Il y a, nous l’avons éprouvé, dans beaucoup d’esprits jeunes et ouverts, une facilité périlleuse à adopter, à professer prématurément des doctrines qu’on conçoit, qu’on aime, mais dont certaines parties laissent encore du trouble. […] C’est un des esprits les plus avancés en même temps et les plus antiques, antique en certaines places, le dirai-je ? […] Dans le temps qu’il demeurait à Saint-Malo, chez sa sœur, il lisait beaucoup toutes sortes de livres, des romans en quantité, et puis on en causait comme en un bureau d’esprit avec passion ; il y mêlait une gaieté très-active. […] N’as-tu pas admiré dans le discours de M. de Montesquiou comme quoi les Français ont trop d’esprit pour avoir besoin de dire ce qu’ils pensent ? […] Car ce n’est pas avec une raison lucide seulement qu’il convient de se livrer à cette investigation, trop variable selon les lumières ; c’est avec des qualités religieuses de l’esprit et du cœur, qui soutiennent dans le chemin, le devinent aux places douteuses, et en dispensent là où il ne conduit plus.
Mignet, par ce premier et remarquable essai, déclarait hautement sa vocation naturelle et en même temps le procédé le plus habituel de son esprit. […] J’ai encore présentes à l’esprit ces premières leçons de l’Athénée dans lesquelles M ignet aborda le xvie siècle et la Réforme. […] Montesquieu, sans aller jusqu’au sens mystique, croyait également à des lois dans l’histoire ; tous les esprits supérieurs les aiment au point de les créer plutôt que de s’en passer. […] L’histoire est donc un art ; il y met du sien, de son esprit, il y imprime son cachet, et c’est même à ce prix seul qu’elle est possible. […] Il est une dernière remarque que j’oserai glisser ici, bien que contraire à la prévention qui règne aujourd’hui en faveur du langage du siècle de Louis XIV ; tous ces hommes d’esprit dont j’ai parlé causaient à merveille, mais comment écrivaient-ils pour la plupart ?
Pour le comprendre, l’esprit du spectateur découvre sans peine et monte avec une sorte d’orgueil paisible l’échelle d’idées par laquelle a passé le génie de l’artiste. […] D’où il suit que, dans les ouvrages des esprits supérieurs, il est un degré relatif où chaque esprit inférieur s’élève, mais qu’il ne franchit pas, et d’où il juge l’ensemble comme il peut. […] Les esprits qui n’auront trouvé où poser leur vol s’en reviendront comme la colombe de l’arche, sans même rapporter le rameau d’olivier […] Telle est la situation d’esprit des trois personnages principaux au moment où Racine commence sa pièce. […] Si les esprits supérieurs, les génies à pic, ne prêtent pas pied à divers degrés aux esprits inférieurs, ils en portent un peu la peine, et ne distinguent pas eux-mêmes les différences d’élévation entre ces esprits estimables, qu’ils voient d’en haut tous confondus dans la plaine au même niveau de terre.
Que me reste-t-il dans l’esprit, une fois ces grandes vibrations éteintes ? […] La qualité de son esprit ne m’éblouit ni ne me charme, hélas ! […] L’esprit de ce temps, c’est dans Stendhal, Sainte-Beuve, Michelet, Taine et Renan qu’il réside. […] Enfin, dans les dernières années de sa vie, il poussait l’inconscience du ridicule jusqu’à un excès qui affligeait les esprits délicats. […] Il eut la chance d’être exilé et l’esprit de faire servir son exil à sa gloire.
Il semble que les procédés de la connaissance soient les mêmes, qu’ils s’appliquent aux choses de l’esprit ou au monde physiologique. […] Il semble qu’il ait voulu nous faire toucher la disproportion formidable qui s’accuse entre les interrogations posées par l’inquiétude de notre esprit et nos moyens d’y répondre. […] Ainsi, selon deux procédés différents, l’esprit humain s’est efforcé de se rendre maître de la certitude. […] L’entreprise nous paraît ici plus téméraire parce qu’elle va à ébranler une croyance dont l’influence sur l’esprit est encore actuelle. « Une croyance, a dit Fustel de Coulanges, est l’œuvre do notre esprit, mais nous ne sommes pas libres de la modifier à notre gré.
Ainsi, parce qu’une différenciation sociale coexiste souvent avec l’esprit anti-égalitaire, ne nions pas les rapports de l’esprit égalitaire avec la complication sociale : la multiplication des cercles veut être distinguée de leur intersection. […] La variété des corps dont les hommes deviennent, les éléments diminue en eux l’étroitesse de l’esprit de corps. […] Tout ce qui entrecroise les groupes embrouille les distinctions de classes, et invite l’esprit à en faire abstraction pour mesurer la valeur propre aux individus. […] Elle inaugurait une société des esprits qui, pour être idéale, n’en devait pas moins, par sa forme propre et la situation qu’elle occupait au milieu des autres sociétés, acheminer l’humanité à l’égalitarisme. […] Les salons du xviiie siècle ne préparent pas seulement l’égalité des hommes parce qu’ils réunissent et confondent seigneurs et hommes de lettres, mais parce que, prisant l’esprit par-dessus tout, ils fournissent aux roturiers l’occasion de racheter par la supériorité du talent l’infériorité de la naissance : dans le royaume de l’esprit un enfant trouvé peut être roi.
C’était l’époque des cafés et de leur première vogue ; ils étaient hantés par ce qu’il y avait de mieux parmi les gens d’esprit. […] L’abbé Prévost y insiste et le discute, au sujet même de l’abbé de Pons : Je ne sais, dit-il22, par quel préjugé on s’est persuadé depuis quelque temps que les cafés sont une mauvaise école pour l’esprit et pour le goût. […] Il fut donc enthousiaste de La Motte, et crut réellement que cet esprit très éclairé était un talent supérieur et un génie. […] Ce qu’il dit contre les stupides admirateurs des anciens à propos de L’Iliade française me semble d’une grande justesse ; mais son La Motte n’est pas si grand poète qu’il dit, quoique homme de beaucoup d’esprit et de goût. […] La vérité est qu’ils se convenaient l’un et l’autre de tout point, qu’il y avait harmonie préétablie entre leurs esprits, et qu’à la première rencontre leurs atomes crochus s’attirèrent3.
