiment peu les vers, et ceux d’amour en particulier ; si, d’après la façon austère et assez farouche qui essaye de s’introduire, on se mettait aussitôt à morigéner l’auteur sur cet emploi de sa vie et de ses heures, à lui demander compte, au nom de l’humanité entière, des huit ou dix ans de passion et de souffrance personnelle que résument ces poëmes, et à lui reprocher tout ce qu’il n’a pas fait, durant ce temps, en philosophie sociale, en polémique quotidienne, en projets de révolution ou de révélation future, l’auteur aurait à répondre d’un mot : qu’attaché sincèrement à la cause nationale, à celle des peuples immolés, il l’a servie sans doute bien moins qu’il ne l’aurait voulu ; que des études diverses, des passions impérieuses, l’ont jeté et tenu en dehors de ce grand travail où la majorité des esprits actifs se pousse aujourd’hui ; qu’il s’est borné d’abord à des chants pour l’Italie, pour la Grèce ; mais qu’enfin, grâce à ces passions mêmes qu’on accuse d’égoïsme, et puisant de la force dans ses douleurs, en un moment où tant de voix parlaient et pleuraient pour la Pologne, lui, il y est allé ; qu’il s’y est battu et fait distinguer par son courage ; que, s’il n’y a pas trouvé la mort, la faute n’en est pas à lui ; qu’ainsi donc il a payé une portion de sa dette à la cause de tous, assez du moins pour ne pas être chicané sur l’utilité ou l’inutilité sociale de ses vers.

1832. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « FLÉCHIER (Mémoires sur les Grands-Jours tenus à Clermont en 1665-1666, publiés par M. Gonod, bibliothécaire de la ville de Clermont.) » pp. 104-118

Ne l’avez-vous pas vu donner le bal et des fêtes à grand bruit en un temps où tout le peuple regrettoit la mort de M. de Canillac, et où il venoit presque lui-même de le condamner ?

1833. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Des soirées littéraires ou les poètes entre eux »

Cela s’est déjà passé de la sorte aux autres époques de civilisation raffinée ; et du moment que la poésie, cessant d’être la voix naïve des races errantes, l’oracle de la jeunesse des peuples, a formé un art ingénieux et difficile, dont un goût particulier, un tour délicat et senti, une inspiration mêlée d’étude, ont fait quelque chose d’entièrement distinct, il a été bien naturel et presque inévitable que les hommes voués à ce rare et précieux métier se recherchassent, voulussent s’essayer entre eux et se dédommager d’avance d’une popularité lointaine, désormais fort douteuse à obtenir, par une appréciation réciproque, attentive et complaisante.

1834. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « M. Victor Vousin. Cours de l’histoire de la philosophie moderne, 5 vol. ix-18. »

Non, la statue de la Liberté n’a point l’intérêt pour base, et ce n’est pas à la philosophie de la sensation et à ses petites maximes qu’il appartient de faire les grands peuples… » Ainsi la liberté politique était invoquée en aide de la liberté morale par une sorte d’association et d’alliance naturelle qui n’était pas une confusion.

1835. (1874) Premiers lundis. Tome I « Alexandre Duval de l’Académie Française : Charles II, ou le Labyrinthe de Woodstock »

Selon eux, une société vieillie comme la nôtre, et tout entière adonnée aux discussions politiques, peut et doit se passer d’un grand et sérieux théâtre ; les bluettes du Gymnase suffisent chaque soir à dissiper la migraine de nos hommes d’État ; et quant au peuple, moins friand et plus avide en fait d’émotions, n’a-t-il pas les Deux Forçats et le Joueur ?

1836. (1823) Racine et Shakspeare « Chapitre premier. Pour faire des Tragédies qui puissent intéresser le public en 1823, faut-il suivre les errements de Racine ou ceux de Shakspeare ? » pp. 9-27

. — Un autre jour, nous parlerons de cette incontestable supériorité que le Français en général, et en particulier l’habitant de Paris, a sur tous les peuples du monde.

1837. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Deuxième partie. Invention — Chapitre II. Définition. — Énumération. — Description »

Enfin dans les deux descriptions j’apercevrai, non pas deux procédés seulement, ni deux arts, mais deux siècles et deux hommes : d’un côté, l’esprit lettré, l’orateur, qui raisonne sa sensation et ne conçoit rien que de triste hors des conditions du monde civilisé et de la vie de société ; de l’autre, le critique, l’artiste, capable de prendre tour à tour l’âme de tous les peuples, acceptant la sensation étrange et même illogique, habile à saisir la beauté dans les moins riants aspects de la nature, dans l’égalité monotone de la lumière.

1838. (1888) Demain : questions d’esthétique pp. 5-30

Comme ils ne font, à proprement parler, aucun héritage spirituel et ne subissent guère du temps d’autre atteinte que la dépravation d’une complication superficielle qui toutefois et déjà no leur permet plus de se complaire aux simplicités des premiers Ages, les peuples n’assument pas les graves soucis des générations antécédentes, et ces intelligences restées puériles voudraient toujours des refrains de berceau.

1839. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre XVII. Romans d’histoire, d’aventures et de voyages : Gebhart, Lemaître, Radiot, Élémir Bourges, Loti » pp. 201-217

Pourtant, l’Abbesse de Jouarre amorçait à Histoire du peuple d’Israël.

1840. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre deuxième »

C’est alors le mot de Molière dans la bouche de tout un peuple : « Je prends mon bien où je le trouve. » Là est la bonne imitation ; l’autre n’est qu’un commerce de dupe, où un pays échange ses qualités contre les défauts d’un autre, et donne son or contre du billon.

1841. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre XII. L’antinomie morale » pp. 253-269

Parfois même elle semble aspirer à une sociabilité supérieure, exemple d’hypocrisie, éprise d’intelligence et de science (Vigny, La Bouteille à la mer, Le Pur Esprit) ; puissante, par la science accrue et la solidarité élargie (Ibsen, l’Ennemi du peuple).

1842. (1920) La mêlée symboliste. I. 1870-1890 « La Plume » pp. 129-149

N’est-ce point-là l’œuvre définitive qui marque une étape et fait époque dans la vie littéraire d’un peuple ?

1843. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Œuvres littéraires de M. Villemain (« Collection Didier », 10 vol.), Œuvres littéraires de M. Cousin (3 vol.) » pp. 108-120

Lorsque, la première fois, le brillant écrivain abordait ces portions d’étude si compliquées et parfois si sombres, il n’avait connu que les grâces de la vie, et il n’en avait recueilli que les applaudissements faciles : « Lecteur profane, disait-il, je cherchais dans ces bibliothèques théologiques les mœurs et le génie des peuples… » Pour bien apprécier le génie des Ambroise et des Augustin durant ces âges extrêmes de la calamité et de l’agonie humaine, il fallait avoir fait un pas de plus, et y revenir avec la conscience qu’on n’a été soi-même étranger à rien de l’homme.

1844. (1899) Esthétique de la langue française « Le vers populaire  »

La morale des chansons populaires est à la fois très légère et très sombre : le peuple y apparaît comme uniquement en quête du plaisir, et principalement de l’amour.

1845. (1902) L’humanisme. Figaro

Mais, bien qu’ils y revinssent toujours comme en leur citadelle inexpugnable, les parnassiens sortirent souvent de la belle tour close où ils adoraient à l’écart l’idole hiératique : témoin Leconte de Lisle, dont la poésie, si impassible qu’elle veuille être, laisse souvent deviner la pensée généreuse et entendre le cœur palpitant ; témoin Sully Prudhomme, si préoccupé de justice et de bonheur, et qui loua André Chénier d’avoir uni Le laurier du poète à la palme du juste ; et Anatole France, dont les Noces corinthiennes ont pu sembler, vingt ans après avoir été écrites, une pièce d’actualité ; et le tendre et nostalgique Dierx, et Catulle Mendès, dont la fantaisie est si moderne, et Coppée, penché sur les humbles, et Heredia enfin, le somptueux conquistador épris des époques reculées et des rivages lointains, qui un jour, se souvenant qu’il était un homme d’aujourd’hui et appartenait à un « peuple libre », consentit à dresser un beau « trophée » en plein Paris, sur le pont Alexandre.

1846. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre troisième. De la sympathie et de la sociabilité dans la critique. »

Le critique, pour ne pas se supprimer soi-même, pour se faire sa place au soleil, se voit souvent forcé de rudoyer le peuple des auteurs et artistes ; aussi une hostilité plus ou moins inconsciente s’établit-elle vite entre les deux camps.

1847. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — M. de Voltaire, et M. de Maupertuis. » pp. 73-93

L’Europe entière s’occupa de lui & de sa disgrace : il fit même l’entretien du peuple.

1848. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre VIII. Des romans. » pp. 244-264

J’en ai indiqué quelques-uns, en citant le Sage ; mais celui de tous qui a eu le plus de réputation, chez tous les peuples qui se piquent d’esprit, est l’Histoire de l’invincible Don Quichote de la Manche.

1849. (1763) Salon de 1763 « Peintures — Deshays » pp. 208-217

Il y a sans doute de la sublimité dans une tête de Jupiter ; il a fallu du génie pour trouver le caractère d’une Euménide, telle que les Anciens nous l’ont laissée ; mais qu’est-ce que ces figures isolées en comparaison de ces scènes où il s’agit de montrer l’aliénation d’esprit ou la fermeté religieuse, l’atrocité de l’intolérance, un autel fumant d’encens devant une idole ; un prêtre aiguisant froidement ses couteaux, un préteur faisant déchirer de sang-froid son semblable à coups de fouet, un fou s’offrant avec joie à tous les tourments qu’on lui montre et défiant ses bourreaux ; un peuple effrayé, des enfants qui détournent la vue et se renversent sur le sein de leurs mères, des licteurs écartant la foule, en un mot, tous les accidents de ces sortes de spectacles ?

1850. (1824) Notice sur la vie et les écrits de Chamfort pp. -

L’homme qui avait proposé pour devise à nos soldats entrant en pays ennemi : Guerre aux châteaux, paix aux chaumières ; celui qui disait en 1792 : Je ne croirai pas à la révolution, tant que je verrai ces carrosses et ces cabriolets écraser les passants, ne pouvait pas aisément être regardé comme un ennemi du peuple.

1851. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XXV. Mme Clarisse Bader »

Elle se met derrière Aristote, — non pas comme Sganarelle dans son chapitre des Chapeaux, mais dans sa Politique, quand elle dit que c’est chez les peuples guerriers que la femme a le plus d’influence, parce que plus on est fort, moins on est jaloux de son autorité.

1852. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Jacques Cœur et Charles VII »

L’Histoire a noyé les petitesses et les viletés de l’âme du « Bien-Servi » dans la plus grande gloire qu’elle puisse allumer sur un nom, — la gloire d’avoir sauvé la nationalité d’un peuple !

1853. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Lamennais »

Il commençait à s’en détacher en 1827, et il croyait que tout le monde était comme lui : « Je ne vois qu’une chose dans le peuple, — écrivait-il à ses amis, — c’est l’indifférence pour tout ce qui rappelle la monarchie.

1854. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Horace Walpole »

Les philosophes, qui, à cette époque, commençaient de régner sur les peuples un peu plus que les rois, ne lui firent pas la moindre illusion.

1855. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « M. Funck Brentano. Les Sophistes grecs et les Sophistes contemporains » pp. 401-416

Ils furent puissants à dégoûter du peuple chez lequel ils eurent cette puissance… Ils eurent l’influence et même parfois le pouvoir, et la plupart : Zénon, Mélissus, Antiphron, furent des hommes politiques ; d’autres, des amiraux et des ambassadeurs : — Mélissus encore, Gorgias, Hippias et Prodicus… Et ce n’étaient, au fond, pourtant, que des avocats, des vendeurs de paroles, qui vivaient de leurs paroles, les faisant payer comme nous payons le chant de nos ténors… C’est toujours du son qu’on achète !

1856. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Édouard Gourdon et Antoine Gandon » pp. 79-94

C’est un Turenne du peuple, sans génie, sans bâton de maréchal resté dans la giberne pour donner raison à Louis XVIII, et aussi sans la piété du grand Turenne, qui lui aurait ôté, s’il l’avait eue, cet air triste qui ne lui va pas, pour mettre à la place l’air serein, le véritable air d’une figure, d’une vie, d’une conscience comme la sienne ; car le scepticisme qui nous déborde, et qui n’a pas fait de foi aux plus grandes âmes, a versé son ombre et sa misère sur les fronts les mieux nés pour être sereins.

1857. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Le Sage » pp. 305-321

Il avait versé de l’eau dans ce vin de feu… Il avait glissé sur les mœurs de ce peuple si fièrement sérieux et si sombrement grave, avec la petite rose de la gaîté française à la bouche.

1858. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXXVI. Des éloges académiques ; des éloges des savants, par M. de Fontenelle, et de quelques autres. »

L’orateur ressemble à ces grands prêtres antiques qui, à la lueur du feu sacré, parlaient au peuple aux pieds de la statue de leur divinité.

1859. (1889) La littérature de Tout à l’heure pp. -383

(Les autres arts, il est vrai, dormirent, sauf chez les peuples protestants dont le coup de sang de la Réforme prolongea, tout en la dépravant peut-être, l’inspiration artistique.) […] On vit alors le vieux Corneille ranimer les héros de Rome, et, de par la magie de Racine, se redresser de l’oubli le peuple majestueux de Sophocle et d’Euripide. […] prolifique monstre qui peuples la terre de démons, l’enfer d’hommes et le ciel d’esclaves !  […] Zola, par exemple, a souvent le projet précis de peindre des masses, la foule de la rue, un atelier, un grand magasin, le peuple des mines. […] Chic de garnison, aristocratie de commis-voyageurs, habits de pages portés par des palefreniers, langage de salon parlé dans l’antichambre… L’atmosphère n’en est devenue que plus lourde aux poëtes qui parfois lèvent qu’ils vivent dans, un peuple de singes… IV.

1860. (1927) André Gide pp. 8-126

El Hadj est l’histoire ultra-symbolique d’un prophète qui console par de pieux mensonges et ramène dans sa ville un peuple égaré dans le désert, à la recherche d’un Chanaan chimérique et à la suite d’un prince mystérieux, toujours caché dans sa litière ou sous sa tente et dont personne n’a pu voir le visage. Seul le prophète a fini par être admis auprès du prince, mais plus il l’approchait, plus le prince dépérissait : on ne peut pourtant avouer au peuple qu’il est enfin mort, si tant est qu’il ait jamais vraiment existé. […] Tel régime vaut mieux pour tel peuple, à tel moment ; tel autre pour tel autre peuple, ou pour le même dans une autre période de son histoire.

1861. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — Chapitre V. Swift. » pp. 2-82

Il s’y débattit d’abord contre la haine populaire, puis contre le ministère vainqueur, puis contre l’humanité tout entière, par des pamphlets sanglants, par des satires désespérées ; il y savoura encore une fois le plaisir de combattre et de blesser962 ; il y souffrit jusqu’au bout, assombri par le progrès de l’âge, par le spectacle de l’oppression et de la misère, par le sentiment de son impuissance, furieux « de vivre parmi des esclaves », enchaîné et vaincu. « Chaque année, dit-il, ou plutôt chaque mois je me sens plus entraîné à la haine et à la vengeance, et ma rage est si ignoble qu’elle descend jusqu’à s’en prendre à la folie et à la lâcheté du peuple esclave parmi lequel je vis963. » Ce cri est l’abrégé de sa vie publique ; ces sentiments sont les matériaux que la vie publique a fournis à son talent. […] Swift ameuta contre elle le peuple en lui parlant son langage, et triompha du bon sens et de l’État968. « Frères, amis, compatriotes et camarades, ce que je vais vous dire à présent est, après votre devoir envers Dieu et le soin de votre salut, du plus grand intérêt pour vous-mêmes et vos enfants ; votre pain, votre habillement, toutes les nécessités de la vie en dépendent. […] De preuves, nulle trace : il n’y a pas besoin de preuves pour convaincre le peuple ; il suffit de répéter plusieurs fois la même injure, d’abonder en exemples sensibles, de frapper ses yeux et ses oreilles. […] Est-ce avec le Parlement ou avec le peuple d’Irlande ?

1862. (1887) Journal des Goncourt. Tome II (1862-1865) « Année 1865 » pp. 239-332

Et comme nous essayions de démêler les caractères des deux peuples français et anglais, Herzen nous dit : « Tenez, il y a un Anglais qui les a assez bien résumés ces deux caractères, dans cette phrase : « Le Français mange du veau froid chaudement ; nous, nous mangeons notre bœuf chaud froidement. » * * * — D’homme à femme, peut-être n’y a-t-il de bien vrai et de bien sincère, que les sentiments que la parole n’exprime pas. […] Tout en eux respirait le manque d’éducation, et montrait l’homme du peuple prétentieux, devenu insupportable par je ne sais quel orgueil d’idéal. […] * * * — Les vengeances du peuple contre les riches : ce sont ses filles. […] L’Italienne est gracieusement sculpturale, et montre dans son droit profil et sa fine nuque de bronze florentin, une distinction de race, le style de ces campagnardes étrusques, où reste comme la marque d’un grand passé : femmes qui, tout peuple qu’elles sont, restent des reines de nature.

