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1659. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XVIII. J.-M. Audin. Œuvres complètes : Vies de Luther, de Calvin, de Léon X, d’Henri VIII, etc. » pp. 369-425

Des vies éparses, détachées de la trame de l’histoire générale, encadrant plus étroitement un homme public, un personnage célèbre, il y en avait partout, dans toutes les littératures, à toutes les époques ; mais ces vies, ces récits, ces portraits, n’avaient rien de la biographie telle que les modernes l’ont réalisée, et qui consiste à étudier l’individualité humaine dans l’individualité historique, comme les naturalistes étudient une plante ou un animal dans tous ses mystères et toutes ses manifestations.

1660. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre IV. Que la critique doit être écrite avec zèle, et par des hommes de talent » pp. 136-215

Mademoiselle de Brie et la vieille Laforest, voilà les deux amies de Molière, et ses deux véritables gardes du corps, aussi sont-elles inséparables dans sa vie, et qui veut faire un portrait complet de Molière, le doit représenter entre sa servante et son amie. […] Un soir, le roi entend la jeune fille qui parle d’amour ; à ces propos d’amour son nom est mêlé, et lorsqu’à la dérobée il jette un coup d’œil sur cette jeunesse si bien emparlée et si tendre, il reconnaît la belle personne dont le portrait l’a frappé chez le surintendant Fouquet ; aussitôt ce roi égoïste se sent ému jusqu’au fond de l’âme ; c’est quelque chose de mieux que les sens, c’est presque le cœur qui lui parle, et de ce jour qui la devait plonger, vivante, dans un abîme de supplices et de repentirs, madame de La Vallière préside à ces fêtes, à ces spectacles, à ces miracles de la poésie et de la peinture, à ce beau siècle, à ce théâtre ou Molière et Lulli semblent lutter à qui produira les amusements les plus aimables.

1661. (1891) Esquisses contemporaines

Amiel18 « Est-il étonnant que les malentendus jouent un si grand rôle dans le monde, quand on voit l’extrême difficulté de faire un portrait fidèle d’une personne que l’on étudie depuis plus de vingt ans », disait Amiel, parlant de lui-même et s’étonnant de retrouver à sa propre image si peu de ressemblance. […] Brunetière22, dans quelques pages rapides et hardies, porta le dernier coup à la renommée du philosophe et, se flattant de fixer son dernier portrait, s’efforça de lui assigner parmi nos moralistes une place qu’il fait du reste aussi petite que possible. […] Edel, la Vie inquiète, les Aveux, l’Irréparable, Essais de psychologie contemporaine, Cruelle énigme, Nouveaux essais de psychologie contemporaine, Un crime d’amour, André Cornélis, Mensonges, Études et Portraits, Pastels.

1662. (1893) Des réputations littéraires. Essais de morale et d’histoire. Première série

Parmi les formes diverses que peut prendre l’ambition de durer dans l’avenir, le portrait mérite de n’être pas oublié ; mais depuis que la photographie l’a rendu vulgaire et banal, on ne lui voit plus l’air qu’il avait autrefois de vouloir triompher du temps. […] Pour moi, si j’étais femme et si j’étais jolie, le plus sensible hommage qu’un riche adorateur pût imaginer pour me plaire serait de faire exécuter mon portrait par Carolus Duran, et puis de le donner au Musée du Louvre. […] Et lorsque, parlant de certains auteurs d’ailleurs excellents, tels qu’Horace, tels que La Bruyère, on dit des odes de l’un et des portraits de l’autre que l’art y surpasse parfois la matière, cette critique est-elle donc absolument dépourvue de sens ?

1663. (1910) Propos de théâtre. Cinquième série

Ô mensonges perdus de la femme infidèle ; Si tu n’es qu’un portrait, où donc est le modèle ?

1664. (1890) Nouvelles questions de critique

Le Petit à la notice que Sainte-Beuve a jadis tracée de madame Deshoulières dans ses Portraits de femmes. […] Si, par exemple, au lieu de chercher la peinture anecdotique des mœurs du passé dans les sermons de nos grands prédicateurs, qui ne font pas de personnalités, quoi que l’on en ait dit, ni de « portraits », parce qu’ils croiraient ainsi dégrader à un honteux usage la dignité de leur ministère, on la cherchait dans les plaidoyers de nos avocats du xviie et du xviiie  siècle, on l’y trouverait, souvent piquante, plus authentique en général que dans les Mémoires ou les Correspondances, et toujours et surtout très circonstanciée. […] Et, tout en convenant volontiers que, si l’on se donnait la peine de débrouiller ce portrait confus, on y trouverait quelques indications justes, oserons-nous dire que le trait essentiel y manque ? […] Si ressemblante qu’elle puisse être, une caricature n’est cependant pas un portrait. […] Sa grâce mêmes a quelque chose de cyclopéen. » C’est l’idéal d’Hugo que cet Eschyle, ou plutôt c’en est le portrait par lui-même.

