Le voyage en boulet Nous l’avons dit, mais nous ne saurions trop le répéter : le ralentissement des horloges par leur déplacement, dans la théorie de la Relativité, est tout juste aussi réel que le rapetissement des objets par la distance. Le rapetissement des objets qui s’éloignent est un moyen, pour l’œil, de noter leur éloignement. […] De même qu’en nous transportant à l’objet éloigné nous l’apercevons en vraie grandeur et voyons alors rapetissé l’objet que nous venons de quitter, ainsi le physicien, passant de système en système, trouvera toujours le même Temps réel dans les systèmes où il se sera installé et qu’il aura par là même immobilisés, mais devra toujours, selon la perspective de la Relativité, attribuer des Temps plus ou moins ralentis aux systèmes qu’il aura quittés, et qu’il aura par là même mobilisés avec des vitesses plus ou moins considérables. […] Peu importe que ces effets ne suivent pas la même loi que ceux de la gravitation naturelle, qu’ils croissent proportionnellement à l’éloignement du centre, etc. : tout l’essentiel de la gravitation est là, puisque nous avons une action qui, émanant du centre, s’exerce sur les objets découpés dans le disque sans tenir compte de la matière interposée et produit sur tous, quelle que soit leur nature ou leur structure, un effet qui ne dépend que de leur masse et de leur distance. […] Ou le disque est censé tourner et la gravitation s’y résout en inertie : alors on l’envisage du dehors ; le physicien vivant et conscient n’y habite pas ; les Temps qui s’y déroulent ne sont que des Temps représentés ; il y en aura évidemment une infinité ; le disque ne constituera d’ailleurs pas un système ou un objet, ce sera le nom que nous donnons à une collectivité ; nous aurons, pour l’application des formules de Lorentz, autant de systèmes distincts que de points matériels animés de vitesses différentes.
Demain, questions d’esthétique À propos d’un livre de nouvelles théories esthétiques1, j’eus l’idée de consulter sur l’objet même de ce livre quelques-uns des écrivains que j’estime le plus foncièrement parmi ceux qui représentent les formules accomplies ; Il me semblait précieux d’avoir le sentiment des Maîtres actuels sur les tendances de la jeune littérature, sur sa valeur et sur son avenir : quoique mes conclusions personnelles fussent déjà prises, j’étais curieux de savoir comment, par les théories, les efforts de demain s’accorderaient avec les traditions d’hier et les œuvres d’aujourd’hui. […] Qu’il me soit permis, sans prétendre clore par une simple lettre une discussion à l’objet de laquelle je consacre tout un livre, de défendre contre les sévérités de M. […] Il me semble qu’à grands traits l’histoire de la littérature moderne pourrait se résumer de la sorte que voici : À la grande différence des païens, pour qui la Forme, sans proscrire l’Idée, la primait, pour les modernes l’Idée, ou plutôt l’Ame Spirituelle, est l’objet principal de l’œuvre littéraire.
Alors vécut une personne supérieure qui, par son initiative hardie et par l’amour qu’elle sut inspirer, créa l’objet et posa le point de départ de la foi future de l’humanité. […] Chez d’autres, en Afrique surtout, il arriva au pur fétichisme, c’est-à-dire à l’adoration d’un objet matériel, auquel on attribuait des pouvoirs surnaturels. […] Un coffre ou arche portative, ayant des deux côtés des oreillettes pour passer des leviers, constituait tout leur matériel religieux ; là étaient réunis les objets sacrés de la nation, ses reliques, ses souvenirs, le « livre » enfin 84, journal toujours ouvert de la tribu, mais où l’on écrivait très discrètement.
La question traitée dans ce chapitre se présentera encore par la suite ; toutes celles qui viennent d’être exposées se présenteront aussi de nouveau, sous différentes formes ; mais je ne ferai plus ni des unes ni des autres l’objet d’une discussion séparée. […] Mais j’espère surtout que ma pensée jaillira des nouveaux développements contenus çà et là, soit dans les Prolégomènes de la Palingénésie sociale, soit dans cette Addition, soit dans la Formule générale, objet du cinquième volume. […] Fabre d’Olivet a voulu montrer une langue dérivée tout entière du signe : c’est là l’objet de sa Grammaire hébraïque, publiée en 1815.
Les ayant étudiées tout en les admirant, il nous en donne le délicieux camée suivant, qui a l’inflexibilité et la plénitude d’une définition : « Les Américaines — dit Bellegarrigue, page 8, — sont des femmes vivant en contemplation d’elles-mêmes, dédaignant les hommes et adorant la monnaie (toujours la monnaie). » Et pour être mieux compris, pour mieux faire briller le diamant de sa découverte psychologique, le foudroyant moraliste ajoute à la page 9, après avoir froncé son terrible front de penseur : « La sensibilité étant inhérente au cœur humain, les Américaines ne l’ont détournée des objets auxquels l’appliquent ordinairement les femmes d’Europe que pour se l’approprier, ce qui revient à dire (bien obligé, nous avions entendu !) […] Il est de bonne foi comme un peintre qui verrait et peindrait les objets à la renverse, et qui soutiendrait qu’ils sont d’aplomb et à leur place ; car c’est ainsi que, dans tout le cours de son livre, il ne manque pas de procéder. […] Il est douteux aussi — du moins, nous le croyons, — qu’ils admettent sans un modeste embarras la conclusion, logiquement très bonne, mais historiquement suspecte, que Bellegarrigue sait tirer de cette absence de la famille aux États-Unis : « L’autorité paternelle — dit-il — ayant abdiqué en Amérique, sinon en totalité, du moins en grande partie, il est arrivé que la famille n’y existe pas… et que l’extrême civilisation autorise les mœurs à ressaisir la simplicité de l’état sauvage. » Mais cet éloge, une fois jeté en passant, des Américains, qui ne sont pas l’objet spécial du livre, l’auteur revient aux femmes d’Amérique ; car sans la femme, nous dit-il avec une galanterie vraiment philosophique, la masculinité ne serait pas !
