/ 1503
753. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre VII. Maurice Barrès et Paul Adam » pp. 72-89

Qu’on demeure attaché à se vouloir le meilleur possible : l’œuvre que sera la vie ainsi cultivée sera visible ; on l’admirera, et par instinct d’amour-propre on l’égalera.

754. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre IV. L’antinomie dans l’activité volontaire » pp. 89-108

. — Sous toutes ces formes et dans tous ces usages, elle apparaît comme une puissance régulatrice et organisatrice des instincts, des sentiments et des idées, comme le principe directeur de la vie, le guide de la conduite, comme la manifestation la plus haute de la personnalité.

755. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. James Mill — Chapitre III : Sentiments et Volonté »

On y chercherait aussi vainement une étude des appétits et des instincts, et le chapitre sur la volonté s’en ressent.

756. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre II » pp. 12-29

Le rapprochement encore nouveau des esprits divisés pendant quarante années par les guerres civiles, semblait solliciter l’épanchement d’affections longtemps contenues ; le progrès des richesses que les discordes intestines n’avaient point empêché10, le progrès des lumières, les changements des esprits, des imaginations, des âmes tout entières, changements inséparables de toute révolution, donnaient une vive curiosité de se considérer sous de nouveaux aspects, inspiraient le pressentiment d’un nouveau genre de communications, de nouveaux points de contact, d’un développement inconnu de cet instinct social qui semble appartenir au Français plus qu’à toute autre nation.

757. (1901) La poésie et l’empirisme (L’Ermitage) pp. 245-260

Car tous les instincts et tous les vouloirs, tous les sentiments, toutes les pensées dont sont formés les hommes, ils auront à les découvrir, à les manier, et les joindre.

758. (1904) La foi nouvelle du poète et sa doctrine. L’intégralisme (manifeste de la Revue bleue) pp. 83-87

Ces règles sont-elles liées aux lois physiologiques de l’ouïe, de l’instinct et aussi de notre race ?

759. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre dixième. »

On peut aller jusqu’à dire qu’il fait très-bien, car il obéit à un instinct déterminé par des lois supérieures : mais l’homme, à qui ces mêmes lois ont donné la raison, paraît la combattre au moment où elle est préjudiciable à ses semblables.

760. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Chapitre IV : Règles relatives à la constitution des types sociaux »

Anthropologie, 1898), par Sutherland (The Origin and Growth of the Moral Instinct), et par Steinmetz (Classification des types sociaux in Année sociologique, III, p. 43-147).

761. (1912) L’art de lire « Chapitre II. Les livres d’idées »

Non pas un être qu’on adore par mouvement du cœur et élan de l’instinct, mais une doctrine que d’autres doctrines ont amené peu à peu à croire vraie ; Dieu pour Platon est une conclusion ; la foi de Platon est une logique.

762. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre VII. Les hommes partagés en deux classes, d’après la manière dont ils conçoivent que s’opère en eux le phénomène de la pensée » pp. 160-178

Ils ont un instinct sûr pour dire ce que pense la multitude, parce que eux-mêmes pensent comme elle et avec elle.

763. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XXII. La comtesse Guiccioli »

plus éternelle en ses instincts que Byron, avec tout son amour et tout son génie, ne pouvait la faire immortelle, s’est épouvantée de ces deux situations si nettes et n’a pas voulu de leur lumière.

764. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Buloz »

Quel que soit le mérite, ignoré, du reste, de ces traductions que l’avenir s’arrachera peut-être, l’instinct commerçant de son pays parlant plus haut que son génie de traducteur poussa bientôt Buloz à l’entreprise littéraire qui, pour Vapereau, en a fait un littérateur.

765. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Léon Gozlan » pp. 213-230

— des instincts des hommes les institutions à l’aide desquelles on puisse les gouverner.

766. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Marie Desylles » pp. 323-339

J’avais la prétention d’apprendre au monde, qui n’écoute jamais que ses propres instincts, la publication inespérée des lettres de la dernière princesse de Condé, la sœur du duc d’Enghien… Et je n’appris rien à personne.