1863. (1853) Portraits littéraires. Tome II (3e éd.) pp. 59-300

La foule qui se presse dans nos théâtres, qui court aux scènes sanglantes de nos boulevards, comme le peuple romain courait aux combats de gladiateurs, sait à peine que M.  […] La Popularité, qui a le défaut, très grave sans doute, de rappeler presque littéralement le mouvement et les images de la Curée, rachète heureusement ce défaut par le courage, je devrais dire par la nouveauté des sentiments qu’elle développe ; car soutenir que l’accomplissement des devoirs politiques doit passer avant le bruit des applaudissements, soutenir que le témoignage de la conscience est supérieur à la popularité, c’est pour la foule qui regarde et pour la foule qui agit, pour le peuple des orateurs et pour le peuple des auditeurs, quelque chose qui tient du paradoxe. […] L’accroissement de la richesse est une application légitime de la volonté humaine ; mais lorsque l’immense majorité d’un peuple voue toutes ses forces à la pratique de la seule industrie, l’homme est envahi par la chose, ou plutôt passe lui-même à l’état de chose, et c’est à l’effacement de la personne humaine qu’il faut rapporter la tristesse de Londres. […] Cependant j’ai peine à comprendre qu’un savant du premier ordre, lorsqu’il se mêle de conspirer ou du moins d’intervenir comme agent dans une conspiration, ne se croie pas obligé d’étudier le peuple et le pays qu’il veut, qu’il espère régénérer par une révolution. […] Si la beauté tragique devant laquelle s’agenouillait le peuple d’Athènes se compose des mêmes éléments que la beauté dramatique applaudie par la cour d’Élisabeth, la raison veut que la réforme ne se montre pas moins impartiale que l’histoire.

1864. (1925) Comment on devient écrivain

Tous les peuples apprécient la ruse presque à l’égal du courage. […] Homais, l’inoubliable Homais, un des personnages les plus réussis que le roman ait créés, et qui pourtant ne sera jamais populaire, parce que le peuple et la politique ont aujourd’hui les idées de M.  […] Avec une simple femme, directement prise sur la vie, un certain Pecméja a écrit un livre admirable : l’aventure d’une pauvre fille du peuple qui va rejoindre à pied son amant journaliste à Paris. […] Tour à tour terroriste, royaliste, peuple, il se mêle au drame, on entend ses cris, on voit ses gestes. […] Leurs fades déclamations doivent paraître encore en dessous des pieuses comédies de nos missionnaires, où les gens du monde vont rire et d’où le peuple sort en pleurant.

1865. (1896) Hokousaï. L’art japonais au XVIIIe siècle pp. 5-298

L’intérêt de cette entrevue : c’est que sous les Tokougawa, jusqu’à ce jour, un homme du peuple ne pouvait se présenter devant le shôgoun. […] La peinture les représente d’habitude, sous un rayon de lune, comme dans le rayonnement d’une lumière natale : les taches qu’on y aperçoit étant formées, dans l’imagination japonaise, par deux lapins, et encore aujourd’hui les gens du peuple croient que deux lapins, exposés la nuit dans une cage aux rayons de la lune, on ne les retrouve pas le lendemain, délivrés qu’ils sont par l’intervention de leurs confrères de là-haut. […] Le Japon est le pays où le masque d’Okamé, la déesse de la grosse joie, figure dans le vestibule de toutes les habitations : où le proverbe : « Le sourire est la source du bonheur et de la fortune » est à l’état d’axiome ; où l’on n’entend jamais pleurer un enfant ; où la femme est la seule femme de l’Orient qui ait une nature rieuse ; où la bataille de la vie n’est pas âpre ; où, dans ce pays de gais paysages et de ciel bleu, la mélancolie ne semble pas exister ; enfin où les atteintes prolongées de chagrins chez les peuples septentrionaux ne sont que momentanées. […] Mais peut-être, parmi ces dessins, les plus réussis, ce sont des croquis rendant, d’une manière fidèle, l’admiration de la nature chez ces peuples de l’Orient : des renversements, la tête en arrière, d’hommes couchés, appuyés sur leurs coudes ; des rêveries en face de paysages, d’hommes debout, les mains dans les manches de leurs bras, derrière le dos. […] Et enfin des choses qu’aucun peuple n’a fait servir à la décoration des objets usuels et familiers, comme les cassures du charbon de terre, le treillis d’une vannerie, le fouillis enchevêtré de clous, les crêtes des vagues, les rayures de la pluie.

1866. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXVe entretien. La Science ou Le Cosmos, par M. de Humboldt (4e partie) » pp. 429-500

Puis les conquérants modernes assujettirent une partie de ces peuples et vinrent purifier les populations et accroître leurs richesses par leur commerce dans ces régions où ils adorèrent leur Memnon d’or sur les autels du Dieu incorporel. […] La mort seule était le jeu de ce peuple funèbre qui tuait pour triompher, et qui tuait encore pour célébrer ses triomphes.

1867. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre I. Littérature héroïque et chevaleresque — Chapitre I. Les chansons de geste »

Par eux, les aptitudes poétiques de la race celtique, engourdies sous la domination romaine par l’élégant rationalisme de la littérature savante, comme par la pression monotone de la protection administrative, furent réveillées : les âmes, préparées déjà par le christianisme, violemment secouées par l’instabilité du nouvel état social, recouvrèrent le sens et le don des symboles merveilleux ; et dans la famine intellectuelle que produisit la ruine des écoles, l’aristocratie gallo-romaine, sujette des rois francs et compagne de leurs leudes, associée aux fêtes comme aux affaires, quitta sa délicatesse et ses procédés raffinés de pensée et de langage : elle retourna à l’ignorance, au peuple ; elle se refit peuple, avec toute la rudesse, mais avec toute la spontanéité du génie populaire.

1868. (1830) Cours de philosophie positive : première et deuxième leçons « Première leçon »

Les méthodes théologiques et métaphysiques qui, relativement à tous les autres genres de phénomènes, ne sont plus maintenant employées par personne, soit comme moyen d’investigation, soit même seulement comme moyen d’argumentation, sont encore, au contraire, exclusivement usitées, sous l’un et l’autre rapport, pour tout ce qui concerne les phénomènes sociaux, quoique leur insuffisance à cet égard soit déjà pleinement sentie par tous les bons esprits, lassés de ces vaines contestations interminables entre le droit divin et la souveraineté du peuple. […] Complétant la vaste opération intellectuelle commencée par Bacon, par Descartes et par Galilée, construisons directement le système d’idées générales que cette philosophie est désormais destinée à faire indéfiniment prévaloir dans l’espèce humaine, et la crise révolutionnaire qui tourmente les peuples civilisés sera essentiellement terminée.

1869. (1913) La Fontaine « VIII. Ses fables — conclusions. »

Et pendant ce temps-là, l’épouvante, l’inquiétude inconsciente (que La Fontaine fait consciente mais qui est inconsciente) règne dans le domaine du petit peuple animal qui a pour demeure ces blés qui font l’objet de tant de débats. […] Et tout le petit peuple en question s’échappe et se disperse dans toutes les directions.

1870. (1874) Premiers lundis. Tome II « Hippolyte Fortoul. Grandeur de la vie privée. »

Partout en Allemagne, on l’attend, on l’a cru voir passer dans chaque cavalier inconnu, les peuples prêts à saluer, comme toujours, l’homme du destin, les gouvernements attentifs à saisir le conquérant déchaîné.

1871. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre VII. Du style des écrivains et de celui des magistrats » pp. 543-562

Le laconisme des Spartiates, les mots énergiques de Phocion, réunissaient autant, et souvent mieux que les discours les plus soutenus, les attributs nécessaires à la puissance du langage ; cette manière de s’exprimer agissait sur l’imagination du peuple, caractérisait les motifs des actions du gouvernement, et faisait connaître avec force les sentiments des magistrats.

1872. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre V. Indices et germes d’un art nouveau — Chapitre II. Signes de la prochaine transformation »

Et voici le prince de Ligne écrivant à une marquise française : d’un haut promontoire de la Crimée, le soir, il regarde la mer immobile, il reporte sa pensée sur tous les hommes, tous les peuples qui sont venus par cette mer, ont passé sur cette côte, ont vécu dans ces villes dont il vient de fouler les ruines.

1873. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre V. Indices et germes d’un art nouveau — Chapitre III. Retour à l’art antique »

On n’essayait pas de voir, par l’histoire, la vie de ces grands peuples ; on oubliait totalement quelle place l’art avait tenue dans leur civilisation.

1874. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre II » pp. 12-29

Tout cela est nécessaire chez un peuple où les mœurs ont admis les femmes dans la société en parfaite parité avec les hommes.

1875. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Avertissement sur la seconde édition. » pp. 23-54

Quoiqu’il n’ait pris que parmi les bénignes admirateurs du Peuple philosophe, ou parmi certaines ames qui veulent passer pour bonnes, & qui ne sont que foibles & peut-être hypocrites, nous croyons devoir y faire une attention particuliere, afin de ne laisser aucun doute sur la droiture de nos sentimens.

1876. (1913) Le bovarysme « Quatrième partie : Le Réel — IV »

Or il nous apparaît que la croyance de ces anciens peuples était chimérique, et que les mânes n’avaient souci des nourritures dont les vivants leur avaient assuré, par la procréation d’une famille, le bénéfice et le tribut, mais il nous apparaît bien que cette croyance chimérique, en leur faisant redouter le célibat, en les contraignant à contracter des unions consacrées selon les rites religieux et sociaux, et à élever une famille, il nous apparaît bien que cette croyance singulière favorisait le vœu de l’espèce.

1877. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces diverses — Préface du « Rhin » (1842) »

Il ne faut pas oublier que ces lettres, qui pourtant n’auront peut-être pas deux lecteurs, sont là pour appuyer une parole conciliante offerte à deux peuples.

1878. (1904) La foi nouvelle du poète et sa doctrine. L’intégralisme (manifeste de la Revue bleue) pp. 83-87

— drapés à l’antique et des lauriers aux tempes, conducteurs des peuples, législateurs du monde, ces poètes ne sont-ils donc occupés qu’à se quereller sur des e muets ou des hiatus ?

1879. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre dixième. »

Toute action qui forme le nœud ou l’intérêt d’un Apologue, est supposée se passer dans les temps fabuleux, au temps (comme dit le peuple) où les bêtes parlaient.

1880. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Beaufort » pp. 308-316

Il ne s’agit pas dans ces morceaux de montrer au peuple comment Persée vainquit le dragon et lui ravit Andromède, mais de fixer ce point de religion dans sa mémoire.

1881. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Chapitre I : Qu’est-ce qu’un fait social ? »

Spencer, une éducation rationnelle devrait réprouver de tels procédés et laisser faire l’enfant en toute liberté ; mais comme cette théorie pédagogique n’a jamais été pratiquée par aucun peuple connu, elle ne constitue qu’un desideratum personnel, non un fait qui puisse être opposé aux faits qui précèdent.

1882. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « VI. M. Roselly de Lorgues. Histoire de Christophe Colomb » pp. 140-156

Contre le merveilleux et l’incompréhensible de son histoire, à lui qui vivait il y a les trois jours de trois siècles, à lui le moderne qui touchait à Luther et à qui nous touchons, on ne pouvait opposer l’éloignement des temps et leur poésie ; la légende des religions naissantes, et l’imagination de peuples qui avaient l’imprimerie et qui étaient assez vieux pour tout discuter.

1883. (1889) Essai sur les données immédiates de la conscience « Conclusion »

Mais il y aurait, selon nous, un troisième parti à prendre : ce serait de nous reporter par la pensée à ces moments de notre existence où nous avons opté pour quelque décision grave, moments uniques dans leur genre, et qui ne se reproduiront pas plus que ne reviennent, pour un peuple, les phases disparues de son histoire.

1884. (1892) Essais sur la littérature contemporaine

« Faut-il essayer de vous rendre l’impression que j’ai éprouvée en lisant le deuxième volume de l’Histoire du peuple d’Israël ? […] Anatole France n’a pas eu besoin seulement de lire l’Histoire du peuple d’Israël ; il a songé entre les pages du livre ; et, comme il est M.  […] Cette espèce d’enquête que le roman pouvait être sur la vie sociale d’un peuple ou d’un temps, c’est la critique, — pour nous borner à ce seul point, — depuis Sainte-Beuve et depuis M.  […] Ne savons-nous pas bien, d’ailleurs, que, si les grands peuples prennent quelque part une pleine conscience de ce qu’ils sont, c’est dans leur littérature ? […] Les poètes mêmes qui étaient dans les mains de tout le peuple, les instruisaient plus encore qu’ils ne les divertissaient.

1885. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Première partie. — L’école dogmatique — Chapitre premier. — Une leçon sur la comédie. Essai d’un élève de William Schlegel » pp. 25-96

Si l’antique liberté était rendue à la comédie moderne, les meilleurs poètes d’Allemagne ou de France ne ressusciteraient pas la comédie d’Aristophane, en produisant sur la scène le peuple et ses conducteurs, Cléon ou Socrate, et en agitant, sous les yeux des citoyens, les grandes questions du jour. […] Il est complètement absent de ces lourdes satires politiques où l’on a parfois prétendu rendre au peuple le théâtre d’Athènes. […] Au milieu d’un peuple léger ils ont pris le poste d’honneur de la pédanterie ; pour qu’un ouvrage leur inspire de l’estime, il faut qu’il porte l’empreinte d’une difficulté péniblement vaincue ; ils confondent la légèreté aimable qui n’a rien de contraire à la profondeur de l’art, avec cette légèreté superficielle qui est un défaut du caractère et de l’esprit109.

1886. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Benjamin Constant et madame de Charrière »

Mais je suis déterminé à voir le peuple des campagnes, ce que je ne pourrais pas faire si je voyageais dans une chaise de poste. […] Le peuple aime ses égaux, mais il hait la pauvreté et il hait les nobles. […] Ce qui augmente beaucoup ma dépense, c’est que je n’aime pas assez le peuple pour vouloir coucher avec lui, et qu’on me fait, surtout dans les villages, payer pour la chambre et pour la distinction. […] Ces gueux-là ne sont pas même des scélérats par ambition, ou des enthousiastes de liberté : ils sont démagogues pour trahir le peuple. […] Je sens que je me modérantise, et il faudra que vous me proposiez anodinement une petite contre-révolution pour me remettre à la hauteur des principes… Si la paix se fait, comme je le parie, et que la république tienne, comme je le désire, je ne sais si mon voyage en Allemagne ne sera pas dérangé de cette affaire-là, et si je n’irai pas voir, au lieu des stupides Brunswickois et des pesants Hambourgeois, les nouveaux républicains ; Ce peuple de héros et ce sénat de sages ! 

1887. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — H — Hugo, Victor (1802-1885) »

La beauté idéale de la conception et la perfection des vers absolvaient le poète ; et, certes, la grandeur du tableau qui termine le premier acte des Burgraves aurait fait battre des mains à tout le peuple d’Athènes. […] Tous les partis et tous les peuples applaudissent ensemble à sa gloire.

1888. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre troisième »

Nous aussi nous sommes un peuple héroïque. Qu’y a-t-il que nous préférions à l’honneur, à ce que nous regardons comme notre devoir envers les peuples opprimés et la justice violée ?

1889. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre III. Le Petit Séminaire Saint-Nicolas du Chardonnet (1880) »

Les idées religieuses du peuple n’avaient pas été atteintes ; les congrégations se reformaient : les religieuses des anciens ordres, devenues maîtresses d’école, donnaient aux femmes la même éducation qu’autrefois. […] Au contraire, j’ai un goût vif pour le peuple, pour le pauvre.

1890. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 novembre 1886. »

Et le peuple des amateurs, les artistes pauvres, venus grâce aux bourses de l’Association, ne mènent pas moins gaiement ces jours solennels de Bayreuth. […] Le plus grand nombre est allemand, mais il y a quantité de spectateurs venus de toutes les parties du monde, des Russes d’abord, et aussi beaucoup d’Américains, force Anglais et quelques Français, plus que notre renommée d’ennemis des voyages ne le ferait supposer. — Mais c’est encore là une vieille observation que tous répètent sans la vérifier, et, défait, les Français sont devenus, depuis la guerre, un des peuples les plus cosmopolites qui soient. — Les costumes les plus variés se rencontrent dans cette vaste salle de restaurant où les délices de la bière et du tabac alternent avec ceux de la musique.

1891. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « III »

Deux pays, la France et l’Allemagne, sont en présence, deux pays unis par un séculaire échange d’idées et d’efforts, un jour séparés par une guerre folle et à jamais détestable : mais la paix a été faite, les anciennes relations, si amicales, ont été retrouvées ; depuis des générations, c’était, entre les deux, une réciprocité de salutaires influences, un constant retour, au-dessus des rives du vieux Rhin, de ces choses intellectuelles et morales dont vivent les peuples ; à grand peine donc, et malgré les fanatismes un instant renouvelés, l’œuvre de mutuelle régénération est reprise ; et voilà que l’un de ces pays enfin a produit l’œuvre qui résume son âme, l’artiste absolu lui est né en qui aboutissent les qualités nationales éminentes, l’homme par excellence dont l’œuvre résume toutes les aspirations d’une race ; à son tour, ce pays offre à l’autre, à travers les frontières, ce magnifique tribut d’idéalité nouvelle : appartient-il à quelqu’un de protester ? […] Adoptée par ce peuple éminemment poétique, elle s’est beaucoup développée, mais dans un sens guerrier, presque national, médiocrement religieux.