C’est là tout un côté de la critique actuelle, de la mauvaise critique ; mais hors de celle-là, en face ou pêle-mêle, il y a la bonne, il y a celle des esprits justes, fins, peu enthousiastes, nourris d’études comparées, doués de plus ou moins de verve ou d’âme, et consentant à écrire leurs jugements à peu près dans la mesure où ils les sentent. […] Loève-Veimars, dans son Népenthès, s’offre aussi à nous avec des qualités et des mérites variés qui conviennent surtout à cette classe d’esprits. […] Loève-Veimars par une pointe de cet esprit philosophique de Voltaire et de Chamfort, de Chamfort qui n’aurait pas fait de tragédies et qui aurait beaucoup lu Brantôme et les mémoires de la reine Marguerite. […] Un tel paradoxe, si contraire à la conscience littéraire de l’élite du public d’alors, à l’admirable Épître de Boileau, et de plus si impossible à démontrer aujourd’hui comme à réfuter, m’a fâché, je l’avoue, venant d’un esprit aussi net et aussi droit que M. […] ne forçons pas ainsi les choses ; vous surtout qui avez bien assez d’esprit et de piquant sans le paradoxe !
Mousquetaire gris à dix-sept ans, mestre-de-camp de cavalerie, il est démissionnaire en 1702, de dépit de n’avoir pas passé brigadier : le roi, qui à cette date avait plus que jamais besoin d’officiers, et qui n’aimait pas les esprits si prompts à fixer leur droit, ne lui pardonna jamais d’avoir quitté l’armée. […] Même après sa lettre anonyme à Louis XIV, si éloquente et si dure, soupçonné et, dans l’esprit, du roi, convaincu de l’avoir écrite, il resta à la cour. […] Ses Mémoires fourmillent d’inexactitudes, d’erreurs, de mensonges même, de ces mensonges passionnés qui échappent aux honnêtes gens de petit esprit ; ils ne doivent être consultés qu’avec bien des précautions comme document historique. […] Car il a du reste l’esprit médiocre, étréci, déformé par un amour-propre aussi mesquin que violent. […] Ce qui est pour l’esprit est souvent faux : mais ce qui est pour la sensation est toujours réel.
Nous ne sommes pas les seuls à signaler la tournure d’esprit paradoxale de M. de Gourmont. […] Prenant des notes, dégageant les principes, m’efforçant surtout d’atteindre la sensibilité et la tournure d’esprit des auteurs, je ne me suis décidé à publier mon Art d’écrire que sur les très vives instances de mes amis. […] A côté d’une doctrine ferme, le dilettantisme est si tentateur pour un esprit subtil ! […] Prenant des notes, dégageant les principes, m’efforçant surtout d’atteindre la sensibilité et la tournure d’esprit des auteurs, je ne me suis décidé à publier mon Art d’écrire que sur les très vives instances de mes amis. […] A côté d’une doctrine ferme, le dilettantisme est si tentateur pour un esprit subtil !
Influence du temps, cette climature qui joue sur notre esprit comme l’autre atmosphère sur nos organes ! […] Prenez l’histoire de l’esprit humain ! Les plus grands philosophes n’ont qu’une idée qui tyrannise leur esprit. […] En sa qualité de chrétien, Champagny tient cette question pour résolue ; mais pourtant, puisqu’il fait un livre, c’est qu’il veut apparemment pousser ou incliner les esprits vers la solution qu’il possède et sur laquelle il est tranquille. […] Le midi ne sera donc pas venu pour cet esprit qui promettait tant !
La race, que Madame Sand a niée à dix reprises différentes et qu’elle avait ses raisons pour nier, la race est ce qui manque le plus à la nature de son esprit, et cette Correspondance l’atteste ! La Correspondance prouve jusqu’à la dernière évidence à quel point Madame Sand, cette égalitaire, avait, au fond, l’esprit commun dès qu’elle était naturelle et que la nécessité de faire du style ne l’étreignait pas. […] C’est, je crois, le prince de Ligne qui a dit ce joli mot profond, quoique joli : « qu’on n’est point une personne d’esprit si on n’en a pas avant d’avoir ôté son bonnet de nuit, le matin ». Eh bien, Madame Sand n’a jamais d’esprit dans le bonnet de nuit de sa Correspondance ! […] Mais aux tous les jours de cette Correspondance qu’on nous étale et qu’on eût mieux fait de cacher, elle se montre à nous dans un déshabillé et un négligé terribles pour sa gloire et pour la naïveté sans distinction d’un esprit qui, par lui-même et primesautièrement, n’existe pas.
On ne veut voir dans la perception qu’un enseignement s’adressant à un pur esprit, et d’un intérêt tout spéculatif. […] La vérité est qu’il n’y a pas de cercle, parce que la ressemblance d’où l’esprit part, quand il abstrait d’abord, n’est pas la ressemblance où l’esprit aboutit lorsque, consciemment, il généralise. […] Mais la vérité est que cette image indépendante est un produit artificiel et tardif de l’esprit. […] En fait, toute association par contiguïté implique une position de l’esprit intermédiaire entre ces deux limites extrêmes. […] De sorte que le rêve serait toujours l’état d’un esprit dont l’attention n’est pas fixée par l’équilibre sensori-moteur du corps.
