Max Elskamp, par ses Salutations, nous rappelle le vivant Souvenir de Jules Laforgue et encore cette Sagesse de Verlaine : il n’y a pas ici imitation, mais une parenté lointaine peut-être, suffisante en tout cas pour que notre sympathie aille, d’abord, à l’auteur.
Albert Mérat sait par cœur le Paris vivant, élégant, gracieux, élégiaque, amoureux, pittoresque ; si j’avais à lui adresser un reproche à propos de Paris, ce serait de n’en avoir pas assez vu le côté inouï, prodigieux et grandiose.
Prométhée, évanoui dans les nuages du Caucase, remonte sur son rocher et rouvre sa plaie cicatrisée au vautour : Agamemnon sort de son tombeau d’Argos pour se rejeter sous la hache de Clytemnestre : Œdipe remonte de sa sépulture ignorée au soleil des vivants qu’il revoit encore ; il revient remplir de ses lamentations le palais de Thèbes, et mourir, une seconde fois, sur le Cythéron.
Chacune des idées exprimées par André Chénier a le double mérite d’être vraie, d’être applicable, et de se présenter sous une forme vivante. […] Il est vivant, animé, riche en images, semé de comparaisons heureuses, et n’est jamais attiédi par des artifices de rhéteur. […] Hugo doit se résigner, s’il ne veut pas assister vivant à la mort de son nom. […] Après avoir tourné le dernier feuillet, il est impossible de ne pas garder dans sa mémoire l’image vivante du Coat-d’Or. […] La partie vraiment intéressante de la tragédie, la partie vivante, animée, pathétique, n’est pas représentée sur le théâtre.
Ce que nous n’avons pas éprouvé nous-mêmes, nous nous le faisons dire par les autres, les morts et les vivants. […] Elle est l’unique conquête de la grande Révolution qui ait survécu à toutes les transformations ultérieures du régime politique et soit restée vivante dans le peuple français. […] Le grillon joue du violon, le rossignol fait des trilles, quand l’un et l’autre sont excités sexuellement ; l’ours gronde, quand il entre en fureur combative ; le lion, rugit de plaisir en dépeçant une proie vivante, etc. […] Le rapport entre le monde extérieur et l’être vivant est originairement très simple. Dans la nature ont lieu continuellement des mouvements, et le protoplasma de la cellule vivante perçoit ces mouvements.
Meurtri, sanglant, les chairs brûlées, mais encore vivant, il s’arracha de dessous les décombres. […] Ni une générosité, ni une bravoure et l’instinctive horreur du vrai, du simple, du vivant et la peur du nouveau. […] Il connut d’autres jouissances plus nobles ; plus fidèles, car il vécut son rêve, non pour les vivants d’aujourd’hui, ni pour les vivants de demain, mais pour lui-même. […] Il paraît que j’ai été dupe de grossiers mirages géographiques, et que j’ai pris des ombres mortes, des apparences évanouies, pour des réalités vivantes. […] Quels effroyables dangers va donc amener sa seule présence parmi les êtres vivants, quels cataclysmes ?
Les Reliques vivantes. — 1876. Les Reliques vivantes, de M. […] Les Reliques vivantes, la Montre, Ça fait du bruit ! […] Présentement l’auteur des Reliques vivantes et Tolstoï devraient nous suffire. […] Et pressant les deux mains de la femme À l’Eden préférée : « Abel, lui dis-je, est mort ; Mais l’autre… est-il vivant ?
Il faut mourir à temps, si l’on veut faire un dernier bruit dans le monde des vivants. […] Orgon disparaît de l’affiche des vivants. […] Il avait, de son vivant la taille des héros d’Homère, vingt coudées ! […] Est-il vivant ? […] quand ces écoliers sans discipline trouvèrent, pour les amuser et pour les faire rire aux éclats, ce bon vivant nommé Regnard.
Chez aucun peuple la Folk Lore n’est aussi vivante et aussi variée que chez les Slaves. […] bruit vivant ! […] Tous ensemble, un être vivant. […] Une pointe de caricature accuse la silhouette, pourtant elle est réelle et vivante. […] Relisez les Reliques vivantes.