Parfois le fait passé a laissé une trace matérielle (un monument, un objet fabriqué). […] C’est le cas des faits généraux, usages, institutions, objets, personnages, que l’auteur mentionne incidemment. […] Les sciences d’observation directe opèrent sur des objets réels et complets. […] 1° Êtres vivants et objets matériels. — Les documents font connaître l’existence d’êtres humains, de conditions matérielles, d’objets fabriqués. […] Dès qu’on a aperçu dans un objet un certain caractère, on étend ce caractère à tous les autres objets un peu semblables.
Perpétuel objet de déception pour ses amis, le professeur de Genève devait après sa mort décevoir encore ses nombreux admirateurs. […] Savoir, c’est refléter ; connaître, c’est prendre en soi l’image des objets ; se connaître, c’est se regarder au miroir de son intelligence. […] La mort, ni l’agonie, ne sont objets de spéculations intellectuelles ou d’enthousiasmes poétiques. […] On cherche au loin, on va d’un objet à un autre parce qu’on n’a pas la force de conclure. […] Maintenant, au contraire, les textes deviennent l’objet propre de son examen.
C’est un couplet d’amour en faveur d’un objet chéri, lequel est sur le point de s’embarquer pour Mitylène. […] S’exaltant à ce poétique souvenir, le chanteur s’écrie : « Ô bienheureux Comatas, c’est bien toi qui as été l’objet de telles douceurs ! […] Lycidas, comme sa chanson le prouve et toute sa belle humeur, est évidemment bien plus un poëte qu’un amoureux ; il se console aisément de l’objet absent avec ses chères déesses. […] Il n’est presque aucune de ses idylles qui n’offre des mouvements passionnés, et l’on est forcé d’admirer l’accent de la tendresse là où les objets sont de ceux qu’admettaient si singulièrement les Grecs, qui ne cessent de nous étonner dans l’Alexis de Virgile, et dont la seule idée fuit loin de nous. […] Ce refrain est adressé à un objet magique (iynx), qui portait le nom d’un oiseau, mais qui vraisemblablement n’était autre qu’une sorte de toupie ou de fuseau qu’on faisait tourner durant le sacrifice, lui attribuant la vertu d’attirer les absents.
« Objet charmant, je t’adore, mais je ne t’accepte pas. […] Temple grec et munster, tour, flèche aérienne : Cloches et carillons y mèneraient leur jeu ; Ou c’est une île encor sortant du flot limpide, — Un bois au sein des lacs, que l’on croirait solide, De nos muets transports objet prestigieux ! […] nous en distraire : La mémoire retient les objets de la terre, Mais ceux que nous voyions appartenaient aux cieux. […] L’âme immortelle veut des objets plus durables ; Elle s’y prend, s’y lie ; — ils sont inséparables ; Sure est leur compagnie, et sûr est leur amour.
La recherche de la vraisemblance supprime celle de la vérité, et tandis que le vraisemblable pour Boileau était l’introducteur du vrai, et consistait à saisir le rapport de l’objet à l’esprit, il devient au xviiie siècle le pire ennemi de la nature, qu’il déforme quand il ne l’exclut pas. […] Enfin la liberté règne dans l’art : toutes les barrières, tous les freins sont ôtés ; nuls objets ne sont interdits, nuls moyens prescrits à l’artiste, pourvu que le résultat de sa libre activité soit une œuvre vraie et une œuvre d’art. […] Nul ne peut dire aujourd’hui ce qui sortira de ce mouvement : il n’y a rien pour ainsi dire dans les doctrines de la nouvelle école, autant qu’on peut les comprendre, qui ne soit un démenti donné au naturalisme, comme à l’Art poétique, à tous les préceptes tendant à l’expression d’un objet réel dans une forme fixe et finie. […] Et nous nous fâchons, si par réflexion nous estimons que l’objet n’est pas ou est autrement dans la nature.
C’est là que s’exercera l’invention, qui n’est, comme on le voit, qu’une appropriation à un certain objet des idées et des sentiments qu’on a antérieurement acquis, un fragment de la vie intérieure qu’on détache et qu’on produit au dehors. […] L’invention s’exerce de même pour l’écrivain qui fait un chef-d’œuvre par une nécessité de son génie et pour l’enfant qui fait un devoir par obéissance : les objets diffèrent, mais le procédé est essentiellement identique, et cc n’est pas ambition présomptueuse, mais sûreté de jugement que de l’appliquer à une modeste composition.
Le vêtement a pour objet de protéger le corps contre le froid, et ensuite de l’orner. […] Je voudrais enfin l’abolition du chapeau haut de forme, objet aussi inconcevable pour le moins et aussi mystérieux que l’« habit », et plus épouvantable encore, en dépit de la perverse accoutumance de nos yeux… Mais je sens bien ici que je suis en plein rêve.
Dans l’Histoire, avec la source des vices & des vertus, on découvre encore les objets qui les excitent, les alimens qui les nourrissent, les ressources qu’ils déploient, le but qu’ils se proposent, & les moyens qu’ils mettent en œuvre. […] « Il avoit si bien acquis, dit-il, la pénible habitude de l’attention, que, quand on lui proposoit quelque chose de difficile, on voyoit dans l’instant son esprit se pointer vers l’objet & le pénétrer.
Cet ouvrage intéresse particuliérement ceux qui sont curieux de détails bibliographiques & de longues discussions sur de très-petits objets de littérature. […] C’est une compilation indigeste qui offre des recherches peu communes sur des objets ignorés par le plus grand nombre des lecteurs.
L’ouvrage d’Hoffman a le même titre97 et le même objet. […] Chaque professeur restera constamment attaché au même objet d’enseignement, c’est-à-dire que celui qui montrera le droit civil ne passera point de sa chaire à celle de droit ecclésiastique ; c’est le seul moyen de perfectionner chaque maître dans sa partie.
