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1120. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXXIIe entretien. Socrate et Platon. Philosophie grecque. Deuxième partie. » pp. 225-303

XIX Il traite ensuite épisodiquement des formes du gouvernement oligarchique, qui périt par la cupidité et par hostilité qui s’établit entre les riches et les pauvres. Il définit aussi le gouvernement démocratique : « La démocratie arrive quand les pauvres, ayant remporté la victoire sur les riches, massacrent les uns, chassent les autres et partagent également avec ceux qui restent l’administration des affaires et les charges publiques, lesquelles, dans ce gouvernement, sont données par le sort pour la plupart. […] Carthage, société de commerce et de navigation, comme aujourd’hui la Grande-Bretagne, ne pouvait être qu’un gouvernement mixte de marins, de soldats, de sénateurs enrichis, de pauvres acharnés à s’enrichir ; un gouvernement à trois ou quatre pouvoirs contrebalancés par des intérêts ; l’or devait être au fond de toutes ses expéditions comme au fond de toutes ses pensées.

1121. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLIVe entretien. Madame de Staël. Suite »

Vite, vite, sauve ton pauvre enfant. […] Tu sais que je voyage à pied et en veste de toile, portant tout mon bagage dans un mouchoir de soie, au bout de la branche de houx que tu m’as donnée à Chambéry, quand nous allâmes visiter les Charmettes, ce pauvre Coppet de l’autre grand homme de Genève. […] Et cependant, pour en revenir aux considérations qui ouvrent ce récit et qui doivent le clore : quelle est la plus grande de cette femme de bruit ou d’une femme de silence, voilant jusqu’à son âme de la chaste pudeur de son sexe, renfermée dans l’ombre de son pauvre foyer conjugal, entre un époux qu’elle aime, des enfants qu’elle élève, des vieillards qu’elle honore, des infirmes qu’elle soulage, des misères qu’elle nourrit, des talents même qu’elle sacrifie à d’humbles devoirs ?

1122. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 novembre 1886. »

Et le peuple des amateurs, les artistes pauvres, venus grâce aux bourses de l’Association, ne mènent pas moins gaiement ces jours solennels de Bayreuth. […] L’étonnante Revue ne se contente pas de chercher à wagnériser les musiciens français, qui voudrait aussi wagnériser la langue française, parce que, dit-elle, dans l’état actuel de cette pauvre langue, il est impossible de raconter « une vie d’âme entière », la Revue vous indiquera le moyen de passer vos vacances mieux qu’au bord de la mer, dans une vraie mer d’incomparables délices. […] Mais tous ces passages me paraissent surpassés par l’émouvant retour d’une phrase tirée de l’Arioso de Fédès : « Ta pauvre mère », etc., dite cette fois en sanglotant par le cor anglais, et planant au-dessus d’un susurrement mystérieux en trémolo des cordes au moment où, vers la fin du second acte, le futur Roi-Prophète s’échappe pour écouter à la porte de la chambrette de sa mère, qui « dans son sommeil murmure une prière pour le fils ingrat ; une perle, fut-elle enfouie dans un fumier, vaut bien la peine qu’on la mette en lumière !

1123. (1891) Journal des Goncourt. Tome V (1872-1877) « Année 1876 » pp. 252-303

Il ne dormait pas, et pannotait jusqu’au matin, prenant ici un livre, là un papier, qu’au bout de très peu de temps, il envoyait derrière lui, sur le corps de Mme Villemain, couchée et dormant dans le lit conjugal, puis il passait à un autre livre, à un autre papier qui prenait bientôt le même chemin, en sorte que la pauvre femme confiait à une amie, que ses nuits étaient horribles, que ce n’était qu’une suite de sursauts, de peurs, de réveils brusques. […] Ce pauvre Fromentin, à notre dernier dîner de Brébant, qui eut lieu la veille de son départ, il m’accompagnait jusqu’à mon chemin de fer, et m’interrogeait sur mon roman, avec ce joli étonnement de son œil circonflexe. […] Je vais ainsi par le Bois, par la grande rue de Boulogne jusqu’au pont de Saint-Cloud, et, regardant un moment dans la Seine, le reflet du pauvre village ruiné, je reviens par le même chemin.