Il faut pour cela une volonté ferme et constante, une attention soutenue, une réflexion laborieuse : mais, par le temps et l’habitude, l’effort disparaît ; les idées restent dans l’esprit vivantes, actives, efficaces et fécondes ; rien ne s’y perd, tout y germe.
En un mot, au lieu de se persuader qu’on a affaire à de purs esprits et à des axiomes universels, on croira qu’on a devant soi un individu vivant, en qui tout est borné et relatif, chez qui les affections, les habitudes, la disposition physique font échec à la vérité ; on prendra la parole qu’on entend pour le signe de l’âme qu’on ne voit ni n’entend ; on tâchera par elle de deviner ce qu’est l’invisible personne qui ne se laisse jamais atteindre que par le dehors.
J. de Strada, hier encore inconnu, et génie entrant aujourd’hui vivant dans l’immortalité, nous offre les premiers fragments d’une œuvre géante, d’une épopée colossale qui sera pour notre pays le pendant de l’œuvre de Dante pour l’Italie du xive siècle, avec cette différence que la Divine comédie a seulement quinze mille vers, tandis que l’Épopée humaine en a déjà cent mille et en aura quatre fois autant.
Elle semble l’illustration vivante de tous ces poèmes, obsolètes et polychromes, en train d’éclore de toutes parts, pleins de lys, d’alérions, de clairs de lune, de sphinx et de centaures, et elle captivera les chevaucheurs de nuées et de chimères par la grâce imprévue et troublante de ses travestis, évoquant la vision de l’Androgyne, du Surêtre asexué, de l’Ange impollu, ce qui lui vaudra l’hommage d’un poète exquis et précieux, l’arbitre des élégances, le nouveau Pétrone, l’un des adeptes de l’esthétique nouvelle, chez qui Huysmans a pris l’idée de son Des Esseintes : le comte Robert de Montesquiou : REVIVISCENCE2 Les Héroïnes disparaissent en cohortes Comme si les chassait un étrange aquilon : Sombre Lorenzaccio, pâle Hamlet, blanc Aiglon, Un jeune homme renaît des jeunes femmes mortes.
Or, si l’on se reporte aux origines de la vie phénoménale, telles qu’elles ont été montrées ici, si l’on est bien convaincu de l’évidence de cette proposition, qu’aucun état de connaissance n’est possible que d’un objet pour ira. sujet, en sorte que toute entité vivante ne prend conscience d’elle-même qu’au moyen d’une falsification de soi, il apparaît que la vérité n’a pas de place dans la vie phénoménale, qu’on ne peut imaginer et situer l’idée de vérité qu’en un état d’identité absolue entre toutes les choses où toutes les choses se confondraient et s’évanouiraient et où cesserait, avec toute différence et tout reflet, toute conscience.
Louis XI ne put endurer les leçons du Prince des sots 29 ; il le menaça de la hart s’il ne s’abstenait de toucher aux vivants. […] Corneille fit connaître le premier le plaisir de la raison, en présence de la vérité durable ; le plaisir du cœur, averti de ses propres passions par des personnages vivants ; le plaisir du goût, par la perfection de l’art d’écrire en vers. […] Les personnages du Cid, de Polyeucte, de Cinna, d’Horace, ne sont si vivants que parce qu’ils représentent des caractères. […] Corneille lui-même se vantait de préférer le reproche d’avoir fait ses femmes trop héroïques à la louange d’avoir efféminé ses héros Il fallait que, dans un pays où la religion et les mœurs ont fait de la femme l’égale de l’homme, la tragédie nous en fît voir de vivantes images dans les passions qui lui sont propres, ou dans celles qui lui sont communes avec l’homme : dans l’amour violent, ou dans l’amour timide et chaste ; dans la tendresse maternelle, ou dans la passion de dominer ; dans le crime, ou dans la vertu.
