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925. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « L’ancien Régime et la Révolution »

L’état actuel de la France politique lui fait dire encore que les hommes du xviiie siècle, nos pères en corruption, « valaient mieux « que nous. Ne méprisons pas nos pères !

926. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Joubert » pp. 185-199

Il avait été ébauché par un médecin maladroit ou préoccupé, car c’était un médecin que son père, un médecin qui faisait pour son compte des enfants malingres, et qui défaisait probablement, pour le compte des autres, des enfants très sains ! […] Rendu ; Platon en habit gris, que nos pères ont pu coudoyer, qui faisait des visites du matin et du soir comme le premier ennuyeux venu de notre connaissance, qui allait baiser la main de Mme de Vintimille ou de Mme de Beaumont avant de rentrer chez lui baiser celle de sa femme, car il ne connaissait que d’honnêtes femmes, cet honnête homme de Platon là, et il n’allait pas comme l’autre Platon, Platon le Grand, dire ses vêpres chez ces immenses coquines, Aspasie, Phryné et Laïs.

927. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « La Grèce antique »

Là, le fils porte à peine le nom de son père, mais le petit-fils ne le porte plus. […] Assurément, le Christianisme, qui élève les mœurs de la famille à une hauteur après laquelle il n’y a plus à monter, le Christianisme, qui remplace le despotisme du père par l’intervention de la mère et des autres parents, devait avoir de mortelles peines à s’établir dans un pays où ne subsistait pas la famille au sens que ce mot rappelle à nos affections comme à nos devoirs.

928. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « L’Angleterre depuis l’avènement de Jacques II »

Jacques II, lui, fut chassé pour avoir cru que les concessions avaient perdu son père et pour avoir voulu maintenir la prérogative que, dans sa conscience, il croyait son droit. […] On lui a fait un crime de stupidité de n’avoir pas accepté le droit nouveau, ce droit qui, pour lui, était né dans le sang de la tête coupée de son père, et c’était comme si on lui eût reproché d’être Stuart, catholique, lui-même !

929. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XI. MM. Mignet et Pichot. Charles Quint, son abdication, son séjour et sa mort au monastère de Yuste. — Charles V, chronique de sa vie intérieure dans le cloître de Yuste » pp. 267-281

Philippe II, lui, le vrai moine sans être au monastère, Philippe II, le véritable Roi Espagnol, s’effraie de cette guerre voulue si énergiquement par son père. […] son fils respectueux, le roi Philippe, prit, quand elles furent froidies, dans ses mains les cendres de son père et les jeta du haut de cette montagne aux quatre coins de l’horizon.

930. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « Le comte de Gobineau » pp. 67-82

Les Pères dominicains n’ont pas voulu qu’on réhabilitât, si possible était, la mémoire du Pape qui avait touché à la robe blanche de Savonarole le dominicain, le Luther d’avant Luther, le Calvin d’avant Calvin, le Jansénius d’avant Jansénius ; le précurseur, enfin, de cette diabolique Trinité ! […] Dans la superbe scène avec Lucrèce qui commence la première partie de La Renaissance, Alexandre juge, il est vrai, l’ambition de son fils avec trop d’entrailles paternelles et cette admiration politique qui ôte ordinairement les entrailles à ceux qui en ont, excepté, apparemment, aux pères pour leurs fils.

931. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « MM. Jules et Edmond de Goncourt » pp. 201-216

Nous ressemblions à ces oncles-là ; mais nos faiblesses de cœur, à nous, étaient pour nos coquins de pères ! […] Le fils de Don Juan s’est assez mûri et froidi pour juger son père… Il n’est pas, en effet, de siècle plus scélérat parmi tous les siècles.

932. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Horace Walpole »

Il latinisait, comme Trissotin, sur la maison de son père : Ædem Walpolianam. […] Les spectacles que lui avait donnés Robert-le-Diable, son père, lui avaient appris à les mépriser.

933. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Dargaud »

En effet, depuis que le symbole de nos pères a cessé d’être pour la majorité d’entre nous le vrai et l’unique symbole, et que la Foi, comme un flambeau renversé, s’est éteinte dans la poussière des traditions abandonnées, il s’est élevé une nombreuse race d’hommes qui se disent religieux pourtant, et qui ont remplacé les formes nettes et les dogmes arrêtés du catholicisme par les aspirations maladives d’une vague religiosité. […] Je pourrais bien citer encore tous les dialogues, sans exception, rapportés par lui, entre son père et son vieil oncle le curé, toutes ces conversations dans lesquelles la science et la foi du prêtre finissent toujours par un peu trop se taire devant les raisons du libre penseur.

934. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Edgar Quinet. L’Enchanteur Merlin »

C’est un génie né de plusieurs pères, et qui, justement parce qu’il n’en faut qu’un, ressemble à trop de gens pour pouvoir ressembler jamais beaucoup à personne. […] Dans son épopée, burlesque sans gaieté et criminelle avec niaiserie, le bon Merlin, « qui n’a pas été éclipsé par la splendeur du Christ » (textuel), s’est donné pour mission de convertir Satan, son père, et de supprimer l’enfer !

935. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Xavier Aubryet et Albéric Second » pp. 255-270

Il est même, au contraire, de naturel, d’étude et d’ambition, ce que nos pères appelaient autrefois un homme de lettres. […] Je n’en conviens pas moins que Balzac est réellement un des pères et des fomenteurs de cette littérature parisienne, qui est de la chronique aujourd’hui, et qui ne sera plus que de l’archéologie demain.

936. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Arsène Houssaye » pp. 271-286

Arsène Houssaye se rattache par là à Balzac, le Père à tous dans les romans futurs du xixe  siècle. […] On a fait boire ce petit verre d’absinthe à tous les écrivains qui ont pris le vice à poignées, pour le montrer mieux, depuis le grand Molière, père de Tartufe, jusqu’au grand Balzac, père de madame Marneffe !

937. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Le Sage » pp. 305-321

Avocat, sans causes, au Parlement, et père de quatre enfants, eu proie à ces tortionnantes délices paternelles qu’on savoure quand on n’a pas le sou, doué d’une intelligence plus apte à s’assimiler qu’à produire, il suivit le conseil de son protecteur, l’abbé de Lyonne, d’étudier la langue espagnole pour traduire des livres espagnols, et il se trempa dans l’Espagne des livres, au lieu de se tremper dans l’Espagne de la réalité. […] Il aurait certainement été plus heureux avec les imbéciles d’aujourd’hui… Ils lui eussent payé cher ses lignes… S’il avait vécu dans cette glorieuse et adorable époque, il aurait peut-être gagné autant d’argent qu’Alexandre Dumas, le Roi du Feuilleton, à liste civile, — par parenthèse, le seul descendant de l’auteur de Gil Blas qui ait, je crois, dit un jour du mal de son père, pour faire croire probablement qu’il n’en était pas le fils… « Il faut égorger ceux qu’on pille », disait Rivarol.

938. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Arthur de Gravillon »

Hamlet ne pleure-t-il pas son père pédantesquement et comme un écolâtre de l’université de Wittemberg ? […] , plus turbulente que celle de La Bruyère, — le seul coloriste et le seul pittoresque pourtant, dans le sens moderne, que le xviie  siècle ait produit, car Fénelon n’est qu’une bergerie et Bossuet ce n’est pas un reflet, mais un embrasement de la Bible et des Pères, — vous n’en trouverez pas d’autres le long de cette galerie de trente-six dévotes, dont les noms choisis : Pétronille, Scholastique, Dosithée, Gorgonie, Hilarione, etc., rappellent les noms, admirablement appropriés à ses types, du grand moraliste du xviie  siècle : Gnaton, Cléophile, Acis, Ménalque, Onuphre, etc., etc., noms que le génie a touchés de son phosphore et qui sont à l’état de choses inextinguibles dans nos esprits !

939. (1914) En lisant Molière. L’homme et son temps, l’écrivain et son œuvre pp. 1-315

» — « C’est un grand vice d’être avare et de prêter à usure ; mais n’en est-ce pas un plus grand à un fils de voler son père et de lui manquer de respect ? […] Qui est-ce qui disait donc qu’il n’est pas homme de qualité et que son père n’était pas bon gentilhomme ? […] Et ne faire que cela est une abdication de l’homme comme père de famille, comme citoyen et comme homme. […] Elle dit sa volonté à son père avec des révérences respectueuses qui ressemblent à des actes respectueux et elle se montre peu pourvue de piété filiale. […] Elle ne discute pas avec son père, ou à peine, mais elle discute avec Thomas Diafoirus et avec la femme de son père, nettement, précisément, spirituellement, sans lâcher pied, sans perdre la tête et sans que les injures la fassent sortir un instant de son sang-froid.

940. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre cinquième. La Bible et Homère. — Chapitre premier. De l’Écriture et de son excellence. »

Or, il est certain qu’on trouve dans l’Écriture : L’origine du monde et l’annonce de sa fin ; La base des sciences humaines ; Les préceptes politiques depuis le gouvernement du père de famille jusqu’au despotisme ; depuis l’âge pastoral jusqu’au siècle de corruption ; Les préceptes moraux applicables à la prospérité et à l’infortune, aux rangs les plus élevés, comme aux rangs les plus humbles de la vie ; Enfin, toutes les sortes de styles ; styles qui, formant un corps unique de cent morceaux divers, n’ont toutefois aucune ressemblance avec les styles des hommes.

941. (1909) Nos femmes de lettres pp. -238

Et de même qu’à certains traits moraux s’affirmant soudain chez l’enfant, le père adoptif prend conscience de l’abîme qui les sépare, nous tous qui sommes de pure tradition française, pouvons discerner chez cette Française d’adoption des éléments inassimilables. […] Celui-ci se marie, épouse une de ses amies précisément, et devient père d’une nombreuse famille. […] N’est-ce pas un signe des temps que les artistes aient pris à leur compte quelques-uns des préjugés qu’ils ridiculisaient chez nos pères ? […] On pourrait citer quelques exemples de ce désaveu, où ce n’est pas le père qui renie son enfant, mais ce dernier qui entend rompre tous liens avec celui dont il reçut la vie ! […] Et si ce n’était froisser les justes sentiments d’une fille pour un père auquel elle doit tant, je n’hésiterais pas à indiquer une préférence sur laquelle je me reprocherais d’insister davantage.

