Il l’est même si fort qu’il a écrit sur elle de ces mots poétiques et idéalisants qui la déguisent, et que je suis fâché de trouver sous cette plume de goût, qui devrait peindre ressemblant, en parlant d’une femme aussi connue que cette blonde espiègle : « À quinze ans, — dit-il, — Marie (c’est madame de Sévigné) n’avait rien de cette timidité virginale, ou, si l’on veut, de cette gaucherie innocente que les jeunes filles rapportent du couvent dans les plis de leur robe montante. » Et cela, je crois bien que c’est vrai ; mais que dirons-nous de ce qui suit ? […] Dieu sait si j’ai toujours recherché les portraits ressemblants de madame de Maintenon, — de cette femme si difficile à peindre, parce qu’on ne peut s’empêcher de la voir à travers cette monstrueuse et scélérate caricature de Saint-Simon, qui ne nous lâche pas les yeux et qui nous fait trembler la main quand nous voulons la corriger !
II Et, en effet, est-il besoin de le rappeler et de le peindre une fois de plus comme on ne l’a que trop peint déjà ?
En effet, si les auteurs avaient vécu là où ils étaient parfaitement placés pour observer ce qu’ils voulaient peindre, s’ils avaient de l’âme, s’ils avaient de cette fougue sensible, l’écume du talent qui va s’étendre, comme la vague, en se purifiant, ils n’avaient pas les notions morales. […] Le scepticisme universel commençait à faire sur cet esprit d’aigle, qui avait soif des splendeurs de soleil de la Certitude, l’effet ténébreux et horrible que Byron a peint avec la grandeur d’un maître dans Darkness.
La madame Chermidy de Germaine est une madame Marneffe, peinte à la détrempe par un peintre d’enseigne, non pour le volet, cette fois, mais pour l’intérieur d’un wagon. […] La science dit tout, et l’art doit tout peindre, mais c’est dans un but supérieur à l’une ou à l’autre, — dans un but religieux d’enseignement.
Féval ne savait ni la grammaire de leur langue, ni la grammaire de leurs mœurs, comme si dans leur insularisme susceptible et hautain et tout aussi intellectuel que politique, les Anglais, enragés de nationalité blessée et justes comme des bœufs qui saignent, ne dénigreront pas toujours l’étranger qui voudra les peindre ou s’avisera de les juger ! […] Trop philosophe et trop libertin pour avoir le génie de la passion, cette source inépuisable du roman de grande nature humaine, le dix-huitième siècle, le siècle de l’abstraction littéraire comme de l’abstraction philosophique, qui n’eut ni la couleur locale ni aucune autre couleur, — qui ne peignit jamais rien en littérature, — car Rousseau, dans ses Promenades, n’est qu’un lavis, et Buffon dans ses plus belles pages qu’un dessin grandiose, — ce siècle, qui ne comprenait pas qu’on pût être Persan, dut trouver, le fin connaisseur qu’il était en mœurs étrangères !
Mérimée grave ce que les autres ont peint, mais en en retranchant la moitié. […] il la photographie, mais elle ne lui insinue jamais dans l’imagination cette lumière interne des vrais peintres, plus vraie que l’autre lumière, a travers laquelle ils peignent tout.
Dion y peint Trajan sous l’emblème d’Hercule. […] Telle est la fin de ce discours qui est adressé à Trajan même, et où l’on reconnaît par tout le héros qu’il a voulu peindre ; on peut dire que c’est une espèce d’éloge allégorique.
Les sourcils, peints, se rejoignent au milieu du front. […] Le plafond bleu, traversé, de raies jaunes et ponceau, est barré de distance en distance par des poutres peintes de vert, de blanc et de rouge. […] Il se rabat sur la grâce sentimentale, et, sur son plafond d’azur tendre, il peint des déesses pensives qui seraient mieux dans un album. […] Il les peignit ; c’est le seul être et la seule substance qu’elles puissent avoir, puisqu’elles ne sont que des rêves. […] En présence d’une figure peinte ou sculptée, vous devez oublier qu’elle est peinte ou sculptée, imaginer qu’elle est vivante.
Primitivement toutes étaient peintes. […] Il peignait des anges. […] Il est sans rival pour peindre les blanchisseuses et les zingueurs. […] Mais un seul homme n’est pas apte à tout peindre. […] Son tort est de vouloir tout peindre.