1665. (1896) Les idées en marche pp. 1-385

Tandis que Byron est bien un type d’Anglo-Saxon, que ses révoltes mêmes contre sa race ne font qu’affirmer davantage, un fougueux, un bouillonnant, un volcan des brumes ; tandis que Goethe représente la Germanie et joint dans une œuvre telle que Faust l’amplitude septentrionale et son incoordination superbe à la mesure élégante du Midi ; tandis que Leopardi déploie en plein soleil une tristesse profonde, ombre noire des pays sans ombre et mène une tarentelle funèbre, Henri Heine nous apparaît un portrait composite de ceux-ci et d’autres encore, une superposition de traits et d’attitudes empruntés à bien des races, bien des climats, et cette simplicité même constitue sa manière, insinueuse, prenante et troublante, mais qui parfois désoriente et choque. […] Finesse, amour-propre, irritabilité physique jusqu’à la souffrance, esprit remarquable, beau regard, figure un peu dégradée, voilà son portrait. […] Voici le portrait que trace de lui Hanotaux. […] Notons au passage un magnifique portrait de l’homme d’État qui fait sa lecture de Tacite, de Machiavel et de Juste Lipse, énergique, volontaire et dissimulé. […] Après Joséphine, le portrait le plus réussi est celui de Mme Walewska, la petite Polonaise qui ne savait que répandre des larmes devant son trépidant amoureux.

1666. (1889) Les artistes littéraires : études sur le XIXe siècle

Au type du perpétuel flâneur ou du « Jeune-France » en gilet rouge de la première d’Hernani le seul qu’on ait voulu concevoir, il a substitué le portrait de l’homme qui, tant en livres qu’en feuilletons ou en articles éparpillés dans la presse, a fourni la valeur d’environ trois cents volumes. […] Elles ont été transcrites entièrement par M. de Spoelberch de Lovenjoul dans la préface de son ouvrage66 ; en dehors de l’intérêt documentaire qu’elles présentent comme portrait d’un grand écrivain dessiné par lui-même, elles valaient, au seul point de vue de l’art, en tant qu’admirable morceau de prose, d’être livrées à la publicité. […] C’était dans un portrait, dans la peinture d’un paysage, d’une ville ou d’un intérieur, dans l’expression d’une idée, d’une sensation ou d’un sentiment qu’il devait réunir ces notes violemment heurtées d’où jaillit chez le lecteur la curiosité et qui forcent son attention à s’émouvoir. […] Les deux anciens employés et les comparses qui les entourent, hobereaux, villageois, fonctionnaires, curé, médecin, peuvent passer pour des portraits ressemblants, tels que chacun en a vu les vivants originaux.

1667. (1782) Essai sur les règnes de Claude et de Néron et sur la vie et les écrits de Sénèque pour servir d’introduction à la lecture de ce philosophe (1778-1782) « Essai, sur les règnes, de Claude et de Néron. Livre second » pp. 200-409

Le traité de Sénèque n’ayant pas corrigé Néron, celui-ci dut concevoir secrètement une haine d’autant plus profonde contre un peintre hardi, qui mettait d’avance sous ses yeux le hideux portrait qui lui ressemblerait un jour. […] Non ; vous auriez pu y lire335 : « Lorsque vous me demandez mes ouvrages, je ne m’en croirai pas plus éloquent que je ne me croirais d’une belle figure, si vous me demandiez mon portrait.  » Dans Suétone ?

1668. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Le Chevalier de Méré ou De l’honnête homme au dix-septième siècle. »

— J’ai remarqué, reprit-il, les défauts de l’esprit et du cœur de la plupart du monde, et ceux qui ne me connoissent que par là pensent que j’ai tous ces défauts, comme si j’avois fait mon portrait.