1124. (1906) La nouvelle littérature, 1895-1905 « Deuxième partie. L’évolution des genres — Chapitre II. La poésie lyrique » pp. 81-134

Sa bonté rayonnait sans qu’elle sût le bien : Quand ses mains pour le pauvre avaient rompu le pain, Le pain semblait plus blanc…                                                     Ah, tu l’aurais aimée ! […] Je ne veux pas parler, ô mon ami, j’ai peur D’éveiller les soucis et tout ce qui me guette, Mais sachez que le cœur du paisible poète Est un morne désert par l’ouragan noyé, Labouré, noir de sang et du vent balayé, Et que dans la maison où j’ai posé des pommes Pour parfumer un peu les livres que j’aimais La paix que je voudrais ne s’arrête jamais, Et que je suis, ce soir, le plus pauvre des hommes. […] Mme de Noailles ne s’en épouvante point : Pauvre faune qui va mourir Reflète-moi dans tes prunelles Et fais danser mon souvenir Entre les ombres éternelles.

1125. (1923) Au service de la déesse

Lefranc, n’a plus que ces pauvres petits documents qui font pitié. […] Mais enfin ces pauvres signatures révèlent à M.  […] La langue du moyen âge est pauvre. […] Or, il a fallu qu’on vînt chercher ce pauvre enfant et qu’on l’emmenât sur une brouette. […] pauvre Pierre ou Paul, un fantôme dans la pénombre !

1126. (1814) Cours de littérature dramatique. Tome III

Ce pauvre homme est cependant le Pindare et l’Horace de la poésie française. […] Il n’y a pas d’exemple d’un tel délire ; il n’y en a guère aussi d’un verbiage plus pauvre, plus lâche et plus indigne d’un bon écrivain. […] Triste hasard : triste est une épithète pauvre et vague ; et cette exclamation, que plus on est grand, etc., est bien plate. […] sur ce pauvre César, Si méchamment mis à mort par Brutus. […] Voilà un pauvre caractère et une fable bien mal tissue.

1127. (1914) Une année de critique

de toute sa force, et la rencontre si rudement que la pauvre petite tomba du coup. […] Le moyen de fortifier les émotions, c’est de les contenir ; la sentimentalité, c’est la sensibilité des pauvres. […] Mais nul doute qu’à vivre au milieu d’eux il ne finit par aimer les pauvres et les simples. […] Pauvre Brotteaux des Ilettes, qui discouriez aussi bien que M.  […] Pauvre petite !

1128. (1925) Dissociations

Rira bien qui rira le dernier. » Et ils vont bravement, aveuglément, s’embarquent dans toutes les difficultés, toujours sereins, toujours confiants : « Je ne suis pas naïve, disait la pauvre héroïne d’une récente aventure. […] Pauvre homme, quel mal il se donne pour n’être pas digne de beaucoup d’admiration ! […] Précisément un de mes amis a eu l’occasion d’assister, ces jours derniers, à une audience correctionnelle et il m’avouait en être sorti un peu effaré, tellement tombaient drus, sur les pauvres diables, les jours, les mois, les années de prison. […] Pour le moment, et nous sommes sans doute au faîte, la croisade se lève contre les pauvres filles qui viennent en France pour être institutrices : elles sont étrangères, elles ne peuvent être que des démons. […] Mais tout cela est mesquin, pauvre, et ne rappelle que bien médiocrement les vieilles baraques de jadis, si animées, si retentissantes.