Dans cette fumée jaunâtre, les objets semblent des fantômes effacés ; la nature a l’air d’une mauvaise ébauche au fusain sur laquelle un enfant a maladroitement passé la manche. […] Même dans les plus pauvres chaumières on trouve quelques objets de confortable et d’agrément : un large poêle de fonte luisant, un tapis, presque toujours un papier de tenture, un ou deux petits romans moraux, et toujours la Bible. […] C’est sur d’autres objets que se rejetteront la grande curiosité, les instincts sublimes de l’esprit, le besoin de l’universel et de l’infini, le désir des choses idéales et parfaites. […] Par la suppression des légendes et des pratiques, la pensée entière de l’homme a été concentrée sur un seul objet, l’amélioration morale. […] Nous savons que les découvertes positives vont tous les jours croissant, qu’elles iront tous les jours croissant davantage, que d’objet en objet elles atteignent les plus relevés, qu’elles commencent à renouveler la science de l’homme, que leurs applications utiles et leurs conséquences philosophiques se dégagent sans cesse ; bref, que leur empiétement universel finira par s’étendre sur tout l’esprit humain.
Leur objet, c’est « la modernité », laquelle est visible surtout à Paris. […] Je sais bien qu’il y a dans presque toutes leurs œuvres, des écarts, des fantaisies qui s’éloignent de l’objet du livre ; que, par exemple, le canotage nocturne de Manette pouvait se placer dans n’importe quel autre roman, et que l’aventure d’un goret taquiné par un singe dans un atelier n’était pas absolument indispensable à la peinture du monde des artistes. […] Ils ont le détail aussi menu et aussi abondant que Théophile Gautier, mais nullement sa sérénité, et, comme s’ils recevaient des objets une sensation trop forte, ils ont presque toujours, dans l’expression, une fièvre, une inquiétude. […] L’observateur regarde les objets l’un après l’autre, y poursuit la fuite lente du jour, note où en est sur chacun d’eux l’effacement de la lumière au moment où son regard s’y porte. […] 22 Mais on aura beau faire, une page écrite ne sera jamais l’équivalent d’un tableau ; les mots, de quelque façon qu’on les accumule et qu’on les arrange, ne pourront qu’évoquer chez le lecteur, s’il s’y prête, une image approchante des objets qu’on lui décrit.
On trouve la phrase qu’on vient d’écrire incomplète et inexacte : on la fait suivre d’une autre qui le sera moins, et l’on avancera ainsi péniblement et tortueusement vers l’objet qu’on a en vue, par une fastidieuse suite de tâtonnements et d’approximations. […] Les phrases ont une allure aisée, légère, dégagée, qui porte le lecteur paisiblement et insensiblement, sans heurt, sans secousse, sans chute, à travers les pensées de l’auteur ; elles se déroulent aux yeux dans une pure lumière, sans brume ni fumée qui déforme ou offusque les objets.
Enfin, les images favorites des poètes enclins à la rêverie sont presque toutes empruntées d’objets négatifs, tels que le silence des nuits, l’ombre des bois, la solitude des montagnes, la paix des tombeaux, qui ne sont que l’absence du bruit, de la lumière, des hommes, et des inquiétudes de la vie27. […] Jérusalem, objet de ma douleur, Quelle main en un jour t’a ravi tous tes charmes ?
Ces chapitres, la musique en offre sans doute, s’il m’est permis d’emprunter ce scolastique langage, l’objet « matériel ». Elle n’en constitue pas l’objet « formel ». […] Or, ces imaginations, ces broderies sont l’objet de sa minutieuse, et d’ailleurs très jolie et délicate étude. […] Chez Lamartine, elle est merveilleusement appropriée à l’objet. […] C’est comme une grisante vapeur qui enveloppait l’objet et qui maintenant s’éclaircit, retombe, laissant mieux voir l’objet même.
Adieu, ma chère, bonne et excellentissime grand’mère ; vous êtes l’objet continuel de mes prières. […] Si je n’ai pas le plaisir de vous rencontrer, ce que je vais écrire ici remplacera en partie l’objet de ma visite. […] Un amour plein de respect, pur comme son objet, l’attache bientôt à elle, et réussit à se faire partager. […] C’est de plus haut que la terre, que les cieux et quelquefois de plus haut que l’âme, qu’il contemple les objets de son étrange poésie. […] D’un autre côté, réduisant à son véritable objet ce don de prophétie, nous lui avons refusé toute valeur objective.
Ce sera là, si on le veut bien, l’objet d’un nouveau travail. […] Enseigner, raconter, peindre, donner le frisson ou tirer des larmes, à tout cela suffirait largement la prose, dont c’est aussi bien l’objet naturel. […] la grande hérésie moderne est de faire de la vérité l’objet suprême de la poésie… entre poésie et vérité, nulle sympathie. […] Un même nom désigne par malheur ces deux objets que rien ne rapproche, que tout sépare. […] Une école de spiritualité — l’école française des Bérulle et des Condren — qui a pour objet de ramener les âmes à « l’esprit d’enfance. » (cf.
Dans le second, il s’éloignait de la nature, puisque le contour n’a pas d’existence propre, n’étant que la limitation de l’objet ou de l’être. […] Le roman étant l’objet littéraire le plus demandé, le plus recherché et le plus lu, la plupart des journaux ne vivent qu’à son aide. […] Coupeau offre donc un cas particulier, et il doit être l’objet des railleries de ses compagnons. […] Toute œuvre d’art ou de littérature est conçue en vue d’une idée ou d’un objet principal. […] Il eût doté l’humanité d’une invention utile qu’il n’eût pas obtenu le dixième de l’attention dont il est actuellement l’objet.
