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817. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Correspondance de Louis XV et du maréchal de Noailles, publiée par M. Camille Rousset, historiographe du ministère de la guerre »

Dans la plupart des cas, en effet, avec les personnages connus, mais secondaires, de l’histoire, il faut se résigner à ignorer le fond, le secret des esprits et des cœurs, la valeur absolue des talents, la trempe des caractères : les actes publics sont là, on se règle de loin là-dessus, à peu près, et il est hasardeux de conjecturer au-delà. […] Le duc de Noailles, jeune, brillant, en faveur, est envoyé en Espagne ; il remporte en Cerdagne, en Catalogne, des succès militaires fort célébrés à Versailles, il prend Girone (1711) ; il est partout loué, vanté, lorsque, obéissant à son secret mobile et à cette inquiétude d’ambition qui le piquait, il imagine de concert avec le marquis d’Aguilar, pendant le séjour de la Cour à Saragosse, de donner à Philippe V une maîtresse, de le détacher ainsi de sa femme et dès lors de la princesse des Ursins, comptant bien, lui et son ami, s’emparer de toute l’influence ; en un mot, il noue une intrigue qui, découverte, le fait rappeler et le met à la Cour de Versailles dans une position infiniment moins bonne qu’auparavant.

818. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Idées et sensations : par MM. Edmond et Jules de Goncourt. »

Il faut donc se bien garder d’abjurer le talent qu’on a acquis, le sens particulier qu’on a aiguisé, l’instrument subtil et sûr dont la main sait tous les secrets, mais aviser seulement à l’appliquer là où il porte à propos et où il atteint son effet. […] Cette porte secrète, ce kiosque, ce mystère, ç’a été le roman de plus d’un rêveur et rôdeur mélancolique dans nos générations de 1830 et environ.

819. (1892) Boileau « Chapitre VI. La critique de Boileau (Fin). La querelle des anciens et des modernes » pp. 156-181

Mais, de plus, Boileau et Racine, et La Fontaine, et Molière étaient des artistes : ce que n’étaient ni les Chapelain, ni les Scudéry, ni les Desmarets, ni les Cotin, ni tous les prétentieux rédacteurs d’emphatiques épopées, ni tous les ingénieux rimeurs de petits vers, ni tous les pédants qui estimaient que l’usage des règles, par une vertu secrète, suffit sans la matière et sans le génie à la perfection des œuvres, ni enfin tous les inspirés qui écrivaient en courant, sans réflexion et sans retouches, au hasard de leur fantaisie. […] Mais le principal objet de Perrault, c’était la littérature ; et les sciences et les arts lui servaient surtout à fonder cette induction assez téméraire : puisqu’il y a progrès dans les arts « dont les secrets se peuvent calculer et mesurer », il faut donc aussi qu’il y en ait dans l’éloquence et dans la poésie, dont les éléments ne se laissent pas mesurer ni même, souvent, atteindre par le raisonnement.

820. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre XI. L’antinomie sociologique » pp. 223-252

Si l’on connaissait les mobiles secrets des suicides, on verrait sans doute que plus de suicides sont causés par un excès que par un défaut d’intégration sociale. […] Sa soumission est souvent apparente et cache des sentiments de révolte ou de secret mépris.

821. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Lettres de la marquise Du Deffand. » pp. 412-431

Il est vrai qu’elle avait déjà reçu une lettre de lui la veille, et cette lettre était surtout pour lui recommander le secret, la prudence. […] Pour n’en pas être choqué et en saisir l’instinct secret, appelez-la une tendresse d’adoption.

822. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Mémoires d’outre-tombe, par M. de Chateaubriand. » pp. 432-452

Est-ce un homme de bonne foi, revenu de tout, un acteur retiré de la scène, qui cause et de lui et des autres, qui dit le bien et le mal, et nous découvre le secret de la comédie ? […] À travers cette contradiction de mouvements, il se dessine lui-même et se trahit dans sa nature secrète, mais il se fait connaître par le côté où il s’y attendait le moins, et on ne lui en sait pas gré.

823. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Florian. (Fables illustrées.) » pp. 229-248

il y a dans tout cela des accords secrets et des sympathies. […] En terminant ses Fables à une époque où déjà l’ancienne société française était bouleversée et en train de périr, Florian exprimait un vœu sincère, le désir vrai d’être oublié ; il souhaitait la paix secrète, la paix du cœur, un abri studieux, Le travail qui sait éloigner Tous les fléaux de notre vie ; Assez de bien pour en donner, Et pas assez pour faire envie.

824. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Nouveaux documents sur Montaigne, recueillis et publiés par M. le docteur Payen. (1850.) » pp. 76-96

M. le maire et Montaigne seront toujours deux personnes distinctes ; il se réserve sous sa charge et sous son rôle une certaine liberté et sécurité secrète. […] Et, loin de s’abattre et de maudire le sort de l’avoir fait naître en un âge si orageux, il s’en félicite tout à coup : « Sachons gré au sort de nous avoir fait vivre en un siècle non mol, languissant ni oisif. » Puisque la curiosité des sages va chercher dans le passé les confusions des États pour y étudier les secrets de l’histoire et, comme nous dirions, la physiologie du corps social à nu : « Ainsi fait ma curiosité, nous déclare-t-il, que je m’agrée aucunement de voir de mes yeux ce notable spectacle de notre mort publique, ses symptômes et sa forme ; et, puisque je ne la puis retarder, je suis content d’être destiné à y assister et m’en instruire. » Je ne me permettrai pas de proposer à beaucoup de personnes une consolation de ce genre ; la plupart des hommes n’ont pas de ces curiosités héroïques et acharnées, telles qu’en eurent Empédocle et Pline l’Ancien, ces deux curieux intrépides qui allaient droit aux volcans et aux bouleversements de la nature pour les examiner de plus près, au risque de s’y abîmer et d’y périr.

825. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « De la poésie et des poètes en 1852. » pp. 380-400

Quand on juge les ouvrages d’un autre genre, on a affaire aux recherches d’un auteur, à ses raisonnements et à ses jugements, à son talent dans la partie extérieure et plus ou moins aguerrie ; ici, dans la poésie, on a affaire à la chimère secrète de chacun, à son idéal préféré. […] La poésie, cultivée ainsi en secret et pour elle seule, dans les courts intervalles d’un travail pénible et d’une profession souvent ingrate, tourne au profit de la morale intérieure et devient une délicatesse de l’âme et une vertu.

826. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « La princesse des Ursins. Lettres de Mme de Maintenon et de la princesse des Ursins — I. » pp. 401-420

Elle sentit que le jeu lui venait : elle ne parut point s’en saisir avec trop d’empressement ; elle se fit même prier pour ce qui était l’objet de son secret désir7. […] Pendant la campagne d’Italie que voulut faire Philippe V, Mme des Ursins, selon les devoirs et les prérogatives de sa charge, ne quitta pas un seul instant la reine : elle assistait chaque fois avec elle aux séances de la Junte, et, sous prétexte de l’initier aux affaires, elle-même elle en pénétrait le secret.

827. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Beaumarchais. — III. (Suite et fin.) » pp. 242-260

Nous n’espérons pas, toutefois, faire oublier jamais à ceux qui les ont vues d’autres lettres de même date, très secrètes, et où la licence déborde. […] [NdA] Il y aura pourtant toujours cette différence qu’on peut tout dire de ce qui concerne Rousseau et Voltaire ; il y a eu chez eux bien des vilenies et des impuretés, mais qui, après tout, ont pu sortir et se déclarer : chez Beaumarchais il y aura toujours un cabinet secret où le public n’entrera pas.

828. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Paul-Louis Courier. — I. » pp. 322-340

Un de ses camarades de ce temps, qui a donné depuis un récit, quelque peu arrangé, de ses souvenirs, nous le montre alors, grand, mince et maigre ; avec une bouche largement fendue, de grosses lèvres, un visage marqué de petite vérole, fort laid en un mot, mais d’une laideur animée et réparée par la gaieté et l’esprit de la physionomie ; se piquant de bonnes fortunes, amoureux d’une danseuse, Mlle Simonnette, et écrivant en grec ses dépenses secrètes sur son calepin. […] Peu de matière et beaucoup d’art, c’est là toute la devise et le secret du talent de Courier.

829. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Le cardinal de Richelieu. Ses Lettres, instructions et papiers d’État. Publiés dans la Collection des documents historiques, par M. Avenel. — Premier volume, 1853. — II. (Fin.) » pp. 246-265

» Il me semblerait étonnant qu’un homme si jaloux de son autorité, doué de tant d’esprit et s’en piquant, eût remis à un autre le soin de transmettre à la postérité des choses dont il possédait seul le secret, et dont il avait fait le plus grand nombre sans partage. […] On n’a pas les lettres secrètes, celles où il s’entretenait avec ses intimes à cœur saoul, comme il disait.