Il y a là une preuve de plus de cette tranquillité d’esprit et de cette faculté de travail uniforme, deux traits distinctifs de la forte nature que nous étudions. […] Il était de ces forts tempéraments d’esprits qui ne sont contents et bien portants, qui ne respirent, pour ainsi dire, à l’aise, que quand ils ont toute leur charge et que leur capacité d’application est remplie. […] C’est l’ouvrage où il se peint le mieux dans la force de sa maturité, avec ce bon goût qui naissait d’un bon jugement, avec sa sûreté d’appréciation et cet esprit net et ferme qui était le sien. […] C’est cette mesure de sentiments qui règne dans ces derniers chapitres et qui constitue en quelque sorte l’esprit de son Histoire. Il n’y a trace nulle part de déclamation, qui était la chose la plus antipathique à sa nature ; on n’y trouve aucune de ces concessions marquées faites à l’esprit du jour ; toutes ses remarques sont telles qu’elles lui viennent de son propre fonds.
M. de Joyeuse avait une fille qui avait de l’esprit et de la beauté ; Maucroix la voyait se former et grandir : « Comme ce garçon est bien fait, a beaucoup de douceur et beaucoup d’esprit, et fait aussi bien des vers et des lettres que personne, à quinze ans elle eut de l’inclination pour lui. » C’est Tallemant qui nous peint ainsi son ami, et qui nous raconte l’historiette romanesque. […] Ces nuances ou plutôt ces distinctions très nettes et très intimes sont essentielles pour caractériser l’esprit des temps. […] Le surintendant Fouquet, à qui il était fort recommandé par Pellisson, et qui aimait à se donner tous les gens d’esprit pour créatures, avait envoyé Maucroix à Rome sous le titre d’abbé de Cressy, et en qualité d’agent diplomatique à demi accrédité, à demi secret : le but précis de la mission est resté assez obscur. […] Les lettres qu’il écrit durant le temps de ce séjour à Paris à son ami le chanoine Favart nous peignent à ravir et au naturel sa situation d’esprit : « Vous connaîtrez, si je ne me trompe, au style de cette lettre, dit-il dès les premiers jours, que je suis un peu sombre ; il est vrai que je le suis : que sert de dissimuler ? […] Il ne mourut qu’en 1708, à l’âge de quatre-vingt-neuf ans, « ayant conservé jusque dans cette extrême vieillesse toute sa belle humeur, et toute sa fermeté d’esprit jusqu’au dernier soupir ».
S’ils manquèrent de la politique du moment, ce fut positivement parce que cette politique instantanée ne leur avait jusqu’alors inspiré que du mépris ; mais les affaires les auraient formés, parce qu’elles ont seules la puissance de courber les esprits forts jusqu’aux considérations honteuses qu’exigent l’état et les intérêts d’une société presque en dissolution. […] Le ministère lui-même en proposait de fort dures, mais selon lui indispensables, eu égard à l’état des choses et à la disposition des esprits. […] se peut-il que cet exemple, en sens inverse, soit devenu bien plutôt attrayant et contagieux pour une partie de la jeunesse nouvelle ; que ce soit précisément au mauvais côté des souvenirs d’une époque qui en offre de si louables, que de jeunes esprits aillent se rattacher de préférence en vertu de je ne sais quel faux idéal rétrospectif ? […] Nous faudra-t-il admettre qu’il y a dans l’esprit humain des traces innées, des moules tout prêts pour des fanatismes quelconques, des retours et comme des accès périodiques pour des erreurs qu’on croyait épuisées ? […] Michaud dans un coin, lui parle longuement à l’oreille, et puis sort : il se ravise et rentre un moment après, en lui disant, le doigt sur les lèvres : « Au moins je vous recommande bien le secret, mon cher ami. » — « Soyez tranquille, répondit Michaud, je cacherai ce secret-là dans les Œuvres complètes de Lacretelle. » Il faisait ainsi d’une pierre deux coups et se moquait de deux amis diversement ridicules. — Une autre fois encore, rencontrant M. de Marcellus : « Eh bien, lui dit-il, vous devez être content de la Quotidienne, il y a de l’esprit. » — « Oui, répond le benoit Marcellus en faisant la grimace, mais voyez-vous, mon cher ami, il y a toujours quelque chose de satanique dans l’esprit. » Michaud racontait cela sans avoir l’air d’y toucher et en se moquant. — Puisque j’y suis, j’achève de rassembler les traits qui le peignent.
Zeller sur les premiers temps de cette République romaine si connue dans son esprit, si incertaine dans ses annales, et où la légende le dispute d’abord à l’histoire. […] Il y avait, quoi qu’il en soit, dans l’esprit politique des Romains tout le contraire, à certains égards, de l’esprit des Spartiates, une faculté de se transformer et de transiger sans briser, une disposition adoptive, si j’ose dire, qui n’existait pas en Grèce : comme l’aristocratie anglaise, le Sénat romain résistait aux réformes jusqu’au dernier moment ; puis, ce moment venu, il cédait et s’accommodait du nouvel ordre. […] Si Bossuet a hautement défini au moral l’esprit public des Romains dans les beaux temps de la République, M. […] L’esprit de parti fausse ainsi les vues et mène à des conclusions révoltantes. […] Toutes ces pensées et bien d’autres naissent à l’esprit, en lisant les chapitres nourris et sérieux de M.
Les femmes de la cour ont toutes de l’esprit comme des diables, et sont méchantes de même. […] Pour M. le Dauphin, il a beaucoup d’esprit, et plus qu’il n’en paraît avoir. […] J’en demande bien pardon au comte Vitzthum, mais j’en appelle à son esprit judicieux et je l’attends à une seconde révision. […] Le duc de Luynes, un très bon esprit et qui est fort à consulter à son sujet, nous raconte une conversation de lui qu’il tenait d’un tiers digne de foi. […] Qu’on les examine à Dettingen et à Fontenoy, et l’on verra si c’est le même esprit qui règne.