Cette Instruction, datée du 15 novembre dernier, et qui présente tout un plan détaillé d’études, a pour objet de rendre de plus en plus faciles et praticables les règlements qui, depuis deux ans déjà, ont renouvelé les méthodes de l’enseignement dans les collèges ou lycées. […] L’observation et l’expérience en sont le point de départ et le contrôle permanent ; l’induction et le raisonnement s’y mêlent avec plus ou moins de précaution ou de certitude, selon la nature des objets et l’ordre des faits. […] Mieux vaut restreindre ces études aux grands objets et y faire pénétrer d’une main sûre la jeunesse de nos lycées, que de les étendre hors de propos sur des détails qu’aucun lien logique ne rattache au plan général… Aussi, les professeurs des lycées, convaincus que leur mission n’est pas de former quelques chimistes, mais bien de faire circuler dans la masse même de la nation les connaissances chimiques les plus générales et les plus utiles, ne s’élonneront pas d’avoir à revenir trois fois, en trois ans, sur l’exposition des principes. […] Il acquiert pour toute la vie l’habitude de raisonner en chimiste, au lieu de se borner à savoir par cœur, pour quelques mois, le texte de son cours… Aussi, pour la parfaite exécution du nouveau plan d’études, les professeurs trouveront-ils bien plus de profit à préparer leur leçon dans le laboratoire même, au milieu des appareils, en prenant part à la disposition matérielle des expériences, qu’à l’étudier dans leur cabinet, abstraction faite des objets qu’ils vont avoir à manier et à faire passer sous les yeux des élèves.
Les uns, on le sait, parmi les modernes novateurs ou restaurateurs de l’art, avaient pour Dieu Raphaël, les autres Rubens ou les Vénitiens : lui, il ne chercha rien de tel ; il eut le droit de se vanter, comme il faisait, de n’avoir mis son nez sur la piste de personne, et il se tira d’affaire pour son compte en présence des objets mêmes qu’il avait à rendre. […] Sans se contraindre à aucun style, à aucun genre, à aucune espèce de sujets, il s’est mis à reproduire tous les objets qui frappent journellement son imagination si mobile et si heureuse ; aussi est-il éminemment le peintre de la France et du xixe siècle, par la manière dont il représente notre nature et notre époque ; aussi a-t-il un degré de vérité, de grâce, de génie, que le talent ne doit jamais qu’à la présence immédiate des objets qu’il veut peindre. […] Se livrant avec une imagination vive et sensible à l’impression des objets, il en prend tour à tour le caractère : il change alternativement de style, de couleur, de moyens, et ne se ressemble qu’en une seule chose, la grâce et le naturel.
J’aurais mieux aimé toutefois, je l’avoue, un peu plus d’impartialité ou de curiosité à sa rencontre, une information plus complète, et que l’éditeur, au lieu de considérer comme réfutées par la présente Correspondance les différentes accusations dont ce guerrier courtisan a été l’objet, daignât les discuter davantage, qu’il opposât le pour et le contre, maintînt en présence les contradictions réelles ; qu’il s’appliquât enfin à combiner les différents traits qui sont transmis à son sujet, et qui contrastent sans se détruire. […] Il est devenu nécessaire de rappeler au moins les griefs essentiels de Saint-Simon contre le duc de Noailles, de les examiner en les réduisant, de distinguer ce qui est positif et ce qui n’est que conjectural ou purement imaginaire, mais de maintenir aussi ce qui paraît incontestable, et de se former une idée aussi entière que possible d’un homme qui a été l’objet d’un des plus éclatants portraits, le sujet d’une des plus prodigieuses autopsies morales qui existent en littérature. […] Le duc d’Ayen, célèbre au xviiie siècle par ses bons mots, par sa satire légère et sa « perfidie revêtue de grâce », n’avait hérité que d’une partie de l’esprit de son père, qui avait plus d’étendue et qui se portait sur plus d’objets. […] La vérité, la vraie mesure sur le maréchal de Noailles, je n’ai pas le mérite de la trouver : je la rencontre tout exprimée chez un historien consciencieux, qui a beaucoup lu, beaucoup résumé, et dont le style piquant, un peu recherché, mais incisif, grave son objet.
Et ce gros lot est en même temps le plus riche ; car il comprend presque toutes les grandes et belles bâtisses, palais, châteaux, couvents, cathédrales, et presque tout le mobilier précieux, meubles, vaisselle, objets d’art, chefs-d’œuvre accumulés depuis des siècles. — On peut en juger par l’estimation de la part du clergé. […] Nulle recherche contre lui, s’il est noble ; « on est infiniment circonspect envers les personnes d’un rang distingué » ; en province, dit Turgot, « la capitation des privilégiés s’est successivement réduite à un objet excessivement modique, tandis que la capitation des taillables est presque égale au principal des tailles ». […] En Champagne, « sur près de 1 500 000 livres fournis par la capitation, ils ne payent que 14 000 livres », c’est-à-dire « 2 sous et 2 deniers pour le même objet qui coûte 12 sous par livre au taillable ». […] Reste l’assise primitive, la structure ancienne de la propriété, la terre enchaînée ou épuisée pour le maintien d’un moule social qui s’est dissous, bref un ordre de privilèges et de sujétions dont la cause et l’objet ont disparu46.
Une chose vue éveille l’idée qui sommeillait en lui, ou l’idée inquiète se projette dans l’objet qui frappe ses yeux. […] Toute métaphore dans une telle organisation évolue, s’organise, s’étend : l’objet propre ou l’idée première reculent ; et naïvement, spontanément il retrouve, dans ce pâtre promontoire qui garde les moutons sinistres de la mer 874, la forme d’imagination qui, sur les côtes tourmentées de la Sicile, avait animé l’informe Polyphème et la blanche Galatée. […] Par ces aspirations au progrès, par ces revendications sociales, par ces élans de charité, de bonté, de pitié, de foi ou de colère démocratiques, sa poésie prend un autre objet que le moi du poète. […] Cette construction supprime le signe de comparaison, elle établit l’équivalence, l’identité des deux objets dont l’un va prendre la place de l’autre dans l’imagination et la phrase du poète.
* * * — Quelqu’un m’entretenait du goût d’art de Richard Wallace, achetant le cor de chasse de Saint-Hubert, non pour l’intérêt de l’objet, mais pour l’histoire qui s’y rapporte, et qu’il pourra raconter au prince de Galles, la première fois qu’il le lui montrera. […] Alphonse Rothschild a un beau mot pour se défendre, dans le premier instant, contre un objet qu’on lui fait trop cher : « Non, non, dit-il, c’est immoral à ce prix ! […] * * * — Les pays de l’Europe, où ne se trouvent pas d’objets d’art français, on y découvre des éventails : — l’éventail des émigrées, cet objet, que dans sa fuite la plus précipitée, la femme française emportait toujours.