Il peignit les avoués, les recors, les banquiers ; il fit entrer partout le Code civil et la lettre de change. […] Au lieu de peindre, il disséquait. […] M. de Balzac ressemble à un peintre qui avant de peindre verserait un pot de rouge sur son tableau. […] Mais il triomphe quand il s’agit de peindre la bassesse. […] Personne n’est plus capable de peindre les bêtes de proie, petites ou grandes.
Daudet À une époque où les littérateurs se préoccupent tellement de l’art de peindre qu’ils lui empruntent des procédés, des termes particuliers, il est curieux de voir les peintres entrer dans le domaine de la poésie avec cet éternel souci de la couleur qui peut leur devenir en littérature une qualité ou un écueil.
La Scene & les Spectateurs raisonnables rejetteront toujours avec horreur ces caracteres outrés & démoniaques, qu'on ne porte à l'excès, que par l'impossibilité de saisir & de peindre les passions dans le juste point de vue où l'on doit les présenter.
Ces pèlerins, allant par troupes et s’arrêtant dans les places publiques, où ils chantaient, le bourdon à la main, le chapeau et le mantelet chargés de coquilles et d’images peintes de différentes couleurs, faisaient une espèce de spectacle qui plut, et qui excita quelques bourgeois de Paris à former des fonds pour élever un théâtre où l’on représenterait ces moralités les jours de fêtes, autant pour l’instruction du peuple que pour son divertissement.
Ne dirait-on pas que tout est grand et simple dans Moïse, comme cette création du monde, et cette innocence des hommes primitifs, qu’il nous peint ; et que tout est terrible et hors de la nature dans le dernier prophète, comme ces sociétés corrompues, et cette fin du monde, qu’il nous représente ?
Le tableau où Mr Roslin a peint le Roi reçu à l’hôtel de ville par Mr le gouverneur, le prévôt des marchands et les échevins, après sa maladie et son retour de Metz est la meilleure satire que j’aie vue de nos usages, de nos perruques et de nos ajustements.
Un homme supérieur parut, Jeffrey Chaucer, inventeur quoique disciple, original quoique traducteur, et qui, par son génie, son éducation et sa vie, se trouva capable de connaître et de peindre tout un monde, mais surtout de contenter le monde chevaleresque et les cours somptueuses qui brillaient sur les sommets177. […] Comme Froissart et mieux que Froissart, il a pu peindre les châteaux des nobles, leurs entretiens, leurs amours, même quelque chose d’autre, et leur plaire par leur portrait. […] Chaucer, d’après eux, expliqua dans ses vers187 l’art d’aimer, les dix commandements, les vingt statuts de l’amour, loua sa dame, « sa délicieuse pâquerette, sa rose vermeille », peignit l’amour dans des ballades, des visions, des allégories, des poëmes didactiques, en cent façons. […] A-t-on jamais peint plus heureusement l’illusion humaine ? […] Le moine que peint Chaucer est un papelard205, un égrillard qui connaît mieux les bonnes auberges et les joyeux hôteliers que les pauvres et les hôpitaux.
Pour le peindre d’un trait, telle est, à cette aurore des lettres, sa verve, sa vigueur, sa sève de création, qu’il jette du premier coup sur le seuil de la poésie moderne trois Homères bouffons : Arioste, en Italie ; Cervantès, en Espagne ; Rabelais, en France. […] L’ode chante l’éternité, l’épopée solennise l’histoire, le drame peint la vie. […] La société, en effet, commence par chanter ce qu’elle rêve, puis raconte ce qu’elle fait, et enfin se met à peindre ce qu’elle pense. […] Il se mit à tourner autour de cette haute figure, et il fut pris alors d’une ardente tentation de peindre le géant sous toutes ses faces, sous tous ses aspects. […] Paroles remarquables qui peignent à merveille cette poésie fardée, mouchetée, poudrée, du dix-huitième siècle, cette littérature à paniers, à pompons et à falbalas.
Baudelaire lui-même n’a rien de commun, — quant à l’état de son âme, — avec les tortures morales qu’on prétend qu’il veut nous peindre. […] Et puis, est-ce trop de trois comédies pour peindre l’un des côtés les plus considérables assurément de la vie moderne ? […] Si donc, — comme nous le disions plus haut, — on ne saurait bien peindre que ce qu’on a bien pratiqué, le règne des jolies femmes était passé, celui des femmes laides était venu. […] Il chante moins volontiers qu’il ne peint ; et l’impression est d’autant plus durable. […] Il me semble qu’il serait temps d’en finir avec cette rengaine idiote qui consiste à dire que la meilleure manière de favoriser le vice, c’est de le peindre.