767. (1894) La vie et les livres. Première série pp. -348

Plus de ces longues descriptions qu’aiment les tapissiers, et qui sont l’effet d’un instinct que M.  […] L’instinct de la conservation, uni au besoin d’un secours surnaturel et à une certaine capacité de rêve, a rendu les hommes superstitieux et idolâtres. […] Guy de Maupassant est, par instinct et par éducation, un écrivain naturaliste, et je ne vois pas de romancier à qui ce mot puisse s’appliquer plus exactement qu’à lui. […] Ce qui est lointain attire, par le mystère de l’inconnu, son instinct d’artiste, de poète et de peintre. […] Comme au temps du roi Arthur, ils vont d’instinct aux explications surnaturelles, à la terreur secrète d’un monde mystérieux qui empiète à chaque instant sur le monde visible.

768. (1922) Nouvelles pages de critique et de doctrine. Tome I

C’est contre ce tarissement par l’abus de la raison négative que se rebelle l’instinct d’un Rousseau. […] L’instinct du talent est trop fort chez M.  […] Que son système dérive de ses instincts ou de ses raisonnements, il a un système et qui ne lui permet pas cette impersonnalité, première condition du véritable esprit critique. […] Mais il répugnait, par instinct et par discipline, à tout étalage. […] L’instinct de conservation suspend l’acte, et la vanité cherche une échappatoire.

769. (1930) Les livres du Temps. Troisième série pp. 1-288

Mais c’est déjà beaucoup d’avoir senti la beauté des anciens par instinct et intuition, sans discerner les véritables raisons qui commandent l’admiration de l’antiquité. […] Sa pensée était la révélation lumineuse où aspirait obscurément l’instinct juvénile, la belle et imposante Marraine pour Chérubins de lettres, l’apparition de la Pallas moderne, une théophanie rationnelle. […] Cet enragé traditionaliste a fini par s’apercevoir que l’instinct égalitaire était un instinct naturel chez les Français et provenait du fond permanent de la race. […] Ou n’est-ce pas toujours ce même sentiment, le même instinct, sous des formes diverses ?) […] Bon pour la tourbe d’agir toujours par mauvais instincts ou bas intérêt !

770. (1890) Impressions de théâtre. Quatrième série

Oui, c’est la nature, c’est l’instinct qui agit chez Agnès et Horace, et à cause de cela nous sommes avec eux. […] Et, par exemple, ne peut-on pas dire que c’est encore la Nature et l’Instinct qui, dans la Souris, poussent l’innocente Marthe dans les bras de Max de Simiers, lequel a tout justement l’âge d’Arnophe ? […] Francisque Sarcey, entre le sentiment du devoir et les instincts de sociabilité. […] Sarcey prétend que le public « le sent d’instinct, sans demander qu’on le lui explique ». […] Et, en effet, cette préoccupation du péché, jointe aux plus violents instincts, on la retrouverait souvent chez les personnages de nos Mystères.

771. (1916) Les idées et les hommes. Troisième série pp. 1-315

En d’autres termes, l’instinct qui l’excite, c’est le vieil instinct de la Germanie, que Grégoire de Tours appelait, il y a quatorze siècles, une race de proie. […] Une sorte d’instinct secret la guide : le meilleur instinct, la volonté d’obéir à sa destinée. […] Mais nous avons accoutumé d’honorer plus l’intelligence que l’instinct. […] Mais « on peut aussi concevoir l’intelligence comme une forme initiale de l’instinct. […] L’instinct n’est pas la fleur accomplie de l’intelligence.

772. (1920) Essais de psychologie contemporaine. Tome II

Il y a une psychologie des crises, que les auteurs dramatiques adoptent par instinct, tout naturellement, avant de la pratiquer par réflexion. […] Son plus considérable ouvrage, la Justice, est une tentative de cet ordre : D’autres, au contraire, pensent qu’il, y a un antagonisme irréductible entre l’instinct de vérité d’où émane la science et l’instinct de beauté, source première de la poésie. […] … Voilà le profond instinct d’équilibre qui a soulevé l’âme grecque vers une théologie d’un naturalisme heureux. […] Ce vulgaire modèle, sans autre pouvoir que l’instinct féminin, finit par briser chez son amant même cette foi dans l’art qui avait été le noble roman de sa jeunesse. […] Il faut que les sens aient leur mémoire instinctive, car l’instinct seul est infaillible.