942. (1880) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Première série pp. 1-336

Pour qu’un chant soit sublime, ce n’est évidemment pas assez que la voix de nos pères l’ait « entonné ». Car enfin, que n’a-t-elle pas entonné, la voix de nos pères ? […] En 1694, Bossuet interprète la doctrine des Pères avec une rigueur qu’on était loin d’y mettre en 1673. […] Le père était « mort bon Français182 » ; le fils, dont l’Europe ne sait rien encore, se croira-t-il lié par la parole du père ? […] Nous sommes plus près de nos pères que nous ne voudrions le croire dans notre ardeur inconsidérée d’être originaux et de ne dater que de nous-mêmes.

943. (1861) La Fontaine et ses fables « Deuxième partie — Chapitre I. Les personnages »

Enjoignons aux pères de famille de faire la diminution sur chacun d’eux aussi juste que pourra. […] Le parvenu se croit expert et vainqueur en toutes choses, en matière de femmes comme en fait de politique ; il est jusqu’au ventre en la litière ; mais il a beau faire, on devine son père l’âne. […] Du haut de son expérience improvisée, il contemple avec mépris la génération arriérée qui le précède, et sourit d’un air de grand homme, savant et pédant, en pensant à son père, « pauvre sire qui n’osait voyager, craintif au dernier point. » Cette vanité de bourgeois lui porte malheur. […] Tous les enfants Qui vous sont passés par les dents N’avaient-ils ni père ni mère ? […] Cher prince, malgré moi cependant je gémis, Je pleure ; pardonnez, tout l’Etat trouve un père.

944. (1896) Journal des Goncourt. Tome IX (1892-1895 et index général) « Année 1895 » pp. 297-383

Je lui contais alors, qu’Eisen père avait développé le talent de son fils, le merveilleux vignettiste du xviiie  siècle, en lui faisant faire chez lui, des copies de mémoire, des tableaux de musées, devant lesquels il allait passer des heures, deux ou trois jours de suite. […] À l’église, le pauvre père, dont les arrangements avec Fasquelle, me disait Zola, avaient été faits en vue de la continuation de la dynastie des Charpentier, dans l’affaissement de sa douleur, a l’aspect d’un vieillard. […] Et cette connaissance de l’histoire de l’Empereur, lui est arrivée par des livres en langue hollandaise, que son père avait apprise de son maître, un médecin hollandais. […] Gigoux se révèle dans quelques portraits, entre autres, dans un portrait de Delacroix, comme un lithographe de premier ordre, et Achille Devéria, parmi de nombreux portraits, offre à nos regards deux très curieux et très remarquables portraits de Mérimée et de Dumas père. Et ce sont des Delacroix et des Raffet, des Raffet, où se trouve une épreuve d’un tirage exceptionnel, avec une poésie de Dumas père l’encadrant.

945. (1856) Cours familier de littérature. II « Xe entretien » pp. 217-327

Mon père et ma mère m’ont trop souvent raconté depuis ce singulier hasard de mon enfance pour qu’il ne se soit pas gravé dans ma mémoire et pour que je ne le compte pas au nombre des bonnes fortunes de ma vie. […] Mon père, ma mère, Gibbon, et quelques amis des deux voisins, furent une seule famille. […] La fin de l’automne sépara tout ; Gibbon repartit pour l’Angleterre, mon père et ma mère pour la France. […] Je fus frappé et attiré par sa noble figure de gentilhomme de campagne qui me rappelait celle de mon père. […] Dans le fils je n’ai vu que le père et la mère. « Tu peux me frapper tant que tu voudras, au visage ou au cœur », me suis-je dit en lisant le nom de ce jeune écrivain au bas de la page ; « je ne me défendrai pas contre toi ; tu n’es pas un homme pour moi, tu es un respect et une reconnaissance.

946. (1858) Cours familier de littérature. VI « XXXIIe entretien. Vie et œuvres de Pétrarque (2e partie) » pp. 81-155

Son fils Jean, que l’oisiveté entraînait à la licence, déroba à son père l’argent qu’il avait épargné pour ses deux enfants. […] La beauté, la vertu, la docilité de sa fille et le caractère accompli de son gendre adoucirent les regrets de la mort d’un fils peu digne d’un tel père. […] Cette ressemblance le rendait plus cher à son père et à sa mère, et même à Galéas Visconti, tellement que lui (le seigneur de Milan), qui avait appris d’un œil sec la mort de son petit enfant, ne put apprendre la mort du mien sans verser des larmes. […] Mon premier mouvement a été d’aller sur le tombeau de mon père lui dire les derniers adieux et mêler mes larmes aux vôtres ; mais, depuis que j’explique ici en public la Divine Comédie du Dante, il y a dix mois, je suis attaqué d’une maladie de langueur qui m’a tellement affaibli et changé que vous ne me reconnaîtriez plus. […] « Je m’en approchai comme si j’étais venu m’agenouiller au sépulcre de mes pères.

947. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXIIIe entretien. Fior d’Aliza » pp. 177-256

Son père, colonel d’un des régiments de milice levés par M.  […] Ma nomination à Naples, les espérances que cette carrière ouverte donnait à mon père, mon séjour de quelques semaines à Mâcon, mes instances auprès de mes oncles et de mes tantes amenèrent à bien les négociations ; je partis avec l’autorisation de tout le monde et avec des assurances d’héritages, après la mort de grands parents, qui rendaient ma fortune au moins égale à celle de ma femme. […] L’illustre comte de Maistre, mon allié par le mariage de la plus charmante de mes sœurs, madame Césarine, comtesse de Vignet, avec un neveu du comte de Maistre, me servit de parrain, chargé des pouvoirs de mon père. […] Toutefois cette ivresse avait, pour moi seulement, quelque arrière-goût de mélancolie, en songeant à Graziella, cette fleur précoce que j’avais cueillie dans la même île, et en revoyant de loin sur Procida les ruines de la cabane de son père, abandonnée aux ronces depuis la mort de la jeune fille, et marquant l’horizon d’une borne funèbre dans le passé, comme il devait l’être si souvent dans mon avenir. […] Les malheurs d’un père obligé à travailler jusqu’à satiété pour vivre et pour faire vivre ceux qui se sont compromis pour lui et pour leur patrie, sont un triste héritage à recueillir.

948. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XVI. La littérature et l’éducation publique. Les académies, les cénacles. » pp. 407-442

Erasme, parmi les questions débattues, cite celles-ci148 : « Cette proposition : Dieu le père déteste son fils, est-elle possible ? […] Chacun sait comment le pauvre Gargantua commença par être mis aux mains d’un « sophiste ès lettres latines », lequel lui faisait apprendre par cœur, puis redire à l’envers une grammaire et une logique, si bien que le jour où on voulut l’examiner, « il se print à plorer comme une vache, et se cachoit le visage de son bonnet, et ne fut possible de tirer de lui une parole. » Son père, Grandgousier, qui voit alerte, dispos, maître de sa langue et de ses idées, un garçonnet de douze ans élevé de façon moins surannée, entre dans une colère terrible contre les pédants dont « le sçavoir n’est que besterie abastardissant les bons et nobles esprits. » On décide alors de refaire l’éducation du géant, fils de prince, et son nouveau précepteur lui apprend tant et de si belles choses que l’élève devient habile, non seulement à sauter, lutter, nager, botteler du foin, mais encore à sculpter, peindre, jouer du luth, faire des vers, et qu’il peut deviser avec les docteurs comme avec les artisans. […] Ecoutez l’un d’entre eux161 : « On nous élevait, dit-il, dans les écoles de Rome et d’Athènes et dans la fierté de la République, pour vivre dans l’abjection de la monarchie et sous le règne de Claude et de Vitellius, gouvernement insensé qui croyait que nous pourrions nous passionner pour les pères de la patrie, du Capitole, sans prendre en horreur les mangeurs d’hommes de Versailles et admirer le passé sans condamner le présent !  […] Voltaire, repoussé plusieurs fois, multipliera les tours d’adresse pour se faire admettre et il n’entrera que grâce à un certificat de bon catholique arraché à la complaisance d’un père jésuite. […] Elle ferme obstinément ses portes à Balzac, à Dumas père, à Michelet.

949. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1860 » pp. 303-358

« Non, je n’ai aimé bien réellement que mon père, ma mère, mon enfant !  […] Juin Un curieux monument de l’éducation donnée par les pères de famille à leurs enfants sous Napoléon Ier. Le père d’un mien parent, lui avait dit : « Il faut que tu saches le latin, on peut se faire comprendre partout quand on sait le latin. […] On en sort à la voix du président qui, s’adressant au père de l’enfant, un mendiant idiot, lui reproche de n’avoir pas développé le sens moral dans son enfant. À ce mot le père semble vaguement chercher une araignée au plafond.

950. (1856) Cours familier de littérature. I « IIIe entretien. Philosophie et littérature de l’Inde primitive » pp. 161-239

Nous avons les mêmes passions que nos pères, parce que nous avons les mêmes organes, et que la même lutte établie en nous par la nature entre la raison, qui est l’instinct de l’âme, et les passions, qui sont l’instinct de la matière, rompt aussi souvent en nous qu’en eux l’équilibre sans cesse rompu par le mal, sans cesse rétabli par le bien, pour se rompre encore. […] Il n’y a aucune métaphore à dire ce qu’ont dit nos pères et ce que diront nos enfants : Globe pétri de cendre et de larmes. […] J’avais passé mes jeunes années avec les garde-chasses, les curés de village, et les gentilshommes de campagne qui découplaient leurs meutes avec celles de mon père. […] XXXII « Cette lecture me fit comprendre et sentir, mieux que la lecture même des dogmes religieux de l’Inde, la beauté, la vérité, la sainteté de cette doctrine, qui interdit aux hommes, non seulement le meurtre sans nécessité absolue, mais même le mépris des animaux, ces compagnons et ces hôtes de notre habitation terrestre, hôtes dont nous devons compte à notre Père commun, comme des êtres supérieurs d’intelligence et de force doivent compte des êtres inférieurs qui leur sont soumis. […] Je suis le sacrifice ; je suis le culte ; je suis l’encens ; je suis l’invocation ; je suis les cérémonies qu’on fait aux mânes des ancêtres ; je suis les offrandes ; je suis le père et la mère de ce monde, l’aïeul et le conservateur.

951. (1857) Cours familier de littérature. III « XVIIIe entretien. Littérature légère. Alfred de Musset » pp. 409-488

S’il est beau d’être enfant, il est beau d’être homme, fils, époux, père penché gravement sur les devoirs pénibles de l’existence, artiste sérieux, citoyen utile, philosophe pensif, soldat de la patrie, martyr au besoin d’une raison développée par la réflexion et par le temps. […] Son père, administrateur par état, était homme de lettres par goût ; il avait profondément étudié J. […] Tu as été élevée sous ce règne terre à terre où la France de 1830, antichevaleresque et antilibérale tout à la fois, s’était fondu un trône à son image avec des rognures d’écus entassées dans ses coffres-forts, et où le matérialisme de la jouissance ne prêchait pour toute morale aux enfants de tels pères que le mépris de toute noble intellectualité ! […] Y a-t-il là de quoi tant se vanter de sa jeunesse, et de quoi tant mépriser ses pères ? […] cela porte malheur de déshonorer ses pères !

952. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Robert » pp. 222-249

Robert C’est une belle chose, mon ami, que les voyages ; mais il faut avoir perdu son père, sa mère, ses enfans, ses amis, ou n’en avoir jamais eu, pour errer par état sur la surface du globe. […] Celui-ci vous dira qu’il est consumé du désir de connaître, qu’il s’éloigne de sa patrie par zèle pour elle, et que s’il s’est arraché des bras d’un père et d’une mère et s’en va parcourir à travers mille périls, des contrées lointaines, c’est pour en revenir chargé de leurs utiles dépouilles ; n’en croyez rien : surabondance d’énergie qui le tourmente. […] L’endroit où l’on décidait du sort des nations et des rois, où des courtisans venaient en tremblant étudier le visage de leur maître, où trois brigands peut-être échangèrent entre eux les têtes de leurs amis, de leurs pères, de leurs mères contre les têtes de leurs ennemis, qu’est-ce à présent ? […] J’aimerais bien mieux y voir la joie infernale d’une troupe de bohémiens, le repaire de quelques voleurs ; le spectacle de la misère d’une famille paysane ; les attributs et la personne d’une prétendue sorcière ; quelque aventure de Cléveland ou de l’ancien testament ; l’asyle de quelque illustre malheureux persécuté ; l’homme qui jette à sa femme et à ses enfans affamés le pain qu’il s’est procuré par un forfait ; l’histoire de la bergère des alpes ; des enfans qui viennent pleurer sur la cendre de leurs pères ; un hermite en oraison ; quelque scène de tendresse ; que sais-je ? […] S’il n’y avait là que des enfans, de jeunes fous ; mais des pères, des mères, et des mères avec leurs enfans, des gens sensés entre ces masses entr’ouvertes, chancelantes, vermoulues !

953. (1739) Vie de Molière

Son père, Jean-Baptiste Poquelin, valet de chambre tapissier chez le roi, marchand fripier, et Anne Boutet, sa mère, lui donnèrent une éducation trop conforme à leur état, auquel ils le destinaient : il resta jusqu’à quatorze ans dans leur boutique, n’ayant rien appris outre son métier, qu’un peu à lire et à écrire. […] Son goût pour l’étude se développa ; il pressa son grand-père d’obtenir qu’on le mît au collège, et il arracha enfin le consentement de son père, qui le mit dans une pension, et l’envoya externe aux jésuites, avec la répugnance d’un bourgeois qui croyait la fortune de son fils perdue, s’il étudiait. […] Au lieu même de donner à son fils naturel un précepteur ordinaire et pris au hasard, comme tant de pères en usent avec un fils légitime qui doit porter leur nom, il engagea le célèbre Gassendi à se charger de l’instruire. […] Son père étant devenu infirme et incapable de servir, il fut obligé d’exercer les fonctions de son emploi auprès du roi. […] On disait que Molière en était le père : le soin avec lequel on avait répandu cette calomnie, fit que plusieurs personnes prirent celui de la réfuter.

954. (1924) Souvenirs de la vie littéraire. Nouvelle édition augmentée d’une préface-réponse

Le fils a réalisé le réactionnaire qui sommeillait chez le père.‌ […] Eh bien, tous ces gens-là sont des pères de famille. […] Il vivait en camarade avec son père et allait souvent passer quelques jours dans sa villa d’Antibes. Après son départ, son père lui télégraphiait régulièrement  : « Tu m’as encore pris des chemises ». […] A table, le Père fut très écouté.

955. (1922) Nouvelles pages de critique et de doctrine. Tome I

Soyons très prudents à ranger parmi les puissances du passé les idées et les émotions dont nos pères ont vécu. […] Son père, camarade d’École normale de M.  […] Votre père, au témoignage de quelqu’un qui le connut bien, se distinguait par une rare élévation des sentiments. […] C’est celui du fils qui se ruine pour payer les dettes de son père. […] Ils n’ont plus comme récompense que la conscience du devoir envers le sol que leurs pères et eux ont tant labouré.

956. (1864) Études sur Shakespeare

Son père, John Shakespeare, faisait, à ce qu’il paraît, son principal état de la préparation de la laine. […] William était, il y a lieu de le croire, le premier des enfants mâles, l’aîné des espérances de son père. […] Shakespeare n’avait pas quinze ans lorsqu’il fut retiré des écoles pour aider, dans son commerce, son père appauvri. […] Il n’a plus qu’un but au monde, c’est de constater le crime qui a tué son père et de le punir. […] Le don d’un écusson accordé, ou plutôt confirmé à son père en 1599, prouve en effet l’intention d’honorer sa famille.

957. (1905) Propos littéraires. Troisième série

Il a ses raisons, le père. […] Ce père, qui est orateur, est comme presque tous les hommes éloquents : il manque un peu de psychologie. […] Ce père joue très gros jeu. […] Il est père. Il a été père pendant dix ans sans le savoir.

958. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Millevoye, Charles (1782-1816) »

Quoi de plus touchant que l’Anniversaire où le poète déplore la mort de son père !