Eugène Delacroix aimait tout, savait tout peindre, et savait goûter tous les genres de talents. […] Qui trouva des mots propres à peindre ces fraîcheurs enchanteresses et ces profondeurs fuyantes de l’aquarelle anglaise ? […] » En effet, il faut peindre les vices tels qu’ils sont, ou ne pas les voir. […] Il me paraît en effet que celui qui ne sait pas tout peindre ne peut pas être appelé peintre. […] S’il peint la mer aucune marine n’égalera les siennes.
Mais comment peindre avec quelque vérité les catastrophes sanglantes narrées par Philippe de Comines, et la chronique scandaleuse de Jean de Troyes, si le mot pistolet ne peut absolument pas entrer dans un vers tragique ?
Sainte-Beuve L’auteur, pour peu qu’il s’apaise un jour et qu’il rencontre les conditions d’existence et de développement dont il est digne, me paraît des plus capables de cultiver avec succès la poésie domestique et de peindre avec une douce émotion les scènes de la vie intime ; car si Mme Blanchecotte (ce qui est, je crois, son nom) a de la
Il a notamment fixé son regard sur les animaux sauvages et domestiques et, souvent, il a peint leurs mœurs et leurs caractères avec une franchise et une vérité qui eussent réjoui le bon La Fontaine.
Il aime l’art et la liberté ; les causes désespérées l’attirent… Le livre est le reflet de l’homme ; on trouve dans ses vers les mêmes qualités d’élévation et de générosité ; la pensée n’y est jamais étroite ou banale ; les strophes s’élancent fièrement vers l’idéal et peignent bien cette vaillante nature de poète polémiste et de penseur.
Il avait peint des paysages et des marines sur la nudité des murs.
puisqu'il a encore ajouté en prose, dans une note, que le même Poëte est supérieur, dans la Tragédie, à Corneille & à Racine ; que Racine n'a su peindre que des Juifs, tandis que Phédre, Monime, Néron, Burrhus, Mithridate, Bajazet, Acomat, sont nés si loin de la Judée !
Il paraît avoir été peint il y a cent ans ; mais il est bien plus vieux encore pour la manière que pour la couleur.
Son Chat d’Angora qui guette un oiseau est on ne peut mieux ; physionomie traîtresse ; longs poils bien peints ; etc… Il y a de l’esprit, du mouvement, et de la chaleur dans l’esquisse de la Descente de Croix.
En général les morceaux de Machy sont gris ou d’un jaune de paille ; ce sont des ruines toutes neuves. à parler rigoureusement, il ne peint pas, c’est une estampe qu’il enlumine précieusement, avec un goût et une propreté exquise, aussi ses tableaux ont-ils toujours un œil dur et sec.
On parle du roman de Elle et Lui de Mme Colet, où Flaubert est férocement peint sous le nom de Léonce… Au dessert, Mme Doche se sauve à la répétition de La Pénélope normande qu’on doit jouer le lendemain, et Saint-Victor, qui n’a rien pour son feuilleton, l’accompagne avec Scholl. […] Et La Bruyère qui dit : « L’art d’écrire est l’art de définir et de peindre. » Là-dessus, Flaubert nous avoue ses trois bréviaires de style : La Bruyère, quelques pages de Montesquieu, quelques chapitres de Chateaubriand. […] Il nous entretient d’une création qui a fort occupé sa jeunesse, aussi bien que quelques-uns de ses amis, et surtout son intime, Poitevin, un camarade de collège qu’il nous peint comme un métaphysicien très fort, une nature un peu sèche, mais d’une élévation d’idées extraordinaire. […] Il nous peint ces triomphantes apoplexies des propriétaires dans leurs jardinets, après une rincette d’eau-de-vie, sous un coup de soleil de juin : natures perdues qui n’ont guère laissé d’héritiers que ce notaire de Daillecourt, qui ces années-ci, après un souper prolongé jusqu’à huit heures du matin, fit explosion, à table. […] Une salle blanchie à la chaux, où passe le tuyau d’un poêle, et où un Christ mal peint qui regarde un Napoléon en plâtre.