1892. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « IV »

Et Paris s’incline devant eux, et tout un peuple se met trembler… Ô mon pauvre pays ! […] 10 avril, le Cri du Peuple : article de M. 

1893. (1856) La critique et les critiques en France au XIXe siècle pp. 1-54

Le temps est loin où l’on pouvait dire avec justice : « La critique souvent n’est pas une science, c’est un métier, où il faut plus de santé que d’esprit, plus de travail que de capacité, plus d’habitude que de génie2. » De nos jours elle est devenue non pas une science sans doute3, mais un art tour à tour savant et ingénieux, qui tantôt déroule avec une grandeur imposante les annales de la pensée d’un peuple, tantôt dessine avec finesse le portrait et le caractère d’un homme ; ici, dans une causerie facile, nous fait confidence de toutes ses émotions, et se raconte lui-même avec un charmant égoïsme ; là, dans une brillante improvisation, retrouve en quelque sorte l’image de l’éloquence antique, et tient suspendu à ses lèvres un jeune auditoire charmé de voir la pensée éclore à chaque instant sous ses yeux. […] Elle remarqua le lien nécessaire qui joint la pensée d’un peuple à celle de ses écrivains, et conclut par le célèbre aphorisme : La littérature est l’expression de la société.

1894. (1920) Action, n° 3, avril 1920, Extraits

Instituteurs, Peintres, Poètes, Chansonniers, Romanciers et Journalistes qui éclairez les Nations Par votre instruction… Vous êtes tous des hommes Agriculteurs, Cultivateurs et Jardiniers qui nourrissez les Peuples Vous êtes des hommes. […] Grâce à Liluli, a Llop’ils (l’opinion) et à toute une panoplie de drilles et de drillesses dont les modèles nous sont connus, Romain Rolland explique comment on fait battre les peuples, comment on les fait s’entre-occire à grand tumulte et comment les rapaces et les imbéciles s’arrangent pour tirer profit de ces aventures. — Liluli, c’est de l’Histoire —.

1895. (1900) Le rire. Essai sur la signification du comique « Chapitre II. Le comique de situation et le comique de mots »

Un peuple spirituel est aussi un peuple épris du théâtre.

1896. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Appendice aux articles sur Roederer. (Voir page 393.) » pp. 533-543

[NdA] Les discours qui se tenaient dans ces assemblées seraient curieux à connaître ; on pourrait y voir avec certitude, non pas précisément les intentions des chefs, mais les motifs du peuple et des trente mille soldats qui étaient renfermés dans cette ville.

1897. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Mémoires et journal de l’abbé Le Dieu sur la vie et les ouvrages de Bossuet, publiés pour la première fois par M. l’abbé Guettée. — I » pp. 248-262

Il s’était engagé à prêcher à Meaux toutes les fois qu’il officierait pontificalement, « et jamais, dit Le Dieu, aucune affaire, quelque pressée qu’elle fût, ne l’empêcha de venir célébrer les grandes fêtes avec son peuple et lui annoncer la sainte parole. » Dans ces circonstances, « on voyait un père, et non pas un prélat, parler à ses enfants, et des enfants se rendre dociles et obéissants à la voix du père commun ».

1898. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Mémoires de l’impératrice Catherine II. Écrits par elle-même, (suite.) »

Tout d’ailleurs, jusque dans cette disgrâce où elle vivait, lui montrait du doigt et lui promettait l’Empire ; son vieux chirurgien Gyon, son jardinier d’Oranienbaum, Lamberti, le lui prédisaient au milieu de ses plantations et de ses amusements solitaires, la voix du peuple et des soldats, quand elle passait, le lui murmurait à ses oreilles ; son démon secret, le plus sûr oracle, lui disait, à toute heure : Tu régneras.

1899. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Frochot, Préfet de la Seine, histoire administrative, par M. Louis Passy. »

Le peuple avait reçu de la Constitution de 91 la mission de constituer l’administration et les tribunaux : Frochot fut élu juge de paix.

1900. (1875) Premiers lundis. Tome III « Sur le sénatus-consulte »

Le bon effet produit par l’amnistie, — par cette amnistie qui a été le meilleur commentaire du sénatus-consulte, — permet de croire que la grande majorité du public et du peuple français continue d’aspirer à la stabilité et reste disposée à se contenter de ce qui serait bon, raisonnable et clément ; et, en politique, je ne distingue point la clémence de la justice.

1901. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre VIII. De l’éloquence » pp. 563-585

Le peuple est debout, etc.

1902. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Chapitre III. De la vanité. »

C’est non seulement à la réunion des hommes en société que ce sentiment est dû, mais c’est à un degré de civilisation qui n’est pas connu dans tous les pays, et dont les effets seraient presque impossibles à concevoir pour un peuple dont les institutions et les mœurs seraient simples ; car la nature éloigne des mouvements de la vanité, et l’on ne peut comprendre comment des malheurs si réels naissent de mouvements si peu nécessaires.

1903. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre premier. Les signes — Chapitre III. Des idées générales et de la substitution à plusieurs degrés » pp. 55-71

. — Ainsi lorsque, négligeant les sensations présentes, nous remarquons le peuple intérieur qui roule incessamment en nous, nous n’y trouvons que des images, les unes saillantes et sur lesquelles l’attention s’étale, les autres effacées et en apparence réduites à l’état d’ombres, parce que l’attention s’est détournée d’elles pour s’appliquer à leur emploi.

1904. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Troisième partie. Disposition — Chapitre V. Subordination et proportion des parties. — Choix et succession des idées »

Le peuple est défiant, hostile. « Il fera bien de ne pas dire du mal de Brutus ici », dit un citoyen. « Ce César était un tyran », crie un autre.

1905. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Joséphin Soulary »

On discernerait même chez lui le Lyonnais : il a le mysticisme, parfois un anticléricalisme de canut ; et le sentiment révolutionnaire lui inspire des pièces violentes et mélodramatiques sur la misère du peuple.

1906. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — G — Gautier, Théophile (1811-1872) »

Mais tu fus le croyant qui voulut toujours croire, À travers le bruit vain des peuples orageux.

1907. (1766) Le bonheur des gens de lettres : discours [graphies originales] « Le Bonheur des gens de lettres. — Seconde partie. » pp. 35-56

Ce seroit ici le lieu de peindre l’ivresse qui pénetre son ame, lorsqu’aux acclamations des Citoyens satisfaits, la gloire aux aîles brillantes, descend sur sa tête la couronne qu’il a méritée ; lorsqu’un Peuple éclairé & sensible lui prodigue ces applaudissemens qui font pâlir l’Envie ; lorsque la reconnoissance multiplie son nom dans toutes les bouches, & que plus heureux encore il voit la flamme généreuse qui embrâse ses écrits se répandre dans tous les cœurs, & qu’ils se remplissent des principes vertueux qu’il a établis pour le bonheur des hommes.

1908. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre VIII. Jésus à Capharnahum. »

Il faut se rappeler que, dans les idées juives, antipathiques à l’art et à la mythologie, la simple forme de l’homme avait une supériorité sur celle des chérubs et des animaux fantastiques que l’imagination du peuple, depuis qu’elle avait subi l’influence de l’Assyrie, supposait rangés autour de la divine majesté.

1909. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Les Confidences, par M. de Lamartine. (1 vol. in-8º.) » pp. 20-34

« Ton enfant est bien beau pour un fils d’aristocrate », disait un jour un représentant du peuple à sa mère.

1910. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Journal de la campagne de Russie en 1812, par M. de Fezensac, lieutenant général. (1849.) » pp. 260-274

Rien dans l’histoire des peuples civilisés ne saurait se comparer à ce désastre de 1812.

1911. (1761) Apologie de l’étude

Le parti le plus raisonnable serait peut-être de comparer les sciences aux aliments qui, également nécessaires à tous les peuples et à tous les hommes, ne leur conviennent pourtant ni au même degré ni de la même manière.

1912. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XXVI. La sœur Emmerich »

Que ne puis-je citer le dialogue de Pilate avec le peuple juif ; ces railleries romaines, faites avec le retors d’un légiste et l’insolence d’un soldat, car ces Romains, sous leurs tuniques militaires, cachaient une race de procureurs !

1913. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « De Stendhal »

Ainsi que l’atteste la Correspondance, l’imagination de cet amoureux de la Passion et de la Force remontait vers la Féodalité expirante pour y chercher des types, des émotions et des effets, et se détournait avec mépris de cette société à âme de soixante-dix ans dont il avait écrit encore cette autre phrase : « À Paris, quand l’amour se jette par la fenêtre, c’est toujours d’un cinquième étage », pour en marquer la décrépitude ; car la vieillesse, comme l’immoralité, comme l’athéisme, comme les révolutions, descend dans les peuples au lieu d’y monter, et c’est ordinairement par la cime que les sociétés commencent à mourir.

1914. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « Stendhal » pp. 43-59

Ainsi que l’atteste la Correspondance, l’imagination de cette amoureux de la Passion et de la Force remontait vers la Féodalité expirante, pour y chercher des types, des émotions et des effets, et se détournait avec mépris de cette société, à âme de soixante-dix ans, dont il avait écrit encore cette autre phrase : « A Paris, quand l’amour se jette par la fenêtre, c’est toujours d’un cinquième étage », pour en marquer la décrépitude ; car la vieillesse, comme l’Immoralité, comme l’Athéisme, comme les Révolutions, descend dans les peuples au lieu d’y monter, et c’est ordinairement par la cime que les sociétés commencent de mourir.

1915. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Eugène Fromentin ; Maxime du Camp »

Il n’a rien de niais dans sa forme, qui peut être fausse et même cruelle pour les esprits délicats et fins, mais qui, du moins, a de la décision et du relief ; mais, dans sa pensée, il tient à ces badauds actuels qui rêvent une humanité nouvelle, haïssent la guerre, médisent de la gloire, repoussent toute répression un peu forte, et croient que les peuples peuvent se passer de grands hommes et sont eux-mêmes assez grands pour se gouverner parfaitement tout seuls !

1916. (1896) Les époques du théâtre français (1636-1850) (2e éd.)

C’est Massinissa, le roi numide, qui se tue sur le cadavre de sa Sophonisbe, — dans la tragédie de Mairet — et il s’exprime ainsi : Cependant, en mourant, ô peuple ambitieux J’appellerai sur toi la colère des Cieux ! […] Mais comment la vraie comédie se passerait-elle de l’être, elle qui doit exprimer, sous peine de n’être pas, ce que les ridicules ou les vices d’un peuple ont de plus particulier, de plus intime ? […] Oui, la vraie comédie d’un grand peuple doit avoir quelque chose de presque inintelligible à tous ceux qui n’en ont pas, comme l’on dit, sucé le goût avec le lait. […] Leur histoire était encore une histoire privée ; leur passion, en un certain sens, n’intéressait qu’eux-mêmes ; la fortune de tout un grand peuple ne dépendait pas de la leur. […] Songe, songe, Céphise, à cette nuit cruelle, Qui fut pour tout un peuple une nuit éternelle !

1917. (1902) La poésie nouvelle

Dans l’histoire comme dans l’exotisme, Hugo n’était pas extrêmement scrupuleux : il inventait des noms de héros pour la rime, créait des villes pour son plaisir et combinait des luttes de peuples pour la seule joie de son imagination. […] Le paysage devient étrange et il se peuple, dirait-on, d’emblèmes extravagants ; le crépuscule semble souffrir, les nuages sont las de leurs voyages ; le vieux moulin qui laisse tomber ses bras a l’air de mourir. […] En 1892, il se consacre au développement de la Maison du Peuple, à Bruxelles. […] Quelques poètes, de ce même groupe, seront sensibles à de plus ou moins précises préoccupations sociales et s’efforceront d’associer le peuple « aux joies de l’art » ; lui non, et dans un véhément poème intitulé Quousque ! […] … Quinze ans plus tard, il protestera contre la tentative, qu’il reconnaît aussi généreuse que vaine, de certains qui voudront « aller au peuple ».

1918. (1887) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Troisième série pp. 1-326

Car il n’est pas rigoureusement vrai qu’autrefois, comme on le répète, un homme « né chrétien et français » ne fût pas en voie d’arriver à tout ; seulement, pour y arriver, ce qu’on doit dire, c’est qu’il fallait, s’il était « né peuple », qu’il passât par le canal de la domesticité. […] Dès 1731, Prévost, l’un des premiers, avait été frappé de l’ignorance où nous vivions d’un grand peuple voisin. […] Mais tout d’un coup la direction change : l’intérêt cesse de se porter vers les choses d’Espagne ; un souffle nouveau vient d’ailleurs ; ce sont les noms de Daniel Defoe, de Steele, d’Addison, de Bolingbroke, de Swift, de Pope, par-dessus tous les autres, qui résonnent maintenant aux oreilles françaises ; il se trouve des traducteurs pour Robinson Crusoé, pour les comédies de Steele et pour les Essais d’Addison, pour les Voyages de Gulliver ; un système d’échanges s’établit, une communication d’idées, un courant de sympathies qui va durer jusqu’à la fin du siècle, et que les guerres elles-mêmes de peuple à peuple, ou plutôt de marine à marine, n’interrompront seulement pas. […] Hommes de théâtre l’un et l’autre, tout un peuple d’acteurs et de critiques, depuis plus d’un siècle, a fidèlement entretenu leur réputation. […] Celui-ci fut le premier qui resta peuple en se faisant auteur, et qui fonda sa popularité sur le mépris insolemment avoué de tout ce qu’il n’était pas lui-même.

1919. (1876) Romanciers contemporains

Le peuple ne peut se résoudre à rompre tout lien avec ceux qu’il a aimés et qui ne sont plus. […] La voix haute du peuple, par intervalles, grondait entre les bavardages du salon jaune et les diatribes de l’oncle Antoine, lit la farce vulgaire, la farce ignoble, tournait au grand drame de l’histoire. […] L’esprit du peuple est en général logique. […] Il a affolé le peuple, trop porté par son ignorance à accepter comme vraie la peinture d’une si effroyable perversité. […] De toutes les œuvres que, depuis quarante années, il ne cesse de produire, il n’en est pas une qui ait eu pour effet d’exciter les rancunes du peuple et de propager la haine.

1920. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre sixième »

Durant nos longues luttes avec l’Espagne, les haines nationales avaient ôté aux deux peuples l’envie de se connaître. […] Les deux cours, et, à leur suite, les deux peuples se rapprochèrent. […] Telle avait été en effet la marche de ce singulier tour d’esprit, qui durant tout un siècle, formé de la dernière moitié du XVIe et de la première moitié du XVIIe, domina dans les œuvres d’imagination chez les trois grands peuples de race latine. […] C’était en effet la poésie bourgeoise dont le règne commençait ; c’était la poésie de cette classe éclairée et indépendante qui s’était formée au seizième siècle, entre les grands seigneurs et le peuple, et qui prend si hautement parti, dans la Ménippée, pour la royauté contre la féodalité, pour la nation contre l’étranger.

1921. (1896) Le livre des masques

D’autres ont sans doute ou eurent une langue plus riche, une imagination plus féconde, un don plus net de l’observation, plus de fantaisie, des facultés plus aptes à claironner les musiques du verbe, — soit, mais avec une langue timide et pauvre, d’enfantines combinaisons dramatiques, un système presque énervant de répétition phraséologique, avec ces maladresses, avec toutes les maladresses, Maurice Maeterlinck œuvre des livres et des livrets d’une originalité certaine, d’une nouveauté si vraiment neuve qu’elle déconcertera longtemps encore le lamentable troupeau des misonéistes, le peuple de ceux qui pardonnent une hardiesse, s’il y a un précédent, — comme dans le protocole — mais qui regardent en défiance le génie, qui est la hardiesse perpétuelle. […] Comme il sait toutes les théogonies et toutes les littératures, J’ai connu tous les dieux du ciel et de la terre, comme il a bu à toutes les sources, il connaît plus d’une manière de s’enivrer : dilettante d’espèce supérieure, quand il aura épuisé la joie des navigations, quand il aura choisi sa demeure (sans doute près d’une vieille fontaine sacrée), ayant beaucoup cueilli, ayant beaucoup semé de nobles graines, il se verra le maître d’un jardin royal et d’un peuple odorant de fleurs, Fleurs éternelles, fleurs égales aux dieux ! […] Un tel art, outre qu’il a l’inconvénient de répugner au peuple des lecteurs (qui veut qu’on lui conte des histoires et qui alors les demande au premier venu), est le signe d’une évidente et trop dédaigneuse absence de passion : or le dramaturge est un passionné, un amoureux fou de la vie, et de la vie présente, non des choses d’hier, des représentations mortes dont on retrouve les décors fanés dans les cercueils de plomb, mais des êtres d’aujourd’hui avec toutes leurs beautés et leurs laideurs animales, leurs âmes obscures, leur vrai sang qui va jaillir d’un cœur et pas d’une vessie gonflée, si on les poignarde au cinquième acte. […] Après les horreurs de la débauche satanique, avant la punition terrestre, il a, comme le noble peuple en larmes qu’il évoque, pardonné même au plus effrayant des massacreurs d’enfants, au sadique le plus turpide, à l’orgueilleux le plus monstrueusement fou qui fut jamais.