Il songea à l’établir au Brésil, à Madagascar, sur les bords de la mer d’Aral ; puis il se convainquit que le siècle de fer où il vivait ne se prêtait pas à cette résurrection des mœurs innocentes qui avaient dû, suivant lui, exister à l’origine des temps, et il se décida, non sans soupirer, à reporter dans le passé ses rêves d’avenir, à se réfugier dans l’antiquité, à imaginer en Arcadie un peuple de bergers et de laboureurs vivant dans la paix, la candeur et la prospérité. […] Vous y trouverez des pantoums malais, des romans chinois, des japonaiseries tant qu’il vous plaira, des souvenirs de Taïti et des pampas, des tableaux vivants de l’Islande glacée et de l’Afrique brûlée. […] Mais les financiers n’ont pas été seulement les patrons des écrivains : souvent aussi, ils leur ont servi de plastrons ; ils ont été pour eux des modèles qu’ils ont transportés tout vivants sur la scène ou dans le roman. […] Vers le même temps, Louis Reybaud étudie les nouvelles doctrines dans un livre superficiel, mais d’allure grave, que l’Académie couronne et que presque personne ne lit ; puis il les parodie dans un roman satirique qui ajoute un type à la série des êtres créés par les écrivains, êtres qui n’ont jamais vécu et qui sont cependant pour nous aussi vivants, aussi réels que les personnages de l’histoire : c’est Jérôme Paturot à la recherche d’une position sociale.
En vivant quelques années de plus, Forneron avait pris la jeunesse ; ce qui ne veut pas dire qu’il ait perdu de sa virilité. C’est vivant comme un début, ce livre qui a de la chaleur au front et qui parfois en a au cœur ! […] … une plume vivante ! […] Le cannibalisme de cette anarchie, ce cannibalisme du fond du cœur de l’homme, qui y dort parfois, comme une bête féroce dans son antre, quand elle est repue, mais qui s’y réveille à certains moments de l’Histoire ; le cannibalisme de cette anarchie féconde en massacres, qui ne se contenta pas de la coupe réglée des échafauds, mais qui mangeait des cœurs tout chauds, faisait couler dans la bouche, ouverte de force, des frères vivants, le sang des frères égorgés, brûlait les femmes vives, les filles sous les yeux des mères, dans leurs châteaux incendiés, et fit de tout un peuple un bourreau de plusieurs millions de Robespierres, ne pouvait pas plus échapper à Forneron qu’à M.
A ce point de vue, le monde apparaît comme vivant et libre, c’est-à-dire tout peuplé de forces de divers degrés, mécaniques, physiques, chimiques, organiques, psychiques, dont le caractère essentiel est de tendre à une fin commune, l’ordre, le bien. […] Derrière celle-ci et au plus profond de l’âme humaine, elle fait apparaître Dieu lui-même, le Dieu vivant et personnel qui, à un certain moment et pour certaines œuvres, prend la place de la personne humaine. […] Le physiologiste comprend enfin la raison des faits qui lui avaient été déjà révélés par sa propre science, mais qui étaient restés pour lui à l’état de mystère ; l’organisation des êtres vivants devient non une simple composition, mais une véritable création, la création d’une cause finale, qui est l’être vivant lui-même.
Au bout de tous ces rouages apparaît toujours le ressort final, l’instrument efficace, je veux dire le gendarme armé contre le sauvage, le brigand et le fou que chacun de nous recèle, endormis ou enchaînés, mais toujours vivants, dans la caverne de son propre cœur. […] Le nouveau contrat n’est point un pacte historique, comme la Déclaration des Droits de 1688 en Angleterre, comme la Fédération de 1579 en Hollande, conclu entre des hommes réels et vivants, admettant des situations acquises, des groupes formés et des institutions établies, rédigé pour reconnaître, préciser, garantir et compléter un droit antérieur. […] Installée dans des cerveaux étroits et qui ne peuvent contenir deux idées ensemble, elle va devenir une monomanie froide ou furieuse, acharnée à l’anéantissement du passé qu’elle maudit et à l’établissement du millénium qu’elle poursuit ; tout cela au nom d’un contrat imaginaire, à la fois anarchique et despotique, qui déchaîne l’insurrection et justifie la dictature ; tout cela pour aboutir à un ordre social contradictoire qui ressemble tantôt à une bacchanale d’énergumènes et tantôt à un couvent spartiate ; tout cela pour substituer à l’homme vivant, durable et formé lentement par l’histoire, un automate improvisé qui s’écroulera de lui-même, sitôt que la force extérieure et mécanique par laquelle il était dressé ne le soutiendra plus.