830. (1767) Salon de 1767 « Adressé à mon ami Mr Grimm » pp. 52-65

Jamais, mon ami, nous ne nous embrasserons dans cette demeure antique, silencieuse et sacrée, où les hommes sont venus tant de fois accuser leurs erreurs ou exposer leurs besoins, sous ce panthéon, sous ces voûtes obscures où nos âmes devoient s’ouvrir sans réserve, et verser toutes ces pensées retenues, tous ces sentiments secrets, toutes ces actions dérobées, tous ces plaisirs cachés, toutes ces peines dévorées, tous ces mystères de notre vie dont l’honnêteté scrupuleuse interdit la confidence à l’amitié même la plus intime et la moins réservée. […] Et puis, mon ami, croyez-vous qu’il n’y ait aucune différence entre être de l’école primitive et du secret, partager l’esprit national, être animé de la chaleur, et pénétré des vues, des procédés, des moyens de ceux qui ont fait la chose, et voir simplement la chose faite ?

831. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « J. de Maistre » pp. 81-108

Il n’y a plus à recommencer la comédie de la Correspondance diplomatique et secrète du comte de Maistre, dont j’ai parlé au début de ce chapitre, que M.  […] Des hommes intelligents eurent l’imbécillité de prétendre qu’il y avait contradiction entre de Maistre, le théoricien incompatible de l’infaillibilité du Pape, et de Maistre, l’homme politique qui, dans une lettre intime faite pour rester secrète, blâme la politique d’un pontife avec la hardiesse d’un grand seigneur et la plaisanterie d’un homme d’esprit qui n’est point pédant.

832. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre iii »

Je garde dans mon cœur des secrets qui illumineront toute mon existence sacerdotale. […] Adjudant au 69e d’infanterie, il a obtenu une superbe citation à l’ordre de l’armée, la croix de guerre, la médaille militaire et la médaille anglaise. « Prie Dieu, écrit-il à un ami, pour que je porte allègrement la croix qui donne droit à la vraie récompense, la croix de souffrances, celle du Christ. » Telle est leur sublime ambition secrète.

833. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre III : M. Maine de Biran »

Des sentiments platoniciens et même chrétiens avaient fortifié les secrètes dispositions que l’abstraction psychologique et la retraite en soi avaient formées. […] Nous entrevoyons cet univers secret, le seul stable, au-dessus duquel l’autre luit et s’agite.

834. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Appendice. — [M. de Latena, Étude de l’homme.] » pp. 523-526

Pourtant, comme la diversité des esprits jusque dans les mêmes genres est infinie, comme la bonne foi et la sincérité en chacun est le grand secret pour tirer de sa nature tout ce qu’elle renferme, il y a moyen toujours, en ne disant que ce qu’on a senti, en n’écrivant que ce qu’on a observé, d’ajouter quelque chose peut-être à ce que les maîtres lumineux et perçants de la vie humaine ont déjà embrassé, ou du moins de faire en sorte que le lecteur soit ramené sur les mêmes chemins et vers les mêmes vues sans fatigue et sans ennui.

835. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « Mme DESBORDES-VALMORE. (Pauvres Fleurs, poésies.) » pp. 115-123

Et je restai longtemps, longtemps sans la comprendre, Et longtemps à pleurer son secret sans l’apprendre, A pleurer de sa mort le mystère inconnu, Le portant tout scellé dans mon cœur ingénu… Et ce cœur, d’avance voué en proie à l’amour, où pas un chant mortel n’éveillait une joie, voilà comme elle nous le peint en son heure d’innocente et muette angoisse : On eût dit, à sentir ses faibles battements, Une montre cachée où s’arrêtait le temps ; On eût dit qu’à plaisir il se retînt de vivre ; Comme un enfant dormeur qui n’ouvre pas son livre, Je ne voulais rien lire à mon sort ; j’attendais, Et tous les jours levés sur moi, je les perdais.

836. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « SUR ANDRÉ CHÉNIER. » pp. 497-504

La poésie, en se faisant simple auxiliaire à la suite des idées philosophiques, avait perdu ses qualités éminentes les plus énergiques et les plus châtiées ; Voltaire, son dernier représentant illustre, avait été son plus grand corrupteur L’entreprise de Chénier fut une œuvre d’étude et de long silence, pleine de secrets labeurs au sein d’une vie de plaisirs, et animée d’un profond amour de cette France, qu’il voulait doter de palmes plus rares.

837. (1874) Premiers lundis. Tome II « Revue littéraire et philosophique »

Les amateurs des sciences occultes, s’il en est encore, les personnes plus positives qui tiennent à en constater la bibliographie et l’histoire, y trouveront de curieuses indications données par un homme qui semble avoir, sinon pénétré le secret, du moins tourné de près à l’entour.

838. (1875) Premiers lundis. Tome III «  La Diana  »

Il importe de tirer de leurs griffes ce qu’ils retiennent comme secrets d’État.

839. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Avertissement »

On ne devra pas non plus étudier ces remarques, pour y dérober le secret de la composition, au moment de composer.

840. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Première partie. Préparation générale — Chapitre III. De la sécheresse des impressions. — Du vague dans les idées et le langage. — Hyperboles et lieux communs. — Diffusion et bavardage »

Peut-être est-ce là le secret de l’influence immense qu’exercent les journaux et les critiques.

841. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « André Theuriet »

Et il est vraisemblable aussi que c’est la secrète dignité dont s’inspire l’ingénieuse économie de maman Malapert qui se tourne, chez le pauvre petit employé, en héroïsme sentimental.

842. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Choses d’autrefois »

Les petites pensionnaires se racontent à l’oreille, avec terreur, et peut-être avec une secrète admiration scandalisée, que Madame d’Orléans faisait fouetter les sœurs jusqu’au sang, que parfois elle se mettait toute nue et faisait venir des religieuses pour l’admirer, « car elle était la plus belle personne de son temps », et qu’enfin elle prenait des bains de lait, qu’elle distribuait le lendemain à ses béguines, au réfectoire.

843. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Merrill, Stuart (1863-1915) »

Il y avait transcrit le charme secret des souvenirs, toute la poésie cachée de l’automne et la tristesse discrète de l’amour oublié.

844. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — R — Retté, Adolphe (1863-1930) »

Adolphe Retté nous a livré, dans des pages que je ne me lasserai jamais de lire, le simple secret de la composition de ses derniers livres.

845. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre VIII. Les Fedeli » pp. 129-144

Le capitaine Rhinocéros mourut au mois d’octobre 1624 : « Quand ce capitan trépassa, rapporte son camarade Beltrame, on trouva dans son lit un très rude cilice, ce qui causa quelque surprise, car nous n’ignorions pas qu’il était pieux et buon devoto, mais nous ne savions rien de ce cilice. » Il entrait sans doute, dans cette émulation de piété, un secret besoin de protester contre l’excommunication sévère qui pesait en France sur la profession comique.

846. (1911) La valeur de la science « Deuxième partie : Les sciences physiques — Chapitre VII. L’Histoire de la Physique mathématique. »

Plus récemment, Briot croit avoir pénétré le dernier secret de l’Optique quand il a démontré que les atomes d’éther s’attirent en raison inverse de la 6e puissance de la distance ; et Maxwell, Maxwell lui-même, ne dit-il pas quelque part que les atomes des gaz se repoussent en raison inverse de la 5e puissance de la distance.

847. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre premier. Vue générale des épopées chrétiennes. — Chapitre V. La Henriade »

Et ce qu’il y avait de très merveilleux, c’est qu’au milieu de tant d’occupations, ces excellents hommes trouvaient encore le secret de remplir les plus petits devoirs de leur religion, et de porter dans la société l’urbanité de leur grand siècle.

848. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — Lettre, à Madame la comtesse de Forbach, sur l’Éducation des enfants. » pp. 544-544

Si votre fils rougit en secret, ignorez sa honte ; accroissez-la en l’embrassant ; accablez-le d’un éloge, d’une caresse qu’il sait ne pas mériter.

849. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Conclusion »

Au contraire, il n’y a que des expériences méthodiques qui puissent arracher leur secret à des choses.

850. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « ??? » pp. 175-182

les idées pures gouvernant le monde par elles-mêmes, sans ministres à leur département, et l’humeur de n’avoir pas toutes ces belles choses, voilà le secret des tristesses et des lamentations du comte Zélislas pendant deux gros volumes, voilà ce qui le pousse, après avoir traîné ici et là la chaîne de ses déceptions, à aller se faire tuer à la polonaise sur le champ de bataille de Novare, où il est blessé, pour nommer le livre, et assez pour en mourir.

851. (1890) Impressions de théâtre. Quatrième série

Joad se garde bien de confier son secret à cet imbécile qui bavarderait et qui ferait tout manquer. […] le premier entretien de Catherine et de Ruggieri, le miroir magique, l’alcôve secrète qui s’ouvre au moyen d’un ressort ! […] André devinerait tout seul, à certains indices, le secret de sa mère. […] Je dicterai. » Et voici ce qu’elle dicte : « Vous êtes trop intelligent pour ne pas savoir le secret de mon cœur. […] Cela n’est-il pas l’indice d’une secrète conformité d’âmes ?

852. (1890) Les romanciers d’aujourd’hui pp. -357

Mme Bernard avait surpris le secret de son fils et ne lui pardonnait pas. […] « Personne et, les bras de doute envolés comme qui porte aussi un lot d’une splendeur secrète, trop inappréciable trophée pour paraître ! […] L’auteur dissèque avec amour l’âme, ou pour mieux dire, le tempérament de ses héros ; il en démonte les ressorts cachés ; il en fait vibrer les fibres secrètes ; il le met à nu devant nous. […] Une tendance secrète l’attire vers les exceptions physiologiques et psychologiques. […] Les Secrets de l’Océan, Le Capitaine Ferragus, Flora chez les nains, Quinze mois dans la lune, etc.

853. (1856) Réalisme, numéros 1-2 pp. 1-32

Observez, c’était le grand secret de Balzac : copiez, c’est le secret des grands peintres. […] Peut-être cette amertume secrète vient-elle de ce qu’ils ont tous, je ne sais pourquoi, des malheurs en amour. […] Dans la vie littéraire il ne peut qu’en être de même ; voilà le secret de l’indifférence ou de l’attention de la foule. […] On ne connaît pas son père ni son voisin qu’on voit agir, parce qu’ils renferment en eux leurs secrets moraux ; mais on connaît son arrière-grand-père par les lettres qu’il laisse. […] Observez, c’était le grand secret de Balzac : copiez, c’est le secret des grands peintres.

854. (1765) Articles de l’Encyclopédie pp. 5482-9849

Aristote fit voir ensuite que la véritable philosophie est le guide secret de l’esprit dans tous les arts. […] La beauté ne déplaît jamais, mais elle peut etre dépourvûe de ce charme secret qui invite à la regarder, qui attire, qui remplit l’ame d’un sentiment doux. […] Que votre phrase heureuse, & clairement rendue Soit tantôt terminée, & tantôt suspendue ; C’est le secret de l’Art. […] Mais je suppose que vous écriviez l’histoire d’un prince qui vous aura confié un secret, devez-vous le révéler ? Devez-vous dire à la postérité ce que vous seriez coupable de dire en secret à un seul homme ?

855. (1911) Visages d’hier et d’aujourd’hui

Ou, en termes plus modestes, quelle efficacité n’allons-nous pas attribuer à l’activité secrète, involontaire et quasi spontanée de l’esprit ? […] Il y a un attrait magnifique à entrer un peu dans le mystérieux secret du génie. […] Mme Jadain ne tarde pas à découvrir le secret de cette maladie mystérieuse. […] Le Génie gardant le secret de la tombe et l’Arlequin portent la marque de l’influence italienne. […] Ensuite, on peut, dans le passé, choisir, et chacun de nous selon ses prédilections secrètes.

856. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre quatrième. La connaissance des choses générales — Chapitre II. Les couples de caractères généraux et les propositions générales » pp. 297-385

. — Ce mot ne désigne aucune vertu secrète et mystérieuse enfermée dans le premier caractère. — Son sens précis. — Il suffit que le premier caractère soit donné pour que le second soit aussi donné. — Rien d’étrange si les caractères généraux ont, comme les faits particuliers, des antécédents, des compagnons ou des conséquents. — La difficulté est d’isoler les caractères généraux. — Deux artifices de méthode pour tourner la difficulté. — Deux sortes de lois. […] Y a-t-il quelque vertu ou raison secrète qui, résidant dans l’un, entraîne ou provoque l’autre ? […] Sans doute, il est téméraire d’aborder un obstacle que de grands esprits et des savants spéciaux déclarent invincible ou invaincu ; mais heureusement il s’agit moins ici de découvrir une démonstration que d’analyser une construction ; nous faisons œuvre de psychologue et non de géomètre ; nous cherchons simplement le procédé intime et secret par lequel, sous le témoignage accessoire et insuffisant des yeux, se forme la conviction inébranlable de l’esprit. — Comment construisons-nous la notion de deux parallèles ? […] À mon avis, telle est la secrète opération mentale qui éclaire et soutient le témoignage de nos yeux lorsque nous voyons remonter la droite qui trace par tous ses points des droites égales entre elles. […] Il nous a suffi partout d’examiner avec attention notre construction mentale, pour y démêler des conditions sous-entendues, l’identité latente d’une donnée et d’une autre, l’indifférence latente d’un caractère qui semblait séparer les deux données, identités et indifférences non aperçues par nous, parce que notre supposition ne les avait pas expressément énoncées, mais qui n’en étaient pas moins incluses tacitement dans notre hypothèse et qui, avant d’être mises à nu, révélaient leur présence secrète par l’inclination invincible qu’elles imprimaient à notre croyance et par l’évidence complète dont elles illuminaient notre jugement.

857. (1867) Cours familier de littérature. XXIII « cxxxviiie entretien. Littérature germanique. Les Nibelungen »

Il n’avoue pas encore le vrai motif de son voyage à cette cour, mais il couve en silence son amour secret pour la belle Kriemhilt, la sœur du roi. […] Il lui persuada de feindre une guerre avec ses voisins et de faire tuer Sîfrit dans la mêlée, souvenir biblique de la trahison de David ; le roi accepte ; Kriemhilt, l’épouse de Sîfrit, conçoit des soupçons, fait venir Hagene, qu’elle croit fidèle et s’ouvre à lui sur le secret profond qui rend Sîfrit invulnérable. […] Maintenant je connais le secret de me rendre maître de lui. […] — Oh que n’ai-je évité, dit-elle, de trahir le secret du beau corps de Sîfrit ? […] Dame Kriemhilt leur parla aussi en secret.

858. (1895) Les mercredis d’un critique, 1894 pp. 3-382

Ingénument, elle confesse ses plus secrets sentiments au prêtre qui garde sa conscience ; un jour, cachée derrière une charmille, elle a vu l’Empereur se promenant dans ses jardins, escorté de ses courtisans. […] C’est ainsi : devant deux cents personnes ricaneuses, ces infortunés doivent étaler leurs hontes, leurs tares et celles de leurs familles, dévoiler leurs secrets intimes. […] Il y a un grand secret entre la Sainte-Vierge et moi. […] Il ne faut jamais demander à un savant les secrets de l’univers qui ne sont point dans sa vitrine. […] L’épreuve la plus cruelle était le doute même qui s’élevait en son esprit sur cette Allemagne qu’il s’entêtait à admirer devant les autres, au moment où il hésitait sur elle dans le secret de sa pensée.

859. (1905) Propos littéraires. Troisième série

Je ne sais qu’une femme à qui je puisse confier mon secret, à qui je puisse tout dire ! […] Seulement il y a de petits régals secrets de malice innocente à être très bon de cette terrible façon-là. […] Ce titre n’est pas assez explicite Ce n’est pas : Le Secret du précepteur ; c’est : Le Précepteur pour qui l’on n’a pas de secret. […] Le secret pour n’être pas banal, comme toujours, était d’être vrai. […] Je ne cacherai même pas qu’en l’ouvrant c’était mon secret désir.

860. (1876) Romanciers contemporains

Où donc l’écrivain de génie a-t-il puisé le secret de nous intéresser avec de tels éléments ? […] Et d’ailleurs cette révélation, au moins imprudente, de secrets qui auraient dû demeurer ignorés, a fatalement amené des représailles. […] Comme s’il avait vécu dans leur camp, il a surpris leur secret, et, l’employant pour la bonne cause, il a élevé le plaidoyer aux hauteurs presque inaccessibles qu’avait atteintes le réquisitoire. […] Tout le secret de M.  […] Le manuscrit avait été déposé par une main inconnue aux bureaux de la Revue où l’on parvint d’autant mieux à garder le secret de l’origine qu’on ne le connaissait pas.