1922. (1893) Impressions de théâtre. Septième série

Sans doute, il lui arriva d’être austère en paroles pour ennuyer ses adversaires politiques ; mais que dites-vous de cet abominable discours au peuple dans les Guêpes : « Considère comme tu es tenu à l’étroit par ces hommes qui font toujours semblant d’aimer le peuple, lorsqu’il serait si facile de l’enrichir. […] Mais si ces amis du peuple voulaient lui assurer une honnête aisance, rien ne serait plus facile. […] Il en pense ce qu’en ont toujours pensé les hommes d’action, les politiques, les philosophes, — et le peuple. […] Au fond, c’est d’hommes semblables à nous que notre songerie peuple les planètes. […] Pour le peuple, un homme (ou une femme) a le pouvoir d’ensorceler un autre homme.

1923. (1912) Pages de critique et de doctrine. Vol I, « I. Notes de rhétorique contemporaine », « II. Notes de critique psychologique »

Il porte sur lui-même un diagnostic autrement juste quand il dit : « Je suis attaqué de cette maladie qui prend aux peuples et aux hommes puissants, dans leur vieillesse : l’impossible. » À le dépouiller des magnificences de ses métaphores et de la splendeur de son éloquence, il apparaît simplement comme un cas de l’esprit critique, propre à notre âge. […] Il est bien remarquable, entre parenthèses, que cette conception de la vie des peuples soit exactement celle que Claude Bernard se formait de la vie physiologique. […] C’est à même le peuple, à travers les affres de la plus lamentable misère, que pousse le fragile enfant. […] Le peuple ne fut point pour lui, comme pour beaucoup de théoriciens, l’être abstrait et vague qui ne compte qu’à l’état de chiffre. Ce peuple ne lui apparut pas non plus, sinon vers la fin, comme l’être idéal et sublime de qui relève une chimérique justice.

1924. (1906) La nouvelle littérature, 1895-1905 « Troisième partie. Dictionnaire » pp. 243-306

. — La Condition du peuple au xxe  siècle, 1904, Giard et Bière, in-18. […] Collaboration. — La Volonté, Le Journal du Peuple, L’Enclos, L’Effort, La Petite République (Chronique littéraire). […] Œuvres. — L’Accueil, poème, Ollendorff, 1901, in-18. — Les Amis du Peuple, roman, E. 

1925. (1911) Visages d’hier et d’aujourd’hui

En l’un de ses beaux livres, il a traduit avec bonheur le symbole de ces scarabées que le peuple ingénieux d’Égypte mettait, dans les momies, à la place du cœur. […] Il avait subi l’influence, alors très vive, de ce Danois, Gruntvig, chrétien joyeux, ami du peuple, de la nature, de la Scandinavie et d’un Dieu un peu vague. […] Mais il ne s’abandonnait pas au chagrin ; et, comme il était énergique, il comptait sur les vaillants sursauts de volonté qui font la résistance des peuples autant que des individus. […] Il a écrit les Habitations à bon marché et l’Art pour le peuple à défaut de l’art par le peuple. […] C’était la mode, il y a quelques années, de prétendre que les poèmes homériques naissaient spontanément d’un peuple qui produisait donc des épopées comme la terre les moissons.

1926. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — Chapitre I. La Restauration. »

Le Parlement faisait fermer les maisons de jeu, les théâtres, et fouetter les acteurs à la queue d’une charrette ; les jurons étaient taxés ; les arbres de mai étaient coupés ; les ours, dont les combats amusaient le peuple, étaient tués ; le plâtre des maçons puritains rendait décentes les nudités des statues ; les belles fêtes poétiques étaient interdites. […] La Chambre des communes, tout à l’heure reine, encore pleine de presbytériens, de rebelles et de vainqueurs, vota « que ni elle ni le peuple d’Angleterre ne pouvaient être exempts du crime horrible de rébellion et de sa juste peine, s’ils ne s’appliquaient formellement la grâce et le pardon accordés par Sa Majesté dans la déclaration de Breda. » Puis tous ces héros allèrent en corps se jeter avec contrition aux pieds sacrés de leur monarque. […] Il fut détaché vivant de la potence, éventré ; il vit ses entrailles jetées dans le feu ; puis il fut coupé en quartiers, et son cœur encore palpitant fut arraché et montré au peuple. […] Ils aspiraient tous, philosophes et peuple, à la monarchie et au repos. […] Aujourd’hui, il n’y a pas en Europe de scène plus vide, et la bonne compagnie l’abandonne au peuple.

1927. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. RODOLPHE TÖPFFER » pp. 211-255

Il se croit malade par manie, il se fait élégant faute de mieux ; sa jeunesse se va perdre dans les futilités, et son âme s’y dessécher, lorsqu’une nuit, allant au bal du Casino, un incendie qu’il admire d’abord comme pittoresque, le prend au collet sérieusement ; il est obligé de faire la chaîne avec ses gants blancs ; il s’irrite d’abord, puis la nouveauté de l’émotion le saisit ; le dévouement et la fraternité de ces braves gens du peuple lui gagnent le cœur : il a retrouvé la veine humaine, et son égoïsme factice s’évapore. […] Ce sont mes amitiés d’abord… » Ensuite ce sont ses plaisirs, ses jouissances saines d’homme naturel, d’artiste, le dîner du dimanche sous la treille, le coudoiement du peuple, la source perpétuelle de l’observation vive. « Sous ces feuillages je retrouvais, dit-il, les jeux charmants de l’ombre et de la lumière, des groupes animés, pittoresques, et cette figure humaine où se peignent sous mille traits la joie, l’ivresse, la paix, les longs soucis, l’enfantine gaieté ou la pudique réserve. » Jean-Jacques sentait de même, pauvre grand homme tant dévoré du bourgeon !

1928. (1865) Cours familier de littérature. XX « CXVIe entretien. Le Lépreux de la cité d’Aoste, par M. Xavier de Maistre » pp. 5-79

C’est dommage que les Savoyards ne soient pas riches, ou peut-être serait-ce dommage qu’ils le fussent ; car, tels qu’ils sont, c’est le meilleur et le plus sociable peuple que je connaisse. […] Plus loin, à quelques centaines de pas, est une tour carrée, adossée au mur antique, et construite avec le marbre dont il était jadis revêtu : on l’appelle la Tour de la frayeur, parce que le peuple l’a crue longtemps habitée par des revenants.

1929. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Edmond et Jules de Goncourt »

Il se trouvait que ce farceur, ce paradoxeur, ce moqueur enragé des bourgeois avait, pour les choses de l’art, les idées les plus bourgeoises, les religions d’un fils de Prudhomme… Il avait le tempérament non point classique, mais académique comme la France…12 … Ce tableau était, en un mot, la lanterne magique des opinions d’Anatole, la traduction figurative et colorée de ses tendances, de ses aspirations, de ses illusions… Cette sorte de veulerie tendre qui faisait sa bienveillance universelle, le vague embrassement dont il serrait toute l’humanité dans ses bras, sa mollesse de cervelle à ce qu’il lisait, le socialisme brouillé qu’il avait puisé çà et là dans un Fourier décomplété et dans des lambeaux de papiers déclamatoires, de confuses idées de fraternité mêlées à des effusions d’après boire, des apitoiements de seconde main sur les peuples, les opprimés, les déshérités, un certain catholicisme libéral et révolutionnaire, le Rêve de bonheur de Papety entrevu à travers le phalanstère, voilà ce qui avait fait le tableau d’Anatole … 13 Anatole présentait le curieux phénomène psychologique d’un homme qui n’a pas la possession de son individualité, d’un homme qui n’éprouve pas le besoin d’une vie à part, d’une vie à lui, d’un homme qui a pour goût et pour instinct d’attacher son existence à l’existence des autres par une sorte de parasitisme naturel, etc. […] Conclusion et résumé d’un coin de la banlieue, l’été : «… Paysages sales et rayonnants, misérables et gais, populaires et vivants, où la nature passe çà et là entre la bâtisse, le travail et l’industrie, comme un brin d’herbe entre les doigts d’un homme19. » Conclusion et résumé d’une description du bois de Vincennes : «… Une promenade banale et violée, un de ces endroits d’ombre avare où le peuple va se ballader à la porte des capitales, parodies de forêts pleines de bouchons, où l’on trouve dans les taillis des côtes de melon et des pendus.

1930. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre quatrième »

Tel est, en effet, le prix que le christianisme a donné aux vérités de la morale, qu’il n’y a pas d’intérêt purement humain, fût-ce la liberté ou l’indépendance d’un peuple, qui pût inspirer à un politique une éloquence plus durable qu’à un chrétien, qui a la foi et le génie, la défense de ces vérités. Vérités, ou plutôt principes de conservation devenus si nécessaires aux peuples chrétiens, qu’il leur serait aussi impossible de s’en passer que de liberté ou d’indépendance.

1931. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre cinquième. De l’influence de certaines institutions sur le perfectionnement de l’esprit français et sur la langue. »

Pour la langue, on ne l’imaginait pas, on la tirait du peuple même ; le plus habile était celui qui se servait le mieux de la langue de tous. […] Dans cette pièce admirable, ils déterminent leurs fonctions par l’idée même qu’ils se font de la langue française, « laquelle, disent-ils, plus parfaite déjà que pas une des langues vivantes, pourrait bien enfin succéder à la latine, comme la latine à la grecque, si on prenait plus de soin qu’on n’avait fait jusqu’ici de l’élocution, qui n’était pas, à la vérité, toute l’éloquence, mais qui en faisait une fort bonne et fort considérable partie. » Il ne s’agit donc pour eux que de l’empêcher de manquer à cette grande destinée, de l’épurer et non de la créer, et, comme ils le disent avec une naïveté énergique, de « la nettoyer des ordures qu’elle avait contractées, ou dans la bouche du peuple, ou dans la foule du palais et dans les impuretés de la chicane, ou par les mauvais usages des courtisans ignorants, ou par l’abus de ceux qui la corrompent en écrivant, ou par les mauvais prédicateurs53. » Ils se tiennent dans les bornes d’une institution réelle et pratique, n’outrant rien, ne s’exagérant pas leur autorité, n’entreprenant ni sur la liberté ni sur l’originalité des esprits.

1932. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Introduction, où l’on traite principalement des sources de cette histoire. »

Ni les personnes du peuple, ni les gens du monde ne sont compétents pour cela. […] Mais qui ne voit que jamais miracle ne s’est passé dans ces conditions-là ; que toujours jusqu’ici le thaumaturge a choisi le sujet de l’expérience, choisi le milieu, choisi le public ; que d’ailleurs le plus souvent c’est le peuple lui-même qui, par suite de l’invincible besoin qu’il a de voir dans les grands événements et les grands hommes quelque chose de divin, crée après coup les légendes merveilleuses ?

1933. (1888) Préfaces et manifestes littéraires « Théâtre » pp. 83-168

Quand je disais dans ma préface de Germinie Lacerteux qu’il était possible d’intéresser le public avec « des infortunes, et des larmes de peuple », on se rappelle les superbes négations qui se produisirent32 ; il me semble que les succès des derniers romans peuple m’ont donné largement raison.

1934. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1882 » pp. 174-231

Le dictateur revient alors à la France, proclame, que quoique nous soyons un peuple rebelle au gouvernement, nous demandons à être gouvernés, et déclarant que nous ne le sommes pas du tout, jette soudainement cette phrase : « Savez-vous qu’on commence à prononcer le mot anarchie ?  […] * * * — Dos de jeune fille du peuple : reins carrés se dessinant sous des renflements de jeune graisse, nuque de cariatide à la couleur brune orangée, sur lequel brille un collier de gros grains de verre, oreilles aux extrémités écarlates.

1935. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome I « Bibliotheque d’un homme de goût. — Chapitre III. Poëtes françois. » pp. 142-215

Mais ces observations critiques ayant été faites par des auteurs qui avoient intérêt de décrier les Poëmes en prose, parce qu’ils en ont fait en vers, la saine partie de la nation ne s’y est pas arrêtée ; & il est à souhaiter pour la consolation des Rois & pour le bonheur des peuples, que le Télémaque soit le bréviaire des Souverains. […] Il saisit avec la vérité la plus frappante le jargon poissard & les mœurs de la derniere classe du peuple.

1936. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Duclos. — III. (Fin.) » pp. 246-261

C’est ainsi que, dans son Essai sur la voirie et les ponts et chaussées, il n’est pas absolument contre la corvée, contre le travail de réparation des chemins par les communautés : il croit seulement qu’il serait bon de régulariser ce service imposé au peuple des campagnes, établissant en principe que l’État a le droit de l’exiger comme tous les genres de services pour la grande cause de l’utilité publique.

1937. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Le président Jeannin. — I. » pp. 131-146

Il était assez faible pour que le moindre succès l’enflât, pour qu’un secours promis par l’Espagne le rendît moins traitable ; il avait assez d’honneur pour qu’une défaite éprouvée le piquât au jeu et lui parut un motif de plus de persévérer : il avait assez de bon sens d’ailleurs et d’honnêteté pour sentir les misères et les assujettissements de sa position, et peut-être aussi les misères des peuples et de l’État.

1938. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Journal de Dangeau. tomes III, IV et V » pp. 316-332

Il nous en coûte quelques vaisseaux ; cela sera réparé l’année qui vient, et sûrement nous battrons les ennemis. » Parole encore de vrai roi, qui n’a ni l’humeur du despote, irrité que les choses lui résistent, ni la versatilité du peuple, dont les jugements varient selon le bon ou le mauvais succès.

1939. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Mémoires et journal de l’abbé Le Dieu sur la vie et les ouvrages de Bossuet, publiés pour la première fois par M. l’abbé Guettée. — II » pp. 263-279

Il écrivait le 11 décembre 1702 à Fleury, non pas à l’abbé, mais à l’évêque de Fréjus, le futur premier ministre de Louis XV, « que l’esprit d’incrédulité gagnait toujours dans le monde ; qu’il se souvenait lui en avoir souvent entendu faire la réflexion ; que c’était encore pis à présent, puisqu’on se servait même de l’Évangile pour corrompre la religion des peuples ».

1940. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) «  Œuvres et correspondance inédites de M. de Tocqueville — II » pp. 107-121

M. de Tocqueville en prit occasion de venger la mémoire de Turgot, d’honorer son intention généreuse et celle du monarque ami du peuple ; cela le conduisit à une profession libérale des mêmes idées, des mêmes sentiments, qu’il rattachait à une grande, à une sainte, à une immortelle cause, où toutes les destinées de l’humanité étaient renfermées et comprises.

1941. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Mélanges religieux, historiques, politiques et littéraires. par M. Louis Veuillot. » pp. 44-63

Il est enfant du peuple, fils d’honnêtes gens, de gens de peine et de travail.

1942. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Les Contes de Perrault »

Il y a plus : les Contes, bien moins populaires en apparence, de Mme d’Aulnoy et de Mme de Beaumont, figurent aussi dans les traditions, des autres  peuples, surtout dans le Pentamerone, recueil de contes publié et réimprimé plusieurs fois en Italie au xviie  siècle, mais dans un dialecte (le dialecte napolitain) que certainement ces dames n’auraient pas compris.

1943. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Entretiens de Gœthe et d’Eckermann (suite et fin.) »

Mais il y a une hauteur à laquelle elle s’évanouit ; on est là, pour ainsi dire, au-dessus des nationalités, et on ressent le bonheur ou le malheur d’un peuple voisin comme le sien propre.

1944. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Souvenirs d’un diplomate. La Pologne (1811-1813), par le baron Bignon. »

Napoléon ici hésita, eut des égards pour l’Europe, pour l’empereur Alexandre, alors son ami et son allié intime, celui qui, en 1808, disait au roi de Saxe à Erfurt « qu’il se sentait meilleur après chaque conversation avec l’Empereur Napoléon, et qu’une heure d’entretien avec ce grand homme l’enrichissait plus que dix années d’expérience. » Mais, depuis cette époque, les dispositions de la Russie et de son souverain avaient bien changé ; les exigences de Napoléon au sujet du blocus continental, l’intérêt qu’avait Saint-Pétersbourg à ne pas s’y prêter, les griefs et les passions de sa Cour et de son peuple, avaient influé sur l’esprit mobile d’Alexandre et l’avaient désenchanté peu à peu et finalement aliéné de son grand ami.

1945. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. BRIZEUX (Les Ternaires, livre lyrique.) » pp. 256-275

Jacques est une belle idée : un pauvre homme du peuple, un maçon qu’on a vu le matin quitter sa femme et son enfant, tombe, ou plutôt se précipite du haut d’un toit, victime d’un dévouement héroïque.