773. (1907) Jean-Jacques Rousseau pp. 1-357

Il disait ce que disent souvent des hommes supérieurs vivant avec une bête : « Elle est simple, mais elle a beaucoup de bon sens, un instinct très sûr. » Jean-Jacques, adorateur de la nature et de l’instinct, devait le dire d’autant plus. — Après avoir parlé des pataquès de Thérèse, il ajoute : Mais cette personne si bornée et, si l’on veut, si stupide, est d’un conseil excellent dans les occasions difficiles… Devant les dames du plus haut rang, devant les grands et les princes, ses sentiments, son bon sens, ses réponses et sa conduite lui ont attiré l’estime universelle, et à moi, sur son mérite, des compliments dont je sentais la sincérité. […] Il nous le montre ensuite : Imitant l’industrie des animaux… s’élevant (le mot y est) jusqu’à l’instinct des bêtes… réunissant en lui les instincts propres à chaque espèce animale… se nourrissant également de la plupart des aliments divers que les autres animaux se partagent, et trouvant par conséquent sa subsistance plus aisément que ne peut le faire aucun d’eux. […] Pour Rousseau, il semble bien que la nature, ce soient les instincts et les sentiments avec lesquels l’homme vient au monde. Or, le désir de durer, celui de ne pas souffrir, celui de vivre en société, celui même d’étendre son être, de posséder, de se distinguer et de dominer sont apparemment et ont été de tous temps parmi ces instincts. […] instinct divin, immortelle et céleste voix, guide assuré d’un être ignorant et borné, mais intelligent et libre, juge infaillible du bien et du mal, qui rend l’homme semblable à Dieu !

774. (1876) Romanciers contemporains

Que l’on étudie l’âme dans ses luttes, et non l’instinct dans cas ils protesteraient avec énergie, et ils auraient bien raison. […] Il aime ses enfants, mais par instinct, sans avoir conscience ni de la dignité ni de l’élévation de l’autorité paternelle. […] Il décrit, avec cette abondance de détails qui lui est propre, toutes les circonstances qui annoncent la dissolution prochaine du corps ; il note « la marche et le progrès du sérum dans le cerveau » ; négligeant l’âme pour ne s’occuper que de l’instinct, c’est dans les suprêmes convulsions de cet instinct brutal, qui se débat encore, qu’il fait consister l’agonie de ce père étrange. […] Zola qui a écrit que « son instinct le pousse à applaudir les esprits avides de franchise ». […] Si la passion ignore tout frein, elle est un instinct, une maladie, un cas scientifique qui ne saurait rien avoir de commun avec le beau.

775. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — Chapitre IV. Addison. »

Dans cette vaste transformation des esprits qui occupe tout le dix-huitième siècle et donne à l’Angleterre son assiette politique et morale, deux hommes paraissent, supérieurs dans la politique et la morale, tous deux écrivains accomplis, les plus accomplis qu’on ait vus en Angleterre ; tous deux organes accrédités d’un parti, maîtres dans l’art de persuader ou de convaincre ; tous deux bornés dans la philosophie et dans l’art, incapables de considérer les sentiments d’une façon désintéressée, toujours appliqués à voir dans les choses des motifs d’approbation ou de blâme ; du reste différents jusqu’au contraste, l’un heureux, bienveillant, aimé, l’autre haï, haineux et le plus infortuné des hommes ; l’un partisan de la liberté et des plus nobles espérances de l’homme, l’autre avocat du parti rétrograde et détracteur acharné de la nature humaine ; l’un mesuré, délicat, ayant fourni le modèle des plus solides qualités anglaises, perfectionnées par la culture continentale ; l’autre effréné et terrible, ayant donné l’exemple des plus âpres instincts anglais, déployés sans limite ni règle, par tous les ravages et à travers tous les désespoirs. […] Son premier soin, comme il le dit, était de ranger ses passions « du côté de la vérité. » Il s’était fait intérieurement un portrait de la créature raisonnable, et y conformait sa conduite autant par réflexion que par instinct. […] Tout ce qui est verve, instinct, inspiration, caprice, est en lui aboli ou discipliné.