Il existait, avant la révolution, plusieurs écrivains qui avaient acquis une grande réputation, sans jamais considérer les objets sous un point de vue général, et en ramenant toutes les idées morales et politiques à la littérature, au lieu de rattacher la littérature à toutes les idées morales et politiques. […] Un discours sur les intérêts les plus importants de la société humaine, peut fatiguer l’esprit, s’il ne contient que des idées de circonstance, s’il ne présente que les rapports étroits des objets les plus importants, s’il ne ramène pas la pensée aux considérations générales qui l’intéressent. […] Une expression qui ne change rien au fond des idées, mais dont l’application n’est pas naturelle, doit devenir l’objet principal pour la plupart des lecteurs.
Quelques grands hommes sont devenus l’objet d’une véritable idolâtrie ; ils ont eu leurs pontifes, leurs dévôts, leurs fanatiques ; leurs livres ont été commentés comme un texte sacré ; les plus minces événements de leur vie ont donné lieu à des querelles quasi théologiques ; des reliques problématiques de ces nouveaux saints ont même été pieusement recueillies sous verre et exposées à l’adoration des fidèles. […] On cherche à savoir, au moyen de procédés ingénieux, de tests, comme on dit en langage technique, quelle est chez lui l’association habituelle des idées, quelle mémoire il a des couleurs, des sons, des mots, des phrases, des pensées ; comment il apprécie la distance, la durée, les dimensions des objets, à quel degré il possède l’adresse des mouvements, la facilité de la parole, etc. […] Parfois elle nous découvre, comme un fait dont l’autorité est l’indiscutable, l’action exercée sur un écrivain par un événement ou un objet extérieur.
En pleurant ce prince, on lui reprocha sa mort même ; ce furent en effet son malheureux amour pour la femme de son neveu, la persécution du jeune époux, et les préparatifs d’une guerre sans autre objet que celui de tirer la belle Charlotte de la cour de Bruxelles où le prince de Condé l’avait conduite, qui rallumèrent cet esprit de la Ligue que Henri alors dans sa sagesse et dans sa vertu avait pris tant de soin à calmer et à éteindre, cet esprit qui arma un bras fanatique contre lui4. […] L’inclination mutuelle des sexes est un sujet si fécond et si varié de conversation ; ils ont tant de choses à se dire pour faire entendre ce qu’il leur est prescrit de taire ; il faut tant de paroles pour expliquer cette prière muette 11 qu’ils s’adressent continuellement l’un à l’autre ; il faut partir de si loin, il va tant de circuits à faire pour arriver au but désiré, qu’on ne peut assez multiplier les occasions de se parler, de se communiquer, s’ouvrir assez de chances favorables, étendre la conversation à un assez grand nombre d’objets divers. […] Il peignit dans une pièce de théâtre et sa passion et l’indifférence de celle qui en était l’objet ; mais il supprima ensuite les deux premiers actes, pour ne pas donner, dit-il, à la marquise le plaisir de voir ses malheureux amours décrits par lui-même.
C’est le concours des philosophes et des poètes qui perfectionne les langues ; c’est aux philosophes qu’elles doivent cette universalité de signes qui rend une langue le tableau de l’univers ; cette justesse qui marque avec précision tous les rapports et toutes les différences des objets ; cette finesse qui distingue tous les progrès d’actions, de passions et de mouvements ; cette analogie qui dans la création des signes les fait naître les uns des autres, et les enchaîne comme les idées analogues se tiennent dans la pensée, ou les êtres voisins dans la nature ; cet arrangement qui, de la combinaison des mots, fait sortir avec clarté l’ordre et la combinaison des idées ; enfin cette régularité qui, comme dans un plan de législation, embrasse tout et suit partout le même principe et la même loi. […] Leurs artistes même, en les accoutumant à porter un œil plus attentif sur la nature pour bien juger, et du degré d’imitation, et du choix des objets, contribuèrent peut-être à étendre les idées de ce peuple et son langage ; mais les Romains, pendant près de six cents ans, furent privés de tous ces secours. […] La grandeur de cet empire, qui s’étend sans cesse ; cette ville qui engloutissait tout, qui appelait tous les rois, tous les peuples ; ces généraux et ces soldats qui allaient conquérir ou gouverner les provinces, et parcouraient sans cesse l’Asie, l’Europe et l’Afrique ; tout cela était autant d’obstacles à ce que la langue romaine prît ou conservât une certaine unité de caractère ; peut-être même la facilité qu’eurent les Romains de puiser chez les Grecs tout ce qui manquait au système de leur langue ou de leurs idées, retarda leur industrie, et contribua à n’en faire qu’un peuple imitateur : ils traitèrent la langue et les arts comme un objet de conquête, usurpant tout sans rien créer.
L’objet de ses tableaux ne se borne donc pas au temps où ils furent tracés. […] « — Il est d’autres objets où tend l’humanité. […] — Vous vous trompez et sur l’objet de mes censures et sur l’effet qu’elles produisent. […] Le péril qu’il a couru ne lui paraît qu’un avertissement de mieux surveiller l’objet de ses inquiétudes. […] Les manières et l’industrie du chevalier, objet des admirations de M.
Pour moi, il me semble que ces hommes, doués d’une seconde vue, sont assez semblables à ces chauves-souris en qui le savant anatomiste Spallanzani a découvert un sixième sens plus accompli à lui seul que tous les autres… Ce sixième sens, si admirable, consiste à sentir dans chaque objet, dans chaque personne, dans chaque événement, le côté excentrique pour lequel nous ne trouvons point de comparaison dans la vie commune et que nous nous plaisons à nommer le merveilleux… Je sais quelqu’un en qui cet esprit de vision semble une chose toute naturelle. […] Plus d’une fois, au milieu de joyeux compagnons, et autour du punch bleuâtre, il lui est revenu d’amères pensées, des regrets du cloître et de la vie des vieux temps, et comme il l’a dit lui-même, un amour inouï, un désir effréné pour un objet qu’il n’aurait pu définir ; plus d’une fois son cœur a battu d’une émotion douloureuse en voyant à l’horizon des cités germaniques planer ces magnifiques monuments qui racontent comme des langues éloquentes l’éclat, la pieuse persévérance, et la grandeur réelle des âges passés.