1669. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Première partie. — L’école dogmatique — Chapitre III. — Du drame comique. Méditation d’un philosophe hégélien ou Voyage pittoresque à travers l’Esthétique de Hegel » pp. 111-177

C’est ainsi qu’Horace nous trace un portrait vivant des mœurs de son temps, et de toutes les sottises qu’il avait sous les yeux.

1670. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre deuxième. Les mœurs et les caractères. — Chapitre I. Principe des mœurs sous l’Ancien Régime. »

Duc de Lévis, Souvenirs et portraits.

1671. (1858) Cours familier de littérature. V « XXIXe entretien. La musique de Mozart » pp. 281-360

« M. de Méchel, le graveur, travaille à force à nos portraits peints par un amateur, M. de Carmontelle : Wolfgang joue du piano ; moi, derrière lui, du violon ; Nanerl s’appuie d’une main sur le piano, et tient dans l’autre un morceau de musique, comme si elle allait chanter. » Qui peut lire sans attendrissement ces pieuses superstitions d’un cœur de père et d’un cœur de mère vouant à l’autel d’un Dieu-enfant des sacrifices propitiatoires pour l’enfant de leur amour, afin que l’analogie des âges attendrît plus puissamment l’enfance du Dieu pour l’enfance de l’homme !

1672. (1860) Cours familier de littérature. X « LIXe entretien. La littérature diplomatique. Le prince de Talleyrand. — État actuel de l’Europe » pp. 289-399

Thiers, l’annaliste le plus scrupuleux et le plus complet des temps modernes, il faut contempler le tableau vivant avec les portraits historiques de toutes ces négociations du consulat.

1673. (1864) Cours familier de littérature. XVII « XCIXe entretien. Benvenuto Cellini (1re partie) » pp. 153-232

On en jugera par ce que j’en ai raconté. » XII Le duc Alexandre de Médicis le reçut bien, il lui confia les dessins de ses monnaies et lui fit faire son portrait.

1674. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « Figurines »

Plusieurs de ses tableaux et de ses portraits sont d’un réalisme très franc dans sa sobriété.

1675. (1899) Les industriels du roman populaire, suivi de : L’état actuel du roman populaire (enquête) [articles de la Revue des Revues] pp. 1-403

Un tel est chargé du scénario ; tel autre confectionnera les portraits du traître ou du meurtrier ; un tel encore aura pour tâche spéciale de coudre les pièces détachées, traits, situations, incidents.

1676. (1857) Cours familier de littérature. IV « XXIe Entretien. Le 16 juillet 1857, ou œuvres et caractère de Béranger » pp. 161-252

Voilà le portrait, voilà le séjour, fidèlement copiés d’après nature, de l’homme caché que tout un peuple allait découvrir sur son matelas, à son cinquième étage, pour lui faire ce que Mirabeau mourant appelait les funérailles d’Achille, et ce que nous appellerions plus justement les funérailles d’un Washington gaulois.

1677. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 13, qu’il est probable que les causes physiques ont aussi leur part aux progrès surprenans des arts et des lettres » pp. 145-236

Les peintres anglois se reduisent à trois faiseurs de portrait.

1678. (1891) Impressions de théâtre. Cinquième série

Edouard Rod, « Ibsen comprend la nécessité historique de l’avènement du christianisme sans l’admirer ni l’aimer, sans cesser d’aspirer à un troisième règne qu’il ne définit pas, mais qui serait la réconciliation entre la théorie de la jouissance, fond des croyances païennes, et celle de la renonciation, base des doctrines nouvelles. » Le volume est orné d’un portrait d’Ibsen. […] Et moi, comme je savais que c’étaient les fleurs de France et les fleurs de nos rois, et que j’avais vu dans une histoire enfantine, leurs portraits en médaillons, y compris celui du roi Pharamond, « qui n’a peut-être jamais existé », je me réjouissais dans mon cœur à peine éclos et j’étais vaguement fier de sentir derrière moi, tout petit enfant de quatre ans, tant de siècles de gloire, de souffrance et de bonne volonté. […] Pendant qu’elle passe dans sa chambre, Desforges entre dans le salon, voit sur la table le coffret à bijoux et le petit sac de voyage, et son portrait à lui Desforges par terre et en petits morceaux. […] Sans plus craindre de lui déchirer le cœur, il la prie de lui donner le portrait de « l’autre », qui est là, dans un tiroir. Et elle, sans colère, le lui donne, et il meurt presque aussitôt, le portrait sur les lèvres.