1129. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Le cardinal de Bernis. (Fin.) » pp. 44-66

C’est beaucoup, dit-il, pour un cadet de Gascogne, si c’est peu pour un cardinal : Les premiers diacres de l’Église romaine n’en avaient pas tant, et je ne suis pas fâché d’être le plus pauvre des cardinaux français, parce que personne n’ignore qu’il n’a tenu qu’à moi d’être le plus riche. […] Le pauvre architecte jeta là son plan et s’en alla planter ses choux.

1130. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Marivaux. — I. » pp. 342-363

. — Marianne est une pauvre et jolie jeune fille qui est sans doute de grande naissance, mais dont les parents et tout l’entourage ont péri dans un carrosse qui allait à Bordeaux et par une attaque de voleurs. La pauvre enfant seule a été sauvée sans qu’on pût découvrir trace de son origine ; elle a été déposée dans le pays chez un curé dont la sœur l’a élevée.

1131. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « [Chapitre 5] — II » pp. 112-130

Cependant voilà le malheur du Français : on prend pour médecins des gens d’imagination (Silva), et pour ministres les robins qui ont le plus fréquenté la Cour, c’est-à-dire ceux qui ont le plus perdu leur temps et qui ont le plus négligé les pauvres et la justice. […] du seul archevêque de Bordeaux, mon oncle, lequel était un petit esprit, taquin et triste, grand économe, homme à vues bourgeoises, aimant sa maison avec orgueil, mais sans générosité, plein de lui et vide des autres, dur et sec, haïssable, et échappant seulement à la haine publique par son économie ; mais mon père et mes aïeux ont toujours passé dans leur temps pour gens francs, nobles, courageux et dignes de l’ancienne Rome, surtout de nulle intrigue à la Cour ; aimant la vie de province, ce qui est la vraie vie de la province ; riches ou pauvres, et cependant s’y faisant d’abord distinguer par les lumières de leur esprit et la bonté de leur cœur.

1132. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) «  Essais, lettres et pensées de Mme  de Tracy  » pp. 189-209

Quand on songe à toute la peine que ce pauvre petit oiseau a dû prendre pour construire un pareil édifice sans autre instrument que son bec et ses deux petites pattes, quand on pense à l’activité incessante qu’il est obligé de déployer pour nourrir une si nombreuse famille, on est partagé entre l’admiration et l’attendrissement. […] Toutes ces formes bizarres viennent de ce que ces pauvres arbres sont torturés dans leur jeunesse pour servir de clôture, et alors ils poussent comme ils peuvent et se tortillent dans tous les sens.

1133. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « François Villon, sa vie et ses œuvres, par M. Antoine Campaux » pp. 279-302

La mère de Villon était pauvre, ignorante et très pieuse. […] Ainsi la seule pièce de Millevoye, La Chute des feuilles, a produit toute une postérité de mélancoliques et d’infirmes gémissants ; La Pauvre Fille de Soumet a eu aussi sa génération malingre et plaintive.

1134. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « La femme au XVIIIe siècle, par MM. Edmond et Jules de Goncourt. » pp. 2-30

Quant à Mme de Luxembourg, qui peut-être, en accueillant si vivement l’ombrageux solitaire, caressait aussi l’auteur à la mode et qui put ensuite se refroidir en effet pour le pauvre méfiant attaqué de manie, on ne saurait lui voir, cependant, aucun tort sérieux, et les témoignages si redoublés que Rousseau accorde à « son cœur bienfaisant », ne sont pas moins significatifs que ceux par lesquels il rend hommage à son goût juste et sûr. […] M. de Choiseul se prosternait, se confondait à cette galanterie ; mais sa reconnaissance était maussade ; le pauvre homme était tout honteux.

1135. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Gavarni. »

Ce qui est également vrai et l’un des traits les plus essentiels à noter chez Gavarni, c’est l’humanité : il est satirique, mais il n’a rien de cruel ; il voit notre pauvre espèce telle qu’elle est et ne place pas très-haut sa moyenne mesure : il ne lui prête rien d’odieux à plaisir. Qu’on se rappelle, au milieu même des joies, des accidents burlesques ou des turpitudes de Paris le soir, cette figure de femme au bras d’un jeune homme, et qui se baisse vers un groupe de pauvres petits mendiants couchés à terre et endormis, avec cette légende : « Le plaisir rend l’âme si bonne ! 