Il évite le singulier, le monstrueux ; il s’applique à saisir et à manifester les caractères généraux, les lois communes et constantes de la vie, à découvrir par conséquent et à peindre des types, mais ces types ne sont pas pour lui des formes abstraites, ce sont des individus réels et vivants, dont la généralité consiste dans leur aptitude à représenter des groupes. Par ce manque de profondeur philosophique, avec ce tempérament d’artiste sensible aux formes, aux apparences vivantes, La Bruyère transforme le réalisme psychologique des grands classiques en réalisme pittoresque ; il fait la transition de Molière à Lesage. […] En effet, comme il peint le moral par le physique, la description analytique fait place forcément à la vue synthétique des caractères : il recompose l’homme, et il le force à s’exprimer en vivant.
Il est vivant et bien vivant, et je vous assure que c’est là le don suprême. […] Grand redresseur des petits abus, protecteur des petits fonctionnaires, terreur des administrations et des Compagnies, hygiéniste convaincu, épris avant tout d’utilité, capable de s’intéresser à, tout ce qui touche à notre « guenille », vivant bien sur la terre et aimant y vivre, pareil en cela à ses ancêtres du XVIIIe siècle dont il a l’ardeur d’humanité et l’activité d’esprit — moins la sensiblerie et les illusions que de questions n’a-t-il pas remuées et que de services n’a-t-il pas rendus ou voulu rendre !
Mercredi 21 mai Quelqu’un vivant dans le monde politique, disait ce soir, que le 16 mai n’avait pas réussi, par suite de la préoccupation de chaque ministre, d’avoir un passeport pour se sauver, en cas de malheur. […] Dimanche 31 août Un temps d’inactivité intellectuelle, où le livre dort, où la critique sommeille, et où je suis comme non vivant. […] Il me dit n’avoir plus au monde qu’un seul plaisir, la causerie. « Et encore, ajoute-t-il, je n’ai pas le charme humain de cette si bonne chose, je n’ai pas le sourire de ceux avec lesquels je m’entretiens, et dans la nuit où je vis, la causerie avec des vivants a quelque chose d’une conversation avec de purs esprits.
La légitimité, la grâce de Dieu, la monarchie pharamonde, les nations marquées à l’épaule de la fleur de lys, la possession des peuples par fait de naissance, la longue suite d’aïeux donnant droit sur les vivants, ces choses-là luttent encore sur quelques points, à Naples, en Prusse, etc., mais elles se débattent plutôt qu’elles ne luttent ; c’est de la mort qui s’efforce de vivre. […] C’est Junius Blesus qui soupe chez Tuscus Csecina ; l’empereur envoie à ces buveurs une coupe de poison, afin qu’ils sentent par cette fin sinistre d’une nuit trop gaie que Vitellius est vivant. […] Une question d’étiquette, une chasse, un gala, un grand lever, un cortège, le triomphe de Maximilien, la quantité de carrosses qu’avaient les dames suivant le roi au camp devant Mons, la nécessité d’avoir des vices conformes aux défauts de sa majesté, les horloges de Charles-Quint, les serrures de Louis XVI, le bouillon refusé par Louis XV à son sacre, annonce d’un bon roi ; et comme quoi le prince de Galles siège à la chambre des lords, non en qualité de prince de Galles, mais en qualité de duc de Cornouailles ; et comme quoi Auguste l’ivrogne a nommé sous-échanson de la couronne le prince Lubormirsky qui est staroste de Kasimirow ; et comme quoi Charles d’Espagne a donné le commandement de l’armée de Catalogne à Pimentel parce que les Pimentel ont la grandesse de Benavente depuis 1308 ; et comme quoi Frédéric de Brandebourg a octroyé un fief de quarante mille écus à un piqueur qui lui a fait tuer un beau cerf ; et comme quoi Louis Antoine, grand-maître de l’Ordre teutonique et prince palatin, mourut à Liège du déplaisir de n’avoir pu s’en faire élire évêque ; et comme quoi la princesse Borghèse, douairière de la Mirandole et de maison papale, épousa le prince de Cellamare, fils du duc de Giovenazzo ; et comme quoi mylord Seaton, qui est Montgomery, a suivi Jacques II en France ; et comme quoi l’empereur a ordonné au duc de Mantoue, qui est feudataire de l’Empire, de chasser de sa cour le marquis Amorati ; et comme quoi il y a toujours deux cardinaux Barberins vivants, etc., etc., tout cela est grosse affaire.