776. (1880) Goethe et Diderot « Gœthe »

Pour en revenir à Gœthe, — la tête de colonne des écrivains allemands que madame de Staël fait brillamment défiler dans son Allemagne et que je demande à la critique d’un homme doué d’un esprit plus mâle de passer en revue à son tour, — pour en revenir à Gœthe et pour être sûr de qui nous parlons, disons d’abord que le génie, la première qualité du génie, c’est là spontanéité, c’est le jaillissement, c’est la nature, plus forte que tout dans un homme et qui l’engendre presque violemment à la vocation, irrésistible comme l’instinct, qui l’y pousse. […] La vision de Claire, qui apparaît à Egmont dans sa prison au milieu des anges pour le conduire au ciel, est d’une grossièreté de matérialisme théâtral qui n’a pas échappé à madame de Staël, la spirituelle femme qui avait l’instinct du ridicule autant que la faculté de l’enthousiasme, — heureusement pour elle ! […] Si mince que soit un homme ou un écrit, il y a en cet homme ou en cet écrit une chose qu’il a faite ou qu’il n’a pas faite, un principe d’instinct ou de réflexion, qu’il sait ou ne sait pas, peu importe !

777. (1904) Essai sur le symbolisme pp. -

« L’œuvre d’art, déclare Taine, est déterminée par un ensemble qui est l’état général de l’esprit et des mœurs environnantes10. » Nous évoluons en durant et une atmosphère sociale irrespirée, des instincts de civilisés tout neufs entraînent fatalement des changements dans notre manière de sentir et créent des états d’âme nouveaux. […] Nous avons les mêmes organes, les mêmes instincts, à peu près un genre de vie semblable, et pourtant le paysage ne nous frappe pas de même manière. […] Les instincts grossiers se tapissent et l’âme sort.

778. (1915) Les idées et les hommes. Deuxième série pp. -341

Ainsi, la pudeur serait une spontanéité absolue, un instinct délicat. […] Ses instincts. […] Elle n’est que l’un d’eux ; et d’autres instincts seront, avec la pudeur, en vive concurrence. […] Elle n’est plus qu’un instinct, qu’une velléité parmi d’autres. […] Il y a la psychologie de la raison et celle des velléités on de l’instinct.

779. (1883) La Réforme intellectuelle et morale de la France

Avec un instinct parfaitement juste, nous sentîmes que ce qui se passa ce jour-là était un grand malheur. […] Mais, en politique, il faut se garder de prendre ses sympathies pour ce qui doit être ; ce qui réussit en ce monde est d’ordinaire le rebours de nos instincts, à nous autres idéalistes, et presque toujours nous sommes autorisés à conclure, de ce qu’une chose nous déplaît, qu’elle sera. […] La Russie, par ses instincts profonds, par son fanatisme à la fois religieux et politique, conservait le feu sacré des temps anciens, ce qu’on trouve bien peu chez un peuple usé comme le nôtre par l’égoïsme, c’est-à-dire la prompte disposition à se faire tuer pour une cause à laquelle ne se rattache aucun intérêt personnel. […] Le degré de raison nationale émanant d’un peuple qui n’a pas contracté un mariage séculaire avec une famille est, au contraire, si faible, si discontinu, si intermittent qu’on ne peut le comparer qu’à la raison d’un homme tout à fait inférieur ou même à l’instinct d’un animal.

780. (1895) Les confessions littéraires : le vers libre et les poètes. Figaro pp. 101-162

Mais de consciencieux poètes recherchent déjà ces lois, tels de Souza, qui dresse la grammaire de la poétique nouvelle ; Vielé-Griffin, qui nombre la cadence… Il faut d’abord que l’instinct, l’intuition, l’inspiration donnent en ce sens tout ce qui peut être donné ; ensuite, par analogies, par racines, par courbes graphiques, formuler scientifiquement des règles. […] Elle ne renaîtra pleine, riche, sonore qu’aux heures d’expansion et de rumeurs ; j’ai toujours ainsi compris la rime et m’en suis servi d’instinct, au gré du lyrisme, et me confortant dans cette esthétique naturelle par l’exemple de Laforgue, de Kahn, de Verlaine surtout. […] Et c’est peut-être, en ce temps de poésie, d’instinct, plutôt brumeuse et languide, la plus distincte caractéristique de cette Muse de Mistral : la lumière et la joie. […] On n’est pas loin de s’entendre sur les lois fondamentales ; on y obéit d’instinct.

781. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Benjamin Constant et madame de Charrière »

Benjamin Constant et madame de Charrière96 Rien de plus intéressant que de pouvoir saisir les personnages célèbres avant leur gloire, au moment où ils se forment, où ils sont déjà formés et où ils n’ont point éclaté encore ; rien de plus instructif que de contempler à nu l’homme avant le personnage, de découvrir les fibres secrètes et premières, de les voir s’essayer sans but et d’instinct, d’étudier le caractère même dans sa nature, à la veille du rôle. […] Ni moi non plus, je ne vois de motifs pour rien dans ce monde, et je n’ai de goût pour rien. » Ce qui fait que Benjamin Constant est bien véritablement ce que j’ai appelé un girondin de nature, un inconséquent qui obéit non pas à des principes, mais à des instincts, et qui ne cherchera guère jamais dans les luttes publiques que de plus nobles émotions, c’est qu’il persiste, au milieu de ces dégoûts et de ces anéantissements, à être libéral et démocrate quand il est quelque chose. […] Celle lettre est très-peu connue en France ; elle peint déjà le Benjamin tel qu’il sera un jour, avec sa légèreté, sa mobilité d’émotions, ses instincts de joueur et de moqueur, et aussi avec toute sa grâce. […] Dans ce qui suit, on devra aussi reconnaître la prédisposition opposante de Benjamin Constant, ses opinions libérales Préexistantes, ses instincts de justice politique, le tout exprimé, il est vrai, avec une parfaite irrévérence et avec cette pointe finale d’impiété qui caractérise en lui sa période voltairienne. […] Souvent il s’était moqué avec Mme de Charrière de la littérature allemande ; Mme de Charrière, dans sa hardiesse d’idées, avait plutôt l’esprit français, le tour du xviiie  siècle ; Benjamin Constant visait déjà au xixe , et il avait des instincts plus larges, plus flottants, plus aisément excités à toute nouveauté.

782. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre IV. Shakspeare. » pp. 164-280

. —  Pourquoi Shakspeare fonde la vertu sur l’instinct ou la passion. […] Comme la pensée involontairement vient mettre à côté de Shakspeare, notre grand malheureux poëte lui aussi un philosophe d’instinct, mais de plus un rieur de profession, un moqueur des vieillards passionnés, un railleur acharné des maris trompés, qui, au sortir de sa comédie la plus applaudie, dit tout haut à quelqu’un : « Mon cher ami, je suis au désespoir, ma femme ne m’aime pas !  […] Par un instinct extraordinaire, ils se mettent de prime-saut à la place des êtres : hommes, animaux, plantes, fleurs, paysages, quels que soient les objets, animés ou non, ils sentent par contagion les forces et les tendances qui produisent le dehors visible, et leur âme, infiniment multiple, devient par ses métamorphoses incessantes une sorte d’abrégé de l’univers. […] Faut-il l’attribuer à cet instinct anglais qui met le bonheur dans la vie du campagnard et du propriétaire bien renté, bien apparenté, bien muni de confortable, qui jouit posément de sa respectabilité établie212, de son autorité domestique et de son assiette départementale ? […] Le fatal cercle d’or attire ses yeux comme un joyau magique, et il abat, par une sorte d’instinct aveugle, les têtes qu’il aperçoit entre la couronne et lui.

783. (1925) Feux tournants. Nouveaux portraits contemporains

Jeune fille, créature d’instinct, d’un esprit assez limité, comme son cousin a dû s’éloigner quelque temps pour s’assurer d’une situation qui permettra au ménage de vivre, elle s’éprend d’un professeur marié. […] Que le Diable au corps nous paraît alors mince, où l’instinct seul avait sa place ! […] Doit-on répéter que les pires instincts de l’homme furent d’abord l’objet de la dilection du dramaturge ? […] Israël, en 1908, dévoile un drame aussi terrible et livre quelques aspects de l’âme juive ; l’Assaut qui vit la rampe en 1912 marque le souci de l’auteur de mettre enfin en valeur des hommes dont les instincts sont moins vils, et qui s’efforcent d’atteindre à une certaine noblesse morale. […] Benjamin Crémieux La critique littéraire, nous sommes d’accord sur son objet tel que Brunetière le définit et qui est de nous élever au-dessus de nos goûts comme la morale nous élève au-dessus de nos instincts.