1136. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Maurice comte de Saxe et Marie-Joséphine de Saxe dauphine de France. (Suite et fin.) »

» Et dans la suite de son histoire, il ne retire qu’en partie ces éloges et continue d’exalter la résistance désespérée de la pauvre femme, « résistance faite au nom du devoir, au nom de l’honneur !  […] Ils ne font tort qu’à ceux qui les emploient : « Ce pauvre corps gros, mou, sanguin, s’affaissa tout à coup.

1137. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Œuvres françaises de Joachim Du Bellay. [II] »

Tout ce qu’il croit savoir, c’est que la négligence de nos ancêtres a laissé notre langue « si pauvre et si nue, qu’elle a besoin présentement des ornements et comme des plumes d’autrui ». […] Bien qu’il ait annoncé précédemment qu’il ne tracerait pas l’idée complète et exemplaire du poète, il va pourtant le dépeindre et le présenter dans les conditions qu’il estime les plus favorables pour entreprendre une telle œuvre, c’est-à-dire doué d’une excellente félicité de nature, instruit dès l’enfance de tous les bons arts et sciences, versé dans les meilleurs auteurs de l’Antiquité, nullement ignorant avec cela des offices et devoirs de la vie humaine et civile, pas de trop haute naissance surtout ni appelé au régime public, ni non plus de lieu abject et pauvre, afin d’être exempt des embarras et des soucis domestiques, mais tranquille et serein d’esprit par tempérament et aussi par bonne conduite : il est touchant de lui voir définir cette heureuse médiocrité de condition et de circonstances, qui permet mieux en effet toute sa franchise de vocation et tout son essor au génie.

1138. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « M. DE BARANTE. » pp. 31-61

L’ensemble d’une telle querelle, entièrement politique et même mercenaire, où les Confédérés servirent surtout l’ambition de Berne, ne saurait donc s’assimiler que par une confusion lointaine à ce premier âge d’or helvétique, à cette défense spartiate et pure des petits cantons pauvres et indépendants. […] Elle-même finit par se faire sœur de charité dans l’établissement où le pauvre insensé achève de mourir20.

1139. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXVIIIe entretien. Fénelon, (suite) »

Il reçut ce coup avec sa sérénité habituelle. « J’aime mieux, dit-il à l’abbé de Langeron qui accourut pour lui apprendre ce malheur, que le feu ait pris à ma maison plutôt qu’à la chaumière d’une pauvre famille. » Cependant Bossuet fulminait de sévères censures contre le livre de Fénelon, à qui le roi enjoignit de quitter Versailles et de se rendre à Cambrai, sans s’arrêter à Paris. […] Ces pauvres gens étaient reçus comme des enfants, dont les plus malheureux avaient droit aux premiers soins.

1140. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre II. Littérature bourgeoise — Chapitre I. Roman de Renart et Fabliaux »

La littérature des hauts barons, d’abord : voici tous les thèmes et tous les lieux communs de l’épopée ; nous les reconnaissons au passage : voici la cour du roi, la guerre féodale naissant d’une partie d’échecs, où quelque preux se querelle avec le fils de l’empereur, le baron pauvre et mourant de faim dans son château, et tenant conseil avec ses fils ; voici les messagers qui vont et viennent entre les adversaires, au grand péril de leurs membres et de leur vie ; voici les formalités des procès en cour du roi, et du duel judiciaire. […] Dans l’un, c’est le type du garçon qui, vivant largement de son salaire, se met dans la misère en se mariant à une fille pauvre comme lui ; le dessin est juste : garçon, fille, parents, hésitations, accord, résolutions, regrets, discorde, tous les caractères et tous les sentiments sont marqués d’expressions précises à la fois et générales.