C’est par convenance, afin de les louer en toute liberté, mais les vivants sont leurs pareils. J’ai peur de paraître injuste envers les vivants. […] Ils vivront, mais fussent-ils morts, la France va se reconstruire avec leurs âmes comme pierres vivantes.
Mais ces recommandations morales, ces saintes lois et d’autres encore, gravées sur les tables de pierre de Moïse, se retrouvent aussi et peuvent se lire sur la table intérieure et vivante du cœur humain, sur cette table rase en apparence, mais, comme un marbre jaspé, dit Leibniz, sillonnée de veines profondes, où réside l’instinct des vérités nécessaires que développe la croissance de l’âme. […] Elle demeure aujourd’hui l’histoire et tout le génie de ce peuple, mort et vivant, à qui son culte sert de patrie. […] « Souvenons-nous qu’il ne nous en est parvenu que des débris dépouillés de toute leur pompe et de leur vivant éclat, hormis ces lumières de la pensée et de l’expression, sur lesquelles encore le temps a jeté bien des obscurités a et des nuages. » En résumant ainsi pour nous l’ode hébraïque, le docteur Lowth n’essayait pas de recherches sur la musique sacrée des Hébreux, sur le rhythme et ses rapports avec le chant, sur toute cette représentation enthousiaste et populaire qui devait porter si haut la puissance des cantiques sacrés.
Les trois Lettres à un jeune homme sur la Vie chrétienne, données de son vivant et par lui-même81, ne diffèrent pas notablement d’une conférence en trois points. […] Mais, si chrétien qu’il fût, l’homme était demeuré ; il se remuait tout vivant dans la magie de son style, et jamais le Christianisme n’avait eu pour prophète une âme où le monde eût tant d’éclat et Jésus-Christ tant de grandeur.
Au prince de Conti succèdent le comte de Vaudreuil et M. de Calonne, puis Robespierre, puis Bonaparte ; et pourtant, au milieu de ces servitudes diverses, Le Brun demeure ce qu’il a été tout d’abord, méprisant les bassesses du temps, vivant d’avenir, effréné de gloire, plein de sa mission de poëte, croyant en son génie, rachetant une action plate par une belle ode, ou se vengeant d’une ode contre son cœur par une épigramme sanglante. […] C’est qu’avec beaucoup d’imagination il est naturellement peu coloriste, et qu’il a besoin, pour arriver à une expression vivante, d’évoquer, comme par un soubresaut galvanique, les êtres de l’ancienne mythologie.
Si les bénédictins avaient laissé de ces vivants souvenirs chez Prevost, il est à croire qu’il en avait laissé aussi dans son passage parmi eux ; mais la trace ne s’en est point conservée. […] Son père, procureur du Roi à Hesdin, assista à sa profession ; la veille, il lui avoit donné les avis salutaires qu’un père respectable pouvoit donner à un fils : il lui tint ce propos entre autres, en présence de la Communauté de Saint-Wandrille, si je ne me trompe, que s’il manquoit de son vivant aux engagements qu’il étoit parfaitement libre de contracter ou de ne pas contracter, il le chercheroit par toute la terre pour lui brûler la cervelle.
Topffer et sa vogue n’avaient pas franchi le bassin de son cher Léman ; sans ambition, vivant de la vie domestique, dirigeant une institution qui ne faisait qu’élargir pour lui le cercle de la famille, il ne voyait dans ses écrits, comme dans ses croquis, que des jeux et des délassements avec lesquels il se contentait de charmer ou d’amuser ce qui l’entourait. […] Topffer le père, non moins passionné qu’eux pour son art, c’était des joutes de dessins, de lavis, qui produisaient dans la soirée une foule de vivantes pages.