1679. (1866) Dante et Goethe. Dialogues

Le portrait de Giotto est là pour te répondre. […] Le portrait comme nous l’entendons, la physionomie, la ligne caractéristique, telle que l’a faite, un des premiers, Masaccio, personne n’y songeait alors, et je crois que Marcel pourrait bien avoir raison. […] Mais ces deux figures d’exception à part, il me semble que la galerie des femmes de Gœthe, pour me servir de l’expression consacrée, n’a que des portraits vulgaires, à tout le moins bourgeois, et qui ne supporteraient pas le voisinage de la noble Portinari. […] Ce qui me frappe dans le portrait que tracent du jeune Gœthe ses contemporains, c’est la sensation de lumière qui domine tout. « Mon âme est pleine de lui comme la rosée des rayons du soleil levant », écrit Wieland.

1680. (1911) L’attitude du lyrisme contemporain pp. 5-466

Une perruque Louis XIV, une tragédie de Racine, le Discours de la méthode, un portrait de Rigaud, un sermon de Bourdaloue, autant de manifestations sûres d’un même idéal. […] Nous contemplons, dans le Traité de l’Occident, un portrait achevé de cette physionomie sereine. […] Je suis entre elles deux le portrait d’union.

1681. (1925) Les écrivains. Première série (1884-1894)

Il avait beau les orner de son portrait gravé à l’eau-forte — il eût peut-être mieux valu qu’il le lavât à l’eau pure — les volumes pourrissaient aux devantures des libraires. […] Le portrait qu’ils font de ceux-ci et le tableau qu’ils font de celle-là sont vraiment amers. […] Chacun lui rend justice aujourd’hui — il n’y a plus de danger à cela, — sauf deux écrivaillons qui en prennent fort à leur aise avec l’auguste disparu et tournent le portrait « à la blague ».

1682. (1858) Du roman et du théâtre contemporains et de leur influence sur les mœurs (2e éd.)

Est-ce que ce sont des figures ressemblantes, des portraits faits d’après nos contemporains que les types d’Antony ou de Trenmor, de Lugarto ou de Leone-Leoni, de Robert-Macaire ou de Vautrin ? […] Si notre littérature contemporaine a fait de la société un portrait fidèle, — alors j’ai tort ; et il ne me reste plus qu’à faire amende honorable, à proclamer que M.  […] On me permettra seulement de trouver que la société française est bien laide dans le portrait qu’ils ont fait d’elle, et qu’elle est bien modeste pour s’en montrer satisfaite. […] Il y a là un père et un fils qui rivalisent de corruption et d’insolence : rien de plus odieux que la dépravation de ce jeune homme, rien de plus cynique que les théories morales et politiques de ce père ; et l’auteur ne dissimule point qu’il a voulu faire dans ces deux personnages le portrait de toute une classe de citoyens.

1683. (1782) Essai sur les règnes de Claude et de Néron et sur la vie et les écrits de Sénèque pour servir d’introduction à la lecture de ce philosophe (1778-1782) « Essai, sur les règnes, de Claude et de Néron. Livre premier. » pp. 15-203

Voici les portraits que Tacite nous en a laissés87. […] Nous nous arrêtons avec intérêt devant les portraits des hommes célèbres ou fameux ; nous cherchons à y démêler quelques traits caractéristiques de leur héroïsme ou de leur scélératesse, et il est rare que notre imagination ne nous serve pas à souhait.

1684. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Malherbe »

» Ce n’est pas là un portrait, c’est une charge.

1685. (1864) Cours familier de littérature. XVII « CIe entretien. Lettre à M. Sainte-Beuve (1re partie) » pp. 313-408

qu’elle aimait encor, sur le portrait fidèle Que ses doigts blancs et longs me tenaient approché, Interroger mon goût, le front vers moi penché, Et m’entendre à loisir parler d’elle près d’elle !

1686. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Discours prononcé à la société des visiteurs des pauvres. » pp. 230-304

Je ne suis pas d’ici, moi, et vous me l’avez trop laissé comprendre. » Mais tout de même, dans le fond, elle sent ce qui lui fait défaut ; elle a le respect et la superstition du seul luxe qui manque aux rois de l’or du nouveau monde : l’ancienneté des noms et des souvenirs, une tradition, des meubles et des portraits de famille, et les façons d’être qui sont liées à cette ancienneté.