Mais la simplicité de Fontenelle, dans sa rare distinction, ne ressemble à nulle autre : c’est une simplicité tout exquise, à laquelle on revient à force d’esprit et presque de raffinement. […] Ce qui frappe surtout, c’est le contraste de cette expression, bien souvent un peu mince, avec la grandeur de l’esprit qui embrasse et parcourt les plus hauts sujets. […] Elles me peignent bien la diversité de cet esprit mobile, qui se croit revenu de tout, et qui porte encore en lui toutes les illusions. […] Il n’assista qu’à deux ouvertures de corps : Jamais, dit-il, l’impression que fit sur moi la vue des deux cadavres ne s’effacera de mon esprit. […] Au reste, cette demi-révolution, cette réforme que j’appelle est déjà en partie faite, et la cause peut sembler gagnée auprès des bons esprits.
Chez lui-même, en effet, on ne voit rien de systématique, et l’esprit fort ne s’y pose point comme tel. […] Il ne songea plus désormais qu’à jouir de la vie en sage épicurien ou en cynique mitigé (c’est son expression), et à se livrer à ses goûts, où les sens se mêlaient agréablement à l’esprit. […] On a plus d’esprit en vers, quand on en a, qu’en prose. […] Cette Lisette, ce Crispin, nous enlèvent par leur feu roulant d’esprit sans effort ; ils ont coup sur coup des poussées de veine. […] Voilà de ces vers encore, entre tant d’autres de Regnard, qui m’aideront à définir sa manière, et dans lesquels il se sent comme un rejaillissement de l’esprit de Rabelais.
Il laissait deux fils ; l’aîné qui lui succéda, Fédor, débile de corps et d’esprit, incapable de régner par lui-même, prit pour Premier ministre ou régent de l’empire un boyard son beau-frère, nommé Boris Godounof, homme ambitieux, habile, et né pour commander. […] Le faux Démétrius, en effet, ne fut que la personnification de l’esprit populaire qui cherchait son objet, son libérateur, et qui se demandait de toutes parts : « D’où naîtra-t-il ? […] Mérimée, fidèle en cela à l’esprit classique, ne mêle point les genres : Accablé par ces tristes nouvelles, Boris faisait des efforts surhumains pour cacher son désespoir. […] Il n’est pas de ces esprits qui cherchent en toute étude autre chose qu’elle-même ; il est droit, il aime le vrai, il l’aime avant tout. […] Et à ce propos je ne puis m’empêcher de remarquer à part moi, en souriant, combien M. de Sacy est, en tout, de la famille d’esprits la plus opposée à celle de M.
Une littérature malade devait conduire naturellement les esprits réfléchis à cette conclusion : « Le génie n’est qu’une maladie. » Quels sont, suivant l’auteur, les caractères indubitables du génie ? […] Mais si c’est là une description fantastique, si, au lieu de décrire le génie vrai, on n’a décrit que le faux génie, le génie malade et égaré, rien n’est fait, rien n’est prouvé, et il reste toujours à établir comment l’état le plus sain de l’esprit se trouve avoir la même origine que ses maladies les plus déplorables. […] Ce qui constitue le génie, ce n’est pas l’enthousiasme (car l’enthousiasme peut se produire dans les esprits les plus médiocres et les plus vides) ; c’est la supériorité de la raison. […] En un mot, le génie est pour nous l’esprit humain dans son état le plus sain et le plus vigoureux. […] Je ne dis pas que le cas soit si grave ; mais, à coup sûr, celui qui a fait cela n’est pas un esprit du commun : il a le droit de se ranger lui-même au nombre des esprits distingués qu’ont eu des pensées bizarres ; et son ouvrage ne serait pas un faible argument en faveur de son opinion.
Plus d’une fois, sans doute et surtout en dernier lieu, on a voulu dénaturer cet esprit militaire, en le faisant servir à la conquête ; mais il sera toujours l’amour de la gloire acquise par le danger, car le Français ne se laisse pas conduire seulement par le sentiment du devoir, trop sec et trop métaphysique pour lui ; enfin cet esprit militaire est protecteur avant tout ; il doit donc toujours tendre à redevenir de la chevalerie. […] Voudrait-on, par exemple, que nous eussions l’imagination mobile, l’esprit très prompt à saisir les rapports, et que nous fussions, en même temps, prudents et circonspects en toute occurrence ? […] C’est peut-être dans cette seule combinaison de la marche de l’esprit public qu’il faut attribuer la distance qui se trouve maintenant entre les mœurs et les opinions. […] Il est évident que nous perdons ici le principe de l’unité, principe vers lequel la société a constamment gravité à toutes les époques de l’esprit humain. […] La légitimité est en France au nombre des nécessités sociales ; c’est le seul frein à l’impétuosité de notre esprit et à la mobilité de notre imagination.
Son esprit est ailleurs. […] Il n’a pas d’esprit ; il ne trouve jamais de mots piquants ; sa conversation n’a aucune souplesse ; il ne sait pas tourner autour d’une idée, l’effleurer, s’en jouer. […] C’était une chose triste et touchante que de voir ce puissant esprit, déchu de hautes fonctions qu’il honorait, se rabaisser à l’enseignement de la grammaire, et relire Burnouf pour sa répétition du matin. […] L’indifférence, l’immobile, l’éternelle, la toute-puissante, la créatrice, aucun nom ne l’épuise ; et quand se dévoile sa face sereine et sublime, il n’est point d’esprit d’homme qui ne ploie, consterné d’admiration et d’horreur. Au même instant cet esprit se relève ; il oublie sa mortalité et sa petitesse ; il jouit par sympathie de cette infinité qu’il pense, et participe à sa grandeur. » Il était tard ; mes deux amis me renvoyèrent, et j’allai dormir.