1141. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « La jeunesse du grand Condé d’après M. le duc d’Aumale »

Peu après commence pour le pauvre petit, sous la direction d’un Père jésuite et d’un vieux gentilhomme, une éducation impitoyable, à haute pression, que je remercie le ciel de m’avoir épargnée. […] Ici, bien que son père l’entretienne maigrement et refuse même un habit neuf au gouverneur de Bourgogne, le pauvre enfant respire un peu.

1142. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre quatrième »

Je suis fâché que la meilleure de ses satires soit le Pauvre Diable. […] Poète débutant, il avait manqué une des couronnes de l’Académie ; pauvre, les gens de lettres en renom l’avaient rebuté : Insensé, jusqu’ici croyant que la science Donnait à l’homme un cœur compatissant, Je courus à vos pieds plongé dans l’indigence ; Vous vîtes mes douleurs et mon besoin pressant.

1143. (1920) La mêlée symboliste. I. 1870-1890 « Les poètes décadents » pp. 63-99

Il n’avait pas eu besoin de me confier qu’il était pauvre. […] Non seulement ces pauvres diables mouraient littéralement de faim, mais leurs excursions dans le domaine de la pensée leur valaient toutes sortes de tracasseries de la part de l’administration.

1144. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XVIII. Formule générale et tableau d’une époque » pp. 463-482

» Molière esquisse en passant quelques pauvres paysans qui jargonnent leur patois en se laissant battre et berner par don Juan. […] Le pauvre homme en était tout désorienté.

1145. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — CHAPITRE VII »

Pour qu’il se repente, pour qu’il demande grâce, il faut que Léa noblement affligée du mal qu’elle a fait, vienne promettre à Camille un éloignement éternel ; il faut encore qu’il lise une lettre où la pauvre enfant, se sentant de trop, lui annonçait qu’elle allait mourir, puisque sa mort le rendrait heureux. […] Si elle l’évinçait par un refus net, le pauvre garçon serait réexpédié à Uzès par le train express.

1146. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Biographie de Camille Desmoulins, par M. Éd. Fleury. (1850.) » pp. 98-122

C’est un bon oreiller sur lequel ma conscience s’endort, dans l’attente du tribunal et de la postérité. » Pauvre Camille ! […] Pauvre Camille (cette exclamation me reviendra souvent) !

1147. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « L’abbé de Choisy. » pp. 428-450

Le pauvre homme, enfin, avec de l’esprit et bien des qualités aimables, était plus qu’en chemin de se rendre à tout jamais ridicule et méprisable dans la société, quand il commença à faire quelques réflexions sérieuses, auxquelles une maladie grave vint prêter appui. […] Choisy dut s’en excuser auprès du roi, qui lui dit pour toute parole : Cela suffit, et qui lui tourna brusquement le dos : « Je crus qu’il fallait laisser passer l’orage, ajoute le pauvre mortifié, et je m’en allai à Paris m’enfermer dans mon séminaire, où une demi-heure d’oraison devant le Saint-Sacrement me fit bientôt oublier tout ce qui venait de m’arriver. » Il ne fallait pas moins que cette oraison devant le Saint-Sacrement pour soulager l’abbé courtisan de la douleur d’avoir pu déplaire un instant à son maître, — à son autre maître.