1687. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre sixième. Le roman psychologique et sociologique. »

Gaud est présente par lui aux premières pages du livre, là-bas, en Islande, auprès de Yann, Sylvestre mort, c’est dans sa chaumière, auprès de sa vieille grand’mère que s’en vient demeurer Gaud ; c’est sous son portrait encadré d’une couronne de perles noires que Yann et Gaud se disent leur amour.

1688. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre dixième. Le style, comme moyen d’expression et instrument de sympathie. »

Sur le sommet de la galerie la plus élevée, Plus haut que la rosace centrale, Il y avait une grande flamme qui montait entre les deux clochers avec des tourbillons d’étincelles, Une grande flamme désordonnée et furieuse Dont le vent emportait par moments un lambeau dans la fumée293 Dans la Mare au diable, lisez le portrait de la petite Marie : Elle n’a pas beaucoup de couleur, Mais elle a un petit visage frais Comme une rose des buissons !

1689. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre XIII : Affinités mutuelles des êtres organisés »

L’embryologie prend ainsi un plus grand intérêt encore, de ce qu’on peut considérer chaque embryon comme un portrait plus ou moins effacé de la commune forme mère de chaque grande classe d’animaux.

1690. (1881) La parole intérieure. Essai de psychologie descriptive « Chapitre III. Variétés vives de la parole intérieure »

Surprendre un aparté, recevoir à l’improviste la confidence involontaire d’un taciturne, dérober un secret soigneusement caché sans être soi-même indiscret, voir à nu dans une exclamation le vrai caractère ou la passion maîtresse d’un politique, ce sont là de petits événements qui font pour une soirée la joie d’un observateur ; un moraliste en tire un portrait, un auteur comique l’idée d’une scène heureuse ou d’un caractère nouveau.

1691. (1894) Dégénérescence. Fin de siècle, le mysticisme. L’égotisme, le réalisme, le vingtième siècle

Il n’est pas nécessaire, je pense, de faire remarquer spécialement au lecteur combien ce portrait clinique de l’hystérique répond à la description des singularités « fin de siècle », et comment nous y rencontrons tous les traits que nous a fait connaître l’observation des phénomènes de l’époque, particulièrement la rage d’imiter, à l’extérieur, dans le vêtement, l’attitude, le port de la chevelure et de la barbe, des figures de tableaux anciens et nouveaux, et l’effort fiévreux pour attirer l’attention, par n’importe quelle étrangeté, et faire parler de soi. […] Si l’on examine le portrait du poète par Eugène Carrière114, dont une photographie précède le volume des poésies choisies de l’auteur, et particulièrement celui exposé en 1892 par M. 

1692. (1929) Les livres du Temps. Deuxième série pp. 2-509

Il y a, chez Gobineau, un certain Louis de Laudon, Français léger et vaniteux, qui est visiblement une nouvelle épreuve du portrait satirique que Stendhal a tant de fois tracé de ses compatriotes. […] Il a lui-même noté finement la nuance, dans une des Pensées publiées en appendice au troisième volume des Portraits littéraires : J’ai commencé franchement et crûment par le dix-huitième siècle le plus avancé, par Tracy, Daunou, Lamarck et la physiologie : là est mon fond véritable. […] Les aventures du bon chien Dingo servent de prétexte à divers récits et portraits qui se rattachent à la veine réaliste de M.  […] (Ces études ont paru dans les Cahiers de la Quinzaine : mais le portrait d’Ibsen avait été inséré en premier lieu, au moins partiellement, dans la Revue des Deux Mondes.) […] La tyrannie, elle est en germe dans ces phrases éminemment brunetièresques du portrait d’Ibsen : « Je ris d’une sagesse qui détruit tout le bonheur.

1693. (1881) Le roman expérimental

Puis, il se mettra en campagne, il fera causer les hommes les mieux renseignés ; sur la matière, il collectionnera les mots, les histoires, les portraits. […] Ce sont des portraits merveilleux de ressemblance et d’accent.

1694. (1896) Impressions de théâtre. Neuvième série

. — Il s’appelle Tchâroudatta. » Et plus loin : « Madanika, prends ce portrait. […] Vasantasena est en train de contempler le portrait de Tchâroudatta. « Madanika, dit-elle à sa soubrette, ce portrait n’est-il pas ressemblant et bien fait ? […] Moi-même je n’ai pu, l’autre jour, entendre sans chagrin le portrait outrageant du grand publiciste catholique.