Messieurs, toutes les fois que cette question revient, ma pensée est assaillie d’un souvenir ; ce souvenir est bien ancien et n’a rien qui puisse passionner les esprits. […] Cette loi, en vérité, a eu bien de la peine à se faire comprendre dans son principe et dans l’esprit qui en avait inspiré le projet. […] Il s’est formé depuis plus de quinze ans, je l’ai déjà fait remarquer, des générations jeunes, animées d’un esprit qui n’est plus celui des régimes antérieurs. Cet esprit, quel est-il ? […] Vacherot, esprit sévère, consciencieux, voué à la science pure et rien qu’à la science, est une des intelligences les plus honorables de ces temps-ci.
. — Ancien esprit du Tiers. — Les affaires publiques ne regardaient que le roi. — Limites de l’opposition janséniste et parlementaire. […] Entrée de la philosophie dans les esprits ainsi préparés. — À ce moment celle de Rousseau est en vogue. — Concordance de cette philosophie et des besoins nouveaux […] C’est l’esprit de Rousseau, « l’esprit républicain588 » ; il a gagné toute la classe moyenne, artistes, employés, curés, médecins, procureurs, avocats, lettrés, journalistes, et il a pour aliments les pires passions aussi bien que les meilleures, l’ambition, l’envie, le besoin de liberté, le zèle du bien public et la conscience du droit. […] La parole gigantesque et vague s’interpose entre l’esprit et les objets ; tous les contours sont brouillés et le vertige commence. […] Les étrangers qui sont de sang-froid et qui assistent à ce spectacle, Mallet du Pan, Dumont de Genève, Arthur Young, Jefferson, Gouverneur Morris, écrivent que les Français ont l’esprit dérangé.
M. de Hartmann a eu raison de dire : « Si je considère un triangle rectangle sans avoir un intérêt particulier à l’étude de la question, toutes les idées possibles peuvent s’associer dans mon esprit à la pensée de ce triangle. […] Quant au travail de l’esprit, c’est, dit Balzac, un des plus grands de l’homme. […] Chez un même peuple, d’une contrée à l’autre, l’esprit change notablement, et, malgré cela, cet esprit particulier à une contrée n’est pas toujours reconnaissable. […] En un mot, c’est toujours la réussite rare et précieuse, c’est le coup de défavorable qui fait gagner la partie.Un sociologiste remarquable par l’originalité des vues et la finesse de l’esprit, M. […] Pareillement, « un même moment de l’esprit germanique a mis au jour Hegel et Gœthe, comme un même moment du génie anglais a produit le théâtre brutal de Wycherley, les grossières satires de Rochester et le violent matérialisme de Hobbes ».
Il s’agit là d’une création spontanée de l’esprit et cela n’a plus rien de commun avec la constatation des phénomènes naturels, dans lesquels notre esprit ne doit rien créer. » Opinion que Zola repousse énergiquement et avec logique, puisqu’elle serait la négation de sa méthode expérimentable appliquée à la littérature. […] L’homme, sanctifié par le spiritualisme, tendait la main à ses frères les anges, se croyant si près d’eux que le monde animal, le monde végétal n’étaient plus rien dans son esprit qu’un décor gracieux planté par le divin régisseur des forces cosmiques. […] Pour lui un esprit vivant immatériel est aussi inconcevable qu’une matière sans esprit et sans vie. […] Pour les esprits de bonne foi, il est incontestable que la théorie du matérialisme pur ne peut plus être soutenue. […] Il n’est pas vrai, que j’aie voulu corrompre et décourager les esprits, et, si cette opinion me laisse indifférent à cette heure, c’est que je ne crois pas à sa durée.
De tous ceux qui ont travaillé pour le Théatre de l’Opéra-comique, il est celui qui a le mieux saisi l’esprit de ce genre de Spectacle. […] La Chercheuse d’esprit sera toujours la plus agréable & la plus ingénieuse de ces sortes de bagatelles, qui exercent tant de Chercheurs d’esprit qui n’ont encore trouvé que le verbiage, la fadeur, & jamais le goût & la raison. […] Il est un Auteur en crédit, Dont la Muse a le don de plaire ; Il fit la Chercheuse d’Esprit, Et n’en chercha point pour la faire.
Il a de l’esprit, il sait s’en servir. […] Part-il des sens pour aboutir à l’esprit ? […] Comme Spinoza avait l’esprit géométrique, il avait l’esprit de finesse, qui est l’esprit de discernement et d’analyse. […] Il y a souvent plusieurs hommes dans le même homme, plusieurs esprits, et même contradictoires, dans le même esprit. […] Elle est la maîtresse des esprits.
Il y a des esprits séverement exacts, qui ne sçauroient goûter les comparaisons. […] En quoi consiste la perfection d’un esprit poëtique ? […] Or le degré de disposition dans l’esprit du poëte, n’emporte pas toujours le même degré d’execution. […] Il avoit l’esprit vaste et fécond, plus élevé que délicat, plus naturel qu’ingénieux, et plus amoureux de l’abondance que du choix. […] Un sens peut être diffus en grec, et blesser l’esprit par ce défaut ; si de quatre termes qu’on y emploie, il s’en trouve un d’inutile ; et le même sens peut être précis en françois, et flatter l’esprit par cette beauté, s’il exige sept ou huit termes, et qu’on n’y en emploie pas davantage.
L’esprit, au début, s’accommode aux parcelles de réalité qu’il a pu saisir ; mais, dès qu’il s’agit d’une réalité plus étendue, et de toute la réalité, c’est elle que nous accommodons à notre esprit ; c’est notre esprit qui complète les faits, et qui les pétrit, et qui suppose entre eux des relations afin de justifier des lois. […] Nulle grâce ; jamais de sourire ni d’abandon ; point d’esprit, sinon à coups de massue. […] Il a l’esprit, et il a la « blague ». […] D’autre part, il a l’esprit inquiet, généreux et hardi. […] Il exprima à sa façon l’aimable désordre de nos esprits.