Il me peint le triste et humiliant spectacle de cet emballage, et Reiset, pleurant à chaudes larmes, devant « La Belle Jardinière » au fond de sa caisse, ainsi que devant un mort chéri, tout près d’être cloué dans le cercueil. […] À côté de moi, d’un remise descend un lignard, le visage terreux, le regard étonné, et que deux gardes nationaux portent sous les bras à l’église-ambulance, où se lit en lettres gothiques, tout fraîchement peintes : Liberté, Égalité, Fraternité. […] Le ciel est cendré de pluie, les coteaux carminés et verts apparaissent, peints de couleurs dures, avec des effacements aux endroits de brouillard, ressemblant aux gouaches de Houel, qui ont eu le frottement des cartons des quais, et la salpêtrisation de l’exposition en plein air. […] La route continue, continue, continue, pour cesser tout à coup, comme si le paysage était coupé net, entre une usine lézardée, étayée par des poutrelles, et un restaurant en planches peintes couleur de brique, et où se lit : École de natation du pont. […] J’arrive enfin à une amidonnerie, dont je vois, par le battant de la grande porte, des hommes abattre des grands arbres, et j’ai devant moi une redoute qui a des embrasures pour trois canons, et la Seine, comme Corot pourrait la peindre, à la fin d’une journée d’hiver.
. — Pourquoi il peint les maladies et les dégénérescences de la nature humaine. […] Cervantes, que vous imitez, et Shakspeare, que vous rappelez, ont eu cette finesse, et l’ont peinte ; dans cette large moisson que vous rapportez à pleins bras, vous avez oublié les fleurs. […] Enfin vous êtes obligé de vous guinder pour peindre l’amour ; vous ne trouvez que des épîtres compassées ; les transports de votre Tom Jones ne sont que des phrases d’auteur. […] La gravité lui déplaît, il la traite d’hypocrite ; à son gré, la folie vaut mieux, et il se peint dans Yorick. […] Y a-t-il rien de plus agréable à peindre qu’une ivresse de nuit, de bonnes trognes insouciantes, et la riche lumière noyée d’ombres qui vient jouer sur des habits chiffonnés et des corps appesantis ?
C’est dans ce qui échappe aux sens, c’est dans le monde invisible que l’art trouve le modèle qu’il doit s’attacher à peindre. […] Les premières statues étaient peintes ; la statuaire resta polychrome beaucoup plus longtemps qu’on ne l’avait cru jusqu’aux récents travaux archéologiques. […] Sans nul doute, l’auteur d’Hébal a peint sa propre nature dans ce personnage doué d’une intuition si pénétrante. […] Sainte-Beuve, des élégies en prose qui peignent avec discrétion et douceur les vicissitudes d’un noble attachement. […] L’homme n’a pas été créé dans cette ignorance où les traditions nous peignent la plupart des races avant les temps héroïques.
Est-ce que Molière, quand il nous peint l’avare ou l’hypocrite, nous fait aimer l’hypocrisie ou l’avarice ? […] Molière a peint la société de son temps. Est-ce que nos littérateurs modernes ont la prétention d’avoir peint la nôtre ? […] Au lieu de peindre l’homme meilleur, il ne s’est préoccupé que de le peindre plus fort. […] Ce n’est plus l’idéal que le roman cherche à peindre de nos jours ; c’est l’exagéré, le fantastique et le faux.
Glesener se contente de peindre ce qu’il a sous les yeux. […] La nature, il la peint de couleurs ravissantes, avec un souci de grâce et de poésie. […] Il excelle à peindre l’authentique réalité. […] Et voilà quelque trois cents années de tentative égoïste dûment regardées, jugées et peintes. […] Il peint large, et cependant avec précision.