1695. (1895) La vie et les livres. Deuxième série pp. -364

Et combien de délicats ont savouré, en se pourléchant les babines, ce fameux portrait, gravé à la pointe sèche par Jean de La Bruyère : « … Ils passent leur vie à déchiffrer les langues orientales et les langues du Nord, celles des deux Indes, celles des deux pôles, et celle qui se parle dans la lune. Les idiomes les plus inutiles, avec les caractères les plus bizarres et les plus magiques, sont précisément ce qui réveille leur passion et qui excite leur travail ; ils plaignent ceux qui se bornent ingénument à savoir leur langue, ou tout au plus la grecque et la latine. » On connaît, du même auteur, l’ingénieux portrait de Théocrine, ou de « l’homme qui sait des choses assez inutiles ». […] Au-delà de ce prétendu « dilettante » dont on a recommencé si souvent l’impossible portrait, il y a le chercheur qui a travaillé jusqu’à ses derniers jours, le penseur profond, l’admirable écrivain, qui, en modifiant notre façon de concevoir le passé de l’humanité, nous permet d’entrevoir quelques coins de l’avenir, l’initiateur dont il faut chercher l’action efficace non pas dans les cénacles de littérature, mais partout où des esprits désintéressés et libres cherchent à discerner l’exacte nuance de ce qui est. […] Voici la société ambiguë, variée et brillante, à la fois religieuse, libertine, dépendante du passé, et déjà, par moments, presque moderne, où est né Jeffrey Chaucer ; — voici, après la lente éclosion d’une nouvelle langue, le magnifique élan de la Renaissance païenne, l’énergique réaction contre l’idée séculaire de l’impuissance et de la décadence humaines, le recommencement de l’invention et de l’action, l’effort de la société laïque, qui rejette la théocratie, maintient l’État libre et retrouve, une à une, les sciences et les industries, entreprise généreuse s’il en fut, semaille féconde, d’où devaient sortir, comme une riche moisson, la réforme de Luther en Allemagne, les statues de Michel-Ange en Italie, en Angleterre les drames de Shakespeare ; — voici encore la Renaissance chrétienne, retour d’exaltation biblique et piétiste, dont le chaudronnier Bunyan fut le type populaire, dont Milton devait être l’expression glorieuse ; — puis la révolte de la chair et du sang, la brutale débauche de la Restauration, orgie déchaînée où les personnages de Wycherley sont les dignes pendants des portraits de Lely ; — enfin, après la révolution morale du xviiie  siècle, « climat » tout à fait propice à la pousse des idées de Locke et de l’éloquence de lord Chatham, c’est l’avènement de la démocratie moderne, le début d’une ère nouvelle, où les hommes sont à la fois positifs et mystiques, où l’âpre besoin de parvenir se concilie tant bien que mal avec le désir de l’au-delà, mêlée confuse où le plus clairvoyant ne peut discerner, dans l’incertitude du présent, les promesses ou les menaces de l’avenir.

1696. (1905) Pour qu’on lise Platon pp. 1-398

Il me semble que, pour le lire avec fruit, il faut ne pas s’attarder trop à tout son fatras de dialectique, de maïeutique et de polémique ; le lire posément et tranquillement, sans le discuter aussi minutieusement et pointilleusement qu’il discute lui-même ; recevoir l’impression générale de chaque dialogue, qui, tout compte fait, est souvent très forte ; se faire ainsi un système platonicien très simple et à grandes lignes, en transformant en lignes droites ses lignes sinueuses et ses zigzags ; contrôler et vérifier ce système ainsi obtenu sur les passages les plus élevés de tous et les plus affirmatifs que nous offre le texte ; et se donner ainsi un Platon d’ensemble, qui sera peut-être contestable, mais qui aura des chances de n’être pas trop éloigné du Platon véritable et qui en sera comme le portrait simplifié ou comme le plan à vol d’oiseau. Ce plan tracé, on ne fera pas mal de se remettre à relire Platon en s’aidant du souvenir de ce plan et de ce portrait ; et alors, peut-être, on l’entendra mieux et on le goûtera davantage. […] Voici, sous prétexte de rechercher quel est le meilleur gouvernement, tout simplement un portrait satirique des Athéniens et une vive parodie de leur gouvernement et de leurs mœurs et institutions politiques : « Revenons encore une fois à ces images auxquelles il faut comparer les chefs et les rois : l’habile pilote, le médecin. […] C’est par ce biais que l’ont prise, on le sait, la plupart des poètes qui l’ont adoptée, depuis Pétrarque et les pétrarquistes italiens et français, jusqu’à ceux qui, démêlant son côté faible et par où elle pouvait être comique, montrent des amants hypocrites disant qu’ils adorent dans l’objet aimé « l’auteur de la nature » et « le plus beau des portraits où lui-même s’est peint ».