Cousin, que l’humanité se développe à la manière de l’individu ; que les périodes de l’une répondent aux âges de l’autre ; que dans son enfance elle débute par la spontanéité et la religion, pour arriver dans son âge mûr à la réflexion et à la science, il est bien vrai, en ce sens, de dire que la destinée de l’espèce peut se lire en raccourci dans celle de l’individu ; mais, après quelques rapprochements ingénieux, quelques perspectives neuves du passé, il faut bientôt quitter ce point de vue trop hasardeux, trop vague, et duquel on ne tire rien de certain ni de vivant sur l’avenir. […] Il est une molécule vivante, incessamment excitée et modifiée par l’organisme social dont elle fait partie intégrante ; arrêter la molécule, la monade, au point où on la trouve, la détacher du tout, la soumettre au microscope ou au creuset expérimental, la retourner, la décomposer, la dissoudre, et conclure de là à la nature et à la destinée du tout, c’est absurde ; conclure seulement à la nature et à la destinée de la molécule, c’est encore se méprendre étrangement ; c’est supprimer d’abord, dût-on y revenir plus tard et trop tard, c’est supprimer le mode l’influence que l’individu reçoit du tout, à peu près comme Condillac faisait pour les détails organiques de sa statue, qu’il recomposait ensuite pièce à pièce sans jamais parvenir à l’animer ; c’est, comme lui, par cette suppression arbitraire, rompre l’équilibre dans les facultés du moi et se donner à observer une nature humaine qui n’est plus la véritable et complète nature ; c’est décerner d’emblée à la partie rationnelle de nous-mêmes une supériorité sur les facultés sentimentale et active, une souveraineté de contrôle qu’une vue plus générale de l’humanité dans ses phases successives ne justifierait pas ; c’est immobiliser la monade humaine, lui couper la source intarissable de vie et de perfectibilité ; c’est raisonner comme si elle n’avait jamais été modifiée, transformée et perfectionnée par l’action du tout, ou du moins comme si elle ne pouvait plus l’être ; c’est supposer gratuitement, et le lendemain du jour où l’humanité a acquis la conscience réfléchie de sa perfectibilité, que l’individu de 1830, le chrétien indifférent et sans foi, ne croyant qu’à sa raison personnelle, porte en lui, indépendamment de ce qui pourrait lui venir du dehors, indépendamment de toute conception sociale et de toute interprétation nouvelle de la nature, un avenir facile et paisible qui va découler, pour chacun, des opinions et des habitudes mi-partie chrétiennes, mi-partie philosophiques, mélangées à toutes doses.
Voici donc pourquoi l’observation du « soi-même » est forcément vivante. […] « Le Horla, l’être fantastique, l’invisible puissance dont on subit d’abord le voisinage mystérieux, le Horla intangible mais réel, qui possède les âmes et abolit les volontés, tue le courage ; “ce rôdeur d’une race surnaturelle”, n’est-ce pas la folie qui rôde sans cesse autour du lettré, le guette, prête à fondre sur lui pour en faire sa chose, un dément qu’on enfermera vivant dans une cellule qui s’ouvre sur une tombe ?
C’est une chose unique et précieuse, dans sa monotonie et quelquefois dans sa puérilité dévote, que ce Journal d’Eugénie de Guérin, ces impressions innocentes d’une jeune fille pauvre et noble, pieuse, résignée, vivant presque d’une vie de paysanne dans un hameau perdu. […] Tous les hommes qui ont traversé votre vie, Musset, Lamennais, Chopin, Pierre Leroux, Jean Reynaud, ont laissé dans votre œuvre des traces vivantes de leur passage, car vous étiez toute sympathie.