1946. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Préface » pp. 1-22

Tout historien perspicace et philosophe travaille à celle d’un individu, d’un groupe, d’un siècle, d’un peuple ou d’une race ; les recherches des linguistes, des mythologues, des ethnographes n’ont pas d’autre but ; il s’agit toujours de décrire une âme humaine ou les traits communs à un groupe naturel d’âmes humaines ; et, ce que les historiens font sur le passé, les grands romanciers et dramatistes le font sur le présent. — J’ai contribué pendant quinze ans à ces psychologies particulières ; j’aborde aujourd’hui la psychologie générale.

1947. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre I. Littérature héroïque et chevaleresque — Chapitre IV. Poésie lyrique »

La nécessité à laquelle la poésie ne peut se soustraire d’être forme et mouvement, projette dans le désert de cette poésie où ni la nature ni la vie ne pénètrent, tout un peuple d’abstractions qui ont charge d’imiter les formes de la nature et le mouvement de la vie : Prix, Soulas, Franchise, Merci, Doux-Semblant, Orgueil viennent s’ébattre et combattre sur le terrain où jadis les Catulle et les Properce se montraient eux-mêmes, jetant les cris de leurs âmes blessées et montraient leurs Lesbia et leurs Cintia, non des idées de femmes, mais de vrais cœurs et de vrais tempéraments de femmes.

1948. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre III. Les grands artistes classiques — Chapitre V. La Fontaine »

Il en prend au peuple, aux provinces, mots de cru et de terroir, savoureux et mordants : il en va chercher chez ses conteurs du xvie  siècle, chez son favori Rabelais.

1949. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre X. La commedia dell’arte en France pendant la jeunesse de Molière » pp. 160-190

. — Le peuple n’est-il pas toujours à moi ?

1950. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre XIV. La commedia dell’arte au temps de Molière (à partir de 1662) » pp. 265-292

J’y règne avec éclat sur la scène comique ; Arlequin sous le masque y cache Dominique Qui réforme en riant et le peuple et la cour.

1951. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre VII. L’antinomie pédagogique » pp. 135-157

Durkheim remarque avec raison que cette théorie pédagogique n’a jamais été pratiquée par aucun peuple connu71.

1952. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « Le symbolisme ésotérique » pp. 91-110

Comment l’Église eût-elle accueilli Joséphin Péladan, qui se disait issu des rois mages et qui, avec sa crinière d’astrakan, sa barbe cannelée, ses mandements au pape et sa phraséologie assyrienne, se plaisait à jouer le rôle d’épateur de peuples ?

1953. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXXII » pp. 355-377

Le peuple dit que c’est à cause de Quantova (madame de Montespan).

1954. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Madame Récamier. » pp. 121-137

Elle était sensible en effet à tout regard et à toute louange, à l’exclamation d’un enfant ou d’une femme du peuple tout comme à la déclaration d’un prince.

1955. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Saint Anselme, par M. de Rémusat. » pp. 362-377

Rester en France, y rentrer du moins dès qu’on le peut honorablement, et, pour cela, désirer simplement y revenir, y achever ou y entreprendre de ces œuvres d’esprit desquelles la politique distrait trop souvent et sans compensation suffisante ; s’adresser dans ces nobles études à la société française, qui est toujours prête à vous entendre, et jamais à cette métaphore changeante qu’on appelle le peuple français ; ne pas mêler à ces œuvres plus ou moins sérieuses ou agréables de ces traits qui ne sont là qu’à titre d’épigramme ou d’ironie, et pour constater qu’on est un vaincu ; s’élever sur les faits accomplis d’hier à un jugement historique, et par conséquent grave et respectueux ; tirer parti avec franchise, et sans arrière-pensée, d’une société pacifiée, mais tout industrielle et matérielle, pour y relever, avec un redoublement de zèle et avec une certaine appropriation au temps présent, les goûts de l’esprit, de la vérité littéraire et historique sous ses mille formes, de tout ce qui n’est incompatible avec un gouvernement ferme que s’il s’y mêle des idées hostiles.

1956. (1886) Quelques écrivains français. Flaubert, Zola, Hugo, Goncourt, Huysmans, etc. « Les romans de M. Edm. de Goncourt » pp. 158-183

Pour les portraits, l’aspect, la physionomie des gens dont l’auteur peuple ses pages, ce qu’il évoque c’est non une énumération de traits au repos, le catalogue d’un visage et d’un corps, mais leur mouvement, leur attitude instantanée, leur figure surprise en un changement ou une révulsion.

1957. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Despréaux, avec le plus grand nombre des écrivains de son temps. » pp. 307-333

Despréaux se défendit en retournant contre Cotin ses propres traits, en l’accablant de sarcasmes & d’épigrammes, en le rendant le plastron des plaisanteries du public, & même l’objet des huées du bas peuple.

1958. (1867) Le cerveau et la pensée « Chapitre III. Le cerveau chez l’homme »

Pour régénérer les peuples et relever le tempérament moral de l’humanité, il proposait de remplacer la pomme de terre par la purée de pois, aliment très phosphore.

1959. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre douzième. »

Il me semble que c’est mal choisir le représentant du peuple, lequel n’est pas, à beaucoup près, si spirituel et si délié.

1960. (1759) Observations sur l’art de traduire en général, et sur cet essai de traduction en particulier

Elles multiplieront les bons modèles ; elles aideront à connaître le caractère des écrivains, des siècles et des peuples ; elles feront apercevoir les nuances qui distinguent le goût universel et absolu du goût national.

1961. (1899) Psychologie des titres (article de la Revue des Revues) pp. 595-606

C’est ainsi que le Code religieux de ces peuples s’appela la Bible ou le Coran, c’est-à-dire le livre par excellence.

1962. (1923) Paul Valéry

« Certains peuples se perdent dans leurs pensées ; mais, pour nous autres Grecs, toutes choses sont formes. […] Pour le poète le seul être qui manque ne dépeuple pas tout, — mais au contraire peuple tout. […] Peuple altéré de moi suppliant que tu vives, Non, vous ne tiendrez pas de moi la vie... […] Mais dans leur nuit, toute lourde de marbres, Un peuple vague aux racines des arbres A déjà pris ton parti lentement.

1963. (1922) Gustave Flaubert

Carthage, l’Afrique, l’armée des mercenaires où tous les peuples sont mêlés, ce sont ces Babels complexes que Barrès voudrait voir sur l’Acropole d’Athènes pour en faire une Acropole carthaginoise : on a reconnu la question de la tour franque. […] Cette dette se confondait dans l’esprit du peuple avec les trois mille deux cents talents euboïques exigés par Lutatius ; et ils étaient, comme Rome, un ennemi pour Carthage. […] Et l’Aveugle sur la route de Rouen… Quand les mercenaires demandent : « Quel est donc ce peuple qui s’amuse à crucifier des lions ?  […] Les enfants tiennent à leurs joujoux ; tous les peuples sont de mon avis, tous les animaux : le lion même, s’il pouvait parler, se déclarerait propriétaire !  […] « Art des temps antiques, au feuillage toujours jeune, qui pompais ta sève dans les entrailles de la terre et balançais dans un ciel bleu ta cime pyramidale, toi dont l’écorce était rude, les rameaux nombreux, l’ombrage immense, et qui désaltérais les peuples d’élection avec les fruits vermeils arrachés par les forts !

1964. (1898) Impressions de théâtre. Dixième série

Don Carlos, tragédie allemande, est, dans ses parties essentielles, une revendication des droits de la conscience et aussi du droit qu’ont les peuples de disposer d’eux-mêmes ; une protestation enflammée contre les abus de la force, contre l’asservissement et le viol d’une province (le mot s’y trouve). […] Ibsen, à force d’être Norvégien, n’est plus intelligible à des Français, c’est, au fond, prétendre qu’il n’est plus humain, et c’est donc lui faire un assez mauvais compliment, à lui et au peuple de Norvège. […] On peut constater les emprunts d’idées que les peuples se font entre eux ; et il peut donc y avoir une histoire de la littérature européenne. […] Il est vrai que c’est déjà un agréable commencement de communion spirituelle entre les peuples. […] D’une part, entraîné vers l’action forte et féconde qui nourrit les peuples, séduit par l’exemple de mon beau-frère et humilié lorsque je compare mon existence sonore et creuse de phraseur à la sienne, dont l’utilité est évidente, j’ai des crises d’émulation folle.

1965. (1896) Les idées en marche pp. 1-385

Chaque peuple manifeste dans le mode violent son caractère au plus haut point. […] Il redoute le joug, la tyrannie du sceptre, de l’or ou du peuple. […]  » Ou encore cet aphorisme qui, espérons-le, s’appliquera un jour à l’auteur : « Il vient toujours une heure où le peuple suit l’homme de l’idée et culbute les gens d’esprit. […] L’amour du peuple éclate dans ces pages vibrantes ; il se manifeste même par une belle et douce ironie, un sourire attendri qui éclaire tout cet océan haillonneux, ces vagues de froid, de faim, de sueur et d’alcool. […] Par les ramifications de la grande ville, nous pénétrons chez l’aveugle du peuple, le chanteur des cours et des rues, un type attendrissant et cocasse.

1966. (1930) Le roman français pp. 1-197

On serait aussi tenté de s’imaginer que, si la psychologie tient tant de place dans notre littérature, c’est que les Français sont particulièrement un peuple de « société », jouissant particulièrement des relations sociales, de la « conversation ». […] Aucune des grandes découvertes scientifiques faites alors ne s’est encore transportée dans le domaine pratique, les Français sont toujours un peuple de paysans, de petits artisans dans de petits ateliers, de commerçants. […] quel peuple en vérité ataviquement artiste que le nôtre, et quelle joie de rencontrer ce Proudhon après le charabia de Karl Marx !  […] N’en est-il pas déjà de même de Voltaire, de Rousseau, dont ces peuples s’enivrent, alors que nous avons digéré, mithridatisé ce que certains chez nous appellent encore leur venin. […] Mais quand Descaves écrit son Philémon vieux de la vieille, si émouvant de conviction et de simplicité, quand il consacre son talent si probe et si net à l’honnête petit peuple de Paris, à l’idéalisme des vieux insurgés de la Commune, à tout ce qu’il y a dans ce petit peuple de vertu véritable, d’honnêteté, de courage, d’espérance aussi enracinée que celle qu’inspire la foi religieuse, il n’a pas besoin de changer de formule.

1967. (1911) Études pp. 9-261

Le bâton de l’Empereur a poussé deux branches latérales, et c’est le signe que présente au peuple l’Explorateur de l’Enfer. […] Par une tension désespérée de tout son être, par une frénésie d’héroïsme il s’arrache à son inertie, il soulève son pays ; il entraîne derrière lui les peuples, comme un fleuve déborde ses berges, il gravit la plus haute cime du globe. […] À ce sacrilège il joint celui d’usurper la place de Dieu ; il prétend se faire la seule fin du peuple ; il lui demande exactement ce qu’exige Dieu, de se consumer pour lui, et sa volonté de puissance est telle, qu’il réalise un instant l’accord profond qu’organise entre les hommes la vision de Dieu. […] Et, soudain, silence imprévu, interruption subite des voix : le peuple confusément s’étonne du crime qu’il vient de commettre, reste interdit, sans comprendre quelle fatalité le pousse. […] Et dès lors m’habita cette pensée, lassante et puissante comme un désir : certes je goûterai le bonheur de mon âme, déjà prêt, mais quand elle sera du peuple et de l’amour et complètement, délivrée225.

1968. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. BALLANCHE. » pp. 1-51

En face de cette école des constitutionnistes dont Sieyès était le grand prêtre et qui pensait qu’une bonne constitution écrite pouvait s’appliquer immédiatement à un peuple quelconque, l’auteur du Sentiment réclamait pour le caractère profond, historique et presque divin, de toute institution sociale ayant racine dans une nation. […] Il comprit ce que c’est que la vie d’une nation, l’âme de cet être collectif qui garde son unité à travers ses âges et sous ses continuels développements, la mission départie à chaque peuple en particulier sur la scène du monde ; que les institutions vraies sont filles du temps, qu’elles plongent dans les mœurs et les souvenirs comme un arbre en pleine terre ; que les constitutions rédigées d’après des théories plus ou moins savantes ne sont qu’une juxtaposition provisoire qui peut aider le corps social à refaire sa vie, mais qui n’a pas vie en soi ; qu’ainsi la Charte n’était, à proprement parler, qu’une formule pour dégager l’inconnue, une méthode pour résoudre le grand problème des institutions nouvelles, un appareil fixe sous lequel les os brisés et les chairs divisées auraient le temps de se rejoindre et de se raffermir.

1969. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre troisième. La connaissance de l’esprit — Chapitre premier. La connaissance de l’esprit » pp. 199-245

Chez les peuples barbares, dans les âmes incultes et enfantines, beaucoup de souvenirs faux prennent ainsi naissance. […] Nous frappons un chien, et aussitôt nous l’entendons crier ; entre cette condition de douleur et ce signe de douleur perçus tous deux avec certitude, nous insérons, par conjecture, une douleur semblable à celle que nous aurions ressentie en pareil cas. — Grâce à ces suggestions et à ces vérifications continues, l’univers extérieur, qui n’était encore peuplé que de corps, se peuple aussi d’âmes, et le moi solitaire conçoit et affirme autour de lui une multitude d’êtres plus ou moins pareils à lui.

1970. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre quatrième. La connaissance des choses générales — Chapitre premier. Les caractères généraux et les idées générales. » pp. 249-295

Ici commence une nouvelle série de remaniements, additions et corrections, celle-ci indéfinie, qui se poursuit de génération en génération et de peuple en peuple, je veux parler de la recherche scientifique. — Cette fois, il s’agit de faire coïncider nos idées générales non plus avec les idées générales d’autrui, mais avec les caractères généraux de choses.

1971. (1861) La Fontaine et ses fables « Troisième partie — Chapitre I. De l’action »

« Car enfin vous n’êtes faits que pour tourmenter les peuples, et êtes de si grands larrons que vous volez jusqu’à la sueur du pauvre. » (Trait de bon goût et surtout vraisemblable. […] Qu’on me die En quoi vous valez mieux que cent peuples divers ?

1972. (1860) Cours familier de littérature. IX « XLIXe entretien. Les salons littéraires. Souvenirs de madame Récamier » pp. 6-80

Le gouvernement du Directoire, sorte de halte entre la mort et la vie d’un peuple, laissait respirer à pleine poitrine toutes les classes de la société européenne, heureuse de revivre et pressée de jouir après avoir tant tremblé. […] Madame Lenormant, en nièce scrupuleuse, affirme que sa jeune tante ne fréquenta jamais les salons suspects de Barras ; Barras, régicide et royaliste, gentilhomme de la république restaurant un peuple par les vices de cour ; nous devons en croire les scrupules domestiques de madame Lenormant ; cependant nous ne pouvons écarter les traditions de la société du temps.

1973. (1860) Cours familier de littérature. X « LVIe entretien. L’Arioste (2e partie) » pp. 81-160

Vous aurez soin de proclamer hautement que vous n’avez à intervenir à aucun titre dans les dissentiments qui séparent aujourd’hui le saint-père du peuple qu’il gouverne. […] Il devra soigneusement s’abstenir de prendre part aux querelles intérieures du gouvernement et du peuple romain.

1974. (1894) Journal des Goncourt. Tome VII (1885-1888) « Année 1886 » pp. 101-162

Vendredi 12 mars Une maîtresse inférieure n’est jamais complètement associée au monsieur, avec lequel elle couche ; elle aura pour lui le dévouement dans les révolutions, les maladies, les événements dramatiques, mais en pleine existence tranquille et bonasse, l’amant d’une autre caste trouvera chez elle, le retrait, l’hostilité même intérieure d’un peuple, contre une aristocratie. […] C’est un homme aux traits de peuple, aux yeux clairs, clignotants sous des paupières maladivement rouges, à la longue barbe flave, aux cheveux coupés ras, à la tête ronde, la tête du doux et obstiné entêtement — un homme tel que je me figure les disciples de Jésus-Christ.

1975. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Charles Dickens »

Les préceptes religieux qui sont généralement de cet ordre ont pu prendre l’imagination, modifier nos spéculations, inspirer même des actes antinaturels ; ils n’ont jamais dicté de conduite ni réformé de peuple, et la permanence des grands traits de la nature humaine, dans tous les âges et dans toutes les contrées, est garante de cette impuissance des morales édictées. […] Avec son contemporain et ami Carlyle, qui possédait plus de véhémence, plus de culture et d’idées, il est un excellent exemplaire de cette sorte de gens qui sont en somme les grands parleurs et les grands acteurs de l’humanité, qui lui ont fourni la plupart de ses héros secondaires de Thémistocle à Garibaldi, de ses orateurs, de ses écrivains populaires, catégorie d’êtres impulsifs, généreux, entraînants, dont il faut distinguer soit les observateurs, les artistes qui ne savent que percevoir et décrire, soit les grands hommes complets, penseurs, poètes ou conducteurs de peuples, dans l’œuvre et la carrière de qui se manifestent, en leur importance et leur subordination, la connaissance, le sentiment et la conception du monde.