959. (1891) [Textes sur l’école romane] (Le Figaro)

Le besoin se faisant sentir d’une nouvelle École, l’École Romanitas va se former, qui affirme que notre langue se meurt depuis le jour où, après Racine, elle s’est écartée du dialecte roman, père du dialecte français.

960. (1856) Cours familier de littérature. I « Épisode » pp. 475-479

Nous nous sommes contenté de jouir en silence des beautés de sentiments qui débordent de ces pages, de pleurer avec le père, de remonter avec l’époux et l’ami le courant des jours évanouis où nous nous sommes rencontrés en poésie à nos premiers vers.

961. (1761) Salon de 1761 « Peinture —  Greuze  » pp. 157-158

Une mère sur le visage de laquelle la douleur et la misère se montrent ; des filles aussi affligées et aussi misérables, couchées à terre autour d’elle ; des enfants affamés qui se disputent un morceau de pain sur ses genoux ; un autre qui mange à la dérobée dans un coin ; le père de cette famille qui s’adresse à la commisération des passants.

962. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Millet Francisque » p. 168

Je ne me rappelle plus ce que Monsieur Francisque a fait ; c’est, je crois, une fuite en égypte , ce sont les disciples allant à Emmaüs , c’est l’aventure de la samaritaine, cette femme dont le fils de Dieu lisait dans les décrets éternels de son père qu’elle avait fait sept fois son mari cocu, ô altitudo divitiarum et sapientiae dei !

963. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre II. Le théâtre. » pp. 2-96

Au-delà de tout « est la tombe muette, où l’on n’entend plus rien, ni le pas joyeux de son ami, ni la voix de son amant, ni le conseil affectueux de son père, où il n’y a plus rien, où tout est oubli, poussière, obscurité éternelle. » Encore s’il n’y avait rien ! […] De la boutique de son père, encombrée d’enfants, du milieu des tire-pieds et des alênes, il s’est trouvé étudiant à Cambridge, probablement par le patronage d’un grand, et de retour à Londres, dans l’indigence, dans la licence des coulisses, des taudis et des tavernes, sa tête a fermenté, et ses passions se sont échauffées. […] Massinger met sur la scène un père justicier qui poignarde sa fille ; Webster et Ford, un fils qui assassine sa mère ; Ford, les amours incestueux d’un frère et de sa sœur64. […] Qu’il vous suffise de savoir que vous aurez la gloire de fournir un père à ce qu’un si brave père a engendré. […] Car, dans le tombeau silencieux, les entretiens, la joyeuse démarche des amis, la voix des amants, les conseils affectueux d’un père, rien, on n’entend plus rien, il n’y a plus rien ; tout est oubli, poussière, obscurité éternelle ; et osez-vous bien, femme, souhaiter une pareille demeure ?

964. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Roederer. — III. (Fin.) » pp. 371-393

Quelques jours après avoir été retiré de la direction de l’instruction publique et mis au Sénat (septembre 1802), le premier consul lui dit chez Mme Bonaparte : « Eh bien, citoyen Roederer, nous vous avons placé entre les Pères conscrits. » — « Oui, général, répliqua-t-il, vous m’avez envoyé ad patres. » À cette parole un peu épigrammatique, Bonaparte répondit gravement : « Le Sénat n’absorbe plus » ; ce qui revenait à lui dire : Vous n’êtes point condamné à une sorte d’inaction. […] En étudiant l’histoire de France, il a cru découvrir, dit-il, qu’à la fin du xve  siècle et au commencement du xvie , ce qu’on appelle la Révolution française était consommé, que la liberté reposait sur une Constitution libre, et que c’était Louis XII, le Père du peuple, qui avait accompli tout cela. […] — L’estimable fils de Roederer a fait depuis imprimer les Œuvres de son père, qui n’ont pas été mises en vente, mais qui se trouvent dans tous les grands dépôts publics : 8 vol. in-4º.

965. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Histoire du règne de Henri IV, par M. Poirson » pp. 210-230

Son Henri IV est très original, très instructif, et cependant il ressemble fidèlement à l’ancien, tel que se le figuraient nos pères, tel que Voltaire l’a célébré ; il sort du même fonds. […] Un grand prince de France lui reprochait un jour qu’il était léger : il fit venir, pour s’en défendre, tous ses officiers domestiques, ceux de cuisine, ceux de panneterie, de la sommellerie, ceux des écuries, et quasi tout son train ; il ne s’en trouva pas un qui n’eût servi ou qui ne fût sorti de personnes qui avaient servi son père et son aïeul, et lui-même dès le berceau : l’autre se trouva bien empêché à la réplique, étant accoutumé, de trois en trois mois, de faire maison neuve… On l’a estimé aussi être avare, et à la vérité il était malaisé autrement, succédant à un prince qui était par-delà le libéral… L’un pourvoyait à ses libéralités plutôt qu’à ses nécessités : celui-ci ne le fera pas. […] Celle-ci avait dissipé les derniers fuyards de la Ligue et contribué à remettre le bon ordre dans les esprits et dans les cités ; l’autre allait former à la vie rurale le père de famille gentilhomme, de retour au manoir des ancêtres, et quand il avait pendu au clou son armure.

966. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Théophile Gautier. »

Théophile Gautier est né le 31 août 1811, à Tarbes ; son père était du Dauphiné, et sa mère de Brie. […] Son père, qui avait une place dans l’octroi, était bon latiniste et servait de répétiteur à son fils. […] « il était voltairien en diable, de même que monsieur son père, l’homme établi, le sergent, rélecteur, le propriétaire ; il avait lu en cachette au collège la Pucelle et la Guerre des Dieux, les Ruines de Volney et autres livres semblables : et c’est pourquoi il était esprit fort comme M. de Jouy et prêtrophobe comme M. 

967. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Madame Roland, ses lettres à Buzot. Ses Mémoires. »

Elle offrait le plus sincère et le plus modeste exemple de ces générations intimidées par la Révolution et qui, au grand étonnement, au scandale des pères survivants, redemandaient l’ombre des autels. […] Mme Eudora Champagneux, dans son culte pour la mémoire de ses parents, avait une faiblesse touchante : elle honorait son père au moins à l’égal de sa mère. […] « Dans la tendre vénération qu’elle portait à la mémoire de son père, et qui était restée gravée en elle comme l’impression la plus ineffaçable de son enfance », elle n’avait rien tant à cœur, nous apprend M. 

968. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Mémoires de Malouet (suite et fin.) »

Qu’il me soit permis, messieurs, de m’honorer à vos yeux d’une mission que je dois à l’amitié de cet homme célèbre… » Ce rapprochement de Raynal et de Franklin ne pouvait passer que grâce à l’illusion de l’amitié : Franklin, véritable patriarche, par un mélange unique de simplicité, de finesse et de douce ironie, avait offert à quiconque l’avait approché dans sa vieillesse le modèle du sage, conseillant à demi-voix et souriant, un des vrais pères ou parrains de la société de l’avenir. […] Vous, monsieur Gilbert, vous renoncez donc à occuper au Parlement la charge de M. votre père ; car ce n’est pas d’un émigré apostat qu’on fera jamais un président à mortier. » — « Eh, mon Dieu ! […] Le père du duc de Crillon actuel avait coutume de dire à son fils : « Allez voir M. 

969. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Madame Desbordes-Valmore. » p. 232

. — Hier mardi, 20 octobre, ton père a reçu ta lettre et le dessin qu’elle contenait, mon cher fils. […] Ce n’est pas un vieillard comme dans le groupe, mais un homme dans la force et la beauté de l’âge, quarante à quarante-cinq ans : il pleure comme jamais je n’ai vu pleurer du marbre et comme on sent que doit pleurer le père des enfants qu’il ne peut délivrer. — Hippolyte avait observé qu’ils avaient l’air bien jeunes pour les enfants de ce vieillard. […] Dans ce dernier groupe, il n’y a de restauré que le bras droit du père et deux bras des enfants.

970. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. ULRIC GUTTINGUER. — Arthur, roman ; 1836. — » pp. 397-422

A midi sur ce banc s’assoit encor mon père ; Mes filles ont foulé ces gazons dans leurs jeux Sous ces acacias, les pieds dans la rosée, J’ai quelquefois, dès l’aube, égaré la beauté : L’oiseau chantait à peine, et la fleur reposée Assemblait un parfum chargé de volupté. […] Ce négligent et tendre poëte d’élégies, jeté dans la retraite des champs, lut l’Évangile, les Pères du désert, le théosophe Saint-Martin, le Paroissien, et, de cette semence bien distribuée de lectures, sortit chez lui une dernière et meilleure moisson. […] En les regardant, en les écoutant, je suis arrivé à goûter une indicible joie, rien qu’à voir rayonner ce beau et doux soleil sur un arbre que j’ai planté, et à trouver le strict nécessaire proprement servi sur ma table ; rien qu’à jouir du silence, de la retraite, de la lecture, ou d’une innocente occupation ; et je m’écrie vingt fois le jour, comme les Pères des déserts : « Seigneur, c’est assez !

971. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « LE COMTE XAVIER DE MAISTRE. » pp. 33-63

Procédant d’Amyot en style bien plus que Seyssel, le délicieux écrivain François de Sales, né au château de son nom, résidait à Annecy ; avec son ami le président Antoine Favre, jurisconsulte célèbre et père de l’académicien Vaugelas, il fondait, trente ans juste avant l’Académie française, une académie dite Florimontane, où la théologie, les sciences et aussi les lettres étaient représentées : leur voisin Honoré d’Urfé en faisait partie28. […] J’en reçus bientôt un exemplaire imprimé31, et j’eus la surprise qu’éprouverait un père en revoyant adulte un enfant laissé en nourrice. […] tu les a retrouvées Ces images, de loin toujours, toujours rêvées, Et ces débris vivants de tes jours de bonheur : Tes yeux ont contemplé tes montagnes si chères, Et ton berceau champêtre, et le toit de tes pères ; Et des flots de tristesse ont monté dans ton cœur !

972. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. CHARLES MAGNIN (Causeries et Méditations historiques et littéraires.) » pp. 387-414

Né à Paris d’un père franc-comtois, et qui fut d’abord attaché comme secrétaire et bibliothécaire à M. de Paulmy d’Argenson, M. Charles Magnin a été nourri au milieu des livres et comme au sein de cette grande bibliothèque dont son père avait contribué, pour sa part, à extraire et à rédiger les Mélanges 174. […] Magnin, de Salins, père du nôtre 175.

973. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Pierre Corneille »

D’ailleurs, comme en ce temps les réputations étaient lentes à se faire, et qu’on n’arrivait que tard à la célébrité, ce n’était que bien plus tard encore, et dans la vieillesse du grand homme, que quelque admirateur empressé de son génie, un Brossette, un Monchesnay, s’avisait de penser à sa biographie ; ou encore cet historien était quelque parent pieux et dévoué, mais trop jeune pour avoir bien connu la jeunesse de son auteur, comme Fontenelle pour Corneille, et Louis Racine pour son père. […] Corneille s’en montra reconnaissant au point de donner à son jeune ami le nom touchant de père ; et certes s’il nous fallait indiquer, dans cette période de sa vie, le trait le plus caractéristique de son génie et de son âme, nous dirions que ce fut cette amitié tendrement filiale pour l’honnête Rotrou, comme, dans la période précédente, ç’avait été son pur et respectueux amour pour la femme dont nous avons parlé. […] La moralité de ses héros est sans tache : comme pères, comme amants, comme amis ou ennemis, on les admire et on les honore ; aux endroits pathétiques, ils ont des accents sublimes qui enlèvent et font pleurer ; mais ses rivaux et ses maris ont quelquefois une teinte de ridicule : ainsi don Sanche dans le Cid, ainsi Prusias et Pertharite.

974. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre II. Littérature bourgeoise — Chapitre I. Roman de Renart et Fabliaux »

Paris a donné l’appui de son autorité — on a soutenu que nombre de récits dont s’égayaient nos pères avaient une origine plus lointaine et plus singulière : ils seraient venus de l’Inde, et par toute sorte d’intermédiaires, portés de leur patrie bouddhique dans le monde musulman, de là dans l’Occident chrétien, ils se seraient infiltrés jusque dans nos communes picardes et françaises, déversant dans le large courant de la tradition populaire un torrent d’obscénités et de gravelures. […] Les auteurs de Fabliaux n’ont pas songé à peindre les mœurs de leur temps, et leurs œuvres étaient pour nos pères ce qu’ont été pour nous la Boule ou le Chapeau de paille d’Italie. […] Ce qui a duré, c’est l’esprit du genre qui est une forme de l’esprit de la race, et ainsi reparaissent de temps à autre dans nos farces du Palais-Royal des moyens et des effets dont usaient les auteurs des fabliaux : nos armoires ont remplacé les buffets de nos pères, nos pantalons leurs braies.

975. (1920) La mêlée symboliste. I. 1870-1890 « Les poètes décadents » pp. 63-99

Orphelin de père, astreint de bonne heure, pour gagner sa vie, à un métier dur et pénible, c’est sur ses heures de sommeil qu’il avait économisé le temps de s’instruire. […] Son père, qui était poète, ami de Lamartine et de George Sand, fit sa première éducation et l’envoya ensuite achever ses études au collège de Confolens. […] À la mort de son père, en 1879, il prit la direction des affaires de la maison, écrivit entre temps divers articles ou poèmes publiés çà et là.

976. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « L’abbé Galiani. » pp. 421-442

L’abbé Galiani quitta Paris, pour n’y plus revenir, dans l’été de 1769, et c’est à cette date que commence sa Correspondance avec Mme d’Épinay ; c’est par elle dès lors qu’il se rattache presque uniquement à ses amis de Paris, et il aura l’occasion de lui répéter bien souvent : « Je suis perdu si vous me manquez. » Ce petit Machiavel, qui faisait l’insensible, qui se vantait de n’avoir pleuré de sa vie, et d’avoir vu d’un œil sec s’en aller père, mère, sœurs, tous les siens (il se calomniait lui-même), pleurait et sanglotait en quittant Paris, en quittant « cette nation aimable, disait-il, et qui m’a tant aimé ». […] Homme du roi, conseiller-secrétaire du Commerce, il y juge ou fait juger des cas difficiles : il s’applique, dans les intervalles de sa charge, aux lettres et à l’étude ; il reprend ses anciens écrits de jeunesse pour les revoir, les corriger, en donner des éditions nouvelles : « Ils sont tous en italien ; il y a des dissertations, des vers, de la prose, des recherches d’antiquités, des pensées détachées : cela est bien jeune en vérité, cependant c’est de moi. » Il laisse voir naïvement dans ces choses de l’esprit sa tendresse de père. […] Une femme de Paris, Mme Du Bocage, lui avait proposé de remplacer auprès de lui Mme d’Épinay comme correspondante, pour le tenir au courant des choses et des personnes ; il refuse cette distraction et ce soulagement : Il n’y en a plus pour moi, s’écrie-t-il avec un accent qu’on ne saurait méconnaître ; j’ai vécu, j’ai donné de sages conseils, j’ai servi l’État et mon maître, j’ai tenu lieu de père à une famille nombreuse ; j’ai écrit pour le bonheur de mes semblables ; et, dans cet âge où l’amitié devient plus nécessaire, j’ai perdu tous mes amis !

977. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Mme de Caylus et de ce qu’on appelle Urbanité. » pp. 56-77

On enleva donc la jeune de Murçay tandis que son père était en mer. Une tante, sœur de son père, prêta la main à cet enlèvement qui était à si bonne fin. […] Mais ce Père était soupçonné de jansénisme, et Mme de Maintenon, dans son sens strict et toujours tourné à la considération utile, eût mieux aimé sa nièce sans directeur qu’avec celui-là qui était suspect en Cour.

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