784. (1896) Le IIe livre des masques. Portraits symbolistes, gloses et documents sur les écrivains d’hier et d’aujourd’hui, les masques…

Avec un instinct sûr d’homme de l’Isle-de-France, il les a remises à leur vraie place, leur imposant quand il le faut le silence qui convient à leur nom. […] Inconsciemment soumis à l’habitude et au pouvoir des mots, nous ne sommes point hors de servitude. » Nous devrons nous défier encore de nos instincts, même s’ils nous « poussent vaguement à faire œuvre de bien, de bonté et de justice » ; l’instinct n’est pas la conscience ; c’est à la conscience et non à l’instinct que nous devons obéir. […] Sa philosophie est une sorte de positivisme panthéiste et optimiste ; le monde évolue, du germe à la plénitude, de l’inconscience à l’intelligence, de l’instinct à la loi, du droit au devoir, ― vers le mieux. […] Ghil, d’autre part, a voulu lier le bruit des consonnes aux sons d’une série d’instruments d’orchestre ; ainsi : r avec une lettre rouge, o, par exemple, répond à « la série grave des Sax » et aux idées de domination, de gloire, etc. ; la même lettre r jointe à une lettre or, u, par exemple, répond à « la série des trompettes, clarinettes, fifres et petites flûtes et aux idées de tendresse, du rire, d’instinct d’aimer », etc.

785. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre I. La Renaissance païenne. » pp. 239-403

S’épancher, contenter son cœur et ses yeux, lancer hardiment sur toutes les routes de la vie la meute de ses appétits et de ses instincts, voilà donc le besoin qui apparaît dans les mœurs. […] Ils sont acteurs d’instinct. […] À travers le paganisme régnant, les instincts spiritualistes percent, et font des platoniciens, en attendant qu’ils fassent des chrétiens. […] Dégagées par elle des conditions ordinaires de la vie, elles peuvent tout oser, en dehors de l’imitation, par-delà la vraisemblance, sans autre guide que leur force native et leurs instincts obscurs. […] À la façon des poëtes, il peuple la nature d’instincts et d’inclinations ; il attribue aux corps une véritable voracité, à l’air une sorte de soif pour les clartés, les sons, les odeurs, les vapeurs qu’il absorbe ; aux métaux, une sorte de hâte pour s’incorporer les eaux-fortes.

786. (1896) Études et portraits littéraires

Il découvre chez l’enfant l’instinct héréditaire précis, pratique. […] Ils sont là avec le jeu élémentaire de leurs facultés, la spontanéité de leurs instincts, sans conflits ni traverses compliqués. […] Non, il y a là un penchant pour les réalités basses, une mise en valeur du laid, un parti pris de chercher matière d’art dans le jeu grossier des instincts. […] Il les suit, — jamais bien loin de l’eau, puisqu’un instinct les retient au bord. […] Nous estimons en outre que, même dans la satisfaction légitime des instincts, une réserve est nécessaire, qui affirme la maîtrise de l’esprit.

787. (1862) Notices des œuvres de Shakespeare

Mais, en même temps, guidé par cet instinct d’harmonie qui n’abandonne jamais le vrai poëte, Shakespeare a répandu sur tout le drame la même couleur sombre qui ouvre la scène : le spectre du roi assassiné imprime dès les premiers pas et conduit jusqu’au terme le mouvement. […] Shakspeare excelle à voir les sentiments humains tels qu’ils se présentent, tels qu’ils sont réellement dans la nature, sans préméditation, sans travail de l’homme sur lui-même, naïfs et impétueux, mêlés de bien et de mal, d’instincts vulgaires et d’élans sublimes, comme l’est l’âme humaine dans son état primitif et spontané. […] Il ne faut pas oublier qu’élevée dans un cloître elle doit avoir horreur de tout ce qui pouvait souiller son corps qu’elle est accoutumée à considérer comme un vase d’élection ; d’ailleurs une vertu absolue a aussi sa noblesse, et si elle est moins dramatique que la passion, elle amène ici cette scène si vraie où Claudio, après avoir écouté avec résignation le sermon du moine et se croyant détaché de la vie, retrouve, à la moindre lueur d’espoir, cet instinct inséparable de l’humanité qui nous fait embrasser avec ardeur tout ce qui peut reculer l’instant de la mort. Par quel heureux contraste Shakspeare a placé à côté de Claudio ce Bernardino, abruti par l’intempérance, auquel même il ne reste plus cet instinct conservateur de l’existence ! […] Ses deux élèves ont déjà l’instinct des grandes âmes ; et leur amitié fraternelle est touchante.