861. (1898) XIII Idylles diaboliques pp. 1-243

Nous demanderons aux uns le secret de leur joie, aux autres la raison de leur désespérance. […] Je veux m’augmenter de la sagesse des uns et m’instruire par la folie des autres… Puis, maître du secret qui les fait vouloir, je les dominerai… GRYMALKIN. […] Même pour moi. — Crois-tu donc que le secret de l’Être total puisse être révélé à l’une de ses parties ? […] Vous êtes de la partie… J’entends que les produits pharmaceutiques n’ont pas de secrets pour vous. […] Et c’est vous qui détenez les secrets de l’art.

862. (1853) Histoire de la littérature française sous la Restauration. Tome I

Cela est vrai ; nos contemporains sont doublement nos compatriotes, et de là viennent sans doute ces rapports secrets de physionomie que nous trouvons dans les portraits des hommes d’une même génération, et ce type général qu’ils conservent sous la diversité de leurs traits. […] Malgré les menaces de proscriptions, les deux jeunes prêtres n’avaient point discontinué l’exercice de leurs fonctions sacerdotales ; seulement ils les remplissaient en secret. […] Il y a même, je t’assure, je ne sais quel charme secret qui naît de cette dure destinée qui m’a toujours séparé de toi. […] Il n’attachait à ses vers que le prix qu’on met à ces épanchements qui soulagent l’âme ; c’était un souvenir entre lui et un tombeau bien cher, un secret entre lui et la muse. […] Ces affinités mystérieuses, ces secrètes sympathies qui existaient entre l’homme et l’époque, se retrouvent dans tous les détails des poésies de M. de Lamartine.

863. (1915) Les idées et les hommes. Deuxième série pp. -341

Cela veut dire, et très justement, que l’art est le secret d’éterniser les minutes. […] Ainsi, nous ignorons le secret d’Éleusis. […] Frémissante ; mais en secret. […] Il est incapable d’entrer dans le secret d’une âme. […] À présent, sa psychologie pénètre plus avant le secret des âmes.

864. (1864) Le roman contemporain

Lemontier père et lui fait livrer le secret de la confession de madame de la Quintinie, la mère de Lucy. […] J’ai peur d’avoir deviné son secret dans cette phrase, où la flatterie boite d’une jambe et où le style boite des deux. […] Auguste le Pas, a son secret d’ignominie à nous raconter. […] À la vue du magnifique paysage qui se déroule devant les yeux de la jeune fille, des larmes lui échappent, et avec ses larmes son secret. […] Ces secrets de for intérieur ne sont connus que de la tombe où les âmes entrent nues.

865. (1814) Cours de littérature dramatique. Tome III

Quand on respecte aussi peu le public, il faudrait avoir la prudence de ne pas lui révéler un pareil secret. […] N’est-il point, en secret, de frein qui vous retienne ? […] J’ai déjà observé qu’il avait une secrète antipathie contre cet acteur. […] Si la poésie dramatique se réduit à donner des commotions à des spectateurs engourdis, si le grand secret est de faire pleurer, il n’y a plus d’art. […] Chaque spectateur se flatte en secret de produire aussi sur le cœur de quelque femme un effet soudain et rapide ; il apprend à quels signes il peut reconnaître sa victoire ; comment il doit en user, et par quels secrets ressorts il peut mener à bien une intrigue ; c’est pour lui un cours de tactique galante.

866. (1911) Nos directions

Les mœurs et les costumes l’ont séduit à l’égal des passions les plus secrètes. […] eût-il pénétré si avant, même dans le secret de l’amour ?) […] Ils font mine de détenir de prestigieux secrets qui ne seraient pas du domaine de la littérature pure et encore bien moins de la poésie. […] que n’a-t-il chanté davantage en secret, entre les feuillets blancs, doucement bruissants du « livre » ! […] Elle naît, au fond de l’âme du poète, d’un mouvement secret, l’émotion.