1976. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre I : Variations des espèces à l’état domestique »

Quelques-uns de ces faits ne se rapportent pas d’une manière explicite au principe de sélection ; mais ils montrent que l’élevage des animaux a été l’objet de soins très particuliers dès les temps les plus reculés, et qu’il est encore maintenant un sujet d’attention pour les peuples les plus sauvages. […] Quant aux animaux domestiques des peuples sauvages, il ne faut pas perdre de vue qu’ils ont presque toujours à pourvoir eux-mêmes à leur propre nourriture, au moins pendant certaines saisons.

1977. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — I. Faculté des arts. Premier cours d’études. » pp. 453-488

Un peuple, est-il ignorant et superstitieux ? […] Je ne sais même comment le peuple romain l’entendait.

1978. (1868) Curiosités esthétiques « I. Salon de 1845 » pp. 1-76

. — Aussi quelle singulière idée que de montrer à ces messieurs la religion, la philosophie, les sciences et les arts éclairant l’Europe, et de représenter chaque peuple de l’Europe par une figure qui occupe dans le tableau sa place géographique ! […] Il est malheureux que l’idée baroque d’assigner à chaque peuple sa place géographique ait nui à l’ensemble de la composition, au charme des groupes, et ait éparpillé les figures comme un tableau de Claude Lorrain, dont les bonshommes s’en vont à la débandade.

1979. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « De la dernière séance de l’Académie des sciences morales et politiques, et du discours de M. Mignet. » pp. 291-307

La plus vaste communication entre les peuples amena le plus merveilleux rapprochement entre les idées.

1980. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Œuvres de François Arago. Tome I, 1854. » pp. 1-18

» — « Mais, dis-je, il est effectivement assez difficile d’ôter à Cavendish une gloire que, depuis plus de cinquante ans, les savants de tous les pays s’accordent à lui reconnaître. » — « Allons, répondit-il, je vois que vous êtes un aristocrate, et que Cavendish le lord aura raison devant vous contre Watt le mécanicien. » — « Ne serait-ce point, ajoutai-je à mon tour en riant, que, devant un démocrate comme vous, le grand seigneur doit nécessairement céder à l’enfant du peuple ? 

1981. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Sénac de Meilhan. — I. » pp. 91-108

Il y a des chapitres qui, pour la forme, sont dans le goût de Montesquieu : ainsi, le chapitre XV sur la France : « Il est un peuple à qui sa vivacité rend tout sensible à l’excès, à qui sa légèreté ne permet pas d’éprouver d’impressions durables.

1982. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Œuvres complètes de Saint-Amant. nouvelle édition, augmentée de pièces inédites, et précédée d’une notice par M. Ch.-L. Livet. 2 vol. » pp. 173-191

Il va continuer ainsi ses descriptions des lieux d’alentour, celle du torrent roulant au creux du vallon, celle du marais et du peuple aquatique qui s’y joue ; il arrive ensuite aux ruines gothiques, là où un moderne verrait le sujet de la ballade : Que j’aime à voir la décadence De ces vieux châteaux ruinés, Contre qui les ans mutinés Ont déployé leur insolence !

1983. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « La marquise de Créqui — III » pp. 476-491

N’allez pas me demander de définir l’atticisme ; l’aticisme chez un peuple, et au moment heureux de sa société ou de sa littérature, est une qualité légère qui ne tient pas moins à ceux qui la sentent qu’à celui qui parle ou qui écrit ; je me contenterai de dire que c’est une propriété dans les termes et un naturel dans le tour, une simplicité et netteté, une aisance et familiarité entre gens qui s’entendent sans appuyer trop, et qui sont tous de la maison.

1984. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Divers écrits de M. H. Taine — II » pp. 268-284

Si l’on ôte quelques passages où la simplicité est affectée et la sagacité raffinée, on croit entendre un des anciens jurisconsultes ; Montesquieu a leur calme solennel et leur brièveté grandiose ; et du même ton dont ils donnaient des lois aux peuples, il donne des lois aux événements… Suivant moi, pour que le livre sur Tite-Live fût entièrement vrai (car il l’est sur presque tous les points, et pleine justice est rendue d’ailleurs à l’historien), il eût suffi de laisser au sens du génie oratoire, du génie de l’éloquence déclaré dominant chez lui, la valeur d’un aperçu littéraire, sans lui attribuer la valeur d’une formule scientifique ; il eût suffi enfin de ne pas inscrire à la première ligne de cette étude, de n’y pas faire peser le nom et la méthode de Spinosa, de ne pas rapprocher des termes aussi étonnés d’être ensemble que Spinosa et Tite-Live.

1985. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « L’abbé de Marolles ou le curieux — I » pp. 107-125

Marolles, qui lui fait à l’avance toutes les objections, et qui établit qu’en telle matière « le peuple ne voit pas même ce qu’il regarde », ne laisse pas d’y aller pour lui obéir, et il s’assure que tout est fabuleux, hors le coup de pistolet que quelqu’un avait lâché sans intention : « Toutefois, ajoute-t-il, on ne laissa pas d’en faire une image en taille-douce, que j’ai eue entre les miennes ».

1986. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Correspondance diplomatique du comte Joseph de Maistre, recueillie et publiée par M. Albert Blanc » pp. 67-83

Les préjugés des peuples ressemblent à des tumeurs enflammées : il faut les toucher doucement pour éviter les meurtrissures.

1987. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Histoire de la littérature française à l’étranger pendant le xviiie  siècle, par M. A. Sayous » pp. 130-145

Turretin sut intervertir habilement l’ordre calviniste, en faisant passer la morale avant le dogme, en posant en principe « qu’on ne doit jamais porter en chaire ces questions qui sont controversées entre les protestants : d’un côté parce qu’elles surpassent la portée du peuple, et de l’autre parce qu’elles ne contribuent en rien à avancer la sanctification des âmes ».

1988. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « De la poésie en 1865. (suite.) »

A cet âge d’enthousiasme, de colère, d’espérance illimitée, Veyrat, semblable à bien des hommes de sa génération et de celles qui ont succédé, rêvait l’émancipation universelle des peuples et leur délivrance par la révolution ; il s’irritait des retards et prenait ses impatiences pour des prophéties.

1989. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Les cinq derniers mois de la vie de Racine. (suite et fin.) »

Il avait été reçu par M. de La Chapelle, directeur, qui ne parla pas mal non plus et qui dit même des choses assez neuves et très à propos à cette date de 1699, fin d’un siècle, sur les heures de perfection et de décadence littéraire pour les nations : il développa une pensée de l’historien Velleius Paterculus, et parla de cette sorte de fatalité qui fixe dans tous les arts, chez tous les peuples du monde, un point d’excellence qui ne s’avance ni ne s’étend jamais : « Ce même ordre immuable, disait-il, détermine un nombre certain d’hommes illustres, qui naissent, fleurissent, se trouvent ensemble dans un court espace de temps, où ils sont séparés du reste des hommes communs que les autres temps produisent, et comme enfermés dans un cercle, hors duquel il n’y a rien qui ne tienne ou de l’imperfection de ce qui commence ou de la corruption de ce qui vieillit. » C’était bien pensé et bien dit.

1990. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. LE COMTE MOLÉ (Réception à l’Académie.) » pp. 190-210

Cette première fois le jeune enfant l’obtint ; il vit son père tiré vivant du sein du massacre et ramené à l’hôtel Molé aux applaudissements du même peuple mobile qui, la veille, l’aurait insulté, et qui le lendemain le verra mourir.

1991. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « APPENDICE. — CASIMIR DELAVIGNE, page 192. » pp. 470-486

Que cette liberté qui règne par les lois Soit la religion des peuples et des rois.

1992. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Jean-Baptiste Rousseau »

Le poëte a beau se démener, se commander l’enthousiasme, se provoquer au délire, il en est pour ses frais, et l’on rit de l’entendre, à la mort du prince de Conti, s’écrier dans le pindarisme de ses regrets : Peuples, dont la douleur aux larmes obstinée, De ce prince chéri déplore le trépas, Approchez, et voyez quelle est la destinée Des grandeurs d’ici-bas.

1993. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Conclusion. »

Cromwell retenait le peuple par la superstition, on liait les Romains par le serment, les Grecs se laissaient mener par l’enthousiasme qu’ils éprouvaient pour les grands hommes.

1994. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre quatrième. Les conditions physiques des événements moraux — Chapitre III. La personne humaine et l’individu physiologique » pp. 337-356

Il n’y en a plus que deux aujourd’hui, le moi et la matière ; mais jadis il y en avait une légion ; alors, pendant l’empire avoué ou dissimulé de la philosophie scolastique, on imaginait, sous les événements, une quantité d’êtres chimériques, principe vital, âme végétative, formes substantielles, qualités occultes, forces plastiques, vertus spécifiques, affinités, appétits, énergies, archées, bref un peuple d’agents mystérieux, distincts de la matière, liés à la matière, et que l’on croyait indispensables pour expliquer ses transformations.

1995. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre III. Poésie érudite et artistique (depuis 1550) — Chapitre II. Les tempéraments »

Élégie sur les troubles d’Ambroise, 1560 ; Institution pour l’adolescence du Roy, 1562 ; Discours des misères de ce temps, 1562 ; Continuation, 1562 ; Remontrance au peuple de France, 1563 ; Responce aux injures et calomnies, etc., 1563.

1996. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre IV. L’heure présente (1874) — Chapitre unique. La littérature qui se fait »

Henrik Ibsen (né en 1828) : les Revenants ; Maison de Poupée ; le Canard sauvage ; Rosmersholm ; Hedda Gabler : voilà les cinq pièces supérieures ; la Dame de la mer, un Ennemi du peuple, très intéressantes encore ; Solness le constructeur ; les Prétendants à la couronne ; les Guerriers à Helgoland ; les Soutiens de la société ; l’Union des Jeunes. — Édition : Savine, 7 vol. in-18, 1889 et suiv. — A consulter : A.

1997. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « La comtesse Diane »

Rentrez alors à la Comédie-Française et reposez-vous dans l’admiration et la sympathie ardente de ce bon peuple parisien qui vous pardonne tout, vous ayant dû quelques-unes de ses plus grandes joies.

1998. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « Alphonse Daudet  »

Voyez encore, dans les Femmes d’artistes, le ménage de ce pauvre poète marié à une Italienne du peuple, jadis belle, maintenant empâtée et vulgaire, qui mène son mari comme un petit garçon et qui tout à coup, au milieu d’une discussion intéressante, lui crie d’une voix bête et brutale comme un coup d’escopette : « Hé !

1999. (1899) Le préjugé de la vie de bohème (article de la Revue des Revues) pp. 459-469

C’est l’âme qui transparaît, et qui à tous, riches ou pauvres, issus du peuple et formés par eux-mêmes ou élevés selon les cérémonials suprêmes, dicte et inspire une beauté saisissante et imprévisible.

2000. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre IX. Inquiets et mystiques » pp. 111-135

Le peuple, qui est cordialement individualiste, a coutume de dire : « Chacun à sa place. » Or ces gens empiètent.

2001. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre V. Premiers aphorismes de Jésus. — Ses idées d’un Dieu Père et d’une religion pure  Premiers disciples. »

On l’entend en écoutant un souffle léger qui crie en nous, « Père 217. » Le Dieu de Jésus n’est pas le despote partial qui a choisi Israël pour son peuple et le protège envers et contre tous.

2002. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Les Gaietés champêtres, par M. Jules Janin. » pp. 23-39

tu as joué non seulement avec l’argent de mes peuples, mais avec leurs croyances, et, ne pouvant pas la briser, cette force morale, tu l’as attaquée par tous les genres de bons mots et de mépris.

2003. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Madame la duchesse d’Angoulême. » pp. 85-102

C’est en songeant à ces scènes douloureuses du Temple que M. de Chateaubriand, qu’il ne faut pourtant pas confondre ici (comme on l’a fait trop souvent) avec Bossuet, a dit dans Atala, par la bouche du père Aubry : « L’habitant de la cabane et celui des palais, tout souffre, tout gémit ici-bas ; les reines ont été vues pleurant comme de simples femmes, et l’on s’est étonné de la quantité de larmes que contiennent les yeux des rois. » Un poète populaire, faisant allusion à cette phrase célèbre, mais continuant de mettre en opposition les classes, a dit : De l’œil des rois on a compté les larmes ; Les yeux du peuple en ont trop pour cela !

2004. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Le maréchal Marmont, duc de Raguse. — III. (Suite et fin.) » pp. 47-63

Il avait le culte de son père, un culte qui n’était pas seulement la tendresse d’une race civilisée, mais qui tenait de l’ardeur des peuples sauvages ; il avait du Corse en cela.

2005. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Les regrets. » pp. 397-413

Le fait est que, durant les trois années d’un état précaire pour la France et presque déshonorant pour la civilisation d’un grand peuple, les mêmes hommes, après le premier étourdissement passé, ont assez pris leur parti, qu’ils ont assez bien vécu et n’ont pas trop désespéré, et que depuis qu’il y a un établissement régulier, il leur semble qu’on ne puisse plus vivre : c’est que cet établissement s’est fait sans eux, c’est que ce régime n’est plus le leur ; on supporte encore la chute, non pas le remplacement.

2006. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Th. Dostoïewski »

Son peuple, ce sont les déclassés, les prostituées, les criminels, les ivrognes, les aigrefins, ou encore les simples créatures cordiales et ces impudentes canailles qui sentent parfois le besoin de mettre à l’air leur turpitude.

2007. (1903) Considérations sur quelques écoles poétiques contemporaines pp. 3-31

« N’ayons pas ce dédain qui, chez un particulier comme chez un peuple, marque ordinairement peu de lumière », a dit excellemment Raynal dans son Histoire philosophique.

2008. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre V : M. Cousin historien et biographe »

Lorsque dans une société la loi consacre des conditions inégales, personne n’est exempt d’insulte ; le grand seigneur, outragé par le roi, outrage le noble qui outrage le peuple ; la nature humaine est humiliée à tous les étages, et la société n’est plus qu’un commerce d’affronts.

2009. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre VIII : M. Cousin érudit et philologue »

le scepticisme en toutes choses : l’amour du plaisir dans la vie ; en politique, des goûts démocratiques et des mœurs serviles ; dans l’art, la prédominance de la grâce ; dans la religion, l’anthropomorphisme ; dans la philosophie, qui est l’expression la plus générale de l’esprit d’un peuple, un empirisme plus ou moins ingénieux, une curiosité assez hardie, mais toujours dans le cercle et sous la direction de la sensibilité.

2010. (1898) Essai sur Goethe

D’abord intermède du service divin, puis solennellement politique, la tragédie montra au peuple de grandes actions isolées de ses ancêtres, avec la pure simplicité de la perfection ; elle éveilla de grands et complets sentiments dans les âmes, car elle était elle-même grande et complète. […] Au contraire, malgré l’insuffisance des secours historiques dont il disposait, il a, avec cet instinct qui est le propre des grands poètes, restauré en son personnage le vrai Gœtz historique et placé ainsi devant les yeux du peuple allemand un héros national représentatif. […] On n’écrit aujourd’hui rien d’égal à la prose que Goethe, dans Werther, a révélée au peuple allemand. […] Il les avouait avec une candeur touchante : « De tous mes désirs, écrivait-il, le plus grand est de ne rien faire, et ensuite d’être flatté par mes amis, bien servi par mes domestiques, caressé par mon entourage, honoré par mes protecteurs, célébré par les poètes et montré au doigt par le peuple. » Oui, c’est bien cela qu’il vint chercher à Ferrare, le pauvre homme. […] Veux-tu délivrer le peuple ?

2011. (1892) Portraits d’écrivains. Première série pp. -328

C’est elle qui les a poussés dans une carrière qui devait les distinguer du commun, les mettre en dehors et au-dessus de tout ce peuple de fonctionnaires, d’industriels, d’ingénieurs et de militaires, roture d’une société où l’esprit serait roi. […] Dans l’Assommoir, l’agent responsable, l’actif et l’infatigable ouvrier de l’abrutissement de tout un peuple, c’est l’appareil à distiller, l’alambic du père Colombe. […] Certes, tout le peuple de Paris n’est pas dans l’Assommoir. […] Il l’exerçait dans le « bagne d’Alais », au milieu d’un peuple de petits paysans grossiers et durs. […] En route à travers monts et vallons, vignes au temps de la vendange, oliviers au temps de la récolte : une année les monts du Jura, une année les campagnes du Centre, une autre fois Marseille avec le bleu du ciel, la forêt des mâtures et le grouillement d’un peuple bariolé.

2012. (1874) Portraits contemporains : littérateurs, peintres, sculpteurs, artistes dramatiques

J’ai une facilité admirable à me plier sans effort à la vie des différents peuples. […] Les ignorants, les femmes, le peuple ouvrent rarement un volume de vers. […] Né du peuple, malgré la particule nobiliaire qui précédait son nom, Béranger en eut tous les instincts. […] Il parlait de l’homme du destin, des trois couleurs, du vieux sergent, et il donnait en outre aux Français les moyens de se moquer de leurs vainqueurs, service que n’oublie jamais ce peuple brave, fier et spirituel, content de tout s’il peut rendre son ennemi ridicule. […] Sans police, sans armée, sans aucun moyen répressif, il maintint par la poésie pure tout un peuple en effervescence, il dit à la république extrême ce mot sublime : « Le drapeau tricolore a fait le tour du monde avec nos gloires ; le drapeau rouge n’a fait que le tour du Champ de Mars, traîné dans le sang du peuple. » Et les trois couleurs continuèrent à flotter victorieusement dans l’air.