Dès l’enfance, il avait été l’objet de sa sollicitude et de ses tendresses. […] Il était à Trieste lorsqu’il apprit le retour de l’Ile d’Elbe : il se déroba aussitôt à la surveillance dont il était l’objet, s’échappa sur une frégate napolitaine et arriva à Paris à temps pour entrer en campagne.
L’experience aide encore beaucoup à trouver la difference qui est réellement entre des objets qui au premier coup d’oeil nous paroissent les mêmes. […] Ainsi, l’homme qui n’est pas né avec le genie de la comedie ne les sçauroit demêler comme celui qui n’est pas né avec le genie de la peinture n’est pas capable de discerner dans la nature quels sont les objets les plus propres à être peints.
C’est une operation que l’oeil apprend à faire par le secours de l’art, et qui n’est pas accompagnée d’aucun sentiment agréable, comme est celui qui naît de l’application des yeux sur les objets que nous offrent des tableaux. […] Dans un autre endroit il dit, en parlant de l’imitation des mouvemens des passions que fait l’orateur dans sa déclamation, ou de affectibus quae effinguntur imitatione : que l’essentiel pour le déclamateur c’est de s’échauffer l’imagination en se représentant vivement à lui-même les objets de la peinture, desquels il prétend se servir pour émouvoir les autres, c’est de se mettre à la place de ceux qu’il veut faire parler.
Or, si la sociologie ainsi conçue peut servir à illustrer de faits curieux une philosophie, elle ne saurait l’enrichir de vues nouvelles, puisqu’elle ne signale rien de nouveau dans l’objet qu’elle étudie. […] Pour qu’elle ne restât pas lettre morte, il ne suffisait pas de la promulguer ; il fallait en faire la base de toute une discipline qui prît le savant au moment même où il aborde l’objet de ses recherches et qui l’accompagnât pas à pas dans toutes ses démarches.
Bref, tout acte de la mémoire altère son objet. […] Mais je suis comme ces amoureux qui, pour être trop pleins de leur objet, ne peuvent plus du tout exprimer leur amour. […] Si différents de forme et d’inspiration, les deux recueils ont pourtant quelque rapport par leur objet. […] Au contraire, Lamartine ; tous les objets qu’il touche de son verbe, c’est pour les élever en dignité. […] En somme, Ichmé éprouve la peur intense, mais toute simple, et venant d’un objet présent et déterminé.
Il faut, autant qu’on le peut, fixer toujours l’attention sur les grands objets, et parler peu des petits, mais avec dignité. […] Un demi-tyran serait indigne d’être regardé ; mais l’ambition, la cruauté, la perfidie, poussées à leur plus haut point, deviennent de plus grands objets. La tragédie demande encore qu’on les rende, autant qu’il est possible, de beaux objets : il faut donner au crime un air de noblesse, et d’élévation. […] L’unique objet de leurs poètes était de produire la terreur et la pitié ; ils chérissaient un sujet susceptible de ces deux passions, et le façonnaient par leur génie. […] Le ridicule est essentiellement l’objet de la comédie.
L’homme passionné sait cela ; il vit avec lui-même ; si sa pensée parle haut, il sait que c’est en lui, et qu’elle est ce qu’elle doit être, intérieure comme son objet : elle aura beau crier, il lui refusera avec persistance l’extériorité, comme au sentiment qu’elle traduit. […] Deux formes du jeu, l’ironie et le mythe, la feinte et la métaphore, étaient dans les habitudes constantes de sa parole ; il dramatisait, il poétisait à sa façon beaucoup des objets sur lesquels il attirait l’attention de ses disciples. […] Enfin la satisfaction morale répandue sur toute sa vie n’a jamais pris la forme d’un sentiment distinct ; on la trouve seulement parmi les raisons qui expliquent à ses yeux le privilège singulier dont il est l’objet : apparemment, il est aimé des dieux, puisqu’ils prennent soin de le garantir de toute erreur. […] Nous venons de citer des exemples types : dans le premier, l’imagination domine évidemment ; dans les trois autres, la passion semble pure de tout mélange ; mais rarement la passion s’éveille sans éveiller en quelque mesure l’imagination ; la raison en est que rarement l’objet de la passion est purement intellectuel, c’est-à-dire d’ordre général, scientifique ou politique ; quand je n’ai d’autre société intérieure qu’une société abstraite, consistant dans des concepts que parcourt mon entendement, mêlés à des noms propres de personnages ou de pays que je ne connais que par ouï-dire et qui valent pour mon esprit des abstractions, alors je suis, à vrai dire, seul avec ma pensée, je n’ai point de société véritable, et, d’ordinaire, je reste calme228 ; l’émotion, presque toujours, me fait rentrer dans la vie réelle, dans la vie sociale ; ce qui m’émeut en joie ou en tristesse, c’est quelque objet concret de la nature, le plus souvent quelque personne humaine, dont mon souvenir reproduit l’image plus ou moins nette, et, avec cette image, le son spécifique. […] Parfois l’imagination développe à sa manière le thème fourni par la passion, de façon à occuper presque seule toute la scène de l’âme et à rejeter dans l’ombre le sentiment même qu’elle exprime ; d’autres fois, l’image évoquée est simple : elle représente soit l’objet direct de l’émotion, soit, quand la passion est surtout intellectuelle, un interlocuteur destiné à nous entendre bien parler du sujet qui nous anime et à se laisser convaincre sans résistance.