867. (1813) Réflexions sur le suicide

C’est le Tribunal secret qui nous juge, et lorsqu’il paraît injuste, peut-être savons-nous seuls, ce qu’il veut nous dire et ce qu’il exige de nous. […] Si cela est ainsi par le simple effet de la mobilité de notre nature : combien l’action sainte et secrète de la piété sur l’âme n’a-t-elle pas plus de pouvoir ! […] Car il y a beaucoup de protections secrètes exercées en faveur du chrétien, lors même qu’il semble le plus malheureux, et ce que nous sentons au-dessus de nos forces ne nous arrive presque jamais. […] La connaissance des secrets de l’univers égalera-t-elle jamais l’attrait inexprimable du voile qui les couvre ?

868. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLVIe entretien. Examen critique de l’Histoire de l’Empire, par M. Thiers (3e partie) » pp. 249-336

« Le duc de Brunswick, en voyant l’opiniâtre résistance des Français, éprouvait un secret désespoir et croyait toucher à la catastrophe dont le pressentiment assiégeait depuis un mois son âme attristée. […] « Quant aux Prussiens, si on veut avoir le secret de cette déroute inouïe, après laquelle les armées et les places se rendaient à la sommation de quelques hussards ou de quelques compagnies d’infanterie légère, on le trouvera dans la démoralisation qui suit ordinairement une présomption folle. […] La diplomatie se mêle à l’adulation des deux côtés ; on se sacrifie l’Angleterre, on se partage en secret le monde européen ; le génie grec dans l’empereur Alexandre et le génie italien dans l’empereur Napoléon luttent de souplesse et de séduction après avoir lutté d’héroïsme. […] Quel autre que lui pouvait établir les plans de campagne, étudier sur les cartes et sur les lieux la topographie des champs de bataille, faire mouvoir les masses au doigt même du général en chef, porter l’œil et le jour sur les innombrables accidents de la lutte, débrouiller la mêlée, donner la raison secrète de la victoire ou de la déroute ?

869. (1864) Cours familier de littérature. XVII « CIIe entretien. Lettre à M. Sainte-Beuve (2e partie) » pp. 409-488

Et vos enfants au loin épars sur la pelouse, Et votre époux absent et sorti pour rêver, J’entre pourtant ; et Vous, belle et sans vous lever, Me dites de m’asseoir ; nous causons ; je commence À vous ouvrir mon cœur, ma nuit, mon vide immense, Ma jeunesse déjà dévorée à moitié, Et vous me répondez par des mots d’amitié ; Puis revenant à vous, Vous si noble et si pure, Vous que, dès le berceau, l’amoureuse nature Dans ses secrets desseins avait formée exprès Plus fraîche que la vigne au bord d’un antre frais, Douce comme un parfum et comme une harmonie ; Fleur qui deviez fleurir sous les pas du génie ; Nous parlons de vous-même, et du bonheur humain, Comme une ombre, d’en haut, couvrant votre chemin De vos enfants bénis que la joie environne, De l’époux votre orgueil, votre illustre couronne ; Et quand vous avez bien de vos félicités Épuisé le récit, alors vous ajoutez Triste, et tournant au ciel votre noire prunelle : « Hélas ! […] Je rêvais donc ainsi, sur ce quai solitaire, À mon jeune matin si voilé de mystère, À tant de pleurs obscurs en secret dévorés, À tant de biens trompeurs ardemment espérés, Qui ne viendront jamais, … qui sont venus peut-être ! […] Couple heureux et brillant, vous qui m’avez admis Dès longtemps comme un hôte à vos foyers amis, Qui m’avez laissé voir en votre destinée Triomphante, et d’éclat partout environnée, Le cours intérieur de vos félicités, Voici deux jours bientôt que je vous ai quittés ; Deux jours, que seul, et l’âme en caprices ravie, Loin de vous dans les bois j’essaye un peu la vie ; Et déjà sous ces bois et dans mon vert sentier J’ai senti que mon cœur n’était pas tout entier ; J’ai senti que vers vous il revenait fidèle, Comme au pignon chéri revient une hirondelle, Comme un esquif au bord qu’il a longtemps gardé ; Et, timide, en secret, je me suis demandé Si, durant ces deux jours, tandis qu’à vous je pense, Vous auriez seulement remarqué mon absence. […] « À ce que je viens de dire que Virgile était décoré de pudeur, il ne serait pas juste d’opposer comme une contradiction ce qu’on raconte d’ailleurs de certaines de ses fragilités : “Il fut recommandable dans tout l’ensemble de sa vie, a dit Servius ; il n’avait qu’un mal secret et une faiblesse, il ne savait pas résister aux tendres désirs.”

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