1148. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mémoires de Marmontel. » pp. 515-538

Les jours de fête, il arrivait quelquefois à l’un des écoliers les plus favorisés quelque friand morceau ; ces jours-là le régal était en commun, et par une attention délicate, pour ne pas affliger les plus pauvres, celui qui avait reçu le morceau de préférence ne se nommait pas : « Lorsqu’il nous arrivait quelqu’un de ces présents, la bourgeoise nous l’annonçait : mais il lui était défendu de nommer celui de nous qui l’avait reçu, et lui-même il aurait rougi de s’en vanter. […] Ainsi, lorsqu’en janvier 1760, sortant de la Bastille, où il avait été détenu onze jours pour avoir récité en société une satire contre le duc d’Aumont, il va trouver le ministre, le duc de Choiseul, et qu’il essaie de l’émouvoir, d’obtenir qu’on lui laisse le privilège du Mercure avec lequel il soutient sa famille, ses tantes, ses sœurs, le discours qu’il se suppose en cette occasion et qu’il refait de mémoire est faux et presque ridicule : Sachez, monsieur le duc, qu’à l’âge de seize ans, ayant perdu mon père, et me voyant environné d’orphelins comme moi et d’une pauvre et nombreuse famille, je leur promis à tous de leur servir de père.

1149. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Mémoires de Daniel de Cosnac, archevêque d’Aix. (2 vol. in 8º. — 1852.) » pp. 283-304

Pauvres hommes, en qui si peu d’années de plus ou de moins déplacent si fort l’importance des points de vue, et qui se souviennent si inégalement des mêmes choses, selon la diversité des âges ! […] Le pauvre prince de Conti, qui nous apparaît ici dans toute son inconstance de caractère et sa muabilité, est invité à aller à Montpellier par le comte d’Aubijoux, gouverneur, et qui se fait une fête de le recevoir.

1150. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Bernardin de Saint-Pierre. — I. » pp. 414-435

En Russie, lorsqu’un jour l’impératrice Catherine sembla lui sourire, il ne souriait, lui, qu’à ce projet chéri de fonder une colonie aux bords du lac Aral, une colonie cosmopolite à l’usage de tous les étrangers pauvres et vertueux ; plus tard, il continuera en idée de vouloir transplanter quelque chose du même rêve aux rivages de Madagascar, puis en Corse, et plus tard encore vers les vagues espaces de l’ouest de l’Amérique, au nord de la Californie. […] Cet homme de génie, âgé de plus de quarante ans, si pauvre qu’il est obligé, quand il veut voir M. 

1151. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Voltaire et le président de Brosses, ou Une intrigue académique au XVIIIe siècle. » pp. 105-126

Le curé de Moëns, paroisse voisine de Ferney, a soutenu un procès à Dijon contre les pauvres de sa paroisse, qui se croyaient en possession de je ne sais quelle dîme (bien que, d’après l’ancien droit, une communauté d’habitants fût incapable de posséder une dîme) ; Voltaire prend feu, il fait appel au président : « Ayez compassion des malheureux, vous n’êtes pas prêtre. […] Un honneur qui ne produit rien est un bien pauvre honneur au pied du mont Jura… Voilà une belle ambition d’être seigneur du trou de Jeannot-Lapin !

1152. (1899) Esthétique de la langue française « Le cliché  »

Il y a, de jadis, un opuscule grotesque, maintes fois réimprimé et encore colporté ; c’est un Sermon en proverbes ordonné pour satiriser soit les gens qui évoquent trop, par la sagesse des nations, leur propre niaiserie, soit les prédicateurs qui répétaient toujours les mêmes exhortations vaines comme le vent qui égrène l’herbe des cimetières ; le pauvre auteur enfile donc avec un certain soin les proverbes les plus connus, jusqu’à faire quatre pages dont le sens est fort bien suivi et que l’on comprend, pourvu qu’on ne soit pas devenu hébété dès la première : « Prenez garde, n’éveillez pas le chat qui dort ; l’occasion fait le larron, mais les battus paieront l’amende ; fin contre fin ne vaut rien pour doublure ; ce qui est doux à la bouche est amer au cœur, et à la chandeleur sont les grandes douleurs. […] L’effort, même d’un pauvre d’esprit, à dire ingénuement son âme inachevée, est touchant comme la lutte d’un brin d’herbe contre une pierre ; la pierre est parfois vaincue.