2013. (1896) Les Jeunes, études et portraits

Il ne déclame pas, ce qui est peuple. […] Vingt-cinq années, ce n’est après tout qu’un court espace dans la vie d’un peuple ; ce n’est pas assez pour le recul de l’histoire.. […] Los peuples au temps de leurs origines ont ce don de l’imagination plastique : alors prennent naissance les religions et les mythologies. […] Il est à la veille de conclure une union qui rétablira la paix entre deux peuples. […] Les empreintes de la race et de la tradition sont trop profondément marquées sur l’esprit de chaque peuple, pour qu’elles puissent s’effacer au contact des idées étrangères.

2014. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « M. Littré. »

Comment le bas latin, le latin des paysans et du peuple, de plus en plus mal parlé et estropié, mélangé et trituré avec d’anciens idiomes locaux préexistants ou des jargons d’invasion nouvelle, était-il devenu peu à peu, ici le français, là l’espagnol ou le catalan, là l’italien ? […] Les Latins ne prononçaient pas toutes les syllabes d’un mot ; les peuples du Midi chantent et ne parlent pas.

2015. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre VI. La poésie. Tennyson. »

« Et j’étais debout sur le pont d’un navire géant, et je mêlais mon souffle — à celui d’un peuple loyal qui poussait un cri de bataille. —  Désormais la pensée noble sera plus libre sous le soleil, —  et le cœur d’une nation battra d’un seul désir. —  Car la longue, la longue gangrène de la paix est ôtée et lavée, —  et à présent, le long des abîmes de la Baltique et de la Crimée, —  sous la gueule grimaçante des mortelles forteresses, on voit flamboyer — la fleur de la guerre, rouge de sang avec un cœur de feu1527. » Cette explosion de sentiment a été la seule ; Tennyson n’a pas recommencé. […] Il y a deux peuples en France : la province et Paris, l’un qui dîne, dort, bâille, écoute ; l’autre qui pense, ose, veille et parle ; le premier traîné par le second, comme un escargot par un papillon, tour à tour amusé et inquiété par les caprices et l’audace de son conducteur.

2016. (1865) Cours familier de littérature. XX « CXVIIIe entretien. Littérature américaine. Une page unique d’histoire naturelle, par Audubon (2e partie) » pp. 161-239

Mai cependant était de retour, et son souffle printanier nous ramenait le peuple vagabond des airs. […] La puissance de son élan, la hauteur et la rapidité de son essor, sa vigueur, son audace, la froideur de son courage justifient ce choix que l’assentiment de tous les peuples consacre.

2017. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre septième »

Contemplez ce que souffre un homme qui a tous les membres brisés et rompus par une suspension violente, qui, ayant les mains et les pieds percés, ne se soutient plus que sur ses blessures, et tire ses mains déchirées de tout le poids de son corps antérieurement abattu par la perte du sang ; qui, parmi cet excès de peine, ne semble élevé si haut que pour découvrir de loin un peuple infini qui se moque, qui remue la tête, qui fait un sujet de risée d’une extrémité si déplorable67 !  […] Bossuet raisonne comme le peuple fait des figures.

2018. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « IX »

C’est une bonne légende de peuples très simples. […] Tous les artistes et tous ceux qui aiment l’art devraient se liguer — quelles que soient leurs opinions — pour contrarier ces néfastes projets de Théâtres-Wagner, soit à Paris, soit ailleurs, qui reparaissent à chaque moment, et qui sont l’œuvre, soit de commerçants spéculateurs, soit d’hommes animés des meilleures intentions et qui ne semblent point soupçonner quel ton la réalisation de leurs projets ferait à l’art. — L’œuvre vraiment wagnérienne, ce n’est point de faire des importations de musique allemande en France, c’est de faire au contraire en France ce que Wagner a tenté en Allemagne : c’est ce secouer les esprits plongés dans la torpeur, c’est de redresser l’idéal de l’art aujourd’hui tombé si bas, c’est de créer le drame parfait (poésie, musique, gestes) tel qu’il convient au génie du peuple français.

2019. (1891) Journal des Goncourt. Tome V (1872-1877) « Année 1872 » pp. 3-70

C’est pendant la période de la Jeunesse, de la Force, de l’Amour, qu’il faut faire des vers. » Mercredi 17 juillet La force prime le droit, cette formule prussienne du droit moderne, proclamée, en pleine civilisation, par le peuple qui se prétend le civilisé par excellence, cette formule me revient souvent à l’esprit. […] Il se vantait, l’innocent du Palais, de faire du Prussien, un adepte de la fraternité des peuples, en lui faisant luire, en récompense de sa modération, la popularité qu’il s’acquerrait près des générations futures, réunies dans un embrassement universel.

2020. (1894) Textes critiques

Encore que j’aime plus au théâtre le déroulement du rêve en banderolles mauves ou fils de Vierge que la marche échiquière de thèses dont nulle n’est ni ne peut être neuve, chacune est trop asymptote à sa Réalisation pour que Gerhart Hauptmann ne nous ait pas donné, au lieu de la tabletterie redoutée, une pièce de très haut Idéalisme, touchant plus même que l’Ennemi du Peuple, parce que plus près de nous. […] En ce temps d’universel cyclisme, quelques séances dominicales, un été, très courtes (de deux à cinq), d’une littérature d’abord pas trop abstraite (le Roi Lear, par exemple ; nous ne comprenons pas cette idée d’un théâtre du peuple), en des campagnes distantes de peu de kilomètres, avec des arrangements pour ceux qui usent des chemins de fer, sans préparatifs d’avance, les places au soleil gratuites (M. 

2021. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Massillon. — I. » pp. 1-19

Heureux le prince qui, durant le cours d’un règne long et florissant, jouit à loisir des fruits de sa gloire, de l’amour de ses peuples, de l’estime de ses ennemis, de l’admiration de l’univers… !

2022. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Fénelon. Sa correspondance spirituelle et politique. — II. (Fin.) » pp. 36-54

Ces jeunes princes, objets de tant de vœux et d’espérances et qui n’ont pas vécu, tous ceux à qui la voix du peuple comme celle du poète a pu dire : « … S’il t’est donné de vaincre les destins ennemis, tu seras Marcellus » ; ces figures inachevées que souvent l’imagination couronne, posent en passant un problème que les esprits les plus sérieux et les moins chimériques peuvent méditer au moins un instant.

2023. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Œuvres complètes de Buffon, revues et annotées par M. Flourens. » pp. 55-73

Mais Buffon a beau faire, il a beau traiter avec assez peu d’égards « le peuple des naturalistes », il a beau, à l’occasion d’un détail concernant les intestins des oiseaux de proie, dire en grand seigneur : « Je laisse aux gens qui s’occupent d’anatomie à vérifier plus exactement ce fait », il est devenu naturaliste lui-même, au sens le plus exact du mot.

2024. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Agrippa d’Aubigné. — I. » pp. 312-329

… » Mais c’est la réponse de l’Amiral qui est belle de tristesse, de prévoyance et de prophétie ; tout un abrégé de sa destinée tragique s’y dessine ; il répond : « Puisque je n’ai rien profité par mes raisonnements de ce soir sur la vanité des émeutes populaires, la douteuse entrée dans un parti non formé, les difficiles commencements (et il revient ici à l’énumération des obstacles)… ; — puisque tant de forces du côté des ennemis, tant de faiblesse du nôtre ne vous peuvent arrêter, mettez la main sur votre sein, sondez à bon escient votre constance, si elle pourra digérer les déroutes générales, les opprobres de vos ennemis et ceux de vos partisans, les reproches que font ordinairement les peuples quand ils jugent les causes par les mauvais succès, les trahisons des vôtres, la fuite, l’exil en pays étrange… ; votre honte, votre nudité, votre faim, et qui est plus dur, celle de vos enfants.

2025. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Léopold Robert. Sa Vie, ses Œuvres et sa Correspondance, par M. F. Feuillet de Conches. — I. » pp. 409-426

Il est vrai peut-être qu’il n’a pas eu l’occasion de voir dans son temps, comme nous dans le nôtre, des réunions entières de ce peuple singulier… Je n’oserais communiquer à quelqu’un d’autre qu’à vous ces remarques qui pourraient paraître présomptueuses ; mais, comme je vous le disais tout à l’heure, je ne peux m’empêcher de trouver les œuvres du Créateur bien autrement sublimes que toutes les représentations que les créatures les plus heureusement douées en peuvent faire.

2026. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Ramond, le peintre des Pyrénées — III. (Fin.) » pp. 479-496

Il n’avait que dédain pour ceux qui rapportaient l’origine d’une si grande secousse à tel objet particulier de leur dépit ou de leur aversion : L’heure des révolutions sonne, messieurs, disait-il (et c’est dans un discours qu’il eut à prononcer comme préfet à l’ouverture du lycée de Clermont sous l’Empire), — l’heure des révolutions sonne quand la succession des temps a changé la valeur des forces qui concourent au maintien de l’ordre social, quand les modifications que ces forces ont subies sont de telle nature qu’elles portent atteinte à l’équilibre des pouvoirs ; quand les changements, imperceptiblement survenus dans les mœurs des peuples et la direction des esprits, sont arrivés à tel point qu’il y a contradiction inconciliable et manifeste entre le but et les moyens de la société, entre les institutions et les habitudes, entre la loi et l’opinion, entre les intérêts de chacun et les intérêts de tous ; quand enfin tous les éléments sont parvenus à un tel état de discorde qu’il n’y a plus qu’un conflit général qui, en les soumettant à une nouvelle épreuve, puisse assigner à chaque force sa mesure, à chaque puissance sa place, à chaque prétention ses bornes… Cette manière élevée de considérer les choses contemporaines comme si elles étaient déjà de l’histoire, dispense de bien des regrets dans le passé et de bien des récriminations en arrière.

2027. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Henri IV écrivain. par M. Eugène Jung, ancien élève de l’École normale, docteur es lettres. — I » pp. 351-368

et comme il est bien français, agreste, naturel, voisin du peuple et de nous tous !

2028. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Le duc de Rohan — III » pp. 337-355

Il s’agissait de trouver un personnage qui les poussât et les guidât, « adroit à manier les peuples, agréable aux Grisons (la plupart protestants) », propre « à remettre ces gens-là peu à peu et à regraver dans leurs esprits la dévotion qu’ils commençaient à perdre pour les Français, et qui fût de tel poids, qu’il pût être en ce pays comme garant et caution de son maître », sans que le nom de ce maître fût mis d’abord trop en montre.

2029. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Madame Swetchine. Sa vie et ses œuvres publiées par M. de Falloux. »

Le peuple dit : « Il est beau comme un ange, et il a de l’esprit comme un démon. » Voilà le sens commun.

2030. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Madame de Staël. Coppet et Weimar, par l’auteur des Souvenirs de Mme Récamier (suite et fin.) »

N’ayez donc pas tant peur, Messieurs les doctrinaires, qu’elle ait été patriote une fois comme le peuple : savez-vous bien qu’elle avait plus d’imagination que vous, je n’ose dire de cœur, et qu’elle n’était des vôtres qu’à demi ?

2031. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Journal de la santé du roi Louis XIV »

Si bien qu’on soit, il reste cependant à penser au peuple.

2032. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Entretiens de Gœthe et d’Eckermann (suite) »

Ce qui s’appelle vraiment le peuple ne sert que fort peu à notre développement, et tous les hommes de talent, toutes les bonnes têtes sont parsemées à travers toute l’Allemagne.

2033. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Le Mystère du Siège d’Orléans ou Jeanne d’Arc, et à ce propos de l’ancien théâtre français (suite.) »

La scène suivante nous le montre reprenant ou continuant son prêchement prophétique et invitant le peuple au baptême.

2034. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Histoire de la Restauration par M. Louis de Viel-Castel. Tomes IV et V. »

La mémoire du peuple a retenu le nom de deux des condamnés, de Jean-Jacques Pau, et surtout d’Avinens, soit que leur attitude fut plus ferme, plus imposante que celle des autres, et qu’ils eussent une beauté virile qui frappait les assistants, soit à cause du cri final républicain que poussa l’un d’eux sur l’échafaud.

2035. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Térence. Son théâtre complet traduit par M. le marquis du Belloy (suite et fin.) »

C’est chez Théocrite qu’il faut lire ce brillant combat de Pollux : il est vrai que tout à côté, dans la même pièce, on se heurte à un exploit d’un genre tout différent, l’enlèvement des deux filles de Leucippe et le combat de Castor contre l’amant de l’une d’elles : car ces Grecs, semblables en cela à un autre peuple de notre connaissance, pouvaient être dits à la fois libertins et civilisateurs.

2036. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Vie de Jésus, par M. Ernest Renan »

Cette Vie de Jésus, toute révérence gardée, a pris dans la classe moyenne des intelligences, comme le Petit Journal a pris parmi le peuple.

2037. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Corneille. Le Cid. »

Il en est du champ de l’humanité comme de celui de Sempach : « L’œuvre qu’un seul commence, un grand peuple l’achève. » Chacun des successeurs de Colomb a pu dire : « J’ai fait le même voyage. » C’est ce qui arriva à Rotrou après Corneille. » Pour apprécier ici la vérité et la beauté de l’image, il faut savoir son histoire suisse de l’époque héroïque et se rappeler ce qu’était et ce que fit ce Winkelried, lequel, à la journée de Sempach, s’avançant le premier contre le bataillon hérissé de fer des Autrichiens qu’on ne pouvait entamer, étendit les bras pour ramasser le plus de piques ennemies qu’il put contre sa poitrine, et qui, tombant transpercé, ménagea ainsi dans la redoutable phalange une trouée par où les Suisses vainqueurs pénétrèrent.

2038. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Histoire de la littérature anglaise par M. Taine. »

Taine qu’un appareil plus délicat et plus sensible qu’un autre pour mesurer tous les degrés et toutes les variations d’une même civilisation, pour saisir tous les caractères, toutes les qualités et les nuances de l’âme d’un peuple.

2039. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Maurice comte de Saxe et Marie-Josèphe de Saxe, dauphine de France. (Suite) »

Que votre princesse sache bien qu’il ne tiendra qu’à elle de faire notre bonheur et la félicité de mon peuple. » Nous voyons se dessiner, dans toute cette familiarité à laquelle on nous initie, un Louis XV un peu inattendu, un peu différent de ce qu’on se figure, plus affectueux, plus père de famille qu’on ne suppose, un fort aimable beau-père, et tout à l’heure, un grand-père aux petits soins.

2040. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Mathurin Regnier et André Chénier »

Il s’y lança avec candeur, s’y arrêta à propos, y fit la part équitable au peuple et au prince, et mourut sur l’échafaud en citoyen, se frappant le front en poëte.

2041. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre VI. De la philosophie » pp. 513-542

Pour justifier tous les genres de servitude vers lesquels divers sentiments peuvent rappeler, l’on a recours du moins à des idées générales, à des motifs tirés du bonheur des nations, à des raisonnements que l’on fonde sur la volonté des peuples.

2042. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre II. Distinction des principaux courants (1535-1550) — Chapitre I. François Rabelais »

En somme, les deux livres expriment l’idéal d’un homme né dans le peuple, échappé du cloître, enivré de liberté et de science.

2043. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre III. Le naturalisme, 1850-1890 — Chapitre VI. Science, histoire, mémoires »

Histoire du peuple d’Israël, 1888-1894, 5 vol. in-8.

2044. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « La génération symboliste » pp. 34-56

Le premier contact des bacheliers avec le peuple des casernes fut assez désagréable.

2045. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. Bain — Chapitre III : Les Émotions »

Les devoirs de pur sentiment imposant des prescriptions non essentielles au maintien de la société : devoirs très variables selon les temps et les peuples : boire du vin eu l’honneur de Bacchus, sortir avec un voile comme les musulmanes, s’abstenir de nourriture animale comme les brahmes, etc.

2046. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXXVI » pp. 413-441

Il écrit à Racine les vers suivants : Et qu’importe à nos vers que Perrin les admire, Que l’auteur du Jonas s’empresse pour les lire ; Qu’ils charment de Senlis le poète idiot127, Ou le sec traducteur du français d’Amyot, Pourvu qu’avec éclat leurs rimes débitées Soient du peuple, des grands, des provinces goûtées, Pourvu qu’ils puissent plaire au plus puissant des rois, Qu’à Chantilly Condé les souffre quelquefois, Qu’Enghien en soit touché, que Colbert et Vivonne, Que La Rochefoucauld, Marsillac et Pomponne, Et mille autres qu’ici je ne puis faire entrer, À leurs traits délicats se laissent pénétrer !

2047. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Éloges académiques de M. Pariset, publiés par M. Dubois (d’Amiens). (2 vol. — 1850.) » pp. 392-411

On y a peut-être fait jouer d’autres ressorts autrefois, il y a bien longtemps ; mais les peuples modernes seront plus longtemps encore comme il les a peints.