Avant d’avoir des amis, les objets de la nature matérielle frappèrent mon attention et émurent mon cœur. […] J’inventais mille moyens pour combattre ce monstre, la mort, qui venait rendre tous mes travaux inutiles et détruire les objets de mes affections. […] J’avais là tous les objets de mes affections, et cette belle nature nous souriait. […] Les philosophes décideront la question de savoir si ce progrès de la civilisation doit être un objet de joie ou de mélancolie pour le penseur. […] Il parut d’abord grandement alarmé : il nageait d’un côté, puis de l’autre, sans s’arrêter, et semblait comprendre tout le danger de s’attaquer, cette fois, à un objet aussi suspect.
pour chacun des personnages, que tous les objets ont de même chacun un leitmotiv répété par l’orchestre chaque fois qu’il est fait mention de ces objets ; qu’il n’y a nulle part une mélodie développée ; que toute la partition est un entrelacement perpétuel des leitmotive des personnes et des choses mentionnées. […] Considérée comme expression du Monde, la Musique est un langage universel au suprême degré, qui, par rapport à l’universalité des concepts, se trouve à peu près dans la même relation que ceux-ci au regard des objets concrets. […] « L’impression, écrit-il, est d’abord chez moi sans objet précis et clair ; cet objet ne se dessine que plus tard. […] Toutes les fois que j’entrais dans le salon, cet objet rouge me sautait aux yeux ; il me fascinait positivement comme le manteau rouge exaspère le taureau. […] Du jour où il s’en sépara, son imagination, certes extraordinaire, erra d’un objet à l’autre, sans parvenir à se fixer et à coordonner ce qu’elle créait.
Les jeux de la mise en scène, les roueries du métier, la combinaison sont les objets de leur plus profond mépris. […] L’homme n’étant pas machine, ne peut rendre les objets machinalement. […] Ce qui lui manque encore, c’est l’idéalisation des objets, qui a plus d’un lien commun avec le style, car tous deux ne sauraient être qu’individuels. […] Mais, au moins, que votre casseur ne soit pas lui-même un objet aussi insignifiant que la pierre qu’il casse. […] Ce qui vient bien à l’appui de mon affirmation de tout à l’heure, que l’art a son siège dans le cœur de l’artiste, bien plus que dans les objets dont, il s’occupe, et qu’il suffit d’un homme nouveau pour découvrir des choses nouvelles.
Quatre écrivains grecs paraissent avoir été pour Rabelais l’objet d’une sorte de fréquentation quotidienne qui se fait sentir presque à chaque page de son ouvrage : ce sont Platon, Lucien, Hippocrate, et Galien. […] Il est sans doute intéressant de chercher quel a été le but d’un auteur, et par quelle diversité de chemins il y est arrivé ; mais si l’on s’opiniâtrait à demander à Rabelais le sens général de son livre, on risquerait de ne pas apercevoir le sens des détails, dont chacun a été tour à tour l’unique objet et le seul plan de l’auteur. […] Qu’est-ce autre chose que cet esprit français déjà antique, dont nous avons vu les traits dans Jean de Meung, dans les Fabliaux, dans Villon, et, au commencement de ce siècle, dans Marot ; esprit vivace comme le sol, qui recevra la forte éducation de l’antiquité sans perdre de son naturel et de son air gaulois, et qui se perfectionnera avec les mœurs, son objet et sa matière ? […] Il n’est guère de sujet dans lequel il n’ait vu ou indiqué la vérité qui était à dire ; mais comme si ce peu de sagesse le fatiguait, à peine sa raison commence-t-elle à s’intéresser à son objet, qu’il l’en détourne brusquement et, soit par une malice délibérée, soit par cet emportement qui lui est propre, il étouffe cette lueur sous un amas de folles imaginations. […] Elle est adressée à Pierre Amy, au sujet des vexations dont tous venaient d’être l’objet.
Ouvriers habiles, gens de cœur, ces écrivains n’expriment rien mollement ; tous savent donner à leurs pensées un tour vif et hardi, ceux qui ont éprouvé les passions de leur époque, comme ceux qui n’en ont senti que la curiosité ardente pour tous les objets de la connaissance humaine. […] Entre les deux penchants les plus marqués de notre esprit, le désir de connaître et le besoin de se fixer, le premier est si excité par la nouveauté et la richesse des objets à connaître, qu’il parvient à tromper le second, et qu’il prend possession de l’esprit tout entier. […] Enfin, voyez, par tant d’exemples où Montaigne et ses contemporains pensent au hasard et sans objet, combien cette curiosité et cette jalousie de son libre arbitre peut tromper d’excellents esprits. Cette intelligence qui a si peur de servir, qui se défie de la vérité à cause de sa ressemblance avec l’autorité, qui redoute si fort de se laisser surprendre, qui s’estime si au-dessus de son objet, voilà qu’un paradoxe sorti de quelque cerveau grec ou latin, un trait d’esprit, moins encore, un jeu de mots, a l’honneur de la mettre en branle, et de s’en rendre maître pour un moment ! […] Charron a retenu de son maître les formes du langage, ces figures, ces redoublements de mots pour renforcer le sens, l’étendre, en embrasser toutes les nuances ; ces épithètes qui sont comme les faces diverses du même objet ; ces images, si chères aux esprits spéculatifs, pour lesquels une demi-vue équivaut à une vue claire et entière.
Penser me paraissait l’objet unique de ma vie. […] Notre amitié consista en ce que nous nous apprenions mutuellement, en une sorte de commune fermentation qu’une remarquable conformité d’organisation intellectuelle produisait en nous devant les mêmes objets. […] Notre amitié fut ainsi quelque chose d’analogue à celle des deux yeux quand ils fixent un même objet et que, de deux images, résulte au cerveau une seule et même perception. […] Notre amitié me rappelle celle de François de Sales et du président Favre : « Elles passent donc ces années temporelles, monsieur mon frère ; leurs mois se réduisent en semaines, les semaines en jours, les jours en heures et les heures en moments, qui sont ceux-là seuls que nous possédons ; mais nous ne les possédons qu’à mesure qu’ils périssent… » La conviction de l’existence d’un objet éternel, embrassée quand on est jeune, donne à la vie une assiette particulière de solidité. […] Nous pouvons déranger le dessein providentiel dont nous sommes l’objet ; nous ne sommes pour presque rien dans sa réussite.