J’y montai en esprit, pour prendre de là mon panorama historique. […] Je recueillais dans cette entière liberté d’esprit le fruit de mon indépendance d’engagement avec tous les pouvoirs et tous les partis. […] Les journaux de toutes les nuances en France et en Europe le reproduisirent et lui donnèrent, par leurs commentaires, le retentissement d’une chute anticipée du trône d’Orléans dans les esprits. […] Peu de temps après, je repartis de Paris pour Bessancourt, afin de compléter et d’éclaircir quelques autres circonstances du récit restées obscures dans mon esprit. […] Voilà dans quel esprit de répulsion instinctive contre votre idole et d’impartialité historique dans l’histoire je viens recueillir vos souvenirs.
Cette manière de procéder est si conforme à la pente naturelle de notre esprit qu’on la retrouve même à l’origine des sciences physiques. […] Or, c’est surtout en sociologie que ces prénotions, pour reprendre l’expression de Bacon, sont en état de dominer les esprits et de se substituer aux choses. […] Mais cette définition initiale énonce comme une chose ce qui n’est qu’une vue de l’esprit. […] Le seul fait de les soumettre, ainsi que les phénomènes qu’elles expriment, à une froide et sèche analyse révolte certains esprits. […] En effet, la façon dont les faits sont ainsi classés ne dépend pas de lui, de la tournure particulière de son esprit, mais de la nature des choses.
Romain Coolus qui fut au théâtre le subtil et pénétrant auteur de Raphaël , de Lysiane et de l’Enfant malade, s’essaie en un genre nouveau : il se révèle poète funambulesque dans le Marquis de Carabas renouvelé, avec esprit, du conte classique de Perrault ; le charme et l’imprévu de la fantaisie de M. […] Il y a autre chose sans doute : une anecdote piquante, un caractère de femme curieusement observé, des types d’hommes d’une fantaisie amusante, de l’esprit, encore de l’esprit, toujours de l’esprit ; mais ce que l’on a surtout goûté, c’est la philosophie.
Cette manière de voir, qui est celle de toute une classe d’esprits vigoureux et francs, a été poussée à fond et couronnée du génie même de la gaieté par Molière, en son immortelle comédie. […] Enfin, elle a mis en liberté l’esprit qu’on tenait captif sous ce préjugé, et elle seule nous maintient dans nos droits. […] Son père, savant dans le goût du xvie siècle, était de plus un homme d’esprit et qui pensait par lui-même ; nous en pouvons encore juger. […] Le père de Mme Dacier n’était donc nullement un pédant, mais tout à fait un homme d’esprit, plein de vues et de liberté dans l’érudition. […] Il nous restait une fille très aimable, qui était toute notre consolation, qui avait parfaitement répondu à nos soins et rempli nos vœux, qui était ornée de toutes les vertus, et qui, par la vivacité, l’étendue et la solidité de son esprit, et par les talents les plus agréables, rendait délicieux tous les moments de notre vie ; la mort vient de nous la ravir.
C’est précisément tout ce que la France de la Révolution, la France de 89 avait à abattre, en dégageant et achevant les parties nettes et vives de l’Ancien Régime, et en y versant l’esprit d’égalité, l’esprit de bon sens et de droit commun opposé au principe monarchique du droit divin : et c’est ce qu’elle a fait à l’Assemblée constituante avec grandeur et quelque inexpérience, ce qu’avertie et mûrie elle a refait ensuite sous le Consulat avec précision et perfection, sous l’œil d’un génie, mais à l’aide des hommes modernes issus de l’ancien régime. D’Argenson, mort depuis tant d’années, eût mérité d’être de ces hommes ; il en était par l’esprit, par l’instinct, et des plus précoces ; c’est son principal titre d’honneur aujourd’hui. […] Une des maximes de sa politique était qu’on augmentât chez le propriétaire foncier l’esprit de propriété, mais que l’office public ne pût jamais être considéré comme propriété par l’officier qui en était investi. […] Richer d’Aube, neveu de Fontenelle à la mode de Bretagne, auteur d’un Essai sur les principes du droit et de la morale, esprit rectiligne des plus rigides5, et l’un des plus terribles disputeurs de son temps. […] ) Il semble, en vérité, qu’on tourne le dos exactement à tout ce qui est à propos, tant nous sommes gouvernés par de petits esprits !
Elle affectait l’esprit romain, et moi je l’eus toujours romanesque ; cela se tenait d’assez près. […] Il passa très-rapidement par trois états d’esprit successifs. […] Votre esprit par ses lumières, votre cœur par sa droiture, ne devaient-ils pas vous garantir des soupçons odieux que vous avez conçus ? […] Vrai rôle de bon esprit et d’honnête homme. […] « A la honte de la philosophie, de l’esprit, du savoir, nos Académies sont remplies d’extravagants.
La distinction, l’élévation d’esprit et de sentiments de Mme de Boufflers nous sont suffisamment attestées et prouvées par tout ce que nous avons vu de ses actions et de ses paroles : c’est une personne qui a tout droit d’occuper l’historien littéraire ; nous ne l’inventons en rien, nous la retrouvons. […] Beauclerk, un homme d’esprit très à la mode, un des chevaliers de Mme de Boufflers à Londres, et qui est ici le narrateur : « Quand Mme de Boufflers vint pour la première fois en Angleterre, elle était curieuse de voir Johnson. […] La délicatesse et l’esprit qui brillent dans ce morceau sont bien dignes du sujet qu’il traite ; voici comment il s’exprime : « Je dédie cet ouvrage à la personne à qui je dois le bien le plus précieux de la vie pour qui sait en jouir. Distinguée par le rang et la naissance, elle l’est infiniment plus par l’élévation et la délicatesse des sentiments, la beauté du génie, l’étendue des lumières, la pénétration de l’esprit, la précision et la vigueur du raisonnement, la pureté et l’élégance du langage, la justesse et la finesse du goût. […] Elle avait porté quelque chose d’elle-même et de son genre d’esprit dans les embellissements qu’elle avait faits, autour d’elle.