Tu seras saisi de respect, d’admiration & d’enthousiasme, lorsque le vulgaire ne sera pas même ému ; tu seras pour ainsi dire le point vivant ou viendront se refléchir les merveilles diverses de la Nature, & ton amour invincible pour le vrai, pour le bon, te donnera chaque jour une idée flatteuse de la sublimité de ton ame. […] Là, tu me réprésentes les esprits de révolte étendus sur le lac enflammé ; leur Chef porte sur son front cicatrisé l’empreinte de la foudre ; j’entends les blasphêmes respectueux qu’il vomit dans son audace, aussi étonnante que coupable ; soudain tu me ravis aux Cieux, je vois les légions aîlées qui entourent le trône de l’Eternel ; il parle, tout s’ébranle ; les milices du Dieu vivant s’élancent pour venger sa puissance outragée.
I Morti vivi (les Morts vivants). […] La pièce de ce dernier, Le Mort vivant, fut jouée à l’Hôtel de Bourgogne en avril 1662.
C’est en vain que beaucoup s’ingénient à renouveler les anciennes formes d’art, à secouer les routines ; ils font rarement œuvre vivante. […] Toute œuvre d’art est intéressante et peut être belle, du moment qu’elle est le commentaire sincère, ému, vivant, d’une individualité qui ose être elle-même. — Les questions d’écoles sont ici secondaires.
. — Il convient de remarquer d’ailleurs que dans l’ordre concret, dans l’ordre des réalités vivantes et agissantes, le sens relatif du mot antinomie est le seul acceptable. […] La vie collective n’est pas un simple prolongement de la vie individuelle ; elle est quelque chose de nouveau ; une puissance sui generis qui se forme en dehors et au-dessus des individus ou plutôt qui coexiste avec eux ; car jamais on n’a connu d’individus vivant dans l’isolement.
Sa légende était ainsi le fruit d’une grande conspiration toute spontanée et s’élaborait autour de lui de son vivant. […] C’est surtout après la mort de Jésus que de tels récits prirent de grands développements ; on peut croire cependant qu’ils circulaient déjà de son vivant, sans rencontrer autre chose qu’une pieuse crédulité et une naïve admiration.
Les premiers chrétiens sont des visionnaires, vivant dans un cercle d’idées que nous qualifierions de rêveries ; mais en même temps ce sont les héros de la guerre sociale qui a abouti à l’affranchissement de la conscience et à l’établissement d’une religion d’où le culte pur, annoncé par le fondateur, finira à la longue par sortir. […] Ces vérités, qui sont pour nous purement abstraites, étaient pour Jésus des réalités vivantes.
Alexandre Dumas est le roman, la légende, la féerie du fils naturel ; ce n’en est ni l’histoire réelle, ni la question vraie et vivante. […] Albertine est un type vrai, mais trop cruellement disséqué pour être vivant.
À Turin, la galanterie commence ; les belles dames y sont nommées par leur nom, et c’est un autre trait de mœurs encore que ces Mémoires aient pu paraître en 1713, c’est-à-dire du vivant d’Hamilton, avec tous ces noms propres et ces révélations galantes, sans qu’il en soit résulté aucun éclat. […] Je compte bien, à propos des réimpressions modernes de nos classiques, me donner ainsi la permission de revenir de temps en temps sur ces auteurs d'autrefois qui, de tous, sont encore les plus vivants.
Car ni l’art d’Eschyle, ni l’art d’Aristophane, ni l’art de Plaute, ni l’art de Machiavel, ni l’art de Calderon, ni l’art de Molière, ni l’art de Beaumarchais, ni aucune des formes de l’art, vivant chacune de la vie spéciale d’un génie, n’obéiraient aux ordres donnés par Shakespeare. […] Toute cette ombre vivante et mourante remue, ces larves agonisent, la mère manque de lait, le père manque de travail, les cerveaux manquent de lumière ; s’il y a là dans ce dénuement un livre, il ressemble à la cruche, tant ce qu’il offre à la soif des intelligences est insipide ou corrompu.
Il ne leur a manqué que de nous dire plus souvent où l’on voyait ce dieu ou cette déesse dont ils caressaient l’original vivant ; mais les peuples qui lisaient leurs poésies, ne l’ignoraient pas. […] Il faut avouer aussi que ces belles et grandes indolentes-là ne promettent pas beaucoup de plaisir, et qu’on les aimerait mieux en peinture à son chevet qu’en chair et vivantes dans son lit.