Il ne réside pas dans l’objet piteux et déconfit d’un rire étranger ; il réside dans l’identité du sujet et de l’objet du rire. […] L’humour est l’invasion de la personne de l’auteur dans son œuvre, à la place de son objet, — escamoté. […] Partout il met en scène non son objet, mais les grâces un peu lourdes de sa propre personne, cherchant à étonner le lecteur par des rapprochements inouïs de choses et d’idées, sans lien naturel ni rapport déchiffrable. […] Cependant il ne peut parvenir au bonheur, parce que l’objet qu’il désire est absurde, et les moyens qu’il emploie, inconséquents. […] Ils sont simplement les objets d’un rire étranger, ou la plupart du temps maltraités.
Sa poésie a une ingénuité de sentiments et d’émotions qui s’attachent à des objets pour lesquels le grand nombre n’a guère de sympathie, et où il y a plutôt travers d’esprit ou habitudes bizarres de jeune homme pauvre et souffreteux, qu’attachement naturel et poétique. […] Et, tout rêvant ainsi, pauvre rêveur, voilà Que soudain, loin, bien loin, mon âme s’envola, Et d’objets en objets, dans sa course inconstante, Se prit aux longs discours que feu ma bonne tante Me tenait, tout enfant, durant nos soirs d’hiver, Dans ma ville natale, à Boulogne-sur-Mer. […] Enfant, Dieu vous nourrit de sa sainte parole : Mais bientôt le laissant pour un monde frivole, Et cherchant la sagesse et la paix hors de lui, Vous avez poursuivi les plaisirs par ennui ; Vous avez, loin de vous, couru mille chimères, Goûté les douces eaux et les sources amères, Et sous des cieux brillants, sur des lacs embaumés, Demandé le bonheur à des objets aimés. […] Ô vous dont le platane a tant de frais ombrage, Dont la vigne en festons est l’honneur du rivage, Vous dont j’embrasse en pleurs et le seuil et l’autel, Êtres chers, objets purs de mon culte immortel ; Oh ! […] « “La brièveté expressive et un peu sèche du poète florentin, comparée à l’abondance élégante de Virgile, montre bien la différence du style de ces deux grands artistes peignant le même objet.
Je ne veux les déprécier ni l’un ni l’autre ; ils ont leur grandeur, que je ne nie point, et qu’atteste assez le culte mérité dont ils ne cesseront d’être l’objet. […] Cherchons donc quels sont les objets qui excitent la terreur et la pitié dans les événements réels de la vie. […] Elle exige des recherches profondes et difficiles, et l’objet qu’elle traite est grand et admirable. […] L’âme est donc indissolublement unie au corps : elle ne peut pas plus être séparée de lui qu’on ne peut séparer d’un objet quelconque la forme qui le limite et le détermine. […] L’universel est le seul objet de la science pour Aristote aussi bien que pour Platon.
Persuadé de l’amitié que vous avez pour moi, je vous ai ouvert mon cœur sur ce sujet, qui a été longtemps l’objet de mes réflexions. […] Il est curieux de voir, à cette fin de campagne, l’impatience du vieux guerrier qui, arrivé toutefois à son but pour la politique, frémit de colère de n’avoir pu frapper un dernier coup, et de se voir obligé à remettre l’épée dans le fourreau sans s’être vengé une bonne fois de ses ennemis dans une bataille : « En fait de campagne, disait-il en se jugeant avec une sorte d’amertume, nous n’avons fait (cette fois) que des misères55. » Dans les années qui suivent, on retrouve Frédéric et le prince Henri en conversation par lettres, en discussion philosophique sur les objets qui peuvent le plus intéresser les hommes, la religion, la nature humaine et le rang qu’elle tient dans l’univers, les ressorts et mobiles qui sont en elle, et les freins qu’on y peut mettre. […] C’est à Grimm qu’il faut demander le récit des adulations et des ovations dont il fut l’objet. […] Frédéric vit le bon côté, le côté sérieux de ce succès de son frère dans l’opinion : Le public en France, lui écrivait-il (13 septembre 1784), suit ce droit bon sens naturel qui voit les objets sans déguisement ; mais les ministres ont bien d’autres réflexions à faire, dont la principale roule sur leur conservation… Mais j’ose me flatter que votre séjour disposera les esprits en notre faveur, et que si la France voit enfin qu’elle est obligée de revirer de système, elle nous choisira comme son pis-aller.
Je me promenais seul, quelques moments avant le coucher du soleil ; le temps était très beau ; la fraîcheur des objets, le charme qu’offre leur ensemble dans cette brillante époque du printemps qui se fait si bien sentir à l’âme, mais qu’on affaiblit toujours en cherchant à la décrire ; tout ce qui frappait mes sens portait à mon cœur je ne sais quoi de doux et de triste ; les larmes étaient au bord de mes paupières. […] J’ai été heureux et actif dans tout cet intervalle ; j’avais un point d’appui fixe, un seul objet qui servait de centre à mes idées ; j’y étais tout entier ; le monde des affaires et des intrigues avait disparu pour moi, ou ne me servait que de distraction. » Il ne tire pas, ce me semble, de ces faits tout le parti qu’il devrait. […] Les incapacités que nous lui avons trop vues, et qu’il nous révèle, supprimaient pour lui les années que la plupart des hommes emploient ardemment et consacrent à la poursuite des honneurs et aux objets de l’ambition. […] Maine de Biran n’a pas de ces vigoureuses expressions de pensée qui se gravent, mais il a et il rend bien, à force d’y revenir et d’y abonder, la plénitude de son objet : À en juger par ce que j’éprouve, dit-il en un de ces endroits essentiels, et ne considérant que le fait psychologique seulement, il me semble qu’il y a en moi un sens supérieur et comme une face de mon âme qui se tourne par moments (et plus souvent en certaine temps, à certaines époques de l’année) vers un ordre de choses ou d’idées, supérieures à tout ce qui est relatif à la vie vulgaire, à tout ce qui tient aux intérêts de ce monde et occupe exclusivement les hommes.