788. (1890) Derniers essais de littérature et d’esthétique

Walker a le subtil instinct artistique que donne la pratique réelle de l’art dont il parle. […] Crane n’a rien dit, quoique ce soit une des choses les plus importantes dans la décoration) et par la subtilité de leur instinct dans la place à donner aux objets, les Japonais sont des artistes décoratifs d’un ordre élevé. […] Ils disent que le peuple est brutal,   qu’en lui sont mort les instincts de beauté. […] Ici nous trouvons un noble sujet noblement traité, la délicatesse de l’instinct poétique, et la richesse d’imagination. […] Pour conclure, on ne peut s’empêcher de remarquer le délicat instinct qui a conduit à donner son tour particulier au bref épilogue qui termine ce charmant volume.

789. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME GUIZOT (NEE PAULINE DE MEULAN) » pp. 214-248

Mais les esprits essentiellement critiques et moralistes n’ont le plus souvent besoin ni de grands mécomptes ni de désabusements directs pour arriver à leur plein exercice et à leur entier développement ; ils sont moralistes en un clin d’œil, par instinct, par faculté décidée, non par lassitude ni par retour. […] » Cette agréable explication n’empêche pas le tour d esprit général des Contradictions d’être d’instinct et non d’emprunt, naturel chez l’auteur et non fait exprès.

790. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — H — Hugo, Victor (1802-1885) »

Un grand instinct se faisait jour en lui. […] Hugo, au nom d’un instinct grandiose, proclame un père des êtres, en qui tous les êtres sont frères… [Victor Hugo (1885).]

791. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Victor Hugo »

L’instinct de la mère est divinement animal. […] C’est de la maternité aussi grossièrement, aussi païennement entendue, que ce poète, qui fut chrétien, qui a été élevé par une mère chrétienne, qui doit avoir, puisqu’il est poète, l’instinct du beau pour vibrer aux grandes et belles choses et à la maternité chrétienne telle qu’on la trouve souvent dans l’Histoire, c’est de cette espèce de maternité physiologique, incomplète et basse, qu’il a cru pouvoir faire sortir une palpitante et idéale tragédie !

792. (1900) Le rire. Essai sur la signification du comique « Chapitre II. Le comique de situation et le comique de mots »

Par un instinct naturel, et parce qu’on aime mieux, en imagination au moins, être dupeur que dupé, c’est du côté des fourbes que se met le spectateur. […] Nous connaissons l’expression naturelle, en effet, puisque c’est celle que nous trouvons d’instinct.

793. (1856) Mémoires du duc de Saint-Simon pp. 5-63

Le politique n’en voit qu’une qui est la vraie ; il a le tact juste, plutôt que l’imagination abondante ; d’instinct, il devine la bonne route, et la suit sans plus chercher. […] C’est qu’il a trouvé sa vraie place ; cet esprit qui regorgeait de sensations et d’idées était né curieux, passionné pour l’histoire, affamé d’observations, « perçant de ses regards clandestins chaque physionomie », psychologue d’instinct, « ayant si fort imprimé en lui les différentes cabales, leurs subdivisions, leurs replis, leurs divers personnages et leurs degrés, la connaissance de leurs chemins, de leurs ressorts, de leurs divers intérêts, que la méditation de plusieurs jours ne lui eût pas développé et représenté toutes ces choses plus nettement que le premier aspect de tous les visages. » « Cette promptitude des yeux à voler partout en sondant les âmes » prouve qu’il aima l’histoire pour l’histoire.

794. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Mémoires de l’impératrice Catherine II. Écrits par elle-même, (suite.) »

Ce malheureux homme, au milieu de ses extravagances, avait un vague instinct et un pressentiment de la destinée funeste qu’il se tramait de ses propres mains : il répétait souvent, parlant à la grande-duchesse elle-même, quand elle essayait encore de le ramener à l’idée du rôle qu’il aurait à remplir, « qu’il sentait qu’il n’était pas né pour la Russie, que ni lui ne convenait aux Russes, ni les Russes à lui, et qu’il était persuadé qu’il périrait en Russie. » Les Anciens avaient personnifié l’imprudence et l’aveuglement des hommes sous la figure d’une déesse aussi terrible que Némésis, aussi inévitable que la Destinée elle-même : Atè, c’était son nom.

795. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « De la poésie en 1865. (suite.) »

Où rampait le sentier, nous déployons la route ; Ce qu’un aveugle instinct surprit et révéla, Nous l’expliquons !

796. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Le Brun »

De bonne heure, et comme par un instinct de sa mission future, il s’est pénétré du rôle de Tyrtée, et il gourmande déjà nos défaites sous Contades, Soubise et Clermont, comme plus tard il célébrera le naufrage victorieux du Vengeur et Marengo.

797. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « M. Rodolphe Topffer »

Il continuait de vivre et de jouer sous ces mille formes que lui dictait un secret instinct ; le crayon jouait sous ses doigts, et la saillie accompagnait le crayon, comme un air qu’on sait suit naturellement les paroles.

798. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Première partie. Préparation générale — Chapitre V. De la lecture. — Son importance pour le développement général des facultés intellectuelles. — Comment il faut lire »

Descendez en vous-même après votre lecture : interrogez votre propre sentiment sur les traits qu’a marqués le poète ; éclairez votre instinct obscur à la lumière de cette poésie si nette.

799. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre III. Poésie érudite et artistique (depuis 1550) — Chapitre I. Les théories de la Pléiade »

On voit que le provignement de Ronsard n’est que l’imitation réfléchie de révolution spontanée du langage ; si d’impression sont sortis impressionner, impressionnable, impressionnabilité, n’est-ce pas un provignement opéré par l’instinct naturel du peuple ?

800. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre III. Le naturalisme, 1850-1890 — Chapitre II. La critique »

Ces fines observations, ces exactes analyses se traduisent grossièrement en littérature par cette notion : il n’y a dans l’homme que des sensations et des instincts : tout le reste est mensonge, sottise, spiritualisme, indigne de l’attention d’un savant.

801. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Deux tragédies chrétiennes : Blandine, drame en cinq actes, en vers, de M. Jules Barbier ; l’Incendie de Rome, drame en cinq actes et huit tableaux, de M. Armand Éphraïm et Jean La Rode. » pp. 317-337

Si les communautés chrétiennes étaient composées, en majorité, de très douces âmes, il devait pourtant s’y rencontrer, surtout parmi les catéchumènes, des malheureux venus là par désespoir, excès de souffrance, haine de la société établie, instinct de révolte, insuffisamment instruits et non encore imprégnés de l’esprit de Jésus.

802. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — L — Lamartine, Alphonse de (1790-1869) »

Et enfin, et surtout, ce que l’on reconnaît, c’est que d’autres poètes ont eu peut-être d’autres qualités, plus d’art et de métier, par exemple, ou plus de passion ; ils ont encore été, ceux-ci, des inventeurs plus originaux ou plus puissants, et ceux-là, des âmes plus singulières ; mais nul, assurément, n’a été plus poète, si, dans la mesure on ce mot de poésie exprime ce qu’il y a de pins élevé dans l’idéal de l’humanité, nul ne l’a réalisé plus pleinement, ou n’en a plus approché, sans effort et sans application, naturellement, naïvement, par le seul effet de son instinct ou de la loi de son être, comme un grand fleuve coule scion sa pente.

803. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre premier. La critique et la vie littéraire » pp. 1-18

« La raison approuvant l’instinct », je me souviens d’avoir abouti à cette formule dans une étude exclusivement sociale : je me félicite de cette coïncidence.

804. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre XIII. Conclusions » pp. 271-291

Chez le sauvage même le moins individué, les mouvements de la peur, de la colère, de l’instinct sexuel, de la jalousie, procédaient bien sans doute d’un désir égoïste, si peu conscient de lui-même qu’ait été cet égoïsme.

805. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XVII. Forme définitive des idées de Jésus sur le Royaume de Dieu. »

Ce fantastique royaume du ciel, cette poursuite sans fin d’une cité de Dieu, qui a toujours préoccupé le christianisme dans sa longue carrière, a été le principe du grand instinct d’avenir qui a animé tous les réformateurs, disciples obstinés de l’Apocalypse, depuis Joachim de Flore jusqu’au sectaire protestant de nos jours.

/ 1503