J’en choisirai un seul, qui est très frappant, bien que le héros en soit ce Swann dont la pensée nous est peinte comme si paresseuse. […] Il ne sait pas peindre ces paysages qu’un vrai désir suggère à l’amant ; il ne sait pas violer la volonté adverse ; aller la chercher dans son réduit et la tourner vers soi ; il ne sait pas séduire. […] Il a peint, ou voulu peindre (car peut-être son dessein était-il irréalisable, ou impliquait-il pour l’être un génie qui ne s’est pas trouvé parmi ses représentants), il a donc voulu peindre l’objet tel que le démembre la conscience affective ; il a peint l’objet dans la conscience, mais non plus seulement tel qu’il se trouve au moment où il y tombe (comme le peignait l’impressionnisme), il l’a peint tel qu’il devient après y avoir séjourné, au moment où on se le rappelle, c’est-à-dire avec tous les prolongements, tous les vantaux, tous les pavillons affectifs qui se sont greffés sur lui et ont dissocié sa forme. […] Je parle par métaphore ; mais mon émotion était surtout de voir un sentiment et des êtres peints à la fois avec poésie et sans aucune déformation, dans un esprit de sympathie sans doute, mais de sympathie presque scientifique. […] Je ne peux pas pousser plus loin sans vous faire remarquer tout ce qu’un passage de cet ordre et de cette qualité apporte de nouveau dans l’art psychologique, dans l’art de peindre les sentiments.
On est fâché de voir le même Ecrivain qui fait si bien nous peindre l’avénement du Messie, la sublimité de sa doctrine, la sainteté de sa morale, l’éclat de ses miracles, les circonstances de sa passion, les ignominies de sa mort, donner dans des écarts, dont une sagacité aussi profonde & aussi déliée que la sienne auroit dû le garantir.
La plupart de ses Comédies offrent des caracteres neufs, peints avec finesse, & parfaitement soutenus.
Son portrait peint par lui-même a du feu, de l’action, de la vie ; mais il me plaît moins que celui de son beau-père.
c’est tout ce qu’il vous plaira d’imaginer de froid, de maussade, de mal peint ; couleur, lumières, figures, arbres, eaux, montagnes, terrasses, tout est détestable.
Il n’est personne qui n’admire le genie et la verve de Lucrece, l’énergie de ses expressions, la maniere hardie dont il peint des objets, pour lesquels le pinceau de la poësie ne paroissoit point fait : enfin sa dexterité pour mettre en vers des choses, que Virgile lui-même auroit peut-être desesperé de pouvoir dire en langage des dieux : mais Lucrece est bien plus admiré qu’il n’est lû.
C’est à sa manière un millénaire, un utopiste à imagination pieuse ; et les beaux résultats qu’il se peint à l’avance, le futur âge d’or de sa philosophie divine, cette espèce d’Éden plus ou moins retrouvé dès ici-bas, quelles que soient les épreuves de la crise dernière, ne lui paraissent pas trop chèrement payés. — Lui, de tous les hommes le moins semblable assurément à Condorcet, il lui arrive de rêver et de délirer comme lui. […] Il est toujours persuadé de la perfection de la nature, et il travaille à en peindre les Harmonies. Je voudrais bien savoir comment il s’y prendra pour nous peindre les harmonies de la colique, du buhon-upas.
Je vis avec de bonnes gens en les lisant ; dès que ce sont des romans de mœurs, les auteurs y peignent les mœurs de leur temps, et non celles du temps où vivait le héros. Ainsi (Mlle de) Scudéry, dans Cyrus, peint les mœurs et les idées des hôtels de Longueville et de Rambouillet. […] On lui faisait la description d’un de ses officiers qui n’avait pas le sens, qui était brutal, stupide, etc. : « Enfin, dit le roi, c’est un brave homme, c’est tout dire. » Il ne manquait à Louis XV que d’avoir dit ce mot-là pour achever de le peindre.
Je ne pourrais vous peindre l’étonnement et l’indignation qu’une telle audace excita chez elle : on vit qu’elle était bien loin de penser que les droits de l’homme pussent s’étendre jusqu’à prendre du tabac dans la boîte d’une grande dame, et quelqu’un lui dit avec malice : C’est un effet naturel de l’égalité. […] Molé, les vices de son temps, et il se piquait trop de les avoir pour négliger de se peindre par ce dernier aspect : il s’est donc montré aussi dans le père du jeune Saint-Alban, dans ce second personnage sybarite et relâché qui fait contraste avec le président, et qu’il a traité également avec complaisance. Il est permis de croire toutefois qu’il ne s’y est peint que de profil, et en se figurant par endroits qu’il ne nous présentait que le meilleur de ses amis.