1153. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Henri Heine »

Il a passé ses dernières années à draper décemment autour de son pauvre corps les plis d’une tunique mortuaire, sans oublier jamais son rôle de malade spirituel, sans une lamentation, une demande de grâce, sans même la raideur théâtrale du stoïcien. […] En roule, j’ai rencontré le Dieu des panthéistes, mais je n’ai su qu’en faire, ce pauvre être étant vague et tout mêlé au monde ; il y est emprisonné, et vous bâille au nez, sans volonté et sans pouvoir.

1154. (1864) William Shakespeare « Deuxième partie — Livre II. Shakespeare — Son œuvre. Les points culminants »

Ces pauvres insulteurs ne sont pas payés. […] Ce désespoir suprême lui est épargné de rester derrière elle parmi les vivants, pauvre ombre, tâtant la place de son cœur vidé et cherchant son âme emportée par ce doux être qui est parti.

1155. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Notes et éclaircissements. [Œuvres complètes, tome XII] »

Sans doute en adorant tous les vices divinisés, on adorait aussi les vertus ; mais le prêtre enseignait-il la morale dans les temples et chez les pauvres ? Son ministère consistait-il à consoler les malheureux par l’espoir d’une autre vie, à inviter le pauvre à la vertu, le riche à la charité ?

1156. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — Plan, d’une université, pour, le gouvernement de Russie » pp. 433-452

Lui-même ne tarde pas à pressentir d’instinct qu’il n’a rien de mieux à faire pour son bonheur que d’exceller dans la carrière qu’il suit, et qu’il a tout à espérer de ses progrès, rien de la protection ; leçon qui ne lui est que trop fréquemment et trop fortement inculquée par la vile et funeste prédilection des maîtres pour les enfants des riches et par leur utile sévérité pour les enfants des pauvres. […] Charlemagne, né dans un temps où lire, écrire et balbutier de mauvais latin n’était pas un mérite commun, fonda notre pauvre université ; il la fonda gothique, elle est restée gothique telle qu’il l’a fondée ; et malgré ses vices monstrueux, contre lesquels les hommes instruits de ces deux derniers siècles n’ont cessé de réclamer et qui subsistent toujours, on lui doit la naissance de tout ce qui s’est fait de bon depuis son origine jusqu’à présent.

1157. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Loutherbourg » pp. 258-274

Arbres lourds, mauvais ciel, à l’ordinaire ; pauvre paysage. […] Il ne se meut point, il ne fuit point ; il pèse sur ces pauvres bêtes.

1158. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Nisard » pp. 81-110

Et qui se révoltait, comme toutes les bégueules se révoltent, parce qu’elles n’entendent rien, ces pauvres diablesses, indigentes d’imagination, à la grâce de certaines faiblesses qui font le bonheur de la vie ! […] Tel est le coup de pied ferré à la glace qu’il détache dans les jambes, non de Byron mourant, mais de Byron mort. « Ne crève pas mes pauvres yeux, Hubert ! 

1159. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « I — L’art et la sexualité »

L’homme qui dès lors, a l’âge de l’amour, se livre aux voluptés solitaires et s’enferme en son propre être, ne jouit que de lui-même, de son pauvre et triste moi. […] Ce que le solitaire peut nous inspirer, après l’étonnement ou la colère, c’est un sentiment de profonde pitié que mérite à tous égards ce naufragé de la vie, dont les larges flots n’ont pu épanouir les pauvres et tristes sens.

1160. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Appendice. — Post-scriptum sur Alfred de Vigny. (Se rapporte à l’article précédent, pages 398-451.) »

Tout cela est, en vérité, de bien bon augure pour ces pauvres Poèmes ressuscités d’entre les morts. » Cet autre, c’était M. 

1161. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « VICTORIN FABRE (Œuvres mises en ordre par M. J. Sabbatier. (Tome II, 1844.) » pp. 144-153

Ce pauvre Athénée, qui est aujourd’hui tout à fait tombé en enfance et qui s’est converti au néo-catholicisme sur ses derniers jours, se maintenait alors dans la verdeur d’une vieillesse encore respectée.