Des esprits amis du graveleux ont déjà pris cette publication par un bien petit côté62. […] Il a même eu quelque temps la réputation d’esprit, qu’il a perdue par quelqu’une de ses lettres qui ont paru dans le public et qui étaient peu honnêtes et très-maladroites. (12 novembre 1775.) » Cette réputation d’esprit qu’on avait refaite à Louis XVIII devenu roi fut également compromise aux yeux de tous par la publication de ce pitoyable Voyage à Bruxelles et à Coblentz. Il avait certainement de l’esprit, mais un esprit calculé, apprêté, et de très-courte haleine. — Marie-Antoinette continue de nous éclairer sur les manèges et les tortuosité de l’auguste personnage ; elle et Louis XVI savaient à quoi s’en tenir sur ces secrets de famille qu’on nous révèle aujourd’hui : « Je n’ai jamais oublié ce que ma chère maman me dit sur le caractère piémontais ; il va très bien à Monsieur, et, à cet égard, il ne s’est point mésallié. […] J’ai tant vu d’injustices de ce genre et de faux jugements accrédités, à force d’être répétés, sur des personnes qui ne les méritaient pas, que je laisse toujours dans mon esprit une porte entr’ouverte à la contradiction et au doute. […] Ce critique, en se nommant, s’est fait connaître à moi comme un esprit sérieux et même sévère, qui n’entend pas badiner en matière morale ou historique.
Béranger qui, à plus de trente ans de là, eut bien des confidences de La Mennais, a dit dans une lettre à un ami : « Vous avez bien jugé la nature de son esprit. […] La vue de ces champs qui se flétrissent, ces feuilles qui tombent, ce vent qui siffle ou qui murmure, n’apportent à mon esprit aucune pensée, à mon cœur aucun sentiment. […] C’est la question qu’il roule et agite en son esprit durant ces années et qu’il mit bien du temps à résoudre. […] Ma vie se passe dans une sorte de milieu vague entre toutes ces choses, avec un penchant très fort à une indolence d’esprit et de corps, triste, amère, fatigante plus qu’aucuns travaux, et néanmoins presque insurmontable. […] Quand il fonda le journal le Monde avec ce même Charles Didier, George Sand et Liszt, on eut un curieux spectacle : c’étaient assurément tous nobles esprits ou talents, pris chacun en soi et individuellement ; mais l’alliance, il faut en convenir, était étrange.
Quand plus tard il voulut se détacher de l’acolyte qu’il s’était donné, et faire cause à part, il n’était plus temps : l’esprit de parti ne faisait plus entre les deux grande différence. […] Il y a quelqu’un qui a plus d’esprit que Voltaire, plus d’esprit que Bonaparte, plus d’esprit que chacun des directeurs, que chacun des ministres passés, présents, à venir : c’est tout le monde. […] Mais comment un esprit si net et si juste en prose pouvait-il se prendre d’une sorte d’admiration pour de tels amphigouris soi-disant lyriques ? […] Mais l’esprit de M. de Talleyrand était peu porté à ces antithèses. […] Il fit des avances : Mme de Dino, avec son attrait de haute distinction et sa coquetterie d’esprit, l’y secondait puissamment.
Se peut-il qu’avec tant d’esprit, vous soyez si peu maître de vous ? […] » Si je suis sérieuse, parce qu’on ne peut être fort gaie au milieu de beaucoup de gens qu’on ne connaît pas : « C’est donc là cette fille qui a tant d’esprit ? […] Sa physionomie annonce d’abord son esprit : un air du monde, répandu dans toute sa personne, le rend aimable dans toutes ses actions. Les agréments de l’esprit en excluent souvent les parties essentielles. […] Quand il est question d’écrire à mes amis, je ne songe jamais qu’il faille de l’esprit pour leur répondre : mon cœur me suffit à tout.
Massillon, Fléchier, Sieyès, qui étaient aussi du Midi, avaient en prononçant l’esprit doux, comme disaient les Grecs ; Raynouard, plus agreste, avait l’esprit rude, quelque chose de fort et de mordant dans la prononciation. […] Il traita de la tragédie considérée dans son influence sur l’esprit national : il se plut à montrer dans la tragédie des anciens, dans celle des Grecs, une institution politique. À Athènes, dès l’origine, il en fut ainsi ; à Rome, la tragédie, importée tard, et toute de cabinet, n’eut aucune influence sur l’esprit national. […] Voltaire a dit avec autant d’esprit que de raison : De nos cailloux frottés il sort des étincelles. […] Ce défaut, que ne corrigeaient pas suffisamment son bon sens et son exactitude de détail, me paraît essentiel dans la forme de son esprit.
Il lui doit d’avoir pénétré pour la première fois dans la vie de l’esprit. […] Et encore (21 mars 1738) : « Quant à mon esprit, je le cultive autant qu’il m’est possible. […] J’ai parlé de philosophie et de métaphysique : même à cette date où Frédéric s’y laisse le plus initier, il ne faut pas croire qu’il sorte pour cela de son tour d’esprit pratique et de son caractère. […] Les lettres que Frédéric lui écrit durant ces trois ans sont d’un grand intérêt, en ce que l’on continue d’y saisir les progrès et la marche de son esprit. […] On ne retrouve guère des gens qui ont tant d’esprit joint avec tant de candeur et de sentiment.
est-ce à lui supériorité d’esprit autant que supériorité de caractère, d’y avoir cru en un sens qui s’est trouvé à demi illusoire ? […] Avec un cœur droit comme son esprit, il se jugea toujours comme les circonstances. […] Depuis, j’ai souvent repassé en esprit, comme le revers et l’ombre de bien des ovations, cette humble image du commandant populaire79. […] Politiquement, cette manière de faire ne saurait entrer dans l’esprit de ceux qui ne la sentent pas déjà par le cœur. […] Je n’ai rien… » Il avait l’accent méridional de Fréjus, mais point l’accent rude et rauque comme Raynouard ; il avait l’esprit doux.