Dargaud n’en avait que quelques-uns, et sa Marie Stuart était vivante. […] Mais il n’en est pas ainsi de tout ; il n’en est pas ainsi des institutions, des systèmes, de toutes ces choses grandement abstraites, sorties de l’homme une fois et allant par elles-mêmes depuis, détachées qu’elles sont de sa personnalité sensible, immédiate et vivante.
Sous ces deux titres on peut concevoir ce que, bien des siècles plus tard, et dans une science toute formée des traditions grecques, nous retrouvons sous la plume de Varron, divisant la théologie en mythologique, naturelle, et civile : « La première, ajoutait-il, faite pour le théâtre, la seconde pour l’univers, la troisième pour Rome. » Il paraît, d’après les courtes analyses de saint Augustin, que Varron touchait dans sa seconde théologie à cet antique panthéisme, à cette idée d’une nature éternellement vivante et par là divine, qui semble le fondement des cultes antiques de l’Inde. […] Très grande de son vivant, sa célébrité s’accrut avec le temps dans l’imagination des Grecs ; et, après le grand siècle des arts et de la science, lorsque le monde polythéiste fut troublé et divisé par une lumière nouvelle, le nom d’Empédocle, les légendes sur sa vie, les prodiges attribués à sa science magique, furent un des secours dont s’étayait l’ancienne croyance.
Tout cela est encore histoire des lettres, et le serait strictement resté malgré les incursions médicales les plus avancées6, si les nouveaux savants, fiers du titre arrogé, n’en avaient immédiatement tiré les conclusions suivantes : « Aujourd’hui que le roman s’élargit et grandit, qu’il commence à être la grande forme sérieuse, passionnée, vivante de l’étude littéraire et de l’enquête sociale, qu’il devient par l’analyse et la recherche psychologique l’histoire morale contemporaine, aujourd’hui que le roman s’est imposé les études et les devoirs de la science, il peut en revendiquer les libertés et les franchises » 7, et treize ans plus tard, Edmond de Goncourt insistait encore : « Ces libertés et ces franchises, je viens seul, et une dernière fois peut-être, les réclamer hautement et bravement pour ce nouveau livre écrit dans le même sentiment de curiosité intellectuelle et de commisération pour, les misères humaines » 8.
Cette main était blanche, fuselée, potelée, d’un galbé ravissant, ayant aux articulations de petites fossettes sur les premières phalanges et sans qu’on y pût distinguer de duvet, revêtue vers le poignet d’une auréole très mince de lumière blonde frisante qui la rendait vivante comme pas une.
C’est par elle qu’il plaît à plus ou moins d’hommes et que son oeuvre reste vivante pendant un temps plus ou moins long.
[Poètes vivants (1847).]
Tout en fréquentant les sombres bureaux de rédaction et en vivant de la vie enfumée, poussiéreuse et énervante de Paris, il laissait son imagination s’envoler vers les pays lointains : amour boréal, amour africain, idylles chinoises et coloniales, tout le captivait, et son Harem n’est autre chose qu’un Tour du Monde en vingt-cinq parties.
Qu’il sommeille donc le poète dont la mémoire nous défend des félonies envers l’art et envers les hommes, et que nul ne révèle l’intime trésor de cette âme fière et douce, douloureuse de se sentir recluse en soi-même par un trop noble amour des êtres vivants, des lueurs et des frissons qui troublent d’inquiétudes passagères la terre et le ciel, et des immuables étoiles qu’il avait entrevues !
Mais Roumanille ne fut pas un antique : c’était un vivant et presque un réaliste, un réaliste catholique et un légitimiste militant : il correspondait avec Henri V et, dans un journal avignonnais, La Commune, il combattit avec acharnement le fourriérisme et le socialisme qui étaient en vogue vers 1848.
Une société est un être vivant dont toutes les parties sont solidaires les unes des autres.
Les articles qu’il a fournis à l’Année Littéraire, du vivant & après la mort de M.