1697. (1903) La pensée et le mouvant

C’est ainsi que le portrait peint par un grand maître peut nous donner l’illusion d’avoir connu le modèle. […] Nous aimons à y voir quelque chose comme la ressemblance du portrait au modèle : l’affirmation vraie serait celle qui copierait la réalité. […] À plusieurs reprises il exposa au Salon, sous le nom de Laché, des portraits qui furent remarqués. […] Arrêtons-nous devant le portrait de Mona Lisa ou même devant celui de Lucrezia Crivelli : ne nous semble-t-il pas que les lignes visibles de la figure remontent vers un centre virtuel, situé derrière la toile, où se découvrirait tout d’un coup, ramassé en un seul mot, le secret que nous n’aurons jamais fini de lire phrase par phrase dans l’énigmatique physionomie ?

1698. (1867) Cours familier de littérature. XXIV « CXLIIe entretien. Littérature cosmopolite. Les voyageurs »

Je regrette de ne pouvoir transcrire ici le portrait des Persans, tracé par ce voyageur et par M. 

1699. (1932) Les idées politiques de la France

Il semblait, d’après les têtes, qu’ils fussent ceux de deux races différentes : les premières évoquaient la sculpture sur bois du xiiie  siècle, les portraits du xive et du xve , tandis que les secondes allaient du xviiie  siècle à Daumier. […] En 1890, le même Léon Bourgeois, ministre de l’Instruction publique en fait, et de l’Éducation nationale en puissance, terminait, dans le grand amphithéâtre de la Sorbonne, son discours aux lauréats du Concours général par un portrait du jeune Français de demain, qui est la page que je choisirais si l’étranger dont je parlais me demandait cette fois de lui faire connaître un type de notre idéologie radicale, non plus dans le lieu de sa formation individuelle et morale, mais dans l’acte même de sa poussée oratoire et de son expansion politique.

1700. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre deuxième. La connaissance des corps — Chapitre II. La perception extérieure et l’éducation des sens » pp. 123-196

Plus tard, quand avec les yeux il eut connu le visage de ses parents, « on lui montra le portrait de son père en miniature sur la montre de sa mère ; on lui dit ce que c’était, et il le reconnut comme ressemblant.

1701. (1896) Essai sur le naturisme pp. 13-150

Ainsi l’art du poète fut, au début, descriptif ; et, alors, soit qu’il esquissât, avec une maîtrise d’expression toujours croissante, les portraits de ses Moines ascétiques, figés dans leur rigide et tombale stature, soit qu’il s’essayât à évoquer les vieux cloîtres féodaux et gothiques, ou à chanter, en fresques d’un sombre éclat, les tragiques aspects de ses Soirs, le souci qui le dominait fut, sans cesse, celui-ci : limiter la poésie à la peinture, à la stricte impression, par l’artifice du verbe, des formes et des couleurs.

1702. (1911) Lyrisme, épopée, drame. Une loi de l’histoire littéraire expliquée par l’évolution générale « Chapitre II. Vérification de la loi par l’examen de la littérature française » pp. 34-154

Victor Cousin n’a exploité les romans de Mlle de Scudéry que pour en tirer des portraits de grandes dames… Avec un peu de patience, et un jugement plus libre, on trouvera bien autre chose dans le roman du xviie  siècle. — On a reconstruit toute l’histoire du théâtre au xviie  siècle, on en a montré les étapes par Hardy, par Mairet, par l’Académie ; mais on s’est attaché trop exclusivement aux formes et à la fameuse règle des unités ; quand on compte les œuvres réalisées, les œuvres vraiment dramatiques, sans se laisser éblouir par trois grands noms, on a le sentiment très net de l’avortement d’un idéal académique, idéal contraire au goût véritable du public.

1703. (1911) Psychologie de l’invention (2e éd.) pp. 1-184

Il n’est pas plus surprenant de voir des gens bien doués pour l’invention volontaire se montrer incapables d’invention intellectuelle, et réciproquement, que de voir des musiciens impuissants à peindre un portrait. […] En vérité, il n’y a pas un seul portrait dans Adam Bede, mais seulement les suggestions de l’expérience arrangées en de nouvelles combinaisons.