C’est un esprit foncièrement subjectif. […] André Gide établit une distinction entre l’esprit et l’âme1. « L’esprit, ce n’est rien… L’esprit change, il s’affaiblit, il passe : l’âme demeure… » Il reproche ceci à Emmanuèle : « Ton esprit dominait ton âme… Je t’en veux de n’avoir pas frémi devant l’immensité de Luther… Tu comprends trop les choses et tu ne les aimes pas assez… » Il se plaint : « Nos esprits se connaissent tout entiers. […] Cet ami du changement montre un esprit de suite bien exceptionnel. […] André Gide, qui ne compte que sur l’esprit d’initiative et d’entreprise. […] Les libéraux, encore nombreux, n’ont pas l’esprit partisan poussé à l’excès.
Jésus n’est pas un fondateur de dogmes, un faiseur de symboles ; c’est l’initiateur du monde à un esprit nouveau. […] A la vue des merveilleuses créations des âges de foi, deux impressions également funestes à la bonne critique historique s’élèvent dans l’esprit. […] La critique, pour le retrouver tel qu’il fut, a besoin d’écarter une série de méprises, provenant de la médiocrité d’esprit des disciples. […] Loin que Jésus soit le continuateur du judaïsme, il représente la rupture avec l’esprit juif. […] Nos petites tracasseries préventives (bien plus meurtrières que la mort pour les choses de l’esprit) n’existaient pas.
Il lui fallait du plaisir et de l’amusement ; ainsi le voulaient l’ardeur de ses sens et le peu de développement de son esprit. Madame de Montespan, qui avait satisfait longtemps à ses deux besoins, n’y suffisait plus ; plus de jeunesse dans sa figure, ni dans sa taille : son esprit même avait vieilli : plus de ces saillies qui étonnent, qui égalent, qui font étincelle au milieu d’une cour. […] Mettez dans cela toute la grâce, tout l’esprit et toute la modestie que vous pourrez imaginer117. […] Il a beaucoup d’esprit, mais il n’a pas celui de la cour. […] « Comment, dit-il, avec autant d’esprit qu’elle en avait, ne s’est-elle pas aperçue qu’accuser un évêque tel que lui, de n’avoir pas l’esprit de cour, c’était lui accorder un titre de plus à l’estime ?
Dans ce beau drame de la coquetterie aux prises avec l’honneur d’un galant homme, Célimène est seule, sans autre défense que son esprit, sans autre protection que sa beauté. […] On vient, tout exprès chez cette beauté à la Mode, pour la voir, tout exprès pour l’entendre ; elle, de son côté, elle ne songe qu’à montrer beaucoup d’esprit et un charmant visage ; quant au cœur, peu lui importe ! […] Rare esprit, âme plus rare encore ; âme tendre et forte qui n’a peur de rien, pas même du ridicule ; dévouement sincère, amour passionné, bonne foi complète, Alceste, en un mot. […] Alceste dédaigne l’esprit et l’ironie, et c’est bien malgré lui si parfois il s’en sert. […] que d’esprit même dans son silence !
Cet esprit de femme, d’une aimable faiblesse, n’était pas capable d’appuyer sur un sujet qu’il fallait profondément entr’ouvrir pour le féconder. […] Humiliante Fourche Caudine pour le génie qui s’y heurte et y courbe sa lumineuse tête, le feuilleton est une forme littéraire, très commode pour les esprits sans hauteur et débiles qui n’ont pas la force d’organiser un livre, avec ses développements et ses difficiles transitions… et Mme Haller est, malheureusement, un de ces esprits. […] Elle a dans l’esprit, je le veux bien, des besoins dramatiques, mais elle n’en a point la puissance. […] L’esprit intéressé et curieux se dit à chaque instant : « Comment s’en tirera-t-elle ? […] ; c’est, dit textuellement et emphatiquement le roman, à « l’homme nouveau qui jette dans l’esprit des hommes les semences destinées à fertiliser l’avenir ».
Évidemment, c’est par ce côté de leur esprit et de leur style, inépuisablement aqueux et capables d’éternellement couler, qu’on peut les regarder comme étant les successeurs naturels de cet Alexandre ! […] Elle n’aurait pas assez de poussée dans l’esprit, pour écrire ces grands feuilletons abjects, que les imbéciles du temps admiraient, tout abjects qu’ils fussent, comme des fresques immenses. […] — un esprit stérile, sans variété de moyens et de ressources. […] Elle croit que tout est dans la culture de l’esprit ; qu’avec de la pisciculture intellectuelle, on ferait des têtes de femme, des têtes d’homme, comme on fait des huîtres ; et cela pourrait bien être, puisque je me suis laissé dire que les huîtres étaient un mêli-mêlo des deux sexes ! […] Cette femme absolument sans esprit, malgré son espèce de talent, et dont on a osé placer la statue là où Voltaire seul, ce Dominateur par l’esprit, a la sienne, n’a jamais, au fond, inspiré, comme Voltaire, d’enthousiasme à personne, malgré ses succès.
Est-ce la peine, pour si peu, de faire d’Horace un génie délicieux, un esprit divin, un modèle d’élégance, d’urbanité, d’atticisme, l’Attique même, toute une Athènes à lui seul, et Athènes avec son Pirée, que les singes prennent toujours pour un homme ? […] Il a l’esprit gaulois, quoiqu’il soit Romain. […] Pourquoi les voluptueux d’ailleurs que de l’esprit lisent-ils Horace, Horace qui est bien plus le contemplateur de l’amour que l’amoureux espèces sonnantes ? […] Horace, dit Joubert, contente l’esprit, mais il ne le rend pas heureux. […] Joubert fait presque un aveu d’ennui comme Byron, et il vous tue Horace très bien avec sa petite goutte d’essence ; Horace ne rend pas l’esprit heureux !