Cuvillier-Fleury, qu’il n’est pas interdit aux amis d’en dire quelque chose, je désirerais à mon tour que la même liberté fût laissée, non pas aux indifférents (ceux qui ont lu ce recueil ne sauraient plus l’être pour Mme de Tracy), mais aux étrangers et aux curieux pleins de respect qui n’ont pas eu l’honneur directement de la connaître : comme esprit et comme cœur, elle s’est peinte suffisamment à eux dans ces pages. […] Il n’y a rien de mieux dans les Études de la nature, c’est de l’observation vivante et peinte, comme chez Bernardin de Saint-Pierre et Audubon. […] C’est à la comtesse Aimée de Coigny seule, à sa gracieuse figure, à son caractère facile et insouciant, que peuvent s’appliquer les traits particuliers sous lesquels André Chénier nous a peint si délicatement sa riante compagne d’infortune.
Ses Mémoires nous le peignent à ravir durant les quinze dernières années de l’ancienne monarchie jusqu’à l’heure où éclata la Révolution de 89. […] Mais ce nous est un vif regret que l’auteur, eût-il dû courir sur certains intervalles, n’ait pu mener son œuvre jusqu’à travers le xviiie siècle ; nul n’était plus désigné que lui pour retracer la suite et l’ensemble politique de ce temps encore neuf à peindre par cet aspect ; il s’y fût montré original en restant lui-même. […] La sérénité rentrée dans mon âme se peignit bientôt dans mes regards, et je vois déjà dans les yeux de ceux que j’appelais mes ennemis un étonnement et un sentiment de regret, de honte et de compassion bienveillante qui va presque à l’admiration et au respect… je suis heureux, bien heureux.
puisqu’aussi bien l’une était un éloge : c’est quand Pradon lui donne le talent de peindre « en vers frappants » la réalité vulgaire ; — et l’autre exprimait bien ce qu’il était et voulait être : c’est quand tous, successivement, lui reprochaient de n’être qu’un bourgeois, et de n’entendre rien au sublime des ruelles. […] Ainsi la tragédie ne peindra pas les individus, Néron ou Auguste, mais des types humains dans les apparences Auguste ou Néron. […] Car, ici, Boileau a subi le joug fâcheux de ses idées d’homme bien élevé : il a voulu imposer à la comédie le ton des salons, par suite il ne lui a laissé à peindre que la vie des salons.
Il est aussi conscient qu’on le peut être : il peindra donc surtout des inconscients, de ces êtres qui ne rentrent jamais en eux-mêmes, qui s’abandonnent sans défiance aux excès de parole et de mimique, qui sont le moins dans le secret de la comédie humaine, éternelles dupes et d’eux-mêmes et du monde extérieur. […] Il les peint exactes et vivantes, mais réverbérées, si je puis dire, dans l’esprit d’un vieux sage qui sait beaucoup et qui a beaucoup songé. […] Anatole France sait peindre, lui aussi, à la façon de Dickens ou de M.
Scène de concetti, où Lelio peint son amour à Fabio en feignant de connaître une dame qui l’aime tendrement. […] Fabio en est fort surpris, et s’étonne de voir son père rire ainsi au moment où il lui annonce un combat qu’il lui peint si terrible. […] Peint en 1671.
Ainsi les Peintres grouppent leurs figures ; ainsi ceux qui peignent les batailles mettent-ils sur le devant de leurs tableaux les choses que l’oeil doit distinguer, & la confusion dans le fond & le lointain. […] Il le peint ferme sur ses jambes ; mais il lui donne si bien la gaieté de l’ivresse, & le plaisir à voir couler la liqueur qu’il verse dans sa coupe, qu’il n’y a rien de si admirable. Dans la passion qui est dans la galerie de Florence, il a peint la Vierge debout qui regarde son fils crucifié sans douleur, sans pitié, sans regret, sans larmes.
Les moralistes connaissent et peignent à merveille les gens des hautes classes ; tous les genres tenant à la vie du monde se développent ; la poésie s’unit à la musique et à la danse dans l’Opéra et les ballets de cour ; mais cette floraison est compensée par de graves lacunes. La majorité des écrivains a beau appartenir à la bourgeoisie ; elle dépend économiquement du roi et de la noblesse ; aussi est-ce à peine si les mœurs bourgeoises apparaissent ça et là par de brèves échappées chez Molière, chez La Fontaine, chez Furetière, chez Boileau ; quant à la foule inconnue qui travaille et végète dans les bas-fonds de la société, si l’on se fût avisé de la peindre, Louis XIV eût dit sans doute comme devant les scènes populaires de Téniers : « Tirez-moi ces magots ! […] Molière y obéit encore, quand il s’efforce de tracer, non plus des portraits, mais des caractères, des types, quand il prétend peindre « l’avare » ou « le misanthrope ».