1704. (1730) Discours sur la tragédie pp. 1-458

Qu’on nous donne un tableau pour le portrait d’un homme que nous ne connoissons pas, nous suposons la ressemblance, et nous ne prononçons plus que sur ses traits : mais il n’en est pas ainsi des actions et des caracteres célébres. […] Le moyen de s’attacher à des portraits chimériques qui ne ressembleroient à rien de ce qu’on connoît !

1705. (1914) Note conjointe sur M. Descartes et la philosophie cartésienne pp. 59-331

Il est une personne, vivante, il a une figure fort caractérisée, et dont les Évangiles nous donnent précisément le portrait. […] Comme homme et par conséquent comme saint il n’est donc point un summum, un maximum physique et mathématique, mais il est organique, il est un homme, il est un saint, il est une personne fort distincte, une figure dont précisément les Évangiles nous ont laissé l’admirable portrait. […] Car nous n’aurions pas besoin d’un portrait.

1706. (1878) Nos gens de lettres : leur caractère et leurs œuvres pp. -316

Ne croyez pas cependant que ce soit là tout M. d’Aurevilly : à côté de ces violences bruyantes, il a des pages d’une adorable sérénité, d’une poésie émue et délicate, comme le chapitre sur sainte Thérèse ; — il rencontre des analogies lumineuses : « Saint Martin (le mystique) est dans l’ordre des choses religieuses ce que furent les Précieuses dans l’ordre des choses littéraires. » J’ai particulièrement été frappé du portrait de Pascal, qu’il nous représente comme une sorte de Hamlet catholique, inquiet, troublé, terrifié par sa croyance même. […] Il se borne à faire les portraits des tableaux, — et attrape, il faut le dire, admirablement la ressemblance : on pourrait envoyer le feuilleton chez l’encadreur ! […] Aussi, lorsque devant une œuvre d’art, portrait parlant, groupe de personnages offrant une image exacte de la vie sociale, paysage donnant la sensation juste et vive de la nature, le public s’écrie : « C’est beau ! 

1707. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Jean-Jacques Ampère »

J’admire qu’Ampère, connaisseur de tout temps assez incertain en matière de beaux-arts, se trouve ainsi avoir aiguisé ses sens au point d’être subitement doué de seconde vue et de dépasser Lavater, et en général je ne saurais me faire à cette méthode qui me paraît bien hasardeuse et qu’il affectionne avant tout, de prétendre juger du caractère des hommes d’État par des portraits et des bustes plus ou moins ressemblants et quelquefois douteux ; mais, cela dit, ce voyage à travers l’histoire romaine qu’on refait avec Ampère est plein d’agrément et d’instruction ; la contradiction même y est profitable : on y remue, on y ravive, bon gré, mal gré, ses notions et ses jugements.

1708. (1867) Cours familier de littérature. XXIV « CXLe entretien. L’homme de lettres »

J’en dégageai avec peine une petite boîte ; mais quelle fut ma surprise, lorsque je vis que c’était le portrait de Paul, qu’elle lui avait promis de ne jamais abandonner tant qu’elle vivrait !

1709. (1904) Zangwill pp. 7-90

Ici le portrait dessiné de M. 

1710. (1880) Goethe et Diderot « Diderot »

Le Neveu de Rameau est évidemment un portrait qu’il fit de lui-même en charge, et qui n’est qu’une charge, au fond, « charbonnée », comme les vers de Faret dont parle Boileau quelque part, « sur les murs d’un cabaret », seulement, convenons-en, avec un charbon qui flambait !

1711. (1853) Propos de ville et propos de théâtre

*** L’inconvenance et l’incivilité sont, avec les portraits non ressemblants, la spécialité du peintre B… Dans un café où il va tous les soirs, B… venait de scandaliser la réunion, qui n’a cependant pas la réputation d’être bégueule. — Au lieu de s’excuser, il s’emportait au contraire avec vivacité à propos des reproches qu’il venait de s’attirer. […] On ne met pas des jabots pour se faire poser des sangsues…, à moins qu’on ne soit trop riche. — Est-ce donc là ce que vous me juriez il y a six mois, quand j’ai consenti à quitter Médée qui me proposait de faire le portrait de la signature de son oncle si je voulais l’aimer à lui tout seul !

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