2048. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Lettres inédites de l’abbé de Chaulieu, précédées d’une notice par M. le marquis de Bérenger. (1850.) » pp. 453-472

Il parle des Polonais comme on en parlait alors, c’est-à-dire comme d’une espèce de peuple barbare, à demi asiatique, et chez qui les moindres singularités de mœurs et de costumes intéressent : Vous ne sauriez vous faire une idée de la majesté et de la fierté des Polonais, dont ils sont redevables moitié à leur barbe, moitié à leurs grandes robes et à leurs sabres.

2049. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Pline le Naturaliste. Histoire naturelle, traduite par M. E. Littré. » pp. 44-62

Il faut voir dans le texte (car les meilleures traductions sont pâles en ces endroits) avec quelle effusion il célèbre ce beau génie, le seul que le peuple romain ait produit de vraiment égal à son empire : « Je te salue, ô toi, s’écrie-t-il, qui le premier fus nommé Père de la patrie, toi qui le premier méritas le triomphe sans quitter la toge… » À quelques livres de là nous apprenons à regret que le fils indigne de l’illustre orateur était un buveur éhonté ; qu’il se vantait d’avaler d’un seul trait des mesures de vin immenses ; qu’un jour qu’il était ivre, il jeta une coupe à la tête d’Agrippa : « Sans doute, dit ironiquement Pline, ce Cicéron voulait enlever à Marc-Antoine, meurtrier de son père, la palme du buveur. » Le livre de Pline sur l’Homme est rempli de particularités, d’anecdotes intéressantes et qu’on ne trouve que là.

2050. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Œuvres de Mme de Genlis. (Collection Didier.) » pp. 19-37

Elle pratique dans le village la médecine du peuple, le livre de Tissot à la main, et elle a dans l’autre main une lancette pour saigner tout paysan qui se présente : comme elle leur donnait trente sous après chaque saignée, il s’en présentait beaucoup.

2051. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Patru. Éloge d’Olivier Patru, par M. P. Péronne, avocat. (1851.) » pp. 275-293

On y voit Patru partagé alors entre la volupté et la gloire, s’occupant du choix d’un genre de vie et du problème de la destinée, travaillé d’agitations, de nobles inquiétudes, de ces « divines maladies » qui sont également inconnues aux courtisans et au peuple ; plein surtout d’un beau feu pour l’éloquence, se met tant aux champs dès qu’on n’en parle pas à son gré, critique déjà en ce point, très docile sur tout le reste.

2052. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Le surintendant Fouquet. (Article Fouquet, dans l’Histoire de Colbert, par M. P. Clément.) 1846. » pp. 294-312

Je leur ai déclaré aussi que je ne voulais plus de surintendant, mais travailler moi-même aux finances avec des personnes fidèles qui agiront sous moi, connaissant que c’était le vrai moyen de me mettre dans l’abondance et de soulager mon peuple.

2053. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Armand Carrel. — III. (Suite et fin.) » pp. 128-145

Il ne partageait point les idées des diverses fractions socialistes du parti républicain : Lisez dans le supplément du National d’aujourd’hui, écrivait-il à un collaborateur (25 février 1833), le discours prononcé par un membre de la Société des Amis du peuple (M. 

2054. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Monsieur Étienne, ou une émeute littéraire sous l’Empire. » pp. 474-493

Le président Hénault, l’un des hommes qui connaissaient le mieux son ancienne France et son ancien Paris, disait en notant cette brusque alternative d’intérêt et d’indifférence : « C’est une drôle de chose que ce pays-ci : je crois que la fin du monde ne ferait pas une nouvelle au bout de trois jours. » Trois jours, c’est peu ; depuis que nous sommes un peuple sérieux, nous allons aisément à la quinzaine : passé cela, on rabâche, on tourne sur soi-même et on travaille dans le vide jusqu’à ce qu’un nouveau relais d’attention survienne et renvoie à cent lieues le précédent.

2055. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1853 » pp. 31-55

Dans cette maison où il n’y a pas de prostituées au-dessous de 60 ans, et où ces femmes ont de vieux béguins de linge maternels, — on débite de l’amour depuis 50 jusqu’à 10 centimes aux vieux pervertis et aux tout petits jeunes gens timides du peuple.

2056. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Fervaques et Bachaumont(1) » pp. 219-245

Ils ne sont pas montés plus haut que ce sujet pour le traiter de plus haut ; car c’était un de ces sujets terribles, à fond de corruption, qu’il fallait peindre le pinceau levé comme la cravache du dompteur ou l’épée d’un homme énergique qui mène un peuple corrompu.

2057. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « III — Un symbole »

Dans l’esprit des fondateurs de l’œuvre, le vœu au Sacré-Cœur est avant tout un témoignage d’expiation des révoltes de la nation contre le joug catholique, et des crimes de libre pensée dont la France s’était rendue coupable ; c’est l’amende honorable du peuple qui s’était ouvertement éloigné de Dieu depuis la fin du siècle dernier, et qui implorait le pardon de ses offenses.

2058. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre IX : M. Jouffroy écrivain »

À son avis, l’incertitude des gouvernements contemporains, l’impatience des peuples modernes, la fragilité de toutes nos charpentes sociales et de toutes nos machines politiques, n’ont d’autre cause que la chute du christianisme et l’attente d’une religion nouvelle.

2059. (1908) Esquisses et souvenirs pp. 7-341

Toute cette foule, le grand monde et le peuple, se précipita dans l’arène pour une dernière ovation. […] — Il sied avant tout que les individus comme les peuples vivent ou périssent sans déroger. […] Lorsqu’ils quittent Athènes pour aller au combat, le peuple applaudit sur leur passage avec mesure et décence ; du haut des maisons, les plus fraîches fleurs s’effeuillent sur eux. […] Je m’informe de ce qui s’était passé : — Les volontaires se plaignent… — Le gouvernement tarde trop à les équiper… — Le peuple a pillé les magasins d’armes… Je poursuis ma route, et je parviens au cœur de la manifestation. […] De tous côtés le peuple s’empresse avec force, mais à beaux gestes, et sans cette grossière précipitation que les masses d’hommes évitent rarement.

2060. (1891) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Quatrième série

Quand, en effet, pendant près de trois siècles, deux peuples voisins se sont mêlés constamment l’un à l’autre, et que leurs littératures se sont tour à tour plus ou moins fidèlement imitées, il y a quelques chances pour que leurs rapports soient en quelque sorte fixés, et pour que tout ne soit pas faux ni vain dans l’idée qu’ils se font l’un de l’autre. […] En effet, c’est ce qui mesure la moralité d’un peuple ou d’une époque : les noms qu’ils imposent aux vices qui sont éternellement ceux de l’humaine nature, et le souci qu’ils témoignent par là de ne pas diminuer la honte ou l’horreur qui s’y attachent. […] Pour justifier Bossuet des reproches qu’on a pu faire à son Discours sur l’Histoire universelle, que ne propose-t-on aussi d’en parler comme s’il l’avait intitulé : Observations sommaires sur l’histoire de quelques peuples anciens ! […] Et, en effet, l’un après l’autre ou ensemble, si quelqu’un, dans l’ancienne France, a brisé l’aristocratie de la noblesse ou, comme disait Saint-Simon, « rendu tout peuple et vil peuple » devant « les ministres, intendants ou financiers de la dernière espèce », n’est-ce pas eux ? […] « Pour Montesquieu, l’homme est de tous les pays et de toutes les nations ; … il s’occupe moins… des lois qu’on a faites que de celles qu’on a dû faire, … des lois d’un peuple particulier que des lois de tous les peuples. » Et il est évident, quand il fait la théorie de la séparation des pouvoirs ou l’apologie de la constitution anglaise, comme quand il plaide contre l’esclavage, que Montesquieu ne croit point l’esclavage nécessaire, ni le régime parlementaire ou les lois protectrices de la liberté civile tellement liés au sol, au climat, à l’histoire de l’Angleterre qu’on ne les puisse transplanter sur le continent.

2061. (1923) Les dates et les œuvres. Symbolisme et poésie scientifique

Je lisais tantôt un récit des exploits du sieur Carrier, représentant du peuple, et proconsul à Nantes. […] — Et la même pour les peuples, sans doute ? […] Il espérait que, vu l’énorme matériel de tuerie (ce qui n’était que raison à le contredire), une Puissance l’emporterait sur toutes les autres, et alors, imposerait-elle le désarmement général, mais auparavant « ce peuple vainqueur aurait l’énergie d’utiliser ses armes contre l’oligarchie Bourgeoise, et l’Argent » ! Raisonnement certes trop simpliste : les peuples ·victorieux ne se révoltent pas contre ceux qui leur ont donné le vieil orgueil de la victoire, et la Puissance qui a dompté l’ennemi ne songe qu’à se tenir prête à dompter les revanches. […] La « Revue Blanche » marquait de pareilles tendances tandis que « l’Art social » qui parut également en 1891, se dénonçait socialiste, tendait à mettre l’art à la porte du peuple.

2062. (1932) Le clavecin de Diderot

L’opium du peuple et des autres Mais s’agissait-il de drogues, la fameuse chanson finale devait être toujours un cantique à la gloire de l’opium du peuple. […] Une telle attitude serait, paraît-il, pratiquement impossible, dans les Etats capitalistes où tout est affaire de classe (les femmes, selon Engels, Les Origines de la famille, les peuples colonisés, donc l’humanité colorée, selon Lénine, étant assimilés au prolétariat). […] Phrase extraite du « Discours prononcé à l’hôtel-de-ville de Paris le 25 février 1848 » : « Le drapeau rouge, que vous-même rapportez, n’a jamais fait que le tour du Champs-de-Mars, traîné dans le sang du peuple en 1791 et 1793, et le drapeau tricolore a fait le tour du monde avec le nom, la gloire et la liberté de la patrie ».

2063. (1890) Le massacre des amazones pp. 2-265

Elle y déclarait : « J’aime l’Angleterre pour la grandeur de ses traditions, son activité, son intelligente curiosité des autres peuples, même la largeur d’idées que les colonies nombreuses étendent autour d’un pays ; pour le parti qu’elle a su tirer d’un climat triste… » Max Lyan ne nous dit pas pourquoi elle aime l’Angleterre qu’elle n’a jamais vue mais dont elle a lu tous les livres. […] Je ne parvenais même pas à rire quand, voulant être grandiloquente et émouvante, elle imitait les vers de Mlle Couësdon ; « Une femme, une épouse, mère, — est, en ce moment, conspuée, — honnie par un peuple affolé. […] Rivarol et Chamfort, esprits amuseurs, laissèrent des mots qui sont pour la sottise des salons ce que sont pour la sottise du peuple les plaisanteries d’almanach et les calembours. […] En face d’un événement de l’histoire, elle se demande souvent ce qui serait advenu de tout un peuple, cet événement supprimé. […] C’est une loi inéluctable qu’un peuple opprimé considère comme idéale la situation du peuple oppresseur, réclame les biens vrais ou faux dont le tyran paraît jouir.

2064. (1893) Des réputations littéraires. Essais de morale et d’histoire. Première série

Si la crémation des cadavres ou leur décomposition ne nous avait pas régulièrement débarrassés du peuple des morts, il serait bientôt devenu tellement supérieur à celui des vivants que ceux-ci, contraints de leur céder la place, auraient disparu de la planète. […] Alors, après bien des erreurs et bien du temps perdu, les peuples autrefois chrétiens fêteront le jubilé du retour de l’homme à la raison, telle que les anciens Israélites la comprenaient déjà et telle que les Chinois ont toujours eu l’honneur de l’entendre. […] Notre xviie étant plus près de nous que l’antiquité, que le moyen âge, est moins hermétiquement fermé à l’intelligence de la foule, et tous les jugements admiratifs du peuple moutonnier sur sa littérature ne sont pas absolument dépourvus de sincérité. […] Dans l’art dramatique, qui s’adresse non à quelques juges délicats, mais au peuple assemblé, cette indépendance éclate tous les soirs. […] Une belle légende n’est-elle pas pour un peuple une vérité morale infiniment plus précieuse que la vérité d’ordre inférieur qui la détruit ?

2065. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Duclos. — I. » pp. 204-223

Le Français, selon lui, a un mérite distinctif : « Il est le seul peuple dont les mœurs peuvent se dépraver sans que le cœur se corrompe et que le courage s’altère. » Il voudrait voir l’éducation publique se réformer et s’appliquer mieux désormais aux usages et aux emplois multipliés de la société moderne ; il prévoit à temps ce qui serait à faire, et, connaissant le train du monde, il craint toutefois qu’on ne le fasse pas à temps : « Je ne sais, dit-il, si j’ai trop bonne opinion de mon siècle, mais il me semble qu’il y a une certaine fermentation de raison universelle qui tend à se développer, qu’on laissera peut-être se dissiper, et dont on pourrait assurer et hâter les progrès par une éducation bien entendue. » Duclos veut une réforme en effet, et non point une révolution.

2066. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « M. de Stendhal. Ses Œuvres complètes. — II. (Fin.) » pp. 322-341

Je ne veux faire la cour à personne, mais moins encore au peuple qu’au ministre. » Beyle est donc très frappé de cette disposition à faire son chemin, qui lui semble désormais l’unique passion sèche de la jeunesse instruite et pauvre, passion qui domine et détourne à son profit les entraînements mêmes de l’âge : il la personnifie avec assez de vérité au début dans Julien.

2067. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Le marquis de la Fare, ou un paresseux. » pp. 389-408

Embrassant donc le xviie  siècle dans son ensemble et le résumant dans le caractère qui y domine, il y voit, contrairement à l’esprit du xvie  siècle, un perpétuel travail et une tendance suivie depuis Henri IV et Richelieu jusqu’à Louis XIV à l’établissement du pouvoir monarchique : On peut dire que l’esprit de tout ce siècle-ci, remarque-t-il, a été, du côté de la Cour et des ministres, un dessein continuel de relever l’autorité royale jusqu’à la rendre despotique ; et du côté des peuples, une patience et une soumission parfaite, si l’on en excepte quelque temps pendant la régence.

2068. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « William Cowper, ou de la poésie domestique (I, II et III) — II » pp. 159-177

Les candidats, en Angleterre, font bruyamment leurs visites, accompagnés d’amis et ayant à leurs trousses une bande d’enfants et de peuple : la maison était donc envahie.

2069. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Une Réception Académique en 1694, d’après Dangeau (tome V) » pp. 333-350

. — Le titre de conseiller de cour souveraine, qu’on retranche en 1690 du serment des ducs et pairs, et qui y avait été introduit par M. de Guise, sous la Ligue, afin de flatter le peuple et le Parlement, donne lieu à une phrase de Saint-Simon (t.

2070. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Le baron de Besenval » pp. 492-510

On a remarqué que ce fut le père de Besenval qui, en mai 1720, lorsque Law était déjà menacé par le peuple, eut ordre de le protéger avec un détachement des Gardes suisses, et que Besenval eut plus tard un ordre du même genre au commencement des troubles de la Révolution, mais un peu plus difficile à exécuter.

2071. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Le journal de Casaubon » pp. 385-404

Il blâmait dans Plutarque son injustice envers Jules César ; dans Commynes, la légèreté des jugements et un malicieux éloge du peuple anglais.

2072. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Histoire de Louvois et de son administration politique et militaire, par M. Camille Rousset, professeur d’histoire au lycée Bonaparte. »

Cette égalité et cette confusion avec le vil peuple, sous la main du roi et du ministre qui ordonnait en son nom, indignait le petit duc assez peu militaire de sa nature et peu soldat.

2073. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Histoire de Louvois et de son administration politique et militaire, par M. Camille Rousset, professeur d’histoire au lycée Bonaparte. (Suite et fin) »

Et Goethe que l’on peut citer à côté de Boileau, Goethe le grand et judicieux critique, a observé excellemment que « lorsqu’une famille s’est fait remarquer durant quelques générations par des mérites et des succès divers, elle finit souvent par produire dans le nombre de ses rejetons un individu qui réunit en lui les qualités et les défauts de tous ses ancêtres : il en est de même, ajoute-t-il, des peuples célèbres qui, la plupart, ont vu naître dans leur sein des hommes profondément empreints de la physionomie nationale, comme si la Nature les avait destinés à en offrir le modèle. » Et il cite en exemple Voltaire, le plus Français des hommes, celui que la Nature semble avoir chargé de représenter la France à l’univers.

2074. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Montaigne en voyage »

Il respecte tant l’ancienne Rome qu’il se complaît à la parodie même qu’on en fait, pourvu qu’elle soit sérieuse et sans rire ; il reçoit ses lettres de citoyen au nom du Sénat et du Peuple : « C’est un titre vain, dit-il ; tant y a que j’ai reçu beaucoup de plaisir de l’avoir obtenu. » Voilà un aimable philosophe qui paye ouvertement son tribut à l’illusion et à la vanité humaine.

2075. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Maurice et Eugénie de Guérin. Frère et sœur »

Que de fois, voyant les abeilles et les entendant sur les buis fleuris, j’ai récité : Aristée avait vu ce peuple infortuné Par la contagion, par la faim moissonné ! 

2076. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Charles-Quint après son abdication, au monastère de Saint-Just »

Il fallait bien de la fermeté et du bon sens pour se mettre au-dessus du qu’en dira-t-on non seulement du peuple, mais des politiques.

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