Ses amis d’alors, à cette époque si regrettable de sa jeunesse, au moment où il entrait si brillamment dans le monde (1770), nous l’ont peint sous cette première forme intéressante et expansive, se multipliant à plaisir, se distribuant volontiers à tous : M. de Condorcet est chez madame sa mère, écrivait Mlle de Lespinasse à M. de Guibert ; il travaille dix heures par jour. […] Elle l’a peint, d’ailleurs, dans un portrait officiel et fait pour être montré. […] Déjà pourtant, dans le premier Condorcet, un trait distinctif perçait sous cette apparente bonhomie et jusque dans cette bonté réelle : « Il a le tact le plus sûr et le plus délié pour saisir les ridicules et pour démêler toutes les nuances de la vanité ; il a même une sorte de malignité pour les peindre », disait Mlle de Lespinasse.
Énumérant toutes les jeunes personnes qu’elle-même avait à sa suite : « Nous étions toutes vêtues de couleur, dit-elle, sur de belles haquenées richement caparaçonnées ; et, pour se garantir du soleil, chacune avait un chapeau garni de quantité de plumes. » Cela nous la peint déjà, fière et de haute mine, grande pour son âge, ayant gardé du panache de son aïeul Henri IV toutes les plumes. […] La première Fronde, celle de 1648, ne lui fournit pas l’occasion de s’émanciper encore, et son esprit se borna à donner cours à ses préventions qu’elle ne prenait pas la peine de dissimuler : « Comme je n’étais pas fort satisfaite de la reine ni de Monsieur dans ce temps-là, ce m’était un grand plaisir, dit-elle, que de les voir embarrassés. » Lorsque la reine et la Cour, sur le conseil du cardinal, quittèrent Paris pour Saint-Germain dans la nuit du 6 janvier 1649, elle se fit un devoir de les accompagner, bien qu’elle fût loin de partager leurs pensées et leurs vues : « J’étais toute troublée de joie de voir qu’ils allaient faire une faute, et d’être spectatrice des misères qu’elle leur causerait : cela me vengeait un peu des persécutions que j’avais souffertes. » La légèreté, le désordre et la cohue de cette cour de Saint-Germain sont peints à ravir par une personne aussi légère et frivole que pas une, mais qui est véridique et qui dit tout. […] Elle nous peint en traits expressifs le moment où elle retrouve M. le Prince dans un des intervalles de l’action : Il était dans un état pitoyable, il avait deux doigts de poussière sur le visage, ses cheveux tout mêlés ; son collet et sa chemise étaient pleins de sang, quoiqu’il n’eût pas été blessé ; sa cuirasse était pleine de coups, et il tenait son épée nue à la main, ayant perdu le fourreau ; il la donna à mon écuyer.
Je n’ai donc point représenté les pays plus beaux qu’ils ne m’ont paru : je n’ai point peint les hommes meilleurs ou plus méchants que je ne les ai vus ; et j’ai peut-être été propre à les voir tels qu’ils sont, puisque je n’ai reçu d’eux ni bienfaits ni outrages. […] Saussure, on l’a dit, tout savant qu’il est, a de la candeur ; il a, en présence de la nature et à travers ses études de tout genre, le sentiment calme et serein des primitives beautés ; il se laisse faire à ces grands spectacles ; pour les peindre ou du moins pour en donner idée, pour dire la limpidité de l’air dans les hautes cimes, le frais jaillissement des sources ou de la verdure au sortir des neiges, la pureté resplendissante des glaciers, il ne craindra point d’emprunter à la langue vulgaire les comparaisons qui se présentent naturellement à la pensée, et que Volney, dans son rigorisme d’expression, s’interdit toujours ; il aura, au besoin, des images de paradis terrestre, de fées ou d’Olympe ; après un danger dont il est échappé, lui et son guide, il remerciera la Providence. […] Mais comment peindrai-je la nuit qui succéda à cette belle soirée, lorsqu’après le crépuscule la lune, brillant seule dans le ciel, versait les flots de sa lumière argentée sur la vaste enceinte des neiges et des rochers qui entouraient notre cabane ?