1162. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Études sur Blaise Pascal par M. A. Vinet. »

Vinet pour l’entendre, — une pauvre classe de collége, toute nue, avec de simples murs blanchis et des pupitres de bois.

1163. (1874) Premiers lundis. Tome II « La Revue encyclopédique. Publiée par MM. H. Carnot et P. Leroux »

Mais, toute souffrante qu’elle est incontestablement, tout exposée qu’on la voit aux fléaux de la nature et à l’incurie de ses guides, cette pauvre humanité ne paraît pas empressée de courir à l’un plutôt qu’à l’autre de ces paradis terrestres qu’on lui propose.

1164. (1874) Premiers lundis. Tome II « Adam Mickiewicz. Le Livre des pèlerins polonais. »

Aujourd’hui, c’est un coin politique et historique ; demain, une poésie ou une rêverie mélancolique ; après-demain, quelque roman sanguinaire ou licencieux, puis tout d’un coup une chaste et grave et religieuse production ; il faut que la pauvre critique aille toujours à travers cela, il faut qu’elle s’en tire, qu’elle s’en teigne tour à tour, qu’elle voie assez de chaque objet pour en jaser pertinemment et d’un ton approprié.

1165. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre V. Transition vers la littérature classique — Chapitre II. La langue française au xvie siècle »

Ils en aimaient donc la pureté, ils en respectaient la propriété : mais ils le sentaient pauvre et maigre, et où il défaillait, ils tâchaient de le refaire et compléter.

1166. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre II. Les formes d’art — Chapitre I. La poésie »

Voltaire est exquis, quand il lâche la bride à sa verve et se moque de tout ce qui le gêne, hommes et choses : il arrive dans le Pauvre Diable, dans les Systèmes, dans la Vanité, à égaler sa prose par ses vers.

1167. (1887) Discours et conférences « Discours lors de la distribution des prix du lycée Louis-le-Grand »

Ce pauvre XIXe siècle dont on dira tant de mal, aura eu ses bonnes parties, des esprits sincères, des cœurs chauds, des héros du devoir.

1168. (1913) Le bovarysme « Première partie : Pathologie du bovarysme — Chapitre IV Le Bovarysme des collectivités : sa forme imitative »

Il semble en effet difficile de faire honneur à l’antiquité, si pauvre sous ce rapport, de l’étonnant essor de l’esprit scientifique et il paraît plus équitable de voir, en cette manifestation de l’esprit où excellera l’humanité moderne, le fruit venu à maturité de la discipline et de l’ardeur intellectuelle du moyen âge.

1169. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des romans — Préfaces de « Han d’Islande » (1823-1833) — Préface d’avril 1823 »

À ce terrible avis, le pauvre auteur Obstupuit ; steteruntque comæ ; et vox faucibus hæsit ; c’est-à-dire qu’il n’a trouvé d’autre expédient que de laisser dans les limbes, d’où il se préparait à la tirer, cette dissertation, vierge non encor née 2, comme parle Jean-Baptiste Rousseau, sur laquelle grondait une si juste et si rude critique.

1170. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre premier. »

Quel mal avaient fait ces pauvres conviés et ces échansons ?

1171. (1879) Balzac, sa méthode de travail

Je te ferme ma porte… Mais toi, pauvre grand homme qui as usé tes genoux à poursuivre l’art, prends place au milieu des penseurs et couvre-toi de cette couronne glorieuse.

1172. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre XI. Première partie. Conséquences de l’émancipation de la pensée dans la sphère des idées religieuses » pp. 315-325

Serait-ce, par hasard, que le captif de Savone et de Fontainebleau, l’héritier du pauvre pêcheur, avec ces paroles qui contenaient les menaces du ciel, aurait frappé de vertige l’homme contre lequel l’Europe a dû finir par se croiser ?

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